1. Il est tonnant que dans notre littrature de la pdagogie musicale, dj bien dveloppe, la question de la justesse du chant ne se soit jamais pose. La plupart de nos professeurs de chant et chefs de churs imaginent que le chant est juste lorsqu'il se rfre au piano. Dans notre culture-ou plutt notre manque de culture- de l'harmonie base sur le piano, il est presque tomb dans l'oubli que la justesse du chant collectif se base sur la justesse acoustique des intervalles, et n'a rien voir avec l'accordage tempr. Par consquent, mme le piano le plus soigneusement accord ne peut tre la mesure du chant. Encore moins les pianos dsaccords des salles de classes et des rptitions de churs. Nanmoins, combien de fois dj ai-je pu surprendre de bons chefs de chur qui voulaient corriger l'intonation dfaillante avec le piano. Et encore combien de fois voyons- nous le professeur, noy dans les vagues de l'accompagnement de piano, qui ne remarque mme pas les erreurs de la classe. La plupart du temps, ils baissent, le piano reste... Qu'est-ce donc, alors, qui pourrait aider les premiers pas des dbutants dans l'empire infini des sons ? Je vous le dit, ce n'est pas cet instrument tempr au son discordant, mais bien plutt une autre voix chante. Le chant deux voix est repouss trop tardivement dans nos programmes d'enseignement actuels. Il est cantonn au rle de dcoration plutt qu' celui d'outil de progression. Pourtant il est difficile d'valuer combien sa valeur pdagogique est apprciable dans toutes les directions, pas seulement dans l'coute polyphonique, mais aussi du point de vue de la justesse du chant monodique. Nous pouvons dire : il ne sait pas chanter juste, celui qui n'a jamais chant qu' une voix. Il n'est possible de matriser totalement la justesse du chant monodique qu' travers le chant deux voix. Les deux voix s'ajustent l'une l'autre, s'quilibrent. Seulement celui qui ressent l'interdpendance des sons entre eux lorsqu'ils sonnent ensemble est capable d'en matriser la succession. Seul celui qui a l'oreille la ralit de la quinte d-s sonnant harmoniquement peut correctement intoner l'intervalle mlodique d-s. Si l'on ressent la justesse prcise de la quinte d-s chante deux voix (et on ne peut la ressentir que si le piano tempr se tait), alors l'intervalle monodique d-s sera juste lui aussi (d'abord une partie chante d l'autre s puis l'une chante d-s, l'autre s-d). Chanter parfaitement juste la relation d-r1 ncessite d'tre capable d'imaginer en dessous la voix d'accompagnement d- s et cela n'est possible que si l'imprgnation pralable a t suffisante. Il faut donc trouver moyen de le faire entendre. Ainsi on peut trouver l'assurance d'une intonation sre, bien mieux qu'en suivant la mthode qui consiste se cramponner aux degrs d'une chelle: en cherchant le 5me ou 6me degr, on aura probablement dj oubli le premier, et l'incertitude des secondes intercales aura branl la justesse du rsultat final. La mthode de l'escalier de do majeur est l'ennemi du chant juste. Chaque saut doit tre ancr pour lui mme, dans sa spcificit et selon sa fonction tonale, plutt que calcul par empilement des degrs de l'chelle. Celui qui cherche les grands intervalles par le procd de l'empilement ne les trouve que lentement et de manire imprcise. C'est la 1 Relation mlodique selon le concept de la solmisation, voici l'explication qu'en donne Jacquotte Ribire Raverlat dans son ouvrage l'ducation musicale en Hongrie :Ceux qui ne pratiquent pas cette mthode de solmisation relative pourraient rapidement comprendre le mot relation en lui donnant un synonyme, et dire que en somme, une relation, c'est un intervalle . Mais, en fait, il y a une diffrence importante.Prenons un exemple : l'intervalle plac entre sol et mi est une tierce mineure. A l'intrieur d'une gamme majeure, il y a d'autres tierces mineure, mais il n'y a qu'une seule RELATION sol-mi place et entendue d'une manire unique, l'intrieur de cette tonalit. Et c'est justement cause de ce lien troit entre relation et sens de la tonalit que l'on pourrait dire qu une relation est une fonction mlodique l'intrieur de la tonalit. Toutes les indications dans le texte faisant allusion ce mode de pense sont reportes selon la notation en usage dans la pdagogie Kodaly:d ,r, m, f, s, l, t, dsignent une fonction et une place dans la hirarchie de la tonalit plutt qu'un son unique. ndt

