Travail écrit de fin d’études · Quand nous avons commencé les soins de nursing, Mme C a...

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Institut de Formation en Soins Infirmiers du Groupement de coopération sanitaire du Pays d’Aix Année universitaire 2014 – 2015 Promotion 46 Travail écrit de fin d’études UE 3.4 S6 Initiation à la démarche de recherche UE 4.8 S6 Qualité des soins, évaluation des pratiques UE 5.6 S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles Le toucher relationnel, ou comment prendre soin de l’image de soi des personnes âgées dépendantes Présenté par VERSAVEL Charlotte Sous la direction de PERATA Serge

Transcript of Travail écrit de fin d’études · Quand nous avons commencé les soins de nursing, Mme C a...

Institut de Formation en Soins Infirmiers

du Groupement de coopération sanitaire du Pays d’Aix

Année universitaire 2014 – 2015

Promotion 46

Travail écrit de fin d’études

UE 3.4 S6 Initiation à la démarche de recherche UE 4.8 S6 Qualité des soins, évaluation des pratiques UE 5.6 S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles

Le toucher relationnel, ou comment prendre soin de l’image de soi des personnes âgées dépendantes

Présenté par VERSAVEL Charlotte

Sous la direction de PERATA Serge

Note aux lecteurs :

« Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de son auteur ».

Remerciements

A Mr PERATA pour sa guidance éclairée tout au long de ce travail,

A Mme COSTE pour son soutien, et son accompagnement tout au long de ma formation,

A Joffrey, mon compagnon dans la vie et dans cette formidable aventure,

A mes parents pour leurs relectures attentives et leurs encouragements,

Aux trois infirmières qui ont donné un peu de leur temps pour que ce travail puisse avancer,

Et enfin à Samson, mon fidèle compagnon à quatre pattes qui m’a permis de m’évader lorsque j’en ressentais le besoin…

Table des matières

Introduction .............................................................................................................................. 1

I. Situation de départ ........................................................................................................... 2

II. Questionnement et problématique pratique .................................................................. 4

II.1 La personne âgée ........................................................................................................... 6

II.1.1 Définitions ................................................................................................................ 6

II.1.2 Données chiffrées..................................................................................................... 6 II.1.3 Problématiques liées au vieillissement ..................................................................... 7 II.1.4 Dépendance et institutions ........................................................................................ 8 II.1.5 Rôle infirmier et personnes âgées ........................................................................... 10

II.2 Les soins de nursing .................................................................................................... 10

II.2.1 Définition ................................................................................................................ 10

II.2.2 Rôle infirmier et soins de nursing ........................................................................... 11 II.2.3 Objectifs des soins de nursing................................................................................. 11 II.2.4 Refus des soins de nursing ...................................................................................... 12 II.2.5 La douleur induite par les soins de nursing ............................................................ 13

II.3 Le toucher .................................................................................................................... 14

II.3.1 Définitions .............................................................................................................. 14

II.3.2 Rôle infirmier et toucher ......................................................................................... 15 II.3.3 Les différents types de toucher dans les soins infirmiers ....................................... 16

II.3.4 Les bienfaits du toucher chez la personne âgée ...................................................... 17 II.3.5 Conditions nécessaires à la pratique du toucher ..................................................... 19

II.4 Synthèse et requestionnement .................................................................................... 20

III. Cadre conceptuel ............................................................................................................ 21

III.1 Concept de Soi ............................................................................................................ 21

III.1.1 L’image corporelle ................................................................................................ 21 III.1.2 L’estime de soi....................................................................................................... 24 III.1.3 L’identité et l’exercice du rôle.............................................................................. 27 III.1.4 Conclusion sur le concept de Soi ........................................................................... 30

III.2 Concept du prendre soin ........................................................................................... 30

III.2.1 Les différentes théories .......................................................................................... 31 III.2.2 Prendre soin et profession infirmière..................................................................... 34 III.2.3 Toucher relationnel, prendre soin et concept de soi .............................................. 36

III.3 Conclusion du cadre conceptuel ............................................................................... 38

IV. L’enquête exploratoire ................................................................................................... 39

IV.1 Le dispositif de recherche .......................................................................................... 39

IV.1.1 L’outil d’enquête ................................................................................................... 39 IV.1.2 Population ciblée ................................................................................................... 39 IV.1.3 Cadre de l’enquête ................................................................................................. 40 IV.1. 4 Le contenu de l’enquête ....................................................................................... 40

IV.2 Analyse des entretiens ................................................................................................ 41

IV.2.1 Comment touchent-elles ? ..................................................................................... 41 IV.2.2 Quelles sont leurs intentions lorsqu’elles touchent ? ............................................ 42

IV.2.3 Quelle est leur posture lorsqu’elles touchent ? ...................................................... 43 IV.2.4 Quels effets ont-elles remarqué sur les personnes qu’elles touchent ? ................ 46

IV.2.5 Synthèse des entretiens .......................................................................................... 49

V. Conclusion ....................................................................................................................... 51

VI. Bibliographie ................................................................................................................... 53

VII. Liste des annexes ............................................................................................................. 58

1

Introduction

Le toucher est l’un des sens les plus importants pour l’être humain. En effet, il lui permet d’être

en relation avec son environnement et son entourage.

Or, tout au long de ma vie et de mes expériences professionnelles, j’ai toujours utilisé le toucher,

de façon volontaire ou inconsciente, dans le but d’entrer en relation avec les personnes que je

rencontrais.

Au cours de la situation que je décrirai ultérieurement, j’ai utilisé le toucher pour prendre en

charge une patiente âgée dépendante qui refusait un soin de nursing. Suite à cette situation, j’ai

pris conscience que j’utilisais fréquemment le toucher dans les soins, ce qui a éveillé chez moi

de nombreux questionnements. En effet, j’ai à ce moment adopté une posture réflexive sur ma

pratique en tant que future infirmière. Comment est-ce que je touchais ? Pourquoi est-ce que je

touchais ? Les autres soignants touchaient-ils les patients de la même manière ?

J’ai alors décidé de réaliser mon travail de fin d’études sur ce sujet, car il me semble que le

toucher est un geste récurrent dans les soins infirmiers, lors d’actes techniques ou pour des soins

relationnels. Mais alors, quels sont les effets sur les patients ?

Je me suis appuyée sur la situation mentionnée précédemment pour faire émerger une question

initiale sur l’impact du toucher dans la prise en charge de la personne âgée refusant les soins de

nursing. J’ai ainsi pu explorer les problématiques liées au vieillissement et à la perte

d’autonomie. Je me suis également intéressée aux soins de nursing et aux raisons qui poussent

certains patients à les refuser, telles que la douleur induite. Enfin j’ai exploré le thème du

toucher, tentant alors de le définir, d’identifier les différents types de touchers utilisés dans les

soins infirmiers et d’en comprendre les bienfaits. C’est le toucher relationnel qui a ainsi retenu

mon attention pour la suite de ce travail.

Ensuite, j’ai formulé une problématique théorique questionnant l’utilisation du toucher

relationnel au travers du prendre soin, afin d’améliorer l’image de soi des personnes âgées. J’ai

ainsi développé le concept de l’image de soi, notion régulièrement perturbée chez les personnes

âgées dépendantes. Puis j’ai exploré le concept du prendre soin, au travers de l’outil « toucher

relationnel ».

Pour finir, j’ai réalisé dans la dernière partie de ce travail, des entretiens avec des infirmières

afin de comparer le fruit de mes recherches à la réalité professionnelle. Cela m’a permis de

confirmer mes hypothèses, mais également de faire apparaitre de nouvelles notions que je

n’avais pas explorées.

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I. Situation de départ

Lors de ma deuxième année de formation, j’ai réalisé un stage de dix semaines dans un centre

de convalescence privé à Aix en Provence. Ce centre est organisé sur deux étages, et comporte

un service de long séjour de 20 lits, excentré au bout du bâtiment.

J’étais alors en stage au premier étage, dans le service de soins de suite et de réadaptation.

Un matin, une stagiaire de 1ère année, que je nommerais S, et moi avons été sollicitées pour

aider l’aide-soignante du service de long séjour afin de réaliser les toilettes car elle était seule.

Nous nous y sommes donc rendues et avons commencé à nous renseigner sur les patients dont

nous devions nous occuper. L’aide-soignante nous indiquait au fur et à mesure les soins

spécifiques à leur prodiguer.

La dernière toilette que nous avons effectuée ce matin-là était celle de Mme C.

L’aide-soignante et l’infirmière nous ont informées que cette patiente de 86 ans était dans la

structure depuis quelques années et que son état général s’était dégradé depuis quelques

semaines. En effet, suite à des crises convulsives à répétition, Mme C se trouvait parfois dans

un état de semi-conscience, mais pouvait cependant être totalement consciente quelques heures

ou quelques jours après.

La patiente étant très algique, malgré la prescription de Morphine, et peu conciliante dans les

soins, les soignantes nous ont conseillé d’effectuer cette toilette à deux et de ne réaliser que des

soins « sommaires », c’est-à-dire un passage de gant humide, un soin de bouche si cela était

réalisable et une prévention d’escarre.

Elles ont bien insisté sur la prise en charge difficile de cette patiente qui ne réagissait plus aux

paroles des soignants et nous ont conseillé, je cite « de ne pas trop insister et de réaliser les

soins rapidement ».

Nous sommes donc entrées dans la chambre. L’ambiance était tamisée, les volets baissés et la

patiente, cachectique, dans un état de semi-conscience. Pendant que S. préparait le matériel

nécessaire à la toilette de la patiente je me suis approchée de celle-ci, lui ai touché la main et

l’ai informée des soins que nous allions lui prodiguer. Mme C est restée de marbre et n’a pas

donné de signes de compréhension de mes paroles. Ses yeux étaient fermés et son visage crispé,

m’évoquait la souffrance.

De plus, elle était installée dans le lit en position fœtale, qui m’a paru être un positionnement

rassurant et antalgique. Elle avait certainement dû bouger pendant la nuit car son front était

reposé contre la barrière du lit.

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Nous avons tenté de la redresser dans le lit, mais cela s’est avéré impossible car ses membres

étaient crispés et Mme C ne cherchait pas à nous aider. Nous avons donc inséré un oreiller entre

sa tête et les barrières pour éviter qu’elle ne se blesse.

Nous lui avons ensuite retiré sa chemise de nuit ce qui ne fut pas une tâche aisée. En effet, elle

était tellement crispée que nous ne pouvions pas lui faire tendre ou plier les bras, de plus nous

avions peur de lui faire mal.

Quand nous avons commencé les soins de nursing, Mme C a grimacé et a serré les dents, ses

yeux étaient toujours clos, comme si elle tentait désespérément d’échapper à cette réalité

douloureuse que lui renvoyait son corps.

Nous avons donc tenté d’effectuer une toilette rapide en essayant de la mobiliser le moins

possible pour ne pas lui occasionner plus de douleur.

Comme Mme C avait les dents serrées, les soins d’hygiène buccale furent impossibles à réaliser.

J’ai tenté de lui parler, en lui expliquant que cela lui serait plus agréable d’avoir la bouche

propre et que je serais douce et rapide, mais elle n’a pas réagi. Je sentais que ma collègue

stagiaire était assez désemparée face aux difficultés que nous rencontrions et qu’elle était plutôt

mal à l’aise. Je lui ai donc proposé d’effectuer moi-même la prévention d’escarre, ce qu’elle a

accepté.

J’ai donc pris de l’huile de soin et j’ai commencé les effleurages au niveau des talons de Mme

C.

Or à ce moment précis, j’ai ressenti l’envie de réaliser des effleurages plus poussés que ceux

qui sont habituellement dispensés au cours des préventions d’escarre.

En effet, avant de commencer la formation d’infirmière, j’étais esthéticienne hydrothérapeute,

spécialisée dans le modelage de bien-être. Je suis donc habituée au toucher depuis quelques

années et j’apprécie le contact qu’il permet de créer avec la personne.

Au cours de ce soin, j’ai ressenti le besoin d’établir un lien plus spécifique avec Mme C au vue

de sa situation et de sa souffrance.

C’est pourquoi je me suis permis d’utiliser les connaissances que je possédais grâce à mon

ancienne activité, ce que je n’avais jamais osé réaliser jusque-là.

J’ai donc dispensé à Mme C, ce que je pourrais appeler un toucher-détente sur l’ensemble de

ses membres inférieurs, tout en restant attentive à ses réactions corporelles.

Or, au bout de quelques minutes, je l’ai sentie se détendre. Ses membres inférieurs étaient

devenus plus mobilisables et son visage s’était apaisé, presque détendu. Mme C avait même

légèrement entrouvert les yeux et me regardait du coin de l’œil. Cette réaction m’a donc

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encouragée à continuer mes effleurages. Je suis remontée au niveau de ses membres supérieurs.

J’ai pris sa main dans la mienne, paume contre dos, et j’ai ainsi réussi à obtenir que ses doigts

se détendent. Je lui également effleuré tout le dos.

Suite à cela, sa mâchoire s’est relâchée, je lui ai donc proposé de réaliser les soins buccaux que

nous n’avions pu lui prodiguer auparavant. Mme C ne m’a pas répondu, mais a continué à me

regarder. J’ai donc tenté de le réaliser et y suis arrivée sans qu’elle ne présente de signe

d’opposition.

II. Questionnement et problématique pratique

Suite à ce soin particulier, je suis sortie de la chambre de Mme C animée par de nombreux

questionnements vis-à-vis de ce qui venait de se produire et de ma posture.

En effet, avais-je agis en tant qu’ancienne hydrothérapeute ou bien en tant qu’étudiante en soins

infirmiers ?

Au vu de ma posture au moment du soin, ainsi que des connaissances que j’ai pu mobiliser, je

pense que j’ai agis en tant que future professionnelle de santé, tout en utilisant des

connaissances et des ressources que j’avais acquises par le passé. C’était ainsi la première fois

que je pouvais intégrer mes compétences d’hydrothérapeute dans ma posture d’étudiante

infirmière.

D’autre part, la notion de refus de soins m’a interpellée dans cette situation. En effet, j’y avais

été confrontée à maintes reprises depuis le début de ma formation.

Or, face à ces difficultés, je me sentais souvent démunie. Lorsque la personne soignée était en

capacité d’exprimer clairement son refus de soin, il m’était possible d’en parler avec elle afin

d’en comprendre les raisons et parfois même de trouver des compromis. Cependant, dans bien

des cas, comme dans celui de Mme C, la personne était dans l’incapacité d’exprimer son refus

de soin par un langage verbal. Or, il est difficile pour un soignant de réaliser un soin lorsqu’il

n’obtient pas l’accord pleinement exprimé du patient et qu’il doit se fier uniquement au langage

non verbal de ce dernier, ce qui peut être source d’interprétations erronées.

De plus, la sensation d’occasionner de la douleur à ces patients affaiblis me poussait à

m’interroger sur le bien-fondé des soins que je prodiguais. Tout au long de ma formation, j’ai

pu apprendre qu’il était nécessaire d’obtenir le consentement du patient avant de réaliser un

soin, et que celui-ci devait être acteur de sa prise en charge.

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Etais-je, dans le cas de Mme C, face à un refus de soins ? Et si la réponse est oui, à quoi cela

était-il dû ? J’ai pu constater que cette patiente paraissait très algique, alors était-ce dû à la

douleur induite par le soin de bien-être et de confort que je lui prodiguais ?

Je me suis également interrogée sur les outils mis à ma disposition dans la prise en charge de la

douleur lors des soins. Il est évident que nous disposons de nombreuses thérapeutiques

antalgiques couramment utilisés dans les services. La douleur de Mme C était traitée par un

protocole de Morphine, cependant cela ne semblait pas suffisant. Je me suis alors demandé

quels autres outils pouvaient être utilisés.

Après m’être documentée sur les alternatives aux thérapeutiques médicamenteuses dans la prise

en charge de la douleur, j’ai pu confirmer que le toucher, que j’avais utilisé chez Mme C, était

de plus en plus utilisé dans de telles situations.

En analysant ma pratique, je me suis aperçue que je touchais les patients, d’une part dans les

soins quotidiens incombant au rôle infirmier, mais qu’il m’arrivait également de toucher les

patients différemment selon les situations dans lesquelles je me trouvais. En effet, confrontée à

la douleur physique ou morale à maintes reprises, il m’est souvent arrivé de poser ma main sur

celle d’un patient ou sur son épaule pour lui apporter présence et réconfort.

J’utilisais alors inconsciemment le toucher comme un outil thérapeutique dans la prise en

charge de l’anxiété ou de la douleur.

Ce questionnement m’a alors amenée à formuler la question de départ suivante : En quoi le

toucher-détente influence-t-il la prise en charge des personnes âgées dépendantes refusant

les soins de nursing ?

Pour comprendre cette problématique pratique, il convient d’en définir et d’en expliquer les

termes. C’est pourquoi, je définirai la notion de personne âgée, de vieillissement ainsi que les

problématiques qui y sont liées dans un premier temps, puis je m’intéresserai aux soins de

nursing dans un second temps et enfin je développerai la notion du toucher dans un troisième

temps.

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II.1 La personne âgée

II.1.1 Définitions

• Personne âgée

Il n’existe pas de définition précise de ce qu’est une personne âgée, cependant l’Organisation

des Nations Unies a défini en 1980 la catégorie des personnes âgées comme étant celle des plus

de 60 ans. Néanmoins, avec l’évolution et le vieillissement de notre société, cette définition

peut paraitre désuète.

C’est pourquoi il m’a paru pertinent de définir un terme qui me paraissait plus adéquat, la

vieillesse.

• Vieillesse

Le CNRTL 1 (2012) définit la vieillesse comme étant une « Période de la vie succédant à l'âge

mûr que l'on situe actuellement chez l'homme à partir de l'âge de soixante-cinq, soixante-dix

ans. »

Pour l’Organisation Mondiale de la Santé, la vieillesse concerne les plus de 65 ans tandis que

d’un point de vue social, l’entrée dans la retraite serait un indicateur d’entrée dans la vieillesse.

D’un point de vue économique et médical, on parle de 3ème âge lors de la cessation d’activité,

de 4ème âge lorsqu’il y a une perte d’autonomie et une apparition de handicap. Les termes de

grand âge ou de 5ème âge sont également couramment utilisés pour désigner les personnes très

âgées.

Mais quelle place occupent les personnes âgées dans notre société ? Quelle part de la population

représentent-elles ?

II.1.2 Données chiffrées

Selon l’INSEE2, la population française, qui comptait 66 millions d’habitants début 2014, ne

cesse de vieillir. Ce phénomène est dû à l’augmentation de l’espérance de vie et au

vieillissement des individus appartenant aux générations dites « du baby-boom ».

Les chiffres indiquent que « les habitants âgés d’au moins 65 ans représentent 18 % de la

population, soit une progression de 3,4 points en vingt ans » et que « la France compte 9,1 %

1 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales 2 Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

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d’habitants d’au moins 75 ans au 1er janvier 2014. » (INSEE, 2014). Inversement, la part des

individus de moins de 20 ans a baissé de 2,1 points et représentait 24,6% de la population en

2014.

Ces données révèlent donc la place importante qu’occupe et occupera la population vieillissante

dans la société Française, ce qui m’amène à me demander quelles sont les conséquences du

vieillissement sur les individus et les problématiques qui en découlent ?

II.1.3 Problématiques liées au vieillissement

Tout d’abord, il convient de définir ce qu’est le vieillissement.

Selon Caron, (2000) « le vieillissement, qui sous-tend le fait de vieillir, est un processus qui

démarre avec la naissance et prend fin avec la mort. » (Caron, 2000, p34)

Il est donc inéluctable et cause au fil du temps diverses modifications physiques et psychiques.

• Vieillissement physique

Le processus de senescence, qui est défini par le dictionnaire Le Larousse (2009) comme étant

le « vieillissement naturel des tissus et de l'organisme », entraine des changements physiques

et physiologiques apparaissant bien avant l’apparition des signes visibles.

Les altérations se manifestent progressivement, causant le déclin des fonctions physiologiques

jusqu’à ce que l’organisme ne puisse plus s’adapter, aboutissant ainsi au décès.

Ce vieillissement normal expose les individus à une plus grande vulnérabilité à diverses

pathologies dont la prévalence croît avec l’âge.

• Vieillissement psychologique

Les individus connaissent en vieillissant des périodes de pertes et de ruptures successives telles

que la perte du statut social lors du passage à le retraite, ou encore la perte d’êtres chers.

De plus, le vieillissement s’apparente à de multiples changements tels que les modifications

corporelles ou la baisse des performances physiques et intellectuelles. Celles-ci

peuvent modifier l’image corporelle de l’individu et entrainer une altération de l’estime de soi.

BEROU (2012) explique que, prenant conscience de son propre corps vieillissant et de son

éventuelle mort prochaine, l’individu doit trouver en lui « des ressources nécessaires pour

reconstruire un nouveau modèle existentiel » afin de ne pas « s’installer dans le refus du

changement, le désespoir et ne plus trouver de sens à la vie. »

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L’isolement social, les deuils, la confrontation à sa propre mort peut affecter l’individu

vieillissant et un état dépressif ou anxieux peut alors s’installer.

• Les trois modèles de vieillissement

Classiquement il existe trois modèles de vieillissement qui sont le vieillissement réussi, le

vieillissement usuel et le vieillissement pathologique.

Lors du vieillissement réussi, l’individu ne présente pas de pathologie significative et ses

fonctions physiologiques sont atteintes de façon minime.

Lors du vieillissement usuel, l’individu présente plusieurs pathologies plus ou moins

compensées. Il peut cependant exister un risque de fragilité, c’est-à-dire un risque de perte

fonctionnelle ou de majoration de la perte fonctionnelle préexistante.

Enfin, le vieillissement pathologique concerne les individus souffrant de polypathologies

associées généralement causées par des facteurs génétiques, environnementaux mais aussi

psychologiques et sociaux.

Malgré le fait qu’il n’existe pas de définition précise de ce qu’est la polypathologie, la SFMG3

(2013) explique que ce terme est « couramment utilisé pour parler du cumul de pathologies.

Souvent on parle de polypathologie dès lors que les personnes souffrent d’au moins deux

maladies. ».

Le vieillissement pathologique est couramment rencontré dans les services hospitaliers ainsi

que dans les institutions en raison de la dépendance qu’il peut provoquer. Mais alors qu’est-ce

que la dépendance ? Quelles sont les problématiques liées à l’entrée en institution ?

II.1.4 Dépendance et institutions

Duée & Rebillard (2006) définissent la dépendance des personnes âgées « comme le besoin

d’aide des personnes de 60 ans ou plus pour accomplir certains actes essentiels de la vie

quotidienne. Elle est liée non seulement à l’état de santé de l’individu, mais aussi à son

environnement matériel. »

La dépendance peut également être appelée « perte d’autonomie » et peut être psychique,

physique ou sociale.

3 Société Française de Médecine Générale

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Il existe plusieurs grilles permettant d’évaluer le degré de perte d’autonomie des personnes

âgées, la plus fréquemment utilisée étant la grille nationale AGGIR (Autonomie Gérontologie

Groupes Iso-Ressources). Utilisant 6 groupes de GIR 1 à GIR 6, elle permet aux professionnels

de compenser ou suppléer une fonction déficiente, tout en tentant de maintenir l’autonomie de

la personne dans sa vie quotidienne.

Il est notamment intéressant ici de rappeler que l’article R. 4311-3 du code de la santé publique

stipule que « Relèvent du rôle propre de l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions

d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un

manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes.»

La perte d’autonomie d’une personne âgée entraine la nécessité d’une prise en charge unique

pour chaque individu. Les proches et les soignants doivent alors opter pour le maintien à

domicile ou l’entrée en institution, en prenant en compte différents facteurs tels que le degré de

dépendance, les caractéristiques du logement de la personne ou encore la possibilité de soins à

domicile.

Dans le cas du choix d’une entrée en institution, il existe un panel varié d’établissement allant

du foyer d’accueil à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Mais l’entrée en institution n’est pas un évènement anodin dans la vie d’une personne âgée

même si elle résulte généralement d’une décision murement réfléchie.

Dans certains cas la décision de placement apparaissant dans un contexte de crise est parfois

imposée à la personne âgée, pouvant alors provoquer un véritable traumatisme.

Ainsi, l’institution devient le nouveau lieu de vie de la personne, et selon Donnio (2005), « C’est

avant tout un environnement radicalement différent du cadre de vie antérieur, un nouveau

cadre avec des contraintes. » (Donnio, 2005, p80)

L’individu doit alors s’adapter et se plier aux règles qui rythment la vie de l’institution.

Enfin, celle-ci est souvent vécue comme le dernier lieu de vie ce qui peut ainsi réveiller des

angoisses d’abandon et de mort, ou être source d’une perte d’estime de soi de l’individu âgé.

En effet, selon Marin (1998), « la concentration de personnes âgées en établissement fragilise

l’estime de soi d’un nouveau résidant. C’est dès son arrivée qu’il réalise son âge et sa

vulnérabilité, sa mortalité. » (Marin, 1998, p23)

Le rôle des soignants, en particulier de l’infirmier, est alors primordial dans l’accueil et

l’accompagnement de la personne âgée institutionnalisée.

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II.1.5 Rôle infirmier et personnes âgées

Le rôle de l’infirmier auprès des personnes âgées est de maintenir et d’améliorer leur état de

santé ainsi que de préserver leur autonomie au travers de soins curatifs, préventifs et

relationnels.

Cette prise en charge se veut globale et en lien avec les actions des autres membres de l’équipe

pluridisciplinaire.

L’infirmier a également pour mission d’établir un projet de vie pour la personne âgée et de

mettre en place des actions visant à satisfaire ses besoins.

J’ai choisi de m’intéresser maintenant plus particulièrement aux soins de nursing, car il me

semble que c’est l’un des soins relevant du rôle propre infirmier qui prend toute son importance

auprès des personnes âgées, notamment dans le cas de ma situation de départ.

