Toxines bactériennes : facteurs de virulence et outils de biologie ...

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L a meilleure classification des toxines bactériennes repose sur leur mode d’action. Cer- taines toxines agissent à l’exté- rieur de la cellule en se liant à des récepteurs cellulaires ou en réali- sant des pores dans la membrane. D’autres toxines sont capables d’induire la translocation d’un fragment cataly- tique dans le cytoplasme. Dans cette revue, nous avons choisi de présenter un aperçu des connaissances les plus récentes qui ont été acquises sur le mode d’action et les cibles des toxines formant des pores ou possédant une activité intracytoplasmique. 691 Toxines bactériennes : facteurs de virulence et outils de biologie cellulaire De nombreuses bactéries rencontrées en pathologie humaine produisent des toxines protéiques. L’étude du mode d’action de ces molécules possède un double intérêt. Elle s’intègre d’abord à l’étude des interactions entre les bactéries et leur hôte. Par ailleurs, les toxines constituent des exemples spec- taculaires de détournement du fonctionnement des cellules eucaryotes au profit des bactéries. En mettant à jour ces mécanismes, l’étude de ces protéines a permis la découverte de nouvelles activités utilisables dans l’étude des fonctions cellulaires. Ces activités sont particulièrement intéressantes du fait de leur étroite spécificité de cible. Par exemple, les toxines bactériennes ont permis de démontrer l’implication des protéines G de la famille Rho dans l’organisation du cytosquelette d’actine, et d’étudier celle des SNARE dans le contrôle du trafic vésiculaire. L’étude de ces molécules toxiques offre ensuite un modèle d’adressage cellulaire spé- cifique. Les toxines bactériennes constituent donc un champ actif de recherche dont le retentissement s’étend non seule- ment à la microbiologie, mais aussi à la biologie cellulaire. ADRESSES A. Galmiche, P. Boquet : Inserm U. 452, UFR de médecine, avenue de Valombrose, 06107 Nice Cedex 2, France. SYNTHÈSE médecine/sciences 2001 ; 17 : 691-700 m/s n° 6-7, vol. 17, juin-juillet 2001 Antoine Galmiche Patrice Boquet

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La meilleure classification destoxines bactériennes reposesur leur mode d’action. Cer-taines toxines agissent à l’exté-rieur de la cellule en se liant à

des récepteurs cellulaires ou en réali-sant des pores dans la membrane.D’autres toxines sont capables d’induire

la translocation d’un fragment cataly-tique dans le cytoplasme. Dans cetterevue, nous avons choisi de présenterun aperçu des connaissances les plusrécentes qui ont été acquises sur lemode d’action et les cibles des toxinesformant des pores ou possédant uneactivité intracytoplasmique.

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Toxines bactériennes :facteurs de virulenceet outils de biologiecellulaire

De nombreuses bactéries rencontrées en pathologie humaineproduisent des toxines protéiques. L’étude du mode d’actionde ces molécules possède un double intérêt. Elle s’intègred’abord à l’étude des interactions entre les bactéries et leurhôte. Par ailleurs, les toxines constituent des exemples spec-taculaires de détournement du fonctionnement des celluleseucaryotes au profit des bactéries. En mettant à jour cesmécanismes, l’étude de ces protéines a permis la découvertede nouvelles activités utilisables dans l’étude des fonctionscellulaires. Ces activités sont particulièrement intéressantesdu fait de leur étroite spécificité de cible. Par exemple, lestoxines bactériennes ont permis de démontrer l’implicationdes protéines G de la famille Rho dans l’organisation ducytosquelette d’actine, et d’étudier celle des SNARE dans lecontrôle du trafic vésiculaire. L’étude de ces moléculestoxiques offre ensuite un modèle d’adressage cellulaire spé-cifique. Les toxines bactériennes constituent donc un champactif de recherche dont le retentissement s’étend non seule-ment à la microbiologie, mais aussi à la biologie cellulaire.

ADRESSESA. Galmiche, P. Boquet : Inserm U. 452,UFR de médecine, avenue de Valombrose,06107 Nice Cedex 2, France.

SYNTHÈSEmédecine/sciences 2001 ; 17 : 691-700

m/s n° 6-7, vol. 17, juin-juillet 2001

Antoine GalmichePatrice Boquet

Interaction des toxinesavec les membranescellulaires

Les toxines formant des pores :un assemblage de protéinesdans la bicouche lipidique

