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© Editions du Terrai ISBN en cours

BELGHANEM

Editions du Terrai 26, rue Chanoinesse - 75004 Paris

0 fleuve t'écrases les cigares dépiautés de tes vagues et l'on voit dans la vase mal éteinte de tes eaux le coupe-jarret de ton trajet faire de vieux os ô fleuve voleur de grands chemins pendu sous la charpente de ton estuaire

0 fleuve quartiers d'orange gris les navires pépins portent semence du large l'espace au repas de la création te trempette dans la liqueur océan ô vieux fleuve Rhin canard en train de fondre

0 fleuve les pays te sortent du nez les villes naguère rosières de Marie tissaient des cathédrales comme enfoui sous les draps enfant jouant au nomade on pète pour défaillir des odeurs de l'Orient ainsi les villes humaient le parfum du Seigneur et toi fleuve aux allures de maquereau tu roulais tes mécaniques sous des arcades d'encens

A présent les cités chiquent le mazout des chicots de pétrole des langues de fumée elles puent de la gueule à tuer des mouches ô fleuve tu baises les villes droguées à mort qui vomissent en souriant de la purée de réverbères

Et le matin tâtonnant leur slip taché de merde ôtant ta pine de ce plein verre de moutarde tu t'en vas l'aurore pour canne blanche

0 fleuve pyorrhite tu mènes le frisson lent de la douleur le long de tes rives gencives Rhin poignée de monnaie mise sur le zinc quand trop parti pour compter on demande au loufiat de se payer service compris comme se comprend l'ombre le reflet d'une flaque d'eau ô fleuve saint Nicolas aux poches pleines de cadeaux

tu pioches le sel des mioches à ressusciter en rampant sous la mer

Sans imperméable ni houppelande ô fleuve copain comme cochon avec la pluie larron en foire avec l'abîme brouillard et toi cul et chemise tu coinces la bulle te la coules douce pied-de-nez à l'eau qui dort tu montes à cru la campagne ô vieux fleuve en amazone sur l'univers

0 fleuve les vagues les objets bougent sans arrêt ma tête table de bistrot où parlent haut les pensées en congés payés le débraillé de la vie est le braille de la mort dessin de nos ailes empreinte du destin dans la partie réservée d'un passeport

Les jours se blètent dans la voiture des quatre-saisons ô fleuve à la sauvette la soie de tes pavés liquides noie le bout du rouleau l'avenir s'émiette à mûrir hors saison

Le silence a les rayures d'une coquille saint-Jacques tu pénètres la mer bec-de-cane et passe-partout tu es une entrée entrant dans une entrée ô fleuve asphalte des noyés

0 fleuve rasoir le cuir des prairies affûte ton fil mort lente sous la pluie chapelle ardente au fil des ans cave du ciel où s'empilent les sacs de nuages à se couper les veines pleuvra-t-il davantage

Si nous vivons l'amour en vrac quel torrent au cimetière fait des siennes qu'un tibia déterré soit une pierre en plus mat

Pareil aux algues en mouvement j'ondoie à force de rester là brille le rayon de ma lampe aiguille de vieux phono sur le disque de la nuit

Notre souffle fait blou-blou au bassin de la mort les diamants sont des rognures d'astres enfants qui se rongeaient les ongles ainsi brûle au milieu des haies vives de la vie le visage d'une fille becotté dans le poulailler d'un cinéma

Roses les baisers comme le nom des roseaux par lesquels se respire du fond d'un fleuve de sang le large des années lumière

A vivre le corps envahit les rêves comme un clocher les nuages bas au frottement des jours mon sang s'échauffe le sang en bleu de chauffe bêche sa fosse et la bruine sur tout cela ne cesse de barboter

Cet amer reviens-y tournoyant dans l'oubli quand on vous dit votre tailleuse de pipe du samedi porte dentier ainsi ô fleuve qui mange ta moiteur a un goût de fantôme dans la bouche

Fleuve fadeur sous les gants de caoutchouc quand on fait la vaisselle ô fleuve intérieur luisant d'une bouteille thermos la brume en buée se change si l'esprit te débouche

