TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL 2017 QCTAT 246 (CanLII) · CM-2016-7449 CM-2017-0310 CM-2017-0311...

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Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest et Syndicat du personnel de bureau, des techniciens et des professionnels de l'administration du CSSS Jardins-Roussillon (SCFP - Section locale 3247 - FTQ) 2017 QCTAT 246 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL (Division des relations du travail) Région : Montréal Dossiers : CM-2016-7449 CM-2017-0310 CM-2017-0311 Dossier employeur : 999239 Montréal, le 19 janvier 2017 ______________________________________________________________________ DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF : Gérard Notebaert ______________________________________________________________________ Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest Partie demanderesse de première part Syndicat des professionnelles en santé du CSSS Vaudreuil-Soulanges (FIQ) Syndicat des professionnelles-ls en soins du Suroît (FIQ) Syndicat des professionnelles en soins du Haut-St-Laurent (FIQ) Syndicat des professionnel(le)s en soins de santé du Jardins-Roussillon (FIQ) Syndicat régional des professionnelles en soins du Québec (FIQ) Parties demanderesses de deuxième part Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) Partie demanderesse de troisième part et Syndicat du personnel de bureau, des techniciens et des professionnels de l’administration du CSSS Jardins-Roussillon (SCFP Section locale 3247 FTQ) 2017 QCTAT 246 (CanLII)

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Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest et Syndicat du personnel de bureau, des techniciens et des professionnels de l'administration du CSSS Jardins-Roussillon (SCFP - Section locale 3247 - FTQ)

2017 QCTAT 246

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL (Division des relations du travail)

Région : Montréal Dossiers : CM-2016-7449 CM-2017-0310 CM-2017-0311 Dossier employeur : 999239 Montréal, le 19 janvier 2017 ______________________________________________________________________ DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF : Gérard Notebaert ______________________________________________________________________ Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest

Partie demanderesse de première part Syndicat des professionnelles en santé du CSSS Vaudreuil-Soulanges (FIQ) Syndicat des professionnelles-ls en soins du Suroît (FIQ) Syndicat des professionnelles en soins du Haut-St-Laurent (FIQ) Syndicat des professionnel(le)s en soins de santé du Jardins-Roussillon (FIQ) Syndicat régional des professionnelles en soins du Québec (FIQ)

Parties demanderesses de deuxième part Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)

Partie demanderesse de troisième part et Syndicat du personnel de bureau, des techniciens et des professionnels de l’administration du CSSS Jardins-Roussillon (SCFP – Section locale 3247 – FTQ)

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Syndicat du personnel paratechnique, des services auxiliaires et de métiers du CSSS Jardins-Roussillon (SCFP – Section locale 3247 – FTQ) Syndicat canadien de la fonction publique Section locale 3544 Syndicat des infirmières et infirmiers du Virage – CSN Syndicat des travailleuses et travailleurs du CRDI Montérégie Est – CSN Syndicat des travailleuses et travailleurs de Sources des Monts – CSN Syndicat des employés et employées du centre montérégien de réadaptation (CSN) Syndicat des travailleuses et travailleurs en réadaptation de la Montérégie-Ouest – CSN Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de santé et de services sociaux de Vaudreuil-Soulanges – CSN Syndicat des techniciens-nes et des professionnels-les de la santé et des services sociaux du Québec S.T.E.P.S.S.S.Q. (FP-CSN) Syndicat des travailleuses et travailleurs du Réseau du Suroît – CSN Union of CRD Foster Employees Syndicat des salarié-e-s du Centre de santé et de services sociaux du Haut-Saint-Laurent (CSD) Syndicat des salarié-e-s du CSSS du Haut-Saint-Laurent (CSD) Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 (FTQ)

Parties mises en cause

______________________________________________________________________

DÉCISION RECTIFIÉE ______________________________________________________________________

Le texte original a été rectifié le 20 janvier 2017 et la description des correctifs est annexée à la présente version.

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[1] Le 12 décembre 2016, le Tribunal rend une décision qui entérine une entente intervenue le 29 novembre précédent (l’entente) entre le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest (le CISSSMO), l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (l’APTS) et les syndicats affiliés au Syndicat canadien de la fonction publique (le SCFP), à la Confédération des syndicats nationaux (la CSN) et à la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (la FIQ).

[2] L’entente a pour but d’encadrer le déroulement des activités syndicales durant la période de maraudage qui se déroule actuellement dans les différentes installations du CISSSMO.

[3] Le dispositif de la décision rendue par le Tribunal se lit comme suit :

CONSTATE l’accord entre les parties; ENTÉRINE l’entente intervenue entre les parties; ORDONNE aux parties de s’y conformer; RÉSERVE sa compétence en cas de litige entre les parties concernant l’application

de l’entente.

LES PROCÉDURES

LA DEMANDE DU CISSSMO

[4] Le 11 janvier 2017, le CISSSMO fait parvenir une requête au Tribunal dans laquelle il allègue qu’un litige existe entre les parties relativement à l’application de l’entente.

[5] Il prétend que le SCFP distribue des tracts dans les salles de repos de certaines unités de dispensation de soins et de services, que des syndicats procèdent à des échanges de kiosques et que certains militants usent d’intimidation, le tout, en contravention des dispositions de l’entente.

[6] Prenant appui sur la réserve de compétence de la décision du 12 décembre 2016 et sur l’article 111.33. du Code du travail1 (le Code), le CISSSMO demande au Tribunal de rendre les ordonnances suivantes :

ACCUEILLIR la présente requête; DÉCLARER que l’interdiction de distribution de tracts sur les unités de soins et dans les différents services prévue à l’entente entre les parties comprend les salles de repos de ces mêmes unités et services;

1 RLRQ, c. C-27.

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DÉCLARER que, plus encore, l’entente interdit implicitement toute circulation et sollicitation sur les unités de soins et dans les services; DÉCLARER que l’échange de kiosques entre les syndicats intimés contrevient à l’entente; ORDONNER aux syndicats intimés de se conformer aux précédentes déclarations; RENDRE toute autre décision ou ordonnance qu’il juge nécessaire.