Les toxines interagissant avec le cho-lestérol (streptolysine O, pneumoly-sine, listériolysine, perfringolysine),et les hémolysines RTX comme l’α-hémolysine d’E. coli, ainsi que l’α-sta-phylolysine et l’aérolysine sont lesprincipales toxines formant des pores(voir revue dans [1]). Le Tableau Irésume les propriétés comparées despores formés par ces toxines (d’après[1]). Les toxines interagissant avec lecholestérol sont des molécules de 50à 60 kDa produites par de nom-breuses bactéries à Gram positif, enparticulier des genres Streptococcus,Bacillus, Listeria [2]. Elles possèdentun motif consensus carboxy-terminalde 11 acides aminés comprenant unecystéine conservée. Elles s’oligoméri-sent dans la membrane en des com-plexes de très haut poids molécu-laire. Les toxines RTX sont enrevanche produites par de nom-breuses bactéries à Gram négatif.Cette famille de toxines possèdepour représentant le mieux connul’α-hémolysine d’E. coli et tire sonnom de la présence d’un motif de9 acides aminés répétés riches en Glyet Asp qui pourraient contribuer àfixer la toxine à la membrane plas-mique. La famille des toxines RTXcomprend deux membres plus dis-tants : l’adénylate cyclase CyA de Bor-detella pertussis et la toxine RtxA deVibrio cholerae. Ces protéines possè-dent des activités indépendantes dela formation de pores, respective-ment une induction de productiond’AMPc dans le cas de CyA [3], et un

pontage covalent des monomèresd’actine dans le cas de RtxA [4]. Initialement, ces toxines ont souventété décrites comme des hémolysinesdu fait de leur action sur la paroi desglobules rouges. Cette activité nejoue vraisemblablement pas de rôleen pathologie. Contrairement à uneopinion largement répandue, cestoxines possèdent des effets large-ment indépendants de la lyse cellu-laire. Ces effets sont fonction de lataille des pores et de leur perméabi-lité sélective pour les ions ou les fac-teurs cytosoliques. Une activitéimportante de ces toxines pourraitêtre le déclenchement d’une réponseinflammatoire. L’α -staphylolysineinduit la formation de pores de trèsfaible diamètre. Dans les monocytes,cette perméabilisation de la mem-brane active la caspase 1, ou ICE pro-téase, une protéine qui joue un rôledans la maturation de l’interleukine-1β et les phénomènes inflammatoires[5]. Les effets des toxines qui inter-agissent avec le cholestérol, comme lastreptolysine O, ont été moins étu-diés. Lorsqu’elle est produite par labactérie invasive Listeria monocytogenes,la listériolysine permettrait à la bacté-rie de s’échapper de sa vacuoled’internalisation pour permettre saréplication dans le cytoplasme [6].Outre son activité pour l’invasionbactérienne, la listériolysine s’estrécemment révélée capable d’activerle facteur NFκB et l’expression desmolécules d’adhérence en surface decellules endothéliales [7]. De même,les toxines RTX possèdent de mul-tiples effets sur les cellules. Il a étémontré récemment que l’α-hémoly-sine produite par les souches d’E. coliuropathogènes provoque des oscilla-tions de la concentration cytosoliqueen Ca2+, ces oscillations étant peut-être impliquées dans l’induction de

la production de cytokines pro-inflammatoires [8]. L’étude de l’insertion et de l’assem-blage des toxines formant des poresdans les membranes pose le pro-blème de l’interaction de ces molé-cules, initialement produites sousforme de monomères hydrophiles,avec la bicouche lipidique. L’étudedu mode d’action de l’aérolysine,produite par la bactérie Aeromonashydrophila, a permis de mieux com-prendre comment un pore pouvaits’assembler et s’insérer dans la mem-brane cellulaire (voir revue dans [9]).Plusieurs étapes rendent compte dela formation du pore de l’aérolysine(figure 1). (1) L’aérolysine est initiale-ment produite sous forme d’un pré-curseur hydrosoluble formant desdimères, la proaérolysine. Cetteproaérolysine reconnaît avec uneforte affinité le motif glycosylphos-phatidylinositol (GPI) [10]. Cettemodification post-traductionnelle,ajoutée à l’extrémité carboxy-termi-nale de certaines protéines au niveaudu réticulum endoplasmique, permetleur arrimage au feuillet externe dela membrane plasmique. (2) Uneactivation protéolytique de la proaé-rolysine en aérolysine est réalisée parune protéase cellulaire, la furine.(3) L’aérolysine activée devient alorssusceptible de s’oligomériser.(4) L’insertion du pore dans la mem-brane fait suite à l’oligomérisation(une heptamérisation dans le cas del’aérolysine), du fait du démasquagede régions hydrophobes de la pro-téine normalement enfouies dans laprotéine monomérique. Une caracté-ristique particulièrement importantedes toxines formant des pores, et quia été mise en évidence par l’étude del’aérolysine, est l’utilisation par cesmolécules des microdomaines de lamembrane plasmique, mieux connus

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α-hémolysine, S. aureus Streptolysine O Hémolysines RTX, E. coli

Poids moléculaire 34 kDa 62 kDa 110 kDa

Nombre de résidus 297 538 1 024pas de Cys une Cys pas de Cys

Degré d’oligomérisation 7 variable ?de 25 à 80

Diamètre du pore 0,6 à 1 mm plus de 30 nm 1 à 1,5 nm

Tableau I. Propriétés comparées des principales toxines formant des pores (d’après [1]).