II.2 Les soins de nursing

II.2.1 Définition

Les soins de nursing sont définis par le Larousse (2009) comme l’ « ensemble des soins

d'hygiène et de confort prodigués aux personnes dépendantes. »

Les soins d’hygiène sont définis par Pauchet-Traversat (2012), comme «l’ensemble de soins et

de procédés qui permettent d’assurer la propreté du corps et des téguments et d’en préserver

l’intégrité. L’hygiène de l’environnement de la personne est également comprise dans cette

pratique. »

Les soins de nursing doivent être adaptés à chaque personne grâce au matériel spécifique

disponible et peuvent être effectués soit au lit du patient soit dans des locaux adaptés. Les

habitudes du patient doivent être prises en compte, et l’infirmier doit veiller au maintien de son

autonomie.

Rageau (2009) précise que « les soins de nursing vont bien au-delà d'une simple toilette. Par

leur caractère quotidien et la culture médicale des infirmières diplômées d'état qui les

dispensent, les soins de nursing sont aussi l'occasion de surveiller, de prévenir et de conseiller

les patients et leur entourage. Ils permettent ainsi de maintenir, restaurer ou compenser les

capacités d'autonomie du sujet âgé dépendant. »

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II.2.2 Rôle infirmier et soins de nursing

Selon l’article R.4311-5 du Code de la Santé Publique, les soins d’hygiène et de confort font

partie intégrante du rôle propre de l’infirmière : « Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier

ou l'infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques

et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son

information et celle de son entourage : […]

• Soins et procédés visant à assurer l'hygiène de la personne et de son environnement »

De plus, l’article Article R. 4311-4 du Code de la Santé publique précise la collaboration entre

infirmiers et aides-soignants concernant les soins d’hygiène et de confort :

« Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés

dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social,

l'infirmier ou l'infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-

soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-psychologiques qu'il encadre et dans

les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. »

II.2.3 Objectifs des soins de nursing

Outre la propreté du corps et des téguments, les soins de nursing permettent également d’assurer

une communication verbale et non verbale entre le patient et les soignants permettant ainsi une

resocialisation et la création de liens de confiance. Au travers de la douceur et de la tendresse

rendues possibles par ce soin dispensé au plus près de l’intimité du patient, le soignant pourra

alors rassurer, redonner goût à la vie, ou au contraire, accompagner la fin de vie dans la dignité.

Ils permettent également de réhabiliter le schéma corporel de l’individu et de travailler sur

l’image de soi et le narcissisme de la personne soignée au travers du ressenti des sensations

corporelles, de l’habillage et même parfois du maquillage.

Enfin, Gineste (2009) explique que, pratiqués quotidiennement, les soins de nursing favorisent

une surveillance et une prise en charge clinique rapprochées de la personne soignée.

De plus, le contact rapproché avec le patient permet au soignant d’assurer la surveillance et la

prévention des dégradations corporelles liées au vieillissement, à la pathologie ou encore au

décubitus telles que les attitudes de rétraction articulaire, la constipation, l’incontinence ou

encore les escarres.

12

La prévention et les soins de ces derniers relèvent également du rôle propre de l’infirmier définit

par l’article R.4311-5 du CSP : «Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière

accomplit les actes ou dispense les soins suivants […] Prévention et soins d'escarres » et sont

généralement réalisé dans la continuité des soins de nursing, comme je l’ai pratiquée au cours

de la toilette de Mme C.

II.2.4 Refus des soins de nursing

La toilette est donc un soin indispensable dans la vie quotidienne de la personne âgée

dépendante.

Cependant, il peut parfois arriver que certains refusent les soins d’hygiène et de confort,

confrontant alors les soignants aux limites de leur profession.

En effet, la question du refus de la toilette pose une question éthique entre ce qui est nécessaire

pour la personne et ce qu’elle considère comme étant bien pour elle-même.

Les raisons du refus des soins de nursing peuvent être nombreuses, et le soignant doit être en

capacité de les rechercher et de les comprendre.

Courjou (2007) explique que « certaines personnes âgées n’ont pas été habituées à cette

hygiène qui est tant prônée de nos jours. Il arrive donc qu’en milieu hospitalier la toilette soit

forcée. » (Courjou, 2007, p35).

C’est pourquoi Philipart (2011) insiste sur l’importance de se renseigner sur les habitudes

antérieures de la personne soignée.

De plus, l’aide à la toilette, proposée par un soignant ne faisant pas partie de la sphère intime

du patient, est un acte intrusif dans l’intimité de la personne soignée.

Il est donc nécessaire de pratiquer des soins relationnels afin d’établir une relation de confiance

avec le patient refusant ce soin, mais également de savoir faire des concessions.

Parfois, le refus des soins de nursing est l’expression de la volonté du patient de choisir pour

lui-même, traduisant ainsi une volonté d’exister en tant qu’être humain et non comme un corps

objet de soins. Il est donc important de conforter le patient dans son identité en n’imposant pas

notre savoir et notre volonté de soignants.

Il est peut-être également intéressant de s’interroger sur la possibilité que les soins de nursing

puissent être refusés en raison des douleurs qu’ils provoquent au patient.

13

La patiente de ma situation de départ présentant des signes de douleur manifestes lors des soins

de nursing que nous lui dispensions, il me semble alors utile de se questionner sur la douleur

induite par les soins de nursing.

II.2.5 La douleur induite par les soins de nursing

L’IASP4 (citée par l’INSERM5) (2011) définit la douleur comme " une expérience sensorielle

et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite

dans ces termes" .

Cette définition sous-tend donc que la douleur est subjective, de plus c’est un phénomène

pluridimensionnel et complexe.

D’ailleurs, plusieurs composantes de la douleur sont classiquement décrites dans la littérature,

telles que la composante sensori-discriminative ou la composante affective qui influence la

perception de la douleur de l’individu selon son expérience personnelle, sa mémoire propre et

sa culture. On trouve également la composante cognitive correspondant à la signification

donnée à la douleur, et enfin la composante comportementale qui concerne l’ensemble des

manifestations observables chez l’individu qui souffre.

La douleur induite est définie par Wrobel (2005) comme « une douleur prévisible, fréquente,

de durée limitée, associée à un geste ou un soin qui doivent être réalisés pour le bien d’un

patient » (p10) De plus, la douleur induite peut être prévenue par des mesures adaptées en amont

et pendant le soin.

Selon une enquête sur la douleur induite de Coutaux et Al (2008), les patients interrogés

estimaient que les gestes les plus douloureux étaient les ponctions vasculaires d’une part et les

mobilisations liées aux soins de nursing et aux transferts d’autre part.

Or, ces douleurs induites par les soins de nursing peuvent être source d’agitation, d’anxiété à

court terme, mais également de dépression, ou encore de refus de soins de la part des patients.

De plus, les douleurs induites par les soins altèrent la relation établie entre le soignant et le

soigné, mettant ainsi à mal la confiance qui pourrait et devrait s’établir afin de permettre à

l’infirmier de prendre en charge la personne dans sa globalité.

4 Association internationale pour l’étude de la douleur 5 Institut national de la santé et de la recherche médicale

14

La douleur induite par les soins de nursing est donc une problématique omniprésente dans la

prise en charge des personnes âgées.

Or, l’Article R. 4311-2 du décret de compétence n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux

parties IV et V du code de la santé publique stipule que : « Les soins infirmiers, préventifs,

curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. […]

Ils ont pour objet : […]

• De participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la

détresse physique et psychique des personnes »

Ainsi l’infirmier dispose d’outils variés pour évaluer la douleur, en particulier les échelles

adaptées à l’état de conscience du patient.

Lorsque la personne n’est pas en état d’exprimer le ressenti de sa douleur, l’observation de

certains paramètre physiologiques (sueurs, fréquence respiratoire et cardiaque…), du

comportement (agitation, posture, cris, expressions du visage) permet de l’évaluer.

L’infirmier a également pour compétence de soulager la douleur, soit dans son rôle propre, soit

en collaboration avec le médecin et dispose pour cela d’un large éventail de thérapeutiques.

Des approches psychologiques ou relationnelles peuvent également être utilisées au travers de

l’écoute active, de l’empathie ou encore de l’éducation du patient.

Des moyens non médicamenteux peuvent également être mis en place et adaptés à chaque cas,

tels que les ateliers de relaxation ou de médiation corporelle, ou encore l’hypnose.

Suite à la lecture de divers articles et ouvrages, j’ai pu me rendre compte que le toucher, que

j’avais utilisé lors de ma situation de départ, est une technique fréquemment utilisée dans la

prise en charge de la douleur, c’est pourquoi il me semble intéressant de définir en quoi il

consiste.

II.3 Le toucher

II.3.1 Définitions

Il existe plusieurs définitions du terme « toucher » dans le dictionnaire. En effet, le Larousse le

définit en tant que verbe comme « entrer en contact avec », « porter la main sur », « émouvoir »,

ou encore « sens grâce auquel on connait la forme et l’état extérieur des corps par contact ».

15

Le toucher fait partie des cinq sens du corps humain, et les spécialistes s’accordent à dire que

c’est le premier sens à apparaitre et le dernier à disparaitre. Selon Anzieu (1995) : « De tous les

organes des sens, c’est le plus vital : on peut vivre aveugle, sourd, privé de goût et d’odorat.

Sans l’intégrité de la majeure partie de la peau, on ne survit pas. » (p92)

La peau est l’organe sensoriel du toucher, c’est aussi l’organe le plus étendu du corps humain

(environ 60% de la surface corporelle). Celle-ci, composée de plusieurs couches plus ou moins

profondes, contient de nombreux récepteurs, appelés corpuscules, sensibles à différentes

sensations tel que l’action mécanique, la chaleur ou encore la douleur.

De ce fait, le corps sensoriel de l’être humain lui permet d’entrer en contact avec son

environnement et fonctionne comme un système d’alarme, par le biais de la douleur notamment.

Le toucher permet également aux individus de ressentir leur intériorité corporelle.

Enfin, Anzieu (1995) écrit que « la peau qui protège notre état intérieur, le révèle en grande

partie en dehors ; elle est aux yeux des autres un reflet de bonne ou mauvaise santé organique

et un miroir de notre âme. »

D’ailleurs, selon Courjou, (2007) « la peau est aussi un des éléments essentiels du fondement

de notre personnalité. » Elle explique également que la peau reflète notre origine et notre

histoire au travers des marques laissées par le temps telles que les cicatrices ou encore les rides.

Cette définition du toucher et la description de son organe sensoriel qu’est la peau nous permet

d’en comprendre l’importance. C’est pourquoi il me parait intéressant dans un premier temps

de définir et préciser le rôle de l’infirmier dans la pratique du toucher.

II.3.2 Rôle infirmier et toucher

Je ne parle pas ici de « massage » qui pourrait être dispensé par un masseur kinésithérapeute,

mais d’un toucher-massage ou toucher-détente soignant pouvant être dispensé par les infirmiers

et les aides-soignants. Selon l’association Asteria (2012), « « le massage » est bel et bien une

intervention de soins infirmiers, référencées dans la Classification des Interventions de Soins

Infirmiers (CISI). »

Le massage ou toucher-massage prodigué dans les soins infirmiers permet la réalisation de trois

actes faisant partie du rôle propre de l’infirmier :

• La lutte contre la douleur que j’ai évoquée précédemment,

16

• Les soins relationnels permettant d’induire une relaxation chez le patient, mais également

d’établir une communication non verbale avec ce dernier

• La prévention et les soins d’escarre, acte essentiel du rôle propre de l’infirmier auprès des

personnes âgées.

La pratique du toucher fait donc partie du rôle propre de l’infirmier, pouvant ainsi accompagner

un geste douloureux ou angoissant pour le patient, ou encore devenir un soin à part entière dans

certaines situations.

On peut alors se demander quels sont les différents types de toucher utilisés dans les soins

infirmiers ?

II.3.3 Les différents types de toucher dans les soins infirmiers

Lors des soins infirmiers, le toucher est omniprésent. En effet, qu’ils soient techniques ou

relationnels, ils mettent inexorablement en relation deux individus dans une rencontre de corps

à corps.

Selon Delalieux, Jegou, Malaquin-Pavan & Nectoux, (2001), on peut différencier le « toucher

gnosique », concernant la palpation du corps effectué par le soignant dans un but strictement

diagnostic, du « toucher pathique ». Ce dernier « met en relation deux êtres » et permet

l’accompagnement et le soutien du patient par le biais de la douceur mais aussi de la tendresse.

De plus, au cours de mes différentes lectures sur le sujet, j’ai pu différentier plusieurs types de

toucher.

D’une part le toucher dit technique ou diagnostic utilisé généralement au cours de soins dit

curatifs. Celui-ci est plus orienté vers la technicité que vers la relation et peut-être vécu comme

agressif, douloureux et parfois même être redouté par le patient.

D’autre part, le toucher déshumanisé est fréquemment rencontré dans les pratiques

infirmières. Ce sont les gestes routiniers réalisés de façon automatique, se concentrant

uniquement sur les soins et non sur le patient en tant que personne. Il est généralement

rencontré dans les soins curatifs et techniques, mais peut aussi parfois être appliqué dans les

soins de confort et de bien-être.

Enfin, le toucher relationnel qui peut être utilisé au cours de tous soins infirmiers, qu’ils soient

techniques ou relationnels, et qui selon Blanchon (2014), est « avant tout une rencontre avec

17

l’autre au travers de ce que nous sommes, en le respectant dans ce qu’il est et non ce qu’il

pourrait représenter. » (p38)

Rioult (1998), estime que le toucher relationnel concerne l’action d’établir une relation

chaleureuse avec la personne grâce au toucher, qu’il soit bref (lui prendre la main) ou qu’il

s’agisse d’un toucher-massage.

Il permet d’entrer en contact avec la personne soignée par le biais d’une intention de

bienveillance, de confort et de respect, au-delà du contact superficiel instauré par le geste

technique. Par le biais du toucher relationnel, le soignant montre à l’individu qu’il le considère

dans sa globalité et non pas au travers de ce corps malade, objet de soins, ce qui le réconforte

dans son identité psychique et corporelle. En effet, celui-ci pourra alors retrouver la sensation

de bien-être et de plaisir au travers de ce corps meurtri et délaissé.

Ce dernier type de toucher est, me semble-t-il, celui que j’ai utilisé lors de ma situation de

départ.

En effet, lorsque nous avons débuté la toilette de Mme C, nous avons eu tendance à utiliser un

toucher déshumanisé, tentant ainsi d’effectuer le soin selon les règles d’hygiène, d’asepsie et

de confort qui nous avaient été enseignées lors de notre formation.

Or nous ne cherchions pas forcément à faire ressentir notre intention de bienveillance à Mme

C. Lorsque j’ai réalisé la prévention d’escarre, je me suis intéressée à cette patiente dans sa

globalité, à sa souffrance et j’ai tenté par ma façon de la toucher, de lui apporter une présence

chaleureuse et réconfortante tout en lui montrant que son corps meurtri pouvait encore être

source de plaisir.

II.3.4 Les bienfaits du toucher chez la personne âgée

Le toucher est un acte aussi vital que de boire, manger ou encore dormir. En effet, de

nombreuses études ont démontré que dès la naissance, la privation de contact chez les nouveaux

nés pouvait avoir des conséquences désastreuses sur leur santé mentale et physique. Dès notre

plus tendre enfance nous entrons en contact avec nos pairs par le biais du toucher, dans nos

relations intimes, sociales ou encore professionnelles.

Or, en vieillissant ou lors d’une hospitalisation, le toucher tend à se modifier ou à disparaitre.

Le corps malade peut repousser la main de l’autre qui aurait peur de le toucher, voire même de

lui occasionner de la douleur. L’isolement social et la solitude qui peuvent entourer les

personnes âgées contribuent à cet appauvrissement en contacts physiques.

18

.

Pourtant, le toucher dispensé par un soignant possède de nombreuses vertus.

En effet, les bienfaits physiques et physiologiques du toucher sont nombreux et participent au

maintien du confort et du bien-être de l’individu, assouplit et améliore la qualité de la peau de

la personne âgée qui est généralement sèche et fine.

Le toucher permet de soulager la douleur grâce à la libération d’endorphine qu’il génère. De

plus, selon Même (2011), « distraire de la douleur en massant une zone différente du siège de

la douleur permet momentanément au patient de s’échapper de son ressenti désagréable et

envahissant. » (p8)

Savatofski et Prayez (2009) estiment que les personnes âgées sont particulièrement réceptives

au toucher : « En dehors des aspects purement physiologiques, l’approche corporelle de la

personne âgée avec toute l’écoute, l’attention, le respect, la tendresse qu’elle demande aura

des conséquences psychologiques inestimables, autant sur son sentiment de solitude et sa

crainte de mort que sur le besoin inavoué d’être touché. » (p68)

Le toucher dispensé dans un but relationnel représente donc, un outil privilégié dans les soins

infirmiers. Savatofski (2002) explique que le toucher permet d’instaurer un climat de confiance,

libérant ainsi la parole et permettant l’expression des angoisses profondes de la personne

soignée.

Le toucher est un acte non invasif qui permet d’établir un contact privilégié avec le patient tout

en lui communiquant notre désir de présence et d’accompagnement.

Enfin, le contact corporel représente un outil de communication à part entière. Lors d’une

conversation avec un patient, il peut appuyer ou confirmer les paroles échangées.

En effet, selon Courjou (2007), lors du toucher, un message s’échange entre celui qui touche et

celui qui est touché, car nous pouvons percevoir les émotions de l’autre en fonction de sa façon

de nous toucher, l’intensité, la localisation ou encore la durée de ce dernier.

Lorsque la communication verbale n’est plus possible, le contact physique devient le lieu

privilégié de la rencontre avec l’autre. La main du soignant deviendra alors un des seuls vecteur

de message possible, mais sera également le récepteur de ceux émis pas le corps du patient.

19

II.3.5 Conditions nécessaires à la pratique du toucher

Le toucher est donc source de nombreux bienfaits. Mais pour cela, lorsqu’il est dispensé de

façon volontaire, il doit être réalisé dans des conditions optimales.

Pour commencer, le soignant doit avoir la volonté de comprendre ce qui interagit dans la

relation soignant-soigné établie. Selon Grousset (2009), cette volonté est donc soumise à une

démarche de réflexion éthique de la part du soignant dans le but d’établir une juste distance,

afin de se remettre en question et d’adapter sa pratique à la personne soignée.

De plus, une connaissance de soi approfondie est nécessaire dans la pratique du toucher afin

d’être en mesure de respecter l’autre en tant que personne, mais également de pouvoir

apprivoiser les sensations liées aux odeurs ou à la vision des corps meurtris.

D’autre part, le soignant doit être en capacité d’être disponible lorsqu’il dispense le toucher. En

effet, si son esprit n’est pas présent au moment du soin, celui-ci pourra rapidement devenir très

désagréable pour le patient. C’est pourquoi Savatofski (2002) explique que « c’est dans cette

démarche qui demande d’abord une capacité, d’écoute, de présence et d’authenticité, ainsi que

d’un minimum de compassion, que s’inscrit la pratique du toucher massage. » (p34)

D’autres parts, la nature du cadre dans lequel est dispensé le toucher influe sur ses bénéfices.

En effet, ce geste nécessite d’être inscrit dans un projet de soin bien défini : le soignant cherche-

t-il à établir un lien avec le patient, à apaiser la douleur, à détendre la personne ? L’intention

mise dans le geste sera alors peut être tout à fait différente.

De plus, le toucher doit toujours être proposé et non imposé, et le soignant doit être en capacité

d’accepter le refus du patient.

Cependant, il existe des limites à la pratique du toucher dans les soins. En effet, malgré le

besoin de toucher et d’être touché de l’être humain, les conventions et les règles sociales

s’opposent parfois à cette pratique. Il est courant de penser que le toucher ne s’effectue que

dans la sphère intime, entre une mère et son enfant ou entre amants par exemple.

Or, les soignants rencontrent parfois des difficultés à rentrer dans l’intimité des patients par le

biais du toucher. Ils le font pourtant au travers des soins techniques ou de confort. Mais,

n’existe-t-il pas là un mécanisme de défense de leur part, une peur d’être touchés eux-mêmes

dans leur intimité en touchant l’autre ?

Enfin, les soignants et notamment les infirmiers et les aides-soignantes, limitent leur pratique

du toucher de peur d’être hors champs de compétences, mais aussi que leur geste soit interprété

20

de façon erronée. Un manque de formation peut également être incriminé, les pratiques étant

très hétérogènes dans ce domaine. Cependant, les formations infirmières tendent à développer

de plus en plus l’importance de la communication non verbale et du toucher dans les soins.

II.4 Synthèse et requestionnement

Ce travail d’éclairage de la problématique pratique m’a permis de faire plusieurs constats.

Premièrement, les personnes âgées représentent une problématique importante de notre société

vieillissante car étant plus vulnérables aux polypathologies et à la dépendance elles nécessitent

une prise en charge adaptée, notamment en institution.

De plus, au fil de mes recherches et réflexions personnelles, l’aspect psychique des personnes

âgées m’a paru très important car elles peuvent subir de nombreux troubles au vu de leur

dépendance.

J’ai également pu constater l’importance des soins de nursing dans la prise en charge globale

des personnes âgées. Or, le toucher, dispensé par les infirmiers, représente un outil à part entière

utilisable par les soignants lors de ces soins. En effet, il permet d’agir d’une part sur la douleur

induite lors des soins d’hygiène et des mobilisations qui y sont associées, et d’autre part il

permet, lorsqu’il est utilisé dans un but relationnel, d’instaurer une véritable relation soignant-

soigné basée sur le respect, la communication et la confiance.

Au fil de ce travail, une notion m’a semblée récurrente, celle de l’estime de soi et notamment

de sa perte chez les personnes âgées. En effet, en raison du vieillissement de leur corps, de la

perte des capacités fonctionnelles et cognitives, j’ai pu mettre en évidence que les personnes

âgées dépendantes se trouvaient souvent en situation de perte d’estime de soi.

Le toucher, en particulier relationnel, possède des bienfaits que j’ai expliqués précédemment,

et me parait être un outil de soin idéal pour pallier à cette baisse d’estime de soi.

C’est pourquoi il me semble intéressant de développer à présent la problématique théorique

suivante :

En quoi le toucher relationnel dispensé par l’infirmier dans une intention de prendre soin

à la personne âgée permet-il d’améliorer son concept de soi ?

Je tenterai d’éclairer cette problématique théorique en expliquant dans un premier temps le

concept de soi et ses composantes, puis en détaillant le concept du prendre soin infirmier dans

un second temps.

21

III. Cadre conceptuel

III.1 Concept de Soi

« Qui suis-je ? » Afin de répondre à cette question que chaque individu peut être amené à se

poser au cours de sa vie, la personne doit se représenter mentalement grâce à ses perceptions

sensorielles, visuelles, tactiles et auditives. Ces représentations forment le concept de Soi ou

l’image de Soi de l’individu.

Afin de définir ce concept, le groupe ISC image corporelle, (2006), reprend la définition de

L’Ecuyer (1994) : « le concept de soi réfère à la façon dont la personne SE perçoit, à un

ensemble de caractéristiques (goûts, intérêts, qualités, défauts, etc.), de traits personnels

(incluant les caractéristiques corporelles), de rôles et de valeurs, etc. que la personne

s’attribue, évalue parfois positivement ou négativement et reconnaît comme faisant partie

d’elle-même, à l’expérience intime d’être et de se reconnaître en dépit des changements »

L’image de soi évolue tout au long de la vie de l’individu en fonction de ses interactions avec

son environnement, ainsi que de ses expériences ou encore son éducation forgeant ses valeurs

personnelles. La perception que la personne a d’elle-même ou que son entourage a d’elle influe

également fortement sur son concept de soi.

Au fil de mes lectures sur le sujet j’ai pu dégager plusieurs composantes du concept de Soi,

reprises par Perry& Potter (2009). Celles-ci sont : l’image corporelle, l’estime de Soi, l’identité

et l’exercice du rôle. Toutes sont intrinsèquement liées et participent à l’élaboration du concept

de Soi de l’individu.

J’ai choisi de m’intéresser dans un premier temps à l’image corporelle car c’est celle qui prime

sur la perception que peut avoir chaque personne d’elle-même.

Mais alors qu’entend-on par image corporelle ? Quelles problématiques peut rencontrer la

personne âgée vis-à-vis de son image corporelle ?

III.1.1 L’image corporelle

L’image corporelle qu’a l’individu vis-à-vis de son propre corps est donc une des composantes

du concept de Soi. En effet, comment élaborer une image de soi sans visualiser son

propre corps ? L’individu ne se représente pas seulement par ses traits de caractère ou ses

22

valeurs lorsqu’il alimente son concept de Soi. Son corps tient partie prenante dans cette image

de lui.

Schilder est le premier à évoquer la notion d’image du corps en 1935, qu’il définit comme «

l’image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit, la façon dont

notre corps nous apparaît à nous-même » (Schilder, 1968, cité par ISC, 2006, p7)

Selon lui, on peut distinguer trois aspects de l’image du corps :

• D’une part « le corps perçu », qu’il associe au schéma corporel. Celui-ci existe au travers

des stimuli reliés au toucher.

• D’autre part « le corps libidinal » qui correspond en réalité à l’affectivité que l’individu

investit dans les différentes parties de son corps.

• Enfin, le « corps social », c’est-à-dire le corps outil de communication avec l’entourage de

l’individu.

Cependant, dans sa définition, Schilder considère que l’image corporelle et le schéma corporel

représente une seule et même notion. Or ce n’est pas le cas de tous les auteurs.

En effet, Dolto (1984) distingue le schéma corporel, qui est le même pour tous les individus

d’une même espèce, et l’image corporelle, qui est propre à chaque individu et relève du domaine

de l’inconscient.

