Thème n° 1 : Les principes directeurs du procès...

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Thème n° 1 : Les principes directeurs du procès Mots de l’auteur (F. TOURET, Professeur de droit civil à l’ISP, enseignant dans le cadre de la préparation au CRFPA depuis 2007). Chaque fiche du polycopié de procédure civile a été spécialement élaborée afin de faciliter l’apprentissage de chaque thème de cette matière. La construction de chaque fiche s’est faite à l’aune de quatre objectifs : - Délivrer à chaque élève de l’ISP les connaissances de base et d’actualités nécessaires pour aborder une épreuve de procédure civile désormais nationale ; - Rendre inutile la prise de notes par les candidats ; - Rendre inutile la consultation d’ouvrages, manuels, revues ; - Donner les armes et les prémisses de réflexions nécessaires pour aborder tout type d’exercices en procédure civile (le type d’épreuve n’est pas déterminé. Néanmoins, s’agissant d’une épreuve de deux heures, l’on peut présumer qu’il s’agira d’un cas pratique). Chaque fiche thématique est construite en trois temps : - Des connaissances fondamentales que l’étudiant doit appréhender, comprendre et mobiliser pour réaliser l’exercice le jour de l’examen ; - La mise en évidence de l’actualité essentielle des deux dernières années ; - Des propositions de lecture (optionnelles). Par ailleurs, vous trouverez tout au long des fiches thématiques des QR Codes ou FlashCodes. En les scannant, vous pourrez consulter une vidéo de votre enseignant sur un point particulier du cours, méritant réflexion et approfondissement. Enfin, élève de l’ISP, vous pouvez à tout moment de votre apprentissage, me contacter directement par courriel ([email protected]) et m’interroger sur tout point de ce poly qui vous poserait des difficultés de compréhension comme d’analyse I – Connaissances de base Tout système de procédure est commandé par un ensemble de principes essentiels qui inspire les dispositions légales et en assure la cohésion. Certains des principes directeurs du procès civil existaient déjà avant le nouveau Code de procédure civile, sous la forme d’adages ou de dispositions éparses ; comme le principe de publicité des débats, ou certains aspects du principe de la contradiction. Toutefois, l’ancien Code de procédure civile de 1806 ne contenait aucun principe exprimé de façon explicite et solennelle. Il s’agissait d’une compilation de règles, dépourvue de souffle et d’esprit. Ses rédacteurs, négligeant les principes fondamentaux, s’étaient bornés à décrire une technique. Ils s’étaient d’ailleurs

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Thème n° 1 : Les principes directeurs du procès

Mots de l’auteur (F. TOURET, Professeur de droit civil à l’ISP, enseignant dans le cadre de la préparation au CRFPA depuis 2007).

Chaque fiche du polycopié de procédure civile a été spécialement élaborée afin de faciliter l’apprentissage de chaque thème de cette matière.

La construction de chaque fiche s’est faite à l’aune de quatre objectifs :

- Délivrer à chaque élève de l’ISP les connaissances de base et d’actualités nécessaires pour aborder une épreuve de procédure civile désormais nationale ;

- Rendre inutile la prise de notes par les candidats ;

- Rendre inutile la consultation d’ouvrages, manuels, revues ;

- Donner les armes et les prémisses de réflexions nécessaires pour aborder tout type d’exercices en procédure civile (le type d’épreuve n’est pas déterminé. Néanmoins, s’agissant d’une épreuve de deux heures, l’on peut présumer qu’il s’agira d’un cas pratique).

Chaque fiche thématique est construite en trois temps :

- Des connaissances fondamentales que l’étudiant doit appréhender, comprendre et mobiliser pour réaliser l’exercice le jour de l’examen ;

- La mise en évidence de l’actualité essentielle des deux dernières années ;

- Des propositions de lecture (optionnelles).

Par ailleurs, vous trouverez tout au long des fiches thématiques des QR Codes ou FlashCodes. En les scannant, vous pourrez consulter une vidéo de votre enseignant sur un point particulier du cours, méritant réflexion et approfondissement.

Enfin, élève de l’ISP, vous pouvez à tout moment de votre apprentissage, me contacter directement par courriel ([email protected]) et m’interroger sur tout point de ce poly qui vous poserait des difficultés de compréhension comme d’analyse

I – Connaissances de base

Tout système de procédure est commandé par un ensemble de principes essentiels qui inspire les dispositions légales et en assure la cohésion. Certains des principes directeurs du procès civil existaient déjà avant le nouveau Code de procédure civile, sous la forme d’adages ou de dispositions éparses ; comme le principe de publicité des débats, ou certains aspects du principe de la contradiction. Toutefois, l’ancien Code de procédure civile de 1806 ne contenait aucun principe exprimé de façon explicite et solennelle. Il s’agissait d’une compilation de règles, dépourvue de souffle et d’esprit. Ses rédacteurs, négligeant les principes fondamentaux, s’étaient bornés à décrire une technique. Ils s’étaient d’ailleurs

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fortement inspirés de l’ordonnance de Colbert de 1667. La doctrine leur emboîta le pas et la réputation de la procédure civile en souffrit. Elle était considérée par les juristes comme une discipline subalterne, en attente d’une théorie générale. Toutefois, cette théorie, Motulsky allait l’apporter dans un esprit qui devait bouleverser la tradition procédurale française. De la neutralité du juge, on passa à son interventionnisme actif. Les rédacteurs du nouveau Code de procédure civile ont choisi de commencer le Code par un chapitre intitulé « Les principes directeurs du procès » (§1). Néanmoins, d’autres principes ont émergé (§2).

§1) Les principes directeurs consacrés par le Code de procédure civile

Les principes consacrés par le Code de procédure civile ont pour fonction de tracer les contours respectifs de l’office du juge et du rôle des parties dans la fixation de la matière litigieuse et dans le déroulement de l’instance. L’un exprime les règles qui président à la conduite de l’instance, il s’agit du principe accusatoire (A). Un autre traite spécialement de la répartition des pouvoirs confiés aux différents protagonistes du procès quant à la maîtrise de la matière litigieuse, c’est le principe dispositif (B). Enfin, d’autres dispositions sont consacrées au principe de la contradiction (C).

A) Le principe accusatoire

Classiquement, on oppose deux systèmes s’agissant de la répartition des pouvoirs entre le juge et les parties quant à la direction du procès. D’un côté, un système inquisitoire, par lequel on peut envisager d’abandonner au magistrat lui-même le pouvoir de diriger le déroulement du procès et de rechercher les éléments de preuve (c’est principalement le cas en contentieux administratif et en procédure pénale). De l’autre, il est possible de confier aux seuls plaideurs le soin de diriger la procédure, de rechercher et de rassembler les éléments de preuve. Pour désigner ce schéma procédural où le procès est la « chose des parties », on recourt à l’expression de système accusatoire.