sous l’appellation de rafts [11]. Cesmicrodomaines membranaires sontdes régions possèdant une composi-tion en lipides distincte du reste de lamembrane, enrichies en cholestérolet en sphingolipides. Les toxines for-mant des pores semblent utiliser lescomposants de ces rafts commerécepteurs cellulaires, qu’il s’agissedu cholestérol dans le cas des homo-logues de la streptolysine ou del’ancrage GPI dans le cas de l’aéroly-sine. Ces protéines pourraient utili-ser les rafts de la membrane commeplates-formes de concentration pourfavoriser l’oligomérisation des mono-mères et l’assemblage du pore [10].Les toxines qui forment des poressont d’un usage courant en biologiecellulaire car elles permettent de per-méabiliser de façon controlée lamembrane cellulaire pour y intro-duire divers réactifs : l’utilisation del’α-staphylolysine induit la formationde pores permettant un flux sélectifd’ions monovalents K+, alors que lestoxines interagissant avec le cholesté-rol permettent d’introduire desmolécules de grande taille.

Les toxines AB :des systèmes d’injectionde molécules dans le cytoplasme

Pour introduire leur activité toxiquedans le cytoplasme, les toxines àmode d’action intracellulaire, ou

toxines AB, doivent d’abord interagiravec la membrane. Les toxines ABsont généralement organisées endeux domaines : un domaine cataly-tique A porte l’activité toxique, et undomaine B permet l’attachement à lacellule cible [12]. Deux stratégiessemblent avoir été exploitées par cestoxines pour permettre l’introduc-tion de leurs activités toxiques dansles cellules (figure 2). La première est illustrée par l’actionde la toxine diphtérique (TD). Dansce mécanisme, la toxine inclut danssa structure un domaine polypepti-dique qui lui permet de subir unetranslocation à travers la membrane.Du fait que ces protéines injectentleur sous-unité A dans un comparti-ment endosomique, donc juste aprèsleur entrée dans la cellule, on peutles qualifier de toxines à chemine-ment court. Ces toxines regroupent,outre la toxine diphtérique, les neu-rotoxines clostridiales (toxines téta-nique et botuliniques, toxines deBacillus anthracis, facteur cytotoxiquenécrosant d’E. coli). La toxine diphté-rique est produite par Corynebacteriumdiphteriae sous forme d’un polypep-tide précurseur. La toxine diphté-rique reconnaît, grâce à son extré-mité carboxy-terminale un récepteurcellulaire, qui est le précurseur del’HB-EGF (heparin-binding epidermalgrowth factor). La fixation sur le récep-teur cellulaire permet à la furine de

cliver la toxine en ses deux sous-uni-tés A et B qui restent associées grâceà un pont disulfure. La sous-unité Apossède l’activité de la toxine diph-térique, une activité enzymatiqueADP-ribosyl transférase active surEF2, un des facteurs d’élongation dela synthèse protéique dans les cel-lules eucaryotes. Après interactionavec son récepteur cellulaire, latoxine diphtérique associée à celui-ciest internalisée au sein de vésiculesrecouvertes de clathrine et elle

rejoint l’endosome de tri. L’insertionmembranaire et la translocation dudomaine catalytique de la toxinediphtérique ont lieu dans cet endo-some [13] : la toxine diphtérique,exposée aux faibles valeurs de pH dece compartiment, subit une dénatu-ration partielle qui permet son inter-action avec les membranes. Ledomaine A est capable d’adopter uneconformation dite en molten globule,une structure protéique compacte,mais dépourvue de structure tertiairerigide, dont les propriétés de défor-mabilité pourraient être mises à pro-fit pour permettre sa translocation àtravers la bicouche lipidique [14].Concomitamment, le pH acide induitla protonation de deux résidus acidesde la sous-unité B, Glu349 et Asp352,présents au sommet d’une épingle àcheveux constituée de deux hélicesα, les hélices TH8 et TH9. La proto-nation de ces résidus permet de neu-traliser leur charge et elle autorise latranslocation des hélices à travers lamembrane cellulaire [15]. Celle-cis’accompagne de l’apparition d’unpore dont le rôle est relativementmal connu. Alors qu’il avait été initia-lement suggéré qu’il pouvait servirau passage de la chaîne peptidiquepartiellement dénaturée, des travauxrécents suggèrent que ce poreaccompagne la translocation plutôtqu’il n’y participe [16]. Même si cedernier point mérite d’être mieuxdocumenté, la toxine diphtériquepourrait traverser la membrane cellu-laire sans la participation de pro-téines cellulaires : le phénomène detranslocation déclenchée par lesfaibles valeurs de pH de la toxinediphtérique a été ainsi reconstituédans un modèle de membrane lipi-dique artificielle [17].La seconde stratégie utilisée par lestoxines AB pour injecter leur activitécatalytique dans le cytoplasme fait