LA DEMANDE DE LA FIQ

[7] Le 12 janvier 2017, la FIQ fait à son tour parvenir une demande d’intervention au Tribunal dans laquelle elle allègue qu’un litige est survenu entre les parties en raison du non-respect par le CISSSMO des engagements souscrits par ce dernier dans l’entente du 29 novembre 2016.

[8] Elle plaide que le CISSSMO n’a pas pris les dispositions qui s’imposent pour mettre à la disposition de ses syndicats affiliés un nombre suffisant de salles afin qu’ils puissent mener à bien leurs activités de maraudage. Elle ajoute que, par sa négligence et son laxisme, le CISSSMO entrave et compromet ses activités associatives.

[9] Prenant appui sur la réserve de compétence de la décision du 12 décembre 2016 de même que sur les articles 12 et 111.33 du Code et 9 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail2 (la LITAT), la FIQ demande au Tribunal de rendre les ordonnances suivantes :

ACCUEILLIR la présente requête; DÉCLARER que l’intimé [le CISSSMO] ne s’est pas conformé à l’entente contrevenant ainsi à la décision rendue le 12 décembre 2016 (CM-2016-6742 et CM-2016-6745);

DÉCLARER que les salles mises à la disposition par l’intimé [le CISSSMO] au profit le la FIQ (pièce F-4) ne respectent ni la lettre ni l’esprit de l’entente entérinée par le Tribunal;

DÉCLARER que l’intimé [le CISSSMO] a fait preuve de négligence et de laxisme concernant l’officialisation et la mise en œuvre du calendrier de réservation de salle contrevenant ainsi aux engagements souscrits dans l’entente entérinée par le Tribunal;

ORDONNER à l’intimé [le CISSSMO] de respecter le départage fait par les organisations syndicales pour le mois de janvier 2017 et de maintenir les réservations de ces salles conformément aux disponibilités que l’employeur a lui-même antérieurement données;

ORDONNER à l’intimé [le CISSSMO] et ses représentants de prendre tous les moyens mis à sa disposition afin que cette ordonnance soit respectée;

2 RLRQ, c. T-15.1.

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RENDRE selon les circonstances, toute ordonnance ou mesure réparatrice jugée appropriée dans les circonstances;

LA DEMANDE DE L’APTS

[10] Le 12 janvier 2017, l’APTS fait également parvenir une requête pour ordonnance provisoire et permanente au Tribunal. Elle allègue que le CISSSMO a fait défaut de respecter ses engagements relativement à la réservation de salles et que cette situation compromet ses activités de maraudage.

[11] Prenant appui sur la réserve de compétence de la décision du 12 décembre 2016 de même que sur les articles 3, 5, 6, 12 et 111.33 du Code et 9 de la LITAT, l’APTS demande au Tribunal de rendre les ordonnances suivantes :

ACCUEILLIR la présente requête; DÉCLARER que les salles réellement offertes et réservées par l’employeur au profit de chaque organisation syndicale et la gestion du calendrier réalisée par ce dernier ne respecte pas la lettre et l’esprit de l’entente intervenue entre les parties telle qu’entérinée par le Tribunal;

DÉCLARER que, l’employeur n’a pas déployé les efforts nécessaires tel qu’il s’était engagé et qu’il a fait preuve de laxisme dans la mise en œuvre du départage fait par les organisations syndicales, tel départage étant à la base du calendrier finale; ORDONNER à l’employeur de respecter le départage fait par les organisations syndicales et de maintenir les réservations de ces salles conformément aux disponibilités que l’employeur à lui-même émises; RENDRE toute autre décision ou ordonnance qu’il juge nécessaire.

(reproduit tel quel)

[12] Au terme de la deuxième journée d’audience, l’APTS demande au Tribunal de remettre sine die sa demande d’ordonnance étant donné que la poursuite des pourparlers avec le CISSSMO semble porter fruit.

LE DÉROULEMENT DE L’INSTANCE

[13] Au début de l’audience, les parties informent le Tribunal qu’elles ont réglé les litiges relatifs à l’échange de kiosques et à l’intimidation. Elles lui remettent une entente dûment signée par leurs représentants, lui demandent de l’entériner et de réserver sa compétence en cas de litige concernant son application. Elle est reproduite en annexe et fait partie intégrante de la présente décision.

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[14] Il ne reste donc à trancher que les litiges concernant la distribution de tracts dans les salles de repos des unités de dispensation de soins et de services et la réservation de salles.

[15] Il est convenu que les dossiers sont joints pour l’enquête et que le Tribunal procède sur le fond du litige plutôt que sur le stade provisoire.

LA PREUVE

[16] Les parties s’entendent pour que les pièces et déclarations sous serment produites par le CISSSMO, la FIQ, l’APTS et la CSN au soutien ou en réponse aux demandes d’ordonnances provisoires tiennent lieu de preuve au fond.

[17] La preuve est complétée par les témoignages du représentant du CISSSMO et de deux sympathisantes du SCFP ainsi que par le dépôt de quelques pièces additionnelles.

[18] Les parties conviennent, en outre, de l’admission suivante : « Le CISSSMO a poursuivi ses démarches entre les 10 et 16 janvier 2017 pour tenter de satisfaire les syndicats en ce qui concerne la réservation de salles. »

LA PREUVE DU CISSSMO

La distribution de tracts

[19] Nelson Boulianne est chef du Service des relations avec le personnel au CISSSMO.

[20] Le 20 décembre 2016, il est informé que des représentants du SCFP circulent sur certaines unités de dispensation de soins et de services et distribuent des tracts dans les salles de repos qui s’y trouvent. Il estime que cette pratique contrevient aux articles 3 et 4 de l’entente. À sa connaissance, seul le SCFP agit de la sorte.