0 fleuve plus ridé que peau de couille ton clapotis en sait plus sur l'amour que tuyauterie d'hôtel oeillet sonore d'une succion de bidet tes vagues aux piles des ponts content fleurette comme une charogne aux pâquerettes alentour

Infirmière aux fortes cuisses dans une salle d'incurables ô fleuve dans ton lit te voilà paradis en délit de vagabondage

Une paille dans ta fontanelle la mort sirote de plus belle foule champ de chaume chacun de nous en prenant le frais boit la mort de ceux qui viennent après

0 fleuve nid de poule reliquat d'averse l'eau du miroir où l'image se caille verse d'abord dans l'humide de l'oeil ni l'oeil ne sanglote ni l'image ne pleure la voie lactée est une fourmi engluée sous une larme dont les pattes de lumière se nomment le destin

0 fleuve lunettes noires sur les yeux d'un aveugle pylônes à haute tension chantent mon chagrin comme la photo d'un être jadis aimé que l'on déchire chante le temps d'une déchirure le visage des vivants qui déjà ne sont plus

L'oiseau sautillant sur la neige de l'aube trace des verrous s'il les ouvre il verra l'azur de la gadoue ainsi sommes-nous chacun de nos désirs dans l'au-delà se paume demain cadavre la chair force la main

0 fleuve échafaudage où se ravale l'étendue misère de respirer le ciel sur le grabat des poumons un ciel guenille se tortille l'air qu'on expire est à peine un enfer le cri réside dans mon âme comme grains de riz dans le sel

0 douceur du charbon dans la cave semblable à des regards de chevaux bons et doux chevaux écorchés dont on brûle les déchets dans des fours conçus à cet effet

En vapeur ils serviront de jockey aux nuages le ruisseau vers le fleuve le soleil vers un autre soleil l'univers vers un autre univers l'homme qu'on enterre vers les vers dévorants chacun vers un plus grand notre dernier sommeil vers un plus grand cauchemar

0 fleuve filet de bave aux lèvres de la planète grognant dans son coin d'espace sa grosse tête pleine d'eau sous le bonnet d'âne de la lumière

Nous les mortels n'avons de fleuve que nos jours ô fleuve si vraiment tu es fleuve où coule le fleuve de tes jours

L'homme est le sang de la terre les jours les crocs du soleil vampire plantés dans l'artère de la vie

Me voici fleuve dans le monde d'à côté sur la cataracte de mon souffle les morts y font du canoë

0 fleuve paillasson au seuil de l'étendue sous les vagues de ton crin se cache la clé des champs tu dégoulines lune blanchie sur la parure des prairies tu es le manteau d'une femme contre lequel on éjacule dans la cohue des transports en commun

0 fleuve lampe tempête sous la pluie tu souhaites vendre la Bible aux demoiselles des bordels entouré de rires roses autour du jardinier tu parles de course d'eau qui va elles te répondent bite et lavabo

0 fleuve des sablières ni eau ni pierres morceau de laideur grand-mère qui pleure devant son feuilleton à la télé au point que tombe dans l'assiette sa bouchée de bifteck à peine mâchée

0 fleuve qui ronflant derrière le buisson des ondées cuve ses rasades de tonnerre dégrisé tu joues à chat perché pour chaque seconde t'en aller en faisant Charlemagne

0 fleuve bidon à la ceinture de l'océan tu cours à la va-vite coureur cycliste qui boit en pédalant

0 fleuve cabane au fond du jardin l'on voit au travers du grillage de bois pendre les ruisseaux en forme de râteaux

Celui qu'on frappe s'affaisse en geignant pas si fort les p'tits gars à la flotte au jus l'ordure étrangère l'eau près des quais est une cave inondée comme la sainteté dans la nuit des prières

C'est peut-être un Algérien ma mère monzami capturé une nuit de fête histoire de marquer le coup de finir en beauté la quéquette couscous bistouquette à la moukère peut-être un Algérien passé à la casserole tu me diras si c'est chaud dans un sous-sol d'Haguenau ou de Strasbourg