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Figure 1. Assemblage du pore de l’aérolysine. Plusieurs étapes rendentcompte de la formation du pore de l’aérolysine. (1) L’aérolysine est initiale-ment produite sous forme d’un précurseur hydrosoluble formant desdimères, la proaérolysine. (2) La proaérolysine reconnaît avec une forte affi-nité le motif glycosylphosphatidylinositol (gpi) sur le versant externe de lamembrane plasmique. A ce niveau, une activation protéolytique de la proaé-rolysine en aérolysine est réalisée par une protéase cellulaire, la furine.(3) Les GPI possèdent des propriétés de diffusibilité latérale et de confine-ment transitoire dans des microdomaines de la membrane plasmique quifavorisent la formation d’heptamères. (4) L’insertion du pore dans la mem-brane fait suite au démasquage de régions hydrophobes de la protéine nor-malement enfouies dans la protéine monomérique.

appel à un appareil de translocationdes protéines inhérent à la cellule.Ces toxines ne contiennent pas leurpropre système de translocationmembranaire. Ce mécanisme a étédécrit dans le cas des toxines de Shi-gella dysenteriae (toxine de shiga outoxines apparentées), de la toxinecholérique (TC), de la toxine duricin et de l’exotoxine A de Pseudomo-nas aeruginosa. Une caractéristiqueimportante des toxines qui utilisentce mode de translocation de leur acti-vité catalytique est constituée par leurtrafic intracellulaire (revue dans[18]) : après leur endocytose, cestoxines sont en effet transportéesjusqu’au réticulum endoplasmiquepar une étape de transport rétro-grade. On peut donc qualifier cesmolécules de toxines à cheminementlong. A la différence de la toxinediphtérique, les sous-unités A et B dela toxine cholérique sont codées pardeux gènes distincts (ctxA et ctxB),qui sont cependant regroupés dans lemême opéron. La toxine cholériqueest composée d’une sous-unité A de27 kDa qui s’associe à un pentamèrede sous-unités B de 11,7 kDa (for-

mant la structure AB5 commune à latoxine cholérique, à la toxine pertus-sique et aux entérotoxines thermola-biles d’E. coli). Les sous-unités B de latoxine cholérique reconnaissent leganglioside GM1, un glycolipide ubi-quitaire de la surface des celluleseucaryotes. Comme dans le cas de latoxine diphtérique, le fragment A dela toxine cholérique est clivé en deuxfragments A1 et A2 qui restent reliéspar un pont disulfure. La sous-unitéA1 contient l’activité catalytique, per-mettant l’ADP-ribosylation de la sous-unité α de la protéine Gs sur sonrésidu Arg201. Cette modificationpost-traductionnelle réduit l’activitéGTPasique intrinsèque de Gαs, larend constitutivement active et pro-voque l’activation de l’adénylatecyclase dans l’entérocyte. Liée au gan-glioside GM1, la toxine cholérique estinternalisée par des vésicules d’endo-cytose non recouvertes de clathrine[19, 20]. Le ganglioside GM1 étant uncomposant des microdomaines demembrane insolubles aux détergents,l’endocytose de la toxine cholériqueest probablement dépendante de cesstructures. Après son transfert dans

les endosomes de tri, la toxine cholé-rique est transportée vers le réseautrans-golgien, puis vers l’appareil deGolgi, pour aboutir dans le réticulumendoplasmique [18]. Pour induireson transport rétrograde, la toxinecholérique détourne à son profitl’appareil de rétention des protéinesrésidentes du réticulum endoplas-mique. L’extrémité carboxy-terminalede la sous-unité A2 possède un motifpeptidique KDEL qui est reconnu parun récepteur spécifique, la protéineErd2p [21]. Dans le Golgi, la recon-naissance du motif KDEL provoquel’assemblage de vésicules contenant latoxine cholérique recouvertes par lecoatomère [22], un manteau impli-qué dans la formation des vésiculesadressées au réticulum. Dans ce com-partiment, le franchissement mem-branaire du domaine catalytique faitintervenir une structure protéiquepermettant normalement le passagedes protéines sécrétées en cours desynthèse du cytosol vers la lumière duréticulum endoplasmique (RE) : letranslocon. Ce dispositif est principa-lement constitué par le complexeprotéique Sec61. Le translocon estutilisé par les sous-unités A1-A2 de TCpour leur injection dans le cyto-plasme [23]. A la différence des pro-téines du réticulum endoplasmiquedestinées à être dégradées et emprun-tant le translocon de façon rétro-grade, le transport de la toxine cholé-rique vers le cytoplasme n’impliquepas la présence du protéasome, maisserait dépendant de la présence deprotéines du réticulum endoplas-mique [23]. De façon intéressante,une stratégie différente semble avoirété choisie par la toxine de Shigapour accéder au réticulum endoplas-mique [24]. Le transfert rétrogradede la shigatoxine n’est en effet pasdépendant du récepteur du KDEL oudu coatomère, alors que la petite pro-téine G Rab6 semble requise [24].Rab6 pourrait coordonner la forma-tion et l’adressage d’intermédiairesmembranaires tubulaires émis par leréseau trans-golgien contenant latoxine qui rejoindraient le réticulumendoplasmique [25] (figure 2). Lesmécanismes qui permettent l’adres-sage spécifique des protéines à che-minement long de l’endosome de trivers le réseau trans-golgien puis leréticulum endoplasmique constituentun sujet d’étude important.