[21] Le jour même, il entreprend des démarches pour faire cesser cette pratique. Son procureur avise les syndicats que « l’employeur n’entend tolérer aucune sollicitation sur les

étages des diverses installations du CISSS ».

[22] Le SCFP refuse d’obtempérer. Le 21 décembre, sa représentante écrit :

Les salles de repos des salariés ne sont ni des unités de soins ni un lieu de service. Les salles de repos ne sont pas des lieux de dispensation de soins ni de services. La clientèle ne va pas dans ces salles de repos.

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De plus, il semble important de rappeler que le Code du travail permet de solliciter un salarié lorsqu’il n’est pas sur les heures de travail. La jurisprudence est claire à cet effet. […] Le SCFP entend continuer à agir en conformité avec notre entente ainsi que le droit applicable. Pour l’ensemble de ces raisons, le SCFP continuera d’interpréter l’entente comme permettant d’aller dans les salles de repos des salariés.

[23] Dans sa déclaration sous serment, monsieur Boulianne écrit que « les petites

salles de repos sont situées dans les unités de soins et services et en font partie intégrante […] »

[24] Il affirme qu’il y a urgence à ce que le Tribunal tranche cette mésentente, parce qu’il en va de la paix industrielle dans un établissement de santé publique.

La réservation de salles

[25] Monsieur Boulianne est signataire de l’entente du 29 novembre 2016. Il dit l’avoir signée en toute bonne foi, en croyant sincèrement pouvoir se conformer à ses dispositions dans les délais prescrits. Il affirme que le processus visant à confectionner le calendrier de réservation de salles s’est avéré beaucoup plus ardu qu’il ne l’anticipait et qu’il aurait négocié un plus grand délai avec les organisations syndicales s’il avait su ce que ce travail impliquait véritablement.

[26] Il explique que cet exercice représente un travail colossal parce qu’il implique la vérification, sur une période de près de 2 mois, de la disponibilité d’environ 130 salles réparties dans plus d’une centaine de sites. Or, les données ont dû être recueillies auprès de chacune des 9 composantes du CISSSMO, étant donné que le processus de réservation se fait encore en silo, site par site. En outre, la compilation des informations a dû être faite manuellement afin qu’elles puissent être présentées de façon intelligible aux syndicats.

[27] Enfin, il ajoute que le Service qu’il dirige a consacré d’importantes ressources à ce travail, mais que celui-ci a été retardé en raison du peu de ressources disponibles durant la période des fêtes.

LA PREUVE DE LA FIQ

[28] Dans sa déclaration sous serment, Marie-Claude Hamelin, conseillère syndicale, explique que l’entente prévoit que la construction du calendrier d’utilisation des salles devait être officialisée par le CISSSMO le 2 décembre 2016.

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[29] Or, les parties ont convenu de scinder le processus en deux temps comprenant une première phase pour constituer le calendrier de décembre 2016, puis une seconde pour celui de janvier 2017.

[30] Elle affirme que le CISSSMO n’a jamais officialisé le calendrier de décembre 2016 et que plusieurs réservations de salles sont refusées pour le mois de janvier 2017, de telle sorte qu’il est impossible pour la FIQ de planifier ses activités syndicales.

[31] Cette situation cause un préjudice sérieux aux syndicats affiliés à la FIQ, et ce, tant à l’égard de l’accomplissement de leur devoir de juste représentation qu’à l’égard de leur droit de solliciter l’adhésion de nouveaux membres dans le cadre de la présente période de maraudage.

[32] La FIQ accuse le CISSSMO d’entrave dans ses activités syndicales.

LA PREUVE DE L’APTS

[33] Dans sa déclaration sous serment, François Chamberland, conseiller syndical, affirme que la suffisance et la disponibilité de salles représentent un enjeu crucial qui est à la base même de l’entente convenue entre les parties et qui constitue la pierre angulaire pouvant assurer la paix industrielle entre les organisations syndicales durant la présente période de maraudage.

[34] Il affirme qu’un litige est survenu en ce qui a trait au respect par le CISSSMO des modalités et des échéanciers entourant la construction du calendrier de réservation des salles. Il admet que l’employeur a, tant bien que mal, réussi à livrer en deux temps le tableau des disponibilités de salles en vue d’une répartition équitable entre les syndicats.

[35] À force de compromis et d’ajustements, les syndicats ont donc été en mesure de construire un calendrier conforme aux modalités et à l’esprit de l’entente malgré une disponibilité restreinte sur certains sites.

[36] Il déplore le fait que le CISSSMO n’a pas procédé à la réservation de salles pour le mois de décembre 2016, qu’il n’a pas donné suite aux doléances des syndicats et que le calendrier soumis le 10 janvier 2017 n’est pas conforme à l’exercice de départage fait par les associations de salariés.

LA PREUVE DE LA CSN

[37] La CSN dépose en preuve les déclarations sous serment de Josée Thibault, Nicolas Renaud et Steve Brady, préposés aux bénéficiaires à l’Hôpital du Suroît. Ces dépositions révèlent notamment les faits suivants.

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[38] Le 20 décembre 2016, monsieur Brady reçoit un appel au bureau syndical l’informant que des militants du SCFP sollicitent des salariés à leur bureau ou sur leur lieu de travail pour les inciter à visiter leur kiosque tout en leur remettant des tracts. Il intervient auprès de leur représentant pour l’aviser que cette pratique est contraire aux dispositions de l’entente. Ce dernier lui répond au contraire que, selon ses avocats, il peut agir ainsi.

[39] Le 26 décembre 2016, monsieur Renaud constate la présence de militants du SCFP dans la salle de repos de l’urgence. Il leur demande de quitter les lieux puisque les activités de maraudage n’y sont pas autorisées selon l’entente du 29 novembre 2016.

