trimestriel sur le Yoga

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L e s c H e m i n s D u 81 REVUE TRIMESTRIELLE • P910192 1 er TrimesTre 2010 Bureau de dépôt: Liège X BELGIQUE - BELGÏE PP-PB-LIÈGE X BC 6595

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journal de la fédération de Yoga

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L e s c H e m i n s D u

81REVUE TRIMESTRIELLE • P910192

1er TrimesTre 2010Bureau de dépôt: Liège X

belgique - belgïe

pp-pb-liège Xbc 6595

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S’il nous arrive de considérer que notre société représente

sans contexte l’aboutissement de l’évolution humaine et nous

offre un confort jusqu’à présent inégalé, il nous faut cependant constater qu’il y manque l’une

ou l’autre notion fondamentale. Outre le bon sens déjà évoqué

dans le numéro précédent, nous avons perdu avec l’avènement

de la société moderne le sens du sacré qui résidait au cœur des

sociétés primitives et constituait la base de leur relation avec

notre planète.

Nous avons renié nos dieux ances-traux. Je ne parle pas ici des dieux des religions, trop humains parce que trop teintés de la symbolique humaine et des masques que l’homme leur a attri-bués, mais des dieux de la nature qui nous reliaient à la source matérielle de notre conscience. Nous ne savons plus que les animaux sont bien plus qu’un morceau de steak haché dans notre assiette, nous ne voyons dans notre planète que la valeur du pétrole ou des minerais que celle-ci recèle. Nous confondons bonheur et richesse éco-nomique en ne voyant plus au ciel des planètes mystérieuses mais des sour-ces d’enrichissement et d’exploitation. Nous en voulons toujours plus dans une logique de croissance matérielle sans fin.

Or justement tout a une fin, y compris nous et y compris la civilisation humai-ne. La perte de la notion de sacré n’est qu’un des symptômes d’une maladie profonde qui nous ronge et nous fait oublier qui nous sommes vraiment. Capables du pire comme du meilleur, nous sommes des êtres à la croisée du chemin entre une animalité toujours très présente et une conscience élevée encore en état de gestation. Nous ne sommes pas encore aboutis.

Peut-être cherchons-nous à compenser notre fragilité fondamentale et notre infinie petitesse face à l’immensité de l’univers. Peut-être cherchons-nous à

nous rassurer à tout prix en acqué-rant une maîtrise matérielle illimitée de ce qui nous entoure. Quand donc serons-nous rassasiés? N’avons-nous pas assez prouvé de quoi nous sommes capables? N’est-il pas temps à présent de nous reposer de nos conquêtes et de fermer les yeux quelques instants pour écouter à nouveau en nous la voix de notre véritable grandeur, celle de notre conscience profonde qui consti-tue l’autre lien avec notre univers?

Nos ancêtres levaient les yeux vers le soleil et vers la lune comme vers des divinités qui apportaient à leur vie la sécurité et la régularité auxquelles ils aspiraient. Nous n’y voyons plus qu’un phénomène physico-chimique et qu’un satellite qui recèle de l’eau dans ses anciens pôles. Or cette matiè-re qui nous entoure est imprégnée de la même conscience que la nôtre, cette conscience qui va faire que ce prin-temps 2010 sera à nouveau chargé de fleurs et que l’été nous prodiguera ses fruits.

Ce n’est pas parce que nous ne le voyons plus que le sacré a disparu du monde, ce n’est pas parce que nous nous en nourrissons que les animaux sont exempts de conscience. C’est nous qui avons perdu la mémoire. Sou-venez-vous...

Raymond Delvaux

É D I T O R I A L

le sens du sacré

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En s’essayant à une définition du yoga, on peut d’une part,

désigner une discipline du corps et de l’esprit, pré-aryenne,

celle, qui souvent, est reprise en Occident.

Cette discipline aide l’homme à utili-ser son corps et son mental de façon à contrôler au mieux son physique et son psychisme, lui évitant l’inutile épar-pillement, les mouvements centripètes de son être, l’amenant à expérimenter une plus grande maîtrise de soi, un état d’harmonie, de calme, de sérénité, bref de bien-être personnel, lequel bien-être est bénéfique intérieurement mais aussi relationnellement. Ce n’est donc pas nécessairement un apprentissage pour «soi tout seul».

D’autre part, par yoga, on peut enten-dre une discipline unitive par laquelle nous conjuguons nos énergies, nous coalisons nos forces et possibilités pour nous faire accéder à un état de déconditionnement physique, mental et spirituel : nous permettre d’expérimen-ter un état de libération et de réalisation profond ; et d’enlever les obstacles à l’union au divin, en utilisant, en quel-que sorte, ce que saint Thomas d’Aquin appelait les «sacramenta naturae».

Selon les moyens utilisés, on distin-guera :

karma-yoga 1. : discipline valorisant le rite et les devoirs ;

bhakti-yoga 2. : discipline par la dévo-tion ;

jnana-yoga 3. : discipline par la réflexion, la «connaissance» et la médi-tation ;

tantra-yoga 4. : disciplines suivant les injonctions des tantra (= «La scien-

ce de l’expansion de la conscience et de la libération de l’énergie» - swâmî Satyananda)

japa-yoga 5. : discipline unitive par répétition d’un nom divin, etc.

Pour progresser, écrit Michel Delahoutre1, il faut une triple armature :

1. IntellectuelleIl s’agit de reconnaître, pour s’en dessaisir, les éléments de la nature («prakti»). L’être spirituel («purusha») serait, en effet, indûment, incarné dans la prakti, ce qui est pour lui cause de dispersions et d’aliénations multiples. L’ignorance de notre purusha nous rend esclaves du cosmos. Il nous en importe donc de reprendre conscience du principe autonome et transcendant qu’est le purusha, distinct des sim-ples expériences psycho-mentales. Ma souffrance est liée à la prakti, non au purusha. C’est la connaissance vraie qui peut me mener progressivement vers la contemplation de ce purusha, vers cette auto-contemplation et, peut-être, arriverai-je au seuil même du réveil fondamental ;

2. SpirituelleLa guidance d’un guru (au sens orien-tal de «guide spirituelle» aux antipo-des du guide manipulateur et inqui-siteur à visée sectaire) s’avère indis-

P H I L O S O P H I E

Yoga profane & Yoga sacré

1 Dictionnaire des religions, PUF (Paris 1984)

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pensable. Lui seul peut nous révéler le chemin à suivre ;

3. Méthodologique-pratique, qui comprend 8 anga (membres) com-posant 3 voies :

la voie «purgative», avec :•- yama (règles morales) ;- ni-yama (observances) ;- âsana (postures physiques adap-tées et bienfaisantes) ;- prânâyâma (discipline du souffle)- pratyâhâra (rétraction des sens) ;la voie illuminative, avec :•- dhârana (concentration sur un objet, réel ou fictif, extérieur ou intérieur) ;- dhyâna (méditation proprement dite) ;la voie unitive, avec le • samâdhi, soit

qu’il porte dans l’extase vers l’union à un objet alors que le sujet a conscience de la dualité sujet-objet; soit qu’il nous

situe, dans l’enstase, sur le seul objet de la «conscience», identifié au brahman, ce qui n’est pas sans rappeler l’expé-rience orthodoxe (notamment sinaïti-que) de l’hésychasme.

Ainsi approché, le yoga n’est pas reli-gieux par nature (cf. Les voies pur-gative et illuminative). Il nous «fait du bien» et nous libère. Et l’Occident n’en demande souvent pas davantage. Mais nous rajouterons qu’il est com-patible et pratiqué, en Inde, avec une visée religieuse ; son objet est alors le «divin tourné vers l’homme», Isvara («le seigneur suprême»). Le fait que cette ouverture au transcendant ne soit ni automatique, ni générale, tout en étant fréquente, explique que le yoga intéresse simultanément l’«athéisme» bouddhiste ou jaïniste, le «théisme» shivaïte et vishnuïte, une certaine spiri-

tualité non personnaliste védantique, ou l’Occidental, croyant ou incroyant.