Le Code de 1806 avait nettement opté pour le second de ces systèmes. Toutefois, vers la fin du XIXe siècle, la doctrine attira l’attention sur ses inconvénients en stigmatisant l’absence de pouvoir d’impulsion du juge. Pour remédier à cette lacune, le décret-loi du 30 octobre 1935 confia au juge chargé de suivre la procédure un pouvoir de surveillance. L’innovation sera insuffisante, mais elle conduira à l’instauration, en 1965, d’un nouveau « juge des mises en état des causes ». Cette évolution marquera l’avènement d’une nouvelle ère dans la répartition des pouvoirs entre le juge et les parties, et sera entérinée par le Code quelques années plus tard.

Si le modèle qui prévaut demeure d’inspiration accusatoire (1), force est de constater la part grandissante des pouvoirs confiés au juge dans la marche de l’instance (2), souvent aux fins de régulation, au point qu’il est sans doute plus juste et approprié de parler, comme cela est préconisé, de principe de « coopération » entre le juge et les parties, transcendant ainsi la portée du traditionnel clivage entre ces deux systèmes.

1) L’inspiration accusatoire

Les prérogatives confiées aux parties dans la conduite de l’instance se manifestent tant lors de son introduction (a) que lorsqu’il s’agit d’y mettre un terme (b).

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a) L’introduction de l’instance

Aux termes de l’article premier du Code de procédure civile, « seules les parties introduisent l’instance… ». Par une lecture a contrario, l’on déduit que le juge civil ne peut prendre l’initiative de se saisir d’office. Il ne peut en être autrement que dans « … les cas où la loi en dispose autrement », ainsi que le précise ce même texte. Ce sont les parties qui, par la formulation de leurs prétentions respectives, déterminent l’objet du litige, tant lors de l’introduction de l’instance que lors de la prise de conclusions en défense.

Dans certaines matières où l’ordre public est en jeu, le législateur a, exceptionnellement et expressément, accordé au juge le pouvoir de prendre l’initiative d’une instance. Il en est ainsi en matière d’assistance éducative (art. 375 C. civ.), ou d’ouverture d’une tutelle à l’égard d’un mineur sous administration légale (art. 391 C. civ.). Relevons que l’ouverture d’office d’une procédure collective par le tribunal de commerce était également possible, mais cette possibilité a été censurée par le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (Cons. Const. QPC, n° 2012-286, 7 déc. 2012), en ce qui concerne la procédure de redressement judiciaire. Le Conseil, pour déclarer inconstitutionnelles les dispositions de l’article L. 631-5 du Code de commerce, s’est fondé sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et sur le principe d’impartialité. Le législateur est attentif à ce que la saisine d’office ne méconnaisse pas les exigences du procès équitable (impartialité et égalité des armes).

b) L’arrêt de l’instance

Les parties sont libres d’arrêter l’instance « avant qu’elle ne s’éteigne par l’effet du jugement ou en vertu de la loi » (art. 1er CPC). Si l’instance s’éteint en principe par l’effet du jugement (art. 481 CPC), il existe d’autres causes d’extinction. Certaines tiennent à la force des choses (décès d’une partie). D’autres sont la traduction d’une sanction frappant le comportement peu diligent d’une ou plusieurs parties (caducité de la citation, péremption d’instance). L’instance peut aussi s’éteindre soit du fait d’une volonté commune des parties (transaction), soit par l’effet d’une volonté unilatérale : acquiescement ou désistement d’action.

2) Les pouvoirs du juge

Dès la fin du XIXe siècle, la doctrine avait stigmatisé les lenteurs provoquées par les insuffisances du système judiciaire. Une des causes de ces récriminations tenait à la faiblesse des pouvoirs de contrainte reconnus au juge dans la direction de l’instance ; ce qui se concilie mal avec le fait que la Justice est un service public. Après que le législateur dota quelques juridictions de droit commun de juges des mises en état, le succès que rencontra cette initiative le conduisit à généraliser le procédé. L’émergence contemporaine du procès équitable conduit le législateur à doter le juge de prérogatives destinées à faire respecter ses composantes, parmi lesquelles l’exigence de célérité. Le souhait de rationaliser la procédure participe aussi de cette fin.

L’accroissement des pouvoirs du juge est inscrit au titre des principes directeurs du Code de procédure civile. L’article 3 de ce dernier indique que « le juge veille au bon déroulement de l’instance ; il a le pouvoir d’impartir des délais et d’ordonner les mesures nécessaires ». Ainsi, c’est le juge qui imprime le rythme au procès. D’autres dispositions, disséminées dans le Code, relaient ces idées directrices. Les pouvoirs attribués au juge de la mise en l’état devant

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le tribunal de grande instance en sont une illustration significative. Il est chargé de « veiller au déroulement loyal de la procédure » (art. 763 al. 2 CPC).

B) Le principe dispositif

Selon la thèse soutenue par Motulsky, il appartient aux parties d’établir les faits propres à fonder leur prétention. La formule « principe dispositif » traduit le fait qu’il appartient aux parties de déterminer d’une part l’objet de la matière litigieuse et, d’autre part, d’alléguer et d’établir les faits leur servant de fondement (1). Motulsky a considéré que l’opération de qualification juridique des éléments de fait ne relevait pas des attributions des parties ; c’est une tâche procédurale qui ressort de l’office du juge (2). Pour l’essentiel, cette thèse est passée dans le Code de procédure civile, même si elle a, depuis, fait l’objet d’importants aménagements.

1) Le rôle des parties

La maîtrise des parties sur les données de fait du litige revêt deux aspects.

D’abord, les parties ont le monopole tant dans la fixation de la matière litigieuse, que dans l’allégation des faits pertinents qu’elles entendent porter à la connaissance du juge au soutien de leurs prétentions. Il leur appartient de sélectionner les faits qui vont délimiter les contours du procès et s’imposer au juge. La matière litigieuse est déterminée par les prétentions respectives des parties (art. 4 CPC) Néanmoins, elle peut évoluer au cours du procès avec la formulation de demandes incidentes.

Ils leur incombent ensuite de prouver conformément à la loi et loyalement, les faits nécessaires au succès de leur prétention (art. 9 CPC). Depuis un important arrêt d’assemblée plénière du 7 juillet 2006, la jurisprudence pose un principe de concentration des moyens. Il a été jugé que le demandeur ne pouvait être admis à contester l’identité de cause de ces deux demandes en invoquant un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever en temps utile, si bien que la nouvelle demande se heurtait à la chose précédemment jugée s’agissant de la même contestation. En contraignant les parties à procéder à un examen minutieux de l’ensemble des moyens de droit susceptibles d’être invoqués dès l’instance relative à la première demande, la Cour de cassation tend à conférer sa pleine portée au principe dispositif tout en l’utilisant à des fins gestionnaires des règles de procédure, lesquelles sont susceptibles d’avoir d’importantes répercussions sur le fond du droit.