[40] Le 28 décembre 2016, monsieur Brady reçoit d’autres plaintes de salariés qui disent être dérangés durant leurs heures de travail par des militants du SCFP. La même situation se répète les 4, 9 et 10 janvier 2017.

[41] Le 9 janvier 2017, des militants du SCFP sont expulsés de l’urgence de l’Hôpital du Suroît par des membres de la CSN et une militante de la FIQ.

[42] Le 10 janvier 2017, monsieur Renaud est informé que des militants du SCFP sont « entrés dans les locaux de la maintenance au sous-sol, dont les accès sont pourtant

barrés et réservés aux salariés de la maintenance uniquement » et qu’ils ne portaient pas les vêtements de protection pourtant obligatoire.

LA PREUVE DU SCFP

[43] Karine Cabana est conseillère syndicale au SCFP pour la section locale 3247. Elle est directrice de campagne du SCFP au CISSSMO. À ce titre, elle s’occupe de la supervision des militants, de la confection des horaires de travail et de la distribution de l’information. Elle doit, en outre, s’assurer que les paramètres convenus entre les parties concernant le déroulement du maraudage soient respectés par les membres de son organisation.

[44] Elle affirme que les militants ont reçu la consigne de ne pas solliciter, pendant les heures de travail, l’adhésion de salariés sur les unités de soins, les services et les départements. Elle note que la campagne de maraudage s’est bien déroulée jusqu’au 20 décembre 2016.

[45] À cette date, elle reçoit un appel d’une militante, Nancy Roy, qui l’informe qu’un agent de sécurité lui a demandé de quitter la salle de repos de l’urgence de l’Hôpital du Suroît alors qu’elle s’y trouvait pour distribuer des tracts du SCFP. On lui demande de retourner à son kiosque.

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[46] Madame Roy explique être allée environ à quatre reprises à l’Hôpital du Suroît pour distribuer des tracts dans les salles de repos se trouvant sur les unités de dispensation de soins et de services. Elle se promène sur toutes les unités en commençant par le huitième étage et en descendant jusqu’à l’urgence. Elle dit avoir constaté la présence de tracts émanant d’autres organisations syndicales dans ces locaux, mais admet de pas avoir vu des militants de la CSN en distribuer. Elle confirme que, le 20 décembre 2016, un représentant de la CSN et une militante lui ont demandé de quitter la salle de repos de l’urgence et de retourner à son kiosque. Elle en fait part à madame Cabana.

[47] Cette dernière contacte monsieur Boulianne pour discuter de la situation. Ce dernier lui mentionne que les militants ne sont pas autorisés à aller dans les salles de repos qui se trouvent sur les unités de soins.

[48] Madame Cabana refuse d’obtempérer et maintient la directive à ses militants de continuer à distribuer des tracts dans les salles de repos des installations du CISSSMO, y compris celles se trouvant sur les unités de soins. Elle considère que cette pratique ne contrevient pas aux dispositions de l’entente. À preuve, elle affirme que les militants de la section locale 3247 du SCFP du CSSS Jardins-Roussillon ont toujours agi de la sorte et que cela n’a jamais causé de problème. Elle reconnaît toutefois que l’employeur n’était pas au courant de cette situation avant leur entretien du 20 décembre 2016.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[49] Les questions en litige peuvent être formulées de la façon suivante :

► Est-ce que les syndicats sont autorisés à procéder à de la sollicitation, incluant la distribution de tracts, dans les salles de repos se trouvant sur les unités de dispensation de soins et de services du CISSSMO?

► Est-ce que le CISSSMO a entravé les activités des syndicats?

► Est-ce que le CISSSMO a contrevenu aux dispositions de l’entente relativement à la construction du calendrier de réservation de salles et, si oui, quelles ordonnances doivent être prononcées par le Tribunal pour sauvegarder les droits des parties?

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ANALYSE ET DISPOSITIF

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[50] Les articles 3, 5, 6 et 12 du Code édictent des normes relatives au droit des salariés d’appartenir et de participer aux activités de leur association, à l’interdiction de la sollicitation d’adhésion pendant les heures de travail, à la tenue de réunions syndicales dans les locaux de l’employeur et à l’interdiction de toute entrave patronale dans les activités associatives. Ils se lisent comme suit :

3. Tout salarié a droit d’appartenir à une association de salariés de son choix et de participer à la formation de cette association, à ses activités et à son administration. 5. Personne ne peut, au nom ou pour le compte d’une association de salariés, solliciter, pendant les heures de travail, l’adhésion d’un salarié à une association. 6. Une association de salariés ne doit tenir aucune réunion de ses membres au lieu du travail sauf si elle est accréditée et du consentement de l’employeur. 12. Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d’employeurs, ne cherchera d’aucune manière à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d’une association de salariés, ni à y participer. Aucune association de salariés, ni aucune personne agissant pour le compte d’une telle organisation n’adhérera à une association d’employeurs, ni ne cherchera à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d’une telle association ni à y participer.

[51] Les pouvoirs du Tribunal sont par ailleurs définis aux articles 111.33 du Code et 9 de la LITAT.

[52] L’article 111.33 du Code se lit comme suit :

111.33. Outre les pouvoirs que lui attribuent le présent code et la Loi instituant le Tribunal administratif du travail (chapitre T-15.1), le Tribunal peut aussi aux fins du présent code: 1° ordonner à une personne, à un groupe de personnes, à une association ou à un groupe d’associations de cesser de faire, de ne pas faire ou d’accomplir un acte pour se conformer au présent code; 2° exiger de toute personne de réparer un acte ou une omission fait en contravention d’une disposition du présent code; 3° ordonner à une personne ou à un groupe de personnes, compte tenu du comportement des parties, l’application du mode de réparation qu’il juge le plus approprié; 4° ordonner de ne pas autoriser ou participer ou de cesser d’autoriser ou de participer à une grève, à un ralentissement d’activités au sens de l’article 108 ou à un lock-out qui contrevient ou contreviendrait au présent code ou de prendre des mesures qu’il juge

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appropriées pour amener les personnes que représente une association à ne pas y participer ou à cesser d’y participer; 5° ordonner, le cas échéant, que soit accélérée ou modifiée la procédure de grief et d’arbitrage prévue à la convention collective. Ces pouvoirs ne s’appliquent cependant pas au regard d’une grève, d’un ralentissement d’activités, d’une action concertée autre qu’une grève ou un ralentissement d’activités ou encore d’un lock-out, réels ou appréhendés, dans un service public ou dans les secteurs public et parapublic au sens du chapitre V.1.