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Figure 2. Toxines à trafic court et à trafic long. Deux stratégies sont utiliséespar les toxines à mode d’action intracellulaire pour permettre l’introductionde leurs activités toxiques dans les cellules. (1) La toxine diphtérique (TD)injecte sa sous-unité A à partir d’un compartiment endosomal, donc justeaprès son entrée dans la cellule. On peut la qualifier de toxine à chemine-ment court. (2) La toxine cholérique (TC) et les toxines de Shigella dysente-riae (toxines de shiga ou apparentées) utilisent le translocon, un appareil detranslocation des protéines qui réside dans le réticulum endoplasmique.Après leur endocytose, ces toxines sont transportées jusqu’au réticulumendoplasmique par une étape de transport rétrograde. On peut donc les qua-lifier de toxines à cheminement long. Le transport rétrograde de l’appareil deGolgi au réticulum endoplasmique peut être effectué par des intermédiairesvésiculaires Erd2p+ ou tubulaires Rab6+ dans les cas respectifs de la TC etdes toxines de shiga.

Toxines bactérienneset GTPasesde la famille Rho

Plusieurs toxines bactériennes modi-fient les petites GTPases de la superfa-mille Ras, particulièrement celles dela branche Rho. Ces toxines peuventexercer une activité inhibante(l’exoenzyme C3 de Clostridium botuli-num, les toxines A et B de Clostridiumdifficile) ou stimulante (les facteursCNF1 d’E. coli et DNT de Bordetella)sur ces GTPases (voir revue dans[26]). L’utilisation de ces toxines apermis de faire avancer la compré-hension de l’activation des petites pro-téines de la famille Rho, de leursmodalités d’interaction avec leurs dif-férents effecteurs, et de mettre en évi-dence leur rôle de coordinateurs descomportements cellulaires. Les petitesprotéines G possèdent un fonctionne-ment qui les assimilent à des interrup-teurs moléculaires, du fait de leuroscillation entre les formes liées auxGDP et au GTP (voir revue dans[27]). A l’état basal, la protéine RhoAsous forme GDP est pratiquementtotalement associée au facteur cytoso-lique Rho-GDI. L’activation de RhoA,c’est-à-dire son passage sous formeGTP, est réalisée par des facteursd’échange GEF (GTPase exchange fac-tors), et elle est contemporaine de latranslocation de RhoA à la membranecellulaire. Les petites protéines Greviennent à leur état de base parhydrolyse du GTP en GDP, du fait deleur activité GTPasique, à la foisintrinsèque et stimulée par des pro-téines GAP (GTPase-activating protein).Sous sa forme GTP, la protéine estcapable d’interagir avec différentesprotéines effectrices, dont les mieuxétudiées sont notamment des kinasessur résidus Ser/Thr (Rho kinase etprotéine kinase N), des enzymesimpliquées dans le métabolisme deslipides (phospho-inositides kinases,phospholipase D) ou des protéinesadaptatrices impliquées dans la trans-duction de différents signaux (Rhote-kine, Rhophiline, p140Dia) [27]. Les effets sur le cytosqueletted’actine constituent la conséquencela plus spectaculaire de l’intoxicationpar l’exoenzyme C3 de C. botulinumet les toxines A et B de C. difficile(figure 3). La C3 et les toxines A et Binduisent la disparition des fibres detension (stress fibers) constituées

d’actine avec des stratégies assez dif-férentes. La C3 est capable d’ADP-ribosyler la protéine Rho sur sonrésidu Asn41 [28], alors que lestoxines A et B de C. difficile possèdentune activité glucosyl-transférase diri-gée sur les résidus Thr37 de Rho etThr35 de Cdc42 et Rac [29, 30]. Lesmodifications de Rho par la C3 ou latoxine B induisent d’abord des effetssur l’alternance GDP/GTP (change-ments de sensibilité vis-à-vis des GEFet des GAP), et sur l’interaction avecleurs effecteurs [31] (figure 4). Dansle cas de la C3, le blocage de l’activa-tion de Rho par ses GEF a été rap-porté en même temps que les pertur-bations du couplage de Rho avec soneffecteur [31]. La part respective deces deux mécanismes d’inhibitiondans les effets de C3 reste à détermi-ner [32], ainsi que les effets del’ADP-ribosylation sur la structure deRho. L’analyse structurale a étérécemment appliquée à l’étude desconséquences de la glucosylation de

la protéine Ras par une toxine clos-tridiale voisine des toxines A et B deC. difficile, la toxine létale de C. sordel-lii [33, 34] : la glucosylation de Rassur le résidu Thr35 empêche la modi-fication de conformation de laboucle effectrice accompagnantl’échange du GDP en GTP, bloquantl’interaction de la petite protéine Gactivée avec ses effecteurs [35]. Unautre mécanisme qui pourrait contri-buer au blocage de la transductionen aval de Rho a été récemmentdécrit : l’accumulation de Rho gluco-sylée à la membrane de la cellule[36]. Ce blocage de l’alternance cyto-sol-membrane résulte du fait queRho glucosylée n’est plus extraite parle facteur RhoGDI, et il est peut-êtreà l’origine d’un effet dominant néga-tif du Rho glucosylé [36]. Aucontraire, la protéine Rho ADP-ribo-sylée par C3 reste associée de façontrès stable au facteur Rho-GDI ets’accumule sous forme GDP dans lecytoplasme (figure 4).