Dans le prolongement de ce qui pré-cède, on pourrait ainsi distinguer un yoga profane et un yoga sacré. Le yoga profane a pour but le contrôle du corps, de nos énergies, d’assurer l’équilibre de nos fonctions, l’harmo-nie naturelle de notre être quotidien. Il comporte les voies purgative et illumi-native. Comme tel, toutefois, ce hatha-yoga est incomplet. Il n’est que le vesti-bule du yoga sacré dont la visée va plus loin, dont le yoganta (buts du yoga) est essentiellement religieux. Comme dit Dechanet2: «Les visées du yoga hin-dou sont d’ordre spirituel. C’est pres-que une tradition de l’oublier, pour ne retenir de cette antique discipline que l’aspect proprement physique, n’y voir qu’un facteur de santé – ou de beauté – corporelle. En fait ces visées se situent bien au-delà de l’équilibre physico-mental, de l’union, de la cohésion des énergies vitales, que réalisent, dans le yogi, la pratique des exercices. Ou plu-tôt, cet équilibre, cette cohésion, elles les intègrent, en faisant d’elles comme la base et la condition première de la réalisation par l’homme de son vrai «moi», de Dieu».

Robert Smet3

2 La voie du silence, DDB (Paris 1963)3Au Royaume de Bharata, Hindouisme, Jaïnisme, Sikhisme (Namur, La Procure 1987)

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C’est d’un plateau étroit où se pause la vie que je jette un

regard vers les flots des torrents de folie et d’argent qui baignent

les vallées encerclant mon repos. En cet instant d’arrêt qui coupe la centaine en deux parts inégales et plus qu’inégalées je me retourne encore sur tout ce que j’étais, que je suis devenu

et ce que j’en ai fait. Le vent qui traîne ici n’est qu’un souffle léger qui caresse en douceur les

relents d’un passé dont je ne rêve plus pour en avoir vécu les

parts les plus ardues.

.

C’est la paix qui s’installe en-dehors et dedans et le plaisir est là de vivre le moment présent dans l’absolu d’une photographie où déjà tu souris, comme un ciel de printemps qui me pousse à vieillir, à me tourner vers toi comme un tendre avenir qui m’attend et me guide au-delà de ce jour que nous avons créé de nos deux coeurs liés.

«Ô temps suspends ton vol» me souffle le poète dont s’inspire mon âme et qui se met en fête aussitôt que j’écris. Les mots se posent enfin sur les touches de nuit qui m’effleurent les doigts comme d’un paradis dont tu es la merveille. Je sais, tu souriras en lisant tout ceci, si tu le lis un jour...

Jardinier ou jardin, architecte ou mai-son, peintre ou chef d’oeuvre en toile ou sculpteur de passions, qui suis-je donc vraiment ? Peut-être le miroir où se mire l’amour dont me comble ton cœur, peut-être ce géant qui se sent moins que nain quand il est un enfant, peut-être rien du tout qu’une infime pensée qui court sur un clavier...

Et je regarde en bas...C’est une étrange histoire et combien compliquée que d’ériger un mont et de l’escalader quand il faut à la fois des deux activités gérer l’une et puis l’autre et les simultaner, semer dessous ses pas des graines de sentier et sentir se dresser vers le ciel le chemin qui

vous force à grimper au flanc de son bon gré tout en déclivités sans vous dire où il va ni s’il va s’arrêter.

Au long de l’ascension j’ai laissé pas à pas les vestiges de corps qui m’ont accompagné et leurs contraintes avec; comme un caméléon je me suis adapté et j’ai changé de peau, à chaque fois muer pour grandir et pour perdre en personnages étroits dont la peau cra-quelait quand je n’y croyais plus.

Je les vois à présent comme d’anciens portraits accrochés aux vieux murs des antiques maisons où j’étais enfermé pour abriter mes peurs de ce pire enne-mi qu’on nomme liberté.

J’étais monté ici pour y laisser flotter le fanion de mes jours, comme un drapeau de gloire à laisser après soi, comme un poids inutile et enfin déposé de l’art de se construire et de se bien mener en bon père de famille, comme disent les gens qui pensent avoir compris.

Assis sur un rocher pour mieux philo-sopher je guette les nuages et ce qu’ils me confiaient lorsque j’étais enfant, ces contes de noblesse et de bonne aventure qui me peuplaient de tant de trésors invisibles aux richesses impré-vues que je gardais enfouis de peur que l’on se moque et ne comprenne rien. Pouvoir en partager les infimes éclats qui s’échappent ce soir de mon sac à malices pour rejoindre la nuit et la perler d’étoiles, voilà ce que je veux

Être un homme

R E G A R D S

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et pourquoi je suis là à t’envoyer mes rêves et à les disperser en semences de voeux...

L’océan de questions qui m’assaille et me tend les bras désespérés d’un dieu déchu enfin conscient de son état se brise sur le roc de ma tranquillité en une éclaboussure de gouttes d’illusions et d’embruns éternels, et l’astre de la vie s’en empare aussitôt dans un grand arc en ciel d’un instant qui s’éteint en ayant tout vécu.

Apprendre ce que c’est que de vivre en humain et en être conscient...

Quel démon implorer pour qu’il chasse l’eau d’yeux et me laisse homme enfin face aux réalités et loin des illusions qui portent autant de fins que la Fin qui s’y cache sous un masque d’argent ? Quel parcours emprunter pour déposer le temps aux pieds du souvenir et de son créateur anonyme et discret ?

Je regarde ces foules qui défilent en

bas et que porte la houle en veux-tu en voilà des désirs qui se roulent jusqu’à gonfler en tas auxquels chacun se sert pour être rassuré dans sa course au néant. Comme un grand champ de blé attendant le faucheur cette mer de blondeur se transporte d’aisance en se laissant aller sans savoir où elle va d’un mouvement constant qui ne se mobilise que pour mieux épouser tout ce qui la retient...

A trop courber l’échine pour être dans

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le vent les roseaux font du sol leur unique élément de but et de raison et négligent le ciel qu’ils ne voient plus jamais. La tempête les couche et devient une amie qu’ils ont apprivoi-sée en acceptant sa loi.

Est-ce bien de ces tiges que sont faits les navires, les portes des châteaux ou les meubles anciens qui transcendent les ans même nombreux comptés ? Est-ce donc de ces brins fléchis que s’extasie chaque génération de l’art des temps passés pour donner aux enfants le sens de leurs racines lorsqu’ils glis-sent les mains sur un ange sculpté ?

En levant le regard je découvre un grand chêne résistant au vent et forçant l’air du temps à lui tourner autour sans se laisser fléchir. S’il frémit quelque-fois de sa vaste ramure c’est que dans l’émotion de ses feuilles immenses se profilent déjà les voiles du vaisseau qu’il deviendra un jour et le plaisir de prendre le large de tout sans rien lais-ser de soi que la force d’un roi et de sa liberté.

Son ombre me préserve et je ne ris-que pas un jour de l’oublier tant sont présents l’écho de ce tronc dense et si lourd de grandeur, de chaleur, ridé par les chemins de cette adversité qui ne se dompte pas mais peut s’appri-voiser, dans un élancement vers le ciel qui s’étend pour descendre vers lui et lui tendre les bras de son éternité.

J’ai puisé dans la force et la solidité des temps immémoriaux dont il est le reflet le pouvoir d’être un fils et de le mériter par un cœur d’où s’écoule la sève puisée en transfusion dans un sol inégal et pourtant nourricier.

Ses racines sont miennes et je ne peux nier être fait de son bois et de sa volon-té qui transcende l’épreuve et convainc

les sommets de se mettre à genoux. Le choix n’existe pas que de se relever et progresser encore en ultime fierté à chaque pas tracé d’un parcours qui se dresse face à l’immensité de ce qu’on ne sait pas.

Être un homme et rêver...Il paraît que monter, monter, monter encore a toujours une fin et jamais un

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début et que ce qui est haut doit tom-ber tout en bas et que ce qui est bas ne porte pas en haut. Mais que faut-il donc croire de tout ce que l’on dit et des fables qui chantent les roseaux tant fléchis par un port de soumis dont se jouent les vents ?