Selon elle, le schéma corporel s’élabore sur des expériences sensorielles différées et immédiates

et se construit au travers de l’apprentissage et des expériences. De plus « Le schéma corporel

est évolutif dans le temps et l’espace. » (Dolto, 1984, p 23).

L’image corporelle, quant à elle, s’élabore à partir d’expériences émotionnelles et elle est liée

au passé et à l’histoire de l’individu.

Elle en distingue trois composantes, qui sont :

• « L’image de base » : qui est « ce qui permet à l’enfant de se ressentir dans une « mêmeté

d’être », c’est-à-dire dans une continuité narcissique ou dans une continuité spatio-

temporelle qui demeure et s’étoffe depuis sa naissance. » (Dolto (1984), p50). C’est de cette

« mêmeté » que naît la sensation d’exister de l’individu. Cette image de base évolue avec

les stades libidinaux de l’enfance.

• « l'image fonctionnelle » grâce à laquelle « les pulsions de vie peuvent, après s’être

subjectivées dans le désir, viser à se manifester pour obtenir plaisir, s’objectiver dans la

relation au monde et à autrui. » (Dolto (1984, p55). Cette image fonctionnelle est une image

23

active de l’individu qui vise à l’accomplissement du désir, contrairement à l’image de base

qui est statique.

• « l'image érogène », que Dolto (1984) définit ainsi : « Pour seulement la présenter, je

dirais qu’elle est associée à telle image fonctionnelle du corps, le lieu où se focalise plaisir

ou déplaisir érotique dans la relation à l’autre. » (p57)

Enfin, elle précise que ces trois images sont en perpétuelle interaction et liées entre elles par ce

qu’elle appelle les pulsions de vie, permettant ainsi de former « l’image dynamique. » Cette

dernière correspond au désir d’être et « d’advenir ». (p58)

De son côté, Price (1998), cité par ISC, a divisé la notion d’image corporelle en trois parties :

• « Le corps réel » qui correspond au corps que chaque individu possède dès sa naissance.

Celui-ci est, comme nous l’avons vu dans la première partie de ce travail, soumis à des

modifications liées au vieillissement et parfois à la maladie et aux traumatismes. Ceux-ci

peuvent provoquer des changements radicaux voire irréversible, cependant, l’image

corporelle de l’individu peut mettre quelques temps à s’ajuster à ces modifications.

• « Le corps idéal » qui correspond à l’image mentale du corps et de ses capacités que chaque

individu rêve inconsciemment de posséder. Celui-ci est influencé par les règles de beauté,

de santé et de capacités imposées par notre société.

• « L’apparence » qui est la manière dont l’individu présente son corps au monde extérieur.

Elle est modulée par tous les artifices utilisables en termes d’esthétique (vêtements, coiffure,

maquillage) mais également par la démarche ou le comportement de la personne. Elle est

sa carte de visite, la manière dont elle souhaite apparaitre aux autres. L’apparence permet

de concilier le corps idéal et le corps réel jusque certaines limites.

Je parlerais de l’image corporelle de la personne âgée en me servant du modèle de Price car

c’est celui qui me parait le plus transposable à la réalité du vieillissement. En effet, la théorie

de Schilder ne différenciant pas l’image et le schéma corporel me semble trop limitée. Quant à

l’image corporelle de Dolto, elle est plus centrée sur la construction de l’image corporelle dans

l’enfance et s’apparente moins facilement aux personnes âgées.

Le corps réel des personnes âgées s’est considérablement modifié au fil du temps en raison du

vieillissement et des pathologies subies. En effet, selon Amyot (2008), « Le vieillissement

24

physiologique normal va porter atteinte directement à l’intégrité corporelle mais aussi à

l’image corporelle. » (p53). Il explique que les atteintes corporelles liées au vieillissement telles

que la diminution locomotrice, la diminution de capacités sensorielles ou encore l’atteinte des

fonctions systémiques peuvent être associées à des limitations fonctionnelles ce qui contribue

à l’atteinte de l’image corporelle de la personne vieillissante.

De ce fait ce corps abimé ne correspond plus au corps idéal que l’individu rêve inconsciemment

d’avoir ou de retrouver. L’individu doit alors s’adapter à sa nouvelle image corporelle et ainsi

actualiser son concept de soi. Pour cela il doit trouver des ressources et des capacités en lui et

en son entourage pour apprendre à faire face et à s’adapter.

De plus, selon Sautereau, Lemonnier & Demarchi, (s.d), « Avec le vieillissement, nous

bougeons moins, notre corps est moins sollicité et l'ensemble des sensations kinesthésiques est

réduit à minima. Le schéma corporel tend à se déstructurer. »

Le vieillissement du système musculo-squelettique entraîne une perte de mouvements et de

réflexes. De plus, certaines pathologies peuvent avoir pour conséquence une modification de la

latéralité de la personne âgée (décubitus prolongé, confinement au lit et au fauteuil par exemple)

La représentation du schéma corporel et la sensation d’unité corporelle peuvent alors être

perturbées.

Enfin, l’image corporelle peut être altérée par la présence de douleurs chroniques. En effet

celles-ci peuvent transformer le corps du patient en un corps objet de soins mais aussi comme

un vecteur de souffrance, poussant ainsi le sujet à le haïr et le rejeter.

Cette image corporelle perturbée peut alors entrainer la diminution d’une autre composante du

concept de Soi : l’estime de soi. En effet, une vision négative de son propre corps en termes

d’esthétique et de capacités pourra entrainer une altération de l’estime de soi de la personne

âgée.

Mais alors qu’est-ce que l’estime de soi ? En quoi peut-elle être perturbée chez la personne

âgée ?

III.1.2 L’estime de soi

Le Larousse (2009) définit l’estime comme l’« Appréciation favorable que l'on porte sur

quelqu'un, bonne opinion qu'on en a ; respect, considération » (p305)

25

C’est donc un jugement positif que l’individu émet, et dans le cas de l’estime de soi, sur lui-

même, en fonction de ses valeurs.

De plus, L’Ecuyer, (1988), cité par Boudreault & Lutumba Ntetu (2006) précise que l’estime

de soi peut être « définie comme étant le sentiment intérieur de sa propre valeur fondé sur le

respect de soi et la confiance en soi, sentiment pouvant se modifier à travers les expériences

que l’on vit et les relations interpersonnelles que l’on entretient ». (p1)

L’estime de soi c’est donc se connaitre et s’aimer soi-même, avec ses propres capacités mais

aussi ses limites.

Mais l’individu se crée également une représentation de lui-même au travers du regard des

autres et des termes utilisés pour parler de lui. D’ailleurs, selon Boudreault

& Lutumba Ntetu (2006), « Au fur et à mesure qu’il vit de grandes variétés d’interactions avec

l’environnement, il a le sentiment de faire quelque chose, d’être actif et efficace et d’avoir une

influence sur son entourage. » (p58)

L’Ecuyer (1988) (cité par Boudreault & Lutumba Ntetu, 2006), distingue deux composantes de

l’estime de Soi qui sont :

• « La valeur personnelle » : qui correspond à un ensemble d’affirmations de l’individu

portant un jugement sur lui-même en tant que personne. Ces jugements peuvent être

négatifs, positifs ou neutres et se réfèrent aux normes de la société.

• « La compétence » : qui « se définit par les énoncés qui traduisent chez la personne

l’impression d’efficacité réelle, une appréciation de soi plus forte, c’est-à-dire allant au-

delà de la seule énumération des capacités et des aptitudes. » (Boudreault

& Lutumba Ntetu, 2006, p58)

D’autres parts, pour André et Lelord (1999), l’estime de Soi est corrélée à trois composantes :

• « L’amour de Soi » : qui correspond pour eux à l’élément le plus important. Selon eux, il

dépend fortement de l’amour qui a été prodigué à l’individu par son entourage lorsqu’il était

enfant, mais aussi des « nourritures affectives » reçues tout au long de la vie.

• « La vision de Soi » : qui correspond au regard que l’individu porte sur lui-même. Mais

cette évaluation peut être fondée sur la réalité ou non.

• « La confiance en soi » : que l’on retrouve également dans la théorie de L’Ecuyer (1988).

Pour André & Lelord (1999), elle « s’applique surtout à nos actes » En effet, « être confiant

c’est penser que l’on est capable d’agir de manière adéquate dans les situations

26

importantes. » (p18) Ils insistent sur l’importance de la confiance en soi dans la construction

l’estime de soi car cette dernière nécessite des actes pour perdurer ou se développer.

Par ailleurs, le psychologue humaniste Maslow intègre l’estime de soi dans son échelle des

besoins humains, autrement connue sous le nom de « Pyramide de Maslow » (1943). Dans

celle-ci il hiérarchise les besoins de l’être humain selon cinq niveaux nécessitants la satisfaction

des besoins inférieurs pour pouvoir être satisfaits à leur tour. A la base de la pyramide se

trouvent les besoins physiologiques, suivis du besoin de sécurité, que Peiffer (2012) interprète

comme « la préservation de l’intégrité physique, psychologique, sociale et relationnelle d’un

individu. » (p8). Viennent ensuite les besoins sociaux, correspondant aux besoins affectifs et

d’appartenance à groupe social, puis le besoin d’estime de Soi, qui prolonge le besoin

d’appartenance. En effet, l’individu a besoin d’être reconnu et estimé au sein de son groupe

d’appartenance. Enfin, tout en haut de l’échelle se trouve le besoin de réalisation de Soi qui

peut aussi être appelé épanouissement personnel.

Cette échelle sous-tend donc que l’être humain a besoin d’être intégré dans un groupe social et

d’avoir une bonne estime de lui pour pouvoir s’épanouir pleinement.

Cependant, il me semble important de signaler que cette théorie des besoins a été maintes fois

contestée, notamment en raison de sa construction hiérarchique. En effet, il peut s’avérer

possible par exemple qu’une personne présentant un handicap physique ou mental puisse

s’épanouir pleinement, malgré la non satisfaction des besoins physiologiques.

Ces différentes théories concernant le concept d’estime de Soi mettent toutes en évidence que

cette dernière est basée d’une part sur l’évaluation que l’individu formule à son égard, et d’autre

part que le regard et le jugement porté par les autres influe sur l’estime de Soi. Enfin, le

sentiment de compétence et d’utilité que la personne ressent d’elle-même prend également toute

son importance dans la construction et le maintien de son estime de soi.

D’ailleurs, Berger et Mailloux-Poirier (1993) cités par (Boudreault

& Lutumba Ntetu, 2006), expliquent que « Bien vieillir autant au point de vue physique que

mental, c’est d’être bien dans sa peau, avoir une bonne estime de soi et s’accepter tel qu’on

est. » (p58). Selon eux, l’estime de soi permet à l’individu de s’adapter aux modifications

physiques, mentales et sociales liées au vieillissement, dans le but de continuer à se sentir

entouré et de continuer à vouloir s’épanouir pleinement.

27

Or, à l’heure où la personne âgée devient dépendante, où elle entre dans cette institution qui

sera certainement sa dernière demeure, elle peut être amenée à faire un bilan de sa vie passée,

réalisant alors ses pertes en terme de compétences. De plus, les relations sociales tendent à

s’appauvrir lors de la perte d’autonomie de l’individu et le groupe des personnes âgées, qui plus

est dépendantes, a tendance à être stigmatisé dans notre société.

Par ailleurs, le vieillissement peut réactiver certaines peurs, angoisses et fragilités du

narcissisme que chaque individu a accumulé tout au long de sa vie au vue de son histoire

personnelle. En effet, selon Ancet, Cohier-Rahban, Nuss & Stiker (2014), « la peur de

l’abandon ressurgit particulièrement à ces moments où les capacités physiques diminuent et

que se profile le spectre de l’entrée en maison de retraite, dont toute la connotation négative

de « mise à l’écart » est bien contenue dans ce terme de « placement ». » (p55).

De plus, la perte d’autonomie représente un facteur aggravant de la baisse d’estime de soi. . En

effet, comme l’expliquent Ancet et Al (2014), « comment garder de l’amour pour soi, quand

tout autour de soi et en soi nous renvoie une image de perte, de diminution, d’inutilité ? » (p55)

Enfin, la perte des valeurs sociales ou des rôles sont également un facteur de baisse d’estime de

Soi chez les personnes âgées en raison d’un sentiment de perte d’identité qu’elle peut

occasionner.

C’est pourquoi il me parait intéressant de développer maintenant le concept de l’exercice du

rôle et d’identité de la personne vieillissante car comme je l’ai expliqué précédemment, ces

deux notions sont des composantes du concept de Soi. J’ai choisi de les traiter en une seule et

même partie car elles sont étroitement liées et les différencier ne permettrait pas de comprendre

la richesse de leurs interactions.

III.1.3 L’identité et l’exercice du rôle

« Pour bien vieillir, il est essentiel de se sentir une personne à part entière. Ce sentiment est

intimement lié au sentiment d'appartenance à un ensemble plus vaste et plus important que soi-

même et résulte de la capacité à apporter une contribution, si petite soit-elle, à la collectivité

ou à la société et d'être apprécié pour celle-ci. » (Le Guen, 2001, p1)

Cette citation illustre bien l’ambivalence du concept d’identité : en effet, il fait appel d’une part

à l’individu et à son caractère unique, et d’autre part ses interactions avec son environnement.

28

En effet, c’est grâce à la reconnaissance de son identité par autrui que l’individu peut ressentir

un sentiment d’unicité.

Le Larousse en ligne (s.d) définit l’identité comme l’ « Ensemble des données de fait et de droit

qui permettent d'individualiser quelqu'un (date et lieu de naissance, nom, prénom, filiation,

etc.) » Cette définition a à la fois un caractère juridique mais également social du fait de la

notion de filiation.

Le Larousse (2009) donne également une autre définition de l’identité : « Caractère permanent

et fondamental de quelqu'un, d'un groupe, qui fait son individualité, sa singularité ».

Celle-ci fait apparaitre deux composantes de l’identité, reprises par plusieurs auteurs dans la

littérature (Clément, 2009 ; Fantini-Hauwel, Gely-Nargeot & Raffard, 2014, Joulain, 2011) qui

sont :

• L’identité individuelle. Elle est définie par Clément (2009) comme « une caractéristique

individuelle qui permet à chacun de se différencier des autres au cours de la vie. » (p77)

Pour Joulain (2011), cette identité personnelle est dynamique car elle évolue tout au long

de la vie, et est en réalité constituée par de multiples identités (civile, familiale, corporelle,

sexuelle, sociale…). Elle s’élabore cependant avec et au travers des contacts avec autrui, et

comme elle l’explique, « la communication est un des supports externes de l’identité,

puisque être intégré régulièrement dans des échanges procure des feed-back, des

informations sur soi et sur les autres. » (Joulain, 2011, p24). L’identité individuelle

concerne donc l’unicité de l’individu mais se construit cependant par le biais du rapport à

autrui, ce qui m’amène à la deuxième composante de l’identité.

• L’identité sociale. Selon Fantini-Hauwel et Al (2014), elle « renvoie à ce que partagent en

commun des individus d’un même groupe social. » (p123). Clément (2009), rajoute que les

individus d’un groupe social partagent des caractéristiques ainsi que des valeurs.

Fantini-Hauwel et Al (2014) expliquent également que l’identité sociale résulte des

interactions entre l’identité individuelle de la personne et son environnement. Elle est ainsi

régulée par des règles et normes que l’individu doit respecter pour ne pas être exclu par la

société. Dans ce sens, Autin (s.d), se basant sur le concept d’identité sociale de Tajfel &

Turner (1979,1986), définit l’identité sociale comme « la partie du concept de soi d’un

individu qui résulte de la conscience qu’à cet individu d’appartenir à un groupe social ainsi

que la valeur et la signification émotionnelle qu’il attache à cette appartenance. » (p1)

Ce qui m’amène à me questionner sur la question des normes, des représentations et de

catégorisation sociale.

29

En effet, selon Joulain (2011), les normes représentent des « règles » et « exigences collectives »

conditionnant ce qui est jugé moralement bien ou mal.

Or, apparaissent ainsi dans notre société ce qu’elle appelle des « normes d’âge » et, « ces

processus définissent ainsi des comportements appropriés à un âge donné, comme si chaque

âge pouvait être caractérisé de façon précise par des ressources, des obligations. » (p18)

Ces normes permettent ainsi d’attribuer un statut ou un rôle à l’individu dans son groupe social,

lui assignant ainsi des droits et des devoirs, ce qui participe à son concept de soi.

D’autre part, les représentations sociales sont définies par Joulain (2011) comme « un ensemble

de connaissances, jugements, opinions, croyances, qui sont partagées socialement, construites

et véhiculées par le langage (aspect discursif), mais aussi à travers les conduites et les pratiques

(aspect praxique) au cours de nombreuses situations quotidiennes, en interaction avec autrui »

(p20).

La catégorisation quant à elle, est une propension des individus à « classer les objets en groupes

distincts sur la base de caractéristiques communes, mais pas nécessairement objectives. »

(Joulain, 2011, p22). Ce processus permet aux individus de se comparer et de situer face aux

autres mais également de s’en différencier tout en favorisant une meilleure connaissance de soi-

même grâce à l’attribution d’un rôle et d’une place dans la société.

Or, la catégorie des personnes âgée a, comme j’ai pu le constater précédemment, tendance à

être stigmatisée par notre société. En effet, elle ne correspond pas aux normes de cette dernière,

telles que la jeunesse, la beauté, la vitalité ou encore la rapidité. Cette catégorie a plutôt tendance

à être vue comme étant précaire, fragile et faible ce qui peut porter les individus à émettre des

préjugés négatifs sur les individus de ce groupe social. De plus, la catégorisation est régie par

deux processus qui sont, selon Joulain (2011), d’une part « un processus inductif qui consiste à

classer tout objet social, à partir d’un ou de quelques indices, dans une catégorie » et d’autre

part « un processus déductif qui consiste à affecter à cette personne âgée toutes les propriétés

de « SA » catégorie « personnes âgées ». » (p22)

Néanmoins, lors de ce processus pouvant provoquer l’apparition de stéréotypes, la personne ne

sera plus vue comme étant unique, avec ses propres caractéristiques et valeurs, perdant ainsi

son unicité et son identité individuelle dans le regard des autres.

30

De plus, lors du vieillissement, les rôles sociaux de la personne âgée dans notre société tendent

à diminuer voire même à disparaitre. Cela peut entrainer un sentiment d’inutilité, augmentant

encore la sensation de perte de compétences qu’elles peuvent ressentir.

La raréfaction des liens sociaux, des échanges et des interactions avec leurs pairs peuvent

également entrainer un sentiment de manque global de reconnaissance de leur identité.

III.1.4 Conclusion sur le concept de Soi

Le concept de Soi est donc un phénomène complexe, mettant en jeu les interactions entre

l’image corporelle, l’estime de soi, l’identité et l’exercice des rôles de la personne âgée.

Or, il m’est apparu, au cours de mes recherches sur ce concept, qu’il dépend de deux grands

facteurs. D’une part de la vision que la personne âgée a d’elle-même concernant son corps, ses

capacités, ses valeurs ou ses ressources. Et d’autre part, il dépend fortement des interactions de

la personne âgée avec autrui et du regard des autres.

Néanmoins, lorsque l’entrée en institution est provoquée par la dépendance, un isolement de la

personne âgée peut apparaitre. Comment peut-elle dans ce cas, se construire son identité sociale,

ou encore alimenter son estime de soi si ses relations sont limitées ?

Le rôle des soignants me parait prendre ici toute son importance car c’est au travers des soins

qu’ils prodigueront aux patients, de leur présence, de leur empathie et de leur regard que ceux-

ci pourront permettre à la personne âgée d’améliorer ou retrouver un meilleur concept de Soi.

C’est pourquoi j’ai choisi de développer dans une seconde partie le concept du prendre soin.

III.2 Concept du prendre soin

Dans le concept de prendre soin, il y a le mot « soin » qui s’apparente au verbe « soigner ». Or,

selon Collière (1982), « Soigner est d’abord et avant tout un acte de VIE, dans le sens que

soigner représente une variété infinie d’activités qui visent à maintenir, entretenir la VIE et à

lui permettre de se continuer et de se reproduire. » (p243)

Tout au long de notre formation infirmière, on nous apprend à soigner, tout en nous expliquant

que nous devons prendre soin des patients. Cela représente-t-il deux notions différentes ?

Je m’intéresserai tout d’abord aux différentes théories concernant le prendre soin pour

comprendre de quoi il s’agit, puis je tenterai de définir ce que sont les soins infirmiers et enfin

je développerai la place du toucher dans le prendre soin.

31

III.2.1 Les différentes théories

Nombreuses sont les théories retrouvées dans la littérature concernant le prendre soin, le care

ou encore le caring.

L’ARSI6, dans son ouvrage « Concepts en soins infirmiers » (2009) s’appuie sur plusieurs

auteurs ayant défini ce concept et le regroupe en quatre termes étroitement liés qui sont : le

« caring » et le « care » respectivement traduits par « prendre soin » et « soin ».

• Le Care et le Cure

Il est cependant complexe de traduire les termes de care et de cure car il n’existe pas de mot

équivalent dans la langue Française. De plus, dans la langue Anglaise, les verbes to cure et to

care sont différenciés, ce que Pivetau (2009) explique : « elle qui distingue le to cure, qui est le

soin qui guérit ou s’efforce de guérir, et le to care, qui est le prendre soin attentif, le soin qui

aide, qui accompagne mais ne vise ni n’ambitionne aucune guérison. » (p20)

De plus, selon l’ARSI, « Le susbtantif anglais « care » se traduit en français par « attention »,

« sollicitude », « soins », « précaution » » (p 201)

D’autre part, en France, au travers de son ouvrage « Promouvoir la vie », Collière (1982)

différencie également le « care » qu’elle attribue aux « soins coutumiers et habituels » (p243),

du « cure » qui concerne les « soins de réparations » (p243)

Selon elle, les soins coutumiers sont ceux dispensés quotidiennement et « qui n’ont d’autre

fonction que celle d’entretenir la vie en la réapprovisionnant en énergie » (p243). Cette

« énergie » peut être liée à l’alimentation, aux besoins hydriques (qu’elle rattache à

l’hydratation mais aussi à la toilette), mais également aux besoins de chaleur et d’affection.

Ces soins de « care » doivent être adaptés aux habitudes de vie, aux coutumes et aux croyances

de la personne soignée, qui prennent origine dans tout ce qui est évalué comme bon ou au

mauvais par le groupe social de cette dernière pour assurer son développement corporel.

D’autre part, elle considère les « soins de réparation » comme tout acte qui a pour but de traiter

la pathologie. Ces soins doivent, selon elle, s’ajouter aux soins coutumiers sans les remplacer.

En effet, elle estime qu’ « Ils ne peuvent prendre un sens que s’il y a maintien de tout ce qui

contribue à la continuité et au développement de la vie » (p244). Une prise en charge globale

de la personne soignée est donc nécessaire pour pouvoir prendre soin d’elle.

6 Association de Recherche en Soins Infirmiers

32

Or, de nos jours les pratiques médicales tendent à être plus centrées sur la fonction organique

et ses défaillances, ce qui entraine une rupture entre le corps et l’esprit. Les soins de care sont

alors mis à l’écart pour certains, devenant ainsi invisibles et relégués à un rôle dit « subalterne »

alors que selon Collière, ce sont les plus importants. Elle explique d’ailleurs qu’ « Avec la

méconnaissance de l’importance des soins liés à l’entretien de la vie, on a gravement négligé

tout ce qui importe qu’un enfant, un adulte, une personne âgée puisse continuer à assurer de

répondre à ses besoins de vie quotidienne : acquérir un développement psychomoteur, ou ne

pas le perdre, se développer, entretenir son corps, son image corporelle, se déplacer, avoir une

vie relationnelle, etc » (p247)

• Le caring

Les premières définitions du caring ont émergé aux Etats-Unis dans les années 1970 et

notamment par le biais de Mayeroff (1971) dans son ouvrage « On caring ». Selon Hesbeen

(1999), dans cet ouvrage Mayeroff définit le caring comme « l’activité d’aider une autre

personne à croitre et à s’actualiser, un processus, une manière d’entrer en relation avec l’autre

qui favorise son développement » (Mayeroff, 1971, cité par Hesbeen, 1999, p2).

En 1979, Watson exprime dans son ouvrage « Nursing. The philosophy and science of caring »,

l’idée que la discipline infirmière est considérée comme la science du Caring.

Bonnet, dans sa préface de l’édition française, explique que Watson « définit le caring comme

un ensemble de facteurs (qu’elle nomme « facteurs caratifs ») qui fondent une démarche

soignante favorisant soit le développement ou le maintien de la santé, soit une mort paisible. »

(p 10) Ces facteurs « caratifs », au nombre de dix, sont appelés ainsi par opposition au terme

curatif. Selon Watson (1979), les facteurs « caratifs » sont ceux utilisés par l’infirmière

lorsqu’elle prodigue des soins aux patients, alors que les facteurs « curatifs » sont ceux utilisés

par les médecins dans le but de traiter la pathologie et ses symptômes.