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Figure 3. Effet des toxines actives sur les petites protéines G sur le cytos-quelette d’actine. Le marquage par la phalloidine fluorescente permetd’observer de façon particulièrement nette les remaniements du cytosque-lette d’actine induits par les toxines bactériennes actives sur les petites pro-téines G de la famille de Rho (barre : 10 µm).

Le facteur cytotoxique nécrosant(cytotoxic necrotizing factor, CNF) estune toxine produite par certainessouches d’E. coli uropathogènes etentéropathogènes. Il provoque surles cellules qui y sont sensibles l’appa-rition de voiles ondulants sous-tenduspar des remaniements de l’actinecorticale et une augmentation dunombre des fibres de tension. En fait,la toxine réalise une activation despetites protéines G Rho, Rac etCdc42 par déamination du résiduGln63 / 61. La petite protéine G Rhoperd son activité GTPasique aussibien basale que stimulée par la GAP[37, 38]. Une autre toxine bacté-rienne semble présenter la mêmeactivité dirigée sur le résidu Gln63 deRho : il s’agit de la toxine dermoné-crotique (DNT) de Bordetella pertussis[38]. Dans le cas de la toxine dermo-nécrotique, des résultats récents sug-gèrent que l’activation de Rhorésulte plutôt d’une réaction de poly-amination utilisant les polyaminescellulaires comme la putrescine, la

spermidine ou la spermine [40, 41].La polyamination permettrait l’inter-action de Rho avec son principaleffecteur, la Rho kinase, indépen-damment de son statut GDP/GTP[41].Pour détourner les voies de transduc-tion cellulaire, l’évolution bacté-rienne a apparemment favorisél’apparition de nombreuses toxines,aussi bien inhibitrices qu’activatrices,des petites protéines G de la famillede Rho. Cet état de fait reflète proba-blement à la fois l’importance desGTPases de la famille de Rho dansl’organisation du cytosqueletted’actine, et celle du détournementdu cytosquelette d’actine pour lavirulence bactérienne. D’autrestoxines sont d’ailleurs directementactives sur l’actine, comme la toxineC2 produite par Clostridiumbotulinum, qui est capable d’ADPribosyler les isoformes non muscu-laires d’actine [42]. Les toxinesactives sur les petites GTPases consti-tuent de remarquables outils de bio-

logie cellulaire. Elles permettent decontrôler de façon très efficace etsélective l’état d’activation de cespetites protéines G. Des études desti-nées à comprendre comment cestoxines reconnaissent et modifientles petites protéines G de la famillede Rho ont été entreprises dansl’espoir de contrôler leur spécificitéet d’étendre leur utilisation àd’autres cibles, comme par exempleles Rab [43-45].

Toxines activessur le trafic vésiculaire

Le tétanos et le botulisme sont desmaladies paralysantes causées par destoxines produites par les bactériesClostridium tetanii et botulinum (voirrevue dans [46]). Dans les celluleseucaryotes, ces toxines possèdent unmême mode d’action. Elles prévien-nent la transmission synaptique enbloquant la fusion des membranesdes vésicules contenant le neuromé-diateur avec la membrane plasmique.Une différence notable existe toute-fois entre tétanos et botulisme. Lesdifférents sérotypes de toxine botuli-nique agissent sur les fibres nerveusespériphériques cholinergiques, et ilsréalisent une « dénervation chi-mique » du muscle qui provoque uneparalysie flasque. La toxine tétaniqueeffectue en revanche un long trajetqui l’amène dans le système nerveuxcentral. Ce trajet est effectué, aprèsreconnaissance des terminaisons ner-veuses périphériques, grâce à unesérie d’étapes de transcytose, c’est-à-dire de transport axonal rétrograde[46]. La toxine tétanique bloquefinalement la libération des neuro-transmetteurs inhibiteurs GABA etglycine par les interneurones médul-laires. A l’opposé du tableau cliniqueréalisé par le botulisme, le tétanos estprovoqué par l’activation simultanéedes groupes musculaires possédantdes effets antagonistes, et il enrésulte une paralysie spastique. Les différents sérotypes de toxinesbotuliques et la toxine tétanique pos-sèdent une organisation générale endeux chaînes reliées par un pontdisulfure : une chaîne lourde d’envi-ron 800 acides aminés est impliquéedans la reconnaissance du récepteurà la surface des neurones et la trans-location de la toxine. Une chaînelégère porte l’activité toxique, longue

