Trabajo mano a mano

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Friture 6 28 C’est dans un Venezuela conquis par la révolution bolivarienne que s’est faite cette rencontre. Un Venezuela en pleine mutation, où se multiplient les missions sociales (santé, éducation, alimentation…) et où fleurissent les coopératives ouvrières. Un Venezuela où l’on sent que tout est possible, mais où tout peut basculer du jour au lendemain. Trabajo mano a mano À Caracas, le barrio Catia accueille un « noyau de développement endogène » particulièrement important. Dans cet espace de 16 hectares, offert à la communauté par l’entreprise nationalisée pétrolière PDVSA, se développent de façon endogène des activités de fabrication, d’éducation, de santé, d’alimentation, de culture, d’art, de sport… pour les populations les plus pauvres du bidonville. L’objectif est simple : améliorer la qualité de vie de près de 40 000 familles. Et c’est là, au cœur de Catia que travaillent 280 membres de la coopérative textile. Presque exclusivement des femmes. Déjà une révolution. Chacun occupe un poste particulier : machine à coudre, broderie, emballage, stockage, sérigraphie, découpage, encadrement, gestion, secrétariat. Les décisions majeures sont prises collectivement. L’équipe dirigeante est élue pour deux ans. Tout le monde peut se présenter. Parce que le travail se réalise autant avec les mains qu’avec la tête, le choix s’est naturellement porté sur cet étrange montage en cinq planches offertes à la coopérative. Ici, 105 portraits, et les mains associées. Ici, 105 rencontres, chacune unique. Les mains comme le prolongement de la tête. Le portrait de chacun, comme une identité singulière et plurielle, comme un rapport au collectif, comme un échange constant. Des regards tendres, émouvants, intenses, abrasifs même, des regards cachés, discrets, qui refusent de se montrer, et ces mains si agitées, si précises sur l’ouvrage, affairées, parfois distraites, ces mains aux ongles longs et travaillés, dessinés de fleurs, ces mains qui racontent le travail, mais aussi le désir, la passion, ces mains qui cajolent, qui griffent, ces mains qui glissent sur la chevelure et qui d’un balayage subtil redressent les cheveux rebelles, ces mains qui s’échangent et ces regards qui se partagent. Trabajo mano a mano. Christophe Abramovsky

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Portfolio Friture n°6

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Friture 628

C’est dans un Venezuela conquis par la révolution bolivarienne que s’est faite cette rencontre. Un Venezuela en pleine mutation, où se multiplient les missions sociales (santé, éducation, alimentation…) et où fl eurissent les coopératives ouvrières. Un Venezuela où l’on sent que tout est possible, mais où tout peut basculer du jour au lendemain.

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À Caracas, le barrio Catia accueille un « noyau de développement endogène » particulièrement important. Dans cet espace de 16 hectares, off ert à la communauté par l’entreprise nationalisée pétrolière PDVSA, se développent de façon endogène des activités de fabrication, d’éducation, de santé, d’alimentation, de culture, d’art, de sport… pour les populations les plus pauvres du bidonville. L’objectif est simple : améliorer la qualité de vie de près de 40 000 familles.Et c’est là, au cœur de Catia que travaillent 280 membres de la coopérative textile. Presque exclusivement des femmes. Déjà une révolution. Chacun occupe un poste particulier : machine à coudre, broderie, emballage, stockage, sérigraphie, découpage, encadrement, gestion, secrétariat. Les décisions majeures sont prises collectivement. L’équipe dirigeante est élue pour deux ans. Tout le monde peut se présenter.

Parce que le travail se réalise autant avec les mains qu’avec la tête, le choix s’est naturellement porté sur cet étrange montage en cinq planches off ertes à la coopérative. Ici, 105 portraits, et les mains associées. Ici, 105 rencontres, chacune unique. Les mains comme le prolongement de la tête. Le portrait de chacun, comme une identité singulière et plurielle, comme un rapport au collectif, comme un échange constant. Des regards tendres, émouvants, intenses, abrasifs même, des regards cachés, discrets, qui refusent de se montrer, et ces mains si agitées, si précises sur l’ouvrage, aff airées, parfois distraites, ces mains aux ongles longs et travaillés, dessinés de fl eurs, ces mains qui racontent le travail, mais aussi le désir, la passion, ces mains qui cajolent, qui griff ent, ces mains qui glissent sur la chevelure et qui d’un balayage subtil redressent les cheveux rebelles, ces mains qui s’échangent et ces regards qui se partagent. Trabajo mano a mano.

Christophe Abramovsky

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