A quoi sert de monter s’il faut tout redescendre ? Que tous ceux qui le croient aillent donc se faire pendre aux vergues des grands mâts qui poussent les bateaux si c’est là leur destin. S’ils voyagent ainsi plutôt que de barrer l’esquif de leur combat face aux flots déchaînés d’avoir brisé les chaînes de leur mont de piété, c’est leur affaire à eux et ce n’est point la mienne.

Je veux jeter un pont par delà les abî-mes des impossibles états que l’on ne peut franchir par les chemins courus des échecs de raison, poser un pied ici et un autre là-haut comme deux ceps de vigne vigoureux et noués l’un en l’autre à jamais, comme deux amou-reux qu’on ne peut désunir tant le temps les confond qui les aime et qui tresse leurs vies en un lien souple et fort à la fois.

Je veux tout ça pour toi et pour tous nos enfants et pour ceux qui suivront, pour que ce point sommet où nous les emmenons ne soit plus qu’une étape et qu’un lieu de transit et de paix vers le palais des dieux qui résident cachés au plus profond de nous.

Certains l’emprunteront qui voudront allumer les étoiles du soir de leur propre étincelle et ils y parviendront. D’autres seront en bas à contempler des cieux qu’ils n’atteindront jamais, mais les ponts seront là pour leur per-mettre un jour de grimper à leur tour et de venir ici et de s’aventurer en des lieux inédits.

De chênes en lianes et de troncs trans-formés en passages ou passeurs pour les êtres aimés qui ne sont point encore mais qui seront un jour, une route se trace qui m’emmène en un lieu qui ne se connait point. Serait-ce le néant et le déni de tout horizon éphémère que l’on croise là-bas ou l’entrée d’une grotte aux mystères éteints qu’il nous faut explorer au risque d’y trouver les traces du malin ?

Nul ne pourrait le dire et c’est très bien ainsi, le suspense qui règne et pose ses questions comme autant de jalons d’un esprit qui progresse joue au petit Pou-cet d’une légende hantée par les affres transis des froideurs de jadis. Le passé s’est éteint pourtant qui s’est durci en un socle solide où s’érige l’airain des héros de toujours, en statue étonnée que les craintes d’hier soient celles d’aujourd’hui malgré tous les combats et toutes les victoires où ils se sont jetés en pâture à l’oubli. Si le monde a changé par l’épreuve des doutes qu’il fallut endurer, il cherche encore un sens pour comprendre le sort qui lui

est réservé et en prendre les rênes, en tous et en chacun.

Mais je vole, je vole et je n’atterris pas, comme un oiseau de nuit qui atten-drait le jour pour pouvoir se poser. Et pourtant tu es là, ici et maintenant, à guetter mon réveil d’un sourire apai-sant comme une île de rêve attend le naufragé qui ne sait point nager. Et je me pose en toi.

Assis sur un rocher... il me faut me lever à présent pour pouvoir progresser et explorer cette arche qui s’étend sur le vide en un arc malicieux au sourire enfantin, pour lancer vers demain le plaisir d’être en vie et de le célébrer et d’en rire à jamais.

Car pour toucher les dieux il faut être bon diable sans doute et oser défier le destin qu’ils croient nous réserver, prendre l’instant en mains pour en presser les sens en dépit des croyances et des limitations qui nous sont impo-sées par nos jeux de savoir.

Placer un pied devant, l’autre frémit déjà, sentir vibrer sous soi ce pont fait de nos bois et de planches craquantes mais solides de foi. Sentir passer en nous la confiance des mains qui se joignent au festin de nos yeux qui se mangent d’amour et de tendresse.

Allons, car il est dit que nous ne des-cendrons pas.

Raymond Delvaux

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Le hatha-yoga est sans doute le yoga dont on entend le plus

parler, mais ceci vient de ce que beaucoup de gens le cantonnent

à la pratique des postures (âsana), ce qui prouve qu’il est mal connu, même par de

nombreux professeurs de yoga !

Il fait partie de ce qu’on appelle les ou le tantra-yoga, et comporte en fait quatre grandes disciplines :• le contrôle et de maîtrise du corps par les âsana ;• le contrôle de la respiration et du souffle vital (prâna) par les prânâyâ-ma. Ceci inclut l’ensemble des pra-tiques de purification des conduits psycho-énergétiques du corps grossier et subtil (les nâdî), par où circule le prâna. C’est également par ces canaux que le prâna peut entrer dans le corps et en sortir ;• le verrouillage de prâna dans la nâdî principale (sushumnâ) par les mudrâ, et la montée de l’énergie vitale le long de cet axe royal ;• le contrôle de l’ensemble du système psychosensoriel par la concentration du mental (dhâranâ), l’intériorisation et la méditation (dhyâna), jusqu’à l’ab-sorption complète (samâdhi).

La plupart des textes de hatha-yoga mentionnent 72 000 nâdî dans le corps, mais il y a parfois des différences consi-dérables selon les sources, tant sur leur nombre que parmi les descriptions et les localisations de ces canaux subtils.

Seules trois nâdî sont importantes : idâ, pingalâ et sushumnâ. Sushumnâ est le canal central, situé le long de la colonne vertébrale. Dans la plupart des représentations, les deux autres, idâ et pingalâ, serpentent et s’entrecroisent depuis la base du tronc jusqu’à la tête,

où elles trouvent des terminaisons ner-veuses subtiles au niveau des narines, respectivement à gauche et à droite.

Les deux nâdî latérales, idâ et pin-galâ, symbolisent aussi des énergies apparemment opposées mais en fait complémentaires dans le corps : lune (candra) et soleil (sûrya), nuit et jour, froid et chaud, humide et sec, prâna apâna, haut et bas, gauche et droite, ha et tha, dont l’union (yoga) ou la ren-contre consacre le hatha.

Les exercices de contrôle du souffle, en particulier le nâdî-shodhana-prâ-nâyâma, visent à purifier les canaux subtils (nâdî).

En guidant l’inspiration du haut vers le bas, le yogin ramène l’énergie vitale (prâna) à l’intérieur du corps, le concen-tre dans les deux nâdî latérales, et le fait descendre des narines jusqu’à l’entrée de la sushumnâ. On comprend l’impor-tance de bien inspirer très progressive-ment de haut en bas, en suivant le souf-fle de toute la force de son attention.

En guidant l’expiration du bas vers le haut, il “force” l’entrée de prâna dans la sushumnâ, l’obligeant à monter à l’intérieur de cet axe vital. Ici aussi, l’attitude mentale associée à la techni-que de l’expiration de bas en haut est essentielle pour celui qui veut prati-quer l’union du ha et du tha.

On voit bien qu’il s’agit de maîtri-

les dIfférents Yogas

Le hatha-yoga (yoga des énergies)

ou hatha-vidyâ (science du “hatha”)

11e partIe

P H I L O S O P H I E

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ser le corps et les énergies vitales en vue d’éliminer tous les obstacles sur la voie de la réalisation finale. Le hatha-yoga est donc une voie d’équilibra-tion et d’harmonisation des énergies grossières et subtiles de l’ensemble du système, en préparation à la discipline spirituelle du râja-yoga.

Bien qu’assez ancien, le système du hatha-yoga semble atteindre son apo-gée entre les Xe et XVe s. de notre ère. Une forme appauvrie, limitée à la pratique des âsana, rencontre un grand succès et se développe rapidement en Occident (et même en Inde !) à partir des années 1950.

On traduit parfois le mot hatha-yoga par “yoga de l’effort violent”, en réfé-rence à l’intensité de la démarche et des exercices proposés, mais aussi et surtout parce qu’il s’agit de “forcer” la porte de la nâdî centrale (sushumnâ), ce qui implique l’élimination ou l’éveil de l’énergie endormie (kundalinî) qui en bloque l’accès, pour y faire entrer le grand prâna, l’énergie vitale.