2. raison pour laquelle beaucoup de nos professeurs de musique semblent lire en trbuchant . La gamme ne sera juste que si nous posons au pralable les piliers : d, r, m, s, l. Je ne vois aucun inconvnient ce que nous commencions les premiers exercices de chant deux voix ds la troisime, ou mme la deuxime classe (classe de CE1 ou CE2), avant mme la lecture des partitions, au moyen de la solmisation ou de la phonomimie2 . Par la suite, la lecture chante progresse bien plus vite, tout au moins en ce qui concerne l'intonation. Le rythme en revanche devrait tre exerc bien plus en amont et bien plus en profondeur qu'il ne l'est actuellement, et cependant dj deux voix galement. Comme pour la gymnastique deux personnes : le travail de la musique deux voix nous offre un outil de progression dont il n'est pas possible de rver dans le travail monodique. Et si encore l'cole maternelle prenait part l'ducation rythmique, alors la lecture musicale l'cole lmentaire ne sera plus une illusion. Aujourd'hui, ce n'est mme pas le cas en huitime classe3 , mme si le professeur y connat quelque chose. Le but principal des exercices suivants tant la justesse, ils contournent la difficult rythmique. La justesse des intonations n'est pas une prtention superflue, comme le pensent certains ( c'est tellement mignon lorsque les coliers ou les chorales de village chantent faux ! ), car au del de l'afftage individuel de l'oreille, la sonorit du chur se rpercute sur plnitude et la beaut. La mauvaise intonation cause une sonorit, une rsonance drangeante. Seuls les churs qui chantent juste peuvent rellement produire un son brillant, avec de belles couleurs. Un chur d'enfant bien juste peut mme faire entendre des sons graves qu'il n'est pourtant pas capable de chanter. Chaque fois que j'ai entendu le Gergelyjrs de Borus Endr, la fin est toujours apparu un improbable la grave, plein, et trs beau. Lors d'une rptition d'Adrienne Szojanovits, dans l'accord final du psautier de Genve , un Mib grave s'levait comme sur un rocher. Un jeune compositeur qui tait mes cts l'a entendu, n'en sachant dterminer l'origine, a suppos que quelqu'un tait en train de chanter basse profonde . 4 Je lui faisais remarquer que ce quelqu'un ne pouvait tre que lui, car ma voix n'atteint pas le mib grave, et qu'en dehors de nous, il n'y avait pas d'autre homme dans la salle. L'mergence de rsultantes, une plus grande brillance des harmoniques dans l'aigu, reprsentent la fois une mise l'preuve et le bnfice du chant juste. Il serait bon que nos chefs de chur et nos professeurs de chant se proccupassent un peu d'acoustique, tout du moins autant qu'il en faut pour la comprhension des phnomnes concernant l'exercice de la musique. Dans nos exercices, except les deux derniers, le demi-ton n'est pas trait. C'est servir la justesse que de remettre plus tard l'utilisation du demi-ton, seulement lorsque le ton a t dj suffisamment affermi. Situation idale ! Grce au pentatonisme, nous pouvons devenir d'un seul coup de meilleurs pdagogues et de meilleurs hongrois...5 Finalement, la solmisation relative n'est pas non plus une aide ngligeable. La connexion avec les syllabes rend la reprsentation du son plus distincte et plus prenne que la dnomination par lettres, car la syllabe reprsente en mme temps la fonction tonale, ds lors la sensation de l'intervalle se dveloppe conjointement avec le sentiment 2 Technique qui associe un geste de la main chaque degr de la gamme, permettant la transmission de musique sans criture et sans imitation. ndt 3 L'quivalent de notre 4me au collge. ndt 4 Phnomne connu en acoustique sous l'appellation de son rsultant ou son diffrentiel ndt 5 Allusion la prdominance du pentatonisme dans la musique traditionnelle hongroise. ndt 3. de fonction. C'est une chose habituellement prouve, dans les pays pratiquant la solmisation les coles chantent plus juste. Aprs avoir termin nos exercices, il ne sera plus difficile de chanter juste les demi- tons, car de part et d'autre ils pourront sappuyer sur des colonnes solides. Tout d'abord nous tudierons le fa. Aprs que l'hexacorde d-l ait t suffisamment bien ancre par imprgnation dans les chansons, nous pourrons commencer la