Elle révise sa théorie concernant les facteurs « caratifs » en 1999 proposant alors le concept de

« caritas clinique ». Selon Carra & O’Reilly (2008) citant Watson (1999), « Caritas provient

du grec antique et signifie: chérir et donner une attention particulière. » et selon Naoufal

(2014), « Cela permet de réunir l’amour et le prendre soin pour constituer une nouvelle forme

de soin profond transpersonnel. »

Ce nouveau modèle du « caring » est basé sur le fait que le soignant et la personne soignée se

rencontre avec leur propre « champs phénoménal ». Ce dernier correspond à la totalité des

expériences de la personne et se compose de «sentiments, sensations physiques, pensées,

33

croyances spirituelles, buts, espérances, considérations environnementales et significations de

ses propres perceptions » (Watson, 1988, citée par Cara et O’Reilly, 2008, p38)

De cette rencontre résulte une « transaction d’humain à humain » permettant le partage de

perceptions et d’expériences. Cela a pour but d’instaurer une connexion entre soignant et

soigné, basée sur des valeurs humanistes. Cette relation qui s’établit ainsi a pour but de protéger,

améliorer et préserver la dignité de la personne soignée, ainsi que sa son unicité. En effet, selon

Watson (2001, 2006) citée par Cara et O’Reilly (2008), « le soignant et la personne soignée

s’unissent dans la recherche mutuelle de signification afin de transcender la souffrance et

d’accéder à une plus grande harmonie. » (p39)

• Le prendre soin

Par la suite, en France, Hesbeen (1997) préfère quant à lui parler de prendre soin, qu’il

considère comme le fait de « porter une attention particulière à une personne ou à un groupe

de personnes qui vivent une situation qui leur est particulière. » (p14) Selon lui, le prendre soin

est une action qui relève du rôle de tous les soignants au sens large du terme, et non seulement

de l’infirmier ou de l’aide-soignant. Ceux-ci ont tous pour devoir fondamental de prendre soin

des personnes, cependant pour Hesbeen (1999) « Il ne suffit pas d’être médecin, infirmière,

kinésithérapeute, sage-femme... pour être soignants ; encore faut-il que l’action quotidienne

soit marquée par l’intention de prendre soin des personnes et pas seulement de leur faire des

soins. » (p8)

Cette intention s’inscrit alors dans une démarche soignante. Il définit la démarche comme « la

capacité de se mouvoir, de se porter vers autrui en vue de marcher avec lui » (Hesbeen, 1999,

p9). Cette démarche inclue donc deux facteurs : la rencontre et l’accompagnement.

Lors de la rencontre entre la personne soignée et le soignant, l’objectif est de créer une véritable

relation basée sur la confiance. Pour cela, le soignant doit identifier ce qui est le plus important

pour la personne soignée au moment de la rencontre afin de lui venir en aide.

Ensuite, lorsque la rencontre a eu lieu et que les liens de confiance se sont créés, le soignant et

le soigné pourront cheminer ensemble afin d’atteindre les objectifs de la personne soignée.

C’est ce qu’il appelle l’accompagnement.

Enfin, Hesbeen (1999), insiste sur la capacité d’inférence du soignant. Il la définit comme

« celle qui va permettre au soignant, dans une situation donnée, d’établir des liens entre

différents paramètres, entre de nombreux aspects ainsi que de combiner ses multiples

ressources, de leur donner du relief et de la pertinence pour prendre soin d’une personne dans

la situation de vie qui est la sienne. » (p12). Pour lui, la démarche de prendre soin nécessite

34

cette capacité d’inférence des soignants qui leur permettra d’identifier les différents éléments

en jeu dans la situation de la personne. Ils devront pour cela s’inspirer de connaissances

scientifiques, de modèles ou théories, mais aussi s’appuyer sur leurs observations et parfois

même leur intuition.

Ces différents théories proposent un regard sur les soins et le prendre soin infirmiers. Elles

présentent des différences, notamment quant à la sémiologie des termes utilisés, mais présentent

également des similitudes, notamment concernant l’approche humaine centrée sur la personne

soignée.

Les théories de Hesbeen (1997) et de Collière (1982) me semblent être les plus intéressantes

pour ce travail, mais également pour mon futur exercice professionnel. En effet, la théorie de

Hesbeen convoque les notions de rencontre et d’accompagnement, nécessaires lors des soins

infirmiers, notamment auprès des personnes âgées. Quant à la vision de Collière, l’addition

nécessaire du cure et du care dans le but d’obtenir une approche globale de la personne soignée

me parait être la plus proche de la réalité du terrain.

Je m’interroge d’ailleurs maintenant sur le prendre soin et le rôle de l’infirmier.

III.2.2 Prendre soin et profession infirmière

Selon Watson, comme nous l’avons vu précédemment, le caring représenterait la science de

l’infirmière. Quant à Collière, elle distingue le care relèverait en premier lieu du rôle de

l’infirmier et le cure du rôle du médecin, mais l’évolution de la profession infirmière et de ses

pratiques l’amène à effectuer également des soins de care.

Souhaitant évoquer le prendre soin utilisé par la profession infirmière, il m’a semblé intéressant

de définir ce que sont les soins infirmiers, sans pour autant m’évertuer à en décrire une liste

difficilement exhaustive. Ce qui m’intéresse ici est ce qui fait l’essence des soins infirmiers.

Or, j’ai retenu la définition de Collière et Henderson (1994), qui expliquent que les soins

infirmiers « consistent principalement à assister l’individu, malade ou bien portant, dans

l’accomplissement des actes qui contribuent au maintien ou à la restauration de la santé (ou à

une mort paisible) et qu’il accomplirait par lui-même s’il avait assez de force, de volonté ou de

savoir, cette assistance doit permettre à celui qui la reçoit d’agir sans concours extérieur aussi

rapidement que possible. » (pp150-151)

35

Selon elles, quels que soient les soins dispensés par les infirmiers, ils ont pour but de prendre

en charge la personne dans sa globalité, ce qui fait ressortir l’importance de la dimension

relationnelle des soins. En effet, ceux-ci permettent d’instaurer et de maintenir un contact avec

la personne tout en prenant compte de son unicité.

Furstenberg (2011) reprend d’ailleurs ce raisonnement : en effet, selon elle, le soin représente

une rencontre avec l’autre requérant une démarche de prendre soin de la part de l’infirmier. En

effet, cette démarche permettra alors d’élaborer avec la personne soignée un projet de soin,

c’est-à-dire « identifier un horizon vers lequel elle souhaite progresser. » (p78), et ainsi créer

des liens de confiance.

De ce fait, les soins techniques ou relationnels ne sont pas une fin en soi, ils sont en réalité des

outils du prendre soin. Car l’infirmier n’est pas uniquement un professionnel maitrisant des

soins ou pratiques ainsi que des connaissances théoriques. Il est également une personne

remplie d’humanité qui tente de prendre soin de personnes en situation de vulnérabilité en

utilisant ses compétences relationnelles tout en s’adaptant à chaque personnalité.

D’autre part, la théorie de Hesbeen (1999) sous-tend que le prendre soin ne relève pas seulement

du rôle infirmier, mais de celui de tous les soignants d’une équipe pluridisciplinaire.

Cependant, il explique que de par leurs spécificités, les soins infirmiers se prêtent tout

particulièrement au prendre soin. En effet, les soins dits « de base » prodigués par les infirmiers

et agissant sur l’hygiène, l’alimentation ou encore le confort, sont des soins offrant un rapport

privilégié avec le corps. J’ai d’ailleurs expliqué précédemment que 85% des soins infirmiers

utilisent le toucher.

De plus, l’organisation des services permet une présence continue des infirmiers et aides-

soignants auprès des patients. De ce fait, cela crée une plus grande proximité avec ces derniers,

tout en permettant aux infirmiers de répondre à un grand nombre de demandes et d’obtenir de

nombreuses informations à analyser.

Or, les soins infirmiers sont à la fois techniques et requérants de connaissances, mais

comprennent également la présence de « petites choses », qui ne sont pas anodines dans le

quotidien de la personne soignée. En effet, elles témoignent de l’attention que l’infirmier porte

à la personne soignée, pouvant ainsi contribuer à redonner un sens à sa vie, alimenter son espoir

ou encore redorer son estime de soi.

36

Enfin, Collière (1982), estime qu’ « en se médicalisant, les soins infirmiers ont perdu de vue et

délaissé tout ce qui prend sens pour assurer la continuité de la vie des hommes et leur raison

d’exister » (p247)

De plus, elle remarque que les soins infirmiers ont recours à ce qu’elle nomme « des

technologies diverses », telles que les soins d’hygiène, d’alimentation ou encore de relaxation,

qui sont toujours associés à une dimension relationnelle. Par la suite, les soins qu’elle nomme

« de réparation » se sont ajoutés aux premiers.

Elle considère que le corps est le premier outil de soins utilisé par les infirmiers, car il en est le

médiateur. Elle pose alors la question de l’utilisation des sens par l’infirmier pour prodiguer les

soins et s’attarde ainsi sur la vue ; l’ouïe et développe également le sens du toucher, qui selon

elle est « le premier de tous les sens à procurer les soins » (p270)

Ce qui m’amène à m’interroger sur la place du toucher dans le prendre soin ? En quoi le toucher

est-il vecteur de prendre soin ?

III.2.3 Toucher relationnel, prendre soin et concept de soi

Comme j’ai pu le constater auparavant, les personnes âgées sont souvent privées de contacts

humains en raison des différentes pertes qu’elles peuvent subir, de leur dépendance ou de leur

entrée en institution. Or, selon Boudreault et Lutumba Ntetu (2006), toute personne a besoin de

communiquer, verbalement ou non, quel que soit son âge. Ils expliquent qu’une mauvaise

estime de soi des personnes âgées influence négativement sur leur besoin de communication et

détériore ainsi leur concept de soi.

Les infirmiers ont alors pour rôle de prendre en charge ces personnes âgées, et le toucher, qu’ils

nomment « toucher affectif » représente un outil qui peut être utilisé pour promouvoir la

satisfaction de leurs besoins fondamentaux.

De plus, comme je l’ai mentionné précédemment, et comme l’explique Blanchon (2014), « le

toucher relationnel est avant tout une rencontre avec l’autre au travers de ce que nous sommes,

en le respectant dans ce qu’il est et non ce qu’il pourrait représenter. » (p37).

Il permet donc d’entrer en relation avec la personne et permet de lui signifier notre intention de

bienveillance mais également de lui témoigner le respect que nous lui portons. Ainsi, grâce au

toucher relationnel l’infirmier montre au patient qu’il le considère dans sa globalité et non pas

au travers de ce corps malade, objet de soins, ce qui le réconforte dans son identité psychique

et corporelle.

37

En effet, le prendre soin inclut que l’infirmier respecte la personne dans son unicité et la prenne

en charge de façon globale, permettant ainsi de conserver ou restaurer sa notion d’identité

individuelle.

De plus, cette citation de Blanchon met également en évidence le fait que l’infirmier qui

dispense le toucher relationnel doit agir avec une intention d’écoute de soi et de l’autre, de

respect et de bienveillance. Une connaissance de soi et de ses limites sont également

indispensables de la part du soignant afin de garantir authenticité et présence lors du soin.

D’autre part, le toucher relationnel permet également au patient de retrouver son unicité

corporelle. En effet, grâce à un toucher ferme et enveloppant, l’infirmier peut selon Rioult

(1998) apporter au patient « une confirmation existentielle qui lui permet de retrouver ses

marques, son enveloppe physique et souligne son territoire corporel. » (p27).

Le toucher relationnel permet alors d’établir une relation d’aide avec la personne soignée, lui

offrant la possibilité de repérer et de mobiliser ses ressources internes, ce qui a pour

conséquence de favoriser son estime de soi.

La sensation de contenance prodiguée par le toucher à la personne âgée, permet également de

réhabiliter son schéma corporel et de contribuer à améliorer son image de soi.

La détente induite par le toucher atténue les tensions physiques dues à la douleur et à l’anxiété,

mais aussi favorise la redécouverte du plaisir au travers de ce corps, objet de soins et de

souffrance.

De plus, par le biais du toucher, il est possible de mettre en place avec la personne un travail

sur ses sensations corporelles et leur verbalisation, afin de favoriser le réinvestissement de son

corps.

C’est pourquoi, selon Andrieu et Gérardin (2013), le toucher rendu nécessaire par la

dépendance, est une occasion de « corps à corps source d’informations et d’échanges

incorporés par l’une et l’autre personne engagées dans la relation de soin » (p145). Le toucher

est ainsi un mode de communication non verbale mais c’est également « un mode privilégié

d’empathie, de sympathie ou tout simplement de chaleur humaine afin de contenir,

d’envelopper et de toucher l’estime de soi et le sentiment d’être en interaction avec le monde »

(p145)

En effet, Même (2000) explique que « toutes nos intentions sont perçues au travers de notre

façon de toucher » (p8). Ce geste permettra alors d’approcher le corps de l’autre avec une juste

distance, ainsi que de dépasser la nécessité du soin technique en osant toucher la personne avec

38

tendresse et réconfort. Le toucher dispensé par l’infirmière peut alors traduire une volonté

d’introduire de l’humanité dans les soins afin d’accompagner au mieux la personne soignée.

Ainsi, un sourire, un regard ou encore la façon de toucher le patient sont des « petites choses »

qui influencent fortement le comportement du patient et son ressenti, car elles lui permettent de

se sentir reconnu en tant que personne et non pas comme objet de soins.

Cependant, le toucher est un acte qui permet au soignant d’entrer dans l’intimité de la personne.

C’est pourquoi il doit en premier lieu être accepté par cette dernière et doit être protégé par des

valeurs de reconnaissance et de protection de l’autre dans le respect de ses limites personnelles.

Le soignant doit chercher à favoriser son bien-être tout en le stimulant et le sollicitant au travers

du toucher afin de lui redonner confiance en lui et ses capacités.

III.3 Conclusion du cadre conceptuel

L’analyse de ces différentes théories sur le concept de soin me permettent donc de le définir

comme représentant une prise en charge globale de la personne par les soignants. Celle-ci est

centrée sur la personne soignée et permet d’établir une relation basée sur la confiance et le

respect mutuel. Elle permet également d’accompagner la personne soignée vers un ou plusieurs

objectifs qu’elle se sera fixé.

Il m’est également apparu que le prendre soin n’est pas un concept exclusivement réservé aux

infirmiers ou aides-soignants, cependant les soins infirmiers sont ceux qui se prêtent le plus au

prendre soin. De plus, le toucher représente l’opportunité aux soignants d’une rencontre avec

la personne soignée et ainsi la reconnaitre dans son unicité, en tant que personne. Or, le toucher,

fait partie des « petites choses » utilisées par le soignant afin de redonner confiance, d’améliorer

l’estime de soi des personnes âgées.

Mais les infirmiers utilisent-ils cet outil dans les soins ? Et si oui lui donnent-ils un sens ?

Quel impact cela a-t-il réellement sur les personnes soignées et notamment les personnes âgées

dépendantes ?

Pour pouvoir désormais approfondir ce travail, il est nécessaire que je confronte mon travail à

la réalité du terrain. C’est pourquoi j’ai défini la question de recherche suivante :

Comment l’infirmier perçoit-il le toucher relationn el dans sa pratique soignante,

notamment dans un but de prendre soin, et a-t-il conscience des conséquences possibles

sur le concept de soi des personnes âgées dépendantes ?

39

IV. L’enquête exploratoire

Après avoir défini les thermes ainsi que les concepts de la problématique de mon travail, il est

désormais nécessaire pour moi de confronter ma vision à celle de la réalité du terrain. C’est

pourquoi, je réalise maintenant des entretiens, afin de recueillir les propos de mes futurs

confrères afin de les analyser et vérifier si les concepts que j’ai choisis sont également partagés,

et éventuellement en faire émerger de nouveaux.

IV.1 Le dispositif de recherche

IV.1.1 L’outil d’enquête

J’ai choisi d’utiliser l’entretien, et notamment semi directif, comme outil d’enquête. En effet,

celui-ci m’a permis d’avoir une réelle discussion avec les professionnels et non pas de leur

soumettre une série de questions, à cocher seuls sur un papier, si j’avais utilisé l’outil

questionnaire.

Cela m’a permis ainsi de mieux me dégager de ma problématique, de reformuler, de questionner

sur les paroles qui ont été échangées.

IV.1.2 Population ciblée

J’ai choisi d’interroger trois infirmières travaillant dans des services différents et ayant des

expériences différentes.

Ainsi, la première infirmière que j’ai interrogée, Gaëlle, est une jeune diplômée qui travaille

dans un EHPAD7. Elle était auparavant aide-soignante, ce qui m’a paru intéressant car malgré

son manque d’expérience dans la profession infirmière, elle a cependant un vécu important en

tant qu’aide-soignante qui influence certainement sa pratique actuelle.

La deuxième infirmière que j’ai interrogée, Céline, travaille également dans un EHPAD, depuis

3 ans. Elle est quant à elle diplômée depuis 7 ans.

Enfin, la troisième infirmière que j’ai interrogée, Lydie, travaille dans un service de médecine

interne à l’hôpital public. Elle est diplômée depuis 4 ans maintenant.

7 Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes

40

Ces trois infirmières ont pour point commun de travailler quotidiennement auprès des

personnes âgées dépendantes, ce qui a motivé mon choix. Cependant elles exercent dans des

conditions différentes concernant les valeurs de l’établissement où elles exercent, mais

également du rythme de travail qui leur est imposé.

IV.1.3 Cadre de l’enquête

J’ai réalisé ces entretiens dans les services respectifs des 3 infirmières, dans un bureau au calme

afin de ne pas être dérangées.

J’avais au préalable demandé l’autorisation à la personne référente du service (cadre de santé)

de réaliser ces entretiens. Les confirmations ayant eu lieu par téléphone, je n’ai pas de

confirmation écrite de leurs réponses à présenter dans ce travail.

Après s’être installées au calme, j’ai systématiquement demandé à mes interlocutrice si cela ne

les dérangeait pas que j’enregistre les entretiens avec un dictaphone, ce qui ne leur a pas posé

de problème. De plus, je les ai informées que l’entretien resterait strictement confidentiel et que

leur prénom n’apparaitrait pas dans mon travail.

IV.1. 4 Le contenu de l’enquête

Comme je l’ai expliqué précédemment, j’ai choisi d’utiliser un entretien semi-directif.

Après avoir informé mon interlocutrice de l’enregistrement de l’entretien dans le cadre de mon

travail de fin d’étude, j’ai posé la question inaugurale suivante : Pouvez-vous me parler d’une

situation où vous avez dispensé un toucher relationnel à un patient âgé dépendant ?

Il me semble que l’utilisation d’une question inaugurale permet de laisser libre cours à

l’expression de la personne interrogée. De plus, elle lui permet de parler de son expérience, ce

qui lui permettra de se sentir plus à l’aise car elle parle d’un sujet qu’elle maitrise.

Enfin, les questions de relance sont utiles pour alimenter une conversation qui s’épuise ou

encore pour aiguiller l’interlocuteur vers une direction choisie s’il s’écarte trop du sujet.

Les questions de relance que j’avais préparées à l’avance sont :

Dans quelles conditions avez-vous dispensé ce toucher ? Comment l’avez-vous dispensé ?

En quoi était-il relationnel pour vous ?

Pourquoi avez-vous dispensé ce type de toucher à ce moment-là ?

Quels effets avez-vous remarqué sur le patient ?

41

J’ai également utilisé la reformulation des propos de mes interlocutrices, et des questions de

relance différentes de celles que j’avais préparées sont apparues, en fonction de ce que me

disaient les infirmières et des difficultés qu’elles pouvaient rencontrer pour répondre à ma

question inaugurale.

IV.2 Analyse des entretiens

Pour chacun des entretiens que j’ai réalisés, j’ai utilisé le tableau d’analyse fourni par l’institut

de formation. Cela m’a permis de mieux visualiser si les personnes interrogées évoquaient les

concepts auxquels je fais référence dans ce travail. Ensuite, j’ai fait une analyse de ces entretiens

afin de vérifier la survenue de nouveaux concepts que je n’avais pas évoqués auparavant. Je

vais ainsi présenter maintenant l’analyse de ces entretiens.

IV.2.1 Comment touchent-elles ?

Pour commencer, il est important de définir ce que les trois infirmières interrogées considèrent

comme étant un toucher relationnel. Les gestes qu’elles perçoivent comme étant des touchers

relationnels sont variés, mais elles utilisent toutes le fait de prendre la main de la personne

soignée. Gaëlle m’explique même qu’elle « lui fais des massages des mains » (L63) et qu’elle

pose également sa main sur l’épaule ou le genou de la personne, selon la situation.

Céline pose également sa main sur l’épaule de la personne, et pour elle le toucher relationnel

« c’est pas forcément faire un massage des pieds à la tête » (L23). Elle caresse également le

visage et les cheveux de la personne, la prend dans ses bras ou encore lui fait la bise.

D’ailleurs Lydie caresse également le visage de la personne. Elle estime qu’elle touche

beaucoup dans son travail, et me dit «Je suis très tactile dans tout ce que je fais » (L112). Il lui

arrive aussi parfois de poser sa main sur la poitrine de la personne, ou encore de lui faire « une

petite bise sur le front » (L60)

D’autre part, Gaëlle et Lydie considèrent qu’elles utilisent très souvent le toucher relationnel et

Gaëlle rajoute qu’elle le fait parfois sans forcément s’en rendre compte. D’ailleurs Céline

estime également qu’elle touche les patients de manière intuitive, et que « ce n’est pas quelque

chose qu’on apprend à l’école ». (L12)

Leur vision du toucher relationnel correspond donc à celle que j’avais développée lors de

l’éclairage de la problématique pratique, en m’appuyant sur les propos de Rioult (1998), à

savoir que le toucher pouvait être un geste bref (prendre la main) ou pouvait prendre la forme

d’un toucher massage.

42

IV.2.2 Quelles sont leurs intentions lorsqu’elles touchent ?

Unanimement, les trois infirmières interrogées considèrent le toucher relationnel comme un

moyen d’entrer en relation avec la personne, ce qui confirme ma vision du toucher relationnel.

En effet, Gaëlle m’explique « J’entre en relation par ce geste-là » (L18), tandis que pour Céline

« c’est un moyen d’entrer en contact » (L12). Enfin Lydie me dit « enfin moi déjà c’est une

forme de communication pour moi le toucher. » (L75-76). Les propos de Lydie rajoutent donc

que celle-ci considère le toucher comme un moyen de communication non verbale, notion que

je n’ai pas abordée explicitement dans ce travail.

Ensuite, Gaëlle touche la personne pour lui témoigner sa présence («comme pour dire « je suis

là » », L118). Céline évoque elle aussi cette notion de présence (« Je suis là, je suis avec vous

et je vous écoute » L20) et détaille même que « ça leur montre qu’on est à l’écoute de ce qu’ils

ressentent » (L20-21). D’ailleurs, Lydie évoque également ces notions de présence, d’écoute et

d’attentions : « ça montre que je suis là, que je l’écoute et que je m’intéresse à elle » (L165).

Ces notions reviennent tout au long des entretiens et semblent donc être très importantes pour

les soignantes que j’ai rencontrées. Je n’ai pas explicitement développé ces notions dans ce

travail, cependant j’ai tout de même expliqué que le prendre soin comprend des « petites

choses », qui témoignent de l’attention que l’infirmier porte à la personne soignée.

D’autre part, il est clairement ressorti de l’analyse de ces entretiens que les trois infirmières

dispensent des touchers relationnels dans le but d’établir une relation de confiance avec les

personnes soignées. En effet, Céline m’explique que le toucher relationnel « ça permet qu’il se

sente en confiance avec moi. Les gens ont plus confiance quand vous les écoutez. Donc si vous

prenez le temps, de la toucher, de lui parler…de l’écouter…Ben ça se passera mieux après »

(L41-43). De son côté, Lydie m’explique que « ça permet d’instaurer un climat de confiance »

(L81). Elle m’explique d’ailleurs que le fait d’instaurer un climat de confiance avec la personne

permet de faciliter la relation et ainsi les soins par la suite (« Si vous instaurez un climat de

confiance avec quelqu’un, vous avez tout gagné quoi. Et pour euh…Et pour le soin qui va se

dérouler, et pour la personne. » L81-82). Quant à Gaëlle, elle ne m’a pas explicitement parlé

de la relation de confiance instaurée par le toucher relationnel, mais elle m’a cependant évoqué

le fait que « le toucher ne peut pas s’instaurer tout de suite. Il y a quand même cette relation

de confiance à établir avant. » (L132-133). Gaëlle, contrairement aux deux autres infirmières,

43

estime donc que le toucher relationnel ne permet pas d’instaurer une relation de confiance, mais

que cette dernière doit être établie au préalable avant de toucher.

J’ai évoqué cette notion de relation de confiance au cours de mon travail, notamment par le

biais du concept de prendre soin. En effet, comme je l’ai exposé plutôt, Hesbeen (1997), estime

que pour prendre soin il doit y avoir une rencontre entre la personne soignée et le soignant afin

de pouvoir créer une relation basées sur la confiance, pour permettre ensuite

l’accompagnement.

D’ailleurs, la présence et l’écoute que les infirmières interrogées m’évoquent me semblent être

une forme d’accompagnement. D’ailleurs, pour Lydie, le toucher « c’est surtout un

accompagnement » (L76).

De plus, Gaëlle et son équipe ont pour habitude d’établir des projets de soins individualisés

pour les résidents, permettant ainsi un accompagnement de la personne soignée vers ses

objectifs, ce qui rejoint la théorie du prendre soin de Hesbeen (1997).

Il me semble intéressant de rajouter que pour Lydie, le fait d’établir cette relation de confiance

a également un impact sur elle-même et sur la réalisation des soins. En effet, elle m’explique

« c’est aussi relationnel pour moi. Ça me permet d’être plus à l’aise. D’être plus posée. »

(L113-114). Ainsi, si le patient ne se trouve pas dans le refus, il lui sera plus facile de réaliser

le soin, car s’ « ils veulent bien essayer de faire le soin, mais du coup ça te met super mal à

l’aise. Et donc du coup toi ça te met la pression. » (L122-123), ce qui pour elle aura des effets

négatifs sur le déroulement du soin.

IV.2.3 Quelle est leur posture lorsqu’elles touchent ?

Tout d’abord, elles m’évoquent toutes les trois leur approche centrée sur la personne soignée.