Les textes nous rappellent constam-ment que cette voie requiert une vie équilibrée, une pratique assidue et intense, le respect de règles alimen-taires, une attitude mentale élevée…

La Hatha-Yoga-Pradîpikâ est l’un des ouvrages les plus représentatif de ce courant. En quatre chapitres, il pré-sente les thèmes suivants :

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1. La discipline rigoureuse du corps (âsana), par le biais de quinze postu-res. Cette pratique procure au yogin un triple résultat : • une stabilité totale du corps et de l’esprit (sthairya) ;• une santé à toute épreuve, ou pour le dire autrement, l’absence de toute maladie (ârogya) ;• et une mobilité impeccable des mem-bres, que l’on associe naturellement à une grande légèreté physique (anga-laghâva).

Avec la posture du lotus, padmâsana, il est surtout question d’unir les cou-rants “opposés” prâna et apâna, leur union constituant le yoga.

Bien qu’énoncé autrement, tout cela est en concordance parfaite avec l’ensei-gnement de Patañjali, lorsqu’il dit que l’aboutissement du travail postural s’ex-prime par «la maîtrise sur les opposés» (dvandva anabhigâtah, YS II.48).

2. La discipline rigoureuse du souffle (prânâyâma). L’auteur y insiste sur le célèbre nâdî-shodhana-prânâyâma, puisque c’est à ce travail qu’il consa-cre le plus grand nombre de versets. Comme expliqué ci-dessus, il est ques-tion d’unir les énergies du ha et du tha, les courants idâ et pingalâ. Ensuite l’auteur présente huit autres techniques classiques de contrôle du souffle (sûrya-bhedana, ujjâyin, sîtkârin, shîtalî, bhas-trikâ, bhrâmarin, mûrcchâ et plavinî).

3. L’application de scellés symboli-ques (mudrâ), par des attitudes spé-ciales (mahâ-mudrâ...), des ligatures énergétiques (bandha), la discipline de l’inversion (viparîta)… Ces sceaux particuliers (mudrâ) sont apposés sur le corps subtil pour y verrouiller l’énergie vitale (prâna) dans la voie royale (sus-humnâ) et l’y faire progresser. C’est ce que la Hatha-Yoga-Pradîpikâ appelle parfois l’éveil de la kundalinî (voir kundalinî-yoga). Associés à une puis-sante concentration, ces exercices vont aussi ralentir les processus de dégrada-tion du corps (l’écoulement du nectar d’immortalité, amrita), et inverser le cours habituel ou ordinaire des choses (position lune/soleil, etc.).

Les mudrâ sont des attitudes corpo-relles, respiratoires, énergétiques et mentales. Les plus célèbres sont vrai-semblablement la mahâ-mudrâ et le concept de l’inversion (viparîta-kâra-ni), qui recouvrent ici toutes les postu-res inversées immobiles. Le pratiquant entraîné y pratique également les liga-tures spéciales (les bandha), qui sont elles-mêmes des mudrâ, pour ainsi constituer ce qu’on pourrait appeler un “coktail” de mudrâ.

4. Les exercices d’intériorisation, de contrôle de la pensée, d’écoute et de visualisation, de méditation et d’ab-sorption spéciale (dhyâna et samâdhi).

Il est peut-être utile de rappeler que le yogin bien entraîné associe les bandha qui, on vient de le voir, sont des mudrâ, à la pratique du prânâyâma. Et le prânâyâma lui-même, comme les exercices d’intériorisation et la médi-tation, se font classiquement dans une posture assise (âsana). Autrement dit, il ne faut pas voir de frontière stricte entre ces différentes parties, elles s’as-semblent et se croisent comme les fils d’une étoffe pour former un tout har-monieux.

Notre texte précise plusieurs fois l’idée que le hatha-yoga est l’échelle qui per-met d’atteindre le râja-yoga, et qu’il n’y a pas de râja sans hatha…

En fait, le hatha-yoga veut transfor-mer le corps, le souffle, les énergies fondamentales, pour en faire un véhi-cule de réalisation et de libération, car ayant reconnu l’interdépendance des corps grossier et subtil, il cherche à purifier le second en utilisant le pre-mier comme outil privilégié. Même s’il atteint un très grand contrôle de son corps et de sa respiration, le yogin ne se trompe pas sur la finalité, qui n’a rien de physique. Dans sa quête d’équilibre des fonctions organiques et de contrôle des énergies vitales, il cherche à supprimer les obstacles en vue de réaliser le râja-yoga.

Frans Moors

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Dans une ferme, chaque animal vivait en bonne entente sous

l’autorité d’un fermier et de sa femme. Et tout tournait bien

rond comme dans le meilleur des mondes, si ce n’est que

la fermière avait très peur des souris !

Et la petite souris de la maison était aussi gourmande que curieuse. Dès qu’elle vit un gros paquet arriver par la poste, elle se précipita pour observer de sa cachette du bas de la première marche de la deuxième volée d’esca-liers ce que la fermière pouvait bien en sortir. Déjà, elle salivait en pensant à une roue géante de fromage ou un

pain, oui, c’est ça, un pain d’une forme très spéciale, et qui... Mais voilà que la fermière déballe d’un air satisfait un piège à souris !

La souris affolée, court prévenir tous les hôtes de la ferme ! Elle s’adres-se, très angoissée à la poule. Celle-ci caquette entre deux graines qu’el-

C O N T E

et la solIdarIté dans tout ça !!!

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le avale goulûment pour lui signaler qu’elle entend bien, mais elle est plus préoccupée par la découverte d’un ver gras et luisant que par les propos très énervés de la petite souris. Oui, un piège, ce n’est pas très sympathique, mais bon, cela n’affecte en rien sa peti-te vie de poule, et puis aussi que peut-elle y faire, elle, une poule ?

La souris désespérée court auprès du cochon lui faire part de son désarroi, et celui-ci affirme qu’il est fort désolé pour elle, mais il ronfle et ramasse tant de nourriture, que la souris n’est pas bien sûre que la remarque se soit adressée à elle, et elle s’en va très triste chercher un soutien un peu plus dyna-mique et concerné !

La souris presque résignée, se confie à la vache que rien ne trouble. Cette nouvelle non plus n’affectera pas sa tranquillité légendaire, elle continue à brouter et à ruminer sans que la nou-velle du piège n’ait l’air en rien de la troubler. La pauvre souris essaie bien encore de lui soutirer un conseil ou juste un encouragement, mais la vache en pleine digestion ne lui accorde plus le moindre regard. Telle un sphinx, elle est immobile, et seule l’agitation de la queue de droite à gauche et de gauche à droite, indique que l’animal est toujours en vie.

La souris, fort découragée par ce man-que de solidarité, retourne se blottir et

pleurer seule dans son nid, à l’abri du piège maudit mais plus rien ne sera comme avant, quand elle croyait vivre dans une agréable communauté, et avec des gens si sympathiques! Elle se sent terriblement abandonnée, et même si elle sait que dorénavant elle va devoir se méfier du piège, c’est plus l’indifférence de ceux qu’elle prenait pour ses amis qui la touche !

Une nuit, peu de temps après, le piège fonctionne, et la fermière impatiente de voir son ennemie gigoter au bout de la mâchoire de métal, se précipite dans le noir.

Hélas, c’est un serpent que sa machi-ne infernale a attrapé, et celui-ci pas content du tout de s’être cruellement fait pincer la queue, la mord sans hési-ter.

La fermière est bien malade, son mari tente de l’aider et rien de tel qu’un bon bouillon de poule pour vous redon-ner des forces ! Sitôt dit, sitôt fait, il tue la poule et prépare le potage qu’il espère miraculeux. Cela ne change pas grand-chose à l’état de la malheureuse empoisonnée, et bientôt, le fermier doit engager une garde-malade pour veiller sur sa femme, et quelques gens de mai-son pour l’aider dans les travaux de la campagne ! Mais c’est que ça mange, des travailleurs ! Alors, il se décide à tuer le cochon pour avoir des provi-sions pour nourrir tout ce petit monde.