fixation au moyen du chant 2 voix, avec des exercices de la sorte : m-f-m d-f-d m-f-m m-r-d s-m-s-f-m d-d-d-r-d s-l -f -m d-l,-l,-d s-l-d' d-f-m l-f-m f-r-d d'-l-d' m-f-m s-r'-s-l-d' s-m s-f-m s-l- s -l- l-d' d-f-m-f- r-d Nous prsentons la note ti au moyen de mlodies apprises l'oreille, formes sur l'hexacorde s,-m, puis galement sur l'hexacorde l-f dans des mlodies mineures. Ensuite nous fixerons et accorderons plus finement au moyen d'exercices de la sorte : 1) d'-t-d' d -s-d d'-t-d' d-s,-d d'-t-d' d -r-d d'-t-d' d -r-m d-r-m d-t,-d m-s-m d-t,-d m-r-d d-t,-d m-r -d d-dt,-d 2) l,-m-f-m l,______ l -s-f-m l,-d-r-m l__-s-f-m l,-t,-d-r-d Seulement aprs que cela ait t acquis nous pourrons tenter les deux sons dlicats en mme temps. Initialement, seulement l'un des deux prsentera des mouvements. m-s-f-m d-t,-t,-d d'-t-t-d' m-s-f-m m-f-f-m d-l,-t,-d s- f- f-m s,-l,-t,-d s-l-t-d s-f-f-m d'-t-l-s d-r-f-m m-f-m d-t,-d d'-t-d' m-f-m Ensuite en s'approchant par saut : s-l- s- t-d' d-f-m-r-d d-f-m-r-d d-l,-s,-t,-d l-f -f- m l,-l,-t,-d l- f- m l,-t,-d m-d'-l-f-m l,- l,-d-r-m m-l-d-f-m l,-d-l,-r-m m-d'-r'-f-m l,-m -f-r -l Ainsi lentement nous parvenons au chant diatonique 2 voix. Si en mme temps nous habituons les enfants une certaine indpendance rythmique, au moyen d'un travail supplmentaire traitant alternativement les deux aspects: l'ge de 9-10 ans, le niveau de difficult des bicinia sera pour eux un jeu d'enfant. De l, il n'y a qu'un pas jusqu' la musique 2 voix et plus des matres anciens, ds lors, le magnifique empire de la musique vocale est rvl des enfants merveills. Les comptences auditives ainsi dveloppes, la musique instrumentale sera alors tout fait comprhensible, mme ceux qui n'ont pas dj appris un instrument. M. Totfalusi Kis Miklos, dans la prface de son livre de psaumes(1686) rclame instamment la connaissance des partitions de manire ce que nous puissions suivre les vraies notes de psaumes . Dans le psaultier, les partitions ne sont pas seulement des dcorations . Que dirait-il ce martyre de notre culture, si il suspectait que trois sicles et demi plus tard, alors que la connaissance des partitions est devenue mondialement partie 4. de la culture gnrale, quelqu'un ose proposer en toute impunit : jetons aux oubliettes ce que nous avons atteint jusqu'ici avec grande difficult, soyons de nouveau analphabtes. Je crosi ils resteront suffisants ceux qui prfrent continuer de travailler en jetant/balanant les mthodes de travail obsoltes ou inadaptes pour que nous puissions dire un jour nous aussi avec la chanson de Jacobus Pour que nous atteignons des rsultats : 1. Prsentons 1 ou 2 exercices chaque cours. A ct des nouveaux, nous rpterons les anciens, ceux-ci bientt fonctionneront mme sans dicter et sans montrer. 2. N'utilisons aucune sorte d'instrument. Les sons de dpart aussi seront donns avec la voix 3. Si initialement il est difficile de raliser les deux voix simultanment, nous pourrons faire chanter la deuxime un demi-temps plus tard, comme c'est crit aux n 82-85, en chantant le cas chant la moiti de la valeur, aprs un silence. La voix qui bouge le moins vient toujours en premier. Que le tempo initial soit lent, en respirant chaque son, plus tard n'acclrons pas trop, de manire ce qu'il soit toujours possible d'couter attentivement et minutieusement les deux notes sonner ensemble. 4. Chaque exercice est rpt immdiatement en changeant les voix. Si la situation des sons le permet, la mme hauteur, si elle ne le permet pas, avec un nouveau son donn, soit plus haut, soit plus bas. 5. En guise de prparation, nous exercerons les accords parfaits (d-m-s et l,-d-m) doucement dans tous les renversements (m-s-d' s,-d-m d-m-l m-l-d'), puis les accords 4 sons, n'oublions pas que les accords 4 sons peuvent tre varis en 24 formes diffrentes. Aprs chaque exercice ascendant, mettons en deux descendant, car celui-ci est plus difficile. Alors que par chez nous, on a plutt l'habitude de faire les exercices asendants. C'est aussi une des raisons de notre manque de matrise de la lecture musicale. Pour finir, exerons nous aussi en canon. le aki nem.. est un signal de cor sur pentacorde on peut le chanter mme en un canon 8 voix en comptant uniquement les entres des voix accentues. Pour commencer, contentons nous de 2.