2) L’office du juge

L’emprise des parties sur le fait n’est pas absolue. Le juge dispose dans le rapport avec les faits de prérogatives qui attestent un accroissement de son office (a). En revanche, s’agissant du droit, les rédacteurs du Code de procédure civile ont voulu mettre en exergue son office (b).

a) Les faits

Une fois les éléments de fait fixés par les parties, le cadre du procès est dès lors immuable. Traditionnellement, l’immutabilité de l’objet du litige désigne le principe selon lequel les parties ne peuvent librement modifier l’objet du litige tout au long du procès, réduire ou accroître son cadre. Il en résulte notamment que le juge ne peut ni modifier les termes du

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litige ni fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. En conséquence, il lui est interdit d’introduire dans le débat des faits non invoqués par les parties, et notamment des faits résultant d’investigations qu’il aurait pu mener hors la présence des parties et hors du cadre de l’audience (Com. 4 oct. 1994).

Toutefois, le juge a un rôle actif s’agissant de l’appréhension des faits. Ainsi il peut, parmi les éléments du débat, « prendre en considération même les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions » (art. 7, al. 2, CPC), cela dans le respect du contradictoire. Le texte consacre ainsi une jurisprudence traditionnelle en vertu de laquelle « s’il n’est pas permis au juge de substituer une autre demande à celle qui est portée devant lui, il ne lui est pas interdit, quant à la demande qui lui est soumise, de puiser les motifs de sa décision dans les divers éléments du débat, lors même que les faits sur lesquels il s’appuie n’ont pas été spécialement invoqués par les parties dans leurs conclusions » (Civ. 16 juin 1929). Pour désigner cette possible exploitation d’éléments de faits contenus dans le dossier, mais aussi sans doute révélés par le débat, on utilise l’expression de « faits adventices ». De surcroît, le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.

b) Le droit

La règle de l’immutabilité du litige imposée au juge est exprimée par l’article 5 du Code de procédure civile : « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ». On transcrit cette double obligation en indiquant qu’il ne peut statuer ni infra petita, c’est-à-dire en deçà de ce qui lui est demandé, ni en principe ultra petita, c’est-à-dire, accorder plus que ce qui lui est demandé. Il ne peut non plus modifier l’objet du litige (art. 4 CPC).

Alors que la preuve des faits est l’apanage des parties, la connaissance de la règle de droit relève du juge. L’article 12, alinéa 1er du Code de procédure civile affirme que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ». En conséquence de cette affirmation, non seulement il ne peut se fonder sur l’équité, mais encore il doit statuer selon la règle de droit applicable aux faits dont il a été saisi. Dès lors, il lui appartient de se livrer au travail de la qualification juridique des faits. Si les parties, ce qui est de plus en plus rare, n’ont pas procédé à l’opération de qualification juridique, le juge est tenu de rechercher la règle de droit appropriée à la solution du litige en examinant à cette fin les faits conformément à la règle de droit qui leur est applicable. Si, en revanche, les parties ont procédé à la qualification juridique des faits allégués, c’est-à-dire ont invoqué un fondement juridique déterminé, le juge peut estimer qu’elles ont commis une erreur dans l’accomplissement de cette opération et procéder dans cette situation à une requalification. Par exemple, si un plaideur invoque l’application de l’article 1240 du Code civil pour obtenir réparation de son préjudice à la place de l’article 1242, le juge saisi de l’action doit-il appliquer d’office cet article au risque que le demandeur, si le juge s’abstient et le déboute, puisse le lui reprocher ultérieurement dans le cadre de l’exercice d’une voie de recours ? La Cour de cassation répond par la négative en énonçant que « si (...) l’article 12 du Code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes (...) » (Ass. plén., 21 déc. 2007, no 06-11.343). Il s’agissait d’un plaideur qui avait introduit son action sur le fondement de la garantie des vices cachés et qui, n’ayant pu

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obtenir gain de cause, reprochait aux juges du fond de ne pas avoir relevé d’office le moyen tiré de la violation de l’obligation de délivrance. Elle semble distinguer selon que le juge procède à une requalification des actes et faits litigieux d’une part, ou à un changement de dénomination de la demande ou d’un changement de fondement juridique de la demande, d’autre part. Dans le premier cas, le juge a bien l’obligation de requalifier : « l’article 12, alinéa 2 oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions ». Mais dans le second cas, la Cour constate que le même article 12 alinéa 2 ne « fait pas obligation [au juge], sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ». Cette solution fait l’objet de débats doctrinaux. En effet, la distinction entre requalification des actes et faits litigieux (obligatoire) et changements de dénomination (facultatif) des prétentions est difficilement saisissable. De plus, la distinction que semble établir l’arrêt entre requalification de la demande, c’est-à-dire de l’objet, et requalification des faits est assez artificielle. En effet, le changement de qualification des faits et actes litigieux étant obligatoire, il ne peut que rejaillir sur l’objet de la demande. Par exemple, un fait de défectuosité qualifié de vice caché par un plaideur au soutien de sa demande en résolution de la vente implique aussi une demande fondée sur la garantie des vices cachés. L’incertitude n’a pas été levée par deux arrêts rendus par la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation. L’arrêt de la première chambre civile affirme qu’« étant saisie de demandes fondées sur la qualification du contrat litigieux en contrat de bail ou en contrat de vente, la cour d’appel qui rejetait celles-ci, n’était pas tenue de substituer à ces qualifications une autre qualification dès lors qu’elle aurait eu pour effet de changer le fondement des demandes qui lui étaient présentées » (Civ. 1re, 19 juin 2013, n° 12-11.767), alors que pour la troisième chambre civile, « la cour d’appel, qui n’était pas tenue de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par ce syndicat au soutien de ses prétentions, a statué sans violer le principe de la contradiction ni méconnaître son office » (Civ. 3e, 25 juin 2013, n° 11-27.799). Si l’arrêt du 19 juin 2013 relie la requalification de l’acte litigieux au changement de fondement juridique (dans une sorte de prolongement de l’arrêt de 2007), celui du 25 juin 2013 (pourvoi n° 11-27.799) viole purement et simplement l’article 12, alinéa 2, du Code de procédure civile. Pour nuancer ces derniers arrêts, ils sont inédits et n’émanent pas de la chambre spécialisée en procédure civile.

Il existe néanmoins une exception à cette simple faculté : c’est lorsque le moyen en question est un moyen d’ordre public. Toutefois, dans certains cas, même si le moyen est d’ordre public, le juge n’aura que la simple faculté de relever d’office le moyen (ex : le moyen tiré de l’incompétence d’attribution, art. 92 CPC). Il en est de même lorsque le moyen de droit est un moyen d’ordre public de protection et non de direction. En effet, pour s’en tenir au droit de la consommation, la loi no 2008-3 du 3 janvier 2008 prévoit que le juge n’a que la faculté de soulever d’office toutes les dispositions du Code de la consommation dans les litiges nés de son application (art. L. 141-1 C. consom.).