Gaëlle commence par se renseigner sur les habitudes et coutumes de la patiente qu’elle

m’évoque, afin de s’adapter à elle. De plus, lorsqu’elle lui dispense les soins de nursing, elle

tente de faire participer la personne et lui demande son avis sur l’ordre des gestes accomplis.

Elle s’adapte donc elle. Elle analyse également ses réactions afin de ne pas la brusquer. Elle

m’exprime d’ailleurs « Je suis vraiment centrée sur elle à ce moment-là » (L126) puis « on a

vraiment besoin d’être centré sur la personne, de prendre la personne dans sa globalité. »

(L148). Elle m’explique ensuite que, pour elle, les soignants doivent soigner « aussi l’âme »

(L180) de la personne et non seulement son corps, et « en tout cas on prend en charge ça, ce

côté psychologique de la personne, ce côté social et ce côté euh…l’être unique » (L182).

44

Céline quant à elle, estime que le toucher relationnel la « rend plus humaine » (L25) car pour

elle les soins techniques sont moins humains car « on soigne juste le corps, alors qu’on soigne

des gens, pas des objets » (l27). C’est pourquoi elle estime « quand je touche, je transmets un

peu une part d’humanité » (L29). Ces différents propos des infirmières interrogées

correspondent aux théories du prendre soin, du care et du caring que j’ai développées

auparavant. En effet, pour Collière (1982), pour prendre soin de la personne, il faut la considérer

dans sa globalité, et ne pas soigner uniquement sa pathologie et ses symptômes.

Enfin, Lydie, m’exprime « elles sont quelqu’un, pas des objets » (L150). D’ailleurs elle

m’explique suite à cette phrase qu’elle « essaye toujours d’être à leur niveau, jamais en

hauteur » (L150).

Or, j’ai pu remarquer dans les trois entretiens que la notion de rapprochement, de se

rapprocher de la personne soignée était récurrente. En effet, elles s’approchent de la personne

soignée, et généralement lui demandent l’autorisation de s’assoir à côté d’elle avant de lui

prendre la main et de lui parler. C’est ainsi que Lydie, me raconte « je lui ai dit « je peux

m’asseoir à côté de vous ? » je lui ai pris la main et puis du coup j’ai gardé sa main dans la

mienne, et du coup on s’est mises à papoter » (L158-159). Gaëlle m’explique également « je

lui demande si je peux m’assoir à côté d’elle pour discuter. » (L55). Quant à Céline, elle me

livre spontanément son interprétation du fait de se rapprocher : « Y’a aussi le fait de se

rapprocher…Si vous vous mettez proche d’elle, elle va sentir que vous l’écoutez…Du coup bah

forcément elle va mieux vous parler » (L35-36). Cette notion de rapprochement n’a pas été

évoquée explicitement dans ce travail, cependant, comme je l’ai évoqué précédemment, le

toucher est un acte qui permet au soignant d’entrer dans l’intimité de la personne.

C’est pourquoi j’en arrive maintenant à la notion de respect de la personne, et notamment de

son acceptation ou de son refus vis-à-vis du toucher relationnel.

Dans le discours de Gaëlle, j’ai pu mettre en évidence que pour elle la notion d’approbation du

patient est primordiale dans la pratique du toucher. En effet, elle évoque à plusieurs reprises le

fait qu’elle adapte son comportement et sa pratique aux réactions verbales et non verbales de la

personne. Ainsi elle demande explicitement à plusieurs reprises à la patiente si celle-ci est

d’accord pour qu’elle la touche. De plus, elle m’explique qu’ « on ne peut pas faire des choses

comme ça avec tous les gens, on est tous différents. » (L144-145).

Quant à Lydie, elle m’explique « je demande toujours l’accord du patient. Ça m’arrive de pas

demander et euh…des fois y’a des patients qui vont avoir un moment de repli, un moment de

surprise. Donc généralement euh, je leur propose. » (L55-58)

45

Céline de son côté touche les patients de façon intuitive, lorsqu’elle ressent qu’ils en ont besoin.

Elle ne m’évoque pas son comportement pour vérifier s’ils sont d’accords. Cependant elle

m’évoque une limite du toucher relationnel, car pour elle « des fois c’est difficile de toucher au

début quand on est jeune diplômée parce que les gens bah…c’est un peu tabou » (L15-16)

Concernant les limites du toucher relationnel, Lydie m’explique qu’il faut d’une part que le

patient accepte d’être touché, mais que le soignant aussi, et elle m’explique « enfin moi je sais

personnellement, j’aime pas trop qu’on me touche. » (L54). Gaëlle tient à peu près le même

discours : « Moi je sais que personnellement, quelqu’un qui vient et qui me touche les mains,

peut-être que je suis pas à l’aise » (L145-146). Ces notions évoquées par ces infirmières me

renvoient à la partie que j’ai développée sur les limites du toucher, à savoir sur la notion

d’acceptation par le patient, mais aussi sur la connaissance de soi de la part des soignants qui

le dispensent.

Une autre notion qui est apparue fréquemment au cours de ces entretiens, est celle de la

temporalité. En effet, Gaëlle estime que lorsque les soignants se trouvent face à un refus de

soin, le fait de prendre le temps de l’expliquer à la personne et de prendre le temps de la toucher,

de communiquer avec elle, sera au final un gain de temps par la suite. Voici ses propos qui

illustrent cette notion : « ça va vraiment être difficile de rentrer en contact avec elle, donc je

prends vraiment mon temps ce jour-là. » (L41-42), « Et la temporalité, c’est quand même un

facteur clé pour nous les soignants, pour rentrer dans cette relation de confiance, et cette

relation de prendre soin par le toucher par la suite. » (L134-135).

Lydie partage cette vision quant à la temporalité, et m’explique à plusieurs reprises qu’elle

prend le temps d’expliquer les soins en détail au patient, et m’explique « j’arrive pas cash en

disant euh… « Voilà j’ai tel soin à faire et on s’y colle. » Non voilà. Donc j’ai pris le temps. »

(L29-30).

Céline elle estime que c’est important de prendre son temps avec les patients car « ça permet

d’aller à leur rythme et de respecter leur maladie et en fait de les respecter pour ce qu’ils sont

et ressentent… » (L119-120). Elle m’explique également « Y’en a qui disent qu’elles manquent

de temps pour toucher les patients… Mais ça ne prend pas si longtemps que ça. Même deux

minutes ça leur fait du bien… » (L116-117). Pour elle, « si vous prenez le temps, de la

toucher…de lui parler…de l’écouter…Ben ça se passer mieux après donc au final c’est un gain

de temps. » (L42-43)

Je n’ai pas abordé cette notion de temporalité au cours de ce travail.

46

D’autre part, Gaëlle m’évoque au cours de cet entretien la fonction maternante du soignant, de

figure maternelle, au travers du prendre soin. Elle ne développe pas cette notion, et elle

m’évoque également la théorie de l’attachement de Bowlby. Céline m’évoque elle aussi

rapidement cette notion car elle me dit « les patients on vit avec eux…Le soir on les couche, on

leur dit bonne nuit…ben des fois ils veulent nous faire un bisou quoi… » (L98-99) ; « Quand

ils sont chez eux ils disent au revoir à l’entourage le soir…Bah avec nous c’est un peu pareil… »

(L101-102). « On fait partie de leur sphère…On est leur famille… » (L105)

IV.2.4 Quels effets ont-elles remarqué sur les personnes qu’elles touchent ?

Grâce à la grille d’analyse, j’ai pu dans un premier temps relever des notions se rapportant au

concept de soi (que j’ai développé dans ce travail) dans les propos des infirmières interrogées.

En effet, Gaëlle m’explique au travers de la situation qu’elle me décrit, qu’elle touche la

personne dans le but d’améliorer son image de soi. En effet, elle m’explique que sa patiente

avait d’une part une image corporelle perturbée en raison du vieillissement. Ainsi elle

m’explique : « son corps la gêne » (L80), « avec son corps vieillissant elle ne se reconnait plus

la dedans. » (L83). Elle m’évoque également son estime de soi perturbée : « elle a des propos

dévalorisants envers elle-même, elle me dit qu’elle ne sert plus à rien, qu’elle ne sait plus rien

faire seule et qu’elle ne peut même plus se laver elle-même. » (L88-89). Enfin, elle m’évoque

une perturbation de son identité et de l’exercice des rôles, en raison de la solitude dans laquelle

elle se trouve : « c’est une personne qui vivait seule chez elle, coupée du monde. » (L37). De

par le toucher relationnel, Gaëlle estime qu’elle a pu « lui donner une espèce de contenance

sécuritaire » (L121). Elle m’explique également que « les personnes âgées vieillissantes

dépendantes, elles ont une représentation d’elles-mêmes avant, elles ont une représentation

idéale d’elles-mêmes et puis il y a ce qu’elles sont vraiment. Tout ça, ça crée un déséquilibre

chez elles, en raison de leur vieillesse. » (L150-152). Ainsi, pour elle, les soignants ont pour

but de rétablir un équilibre, par le biais notamment du toucher.

Ensuite, elle a remarqué que le toucher relationnel a permis chez cette patiente, « de lui

redonner une unité corporelle » (L172), « Elle s’est recentrée sur elle-même et quelque part ça

lui a insufflé une pulsion de vie parce que plusieurs semaines après son arrivée, c’est quelqu’un

qui est devenu très actif au niveau des activités de la maison de retraite, qui participe aux repas,

qui est très à l’aise avec les soignants et les autres résidents, qui s’est fait pleins de relations »

(L174-177). Ces propos me ramènent donc à la théorie que j’ai développé auparavant, à savoir

47

que le toucher relationnel peut permettre au patient d’améliorer son image corporelle, son

estime de soi et favoriser son identité.

De son côté Céline m’explique « quand je touche je transmets un peu une part d’humanité… »

(L28-29), « En fait quand je la touche, je montre à la personne que je la considère comme///mon

égal en fait…Parce que bah c’est…une personne…un être humain. » (L33-34). De plus,

lorsqu’elle a pris la main de la patiente de sa situation, elle a remarqué que celle-ci s’était calmée

et lui a dit « Ah enfin quelqu’un qui m’écoute ici ! » (L61). Pour Céline, cela lui a montré

qu’ « en fait elle existait pour quelqu’un » (L64). Cela me renvoie à la notion d’identité,

individuelle et collective, où la personne existe également au travers des autres. D’ailleurs elle

rajoute que « c’était quelqu’un de très seul » (L66). Le rôle social et la présence de l’infirmière

sont alors très importants dans la construction et le maintien de l’identité de la personne. Par la

suite, lorsqu’elle m’évoque une autre patiente, elle me dit « cette dame elle a pas de famille

elle est seule et du coup bah ça a permis en quelques sortes… en fait avec mes collègues on est

sa seule famille… » (L93-94).

Enfin, pour Lydie, le toucher permet de « leur montrer qu’on a pour eux de l’attention, pour

l’image de soi. Parce que l’image de soi vis-à-vis, enfin pour les personnes vis-à-vis des

personnes âgées, c’est super euh.., c’est super dur quoi. » (L60-62). Elle m’évoque ainsi les

attraits de la jeunesse, la vitalité, l’énergie, le fait d’être valide et autonome, et m’explique

« qu’au fil du temps on est un petit peu comme la fleur euh…Comme une rose qui euh… Qui se

fane doucettement Et qui après se flétrit et qui perd ses pétales. Et bah leurs facultés ben pour

moi c’est les pétales. » (L65-67). Pour elle, le toucher relationnel est alors « revalorisant »

(L71), car « il y a pleins de personnes qui se trouvent euh…qui se trouvent euh moches, qui se

trouvent euh…enlaidies par la vieillesse. Et donc du coup, enfin ca renforce et ça positive

l’image de soi quand même d’avoir quelqu’un qui est avenant, qui vous touche. Il y a pleins de

personnes âgées qui éprouvent du dégout vis-à-vis d’elles-mêmes. » (L71-74). Ainsi le toucher

peut leur permettre de se rendre compte que quelqu’un ose la toucher et donc qu’elle n’est pas

si repoussante que cela.

Ensuite elle m’évoque à nouveau l’estime de soi car selon elle, si l’infirmier prend le temps de

les toucher, de leur parler, cela leur montre qu’ « elles sont quelqu’un, pas des objets. » (L150)

Les propos de ces trois infirmières confirment donc ma vision de la place du toucher relationnel

dans la prise en charge de l’image de soi des personnes âgées dépendantes.

48

D’autre part, la notion de prise en charge de la douleur est apparue au cours de ces entretiens.

J’ai expliqué dans ce travail la notion de la douleur induite par les soins, et j’ai par la suite

développé celle du toucher, comme moyen alternatif de prise en charge de cette douleur.

Or, Lydie confirme cette hypothèse, car lorsque je lui ai demandé si elle avait remarqué que le

toucher diminuait la douleur, elle m’a répondu : «Ah oui ! Tout à fait ! Enfin je sais pas si ça

diminue la douleur, mais en tous les cas une chose est sure, c’est que ça diminue

l’appréhension. » (L89-90). Or elle m’explique ensuite que dans tous les soins il y a une partie

de la douleur qui est liée à l’appréhension. Cela rejoint mes explications sur la composante

affective et émotionnelle de la douleur, que j’ai développée plus tôt dans ce travail.

Céline confirme également cette hypothèse : « Ça marche même sur la douleur…quand ils ont

mal des fois c’est pas que physique… Des fois c’est psychologique. (Silence) Et rien que de les

toucher ça les calme… » (L112-113). Gaëlle n’évoque pas les effets du toucher relationnel sur

la douleur, même si la patiente de sa situation se trouvait être très algique.

Enfin, d’autres effets du toucher relationnel, que je n’avais pas exploré auparavant, sont apparus

au cours des entretiens.

Dans un premier temps, la notion d’apaisement et l’action de rassurer.

En effet, Céline et Lydie m’expliquent à plusieurs reprises qu’elles touchent les patients dans

le but de les apaiser, de les rassurer. Lydie associe généralement l’action de toucher et de

rassurer : « Tout ça en la touchant, en la rassurant »L34 ou encore « Je lui ai pris la main et

je l’ai rassurée » (L36). De plus, Lydie m’explique que lorsque « c’est des patients qui sont

angoissés, qui ont des sensations d’étouffement, c’est de leur poser la main sur la poitrine »

(L41-42). D’après elle, « ça rassure d’avoir une chaleur au niveau de la poitrine. » (L43).

Quant à Céline, elle considère que le toucher « c’est apaisant » (L17). D’ailleurs dans la

situation qu’elle me raconte, où la patiente se trouve en danger, elle m’explique que sur le

moment elle a effectué les gestes techniques sans forcément prendre en compte la détresse et

l’angoisse de la personne ; et que c’est une fois la patiente stabilisée qu’elle a tenté de la

rassurer. Elle me dit alors « je la prends dans mes bras parce qu’elle continue à s’angoisser »

(L85-86), et me dit « ça l’a beaucoup apaisée. » (L92).

Dans un second temps, Gaëlle m’a également évoqué la notion de sécurité. Celle-ci est une

sécurité globale, à la fois physique car « elle a pu avoir à la fois cette réassurance d’elle-même,

qu’elle avait perdue, de retrouver son corps, qu’elle avait aussi perdu en quelques sortes. »

L200-201. Mais également psychique car « elle a retrouvé un contexte sécurisant. Aussi bien

49

au niveau de sa chambre que de l’ensemble de la structure. Elle s’est approprié les lieux. Elle

est chez elle. » (L203-204). Elle m’explique même que cette dame « est dans le psychoaffectif »

(L207) car « le plaisir qu’elle a reçu par ces touchers, l’ont fait rentrer dans une espèce de

bulle affective qui ont fait qu’elle a créé des liens. » (L208-209). Cette notion n’a pas du tout

été évoquée au cours de mon travail.

IV.2.5 Synthèse des entretiens

Il ressort très nettement de ces entretiens que les trois infirmières utilisent le toucher relationnel

pour prendre soin des patients âgés dépendants.

La description qu’elles m’ont faite du toucher relationnel m’a permis de vérifier que nous

parlions bien du même concept. Il a été également très intéressant d’avoir un détail des gestes

qu’elles utilisent comme toucher relationnel, car je ne les ai pas développés dans ce travail. Or,

j’avais expliqué que le toucher relationnel pouvait se manifester par le simple fait de toucher

ou de prendre la main de quelqu’un, ou bien par le toucher-massage.

De plus, les trois infirmières utilisent unaniment le toucher relationnel pour entrer en relation.

Elles m’ont également fait part des limites qu’elles attribuent à cette pratique, limites qui

rejoignent celles que j’ai développées dans ce travail.

Ensuite, les notions de relation de confiance, d’accompagnement ou encore d’approche centrée

sur la personne sont celles que l’on retrouve dans les définitions du prendre soin, du care et du

caring des différents auteurs que j’ai développées précédemment. Cela me montre donc

qu’elles utilisent le toucher relationnel comme un outil du prendre soin.

Enfin, elles estiment que le toucher relationnel a un impact sur l’image de soi de la personne

soignée, ce qui confirme mon hypothèse conceptuelle. De plus, les effets du toucher relationnel

sur la douleur ont été mis en évidence au travers de ces entretiens, notion que j’avais

développées au début de ce travail, lors de ma problématique pratique.

De nouvelles notions, que je n’ai pas développées dans ce travail sont également apparues. En

effet, la notion de rapprochement est apparue à plusieurs reprises. Or celle-ci m’évoque

également la notion d’intimité, et me pousse à me questionner sur l’importance de la proximité

et de l’intimité dans les soins aux personnes âgées dépendantes. En effet, le toucher est-il un

vecteur d’intimité ? Quels effets cela a-t-il sur la relation soignant-soigné ?

La notion de temporalité est également apparue au cours de ces entretiens. En effet, les trois

infirmières m’évoquent à maintes reprises qu’elles prennent le temps et que c’est important.

50

Que la temporalité est un facteur clé de la relation dans les soins. Or cela me questionne. En

effet, les services sont de plus en plus surchargés de nos jours, les soignants croulent sous les

tâches à accomplir, et il n’est pas rare d’entendre « je n’ai pas le temps ». Or, le fait de prendre

le temps, quelques minutes, pour écouter, toucher un patient peut-il être un allié dans la

relation ? Cela peut-il devenir un gain de temps au final comme le dit Céline ?

D’autre part, la notion d’apaisement, de rassurer la personne par le biais du toucher est

également apparue. En effet, le cadre de l’hospitalisation, de l’institutionnalisation peut être

très angoissant pour les personnes. L’annonce de pathologies graves, de perte ou de décès

imminents peuvent provoquer des angoisses et il est du rôle des soignants d’accompagner les

personnes dans cette étape de leur vie. Or, pour cela ils ne peuvent pas prendre en charge

uniquement les symptômes de la maladie. L’aspect psychologique, comme je l’ai expliqué

précédemment, doit être également pris en charge. Or je me demande quel est l’impact du

toucher relationnel sur la prise en charge de l’anxiété et de l’angoisse des patients ?

L’apaisement est-il dû à la relation de confiance qui se créée ainsi ?

De plus, Céline et Gaëlle ont fait également apparaitre une nouvelle notion, celle de la fonction

maternante du soignant, reliée à la théorie de l’attachement pour Gaëlle. La fonction

maternante, attribuée à Winicott, se retrouve généralement dans les soins infirmiers en

psychiatrie. Elle sous-tend que l’infirmière soit un soignant suffisamment bon et mette en place

un espace pour les patients qui soit contenant, maternant, souple mais solide. Concernant la

théorie de l’attachement, Mistycki & Guedeney (2007) décrivent le lien d’attachement comme

« un lien affectif privilégié que l’on établit avec une personne spécifique, auprès de laquelle on

va se tourner pour trouver du réconfort en cas de détresse (phénomène de havre de sécurité) et

retrouver ainsi un sentiment de sécurité interne qui va permettre de retourner explorer le monde

(phénomène de base de sécurité). » (p43). Cette notion me parait intéressante à développer, car

je me demande quelle est la théorie de l’attachement de Bowlby ? Est-elle transposable aux

personnes âgées ? Le toucher a-t-il un impact sur cette notion ?

Pour terminer sur ces entretiens, ceux-ci ont été d’une extrême richesse, pour ce travail mais

également dans ma future profession, car ils m’ont permis d’avoir un aperçu de la vision des

soins et des pratiques de la part d’autres professionnelles, qui font preuve d’une grande

humanité dans leur pratique.

51

V. Conclusion

La réflexion sur ce travail de fin d’études et son élaboration m’ont énormément apportés.

D’un point de vue théorique j’ai pu découvrir des concepts dont je n’avais que des vagues

notions auparavant et ainsi éclairer mon regard sur le toucher dans les soins par des théories

d’auteurs réputés.

D’un point de vue pratique, j’ai également pu confronter ma conception des soins à celles de

professionnelles de santé et à la réalité du terrain.

Lorsque j’ai commencé la réalisation de ce travail, j’avais une perception du toucher liée à mon

expérience professionnelle antérieure, mais également influencée par les situations que j’avais

pu vivre en stage au cours de ma formation.

J’ai donc commencé par effectuer une revue de la littérature sur le thème du toucher. Je me suis

alors aperçue que ce thème avait été maintes fois traité, que ce soit par des professionnels, ou

par des étudiants infirmiers dans le cadre de leur travail de fin d’études. Ce sujet étant très vaste,

j’ai décidé de le restreindre à la population des personnes âgées dans un premier temps. Puis

comme j’avais été confrontée au refus de soin dans ma situation de départ, j’ai décidé de

travailler sur cette notion, et en particulier sur l’impact du toucher dans la prise en charge des

patients âgés refusant les soins de nursing. Suite à l’exploration de cette problématique pratique,

je me suis aperçue qu’il existait plusieurs types de touchers dispensés par les infirmiers, et j’ai

choisi de me concentrer sur le toucher relationnel, car il me semblait être le plus adapté aux

soins infirmiers. En effet, ma problématique pratique contenait le terme « toucher-détente »,

terme très large et qui sous-tendait alors pour moi que le soignant dispense un toucher-massage.

Or, je me suis rapidement aperçue que le toucher-massage n’avait que très peu sa place dans la

réalité des soins infirmiers. En effet, peu de soignants ont la possibilité, le temps, de le

prodiguer. Cependant, le toucher relationnel, est plus adapté à la pratique des soignants car il

peut s’effectuer par un simple geste, ou bien prendre la forme d’un toucher-massage si le

soignant et le soigné le désirent.

Le toucher relationnel m’est alors apparu comme un outil de soin à part entière, possédant de

nombreuses vertus auprès des personnes âgées, mais nécessitant la présence d’un cadre et de

l’authenticité du soignant le dispensant.

52

De plus, au cours de l’exploration de ma problématique pratique, la notion d’image de soi est

également apparue. En effet, ayant développé les problématiques liées au vieillissement, à la

perte d’autonomie et à la douleur induite par les soins, cette notion est devenue récurrente.

C’est pourquoi j’ai décidé d’axer ma problématique théorique dans cette direction, car j’avais

envie de développer ce concept afin de l’approfondir. J’ai ainsi détaillé les notions d’image

corporelle, d’estime de soi et d’identité, liée à l’exercice des rôles. J’ai ainsi tenté d’analyser en

quoi ces concepts pouvaient être perturbés chez les personnes âgées.

Le deuxième concept que j’ai utilisé, le prendre soin, a découlé de lui-même à la suite du

concept de soi. En effet, il m’a semblé être adapté à la prise en charge de l’image de soi

perturbée du patient âgé dépendant, et représente à mes yeux l’essence même des soins

infirmiers. Le toucher relationnel m’a alors semblé être un outil approprié du prendre soin, et

notamment dans le cas d’une personne âgée ayant une image de soi perturbée.

Par la suite, j’ai confronté ma vision de ces concepts à la réalité des pratiques professionnelles,

en allant à la rencontre de trois infirmières. Ces entretiens que j’ai pu réaliser m’ont apporté

une confirmation de mes hypothèses, mais m’ont également permis d’ouvrir mon champs de

réflexion à d’autres visions et théories.

En effet, la notion de temporalité qui est apparue au cours des entretiens m’interpelle

particulièrement, ainsi que la notion d’apaisement provoquée par le toucher relationnel. Ce qui

m’amène à me demander en quoi prendre le temps de dispenser un toucher relationnel peut-il

influencer sur l’anxiété des personnes âgées dépendantes ?

Mais également en quoi le toucher relationnel facilite-t-il les soins ?

Ces questions pourraient être le point de départ de nouvelles recherches théoriques et pratiques

suite à ce travail de fin d’étude.

Je continuerai d’ailleurs à me questionner sur ces thématiques tout au long de mon futur

exercice professionnel, car notre profession nécessite une perpétuelle remise en question quant

à nos pratiques.

53

VI. Bibliographie

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58

VII. Liste des annexes

Annexe 1 : Demande d’autorisation pour les entretiens ………………………………………………….p1 Annexe 2 : Guide d’entretien ……………………………………………………………………………..p2 Annexe 3 : Entretien de Gaëlle …...............................................................................................................p3 Annexe 4 : Grille d’analyse de l’entretien de Gaëlle…………………………………………………….p10 Annexe 5 : Entretien de Céline……………………………………………………………………….….p16 Annexe 6 : Grille d’analyse de l’entretien de Céline…………………………………………………….p20 Annexe 7 : Entretien de Lydie…………………………………………………………………………...p24 Annexe 8 : Grille d’analyse de l’entretien de Lydie……………………………………………………..p30

1

Annexe 1 : Demande d’autorisation pour les entretiens

Versavel charlotte A l’attention de la directrice des soins 3** avenue du **** Char****@*****.fr 06******** Aix en Provence, le 20 Avril 2015 Madame,

Je viens par la présente vous soumettre ma demande d’autorisation d’effectuer des entretiens

auprès de votre personnel soignant, dans le cadre de mon travail de fin d’études.