Il fera du boudin et de la saucisse, il devrait en avoir assez jusqu’à ce que son épouse se rétablisse ! Mais hélas, l’état de l’empoisonnée ne semble pas vouloir se stabiliser ! Et elle doit être emmenée à l’hôpital où l’on ne peut plus rien pour elle ! Elle meurt dans de pénibles souffrances, mais l’histoire ne s’arrête pas là pour tout le monde. C’est qu’il en faut des richesses pour accueillir tous les invités de l’enter-rement ! Et tous ces gens qui ont aidé pendant ce temps à l’intendance de la ferme, il faudra aussi les remercier, chacun devant témoigner de son cha-grin à l’infortuné époux, il est normal qu’en contre-partie, celui-ci témoigne sa reconnaissance par un repas digne de ces trajets. Alors, il tue la vache pour en faire une grosse réserve de repas, en prévision de tous les événe-ments qui vont encore suivre !

Et voilà, notre petite souris bien seule, pleurant ses amis, car elle les consi-dérait toujours comme des amis ! Et la voilà encore plus seule maintenant qu’ils sont disparus ! Si seulement ils avaient pu faire un peu attention, seu-lement un peu attention à ses avertisse-ments : c’était bien un piège !

Moralité : si l’on ne manifeste pas un minimum de solidarité à ceux qui nous entourent, cette indifférence risque, elle-aussi, de nous tuer !

Karine Latour-Internet

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Au moment d’écrire ces lignes à votre attention, je voudrais seulement évoquer le plaisir

que j’ai de pouvoir le faire et d’exprimer ainsi la vie qui coule en moi. Car si souvent nous craignons de perdre les

choses que nous avons acquises qu’aussi souvent nous oublions que nous aurions pu ne pas les

acquérir du tout.

La vie est cette sorte de miracle qui fait qu’aujourd’hui je peux exprimer mon existence et son histoire dans l’aboutis-sement temporaire qu’elles trouvent à travers ces lignes. Celles-ci sont une étape de plus sur le chemin que je par-cours, le plus souvent seul et parfois en

votre présence virtuelle, un chemin qui a commencé un jour et se terminera un autre jour lorsque le temps en sera venu.

Il en est ainsi de nous tous et ce miracle de la vie fait que pour avoir rédigé ces lignes je sais que celles-ci se retrou-veront un jour sous vos yeux, dans un contexte particulier de votre propre existence, et qu’un dialogue unique et fugace prendra ainsi place entre vous et moi qui ne nous connaissons pas.

Or si parfois voire souvent il nous arri-ve de penser à ce que nous pourrions perdre et d’être envahi par la peur à l’idée du changement qu’une telle perte pourrait représenter dans notre parcours, je ne sais pas s’il nous arrive jamais d’évoquer le simple bonheur que représente juste le fait d’être là, ici et maintenant, présent à cette existence qui nous a été donnée et aux cadeaux que la vie nous a prodigués.

Nous connaissons finalement très peu de la vie elle-même : comment se met-elle en place, qu’est-ce qui fait que nous sommes là et que notre conscien-ce s’est allumée un jour pour éclai-rer à la fois ce qui nous entoure et ce dont nous sommes constitués ? Cela relève du mystère, et c’est peut-être cet aspect mystérieux, qui fait que nous ne savons pas comment la vie nous a été donnée, qui génère des craintes quant à la possibilité de la perdre. Quand on ne comprend pas pourquoi on reçoit un

cadeau, on craint plus vite de le perdre parce qu’on n’a pas l’impression d’y avoir droit.

Or, un cadeau, c’est par définition gra-tuit. Il n’y a rien à payer, aucune factu-re à acquitter, pour le cadeau de l’exis-tence si ce n’est de l’utiliser au mieux. Et encore ce terme de «mieux» est-il tout relatif, car ce qui est le mieux pour l’un ne correspond pas nécessai-rement à ce que ce «mieux» signifie pour l’autre tant nous sommes tous différents et complémentaires.

Notre vie s’accompagne d’une certitu-de : ce qui est commencé aujourd’hui finira un jour, tant tout est rythmé par des cycles qui n’échappent pas à la loi éternelle de début et de fin. Mais qu’est cette certitude unique face à l’infinité des avenirs possibles qui s’of-frent à nous ? Au sens large du terme, ce que nous sommes ou possédons aujourd’hui est parti de rien. Avant d’être conçus nous n’étions rien, telle-ment rien que si nous remontons suf-fisamment loin dans le passé il fut un moment où même la pensée que nous puissions naître un jour n’était pas de ce monde. Or nous sommes là, vous et moi. Et ce que nous apprend cette réa-lité de notre présence est que l’absence de tout recèle en fait la potentialité d’une infinité de possibilités. Ce que nous possédons aujourd’hui nous y tenons parce que cela nous rassure sans doute, alors que le vide de ce que nous

Y O G A A U Q U O T I D I E N

le mIracle de la vIe

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pourrions être demain nous fait peur.

Or ce que nous possédons n’est qu’illu-sion, puisque demain nous ne le possé-derons plus. Mais ce vide que nous crai-gnons n’est qu’une illusion lui aussi car il n’est fait que d’une infinie multitude de graines de lendemains possibles. Nos sens nous trompent qui nous font pren-dre pour la réalité stable des choses qui ne sont que changement. Nous croyons ce que nous voyons, mais ne devrions-nous pas croire aussi à ce que nous ne voyons pas encore ? Ce qui est acquis est le fruit de ce que nous avons créé, mais ne pouvons-nous faire plus beau demain encore ? Cela n’a-t-il pas un sens de libérer nos mains de nos avoirs actuels pour qu’elles puissent retrouver leur sens premier : créer plus beau encore ? On ne peut créer avec des mains pleines.

Ce qui existe est figé et les lois en sont claires, les limites sont fixées et le sort en est jeté de son existence et de son devenir. Ce qui n’est pas encore ouvre par contre le ciel des imagina-tions les plus véloces et le vide est le seul véritable terrain en friche de nos espoirs de demain. Un terrain riche de potentialités et de récoltes magi-ques tant ce que nous en ferons nous semble aujourd’hui hors de portée. Le rêve n’est pas fou de vouloir le meilleur pour soi et pour les autres et d’y oeuvrer en cœur.

Retournons-nous un instant et contem-

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plons notre parcours, le vôtre et le mien mais aussi celui de l’homme et de son histoire, de la terre et de sa croissance, de l’univers et de ses mouvements immenses et inconnus, de la vie sortie de la matière inerte mais qui anime notre planète d’une multitude de formes plus étonnantes les unes que les autres. Tout cela, nous y sommes tellement habitués que nous le considérons comme normal. Les images de l’autre bout du monde nous apparaissent dans notre salon et nous n’en sommes plus ébahis tellement nous croyons avoir compris.

Alors, les yeux fermés par nos habi-tudes qui réduisent ce monde extraor-dinairement multiple à un phénomène banalisé, nous oublions que tout cela est né de rien et que notre conscien-ce qui nous permet de le contempler est née de la pierre qui orne nos jar-dins. Ce qui fut un caillou s’observe, se déplace, se nourrit et vous écrit en tapotant sur les touches d’un clavier au sein d’un train qui le ramène chez lui en ce soir d’automne.

Si nous avons créé tout cela, si nous sommes devenus ce que nous sommes, si aujourd’hui nous nous préoccupons d’embellir demain la vie de nos frères humains et de sauver notre planète, c’est parce que nous avons chacun par-couru ce trajet qui nous a extraits de la pierre de lave pour nous projeter un jour vers le cosmos afin de nous rame-ner à nos rêves de roche.

Alors, imaginez un instant de quoi demain peut être fait, imaginez sur quoi peut déboucher ce simple geste créateur d’ouvrir les mains pour lais-ser partir ce qui doit céder la place au neuf, et ne nous laissons pas effrayer par le vide qui n’existe pas.

Imaginez un instant les moyens limi-tés dont nous disposions en tant que caillou. Notre conscience n’était qu’une infime parcelle inerte qui n’aurait pu, et encore moins osé, se représenter les potentialités du monde dans lequel nous vivons à cet instant. De ce qui n’était même pas alors une infime étincelle de pensée est née la complexité de l’animal pensant qu’on appelle l’être humain. Imaginez un instant l’infinie multitude de ces par-celles de conscience de pierre dont est constituée notre personnalité d’homo sapiens. Imaginez que chacune de ces parcelles élémentaire se développe à son tour comme s’est développée la parcelle de vie qui résidait endormie dans le caillou de lave qui est notre ancêtre lointain, et vous aurez une vague idée de ce que pourrait être notre conscience de demain.