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Addendum Pour approfondir vos connaissances

et votre réflexion :

« L’obligation de statuer en droit et la qualification juridique »

C) Le principe de la contradiction

Le principe de la contradiction peut être défini comme la liberté, pour chacune des parties, de faire connaître tout ce qui est nécessaire au succès de sa demande ou de sa défense. Il importe que toute démarche, toute communication d’une pièce ou d’une preuve par une partie soit portée à la connaissance de l’autre partie, et librement discutée à l’audience. Le respect du principe du contradictoire est une condition indispensable pour que soit respecté un autre principe important : le « droit à une défense équitable » (expression de Motulsky). Le principe du contradictoire est un principe général du procès inscrit aux articles 14 à 17 du Code de procédure civile. Le principe joue indifféremment au profit de chacune des parties à l’instance. L’importance du principe explique également le régime auquel il est soumis. Non seulement il s’impose aux parties (1), mais encore il constitue une obligation pour le juge (2).

1) La contradiction et les parties

La contradiction entre les parties se manifeste lors de l’introduction, ainsi que durant le déroulement de l’instance.

En énonçant que « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée », l’article 14 du Code de procédure civile paraît énoncer une vérité qui relève tant de l’intuition que de la règle de droit. La force du principe explique sans doute que la Cour de cassation ait jadis qualifié ce principe de droit naturel. Le respect du principe du contradictoire implique que la partie à l’encontre de laquelle une procédure est intentée soit, sinon entendue par un juge, du moins informée de l’existence de la procédure dirigée à son encontre. Des deux exigences prescrites par l’article 14 du Code de procédure civile, la seconde (l’information) revêt assurément une plus grande importance (d’où la nécessité de la signification régulière d’une assignation). En effet, la nécessité d’observer le principe de la contradiction ne débute pas avec l’audition des parties, mais apparaît avec la nécessité d’informer celui à l’encontre de qui un procès est intenté. Parfois le plaideur est d’ailleurs officiellement prévenu des conséquences de son défaut de comparution.

L’exigence de loyauté qui doit présider aux débats tout au long de la procédure est contenue dans l’article 15 du Code de procédure civile, selon lequel « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles

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invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ». À défaut, elles doivent être écartées. Cette appréciation relevant du pouvoir souverain des juges du fond (Ch. Mixte, 3 févr. 2006). Chaque fois qu’une partie allègue des éléments de fait, avance des preuves et soulève des moyens de droit destinés à justifier du bien-fondé de sa prétention, ces éléments doivent faire l’objet d’une communication à la partie adversaire. Ce point peut être source de difficultés lorsque la procédure est orale, car les prétentions étant formulées oralement, les parties peuvent très bien décider de faire état, lors de l’audience, de prétentions et moyens non évoqués ou développés dans leurs écritures précédentes. La difficulté étant susceptible d’être amplifiée par le fait que les prétentions, moyens et preuves formulées au cours de l’audience sont présumés avoir été régulièrement versés aux débats et soumis à la libre discussion. La preuve contraire est difficile à rapporter, surtout lorsque les parties ne sont pas assistées par un professionnel du droit. La jurisprudence est moins rigoureuse lorsque la procédure est écrite, car la présomption du respect de la régularité de la communication est soumise à la preuve d’un écrit (la preuve est cependant largement admise : pièce visée dans les conclusions ou, mieux, constatée dans la décision). L’obligation de communication réciproque doit intervenir « en temps utile », afin de conférer aux parties le temps suffisant pour organiser leur défense. À défaut, il conviendra d’écarter les conclusions ou pièces déposées et produites tardivement, c’est-à-dire de dernière heure. Cette appréciation est fonction des circonstances de l’espèce ; lesquelles sont souverainement appréciées par les juges du fond. Ceux-ci tiennent notamment compte, à cette fin, d’une série de paramètres : jour du dépôt des pièces et conclusions, connaissance de la date de l’ordonnance de clôture de l’instruction, circonstances ayant permis le respect du principe de la contradiction.

Parfois le législateur habilite, dans certaines circonstances, une partie à obtenir du juge qu’il l’autorise à prendre une mesure à l’encontre d’une autre partie, sans toutefois que cette dernière ne soit avertie (tel est notamment le cas des ordonnances sur requête). Ainsi, selon l’article 493 du Code de procédure civile, « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ». Compte tenu de l’importance du principe de la contradiction en procédure civile, la Cour de cassation veille, dans le cadre de l’application l’article 493 du Code de procédure civile, à ce que la nécessité de s’abstraire de ce principe soit caractérisée par la requête ou par la décision même, étant indiqué qu’elle n’exerce à ce sujet qu’un contrôle de la motivation (Civ. 2e, 26 juin 2014, n° 13-18.895). Tantôt le souci d’efficacité, allié à la nécessité de ménager l’effet de surprise, justifie une entorse au principe de la contradiction. Cette exception n’est toutefois que temporaire, car l’article 17 du Code de procédure civile décide que la partie qui n’a pas été à même de faire valoir sa défense dispose d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief. Tantôt la limite tient à la nécessité de protéger une partie : cela est notoire s’agissant des personnes vulnérables (art. 338-4 CPC).

2) Le contradictoire et le juge

Le juge doit faire observer (a) et observer lui-même le principe du contradictoire (b).

a) L’obligation pour le juge de faire observer le principe de la contradiction

L’article 16 du Code de procédure civile institue le juge comme garant du respect du principe de la contradiction. Ainsi, il lui appartient de veiller au respect scrupuleux par les parties des

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diverses obligations qui leur incombent, voire d’introduire la contradiction lorsqu’elle est a priori écartée (ex : art. 1213 CPC.).

La vigilance du juge doit s’exercer spécialement sur le terrain de la communication des conclusions et des pièces en temps utile. Il doit notamment s’assurer de ce que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter toute pièce présentée au juge. Il doit veiller, lorsque les parties ont eu connaissance de la date de l’ordonnance de clôture, à ce qu’elles ne déposent pas les pièces et conclusions trop tardivement. À la limite, peu important que celles-ci soient déposées la veille, voire le jour de l’ordonnance, dès lors que ce dépôt n’a pas empêché le respect de la contradiction.