En effet, étudiante de 3ème année en soins infirmiers à l’IFSI d’Aix en Provence, je réalise ce

travail sur le thème du toucher relationnel auprès des personnes âgées.

J’ai ainsi besoin de recueillir les propos de professionnels de santé, afin de confronter mes

hypothèses à la réalité du terrain.

Je souhaiterai rencontrer des infirmiers de votre structure si possible avant le 15 Mai 2015.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à ma requête, je vous prie d’agréer,

Madame, l’expression de mes sincères salutations.

Versavel Charlotte

2

Annexe 2 : Guide d’entretien

Question inaugurale :

Pouvez-vous me parler d’une situation où vous avez dispensé un toucher relationnel à un patient

âgé dépendant ?

Questions de relance

Dans quelles conditions avez-vous dispensé ce toucher ? Comment l’avez-vous dispensé ?

En quoi était-il relationnel pour vous ?

Pourquoi avez-vous dispensé ce type de toucher à ce moment-là ?

Quels effets avez-vous remarqué sur le patient ?

3

Annexe 3 : entretien de Gaëlle

Voici l’entretien de Gaëlle, jeune diplômée depuis quelques mois et ancienne aide-soignante.

Elle exerce dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

L’entretien s’est déroulé dans un bureau, au calme et a duré une demi-heure.

Moi : Bonjour, je vous remercie de participer à cet entretien que je vais enregistrer dans 1

le cadre de mon travail de fin d’études. Pour cet entretien vous avez choisi le pseudonyme 2

de Gaëlle, afin de garder votre anonymat durant cet enregistrement qui ne sera utilisé que 3

dans le cadre de mon travail. 4

Je vais vous poser ma question inaugurale : Parlez-moi d’une situation où vous avez 5

dispensé un toucher relationnel à un patient âgé dépendant. 6

Gaëlle : Alors… Euh…oui alors le toucher relationnel… Un toucher relationnel… C’est vrai 7

que votre question elle est large… euh… Dans quel cas j’aurais utilisé un toucher relationnel ? 8

Je crois que le toucher relationnel… (Silence) On l’utilise très souvent et sans forcément s’en 9

rendre compte et sans forcément à avoir une réflexion derrière un toucher relationnel. C’est-à-10

dire qu’à un moment donné on a envie de rentrer en relation avec une personne, on va 11

l’interpeller. On peut l’interpeller de manière verbale, en disant… euh …« Monsieur ! 12

Madame ! » Ou peu importe. Ou notamment dans le cas des personnes âgées on va peut-être 13

parfois les interpeller avec un toucher. Et ça m’arrive très souvent, euh, dans la maison de 14

retraite où je travaille. Je les interpelle en posant une main sur leur épaule pour les avertir de 15

ma présence. J’entre en relation à travers ce geste-là. Alors est-ce qu’on peut dire derrière que 16

c’est un toucher relationnel, je sais pas vraiment. 17

Moi : En tout cas c’est la vision que vous en avez. 18

Gaëlle : oui, c’est un premier abord, un premier pas pour entrer en relation avec la personne. 19

Je mets ma main sur son épaule, elle voit que je suis là, elle me sent, et d’un coup j’ai son 20

attention. J’ai son attention, je lui donne la mienne, et on peut entrer dans un échange 21

relationnel. 22

Moi : D’accord. Maintenant que vous m’avez défini ce qu’est pour vous le toucher 23

relationnel, est-ce que vous pouvez me parler d’une situation que vous avez vécue et dans 24

laquelle l’avez utilisé ? 25

Gaëlle : Alors vous me demandez un échange où j’ai pu entrer en relation, où j’ai vraiment 26

dispensé un soin relationnel par rapport à une personne âgée. (Silence). C’était le cas d’une 27

dame, je vais vous parler d’une dame. Je vais l’appeler madame euh... Madame R. Cette dame 28

4

était rentrée dans l’institution où je travaille, en maison de retraite donc. Elle arrivait de son 29

domicile. Elle vivait dans un état assez incurique… euh… assez seule aussi, parce qu’elle 30

n’avait plus de famille. C’est les services sociaux qui l’ont amenée dans la maison de retraite. 31

Elle est rentrée dans un état euh… avec beaucoup d’escarres, avec un laisser-aller total, 32

vraiment très dépendante au niveau de son quotidien, de ses soins de confort, de bien-être, 33

d’hygiène. Et avec cette personne, avec Mme R ça a été dans un premier temps assez compliqué 34

d’entrer en relation avec elle. Parce qu’évidemment elle ne voulait RIEN. C’est une personne 35

qui vivait seule chez elle, coupée du monde et le fait de rentrer comme ça en institution avec 36

tout un monde autour d’elle, que ce soit des soignants que ce soit des autres résidents, euh... 37

c’était assez dur. Donc cette personne, c’est moi qui avais fait son entrée ce jour-là. Je lui 38

explique un petit peu les prémisses de comment cela se passe en maison de retraite, et je vois 39

que c’est une personne qui va… ça va être difficile de rentrer en contact avec elle donc je prends 40

vraiment mon temps ce jour-là. Et euh bon je l’informe plus ou moins des horaires, de à quelle 41

heure on mange, comment ça se passe le matin pour faire la toilette. Je lui demande à quelle 42

heure elle a l’habitude de se lever, de se laver, de manger, voir un petit peu son quotidien pour 43

essayer de l’adapter au mieux à la vie dans la structure. Les jours qui ont suivis, les retours de 44

l’équipe sur cette dame étaient assez compliqués. Au niveau des aides-soignantes…euh… leurs 45

transmissions étaient toujours assez catégoriques en disant « cette dame elle refuse, refuse, 46

refuse, tout quoi. Elle refuse de se lever, elle refuse les soins de nursing. » Elle refuse de l’aide 47

finalement. Pour accepter un soin c’était compliqué. Et puis, il s’est trouvé que j’avais besoin 48

d’aller la voir cette dame parce que j’avais besoin d’informations par rapport à sa situation 49

sociale et pour compléter son dossier administratif et euh... ; je la vois, elle est dans son fauteuil 50

à ce moment-là, elle est près de sa fenêtre. Donc je lui dis « coucou c’est Gaëlle, vous vous 51

rappelez de moi ? C’est moi qui vous ai accueilli la dernière fois dans la structure » donc elle 52

me regarde, elle me répond « oui » mais euh, enfin, j’ai plus l’air de l’ennuyer qu’autre chose. 53

Et puis, je lui demande si je peux m’assoir à côté d’elle pour discuter. Donc elle me dit oui. Et 54

puis, spontanément, je lui parle, voilà, j’ai besoin de certaines informations la concernant. Et 55

au cours de la discussion, spontanément, je lui prends sa main. Parce que je suis quelqu’un qui 56

touche facilement les gens, je n’ai pas forcément de problème avec ça, je suis spontanée dans 57

ma manière de faire avec les autres. Et euh… à ce moment-là je réalise toutes les transmissions 58

des aides-soignantes qui me disaient « elle est dans le refus » et je me dis ça au moment où je 59

prends sa main. Et donc je vois qu’il n’y a aucun indicateur de refus du contact, finalement sur 60

son visage et donc j’ai sa main dans la mienne et j’en profite et je vois qu’elle se laisse faire et 61

tout en lui parlant je lui fais des massages des mains, enfin de sa main, en tout cas très 62

5

naturellement. Et euh…je vois sur son faciès que ça a l’air de lui plaire. Et puis je me remets 63

dans la réalité, d’elle et de moi, et de ce qui est en train de se jouer en ce moment et euh je lui 64

demande « Je m’excuse Madame, je vous ai pris votre main comme ça mais c’est vrai que 65

j’aime bien faire des petits massages des mains, mais est-ce que ça vous gêne ? » et elle me dit 66

« non j’aime bien » Alors je lui dis « Ah vous aimez bien les massages ? » Elle me dit « les 67

massages je sais pas mais en tous cas, ça j’aime bien. » je lui dis « vous voulez que je vous 68

fasse l’autre main après ? » Elle me dit « Oh bah oui, parce que sinon l’autre elle est jalouse. » 69

Je lui dis « oh bah très bien, voilà une bonne chose ». Donc on continue la conversation, je lui 70

masse une main et puis l’autre tout en ayant les informations que j’avais besoin d’avoir. Et puis 71

je lui demande si elle a vraiment besoin d’aide pour faire sa toilette, comme jusqu’à présent 72

apparemment ça c’est pas forcément bien passé, j’essaye de savoir pourquoi. Et là elle me dit 73

qu’elle a très mal partout, elle a des grosses plaies qui lui font mal, elle fait référence à ses 74

escarres, donc elle a un escarre au talon et un escarre au sacrum. Et puis elle me dit que quand 75

c’est le moment de faire la douche elle veut pas parce qu’elle a peur d’avoir très mal, quand 76

elle est dans son lit aussi et quand on lui fait les pansements, elle aime pas non plus. Elle me dit 77

aussi que non seulement elle a mal, mais que surtout qu’elle est gênée par rapport à elle-même. 78

Son corps la gêne. A l’époque apparemment c’était une dame qui faisait de la danse classique. 79

Je crois que cette dame elle est née dans les années 1920 ou quelques chose comme ça, donc 80

elle est assez âgée et donc elle faisait de la danse classique. Je crois que ça s’est passé entre les 81

deux périodes de la guerre et forcément avec son corps vieillissant elle ne se reconnait plus la 82

dedans. Donc tout ce qui est de montrer son corps, elle a énormément de mal avec ça, comme 83

si elle ne s’aimait plus. Donc finalement, au fil de la conversation, en ayant touché ses deux 84

mains, la, elle se confie à moi et elle m’évoque sa douleur et elle m’évoque qu’elle a vraiment 85

un problème par rapport à son corps et à son estime de soi. Je parle de son estime de soi parce 86

qu’elle a des propos dévalorisants envers elle-même, elle me dit qu’elle ne sert plus à rien, 87

qu’elle ne sait plus rien faire seule et qu’elle ne peut même plus se laver elle-même. Donc je 88

me dis que, il y a peut-être matière à travailler avec cette dame par rapport à son corps, par 89

rapport à l’image qu’elle a d’elle-même, par rapport à la vieillesse aussi et aux pertes qu’elle a 90

eu. Non seulement elle a été danseuse cette dame, mais je vous disais entre les deux guerres et 91

ensuite avec la guerre, je crois qu’elle a plus du tout fait cette activité artistique. Donc je pense 92

qu’elle est vraiment…euh… dans un regret de perte, de ce qu’elle a eu dans sa jeunesse, par 93

rapport à ce qu’elle était. En fait elle était danseuse donc ça veut dire que c’était quelqu’un en 94

bonne santé, quelqu’un de bien dans sa peau et euh … Moi comme j’imagine les danseuses, 95

c’est des personnes qui sont assez toniques et en pleine forme. Donc elle est en train de me 96

6

raconter qu’elle vit mal tout ça. Parce que c’est une personne âgée maintenant et qu’elle a perdu, 97

elle a perdu sa jeunesse, elle a perdu son corps, elle en a un qui ne lui appartient pas parce 98

qu’elle ne l’aime pas. Et en plus de ca son corps est douloureux, c’est quand même une personne 99

qui est multi-pathologique et qui est dans une certaine incurie par rapport à chez elle et elle se 100

reconnait pas la dedans. (Silence) 101

Moi : D’accord, donc vous aviez identifié que cette dame avait une image corporelle et 102

une estime de Soi perturbée ? 103

Gaëlle : Oui c’est ça. (Silence) 104

Moi : Qu’avez-vous mis en place pour remédier à ces problèmes ? 105

Gaëlle : Donc, suite à ça j’ai voulu aller plus loin avec cette dame, en lui proposant moi-même 106

les toilettes le matin. Et du coup elle a accepté. Donc l’initiative j’en ai parlé simplement avec 107

mes collègues de travail en disant « Ecoutez cette dame je vais essayer de m’en occuper dans 108

un premier temps, peut-être qu’elle voudra plus tard être pris en soin finalement. » 109

Je me suis occupée d’elle et j’y suis allée tout doucement, en lui disant « Si vous voulez on va 110

commencer par faire la toilette ensemble, on y va tranquillement. Vous allez me dire vous-111

même par quoi vous voulez commencer. Si on commence par votre visage, si on commence par 112

vos mains, votre bras, et puis voir ce que vous pouvez faire seule. Alors c’est sûr que le dos, le 113

faire toute seule c’est compliqué, mais moi je suis là aussi pour vous aider ». Je lui disais des 114

choses comme ça en fait. Et systématiquement, dans tous les soins d’hygiène que j’ai pu lui 115

prodiguer, j’ai utilisé le toucher. C’est-à-dire que quand j’étais derrière elle, je lui mettais mes 116

mains sur les épaules, comme pour dire « je suis là ». Quand j’étais face à elle, ne serait-ce que 117

pour lui laver les jambes, j’étais accroupie devant elle. Je suis droitière donc je travaille avec 118

ma main droite (mime le geste de frotter circulairement), mais avec ma main gauche posée sur 119

son genou pour lui dire « je suis la » et pour lui donner une espèce de contenance sécuritaire, 120

de par mon toucher. Donc de rentrer vraiment en relation avec elle, de part ce toucher la. 121

« Madame R je suis-là, je vais vous aider pour ce soin, et ensuite je vous laisse tranquille si 122

c’est votre choix. » A chaque fois je regarde et j’évalue ses attitudes. Si je vois que ça gêne, 123

j’arrête. J’arrête pas brutalement comme ça, comme si elle m’avait vexée, pas du tout. Je suis 124

vraiment centrée sur elle à ce moment-là. A chaque indicateur, si je vois que ça lui plait pas que 125

je lui touche les pieds, parce que c’est terrible pour elle, les pieds c’était son outil de travail a 126

elle quand elle était danseuse, et que je vois que ça la gêne, parce que ses pieds sont plus les 127

mêmes que quand elle avait 20 ans. J’arrête. J’y reviendrais une prochaine fois. Le massage des 128

pieds est venu bien plus tard avec elle, si vous voulez. J’y suis arrivée, mais c’est venu avec le 129

temps. Le facteur temps, la temporalité, ça a été un allié dans la relation. C’est-à-dire que la 130

7

prise en charge, elle se fait pas en une semaine quand la personne vient d’arriver. Le toucher ne 131

peut pas s’instaurer tout de suite. Il y a quand même cette relation de confiance à établir avant. 132

Et la temporalité, c’est quand même un facteur clé pour nous les soignants, pour rentrer dans 133

cette relation de confiance, et cette relation de prendre soin par le toucher par la suite. Ensuite, 134

son corps, qui est complètement meurtri, parce que bah, y’a la perte psychologique quand 135

même, et puis il y avait cette douleur, suite aux escarres aussi …euh (silence)…En fait cette 136

dame, Madame R, ça été une branche cassée. Elle appartenait à un arbre, la branche s’est cassée. 137

Elle s’est pas coupée, elle s’est juste cassée. Il a fallu du temps pour la réparer, pour la remettre 138

dans la pulsion de vie, de la sève de la branche de l’arbre. Vous voyez ce que je veux dire ? 139

Moi : Oui je comprends 140

Gaëlle : je m’excuse de l’image, mais ça a pris du temps, mais ça a marché. Mais le toucher a 141

vraiment aidé. C’est plus une sensibilité de la part du soignant, c’est-à-dire qu’on peut pas faire 142

des choses comme ça avec tous les gens, on est tous différents. Moi je sais que personnellement, 143

quelqu’un qui vient et qui me touche les mains, peut être que je suis pas à l’aise, alors que je 144

suis très à l’aise pour toucher les mains de quelqu’un. Je veux dire par là qu’on a vraiment 145

besoin d’être centré sur la personne, de prendre la personne dans sa globalité. Qui elle était, qui 146

elle est, et qu’est-ce qu’elle a envie de devenir. Parce que dans sa tête, et surtout chez les 147

personnes âgées vieillissantes dépendantes, elles ont une représentation d’elles-mêmes avant, 148

elles ont une représentation idéale d’elles-mêmes et puis il y a ce qu’elles sont vraiment. Tout 149

ça, ça crée un déséquilibre chez elles, en raison de leur vieillesse. Nous en tant que soignants 150

on a besoin de venir remettre un peu d’équilibre, mais ça on doit le faire doucement. Parce que 151

si on le fait pas doucement, et en fonction de la personne, on les fragilise encore plus. Or c’est 152

pas le but. On est quand même la pour les renforcer d’un point de vue et physique et psychique 153

et social. Et notre rôle propre, là il agit…euh… là on est à 300% dans notre rôle propre 154

finalement parce qu’on a pas besoin de médecin pour faire ça. Alors euh attention je ne dénigre 155

pas le médecin, on en a fortement besoin hein (rires). Mais à un moment donné, notre rôle 156

propre, il intervient la dedans, parce que, on est capable, nous, parce qu’on l’a appris tout 157

simplement, à faire avec la personne. C’est-à-dire qu’on va pas espérer d’elle des miracles. On 158

va juste prendre ce qu’elle peut nous donner. Et puis on fonction de ce qu’elle nous donne, nous 159

on va pouvoir euh, bah lui donner à notre tour un peu de nous-même, avec tout ce qu’on apprit, 160

toutes les connaissances et les compétences qu’on a. Et le toucher, ça fait partie de ça. Ça fait 161

partie de notre façon d’être en tant que soignant. Alors il va y avoir des soignants qui vont être 162

très forts pour piquer des catés, faire des transfusions sanguines et euh. Tant mieux. Puis il y en 163

8

a d’autres qui vont être plus forts dans le toucher relationnel. Après, il faut s’écouter aussi soi-164

même. Si on est doué la dedans et qu’on ressent des choses chez des gens on peut y aller. 165

Moi : Quels effets vous avez remarqués chez Madame R suite aux touchers relationnels 166

que vous lui avez dispensés ? 167

Gaëlle : Et bien à un moment donné elle était pas bien, et le fait de la prendre comme ça, dans 168

le temps et d’un point de vue global, ça a permis de lui rendre une unité, euh comment dire… 169

euh, je cherche mes mots, je m’excuse, euh, de lui redonner une unité corporelle en fait. Qui 170

fait que, elle s’est retrouvée elle-même. Elle s’est recentrée sur elle-même et quelque part ça lui 171

a insufflé une pulsion de vie, parce que plusieurs semaines après son arrivée, c’est quelqu’un 172

qui est devenu très actif au niveau des activités de la maison de retraite, qui participe aux repas, 173

qui est très à l’aise avec les soignants et les autres résidents, qui s’est fait pleins de relations et 174

qui s’en fait toujours parce qu’elle est toujours là Madame R. Et je pense qu’à un moment donné 175

le psychique d’une personne agit vraiment sur le physique. Elle arrive elle est très mal, mais si 176

nous soignants on arrive, on soigne le corps, ça marche pas. On soigne aussi l’âme. Enfin je dis 177

soigner mais c’est un grand mot hein. C’est même un gros mot chez nous de soigner, on essaye 178

mais on y arrive pas toujours. Mais en tout cas on prend en charge ça, ce côté psychologique 179

de la personne, ce côté social et ce côté…euh…l’être unique en fait. Et l’être unique c’est ce 180

qui fait de nous des individus à part entière, parce qu’on est tous uniques en fait. Je suis allée 181

loin par rapport à votre question inaugurale mais le toucher relationnel pour moi ça peut être 182

ça. Ça peut être l’exemple de cette dame-là. Je pense aussi qu’au-delà de la sociabilisation que 183

ça pu recréer chez cette dame, je pense que simplement le toucher relationnel a pu induire chez 184

elle, simplement de la sécurité. J’y pense maintenant en vous exposant le cas de Madame R, 185

parce que j’avais pas vraiment réfléchis avant, mais je pense que le fait qu’elle soit entrée en 186

institution et le fait qu’elle ait pu avoir les échanges qu’elle a eu avec les soignants , elle a eu à 187

nouveau un sentiment de sécurité, qui je pense, qu’elle n’avait pas ressenti depuis plusieurs 188

années finalement. 189

Moi : Quand vous parlez de sécurité, c’est une sécurité physique ? Affective ? 190

Gaëlle : Et bien je mettrai une sécurité encore une fois globale. Parce que physique déjà d’une 191

part : elle est arrivée douloureuse, elle est arrivée dans un refus de soins et elle est arrivée avec 192

une très mauvaise estime d’elle-même. Le toucher à travers toutes les séances qu’on a pu lui 193

prodiguer, aussi bien moi que mes collègues, parce qu’on a œuvré dans ce sens-là avec elle, 194

c’était son projet personnalisé. On travaille beaucoup en projets de soins, c’est vrai je ne vous 195

en ai pas parlé mais à la maison de retraite on fait beaucoup de projets de soins individualisés 196

par rapport à la personne, son vécu son passé et ses objectifs. Du coup pour revenir à la sécurité, 197

9

elle a pu avoir cette réassurance d’elle-même, qu’elle avait perdue, de retrouver son corps, 198

qu’elle avait aussi perdu en quelques sortes. D’un point de vue psychique, cette dame elle vivait 199

seule et en état d’incurie, comme je vous ai dit. Donc elle a retrouvé un contexte sécurisant. 200

Aussi bien au niveau de sa chambre, que de l’ensemble de la structure. Elle s’est approprié les 201

lieux. Elle est chez elle. Donc oui elle est en sécurité physique, elle est en sécurité affective, 202

elle est en sécurité psychologique. Quand je vous parle de sécurité affective c’est que, à un 203

moment donné, euh…à un moment donné elle a reçu du plaisir à travers ces massages. Elle est 204

dans le psychoaffectif parce que ça l’a rendue, je me prétends pas psychologue attention, mais 205

le plaisir qu’elle a reçu par ces touchers, l’ont fait rentrer dans une espèce de bulle affective qui 206

ont fait qu’elle a créé des liens. Aussi bien avec moi-même qu’avec mes autres collègues, et 207

petit à petit avec l’ensemble du personnel. 208

Moi : Quand vous parlez de sécurité affective ça me fait penser au concept de Winnicott 209

et de mère contenante, du maternage. En fait il y a un peu une fonction maternante dans 210

le toucher ? 211

Gaëlle : Oui tout à fait ! Parce que Winnicott il parle du bon objet, du mauvais objet, de la 212

bonne mère… Et on est exactement là-dedans, effectivement. Après si vous voulez aller plus 213

loin vous pouvez aussi aller dans la théorie de l’attachement de Bowlby. Mais on pourrait en 214

citer pleins si vous voulez des théories. Mais quelques parts, oui le soignant se retrouve dans 215

cette figure-là. Figure maternelle. C’est énorme de dire une chose pareille, parce que jamais on 216

est les parents des personnes âgées … 217

Moi : effectivement mais ce sont des mécanismes de transferts et de projections… 218

Gaëlle : Mais euh, est ce que la personne âgée peut se retrouver dans ce lien affectif là avec un 219

soignant ? Complètement oui. Mais vous savez, un soignant c’est vraiment le quotidien des 220

personnes âgées en institution. C’est-à-dire que tous les jours on arrive avec une fenêtre. Si on 221

a mal dormi la veille et qu’on est en rogne ce jour-là, il fera gris hein à travers la fenêtre. Si on 222

va bien il fera soleil. La personne âgée a besoin de ça. Parce qu’on lui renvoie l’extérieur, la 223

société. On fait partie du quotidien de la personne. Et ça c’est important de garder ça en tête 224

pour pouvoir rester intègres dans nos rapports et avoir des rapports authentiques avec eux. 225

Authentiques et chaleureux. (Silence) 226

Moi : Vous n’avez rien d’autre à rajouter ? 227

Gaëlle : non je pense que c’est bon. 228

Moi : Merci d’avoir participé à cet entretien enregistré qui sera, je vous le rappelle, utilisé 229

seulement dans le cadre de mon mémoire.230

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Annexe 4 : Grille d’analyse de l’entretien de Gaëlle

CONCEPT COMPOSANTES INDICATEURS VERBATIM Image de Soi

Image corporelle perturbée

Sentiments négatifs à l’égard des changements corporels réels ou imaginaires

L83 « Avec son corps vieillissant elle ne se reconnait plus la dedans » L128 : « ça la gêne, parce que ses pieds sont plus les mêmes que quand elle avait 20 ans » L80 : « Son corps la gêne » L84 : « donc tout ce qui est de montrer son corps, elle a énormément de mal avec ça, comme si elle ne s’aimait plus » L99 : « Elle a perdu son corps, elle en a un qui ne lui appartient pas, parce qu’elle ne l’aime pas » L102 : « Elle se reconnait pas la dedans »

Le patient verbalise un regret de son corps idéal

L94 « elle est vraiment dans un regret de perte, ce qu’elle a eu dans sa jeunesse, par rapport à ce qu’elle était » L98 « elle a perdu, elle a perdu sa jeunesse, elle a perdu son corps »

Le patient verbalise les douleurs que lui inflige son corps

L74-76 : « Et là elle me dit qu’elle a très mal partout, elle a de grosses plaies qui lui font mal, elle fait référence à ses escarres » L77 : « Quand c’est le moment de faire la douche elle veut pas parce qu’elle a peur d’avoir très mal » L136 : « Son corps, qui est complètement meurtri, parce que bah, y’a les pertes psychologiques quand même,

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et puis il y avait cette douleur, suite aux escarres aussi… »

Le patient refuse de s’occuper de son cops ou qu’un soignant ne le fasse

L48 : « elle refuse de se lever, elle refuse les soins de nursing »

Image corporelle positive

Le patient montre qu’il veut et peut s’occuper de ses soins personnels

La personne ressent une unité corporelle

L171-172 « ça a permis de lui rendre […] de lui redonner une unité corporelle »