[53] Quant à l’article 9 de la LITAT, il prévoit que :

9. Le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence. En outre des pouvoirs que lui attribue la loi, le Tribunal peut: 1° rejeter sommairement ou assujettir à certaines conditions toute affaire qu’il juge abusive ou dilatoire; 2° refuser de statuer sur le mérite d’une plainte portée en vertu du Code du travail (chapitre C-27) ou de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1) lorsqu’il estime que celle-ci peut être réglée par une sentence arbitrale disposant d’un grief, sauf s’il s’agit d’une plainte visée à l’article 16 du Code du travail ou aux articles 123 et 123.1 de la Loi sur les normes du travail; 3° rendre toute ordonnance, y compris une ordonnance provisoire, qu’il estime propre à sauvegarder les droits des parties; 4° confirmer, modifier ou infirmer la décision, l’ordre ou l’ordonnance contesté et, s’il y a lieu, rendre la décision, l’ordre ou l’ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu; 5° rendre toute décision qu’il juge appropriée; 6° entériner un accord, s’il est conforme à la loi; 7° omettre le nom des personnes impliquées lorsqu’il estime qu’une décision contient des renseignements d’un caractère confidentiel dont la divulgation pourrait être préjudiciable à ces personnes.

L’ENTENTE

[54] Les dispositions de l’entente concernant la distribution de tracts se retrouvent aux articles 3 et 4 :

DISTRIBUTION DE TRACTS 3. La distribution de tracts à l’intérieur et à l’extérieur doit se faire sans coercition ou

intimidation et elle ne peut entraver la libre circulation dans l’établissement. En aucun cas, les représentants syndicaux ou les employés ne peuvent distribuer des tracts sur les unités de soins ou dans les différents services. Des tracts pourront toutefois être

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distribués ailleurs dans l’établissement sous réserve de ne pas perturber la dispensation des services.

4. Dans tous les cas, la distribution de tracts doit respecter les règles suivantes :

• La distribution de tract à l’intérieur et à l’extérieur doit se faire sans coercition ou intimidation et elle ne peut entraver la libre circulation à l’intérieur ou vers l’établissement;

• Aucune sollicitation ne sera effectuée auprès de la clientèle; • En aucun temps, les représentants syndicaux ou des personnes agissant

pour leur compte ne peuvent distribuer des tracts sur les unités de dispensation de soins et de services.

(soulignement ajouté) [55] Les dispositions concernant les salles de réunion se retrouvent aux articles 13 et 14 :

SALLES DE RÉUNION 13. L’employeur accorde aux différentes organisations syndicales le droit d’accès à des

salles dans les différents points de services du CISSS-MO afin qu’elles puissent y tenir des réunions, dans la mesure de leur disponibilité et compte tenu de la priorité donnée aux activités cliniques et administratives. Cet accès doit être prévu au calendrier pour être autorisé.

14. Compte tenu du caractère exceptionnel du maraudage qui se déroule actuellement et

de sa durée, l’employeur s’engage à faire tout en son possible pour mettre à la disposition des syndicats un nombre suffisant de salles afin qu’ils puissent y tenir leurs activités de maraudage;

CONSTRUCTION DU CALENDRIER 15.Le calendrier d’utilisation de salles de réunion sera construit par les parties d’ici

le 2 décembre2016, selon la procédure suivante:

• L’employeur soumet aux organisations syndicales la liste des salles par sites avec leur capacité au plus tard le 28 novembre 2016. Certains points de services sont exclus compte tenu notamment de leur nature particulière, comme un milieu de vie fermé ou si un nombre restreint de salariés y travaillent;

• Les organisations syndicales soumettent au plus tard le 29 novembre 2016 à

l’employeur la liste de leurs besoins; • L’employeur soumet au plus tard le 30 novembre 2016 toutes les disponibilités

de salles de réunion, à partir du 2 décembre 2016 et jusqu’à la fin de la campagne;

• Le 30 novembre 2016, les organisations syndicales partagent entre elles les

besoins qu’elles avalent soumises à l’employeur le 29 novembre;

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• En cas d’insuffisance de salles fournit par l’employeur pour combler les besoins des organisations syndicales, les procureurs syndicaux ainsi que leur représentant poursuivront le 1er décembre 2016 au matin la discussion sur les paramètres d’attribution équitable des salles de réunion;

• Les organisations syndicales se rencontreront le 1

er décembre 2016 en

après-midi pour déterminer l’attribution équitable des salles de réunion, par site et par mois, et ce, selon les paramètres à convenir entre elles;

• Le départage réalisé par les organisations syndicales est à la base du

calendrier final que les parties officialiseront lors d’une rencontre avec l’employeur qui doit se tenir d’ici le 2 décembre 2016 en après-midi;

• Lors de ces rencontres, chaque organisation syndicale pourra être représentée

par un maximum de deux (2) représentants qui auront pour mandat de confirmer des dates et des salles de réunion disponibles, qui seront ainsi réservées en leur nom;

• En cas de conflit sur le départage des salles de réunion entre les différentes

organisations syndicales, les procureures des parties syndicales ainsi que leur représentant se rencontrent par téléphone le 2 décembre 2016 au matin.

16. Les organisations syndicales s’engagent à ne pas échanger entre elles de salles de

réunion qu’elles auront réservées. 17. Les organisations syndicales qui ont réservé les salles ont le pouvoir de déterminer

les personnes qui pourront être présentes à la réunion.