Car enfin, même la science nous indi-que que nous ne faisons appel qu’à une faible portion de notre cerveau si com-plexe déjà, et il serait étonnant que la vie ait développé l’énergie nécessaire pour le créer si cela n’avait pas un sens que nous ne voyons point encore.

Bien sûr aujourd’hui nous sommes toujours en route et nous ne pourrons probablement tout résoudre demain ou tout de suite. Mais retournons-nous un instant et couvrons d’un large regard le chemin déjà parcouru. La vie nous a créé, ou nous avons créé la vie, ou nous nous sommes plus probablement créés ensemble et mutuellement. Et nous l’avons fait avec des moyens qui étaient inférieurs à ceux dont nous dis-posons aujourd’hui.

Alors ayons confiance en cette vie qui nous porte et ne craignons pas de lais-ser aujourd’hui derrière nous ce qui nous remplit les mains; osons donc les ouvrir à ce qui nous viendra et nous étonnera par son inattendu. Attendons le meilleur en profitant du plaisir de ce qui est déjà là, réjouissons-nous du bonheur de la vie et faisons-lui confian-ce au-delà de l’horizon apparent.

Car l’essentiel n’est-il pas d’être heu-reux ici et maintenant et chaque respi-ration n’est-elle pas l’occasion de nous rappeler le simple bonheur d’exister ? Demain ne peut être que meilleur, pour peu que nous le comprenions ainsi et que nous acceptions de laisser partir ce dont nous n’avons plus besoin. Les mains ouvertes, nous redeviendrons alors les créateurs capables de dévoiler ce que recèle le vide apparent.

Raymond Delvaux

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Comme chaque année, cela est devenu une tradition, octobre

2009 a vu l’organisation de notre journée de Massembre.

Après les séances de pratique du matin, qui permettent aux parti-

cipants de découvrir d’autres façons de pratiquer le yoga, et le

repas de midi qui permet de se retrouver autour d’une bonne

table et d’échanger, nous avons pu assister à une conférence du

Dr. Pascale Pierret, sur le thème : «Pourquoi et comment utiliser

le souffle en psychothérapie ?»

En voici le compte rendu, rédigé par le Dr. Pierret elle-même.

Je souhaiterais débuter cette causerie par deux remarques.

La première, c’est que je vais parler «du corps» et de «la personne» : cette façon de séparer le corps de la person-ne est très artificielle.Je suis consciente que ce n’est pas du tout l’objectif de la psychothérapie telle que je la pratique. Je pense que, au contraire, le bien–être nécessite l’unité «corps-esprit». Pour la facilité de l’exposé, parce que nous sommes dans le registre de la parole, je vais parler du corps de la personne et de son esprit en pratiquant une séparation, veuillez m’en excuser.

La seconde remarque est qu’il est assez paradoxal de parler de l’expérience de la psychothérapie par le souffle. C’est quelque chose qui est de l’ordre expé-rimentiel. Je vais essayer d’en parler, mais cela n’en sera qu’un reflet…J’ai découvert un atelier de yoga, ce matin, avec certains d’entre vous et je suis impressionnée de voir combien le souf-fle est au centre de votre pratique ! Je n’ai pas l’ambition de vous apprendre quelque chose maintenant, je souhaite juste vous présenter ma façon de tra-vailler, dans cet objectif particulier qui est la psychothérapie à médiation cor-porelle et j’espère que nous pourrons dans un second temps échanger, faire des ponts, partager des expériences…

Quand je parle du corps séparé de la

personne, je pense que c’est une réalité pour le «tout venant», que nous vivons une société de plus en plus dichoto-mique où le mental, la connaissance, occupe un pôle et le corps un autre… Ce corps est souvent en plus, com-partimenté, sectorisé par différentes approches… Je me rends bien compte que, vous, vous êtes un public parti-culièrement sensibilisé à l’importance du corps.

Bien que le titre de la conférence soit «Pourquoi et comment utiliser le souffle en psychothérapie ?», je me permets d’en inverser les termes. J’ai envie de commencer par vous expli-quer le «comment» ; le «pourquoi» viendra de lui-même…

Le travail psycho-corporel redonne une place au corps. Nous avons tendance à ne pas écouter le corps suffisamment et surtout à ne l’entendre que lorsqu’il est en souffrance. Le corps peut s’expri-mer à différents moments - je ne vais pas ici parler des maladies -. Parfois, son expression est inconfortable. Il peut s’agir de palpitations, de crampes dans le ventre, de sensations d’étouffe-ment, de contractures dans les épaules, dans la nuque, de mal de tête…Lorsque nous sommes face à une situa-tion où nous sommes en difficulté, lorsque nous vivons un gros stress, la tendance «naturelle» est de bloquer sa respiration, de se retenir, «surtout ne pas respirer»… Je ne sais pas d’où

Journee de rencontre a

massemBre

A C T I V I T E S

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vient ce réflexe. Peut-être peut-on y voir un lien avec un animal qui face à un prédateur devait se faire tout petit et surtout «ne pas bouger» ? Mais, le fait est, qu’en pratique, c’est assez problé-matique !C’est au moment où on en a le plus besoin que l’on se prive de cette res-source-là. On se retrouve coupé de son ressenti, coupé de ses émotions, coupé de soi-même et coupé des autres…

Le souffle amplifié permet justement d’amplifier les sensations du corps, d’amplifier les émotions.Mon travail s’inscrit dans le cadre par-ticulier de la psychothérapie. Les gens ne viennent pas en psychothérapie par plaisir, ils viennent parce qu’ils sont suffisamment mal pour demander de l’aide. Ils ont souvent l’impression de ne pas avoir le choix. Souvent, c’est difficile ! C’est dans ce cadre-là qu’on

essaie d’aller mieux avec le souffle.

Au niveau historique, vous savez que la conscience et l’utilisation du souffle est pluri-millénaire. Dans les rites ini-tiatiques anciens, le souffle était utilisé comme voie d’accès à la spiritualité. Le Bouddha a, de nombreuses fois, fait référence à l’importance du souffle dans ses textes. Dans la Bible, le souf-fle et l’esprit se fondent…

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Le travail du souffle, tel qu’il est réac-tualisé, nous vient des Etats-Unis où un certain Léonard ORR, dans les années soixante, a «créé» le REBIRTH («renaissance» en anglais). Léonard Orr est un autodidacte qui a expéri-menté, à travers l’hyperventilation, des modifications de conscience et cer-taines expériences cathartiques. Il a expérimenté des revécus proches des sensations de naissance, d’où le nom… C’était dans le contexte de l’ouverture californienne de ces années-là… Cela a traversé l’Atlantique et est arrivé en Europe avec Dominique Levadoux qui l’a «occidentalisé», l’a adapté à notre culture qui est héritière du bagage psy-chanalytique. Elle en a aussi adouci la pratique. Il y avait certains excès liés à la personnalité de Léonard Orr qui pré-tendait que le souffle allait permettre la résolution de tous les problèmes psy-chiques et organiques. Nous nous som-mes écartés de cette pensée-là. J’ai été formée par l’association des praticiens du souffle (APS), association formée par Marguerite Joris, elle-même for-mée par Levadoux.

Je désire à présent vous présenter le déroulement d’une séance. Une séance dure une heure et demie.

La première séance est un peu par-ticulière parce que je prends un peu le temps d’analyser la demande, de voir avec quels objectifs, quelles idées, quels préjugés parfois, la personne

vient. J’ai besoin de connaitre quel-ques repères du vécu de la personne, dans les grandes lignes, les détails viendront au fur et à mesure en temps nécessaire…

La séance se vit en trois temps : le pre-mier temps est un temps de parole ; j’accorde beaucoup d’importance à ce qui occupe la personne au moment présent, au sentiment qui l’habite à ce moment-là.