Le patient prend soin de son apparence : maquillage, habillement, coiffure…

Le patient verbalise ses modifications corporelles par des propos positifs

Estime de soi perturbée

Propos dévalorisants envers soi-même

L87 « elle avait des propos dévalorisants envers elle-même » L88- 89 « elle ne sert plus à rien » « elle ne sait plus rien faire seule » « elle ne peut même plus se laver elle-même »

Verbalisation de sentiments de honte, de culpabilité, d’être incapable de faire face

Incapacité à se fixer des objectifs et à prendre des décisions

Estime de soi positive

La personne reconnait ses qualités

La personne peut nommer un aspect positif des changements qu’elle a connu

La personne dit qu’elle accepte ses limites

La personne s’affirme dans ses gestes et décisions

L200 « Elle a pu avoir cette réassurance d’elle-même »

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Identité et exercice des rôles perturbés

Description de soi erronée

L150-152 « elles ont une représentation d’elles-mêmes avant, elles ont une représentation idéale d’elle-même et puis il y a ce qu’elles sont vraiment. Tout ça, ça crée un déséquilibre chez elles, en raison de leur vieillesse »

Relations sociales perturbées

L31 : « assez seule aussi, parce qu’elle n’avait plus de famille » L32 « C’est les services sociaux qui l’ont amenée dans la maison de retraite » L37 « C’est une personne qui vivait seule chez elle, coupée du monde »

La personne ressent un sentiment d’inutilité sociale

Identité et exercice des rôles améliorés

La personne trouve un nouveau sens à sa vie

L175 « C’est quelqu’un qui est devenu très actif au niveau des activités de la maison de retraite, qui participe aux repas »

La personne s’intéresse à son entourage et s’engage dans des relations sociales

L176 : « très à l’aise avec les soignants et les autres résidents, qui s’est fait plein de relations et qui s’en fait toujours » L209 : « l’ont fait rentrer dans une espèce de bulle affective qui ont fait qu’elle a créé des liens »

CONCEPT INDICATEURS VERBATIM Prendre soin, Care, Caring

La personne fait une distinction entre les soins coutumiers et habituels (care) et les soins de réparation (cure)

L107-108 « en lui proposant moi-même les toilettes le matin » L155 « On est quand même la pour les renforcer d’un point de vue et physique et psychique et social. Et notre rôle propre, là il agit…euh… là on est à 300% dans notre rôle propre finalement parce qu’on a pas besoin de médecin pour faire ça. Alors euh attention je ne dénigre pas le médecin, on en a fortement besoin hein (rires). »

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L158 « Mais à un moment donné, notre rôle propre, il intervient la dedans, parce que, on est capable, nous, parce qu’on l’a appris tout simplement, à faire avec la personne » L178-180 « Elle arrive elle est très mal, mais si nous soignants on arrive, on soigne le corps, ça marche pas. On soigne aussi l’âme »

Le soignant s’adapte aux habitudes de vie, aux coutumes et aux croyances de la personne soignée

L43 « Je lui demande à quelle heure elle a l’habitude de se lever, de se laver, de manger, voir un petit peu son quotidien pour essayer de l’adapter au mieux à la vie dans la structure »

Le but du soignant est d’établir une relation de confiance, basée sur des valeurs humaines

L132-135 « Le toucher ne peut pas s’instaurer tout de suite. Il y a quand même cette relation de confiance à établir avant. Et la temporalité, c’est quand même un facteur clé pour nous les soignants, pour rentrer dans cette relation de confiance, et cette relation de prendre soin par le toucher par la suite. » L144 « c’est-à-dire qu’on peut pas faire des choses comme ça avec tous les gens, on est tous différents » L147 « qu’on a vraiment besoin d’être centré sur la personne, de prendre la personne dans sa globalité. Qui elle était, qui elle est, et qu’est-ce qu’elle a envie de devenir » L181 « Mais en tout cas on prend en charge ça, ce côté psychologique de la personne, ce côté social et ce côté…euh…l’être unique en fait. Et l’être unique c’est ce qui fait de nous des individus à part entière, parce qu’on est tous uniques en fait. »

Le soignant a pour but de protéger la dignité et l’unicité de la personne soignée

Le soignant et le soigné se rencontrent avec leurs propres expériences, connaissances, et vécus

L162-164 « bah lui donner à notre tour un peu de nous-même, avec tout ce qu’on apprit, toutes les connaissances et les compétences qu’on a. Et le toucher, ça fait partie de ça. Ça fait partie de notre façon d’être en tant que soignant. »

Le soignant est dans

L197- 199 : « c’était son projet personnalisé » « on travaille beaucoup en projets de soin » « on fait

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l’accompagnement du soigné

beaucoup de projets de soins individualisés par rapport à la personne, son vécu, son passé et ses objectifs »

L’approche du soignant est centrée sur la personne, ses besoins et ses désirs du moment.

L124 « A chaque fois je regarde et j’évalue ses attitudes. Si je vois que ça gêne, j’arrête. » L 126 « Je suis vraiment centrée sur elle à ce moment-là » L148 « On a vraiment besoin d’être centré sur la personne, de prendre la personne dans sa globalité. »

CONCEPT INDICATEURS VERBATIM Le toucher relationnel comme outils du prendre soin

Le soignant utilise le toucher pour entrer en relation, comme moyen de communication non verbale

L13 « qu’à un moment donné on a envie de rentrer en relation avec une personne » L18 « J’entre en relation à travers ce geste-là » L22 « Je mets ma main sur son épaule, elle voit que je suis là, elle me sent, et d’un coup j’ai son attention. J’ai son attention, je lui donne la mienne, et on peut entrer dans un échange relationnel. » L118 « comme pour dire « je suis là » »

Le soignant dispense le toucher dans une intention de bienveillance, d’humanité et de respect de la personne pour ce qu’elle est

L57 « spontanément je lui prends la main » puis L61 « Et donc je vois qu’il n’y a aucun indicateur de refus du contact, finalement sur son visage » L64 « je vois sur son faciès que ça a l’air de lui plaire. » L66 « je lui demande « Je m’excuse Madame, je vous ai pris votre main comme ça mais c’est vrai que j’aime bien faire des petits massages des mains, mais est-ce que ça vous gêne ? » » L69 « vous voulez que je vous fasse l’autre main après ? » L124 « A chaque fois je regarde et j’évalue ses attitudes. Si je vois que ça gêne, j’arrête »

Le soignant considère la personne dans sa globalité et non comme un corps objet de soins lorsqu’il le touche

Posture pendant le toucher : présence, empathie, authenticité

L116 « Et systématiquement, dans tous les soins d’hygiène que j’ai pu lui prodiguer, j’ai utilisé le toucher. C’est-à-dire que quand j’étais derrière elle, je lui mettais mes mains sur les épaules, comme pour dire « je suis là ».

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L227 « Avoir des rapports authentiques avec eux. Authentiques et chaleureux »

Qualité du toucher : doux, ferme et enveloppant

De quelle manière le toucher relationnel est-il utilisé ?

L17 « En posant une main sur leur épaule » L57 « spontanément, je lui prends sa main » L63 « je lui fais des massages des mains » L120-121 « avec ma main gauche posée sur son genou »

16

Annexe 5 : Entretien de Céline

Voici l’entretien de Céline, une infirmière qui exerce depuis 3 ans dans un établissement

d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. L’entretien dans une salle de réunion, sur

ses heures de travail. L’entretien a été écourté en raison de la charge de travail ce jour-là.

Moi : Bonjour, je vous remercie de participer à cet entretien que je vais enregistrer dans 1

le cadre de mon travail de fin d’études… (Silence) Pour cet entretien vous avez choisi le 2

pseudonyme de Céline afin de garder votre anonymat durant cet enregistrement 3

…euh…qui ne sera utilisé que dans le cadre de mon travail . 4

Je vais vous poser ma question inaugurale : Pouvez-vous me parler d’une situation où 5

vous avez dispensé un toucher relationnel à un patient âgé dépendant ? 6

Céline : Alors euh…une situation… Où j’ai utilisé le toucher relationnel… (Silence) C’est un 7

peu difficile comme question… (Silence) 8

Moi : Vous voulez que je vous aide un peu ? 9

Céline : oui s’il vous plait (rires) 10

Moi : Euh…Déjà comment est-ce que vous pourriez me définir le toucher relationnel ? 11

Céline : Le toucher… Déjà c’est une manière d’entrer en contact. Euh… C’est pas quelque 12

chose qu’on apprend à l’école…enfin je me rappelle pas avoir appris ça… C’est plutôt quelque 13

chose d’intuitif… euh…Que je fais comme ça sur le moment… Parce que j’en ressens le besoin, 14

enfin je sens que le patient en a besoin….Après des fois c’est difficile de toucher au début quand 15

on est jeune diplômée parce que toucher les gens…bah… c’est un peu tabou… Mais après on 16

se rend compte que c’est apaisant… 17

Moi : En quoi considérez-vous que le toucher est apaisant ? 18

Céline : Ben ça apporte une présence rassurante à la personne en fait… Ça permet de lui dire 19

« Je suis la… je suis avec vous et je vous écoute ». En fait ça leur montre qu’on est à l’écoute 20

de ce qu’ils ressentent… 21

Moi : D’accord, donc pour vous c’est ça le toucher relationnel ? 22

Céline : Oui voilà en quelques sortes. Mais pour moi c’est pas forcément faire un massage des 23

pieds à la tête hein… c’est juste lui prendre la main… ou lui caresser les cheveux ou le 24

visage…En fait, moi j’ai l’impression que ça me rend plus humaine…Je montre à la personne… 25

euh…Et à moi-même aussi en fait que je suis pas là juste pour soigner sa maladie. En fait les 26

soins techniques on soigne juste le corps… Du coup ils sont moins humains… Alors qu’on 27

soigne des gens pas des objets… En fait quand je touche je transmets un peu une part 28

17

d’humanité… Je suis pas juste l’infirmière supérieure au patient parce que j’ai les connaissances 29

et euh… le pouvoir… enfin vous voyez ? (silence) 30

Moi : En fait vous me parlez de l’asymétrie dans la relation soignant-soigné ? Du fait que 31

l’infirmier est en position de supériorité face au patient ? 32

Céline : Oui voilà c’est ça. En fait, quand je la touche, je montre à la personne que je la 33

considère comme…mon égal en fait... Parce que bah c’est …une personne… un être humain… 34

(Silence). Et puis y’a aussi le fait de se rapprocher…Si vous vous mettez proche d’elle, elle va 35

sentir que vous l’écoutez… Du coup bah forcément elle va mieux vous parler…Si quand tu lui 36

parles tu restes à la porte, elle pense que t’as juste envie de partir et elle aura pas envie de te 37

parler… 38

Moi : Donc, si je reformule, ça réduit la distance entre l’infirmier et le patient ? Et ça 39

permet quoi ? 40

Céline : Ben… (Silence) ça permet qu’il se sente en confiance avec moi. Les gens ont plus 41

confiance quand vous les écoutez…Donc si vous prenez le temps, de la toucher…de lui parler... 42

de l’écouter… Ben ça se passera mieux après, donc au final c’est un gain de temps… 43

Moi : Maintenant que vous m’avez définit le toucher relationnel et son utilité, est-ce que 44

vous pouvez me parler d’une situation dans laquelle vous l’avez utilisé ? 45

Céline : Euh… Et ben d’avoir parlé de ça, ça m’a rappelé une dame que j’ai connu il y a 1 an… 46

Elle avait dans les 80 ans à peu près…Et euh… Elle était très dépendante… On devait tout lui 47

faire… La toilette…Les changes de protection…Les transferts au fauteuil et l’aide aux 48

repas…Tout…Et euh… Cette petite dame elle était un peu démente parfois... C’était pas un 49

Alzheimer, enfin le médecin avait dit que non… mais des fois ben…elle décompensait un peu 50

et elle angoissait…Du coup ben quand elle était comme ça les soins c’était quasi 51

impossible…Un vrai calvaire ! Elle se débattait en disant qu’elle devait aller chercher ses 52

enfants à l’école et que c’était très important pour eux et qu’on était des tortionnaires parce 53

qu’on voulait pas la laisser y aller et que ses enfants allaient être perdus sans elle…Du coup on 54

était tous embêtés parce qu’on savait pas comment s’y prendre avec cette patiente…On pouvait 55

pas rentrer dans son délire, mais on pouvait pas non plus la remettre dans la réalité quoi…On 56

a essayé mais elle nous traitait de menteurs…Du coup un jour j’ai essayé…Je me suis assise à 57

côté d’elle, j’étais calme, je me disais si je m’énerve elle va le sentir…Je lui ai pris la main. Au 58

début elle a pas trop réagi elle a continué à crier. Euh…Pis je lui ai demandé ce qui lui arrivait. 59

Comme si j’étais pas au courant. En m’intéressant vraiment à ce qui l’énervait. Et du coup elle 60

a arrêté de crier, elle m’a regardé. Et elle m’a dit « Ah enfin quelqu’un qui m’écoute ici ! » En 61

fait ça m’a permis de lui montrer que j’étais là pour elle, que je l’accompagnais…En fait là le 62

18

toucher c’était un moyen de rentrer en communication avec elle. Ça l’a apaisée. Je pense que 63

ça a apaisé son angoisse quoi. Ça l’a réassurée. En fait elle existait pour quelqu’un. 64

Moi : C’est une patiente qui était seule ou elle avait de la famille ? 65

Céline : Non c’était quelqu’un de très seul, sa famille venait pas très souvent et restait pas très 66

longtemps… 67

Moi : D’accord. Là vous m’avez évoqué un cas où la patiente était en situation de démence. 68

Mais vous utilisez toujours le toucher relationnel uniquement avec les patients déments, 69

ou ça peut arriver avec des personnes sans troubles cognitifs ? 70

Céline : On a beaucoup de résidents qui sont Alzheimer ou déments et qui déambulent et sont 71

angoissés mais ça peut arriver avec d’autres résidents. Euh… une fois j’ai eu le cas d’une 72

patiente en fait elle était pas bien… En fait, on m’appelle on me dit « voilà la dame elle est pas 73

bien elle a du mal respirer…» Du coup je vais la voir, je prends les paramètres et compagnie, 74

je vois qu’elle désature et puis là, je soulève les draps je me rends compte qu’elle commence à 75

être marbrée quoi, elle a les lèvres violettes… Et là je me dis que …oula je vais chercher de 76

l’oxygène… Donc là je commence à m’agiter autour d’elle avec mes collègues… Le médecin 77

arrive…La personne elle va pas bien, mais elle comprend pas pourquoi moi je m’agite comme 78

ça autour d’elle… Elle comprend pas ce qui se passe en fait…Parce que moi je me dis que 79

l’important c’est sa respiration quoi. Donc elle me pose pleins de questions « je vais pas bien 80

qu’est-ce que j’ai… » Et moi sur le coup je lui dis bah écoutez…euh je la remets bien, je lui 81

mets l’oxygène et tout et après elle va à peu près bien… mais du coup elle s’angoisse elle re 82

désature. Du coup à ce moment-là j’essaye de la calmer… Je pose ma main sur son épaule, je 83

lui dis « rassurez-vous, maintenant ça va, j’ai été un peu active tout à l’heure mais maintenant 84

ça va… » Je lui réexplique ce qui s’est passé, ce qu’elle a eu…Je la prends dans mes bras parce 85

qu’elle continue à s’angoisser et je lui dis « maintenant ça va mieux… » Euh…Je montre ma 86

présence et que voilà je suis là et je la prends en compte maintenant. Parce que voilà avant 87

y’avait le médecin qui était la qui disait « perfusez la, passez lui ci, passez lui ça » et que du 88

coup bah t’as pas le temps de lui expliquer en détail ce que tu fais. Du coup la dame elle ne 89

comprend pas et elle se sent pas considérée. A côté de ça, après j’ai compensé en la touchant, 90

en lui expliquant, voilà je suis pas un monstre hein, ma priorité avant c’était juste plutôt son 91

problème de santé, sa respiration…euh… ça l’a beaucoup apaisé vous voyez…En plus cette 92

dame elle a pas de famille elle est seule et du coup bah ça a aussi permis en quelques sortes… 93

En fait avec mes collègues on est sa seule famille… 94

19

Moi : Sa seule famille…En fait ce que vous me dites est aussi ressorti dans l’entretien que 95

j’ai fait hier… On en est arrivé à parler du toucher qui avait un peu une fonction 96

maternante… Vous en pensez quoi ? 97

Céline : Ah bah oui, ben…les patients on vit avec eux… Le soir on les couche, on leur dit 98

bonne nuit…Ben des fois ils veulent nous faire un bisou quoi…Alors moi je suis pas contre…Ils 99

veulent me faire la bise…Bonne nuit…Je les vois souvent…Ils voient que moi des fois…Ca 100

me dérange pas non plus moi…Quand ils sont chez eux ils disent au revoir à l’entourage le 101

soir…Bah avec nous c’est un peu pareil…Je peux pas mettre la personne comme ça dans son 102

lit… « Allez bonne nuit au revoir »…La personne dit « faites-moi un bisou »… je trouve ça 103

gentil…Ils m’aiment bien…(silence). Au moins il y a un peu une reconnaissance… On 104

représente quelque chose pour eux. On fait partie de leur sphère… On est leur famille… (Rires) 105

Pis du coup elles ont l’impression qu’elles existent pour quelqu’un… « Ah elle me prend la 106

main…elle me prend dans ses bras…elle me fait a bise… j’existe pour elle » (silence) 107

Moi : Donc en fait ça permet en quelque sorte de briser la solitude quand les personnes 108

sont seules ? 109

Céline : Oui voilà pis ça permet d’entrer en relation… tu fais partie de leur vie… après ils vont 110

avoir confiance en toi. On est là pour eux, on leur apporte de la chaleur, du réconfort. Des fois 111

on va calmer leurs angoisses. Ça marche même sur la douleur… Quand ils ont mal des fois 112

c’est pas que physique…Des fois c’est psychologique. (Silence) Et rien que de les toucher ça 113

les calme… Pis ça coute rien de leur prendre la main…Des fois c’est même eux qui réclament… 114

Quand je quitte la pièce ils tendent la main…Ils disent « ne partez pas »…Après y’en a qui 115

disent qu’elles manquent de temps pour toucher les patients… Mais ça ne prend pas si 116

longtemps que ça. Même 2 minutes ça leur fait du bien… Et puis si on prend le temps avec les 117

patients qui ont des maladies super lourdes ou qui ont très mal ou qui se sentent juste seuls…Ben 118

ça permet d’aller à leur rythme et de respecter leur maladie et en fait de les respecter pour ce 119

qu’ils sont et ressentent… 120

Bon, je suis désolée d’écourter mais je vais devoir y aller. Si vous avez besoin de me poser 121

d’autres questions n’hésitez pas ! 122

Moi : Merci beaucoup de m’avoir donné un peu de votre temps et d’avoir répondu à mes 123

questions. Je vous rappelle que cet entretien restera anonyme et qu’il ne sera utilisé que 124

dans le cadre de mon TFE. 125

20

Annexe 6 : grille d’analyse de l’entretien de Céline

CONCEPT COMPOSANTES INDICATEURS VERBATIM Image de Soi

Image corporelle perturbée

Verbalisation négative de changements corporels réels ou imaginaires

Le patient verbalise un regret de son corps idéal

Sentiments négatifs à l’égard de son corps : désespoir, impuissance, vulnérabilité

Le patient refuse de s’occuper de son cops ou qu’un soignant ne le fasse

Image corporelle positive

Le patient montre qu’il veut et peut s’occuper de ses soins personnels

Le patient prend soins de son apparence : maquillage, habillement, coiffure…

Le patient verbalise ses modifications corporelles par des propos positifs

Estime de soi perturbée

Propos dévalorisants envers soi-même

Verbalisation de sentiments de honte, de culpabilité, d’être incapable de faire face

Incapacité à se fixer des objectifs et à prendre des décisions

Estime de soi positive

La personne reconnait ses qualités

La personne peut nommer un aspect positif des changements qu’elle a connus

La personne dit qu’elle accepte ses limites

La personne s’affirme dans ses gestes et décisions

Identité et exercice des rôles perturbés

Description de soi erronée L52 « Elle se débattait en disant qu’elle devait aller chercher ses enfants à

21

l’école et que c’était très important pour eux »

Relations sociales perturbées

L66 « C’était quelqu’un de très seul, sa famille venait pas très souvent, et restait pas très longtemps »

La personne ressent un sentiment d’inutilité sociale

Identité et exercice des rôles améliorés

La personne trouve un nouveau sens à sa vie

L64 « En fait elle existait pour quelqu’un »

La personne s’intéresse à son entourage et s’engage dans des relations sociales

L61 « Ah enfin quelqu’un qui m’écoute ici » L94 « En fait avec mes collègues on est sa seule famille » L105 « On fait partie de leur sphère… On est leur famille… Pis du coup elles ont l’impression qu’elles existent pour quelqu’un. » L107 « Elle me prend la main…Elle me prend dans ses bras…Elle me fait la bise…J’existe pour elle »

CONCEPT INDICATEURS VERBATIM Prendre soin, Care, Caring

La personne fait une distinction entre les soins coutumiers et habituels (care) et les soins de réparation (cure)

L26 -28 « Et à moi-même aussi en fait que je suis pas là juste pour soigner sa maladie. En fait les soins techniques on soigne juste le corps… Du coup ils sont moins humains… Alors qu’on soigne des gens pas des objets… »

Le soignant s’adapte aux habitudes de vie, aux coutumes et aux croyances de la personne soignée

Le but du soignant est d’établir une relation de confiance, basée sur des valeurs humaines

L41-42 « ça permet qu’il se sente en confiance avec moi. Les gens ont plus confiance quand vous les écoutez… » L111 « Après ils vont avoir confiance en toi. On est là pour eux, on leur apporte de la chaleur, du réconfort »

Le soignant a pour but de protéger la dignité et l’unicité de la personne soignée

L33-34 « je montre à la personne que je la considère comme…mon égal en

22

fait... Parce que bah c’est …une personne… un être humain… »

Le soignant et le soigné se rencontrent avec leurs propres expériences, histoires, vécus

Le soignant est dans l’accompagnement du soigné

L62 « ça m’a permis de lui montrer que j’étais là pour elle, que je l’accompagnais »

L’approche du soignant est centrée sur la personne, ses besoins et ses désirs du moment.

L60 « En m’intéressant vraiment à ce qui l’énervait » L20-21 « « Je suis la… je suis avec vous et je vous écoute ». En fait ça leur montre qu’on est à l’écoute de ce qu’ils ressentent… » L86-87 « Je montre ma présence et que voilà je suis là et je la prends en compte maintenant. » L119-120 « ça permet d’aller

à leur rythme et de respecter

leur maladie et en fait de les

respecter pour ce qu’ils sont

et ressentent… »

CONCEPT INDICATEURS VERBATIM Le toucher relationnel comme outils du prendre soin

Le soignant utilise le toucher pour entrer en relation, comme moyen de communication non verbale

L12 « Déjà c’est une manière d’entrer en contact. » L62-63 « En fait là le toucher c’était un moyen de rentrer en communication avec elle. »

Le soignant dispense le toucher dans une intention de bienveillance, d’humanité et de respect de la personne pour ce qu’elle est

L25 « En fait moi j’ai l’impression que ça me rend plus humaine » L28 « En fait quand je touche je transmets un peu une part d’humanité… »

Le soignant considère la personne dans sa globalité et non comme un corps objet de soins lorsqu’il le touche

L33-34 « En fait, quand je la touche, je montre à la personne que je la considère

23

comme…mon égal en fait... Parce que bah c’est …une personne… un être humain… »

Posture pendant le toucher : présence, empathie, authenticité

L14-15 « Que je fais comme ça sur le moment… Parce que j’en ressens le besoin, enfin je sens que le patient en a besoin… » L25 « Je montre à la personne… euh…Et à moi-même aussi en fait que je suis pas là juste pour soigner sa maladie »

Qualité du toucher : doux, ferme et enveloppant

De quelle manière le toucher relationnel est-il utilisé ?

L23-25 « Mais pour moi c’est pas forcément faire un massage des pieds à la tête hein… c’est juste lui prendre la main… ou lui caresser les cheveux ou le visage… » L58 « Je lui ai pris la main » L83 « je pose ma main sur son épaule » L107 « la main…elle me prend dans ses bras…elle me fait a bise… j’existe pour elle » L116-117 « Mais ça ne prend pas si longtemps que ça. Même 2 minutes ça leur fait du bien… »

24

Annexe 7 : Entretien de Lydie

Voici l’entretien de Lydie, infirmière depuis 3 ans qui exerce dans le service de médecine

interne d’un centre hospitalier publique. L’entretien s’est déroulé dans une salle de réunion, au

calme, après qu’elle ait fini son service. Il a duré 20 minutes. L’accord avait été demandé au

préalable à la cadre de santé pour utiliser la salle.