(reproduit tel quel)

LA RÉSERVE DE COMPÉTENCE

[56] À la demande des parties, dans la décision du 12 décembre 2016, le Tribunal a réservé sa compétence en cas de litige concernant l’application de l’entente du 29 novembre 2016.

[57] La compétence matérielle ou d’attribution d’un Tribunal est une question d’ordre public, de telle sorte que, même du consentement des parties, un juge ne peut s’arroger une compétence qu’il ne détient pas. La réserve de compétence du Tribunal doit donc s’exercer à l’intérieur des limites de sa compétence ratione materiae.

[58] Dans Syndicat de l’enseignement de Lanaudière (SEL – CSQ) c. Commission scolaire des Samares3, la Commission des relations du travail (la Commission) écrivait que les pouvoirs d’ordonnance qu’elle détient doivent s’exercer en regard de la compétence qui lui est attribuée par le Code :

3 2010 QCCRT 0257.

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[22] Certes, la Commission a de larges pouvoirs. Cependant, elle demeure un tribunal administratif, dotée d’une compétence d’attribution. Cette compétence est définie à l’article 114 du Code: assurer l’application diligente et efficace du Code, ainsi qu’entendre et trancher les recours intentés en vertu de ce code (ou de l’une des lois énumérées à l’Annexe I). Les pouvoirs énumérés aux articles 118 et 119 du Code doivent s’exercer en regard de cette compétence.

[59] De la même façon, dans Syndicat International Woodworkers of America (I.W.A. Canada), section locale 1-400 c. Produits forestiers Coulonge inc.4, la Cour d’appel soulignait que les pouvoirs de la Commission doivent nécessairement se rattacher à un droit prévu au Code :

[13] Il ne s'agit pas là de pouvoirs accordés dans l'abstrait. Ils se rattachent à la fonction même de la Commission, qui, tel que déjà vu, est essentiellement de voir à l'application du Code du travail.

[60] Ces principes demeurent pertinents, malgré l’entrée en vigueur de la LITAT.

[61] En l’espèce, cela signifie qu’en l’absence d’une preuve de contravention à un droit prévu au Code, le Tribunal peut bien interpréter les dispositions de l’entente, mais il ne peut d’aucune façon s’arroger le pouvoir d’émettre des ordonnances pour faire respecter des droits qui sont étrangers à son champ de compétence, par exemple, en ordonnant à une partie de se conformer à une entente dont elle est signataire.

APPLICATION DES PRINCIPES AUX FAITS

LA DISTRIBUTION DE TRACTS

[62] Est-ce que les syndicats sont autorisés à procéder à de la sollicitation, incluant la distribution de tracts, dans les salles de repos se trouvant sur les unités de dispensation de soins et de services du CISSSMO?

[63] Monsieur Boulianne affirme que les petites salles de repos se trouvant sur les unités de soins en font partie intégrante de telle sorte que la distribution de tracts y est formellement interdite. À sa connaissance, seul le SCFP agit de cette façon.

[64] Le SCFP prétend au contraire que les salles de repos se trouvant sur les unités de soins n’en font pas partie de telle sorte que ses militants peuvent s’y rendre pour faire de la sollicitation et distribuer des tracts. Il plaide que le Tribunal doit interpréter les dispositions de l’entente à la lumière des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personnel5(la Charte) qui consacrent les libertés d’expression et d’association.

4 [2003] AZ-50207530 (C.A.).

5 RLRQ, c. C-12.

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[65] La preuve révèle que des salariés membres d’un syndicat affilié à la CSN se sont plaints les 28 décembre, 4, 9 et 10 janvier 2017 d’être dérangés pendant leurs heures de travail par des militants du SCFP. La distribution de tracts dans les salles de repos se trouvant sur les unités de dispensation des soins et de services peut être l’occasion d’une telle pratique. Cette preuve non contredite démontre qu’il y a eu contravention aux dispositions de l’article 5 du Code, ce qui justifie l’intervention du Tribunal.

[66] Cela étant, pour trancher le présent litige, le Tribunal doit interpréter les articles 3 et 4 de l’entente. Dans, Corporation d'Urgences-santé c. Syndicat des employées et employés d'Urgences-santé (CSN)6, la juge Dutil se penche sur les principes d’interprétation qui doivent être utilisés pour découvrir la pensée de l’auteur d’un texte normatif. Elle favorise le principe d’interprétation moderne en vertu duquel il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, son objet et l’intention du législateur. Cet énoncé peut assurément être utilisé dans le présent dossier.

[67] En l’espèce, l’entente pose le principe que la distribution de tracts peut se faire à l’intérieur et à l’extérieur des installations du CISSSMO pourvu qu’elle se fasse sans coercition ou intimidation et qu’elle n’entrave pas la libre circulation dans l’établissement. Pour assurer la réalisation de cet objectif, l’entente prévoit que les représentants syndicaux, les personnes agissant pour leur compte ou les employés ne peuvent pas distribuer de tracts sur les unités de soins ou dans les différents services. Ce faisant, les parties voulaient s’assurer que la prestation des services ne soit pas perturbée par les activités de maraudage.

[68] Le Tribunal estime que les dispositions de l’entente sont claires et ne souffrent aucune ambigüité. L’interdiction de distribuer des tracts sur les unités de dispensation de soins et de services s’applique aux salles de repos qui s’y trouvent.

[69] L’interprétation que fait le SCFP des articles 3 et 4 de l’entente est susceptible de mener à des résultats absurdes, et à une violation des dispositions du Code, parce qu’elle autoriserait des cohortes de militants syndicaux à circuler librement à toutes heures du jour ou de la nuit dans les unités de soins et de services pour se rendre dans les salles de repos qui s’y trouvent.