0 fleuve épris de droiture guerrier vainqueur tuant à bout portant une fournée de suspects pain perdu au plomb frais

gloire d'être fleuve nuque trouée d'une balle la gorge par-devant grille d'égoût ouverte d'où s'échappent jambes au cou les rongeurs du sang et les mâchoires qui claquent un peu après la mort comme un rideau gelé le long d'une fenêtre

Pot-au-feu corps chaud le sang se voile la face en surface le voici crasse

0 fleuve la mort se met à poil ne veut pas crever hurle ne m'abandonnez pas trépas fiston ne me laisse pas seule mourir trépas non non tire-bouchon vis sans fin des raclettes sur le pare-brise de la neige voilà sa tête quand elle pleure voilà le chagrin feu rouge d'un vélo presque lointain elle en a gros sur la patate la mémé les volets du matin s'ouvrent telle une lettre qu'on décachette l'amour est un ascenseur où lèvent des palmiers nains allons grand-mère calmez-vous on lui tend une tasse de tranquillisant comme toi ô fleuve des nappes de potasse

L'homme est un tube dentifrice chier dans l'herbe c'est chier sur les poils d'une brosse à dents dont les dents à brosser sont les étoiles et la nuit la bouche fermée

0 fleuve prie-dieu où supplie la nature sous sa voilette de feuillage en plein vol les oiseaux sont les flammes des cierges les villes sur tes bords les chemins de croix où les générations tombent et se relèvent pour la nième fois chacun meurt en râlant comme un radiateur que l'on dégorge

Une porte s'ouvre la nuit s'illumine par devant quand la chair mettra bas la nuit devant moi alors sera tombeau

Poêle sans feu dans un asile de vieux on dépose sa mort plainte pour tapage nocturne ô fleuve âge fuite de gaz qui te fréquente éprouve des vertiges et celui-là payant une fille pour lui lécher le con en arrière s'écroule la bave mousseuse autour des lèvres

Fille jambes ciseaux dans la chair vive l'homme foudroyé par cette touffe de roussi fleuve crucifié entre le réel qu'il goûte et l'extase goutte à goutte

Au balcon de la vie l'homme est un pot de fleurs sa voix pour géranium son cul bien rond d'où s'écoule l'eau des rêves

Plus mièvre qu'un peu de fleuve dans un seau quand les matelots brossent les écoutilles semblables à des croûtes de psoriasis tombées des coudes du soleil sur son matelas d'eau remuée

Coeur en frac tomettes d'une cuisine que l'on fixe parce qu'on est soûl losanges frasques d'un ange on répète qu'aujourd'hui les voix n'ont plus de sens l'aorte du néant dans la poitrine pompe à essence verse son plein de nuit

Temps guillotine à nuages tant flous sont les souvenirs

Tristesse pâtes en forme de lettres dans le potage peut-être y lirai-je le vrai mot l'âge que l'on mange à la fortune du pot le mot fleuve s'en venant avec ses gros sabots pour qui te nomme fleuve ô fleuve tu es fleuve tu prends en mourant plâtre non gâché l'infini d'une voyelle dans l'âtre de la prière vaut bien sous nos pieds la terre vue de la lune

Savoir ton nom ô fleuve Rhin sang du dragon taché de feuilles mortes place du marché je m'interroge si je dis tu à cette femme dans une orgie niquée son corps flotte glaçon alcool de la mémoire son corps éclate sac de bonbons vide pendant l'entr'acte corps fessier ouvert melon sous cloche de verre pine en plein été madone à toute volée vous tu liberté écrite sur la porte des chiottes quand il n'y a en effet personne à l'intérieur ainsi ô fleuve je ne sais plus si je te dis fleuve ou la vie comme elle va

Tu es celui qui vient de s'en aller lilas de lait au bout du sein quand l'heure de la tétée tarde pour de vrai

Reproduit par A. J. COMMUNICATION Avril 1994

ISBN en cours

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