Moi : Bonjour, je vous remercie de participer à cet entretien qui sera enregistré dans le 1

cadre de mon travail de fin d’études. Afin de conserver votre anonymat, vous avez choisi 2

le pseudonyme de Lydie. Cet enregistrement sera utilisé uniquement dans le cadre de mon 3

mémoire et restera strictement anonyme. 4

Donc, euh, je vais vous poser ma question inaugurale qui est : Parlez-moi d’une situation 5

où vous avez dispensé un toucher relationnel à un patient âgé dépendant. 6

Lydie : (silence). Bah euh…On en fait tous les jours hein donc euh…Vous voulez une 7

situation ? 8

Moi : Oui une situation qui vous parle, que vous pouvez me raconter en détails… 9

Lydie : Que…euh…Pas dans le cadre d’un soin ? 10

Moi : Euh si, pendant un soin, ou n’importe en fait. 11

Lydie : Alors en ce moment on a une patiente qui est …euh … non voyante, qui est âgée...euh 12

puisqu’elle a dans les …70 ans si je ne m’abuse. Et euh…Cette dame elle est non voyante et 13

elle est très très angoissée par l’hospitalisation. C’est clair déjà que le fait qu’elle soit non 14

voyante, elle a une perception des sons qui est…euh renforcée… Donc...C’est une dame qui est 15

euh… Qui est complètement perdue, qui est seule, qui euh…Malheureusement ça joue aussi, 16

elle est…euh… un petit peu limitée intellectuellement. Donc elle se retrouve seule, dans un 17

service qu’elle ne connait pas, qu’elle ne voit pas, dans lequel elle n’a aucun repère, et elle a 18

des décisions à prendre et donc du coup ça l’angoisse pour tout. Donc euh… Moi le premier 19

matin où j’ai fait sa connaissance, euh…Elle, j’avais une prise de sang à lui faire. Et euh…Et 20

au départ c’était pas du tout gagné parce qu’elle voulait pas du tout euh…Donc déjà la première 21

chose, je suis rentrée dans la chambre, je me suis présentée, donc euh... Et d’ailleurs je crois à 22

chaque fois que je suis rentrée dans la chambre je me suis représentée. Donc en disant 23

« bonjour », qu’elle me reconnaisse par rapport à mon prénom, par rapport à ma voix. Et donc 24

je suis arrivée vers elle, et je lui ai dit comme tous les matins que je venais lui prendre les 25

constantes et que je venais lui faire une prise de sang. Donc au départ elle était dans le refus 26

complet de faire euh la prise de sang. Donc euh…Je me suis approchée d’elle. Euh… Je lui ai 27

25

pris la main. On a commencé à parler. Et…Enfin, moi j’approche beaucoup les 28

patients…Enfin…Je les touche beaucoup… J’arrive pas cash en me disant euh… « Voilà j’ai 29

tel soin à faire et on s’y colle.» Non voilà. Donc j’ai pris le temps. Je me suis assise à côté 30

d’elle. Je lui ai dit « Là je m’assois à côté de vous, on va poser euh… Je vais poser le garrot, 31

on va regarder l’état de vos veines » et euh donc je lui ai expliqué ce qui allait se …euh 32

comment ça allait se dérouler. Et après si euh…Si elle était d’accord, euh, si elle voulait que je 33

lui dise quand euh, quand euh j’allais piquer quoi. Voilà. Et tout ça en la touchant, en la 34

rassurant. Et ce matin il y avait l’élève qui euh, qui avait une prise de sang à lui faire, elle voulait 35

impérativement que l’infirmière soit là, et je lui ai pris la main, et je l’ai rassurée et voilà. Donc 36

euh … En toucher relationnel moi je …enfin j’exerce beaucoup au niveau…euh…au niveau 37

des mains…donc de leur caresser les mains…euh ça m’arrive de leur caresser aussi euh…le 38

visage. Donc vraiment quand ils sont angoissés. Euh…Vous voulez que je vous dise un petit 39

peu tout ce que j’utilise ? 40

Moi : Oui bien sûr, allez-y. 41

Lydie : Euh quand c’est des patients qui sont angoissés, qui ont des sensations d’étouffement, 42

c’est de leur poser la main sur la poitrine. Donc de leur demander s’ils sentent ma main et euh… 43

qui euh…voilà…Donc ça rassure d’avoir une chaleur au niveau de la poitrine. Et des fois après 44

bah je leur dis « vous prenez le relais, vous posez votre main » Moi je pose ma main sur la leur 45

(mime le geste) et j’attends qu’ils s’apaisent un petit peu et puis après je repars. 46

Moi : Donc vous faites ça pour calmer, pour rassurer en fait, c’est ça ? 47

Lydie : Oui. 48

Moi : Et euh, est-ce que vous pensez que c’est important que ça soit fait par le fait de 49

toucher ou bien si c’était fait simplement par le biais de la voix, de la parole vous pourriez 50

les calmer aussi ? 51

Lydie : Je pense que c’est un tout. (Silence). Je pense que c’est un tout. Parce que euh, parce 52

que dans le toucher, euh, dans le toucher il faut déjà que la personne, elle est euh, que la 53

personne en face de vous elle accepte d’être touchée. Tout comme il faut que la, enfin il faut 54

que le soignant accepte aussi des fois d’être touché. Enfin moi je sais que personnellement, 55

j’aime pas trop qu’on me touche. Voilà. Donc je touche plus facilement, mais je demande 56

toujours l’accord au patient. Ça m’arrive de pas demander et euh… Des fois y’a des patients 57

qui vont avoir un moment de repli, un moment de surprise. Donc généralement euh, je leur 58

propose. Par contre si je leur caresse le visage, je leur dit « Est-ce que je peux vous caresser le 59

visage ? ». Il y a des patients qu’on connait depuis très longtemps, donc avec qui on établit des 60

liens donc euh…On fait une petite bise sur le front…euh pour les rassurer, pour leur montrer 61

26

qu’on a pour eux de l’attention, pour l’image de soi. Parce que l’image de soi vis-à-vis, enfin 62

pour les personnes vis-à-vis des personnes âgées c’est super euh…C’est super dur quoi. Il faut 63

se mettre aussi à leur place et se dire que bah nous aussi quand on sera vieux quelle image on 64

aura de nous, quand euh, quand tu vois que quand on est jeunes on court, qu’on est valides, 65

que… Qu’on est complètement autonomes et qu’au fil du temps on est un petit peu comme la 66

fleur euh…Comme une rose qui euh… Qui se fane doucettement Et qui après se flétrit et qui 67

perd ses pétales. Et bah leurs facultés ben pour moi c’est les pétales. Donc voilà. 68

Moi : Et du coup par rapport à l’image de Soi, le fait de toucher ça va…euh…Pour vous 69

pourquoi ça va…influencer l’image de soi de toucher ? 70

Lydie : Alors ça je pense que c’est une interprétation personnelle. Je pense que euh…Bah c’est 71

revalorisant aussi. Parce qu’il y a pleins de personnes qui se trouvent euh…qui se trouvent euh 72

moches, qui se trouvent euh…enlaidies par la vieillesse. Et donc du coup, enfin ca renforce et 73

ça positive l’image de soi quand même d’avoir quelqu’un qui est avenant, qui vous touche. Il y 74

a pleins de personnes âgées qui éprouvent du dégout vis-à-vis d’elles-mêmes. Donc d’avoir 75

quelqu’un qui les touches, qui…enfin moi déjà c’est une forme de communication pour moi le 76

toucher. C’est la première chose, c’est la forme de communication et c’est surtout un 77

accompagnement. 78

Moi : Un accompagnement oui… 79

Lydie : Oui, communication et accompagnement. Du coup ça leur montre que vous osez la 80

toucher, donc elle vous repousse pas, enfin vous révulse pas. Et puis ça permet d’instaurer un 81

climat de confiance. Si vous instaurez un climat de confiance avec quelqu’un, vous avez tout 82

gagné quoi. Et pour euh… Et pour le soin qui va se dérouler, et pour la personne. Parce que la 83

personne euh…du coup elle va mieux vivre le soin, le soin va bien se passer, donc euh…Ca va 84

plus vite, le soin se déroule beaucoup plus vite, beaucoup mieux et sans douleur chez le patient. 85

Parce que quelques fois t’induis de la douleur, même si t’es eu…Si t’es… parce que c’est aussi 86

de la bienveillance le toucher…donc euh… Même si vous les touchez et que vous faites tout 87

pour pas leur faire mal, vous leur faites mal. 88

Moi : Donc vous avez remarqué que le toucher diminuait la douleur ? 89

Lydie : Ah oui ! Tout à fait ! Enfin je sais pas si ça diminue la douleur, mais en tous les cas une 90

chose est sure, c’est que ça diminue l’appréhension. Et euh…je pense que dans tous les soins 91

qu’on fait, il y a une partie de la douleur, une petite partie qui est induite par le stress du au 92

soin, qu’on ne connait pas, qui va venir, donc euh voilà. Toucher, bien expliquer le soin, 93

l’expliquer au fur et à mesure euh…Au fur et à mesure de comment ça va se dérouler… 94

27

Moi : C’est vrai que dans la douleur il y a une composante euh…affective. C’est vrai que 95

quand ils angoissent avant le soin ils risquent d’avoir encore plus mal. Donc c’est pour ça 96

que même en parlant à la personne, en détournant son attention de la douleur…euh ben… 97

Lydie : Ben c’est ce qui s’est passé entre autres, hein, avec la dame… Elle qui m’a dit « olala 98

moi j’ai peur des piqures, dès qu’on me fait la piqure… » Et finalement ça c’est bien passé 99

quoi. A un moment d’ailleurs elle m’a dit « C’est fini ? » je lui fais « non pas encore…euh…pas 100

tout à fait, l’aiguille est en place… » Donc euh elle avait l’impression que c’était terminé. 101

Moi : Par contre je reviens sur cette patiente, donc vous lui avez touché la main avant, 102

mais pendant le soin vous avez quand même utilisé plutôt un toucher, un geste technique ? 103

Lydie : Après je suis retournée dans le technique, parce que cette dame elle avait euh, elle avait 104

déjà tendance à bouger les pieds (mime le geste) donc elle avait les pieds qui tapaient sur le 105

matelas, donc du coup la première fois c’est assez euh…j’ai été obligée de la repiquer. Et puis 106

après j’ai carrément été obligée de la perfuser vous voyez. Dans les 5 minutes. Donc la…euh… 107

Je me suis dit « oups, je lui ai dit que c’était fini et puis finalement on y retourne » 108

(Une infirmière du service entre pour poser une question à Lydie, coupure de quelques 109

secondes.) 110

Lydie : Donc euh…Donc du coup, j’ai recommencé avec la pause de cathé, donc qui est plus 111

douloureuse. Donc je lui ai expliqué que ça allait faire un petit plus mal, je lui ai repris la main 112

et puis euh…Mais je suis, euh, je suis très tactile dans tout ce que je fais. Je suis tactile. En fait 113

le toucher c’est relationnel pour la patiente, mais c’est aussi relationnel pour moi. Ça me permet 114

d’être plus à l’aise. D’être plus posée. 115

Moi : Pourquoi ? 116

Lydie : Euh…Parce que… Parce que quand vous rentrez et que vous avez un patient qui déjà 117

vous dit « Non je veux pas faire un soin ». Même si vous le touchez et que vous essayez de le 118

…euh… De le calmer, déjà s’il est complètement dans le refus, enfin pour moi c’est qu’il est… 119

Le fait de le toucher, c’est d’avoir sa confiance et d’avoir le fait qu’il accepte le soin. Maintenant 120

s’il veut vraiment pas, j’insiste pas et euh. Par contre y’a des gens qui euh…qui du coup sont 121

très euh…très rétifs et qui veulent absolument pas faire…enfin, ils veulent bien essayer de faire 122

le soin mais du coup ça te met super mal à l’aise. Et donc du coup, toi ça te met la pression, et 123

du coup c’est pas que toi tu le fais moins bien, mais t’es plus mal à l’aise, t’es plus gauche et 124

t’as moins de chance d’avoir une réussite à 100% et que ça aille vite, et que ça aille bien pour 125

le patient. 126

Moi : Parce que du coup vous avez encore plus peur de rater, parce que le patient il était 127

déjà tendu avant et… 128

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Lydie : Voilà. J’ai peur de lui faire mal. J’ai peur d’induire encore plus de douleur pour lui. Et 129

puis, oui quelque part c’est des manches qui sont gagnées, parce qu’après quand vous avez un 130

patient qui refuse tout, enfin le but quand même de notre métier c’est de soigner les gens et puis 131

qu’ils repartent au plus vite chez eux, quoi. Donc quand vous arrivez euh…à faire aucun soin 132

avec un patient, bin ça retarde toutes les échéances quoi. Et je trouve que ça dégrade les relations 133

aussi, de confiance, quand vous rentrez dans la chambre…Enfin nous on est pareils hein, on a 134

aussi nos têtes hein…Il y en a qu’on apprécie plus que d’autres et il y a certaines personnes, 135

quand tu les vois entrer, tu te dis « oh non, pas avec elle, je vais pas travailler avec elle 136

aujourd’hui ». Bah euh c’est pareil. Quand ils voient entrer une infirmière si ça c’est mal passé 137

une fois, deux fois, trois fois, et bin…ils se disent « oh non pas elle »… enfin moi je trouve que 138

le toucher, c’est euh…comme je vous disais c’est établir de la confiance, c’est…pour moi c’est 139

de l’accompagnement quoi. 140

Moi : Et ça facilite la relation. 141

Lydie : Tout à fait. Je pense que pour les personnes dépendantes c’est euh…Je pense que si t’as 142

pas cette approche la de toucher relationnel, enfin de … (silence). Bin ton soin il est pas… ta 143

relation avec la personne elle est complètement différente. Parce que les personnes dépendantes 144

elles sont tellement dépendantes que… Euh…du coup je pense qu’elles attendent beaucoup de 145

nous. De la gentillesse, de la compassion, de la bienveillance. 146

Moi : Oui parce qu’elles dépendent de votre bonne volonté. 147

Lydie : Bah elles dépendent de tout. Elles sont sans défense, et si vous vous arrivez cash, vous 148

lui faites le soin, sans les toucher, sans les prévenir, sans…Enfin c’est pas des objets 149

quoi…Donc on repart sur l’image de soi pour les personnes… Et leur estime aussi. Elles sont 150

quelqu’un, pas des objets. Donc ma posture, bah j’essaye toujours d’être à leur niveau, jamais 151

en hauteur. Donc bah pour les prises de sang, pour les pansements, pour … Et pour les entretiens 152

je leur dit « bah je me pose à côté de vous », donc je prends une chaise. Des fois, bah euh si je 153

…les patients qui craquent…Une fois c’était arrivé, on avait eu un décès deux chambres plus 154

loin dans le service, et du coup il y a une dame, elle a vu donc euh… la personne partir une fois 155

qu’elle était décédée. Et donc elle, deux mois avant elle avait perdu son beau-frère. Et donc du 156

coup bien évidemment ça a renforcé ce qu’elle avait vécu. Donc du coup elle a un petit peu 157

craqué. Donc j’ai pris un quart d’heure. Donc je lui ai dit « je peux m’asseoir à côté de vous ?», 158

je lui ai pris la main et puis du coup j’ai gardé sa main dans la mienne et du coup on s’est mise 159

à papoter…Et puis voilà quoi. Après elle m’a dit pleins plein de choses, j’ai essayé de la 160

rassurer un petit peu. Enfin pas de la rassurer, c’est qu’on a parlé de ce qu’elle avait vécu. 161

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Comment elle l’avait vécu, est ce qu’il y avait des personnes auprès d’elle qui pouvait l’aider, 162

qui pouvaient être des personnes ressources. Et puis après ça allait mieux quoi. 163

Moi : Donc au fait au final, le fait de vous asseoir et de lui donner la main, ça lui a apporté 164

une présence ? 165

Lydie : Oui voilà ça montre que je suis là, que je l’écoute et que je m’intéresse à elle. Que je 166

prends le temps. Et ils vous le disent tous hein « on sait que vous avez pas le temps, mais bon 167

c’est quand même gentil ». Mais c’est pas gentil hein, c’est normal aussi, c’est dans notre 168

fonction… (Silence) 169

Moi : Bien. Est-ce que vous avez quelque chose à rajouter ? 170

Lydie : Ben, après c’est un peu du hors sujet… Il y a le toucher relationnel aussi euh… en fin 171

de vie… le toucher auprès des personnes décédées…enfin j’ai toujours un petit mot…je parle 172

en même temps que je touche quoi…Donc euh…Voilà. (Rires) 173

Moi : Merci beaucoup pour le temps que vous m’avez accordé. Je vous rappelle que cet 174

enregistrement ne sera utilisé que dans le cadre de mon travail et restera anonyme. 175

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Annexe 8 : Grille d’analyse de l’entretien de Lydie

CONCEPT COMPOSANTES INDICATEURS VERBATIM Image de Soi

Image corporelle perturbée

Sentiments négatifs à l’égard des changements corporels réels ou imaginaires

L61-62 « Parce que l’image de soi vis-à-vis, enfin pour les personnes vis-à-vis des personnes âgées c’est super euh…C’est super dur quoi » L71-72 « Parce qu’il y a pleins de personnes qui se trouvent euh…qui se trouvent euh moches, qui se trouvent euh…enlaidies par la vieillesse » L73-74 « Il y a plein de personnes âgées qui éprouvent du dégout vis-à-vis d’elles-mêmes »

Le patient verbalise un regret de son corps idéal

L64-67 « quand euh, quand tu vois que quand on est jeunes on court, qu’on est valides, que… Qu’on est complètement autonomes et que fil du temps on est un petit peu comme la fleur euh…Comme une rose qui euh… Qui se fane doucettement Et qui après se flétrit et qui perd ses pétales. Et bah leurs facultés ben pour moi c’est les pétales. »

Le patient verbalise les douleurs que lui inflige son corps

L84-85 « Parce que quelques fois t’induis de la douleur »

Le patient refuse de s’occuper de son cops ou qu’un soignant ne le fasse

Image corporelle positive

Le patient montre qu’il veut et peut s’occuper de ses soins personnels

La personne ressent une unité corporelle

Le patient prend soins de son apparence : maquillage,

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habillement, coiffure… Le patient verbalise ses modifications corporelles par des propos positifs

L72-73 « enfin ça renforce et ça positive l’image de soi quand même d’avoir quelqu’un qui est avenant, qui vous touche » L79-80 « Du coup ça leur montre que vous osez la toucher, donc elle vous repousse pas, enfin vous révulse pas. »

Estime de soi perturbée

Propos dévalorisants envers soi-même

Verbalisation de sentiments de honte, de culpabilité, d’être incapable de faire face

Incapacité à se fixer des objectifs et à prendre des décisions

L18-19 « elle a des décisions à prendre et donc du coup ça l’angoisse pour tout. »

Estime de soi positive

La personne reconnait ses qualités

L71 « C’est revalorisant »

La personne peut nommer un aspect positif des changements qu’elle a connus

La personne dit qu’elle accepte ses limites

La personne s’affirme dans ses gestes et décisions

Identité et exercice des rôles perturbés

Description de soi erronée

Relations sociales perturbées

L15-16 « C’est une dame qui est euh… Qui est complètement perdue, qui est seule » L17-18 « Donc elle se retrouve seule, dans un service qu’elle ne connait pas, qu’elle ne voit pas, dans lequel elle n’a aucun repère »

La personne ressent un

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sentiment d’inutilité sociale

Identité et exercice des rôles améliorés

La personne trouve un nouveau sens à sa vie

La personne s’intéresse à son entourage et s’engage dans des relations sociales

CONCEPT INDICATEURS VERBATIM Prendre soin, Care, Caring

La personne fait une distinction entre les soins coutumiers et habituels (care) et les soins de réparation (cure)

Le soignant s’adapte aux habitudes de vie, aux coutumes et aux croyances de la personne soignée

Le but du soignant est d’établir une relation de confiance, basée sur des valeurs humaines

L62-64 « Il faut se mettre aussi à leur place et se dire que bah nous aussi quand on sera vieux quelle image on aura de nous » L80-83 « Et puis ça permet d’instaurer un climat de confiance. Si vous instaurez un climat de confiance avec quelqu’un, vous avez tout gagné quoi. Et pour euh… Et pour le soin qui va se dérouler, et pour la personne. Parce que la personne euh…du coup elle va mieux le soin, le soin va bien se passer » L119 « Le fait de le toucher, c’est d’avoir sa confiance et d’avoir le fait qu’il accepte le soin » L18 « C’est établir de la confiance » L145 « de la gentille, de la compassion, de la bienveillance »

Le soignant a pour but de protéger la dignité et l’unicité de la personne soignée

L148 « C’est pas des objets quoi » L150 « Elles sont quelqu’un, pas des objets »

Le soignant et le soigné se rencontrent avec leurs propres expériences, connaissances, et vécus

L153-155 « Une fois c’était arrivé, on avait eu un décès deux chambres plus loin dans le service, et du coup il y a une dame, elle a vu donc euh… la personne partir une fois qu’elle était décédée. Et donc elle, deux mois avant elle avait perdu son beau-frère. Et donc du coup bien

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évidemment ca a renforcé ce qu’elle avait vécu. Donc du coup elle a un petit peu craqué. » L160 « c’est qu’on a parlé de ce qu’elle avait vécu »

Le soignant est dans l’accompagnement du soigné

L32-34 « donc je lui expliqué ce qui allait se …euh comment ça allait se dérouler. Et après si euh…Si elle était d’accord, euh, si elle voulait que je lui dise quand euh, quand euh j’allais piquer quoi. » L76 « c’est surtout un accompagnement » L139 « c’est de l’accompagnement quoi »

L’approche du soignant est centrée sur la personne, ses besoins et ses désirs du moment.

L60-61 « pour leur montrer qu’on a pour eux de l’attention » L119-122 « Maintenant s’il veut vraiment pas, j’insiste pas et euh. Par contre y’a des gens qui euh…qui du coup sont très euh…très rétifs et qui veulent absolument pas faire…enfin, ils veulent bien essayer de faire le soin » L165 « ça montre que je suis là, que je l’écoute et que je m’intéresse à elle »

CONCEPT INDICATEURS VERBATIM Le toucher relationnel comme outils du prendre soin

Le soignant utilise le toucher pour entrer en relation, comme moyen de communication non verbale

L75-76 « enfin moi déjà c’est une forme de communication pour moi le toucher. C’est la première chose, c’est la forme de communication »

Le soignant dispense le toucher dans une intention de bienveillance, d’humanité et de respect de la personne pour ce qu’elle est

L55-59 « je demande toujours l’accord au patient. Ça m’arrive de pas demander et euh… Des fois y’a des patients qui vont avoir un moment de repli, un moment de surprise. Donc généralement euh, je leur propose. Par contre si je leur caresse le visage, je leur dit « Est-ce que je peux vous caresser le visage ? ». »

Le soignant considère la personne dans sa globalité et non comme un corps objet de soins lorsqu’il le touche

L60-61 « Pour leur montrer qu’on a pour eux de l’attention »

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Posture pendant le toucher : présence, empathie, authenticité

Qualité du toucher : doux, ferme et enveloppant

De quelle manière le toucher relationnel est-il utilisé ?

L7 « On en fait tous les jours hein » L27-28 « Je me suis approchée d’elle. Euh…Je lui ai pris la main » L28-29 « Enfin, moi j’approche beaucoup les patients…Fin…Je les touche beaucoup… » L36 « Je lui ai pris la main, je l’ai rassurée » L37-38 « enfin j’exerce beaucoup au niveau…euh…au niveau des mains…donc de leur caresser les mains…euh ça m’arrive de leur caresser aussi euh…le visage » L42 « de poser une main sur leur poitrine » L44 « Moi je pose ma main sur la leur » L60 « On fait une petite bise sur le front » L112 « Je suis très tactile dans tout ce que je fais » L158 « Je lui ai pris sa main, et puis du coup j’ai gardé sa main dans la mienne »

Institut de Formation en Soins Infirmiers du Groupement de Coopération Sanitaire du Pays d’Aix

Année universitaire 2014 – 2015

Promotion 46

Travail écrit de fin d’études

UE 3.4 S6 Initiation à la démarche de recherche UE 4.8 S6 Qualité des soins, évaluation des pratiques UE 5.6 S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles

Le toucher relationnel, ou comment prendre soin de l’image de soi des personnes âgées dépendantes

Présenté par VERSAVEL Charlotte Sous la direction de PERATA Serge

Résumé : Ce travail de fin d’études a pour thème le toucher, geste omniprésent dans les soins infirmiers, qu’ils soient techniques ou relationnels. En effet, il prend toute son importance auprès des personnes âgées dépendantes, car elles sont confrontées à de nombreuses problématiques liées au vieillissement, ainsi qu’à la dépendance. Le rôle propre de l’infirmier est alors constamment sollicité, notamment au travers des soins de nursing qui permettent une prise en charge rapprochée. Cependant, il peut parfois arriver que les personnes refusent ces soins, notamment en raison de douleurs induites. Le toucher, en particulier relationnel, peut alors s’avérer être un outil privilégié dans ces situations difficiles, car il présente des bénéfices pour la personne soignée ainsi que pour la relation de soins. Ce travail s’intéresse ensuite au toucher relationnel comme outil du prendre soin, dans le but d’améliorer l’image de soi des personnes âgées. Les notions d’image corporelle, d’estime de soi mais aussi d’identité et d’exercice des rôles ont été développées, ainsi que les différentes théories concernant le prendre soin, le care ou encore le caring. Ces notions ont été par la suite confrontées à la vision de professionnelles de santé, par le biais d’entretiens. Ces derniers ont permis de confirmer l’impact du toucher relationnel sur l’image de soi des personnes âgées, mais également de faire apparaitre de nouvelles notions encore non explorées.

Mots clés : Personnes âgées, dépendance, soins de nursing, toucher relationnel, image de soi, prendre soin

Abstract: This graduation work topic is the touching, an ubiquitous gesture in nursing care, either technical or relational. Indeed, it takes all its importance with the dependent elderly, because they face many problems related to aging, as well as dependence on others. The proper role of the nurse is therefore constantly sought out, namely through the nursing care that enables a closer relationship to ensure the patients' well-being. However, it can sometimes happen that these persons refuse these cares, particularly because of resulted pains. The touching, in particular the relational one, can then turn out to be a favored tool in these difficult situations, because it generates benefits for the care receiver and for the care relationship. This work is then studying the relational touching as a tool for "taking care", with the aim of improving the elderly self-image. The notions of body image, self-esteem but also of identity and exercise of roles have been developed, as well as the various theories concerning the taking care, the care in itself or the caring process These concepts have been afterwards confronted with the vision of healthcare professionals, by means of interviews. The later allowed us to confirm the impact of the relational touching on the elderly self-image, but also bring up new ideas to be explored

Keywords : Keywords : Elderly, dependence, nursing care, relational touching, self-image, taking care