[70] Une telle pratique perturberait nécessairement la dispensation des soins dans l’établissement et contreviendrait même aux objectifs de l’entente. Cette interprétation ne s’harmonise ni avec l’esprit de l’entente ni avec son objet. Elle est en outre contraire à celle que lui donne au moins une autre organisation syndicale.

6 2015 QCCA 315, aux paragr. 42 à 48.

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[71] Par ailleurs, l’interprétation que donne le CISSSMO aux articles 3 et 4 de l’entente ne contrevient d’aucune façon aux dispositions de la Charte relatives aux libertés d’expression et d’association. Au contraire, l’entente aménage l’exercice de ces droits en autorisant le port de macarons ou de t-shirts, la tenue de kiosques d’information et l’organisation de diverses activités dans des salles de réunion mises à la disposition des organisations syndicales par l’employeur.

[72] Il ne saurait donc être question pour le Tribunal de faire droit aux arguments du SCFP qui invoque les dispositions de la Charte pour faire dire à une entente ce qu’elle ne dit pas en réalité. Le Tribunal conclut donc que les syndicats ne sont pas autorisés à procéder à de la sollicitation, incluant la distribution de tracts, dans les salles de repos se trouvant sur les unités de dispensation de soins et de services du CISSSMO.

L’ENTRAVE

[73] Est-ce que le CISSSMO a entravé les activités des syndicats?

[74] L’article 12 du Code interdit toute forme d’entrave dans les activités d’un syndicat. Cette disposition a pour but d’assurer la protection du droit d’association et l’autonomie de l’action syndicale en interdisant toute action patronale qui pourrait avoir pour effet d’empêcher ou de compromettre l’exercice de la liberté syndicale.

[75] Les auteurs Michel COUTU, Laurence Léa FONTAINE et Georges MARCEAU écrivent que l’entrave « consiste en toute recherche ou tentative par l’employeur de dissuader

ou de persuader les salariés de prendre ou ne pas prendre une décision collective, de poser un

geste concerté, de faire ou de ne pas faire une action syndicale quelconque7 ».

[76] L’auteur Jean GÉRIN-LAJOIE écrit pour sa part que « le mot «entraver» [… ]

défend de «mettre des bâtons dans les roues» ou de s’ingérer dans la formation ou dans le fonctionnement d’un syndicat par des agissements qui sont illégaux en vertu d’autres

interdictions précisées dans le Code8 ».

[77] Dans Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 (FTQ) c. Les services à domicile de la région de Matane9, la Commission notait qu’il faut prendre en considération l’ensemble des circonstances qui entourent une démarche faite par un employeur ainsi que le contexte dans lequel elle s’inscrit lorsqu’il lui est reproché de violer l’article 12 du Code. Tout est donc une question de contexte :

7 Droit des rapports collectifs du travail au Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 348.

8 Les relations du travail au Québec, 2

e éd., Gaëtan Morin Éditeur ltée, 2004, p. 50.

9 2011 QCCRT 0149.

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[29] Toute entrave mineure ou majeure aux activités d’une association de salariés doit être sanctionnée, peu importe la gravité des conséquences qui s’ensuivent. La Commission doit toutefois prendre en compte l’ensemble des circonstances qui entourent une démarche faite par un employeur et les agissements de ses représentants, quand il leur est reproché de violer l’article 12 du Code du travail, de même que le contexte qui les entoure.

(soulignement ajouté)

[78] Dans Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 197 (SCEP) c. Solive ajourée 2000 inc.10, la Commission écrivait que l’ingérence peut prendre la forme d’une préférence ou d’un appui, même moral, à l’une ou l’autre des associations en lice :

[51] La prohibition d’ingérence en vue de dominer, entraver ou participer au financement et aux activités d’une association de salariés vise la protection de l’association comme telle et des droits des personnes qui en font partie. Cette protection vise à la fois les gestes qui visent à miner l’action syndicale comme ceux dont l’impact porte atteinte à l’intégrité de l’unité de négociation que cherche à représenter ou, si accréditée, que représente l’association. [52] L’ingérence dans une association par un employeur se conçoit comme un ensemble de gestes posés par un employeur ou l’un de ses agents afin de contrôler directement ou par un intermédiaire les destinées d’un syndicat ou encore, à l’occasion d’une campagne de maraudage, en faisant nettement voir une préférence ou un appui, même moral, à l’une des associations en particulier. L’intervention est dirigée par l’employeur afin de faire obstacle à la syndicalisation ou encore, dans le cas d’un conflit intersyndical, comme à l’occasion d’un maraudage, en exerçant des pressions afin de favoriser l’établissement ou le maintien d’une association donnée. [53] L’employeur peut s’ingérer en facilitant l’organisation des travailleurs, en permettant la sollicitation sur les lieux du travail, en faisant preuve d’aveuglement ou encore en collaborant avec une association de telle façon que sont faussées les relations qu’il doit entretenir avec les salariés et leurs associations.

(soulignement ajouté)

[79] En l’espèce, il revenait à la FIQ de démontrer que le CISSSMO a fait preuve d’ingérence à son endroit. Bien que le non-respect par l’employeur des dispositions de l’entente relatives à la confection du calendrier de salles puisse vraisemblablement affecter ses activités syndicales, ainsi que celles des autres organisations, il n’y a pas un iota de preuve démontrant que, ce faisant, le CISSSMO favorisait ainsi une organisation syndicale plutôt qu’une autre.

[80] Le Tribunal rejette en conséquence la plainte d’entrave déposée par la FIQ contre le CISSSMO.

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2007 QCCRT 0582.

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LA RÉSERVATION DE SALLES

[81] Est-ce que le CISSSMO a contrevenu aux dispositions de l’entente relativement à la construction du calendrier de réservation de salles et, si oui, quelles ordonnances doivent être prononcées par le Tribunal pour sauvegarder les droits des parties?

[82] L’entente prévoit une mécanique en trois grandes étapes pour déterminer le calendrier de réservation de salles.