Le contrôle du respect du principe de la contradiction trouve également à prospérer sur le terrain probatoire. Ainsi, lors de l’exécution d’une mesure d’instruction le respect du principe de la contradiction suppose que les parties aient été régulièrement avisées du déroulement de cette mesure ; un débat contradictoire ultérieur est insuffisant à pallier cette carence qui rend dès lors la mesure inopposable à la personne non représentée. Elles doivent également avoir eu communication régulière des documents et pièces utilisées par l’expert afin de formuler, le cas échéant, des dires avant le dépôt du rapport. Par ailleurs, si le juge ne peut se déterminer à la lumière d’une expertise établie non contradictoirement, il ne peut non plus refuser d’examiner une pièce dont la communication régulière et la discussion contradictoire n’étaient pas contestées, y compris si l’expertise n’a pas été ordonnée judiciairement.

b) L’obligation pour le juge d’observer le principe du contradictoire

L’article 16, alinéa 2 du Code de procédure civile dicte la conduite procédurale que doit suivre le juge. Dans sa décision, il ne peut retenir « les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement » (Civ. 2e, 9 juin 2005). Le juge devra notamment être attentif au fait que la communication de ces éléments est bien intervenue dans un délai utile et que les parties aient effectivement eu accès aux pièces de la procédure. Le cas échéant, il lui appartient d’inviter les parties à présenter leurs observations.

Quant à l’alinéa 3 de l’article 16 du Code de procédure civile, il pose la règle selon laquelle le juge n’a pas la possibilité de fonder sa décision « sur les moyens de droit qu’il aurait relevé d’office, sans qu’il ait, au préalable, invité les parties à en débattre contradictoirement ». Ainsi, le juge ne peut pas fonder sa décision sur des faits dont il a eu connaissance par des investigations personnelles, sans les soumettre au débat des parties (Civ. 22 mai 1878).

§2) Les principes émergents

Au titre des principes directeurs émergents, il convient de souligner les références contemporaines au principe de loyauté (A) et l’importance que revêt désormais le principe de célérité (B).

A) La loyauté procédurale

Le principe de loyauté n’apparaît pas en tant que tel dans le Code de procédure civile. Toutefois, on le trouve indirectement exprimé dans le droit de la preuve aux articles 9 (« conformément à la loi ») et 10 du Code de procédure civile (« mesures légalement

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admissibles »), dispositions que l’on retrouve du reste dans les textes relatifs aux mesures d’instruction (art. 145 CPC relatif aux mesures in futurum). Cependant, par-delà le droit de la preuve, Motulsky avait déjà noté que le principe de loyauté constituait à la fois, pour les parties, une composante importante du droit de la défense et, pour le juge, une obligation de stricte neutralité de motivation des jugements.

La jurisprudence laisse apparaître, depuis peu, l’émergence d’une attention particulière au respect de l’exigence procédurale. Elle sanctionne d’ailleurs les plaideurs qui contreviennent à ce comportement. Tel est le cas d’un plaideur qui communique ses pièces très peu de temps avant l’ordonnance de clôture et met matériellement son adversaire dans l’impossibilité d’en prendre connaissance et d’y répondre utilement (Civ. 2e, 11 janv. 2006), ou celui qui adopte, en droit, des postures contradictoires au détriment d’autrui, faussant ainsi sciemment le débat (Civ. 2e, 23 oct. 2003). Le manquement à l’exigence de loyauté trouve également à prospérer sur le terrain de l’administration judiciaire de la preuve où elle sanctionne les preuves obtenues déloyalement (Civ. 7 oct. 2004), tel l’enregistrement d’une communication téléphonique par une partie à l’insu de l’auteur des propos tenus (Civ. 1re, 17 juin 2009). Toutefois, le juge ne peut rejeter comme mode de preuve les minimessages adressés par téléphone portable au motif que la lecture a été faite à l’insu de leur destinataire et que cela constitue une atteinte grave à l’intimité de la personne, sans constater qu’ils ont été obtenus pas violence ou par fraude (Civ. 1re, 17 juin 2009).

La question de savoir si la loyauté procédurale constitue un nouveau principe directeur du procès civil se pose, car la jurisprudence fait parfois expressément référence au « principe de loyauté procédurale » (Civ. 1re, 4 oct. 2005) et une partie de la doctrine paraît l’appeler de ses vœux. Il est toutefois permis de formuler quelques réserves. D’une part, l’exigence de loyauté n’est pas inconnue du Code de procédure civile. L’article 763 dudit code décide déjà que le juge de la mise en l’état a pour mission de « veiller au déroulement loyal de la procédure ». Plus généralement, la droiture et l’honnêteté ne sont-elles pas un comportement naturellement escompté des parties, mais aussi du juge ? Au demeurant, cette exigence semble déjà sous-jacente à plusieurs textes du Code, lesquels figurent au demeurant dans le chapitre consacré aux principes directeurs du procès. D’autre part, il est bien délicat de tracer objectivement les contours de cette notion qui revêt assurément une connotation morale majeure. Cette objection rend dès lors périlleuse son élévation au rang de principe directeur du procès en raison du risque d’insécurité que cet exercice porte en germe. Au surplus, on peut se demander si l’exigence de loyauté n’est pas une application du principe directeur de la contradiction. Le rapprochement entre les dispositions de l’article 16 du Code de procédure civile et l’arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 2005 affirmant que « le juge est tenu de respecter et de faire respecter la loyauté des débats », suggère, au moins, une telle interrogation, sans que l’on soit toutefois en mesure de fournir une réponse certaine. Au final, la loyauté n’a pas assez de fermeté pour devenir un nouveau principe directeur autonome. Tout au plus, ce principe de loyauté peut servir, le cas échéant, de principe d’interprétation permettant d’apprécier la mise en œuvre des autres principes directeurs et de surmonter d’éventuelles défaillances réglementaires. La loyauté devrait donc rester cantonnée au rôle de principe subsidiaire.

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Addendum Pour approfondir vos connaissances

et votre réflexion :

« La manifestation de la loyauté procédurale : l’estoppel »

B) La célérité

La lenteur a pu être considérée pendant longtemps comme une sagesse qui « donne le temps de déjouer les calculs d’un adversaire trop habile et rassure la conscience du juge. » (Garsonnet, 19e s.). Ce temps est révolu, car la justice, service public, doit trancher les litiges dans les délais les plus rapides afin de garantir l’effectivité des droits.

On retrouve cette exigence dans la notion de délai raisonnable de l’article 6-1 la Convention européenne des droits de l’homme. Du reste, la célérité apparaît aujourd’hui comme une exigence commune à l’ensemble du droit processuel. L’appréciation du délai raisonnable par la Cour européenne se fait suivant les circonstances de la cause et au regard de plusieurs critères, tels que la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes. D’une part, la Cour européenne procède à une appréciation globale de la procédure. D’autre part, la période à considérer en procédure civile a pour point de départ l’assignation des requérants devant le TGI et comme terme la date du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation (CEDH, 20 févr. 1991). Outre la sanction pécuniaire, un délai non raisonnable peut constituer un déni de justice (art. 4 C. civ.) et une faute lourde du service de la justice au sens de l’article L. 781-1 du Code de l’organisation judiciaire.