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Figure 4. Cycle de la petite protéine G RhoA et effet des toxines C3 et B. Àl’état basal, la protéine RhoA sous forme GDP est associée au facteur cyto-solique Rho-GDI. Le passage de RhoA sous forme GTP, est réalisée par desfacteurs d’échange GEF (GTPase exchange factors), et elle est contempo-raine de la translocation de RhoA à la membrane cellulaire. Les petites pro-téines G reviennent à leur état de base par hydrolyse du GTP en GDP, du faitde leur activité GTPasique intrinsèque et stimulée par des protéines GAP(GTPase-activating protein). Sous sa forme GTP, la protéine est capabled’interagir avec ses effecteurs. Les modifications post-traductionnelles deRho catalysées par les toxines (ADP-ribosylation et glucosylation principale-ment) perturbent ce cycle de façons différentes [31, 36].

d’environ 400 acides aminés etcontient un motif HEXXH qui luipermet de lier un atome de zinc[46]. La toxine tétanique est unemétalloprotéase dont le fonctionne-ment dépend du Zn2+, et qui estcapable de cliver la synaptobrévine.Des travaux complémentaires ontmontré que les différents sérotypesde toxines botuliques possèdent unmode d’action voisin de celui de latoxine tétanique. Trois protéines quiparticipent à l’exocytose ont été iden-tifiées comme des substrats destoxines botuliques : la synaptobrévineest présente sur la membrane desvésicules de neurotransmetteur et elleest la cible des sérotypes B, D, F et G.Les sérotypes A et E clivent SNAP25(soluble NSF [N-ethylmaleimide-sensitivefusion protein] adaptor proteins), tandisque le sérotype C clive à la foisSNAP25 et syntaxine (figure 5).SNAP25 et syntaxine sont des pro-téines qui sont présentes sur la mem-brane plasmique présynaptique.L’étude des neurotoxines clostridialesa donc permis de montrer l’impor-tance de la synaptobrévine, de la syn-taxine, et de SNAP25 dans la neuro-sécrétion, et plus généralement, dansle trafic des vésicules dans les cellules.Ces molécules, connues sous l’appel-lation de SNARE (SNAP receptors) (m/s2001, n° 5, p. 669), forment ensembleun complexe dont la structure a étérécemment déterminée (voir revuedans [47]), qui pourrait constituer lacomposante essentielle de l’appareil

de fusion des membranes cellulaires,suivant des modalités qui restentcependant à déterminer. La toxine vacuolisante VacA est pro-duite dans l’estomac humain parenviron la moitié des souches d’Heli-cobacter pylori. Cette bactérie patho-gène est à l’origine de la maladieulcéreuse et des cancers de l’esto-mac. La toxine VacA pourrait contri-buer à l’apparition des maladies asso-ciées à l’infection par Helicobacterpylori [48]. Elle tire son nom de safaculté de provoquer l’apparition delarges vacuoles aux dépens des com-partiments endosomiques tardifs(voir revue dans [49]). Lorsqu’elleest appliquée sur les cellules euca-ryotes en cultures, la cytotoxine est àl’origine de l’apparition d’une per-méabilité membranaire pour lesanions et spécialement l’ion chlorure[50]. Nous avons récemment montréque le domaine amino-terminal de34 kDa de VacA, introduit dans lecytoplasme de cellules eucaryotes partransfection, possédait des propriétésd’adressage spécifique vers la mito-chondrie et induisait dans ces cel-lules un phénomène d’apoptose [51](figure 6). Nos données suggèrent quela toxine vacuolisante A pourrait pos-séder un fonctionnement l’apparen-tant à la famille des toxines AB etque la mitochondrie pourrait enconstituer la cible. Des travaux àvenir devront déterminer dans quellemesure cette propriété pourraitrendre compte des effets de VacA.

Autres activités toxiques

L’anthrax est une affection produitepar un germe à Gram positif : Bacillusanthracis. La bactérie colonise lesplaies bénignes et produit destoxines qui sont à l’origine de lésionspustuleuses. Du fait de l’absenced’espace périplasmique, la bactérieproduit séparément les polypeptidesqui portent l’activité catalytique etceux qui reconnaissent le récepteuren surface de la cellule eucaryote.L’antigène protecteur (ainsi appelédu fait de son utilisation vaccinale)forme un heptamère qui interagitavec la membrane d’une façon simi-laire à la toxine α de staphylocoqueet qui est capable de transloquerdeux activités enzymatiques toxiques :le facteur œdémateux (œdema factor),une adénylate cyclase, et le facteurlétal (lethal factor, LF), une métallo-protéase à Zn2+. Il a été montré quele facteur létal est capable de cliverl’extrémité amino-terminale des pro-téines MEK 1 et 2 (mitogen extracellularsignal kinase), ces enzymes étant lesMAPK-kinases (mitogen activated pro-tein kinase kinase) (MAPKK) respon-sables de l’activation par phosphory-lation des ERK (extracellular regulatedkinase) [52], de même que d’autresmembres de la famille des MAPKK[53] (m/s 1999, n° 10, p. 1155). Defaçon notable, il a récemment étéobservé que l’extrémité amino-termi-nale qui était clivée par le facteurlétal était impliquée dans la recon-