Le deuxième temps est le temps de «respiration» proprement dit. Je demande à la personne de s’étendre sur le matelas mis au sol. Je la préviens que, pendant le travail de respiration, je touche la personne. Le toucher apporte une dimension vraiment importante. Je demande à la personne de se déposer le plus possible, de prendre conscien-ce de son corps, de son poids, de la pesanteur, du contact avec le matelas. Je l’invite à être attentive à l’état de tension de ses muscles et à essayer de les détendre, parfois en s’aidant du contraste contraction/détente.Et puis, je propose à la personne d’ob-server son souffle, sans juger, sans vouloir le modifier. Juste l’observer !Ensuite, je l’encourage à adopter une respiration amplifiée. Je demande que la personne respire : je ne dis pas à quel rythme, je ne dis pas «par le nez ou par la bouche», je ne dis pas si elle doit respecter un temps entre l’inspir et l’expir… Tout est intéressant, tous les

rythmes sont riches ! Je n’ai pas envie de brusquer la personne. Je l’encou-rage à respirer de façon fluide, mais pas douloureuse, on n’est pas là pour se faire violence…J’insiste sur l’expir : l’inspir deman-de un effort, à l’expir on lâche… Je demande de maintenir ce travail pen-dant une vingtaine de minutes. C’est moi qui gère l’horloge. J’invite la personne à être vraiment centrée sur son souffle, juste respirer et sentir ce qui se passe. Je lui demande d’être attentive à ses sensations dans tout le corps. Etre attentive à ses émo-tions, attentive aux images qui peuvent surgir, aux souvenirs… J’insiste pour que la personne accueille. Ne pas s’ac-crocher, ne pas fuir. Si des pensées douloureuses se présentent, je demande de se laisser traverser par elles, comme la cime d’un arbre peut être traversée par des nuages... et de rester centrée sur le souffle ! Pendant qu’elle «respire», moi, je reste là, assise près d’elle. Souvent, je pose mes mains sur ses pieds pour aider l’ancrage, parfois, je touche les épau-les, le front... Cela peut aider à lâcher le mental.Cela m’aide aussi à être en contact proche car c’est vraiment important de ne pas laisser la personne seule dans son expérience : être là et offrir une présence sensible.J’ai expérimenté dans le contact médi-cal combien le toucher peut être apai-

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sant. Des personnes agitées ou confu-ses peuvent être apaisées par un tou-cher. Il faut être très vigilant sur la qualité de ce toucher, sur le respect qui y est mis, sur sa justesse…Je demande à la personne de signaler si quelque chose est inconfortable ou dérangeant.Nous sommes là pour expérimenter quelque chose.Pendant la respiration, peuvent se pas-ser des choses diverses : parfois sim-plement l’impression que «je respire, rien d’autre ne se passe», parfois c’est des émotions plus ou moins intenses qui surgissent, parfois c’est des ima-ges agréables ou pas, cela peut aller jusqu’à des impressions fortes appa-rentées à des revécus de naissance… Que ce soit des souvenirs réels ou ima-ginaires, ce qui est important, c’est que cela ait du sens pour la personne à ce moment-là.Parfois, la personne réalise la diffi-culté que cela représente pour elle de «juste» respirer consciemment, avec l’impression de ne pas y arriver, que cela bloque… C’est un peu tout cela qui est exploré.

Le troisième temps de la séance est aussi un temps fort important, un temps de retour à la parole. Après vingt minutes de respiration intense, je demande à la personne de reprendre une respiration plus naturelle.Je l’invite à partager en restant dans

la position où elle est sur le matelas, à mettre des mots, sans interpréter. Ce moment d’échange, ce moment ver-bal, pour moi, donne tout son sens à ce qui vient d’être vécu. Il permet de sortir du purement corporel qui a été accueilli pour accéder à la parole, faire le lien : faire le lien entre l’expérience corporelle qui vient d’être vécue et les émotions, les sensations, le sens que cela a pour soi.

La respiration amplifiée permet le lâcher-prise aux trois niveaux de réalités :- Au niveau physique (dans la corpo-ralité), elle exerce un lâcher-prise, un relâchement, une détente…- Au niveau de la psyché (de la réalité créée par nos pensées) il y a souvent un éclaircissement, une certaine relati-visation de l’importance des choses…- Au niveau de l’Esprit, on peut éprou-ver une expansion de conscience, c’est-à-dire avoir accès à des sensations d’ouverture à une autre dimension (qui pour certains évoque une ouverture à la spiritualité). Des phénomènes très étonnants de l’ordre du transperson-nel peuvent s’éprouver… comme, par exemple, se sentir au-delà du monde, se sentir tout amour… Encore une fois, c’est difficile à expliquer…

Vous me direz pourquoi chercher à contacter les émotions et les sensations ?Souvent, face aux émotions qui sont

jugées désagréables ou menaçantes, dangereuses (comme parfois la colère, la tristesse, la sensation d’abandon…), on aurait envie (parfois inconsciem-ment) de les étouffer, de les cadenas-ser. Tant qu’on ne reconnait pas sa souffrance et qu’on ne l’accepte pas, c’est le besoin de l’éviter qui nous guide!!! Et cela consomme énormé-ment d’énergie vitale! Cela peut, à la longue, épuiser la personne. Il peut s’agir, par exemple, d’un deuil très ancien qui n’a pu être réalisé car au moment où il a été subi, il était trop douloureux, tellement insupportable que c’était probablement la meilleure solution que la personne a inconsciem-ment trouvée pour sa survie psychi-que. La personne n’a pu vivre ce deuil, n’a pu, pour des raisons qui lui sont propres et des raisons de circonstan-ces extérieures, entrer en contact avec cette souffrance énorme et se retrouve quelque part condamnée à l’étouffer. Elle doit maintenir, comme dans une casserole à pression, ces émotions, années après années… A un moment, le corps «craque»… Et brutalement, on s’étonne de ne plus avoir d’énergie, de ne plus avoir la force de se lever alors que «rien» de nouveau ne s’est passé qui pourrait expliquer cela…

Lorsque je dis : accueillir les émotions, accueillir le ressenti, c’est dans l’ac-ceptation. Il ne s’agit pas de juger, de se dire «je devrais» ou «il faut que…

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ou il ne faut pas...», mais de reconnai-tre ce qui est. Cela permet d’avancer, d’aller voir plus loin ce qui se passe ! Lorsqu’on est dans le «il faut», «on doit», on reste au niveau des idéaux. Quand on explore ce qui se passe, on est au niveau du ressenti, dans la Vie en fait…

Un petit mot de physiologie... L’hy-perventilation entraîne un apport accru d’oxygène dans les alvéoles pulmonai-res, dans les poumons. Des échanges se font au niveau des gaz du sang : il y a une chute du CO2. Cette chute du CO2 a une série d’effets et, entre autres, une vasoconstriction de la microcirculation au niveau des capillaires cérébraux. Les cellules cérébrales sont extrême-ment sensibles à l’anoxie (c’est-à-dire à la privation d’oxygène), mais elles y sont différemment sensibles selon leur localisation et leur rôle. Les cellules corticales (du cortex) qui gèrent les fonctions dites supérieures (la pensée, la réflexion…) sont plus sensibles à l’anoxie que les cellules du système limbique (du cerveau plus archaïque, lieu de la gestion des émotions). Il en résulte une hypoxie relative – un man-que d’oxygène relatif - des cellules du cortex. Or, ces cellules corticales exercent un effet inhibiteur sur le sys-tème limbique. Donc, l’hypoxie rela-tive entraine une levée de l’inhibition que le cortex exerce sur le système limbique ce qui expliquerait comment

l’hyperventilation rend plus accessi-bles les affects.