Le Code de procédure civile ne connaît pas expressément le principe directeur de célérité, mais il suffit de lire les articles 2, 3 et 4 du Code de procédure civile pour constater que la célérité n’était pas inconnue lors de l’adoption du Code. Outre les procédures d’urgence spécifiques telles que les référés, l’exigence de célérité a commencé à s’intensifier lorsque les rapports Coulon (1997) et Magendie (2004) ont été transposés, en partie du moins, dans les textes (Décrets des 28 déc. 1998, 20 août 2004 et 28 déc. 2005). Trois séries de dispositions peuvent être dégagées de cette vague de réformes : Les unes tendent à faciliter le travail du juge et traduisent en partie le renforcement du principe de dialogue (1), les autres visent à accélérer l’instruction des affaires (2) et les dernières visent à créer une véritable justice de l’urgence (3).

1) La volonté de faciliter le travail du juge : les conclusions qualificatives et récapitulatives

Dès l’introduction de l’instance par assignation, les parties ont l’obligation de préciser « l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit », ainsi que l’exige désormais l’article 56 du Code de procédure civile. Cette obligation, désormais légale et non

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plus seulement déontologique, ne remet pas en cause les principes directeurs du procès civil. On ne saurait, à cet égard, invoquer les articles 6 et 12 pour y voir une atteinte à une summa divisio qui passerait par une division dogmatique entre le fait qui appartiendrait aux parties et le droit qui relèverait de la compétence exclusive du juge ; la doctrine contemporaine a maintes fois souligné que cette vision deviendrait caricaturale s’il fallait la tenir pour une répartition rigide du rôle respectif des parties et du juge. Avoir l’obligation d’alléguer les faits propres à fonder les prétentions (art. 6 CPC) n’a jamais signifié que les parties ne pouvaient pas intervenir dans le domaine du droit ; d’ailleurs, l’article 12, alinéa 2 du Code de procédure civile reconnaît implicitement aux parties la possibilité de qualifier les faits puisque le juge est fondé dans une telle hypothèse à donner ou restituer aux faits et aux actes litigieux leur exacte qualification, sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; de même, et à l’inverse, avoir l’obligation de statuer en droit pour le juge (art. 12, al. 1er, CPC) n’a jamais signifié que les parties se voyaient interdire toute intervention en ce domaine. La nouvelle rédaction de l’article 56 a donc le mérite de clarifier le rôle exact des parties, plus exactement de leurs représentants, dans la présentation de leur affaire au juge ; l’obligation légale d’exposer le droit conforte l’ardent impératif déontologique de qualifier les prétentions. La sanction est la nullité de l’assignation puisque l’ajout est inséré dans l’alinéa 1er qui commence par ces mots « l’assignation contient à peine de nullité... ». Dans le même esprit de faciliter le travail du juge dès l’introduction de l’instance, les parties devront non seulement continuer à indiquer les pièces sur lesquelles la demande est fondée, mais encore les énumérer dans un bordereau annexé à l’assignation. Cet ajout figurant dans l’alinéa 2 de l’article 56, la nouvelle exigence échappe à toute sanction. Ces innovations se prolongent par d’autres obligations dans le déroulement de l’instance.

Devant le tribunal de grande instance comme devant la cour d’appel, les conclusions font désormais l’objet de prescriptions de rédaction ; elles devront « formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit [rédaction, pour le tribunal de grande instance, du nouvel art. 753 issu de l’art. 13 du décret, alors que pour la cour d’appel le nouvel art. 954 issu de l’art. 29 du décret vise les moyens de fait et de droit] sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée ». Comme pour l’assignation, l’exigence de conclusions qualificatives, loin de constituer une aberration, a le mérite de renforcer l’obligation déontologique des auxiliaires de justice. En outre, un bordereau [qualifié de « récapitulatif » dans le texte de l’art. 954 pour la cour d’appel], énumérant les pièces justifiant les prétentions, devra être annexé aux conclusions (art. 753 et 954, al. 1er CPC). Au cas où les avocats n’auraient pas satisfait aux exigences de l’article 753, alinéa 1er du Code de procédure civile (formulation expresse des prétentions des parties et des moyens « en fait et en droit », bordereau énumérant les pièces justifiant les prétentions), le président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée (art. 761 CPC) ou le juge de la mise en état (art. 765 CPC, article applicable au conseiller de la mise en état) peut les inviter à mettre leurs conclusions (art. 761 CPC) ou leurs écritures (art. 765 CPC) en conformité avec les dispositions de l’article 753, vertu du dialogue qui permettra d’accélérer l’instruction de l’affaire.

L’innovation la plus radicale, celle qui avait donné lieu à des réactions parfois très vives des professionnels concernés, consiste dans l’obligation qui pèse désormais sur les parties et leurs représentants de « reprendre dans leurs dernières conclusions » (art. 753, al. 2, pour le tribunal de grande instance), ou « écritures » (art. 954, al. 2, pour la cour d’appel), « les

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prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures » (art. 753 pour le tribunal de grande instance) ou « précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures » (art. 954 pour la cour d’appel). C’est tout le problème des conclusions dites récapitulatives, que le nouveau code connaissait déjà, mais uniquement en appel et à titre facultatif, seulement si le juge sollicitait des avoués la récapitulation des moyens « successivement présentés » (art. 954, al. 2 ancien) ; les prétentions elles-mêmes n’étaient pas visées. La faculté est étendue au tribunal de grande instance et, surtout, devient une exigence légale, ce qui introduit un facteur d’autorité dans les relations du juge avec les parties qui se substitue au dialogue, vertu contemporaine du procès civil qu’il convient de restaurer et de promouvoir. L’obligation est aussi étendue aux prétentions, ce qui devrait briser la solution admise par la Cour de cassation dans un arrêt de sa deuxième Chambre civile rendu le 7 janv. 1998 qui estimait, à juste titre, en raison de la rédaction initiale de l’article 954 du Code de procédure civile, que le défaut de récapitulation des moyens ne pouvait permettre de considérer que les prétentions étaient aussi regardées comme abandonnées, en dehors de tout renoncement exprès ou implicite ; le juge ne pouvait se permettre de ne retenir que les seules prétentions formulées dans les dernières conclusions. Cette jurisprudence semble caduque : dès lors que des prétentions n’auront pas été reprises dans les dernières conclusions, elles devront être considérées comme abandonnées.