[83] L’article 15 prévoit que le CISSSMO doit tout d’abord faire parvenir aux organisations syndicales la liste des salles disponibles pour chaque site en précisant leur capacité d’accueil. L’employeur a généralement satisfait à cette exigence, quoique tardivement.

[84] Deuxièmement, les organisations syndicales se rencontrent afin de déterminer l’attribution équitable des salles entre elles selon leurs besoins respectifs. D’une façon générale, les syndicats ont satisfait à cette obligation.

[85] Troisièmement, le CISSSMO détermine un calendrier de réservation de salles qui officialise la répartition faite par les syndicats. Or, c’est ici que le bât blesse. La preuve révèle en effet que l’employeur ne s’est pas conformé à ses obligations à ce chapitre.

[86] Le CISSSMO plaide qu’il a globalement respecté l’entente, que monsieur Boulianne a fait tout ce qu’il a pu pour respecter ses dispositions, que le calendrier de réservation est partiellement officialisé et que le travail se poursuit chaque jour pour satisfaire les besoins des syndicats. Il ajoute que les articles 13 et 14 de l’entente priorisent les activités cliniques et administratives du CISSSMO et lui permettent d’annuler à tout moment les réservations de salles faites au nom des syndicats.

[87] Le Tribunal ne peut accepter ces prétentions. En signant l’entente du 29 novembre, le CISSSMO prenait des engagements précis envers les syndicats en acceptant d’accomplir certaines tâches spécifiques à l’intérieur de délais déterminés. Force est de conclure que l’employeur n’a pas respecté toutes ses dispositions.

[88] Quant aux syndicats, la preuve révèle qu’ils ont fait des compromis et des ajustements pour s’adapter à la situation dans laquelle se trouvait le CISSSMO, notamment en scindant le processus de réservation de salles en deux phases distinctes, la première en décembre et la seconde en janvier.

[89] Malgré cela, la FIQ constate que la situation ne s’améliore guère et qu’il lui est impossible de tenir ses activités de maraudage parce que le CISSSMO refuse, omet ou

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néglige de lui donner accès aux salles de réunion qui étaient pourtant disponibles selon le calendrier confectionné en décembre 2016 par l’employeur lui-même. Les autres organisations syndicales appuient ces prétentions.

[90] Cela étant, malgré la réserve de compétence de la décision du 12 décembre 2016, le Tribunal ne détient pas la compétence requise pour forcer l’exécution de l’entente puisque sa violation, par le CISSSMO, n’implique aucune contravention aux dispositions du Code.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

REMET sine die la demande d’ordonnance de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS);

ACCUEILLE la requête du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest;

DÉCLARE que les syndicats ne sont pas autorisés à procéder à de la sollicitation, incluant la distribution de tracts, dans les salles de repos se trouvant sur les unités de dispensation de soins et de services du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest;

RAPPELLE aux syndicats que le Code du travail interdit à quiconque de

solliciter, pendant les heures de travail, l’adhésion d’un salarié à une association;

REJETTE la demande d’ordonnance de la Fédération interprofessionnelle

de la santé du Québec; REJETTE la plainte d’entrave déposée en vertu de l’article 12 du Code du

travail par la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec contre le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest;

CONSTATE l’accord intervenu entre les parties en ce qui concerne les litiges liés à l’échange de kiosques et à l’intimidation;

ENTÉRINE l’entente intervenue entre elles le 16 janvier 2017;

ORDONNE aux parties de s’y conformer;

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RÉSERVE sa compétence en cas de litige concernant l’application de l’entente intervenue le 16 janvier 2017.

__________________________________ Gérard Notebaert

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Me François-Nicolas Fleury MONETTE, BARAKETT AVOCATS S.E.N.C. Pour la partie demanderesse de première part, Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest Me Marie-Hélène Verge Pour les parties demanderesses de deuxième part Le Syndicat régional des professionnelles en soins du Québec (FIQ) Syndicat des professionnelles en santé du CSSS Vaudreuil-Soulanges (FIQ) Syndicat des professionnelles-ls en soins du Suroît (FIQ) Syndicat des professionnel(le)s en soins de santé du Jardins-Roussillon (FIQ) Syndicat des professionnelles en soins du Haut-St-Laurent (FIQ) M. Pierre Collin Pour la partie demanderesse de troisième part, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) Me Julie Girard-Lemay Pour les parties mises en cause Syndicat du personnel de bureau, des techniciens et des professionnels de l’administration du CSSS Jardins-Roussillon (SCFP – Section locale 3247 – FTQ) Syndicat du personnel paratechnique, des services auxiliaires et de métiers du CSSS Jardins-Roussillon (SCFP – Section locale 3247 – FTQ) Syndicat canadien de la fonction publique Section locale 3544 Me Isabelle Lanson LAROCHE MARTIN Pour les parties mises en cause Syndicat des techniciens-nes et des professionnel-les de la santé et des services sociaux du Québec S.T.E.P.S.S.S.Q. (FP-CSN) Syndicat des employés et employées du centre montérégien de réadaptation (CSN) Syndicat des travailleuses et travailleurs de Sources des Monts – CSN Syndicat des travailleuses et travailleurs en réadaptation de la Montérégie-Ouest – CSN Syndicat des infirmières et infirmiers du Virage – CSN Syndicat des travailleuses et travailleurs du CRDI Montérégie Est – CSN Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de santé et de services sociaux de Vaudreuil-Soulanges – CSN Syndicat des travailleuses et travailleurs du Réseau du Suroît – CSN Mes Hugo Collin-Desrosiers et Claudine Morin BARABÉ CASAVANT Pour la partie mise en cause, Union of CRD Foster Employees Date de la dernière audience : 16 janvier 2017 /jt

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Rectifications apportées le 20 janvier 2017. Les numéros CM-2017-0310 et CM-2017-0311 ont été ajoutés aux dossiers pour les demandes d’ordonnance respectivement déposées par la FIQ et l’APTS.

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