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Figure 5. Mode d’action des neurotoxines clostridiales. La toxine tétanique et les différents sérotypes de toxine botu-lique possèdent une activité protéase dirigée contre les SNARE. De ce fait, elles empêchent la membrane des vési-cules synaptiques de fusionner avec la membrane présynaptique et bloquent l’exocytose des neuromédiateurs. Lasynaptobrévine, ou VAMP, est présente sur la membrane des vésicules de neurotransmetteur et elle est la cible dela toxine tétanique et des sérotypes B, D, F et G de toxine botulique. Les sérotypes A et E clivent SNAP25, tandis quele sérotype C clive à la fois SNAP25 et syntaxine, sur la membrane cible.

naissance spécifique des substratsMAPK [54], suggérant que le clivagepar le facteur létal était responsabled’une modification de cette spécifi-cité.L’activité d’une autre famille detoxines bactériennes, les cytolethal dis-tending toxins (CDT), a également étédécrite. Les CDT sont des toxinesproduites par plusieurs bactériespathogènes de l’épithélium intesti-nal, par exemple Campylobacter jejuni.Les CDT provoquent un arrêt ducycle cellulaire en phase G2 et uneaugmentation du volume cytoplas-mique, à l’origine de l’aspect dis-tendu des cellules intoxiquées. Ellessont constituées de 3 sous-unités A, Bet C. Deux études récentes ont mon-tré que la sous-unité B des CDTcontient l’activité intracellulaire deces toxines, et que ce polypeptideagit comme une DNAse de type Icapable de couper l’ADN génomiquedes cellules eucaryotes durant laphase S du cycle cellulaire [55, 56].La protéine Cdc2 est ainsi maintenuesous forme phosphorylée et il enrésulte un blocage du cycle cellulaire[57].

La toxine de Shiga et les toxinesapparentées (anciennement dénom-mées vérotoxines) sont des facteursde virulence respectifs des shigelleset des E. coli entérohémorragiques(les EHEC). Des études cliniques ontsuggéré que les patients qui étaientporteurs de ces EHEC (spécialementle sérotype O157 :H7) présentaientun risque accru de colite hémorra-gique et de syndrome hémolytique eturémique. La toxine de Shiga et lestoxines apparentées sont des ARN-glycosidases capables de cliver la liai-son N-glycosidique de l’adénosine enposition 4 324 de l’ARN ribosomique28S. Il en résulte une inactivation duribosome et un arrêt de la synthèseprotéique [58]. Récemment, il a étéobservé que la vérotoxine produitepar les E. coli O157 :H7 était capabled’atteindre la mitochondrie et d’ycomplexer la protéine Bcl-2 [59],provoquant peut-être par ce méca-nisme l’apoptose des cellules en cul-ture.

Conclusionset perspectives

Bien souvent, la production d’unetoxine participe à une étape de la viede la bactérie chez son hôte. Denombreuses toxines détournent lecytosquelette et les systèmes d’adres-sage des vésicules, par exemple à desfins de colonisation ou d’invasion desépithéliums [60]. L’étude du moded’action des toxines bactériennespermet donc de décrire les étapes dela virulence bactérienne. En mêmetemps, elle permet la mise au pointde réactifs de choix pour les étudesde biologie cellulaire ■

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Figure 6. Adressage mitochondrialde la toxine VacA. Les propriétésd’adressage mitochondrial de l’extré-mité amino-terminale de la toxineVacA ont été mises en évidence entransfectant dans des cellules HeLaune construction chimérique avec laprotéine GFP, possédant des proprié-tés de fluorescence intrinsèqueverte. Dans les cellules transfectées,une co-localisation pratiquementtotale a été observée avec le mar-quage mitochondrial, réalisé aumoyen d’un anticorps reconnaissantspécifiquement cet organelle (fluo-rescence rouge) (barre : 10 µm).

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SummaryBacterial toxins : virulence factorsand cell biology tools

Many pathogenic bacteria produceprotein toxins. Studying theirmode of action presents a doubleinterest. On one hand, toxins playa role in the host-bacteria interac-tion, and they can influence theclinical course of bacterial infec-tions. On the other hand, toxinsare also spectacular examples ofcellular functions diversion. Newbacterial toxin activities have beendescribed over the last decade, andthey have become widely used ascell biology tools, since they targetimportant regulators of cell func-tions with very tight specificity.Bacterial toxins have been for ins-tance instrumental in the discoveryof the role played by smallGTPases of the Rho family in thecontrol of the actin cytoskeletonorganization, and in the study ofSNAREs molecules in vesiculartraffic. Bacterial toxins are oftenorganized in different domainsthat fulfill the following functions :(1) a toxic domain, very often anenzyme ; (2) a domain that inter-acts with a cell surface receptor ;(3) a domain that allows activedomain delivery of the catalyticsubunit in the cytoplasm andwhich acts as a « molecularsyringe » across the cell membrane.The study of the mode of action ofbacterial toxins is therefore anactive field of research in bothmicrobiology and cellular biology.

TIRÉS À PARTP. Boquet.