2) La volonté d’accélérer et d’améliorer l’instruction des affaires civiles

Le décret du 28 décembre 1998 a introduit, dans le Code de procédure civile, un article 155-1 qui permet au président d’une juridiction d’installer un juge spécialisé dans le contrôle de l’exécution des mesures d’instruction confiées à un technicien. L’initiative en reviendra au président de chaque juridiction qui jugera si l’intérêt d’une bonne administration de la justice dans sa juridiction justifie la création de ce juge. Si cette décision est prise, cela ne signifie pas que ce juge se verra confier le contrôle de toutes les mesures d’instruction confiées à un technicien. En effet, le décret maintient en vigueur l’article 155 du Code de procédure civile, dont les deux premiers alinéas prévoient que le contrôle de ces mesures est confié au juge qui a ordonné la mesure (al. 1er) ou, en cas de mesure ordonnée par une formation collégiale, au juge chargé de l’instruction et à défaut, au président de cette formation s’il n’a pas été confié à un membre de celle-ci (al. 2). C’est seulement si le juge chargé de l’instruction ou la formation collégiale le décident que le contrôle sera confié au juge spécialisé (art. 155, al. 3 nouveau, issu de l’art. 4 du décret). On peut penser que le président qui aura instauré un juge spécialisé veillera à ce qu’il soit abondamment pourvu en mesure d’instruction à contrôler.

Plusieurs dispositions viennent accroître les obligations qui incombent à l’expert ou aux parties dans le but de rendre l’expertise plus rapide et moins coûteuse. Ainsi, l’expert devra dorénavant informer le juge non seulement de l’avancement de ses opérations, mais aussi « des diligences par lui accomplies » (art. 273 CPC). Quant aux parties elles seront sanctionnées par la juridiction de jugement en cas de défaut de communication de documents à l’expert. En effet, la juridiction de jugement pourra « tirer toute conséquence de droit » de ce défaut de communication (art. 275, al. 2 CPC). Enfin, la rémunération de l’expert est, elle aussi, mieux encadrée. En premier lieu, l’article 284 du Code de procédure civile précise « passé le délai imparti aux parties par l’article 282 pour présenter leurs observations, le juge fixe la rémunération de l’expert en fonction notamment des diligences

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accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni ». En second lieu, au cas où le juge envisage de fixer la rémunération de l’expert à un montant inférieur au montant demandé, il doit au préalable inviter l’expert à présenter ses observations (al. 3). On soulignera que la délivrance d’un titre exécutoire par le juge reste prévue (al. 4).

Dans la continuité de l’obligation imposée aux parties de déposer des conclusions qualificatives et, le cas échéant, récapitulatives (art. 753 CPC), les articles 14 et 15 du décret, complètent les articles 761 et 765 pour permettre respectivement au président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ou au juge (ou au conseiller) de la mise en état d’inviter les avocats à mettre leurs conclusions (ou écritures dans l’article 765) en conformité avec les nouvelles dispositions de l’article 753. Ce nouveau pouvoir d’injonction doit être rapproché de l’actuel article 13 du Code de procédure civile qui permet au juge d’inviter les parties à fournir les explications de droit qu’il estime nécessaire à la solution du litige. Dans le premier cas, l’invitation du président lui permettra d’utiliser le circuit court de la conférence avec les avocats pour mettre l’affaire en état ; dans le second cas, le juge (ou le conseiller) de la mise en état pourra parvenir plus rapidement à une clôture de l’instruction.

Enfin, le décret du 28 décembre 2005 a institué au stade de l’instruction un calendrier de la mise en état. Ce calendrier de la mise en état ne constitue pas à proprement parler une création du décret, dans la mesure où il institue une procédure déjà enclenchée par la pratique depuis de nombreuses années (« calendrier de procédure ») (voir les articles 763,783 et 910 du CPC). L’objectif poursuivi a été d’assurer la constance d’un certain rythme du procès civil, au besoin en procédant à des armes dissuasives, telle que la radiation du rôle. En effet, bien avant le décret de 2005, il avait été admis la possibilité pour les parties, eu égard au principe dispositif de procéder à la régulation du temps du procès, au besoin par un retrait conventionnel du rôle (Ass. plén. 24 nov. 1989 : « au cas où les parties considèrent de leur intérêt d’éviter ou de différer une solution judiciaire, elles ont la possibilité de suspendre le cours de l’instance en formant une demande conjointe de radiation, laquelle s’impose au juge » ; les juges auraient cependant dû utiliser le terme de retrait…).

3) La création d’une véritable justice civile de l’urgence

Plusieurs dispositions dessinent, si on les rapproche, l’ébauche d’une véritable justice de l’urgence.

L’article 811 du Code de procédure civile améliore sensiblement la technique de la passerelle entre la procédure de référé et la procédure au fond devant le tribunal de grande instance. Désormais, le juge des référés peut directement fixer dans son ordonnance de non-lieu à référer la date de l’audience au fond, sans qu’une nouvelle assignation soit nécessaire, puisque « l’ordonnance emporte saisine du tribunal ». La passerelle doit être demandée par l’une des parties et être justifiée par l’urgence. Le juge doit veiller à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense. Pour la constitution d’avocat par le défendeur et pour le déroulement de l’audience, l’article 811 renvoie respectivement aux dispositions des articles 790 et 792.

Aux termes de l’article 905 du Code de procédure civile, lorsque l’affaire semble présenter un caractère d’urgence ou être en état d’être jugée, le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande de l’une des parties, « fixe à bref délai l’audience à laquelle elle sera

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appelée ». Le texte ne se contente donc plus d’une fixation aux « jour et heure auxquels l’affaire sera appelée ». Il est clair que les rédacteurs du décret ont voulu renforcer la possibilité offerte aux parties et au président d’accélérer en appel le jugement des affaires urgentes (en apparence au moins) ou en état d’être jugées (en apparence aussi). La seule difficulté consistera à trouver une date d’audience à bref délai pour toutes les affaires qui répondront à l’une de ces conditions. À force de créer des procédures accélérées on s’apercevra vite que tout est urgence et que les disponibilités des juridictions ne permettront pas de répondre aux demandes.

II - Actualité

Civ. 2e, 13 oct. 2016, n° 15-25.995 : Dans le cadre de cette espèce, le litige opposait une société à des époux. La première a interjeté appel à l’encontre du jugement de première instance. Les intimés ont déféré à la cour d’appel l’ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré cet appel recevable. Pour déclarer l’appel irrecevable, la cour d’appel a relevé d’office une fin de non-recevoir. Elle a retenu que la voie de l’appel incident avait été ouverte à la société, dans les conditions prévues par l’article 550 du Code de procédure civile, sur l’appel principal précédemment formé par les époux. Toutefois, cette société s’était trouvée forclose en son appel incident pour s’être abstenue de le former dans le délai de deux mois qui lui était imparti, en sa qualité de partie intimée, par l’article 909 du Code de procédure civile. Elle n’était donc pas recevable à relever appel principal du jugement précédemment attaqué par le couple. La Cour de cassation censure les juges du fond sur le fondement de l’article 16 du Code de procédure civile. Le juge doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations. Ainsi, en relevant d’office la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel principal soulevé par la société intimée sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, au motif inopérant qu’elle avait déjà été débattue devant le conseiller de la mise en état, alors que les parties adverses avaient conclu à la recevabilité de l’appel principal de la société dans leur requête en déféré, la cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile

Civ. 1re, 1er juin 2016, n° 15-13.221, Office du juge et recherche de la loi étrangère applicable : La Haute cour affirme qu’« Il incombe au juge français, qui reconnaît applicable un droit étranger, d’en rechercher la teneur, soit d’office, soit à la demande d’une partie qui l’invoque, avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ». Pour déterminer quel est l’office du juge à l’égard de la loi étrangère qui est désignée compétente par la règle de conflit de lois applicable au litige, il faut établir une distinction fondamentale, qui repose sur la nature des droits litigieux. Lorsque sont en jeu des droits indisponibles, le juge doit, d’office, appliquer la règle de conflit de lois et déterminer le contenu de la loi étrangère désignée (Civ. 1re, 16 sept. 2014, n° 13-20.667), en prenant soin de respecter le principe de la contradiction. Lorsque le contentieux concerne des droits disponibles, il a été jugé qu’il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d’en rechercher, soit d’office soit à la demande d’une partie qui l’invoque, la teneur, avec le concours des parties

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et personnellement s’il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger (Civ. 1re, 28 juin 2005, n° 00-15.734).

Civ. 2e, 19 mars 2015, n° 14-15.740, tribunal d’instance et respect du contradictoire : La procédure étant orale devant le tribunal d’instance, les prétentions des parties doivent être formulées au cours de l’audience. Il appartient donc à la juridiction de renvoyer l’affaire à une prochaine audience pour faire respecter le principe du contradictoire. En l’espèce, des demandes reconventionnelles en paiement de diverses sommes avaient été formulées à l’audience par les défendeurs. Le tribunal d’instance avait déclaré ces demandes irrecevables au motif « que les conclusions contenant ces demandes n’avaient pas été communiquées à cette société qui ne comparaissait pas et que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté ». Sur pourvoi, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse au visa des articles 16 et 446-1 du Code de procédure civile, ensemble les articles 846 et 847 du même code, après avoir rappelé dans un attendu de principe « que, devant le tribunal d’instance, la procédure est orale et que les prétentions des parties doivent être formulées au cours de l’audience ». Elle reproche au tribunal d’instance d’avoir violé les textes susvisés « alors qu’il était régulièrement saisi des demandes soutenues oralement devant lui et qu’il lui appartenait de renvoyer l’affaire à une prochaine audience pour faire respecter le principe de la contradiction ». Dans le cadre d’une procédure orale, c’est à l’audience que le contradictoire doit être respecté. Or, il ressort des termes de l’article 446-1 du Code de procédure civile que « Les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit ». Est ainsi assurée la primauté de l’oral sur l’écrit, ce qui justifie notamment que seules les conclusions écrites, réitérées verbalement à l’audience des débats, saisissent valablement le juge (Civ. 2e, 15 mai 2014, n° 12-27.035). La solution réaffirmée par la Cour de cassation est claire, la procédure orale ne saurait déroger aux principes directeurs du procès et notamment au principe du contradictoire. Le jugement est cassé aux visas combinés des articles 16 et 446-1 du Code de procédure civile, ainsi que des articles 846 et 847 du même code. Relevant que, devant le tribunal d’instance, la procédure est orale et que les prétentions des parties doivent être formulées au cours de l’audience, la Cour de cassation estime que le tribunal avait été régulièrement saisi des demandes soutenues oralement devant lui et qu’il lui appartenait de renvoyer l’affaire à une prochaine audience pour faire respecter le principe de la contradiction. Ici, le tribunal a rejeté les prétentions du défendeur, se fondant sur une méconnaissance du principe du contradictoire tenant à l’absence de communication des conclusions écrites à la partie n’ayant pas comparu. Il est reproché au juge du fond de ne pas avoir assuré le respect du contradictoire en usant de sa faculté discrétionnaire d’ordonner un renvoi de l’affaire (art. 847 CPC) afin que la partie non-comparante puisse prendre connaissance des prétentions formulées, mais ne pouvait en aucun cas les déclarer irrecevables.

Civ. 1re, 4 févr. 2015, n° 13-16.263 et Civ. 1re, 4 févr. 2015, n° 13-19.455, l’assignation doit, à peine de nullité, préciser et qualifier le fait incriminé et énoncer le texte de loi applicable : dans ces deux arrêts, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé les arrêts rendus par les cours d’appel de Bordeaux et d’Aix-en-Provence en énonçant qu’en statuant sur les mérites de l’assignation, alors que celle-ci étant nulle puisque fondée sur une double qualification (ici, loi du 29 juill. 1881 et articles 9 et 9-1 du C. civ.), ces cours d’appel ont violé l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881.

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Com., 20 janv. 2015, n° 13-16.949, Respect de l’objet du litige : Après avoir organisé une procédure d’appel à la concurrence pour le nettoyage courant de ses locaux, une caisse d’allocations familiales a notifié à une société l’admission de son offre, lui impartissant un délai expirant le 26 mars 2013 pour justifier de la régularité de sa situation fiscale et sociale. Estimant que la société n’y avait pas satisfait dans les délais fixés, la CAF lui a notifié le rejet de son offre. Contestant son éviction, la société a introduit une procédure de référé précontractuel. Au visa de l’article 4 du Code de procédure civile, l’ordonnance est cassée, faute, pour le juge des référés, d’avoir respecté l’objet du litige. Pour la Cour de cassation, « en statuant ainsi, alors que les deux parties s’accordaient sur le fait que la demande avait été reçue par la société le 20 mars 2013, le juge des référés a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ».

III – Pour aller plus loin…

- FLISE et JEULAND, Les principes essentiels du procès à l’épreuve des réformes récentes du droit judiciaire privé, Paris, IRJS éditions, 2014 - L’office du juge : entre activité exigée et passivité permise. Réflexions à partir de la jurisprudence récente sur l’article 12 du Code de procédure civile, Procédures 2012. Étude 6 - FOURMENT, Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale, D. 2011, p. 562 - BOLARD, L’office du juge et le rôle des parties : entre arbitraire et laxisme, JCPG 2008, I, 156 - DESHAYES, L’office du juge à la recherche de sens, D. 2008, p. 1102 - DUPICHOT, L’adage « Da mihi factum, dabo tibi jus », Mélanges J.-L. Aubert, Dalloz 2005, p. 425 - MARTIN, Les conclusions qualificatives à l’épreuve ; point de vue de l’avocat, JCPG 1999, no 12, actualité - BOLARD, Les principes directeurs du procès civil. Le droit positif depuis Motulsky, JCPG 1993, I, 3093 - LEBORGNE, L’impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d’un grand principe, RTD Civ. 1996, p. 535 - MARTIN, Réflexion sur l’instruction du procès civil, RTD civ. 1971, p. 279 - MOTULSKY, Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile, Mélanges en l’honneur de Paul Roubier, 1961, tome 2, p. 175.