Une autre conséquence physiologique de l’hyperventilation est la tétanie qui peut se manifester comme des pico-tements, des fourmillements dans les doigts ou autour de la bouche, cela pouvant aller jusqu’aux crampes.J’encourage les gens à être progressifs, à ne pas se forcer, à se respecter. Je crois que c’est très important de res-pecter les protections qu’on a (parfois et inconsciemment) soi-même mises en place probablement avec raison – en tout cas au moment où cela a été mis en place. C’est important d’y aller progressivement, d’apprivoiser le souf-fle, d’apprivoiser les émotions…

Une séance permet de découvrir, de toucher quelque chose, mais cela vaut la peine de l’expérimenter plusieurs fois. C’est une méthode où on ne peut pas diriger, dire «Tiens, aujourd’hui, je vais travailler ma relation conflictuelle avec ma mère», non, cela ne marche pas comme cela ! C’est dans le lâcher-prise : tout d’un coup, dans la respira-tion, il y aura quelque chose qui va venir… C’est souvent inattendu : on ouvre une porte et l’on accueille. Cette approche fait partie de ce que l’on appelle les thérapies brèves : cela dure selon la réalité de la personne une dizaine de fois, une quinzaine, parfois cela prend plus de temps…

J’en arrive au second terme du titre : pourquoi travailler le souffle ?Une fois que je l’ai découvert, le tra-vail du souffle s’est révélé pour moi comme une évidence, comme le chaî-non manquant dans ma recherche du lien entre le bien-être du corps, l’ap-proche du corps et le bien-être de l’es-prit.Le travail du souffle permet une ren-contre dans les différents aspects de la personne et l’ouverture possible vers quelque chose d’autre… Le travail du souffle réveille les sensations du corps, il permet une importante vitalisation. Je pense que vous l’avez tous expéri-menté par votre pratique du yoga. Cela offre aussi une paix intérieure, une force. Cela permet aussi, en corollaire à la force, d’être plus acceptant et plus en confiance face à sa propre vulnéra-bilité. Pouvoir accepter que l’on est un être humain et que l’on est vulnérable, c’est déjà un terrible soulagement ! Cela peut permettre de développer la créativité, de trouver son inspiration.Le travail du souffle peut aussi ouvrir vers une conscience nouvelle de ses possibilités. Qui dit conscience nou-velle dit nouveau départ, on retrouve le mot «renaissance», renaissance symbo-lique en lâchant de vieux schémas, des vieilles peurs, des vieilles croyances et en avançant vers autre chose…»

La conférence a été suivie d’une séan-ce de questions- réponses.

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Cette année, nous allons explorer le vaste et fascinant

sujet de Yoga, éducation et société.

Dans notre culture, l’éducation est souvent comprise en termes d’ensei-gnement dans le sens où quelqu’un d’autre nous instruit. Pourtant, édu-quer est tiré du latin «Educere» rendre connu, amener vers l’extérieur, donc le contraire d’instruction! Cela devrait traduire un processus consistant à faire sortir ce qui est déjà en nous. L’édu-cation, comme nous la comprenons habituellement, est un autre terme pour le conditionnement qui commen-ce dès la conception. Nous adoptons ensuite progressivement les systèmes de valeurs issus de la sociétés dans laquelle nous vivons. Le yoga est par définition un système permettant de se débarrasser de notre conditionnement primaire et secondai-re et de nous renvoyer à l’état originel de non conditionnement. Ainsi, tant le yoga que l’éducation, dans son sens originel, partagent une caractéristique commune: ils sont tous deux une sorte de désapprentissage de ce que nous avons déjà appris. Les défis que nous affrontons sont de redéfinir quels sont les rôles et les fonctions de l’éducation dans une société multiculturelle telle que la nôtre, avec ses diversités de sys-tèmes de valeurs et comment le yoga, avec son expérience plurimillénaire, sa connaissance profonde de notre exis-tence humaine, peut-il contribuer à une nouvelle définition de l’éducation dans une société souffrante. Où devrions-nous commencer? Le yoga nous donne

Z I N A L 2 0 1 0

Yoga, éducatIon & socIété

37e Congrès International de Yoga à Zinal (Valais- Suisse)du 22 au 27 août 2010

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la réponse: «Si nous voulons amélio-rer notre monde, notre société, nous devons commencer par nous-mêmes.»

De nombreux conférenciers, ensei-gnants et experts du yoga viendront animer ce congrès tout au long de la semaine :Maurice Daubard, Micheline Flak (RYE), Michelle Desrues, Elisabeth Audousset, Adré Riehl, Sarkar Ajit pour les francophones, Ranada Straddhalu et bien d’autres encore.

Zinal est situé à 1600 m d’altitude au fond du magnifique Val d’Anniviers. Vous y accédez par une route de montagne, après avoir emprunté l’autoroute jusqu’à Sierre, dans la vallée du Rhône ; ou par le train jusqu’à la gare de Sierre d’où un car postal vous amène à Zinal. Pour connaître les horaires du car postal allez sur le site : www.cff.ch (français) ou www.sbb.ch (allemand) ou encore téléphonez à l’Office du Tourisme au 0041/27 475 13 70

Dépliant disponible sur demande au secrétariat de la fédération.RENS & INSCRIPTIONS FBHY Asbl29, En Gérardrie - 4000 LIEGETel & fax : 0032/368 62 69 (mardi, jeudi & vendredi de 9 à 15 heures)e-mail : [email protected]

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La maladie a-t-elle un sens ?Thierry Janssen Ed. Fayard351 pages - 22 €Chirurgien devenu psychothérapeute, Thierry Janssen enseigne les principes d’une «médecine humaniste et respon-sable» aux professionnels de la santé, dans divers hôpitaux et facultés de médecine. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont La Solution intérieure : vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit, publié en 2006 chez Fayard et considéré comme une référence incontournable.

La maladie a-t-elle un sens? Voilà une question qui nous concerne tous. Pourtant la médecine ne se la pose plus. Elle soigne en effet le corps sans se soucier de l’intégralité de la personne humaine. Et, privilégiant la compréhension des détails, elle oublie les liens qui unissent les patients au monde dans lequel ils vivent. Tom-bons-nous malades comme par fatalité, ou bien la maladie est-elle le moyen pour notre corps de trouver, face à des situations perturbantes, un nouvel équi-libre ? Nos pathologies naissent-elles de causes extérieures à nous ou, au contraire, sont-elles le symptôme d’un malaise plus profond ? Thierry Jans-sen se confronte à ces questions avec une audace remarquable. S’appuyant sur les découvertes scientifiques les plus récentes, il retrace l’histoire de la

médecine psychosomatique - véritable donneuse de sens - dont il analyse les apports mais aussi les dérives.

Et, comparant les théories modernes avec les croyances de peuples tradi-tionnels comme les Aborigènes, les Douala ou les Navajo, il nous montre que, face à la souffrance, nous avons le choix d’explorer plusieurs sens. «Sens biologique» défini par la science, ou «sens symbolique» exprimé par les malades ? À travers le témoignage de nombreux patients, nous découvrons, en plus, le «sens collectif» de nos maux. Celui-ci fait appel à notre res-ponsabilité afin de prévenir les patho-logies au lieu de les guérir. Ainsi, tout au long de ce livre, Thierry Janssen nous invite à renouer avec des prin-cipes de bonne santé qui sont de pré-cieux outils au service de la vie. Et sa réflexion, aussi brillante que passion-nante, annonce une autre manière de penser la médecine.

L I V R E

la maladIea-t-elle un sens ?

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Les chemins du Yoga - Revue trimestrielle12,40 Euros pour la Belgique - 16,20 Euros pour l’étranger

à verser au cpte n° 001-3513993-50 de la FBHY asblEn Gérardrie 29 -B - 4000 Liège Tél : 04.368.62.69

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Rédaction : Raymond DelvauxMaquette : Dominos Snyers

Le courrier, les annonces, la publicité sont à envoyer à la même adresse. On peut aussi y commander des numéros séparés de chaque livraison. Les articles paraissent sous l’entière

responsabilité de leurs auteurs.Editeur responsable : Guillaume JAMSIN

Page 28: trimestriel sur le Yoga

s o m m a i r e

éDiToriaL - page 1

PHiLosoPHie - page 2Yoga profane & Yoga sacré

reGarDs - page 4Etre un homme

PHiLosoPHie - page 8Les différents yogas

conTe - page 12

YoGa au QuoTiDien - page 14Le miracle de la vie

acTiViTés- page 17Journée de rencontre à Massembre

ZinaL 2010 - page 22Yoga, éducation & société

LiVres - page 24

Éditeur responsable : G. Jamsin - 42, rue Fr Lapierre - 4620 Fléron