théorie de signialisation.pdf

8
29 GÉRER ET COMPRENDRE JUIN 2002 N°68 L e risque est au centre même de l’activité bancai- re et on ne peut guère étudier celle-ci sans le prendre en considération. On le peut d’autant moins que le montant du prêt est élevé et de long terme. Les projets d’investissement du type de la construction d’une centrale thermique en Espagne, de la mise en place d’un système de recyclage de verre en Estonie ou de la construction du Tunnel sous la Manche, outre qu’ils ont tous un objectif, des moyens, un responsable, des délais [Claisse 1990, Hirschman, 1967], ont en effet en commun d’être ris- qués, coûteux et d’exiger un long délai de retour sur investissement. Ils représentent donc un risque consi- dérable et, par là même, un problème de financement. Du fait de ces caractéristiques, et parce que les retom- bées de ces projets intéressent les États, un secteur ASYMÉTRIES D’INFORMATION ET ORGANISATION BANCAIRE : LE CAS D’UNE BANQUE D’INVESTISSEMENTS SPÉCIALISÉE Il y a toujours risque à entreprendre, voire simplement à décider, et cela pousse chacun à justifier ses choix et à se protéger autant que possible. Cette dimension anxiolitique, inhérente à tout processus de choix, impose alors aux décideurs de mettre en œuvre des mécanismes de protection variés, parfois internalisés. Développer l’analyse d’un système dont la fonction principale est de gérer un risque élevé, c’est donc, selon les auteurs, insister bien davantage sur ces mécanismes qu’interroger la nature des rationalités à l’œuvre dans les choix concrets. Le risque étant au centre même de l’activité bancaire, c’est à travers l’exemple d’une banque européenne d’investissements qu’ils développent cette approche originale des mécanismes de décision mis en oeuvre dans les financements de grands projets. PAR UTZ HOESER, PROFESOR INVESTIGADOR - UNIVERSIDAD ARGENTINA DE LA EMPRESA, BUENOS AIRES - CHERCHEUR ASSOCIÉ AU CSO, PARIS, ET VINCENT SIMOULIN, CHERCHEUR AU LEREPS - UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES DE TOULOUSE RRÉALITÉS MÉCONNUES

Transcript of théorie de signialisation.pdf

29GÉRER ET COMPRENDRE • JUIN 2002 • N°68

L e risque est au centre même de l’activité bancai-re et on ne peut guère étudier celle-ci sans leprendre en considération. On le peut d’autant

moins que le montant du prêt est élevé et de longterme. Les projets d’investissement du type de laconstruction d’une centrale thermique en Espagne, dela mise en place d’un système de recyclage de verre enEstonie ou de la construction du Tunnel sous la

Manche, outre qu’ils ont tous un objectif, desmoyens, un responsable, des délais [Claisse 1990,Hirschman, 1967], ont en effet en commun d’être ris-qués, coûteux et d’exiger un long délai de retour surinvestissement. Ils représentent donc un risque consi-dérable et, par là même, un problème de financement.Du fait de ces caractéristiques, et parce que les retom-bées de ces projets intéressent les États, un secteur

ASYMÉTRIESD’INFORMATION ET ORGANISATIONBANCAIRE : LE CASD’UNE BANQUED’INVESTISSEMENTSSPÉCIALISÉEIl y a toujours risque à entreprendre, voire simplement à décider, et celapousse chacun à justifier ses choix et à se protéger autant que possible.Cette dimension anxiolitique, inhérente à tout processus de choix, impose alors auxdécideurs de mettre en œuvre des mécanismes de protection variés, parfoisinternalisés. Développer l’analyse d’un système dont la fonction principale est degérer un risque élevé, c’est donc, selon les auteurs, insister bien davantage sur cesmécanismes qu’interroger la nature des rationalités à l’œuvre dans les choixconcrets. Le risque étant au centre même de l’activité bancaire, c’est à traversl’exemple d’une banque européenne d’investissements qu’ils développent cetteapproche originale des mécanismes de décision mis en oeuvre dans lesfinancements de grands projets.

PAR UTZ HOESER, PROFESOR INVESTIGADOR - UNIVERSIDAD ARGENTINA DE LA EMPRESA, BUENOS AIRES -

CHERCHEUR ASSOCIÉ AU CSO, PARIS,

ET VINCENT SIMOULIN, CHERCHEUR AU LEREPS - UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES DE TOULOUSE

RR

ÉALI

TÉS

MÉC

ON

NU

ES

bancaire spécialisé dans le financement de ce type deprojets d’investissement s’est développé. Créées, leplus souvent, par un État ou un groupe d’États dansle but de mettre à la disposition des entreprisespubliques et privées des sources importantes de finan-cement à long terme, ces institutions bancaires finan-cent le plus souvent exclusivement de grands projetsindustriels et elles n’ont pas de guichets pour accueillirdes clients individuels. Leur propre source de finance-ment est généralement l’émission d’obligations. Fontpartie de ce type de banque des institutions comme laBanque Européenne d’Investissement au Luxembourg, laSociété Financière Internationale à Washington, laKreditanstalt für Wiederaufbau à Francfort, la BanqueAsiatique de Développement à Manille, etc.Bien que ce secteur bancaire spécialisé présente unintérêt particulier en matière d’étude des modes degestion du risque, c’est-à-dire du rapport entre uneorganisation et son environnement, il a été peu étudiédans cette perspective, tout du moins du point de vueorganisationnel. Traditionnellement les marchésfinanciers, dont les banques constituent un acteur,sont un champ d’investigation pour les économistes.Et, de fait, ceux-ci ont exploré le problème du risquesous l’angle des moyens par lesquels une banque peutmaîtriser son rapport à son environnement le plusimmédiat, c’est-à-dire ses clients, actuels ou poten-tiels, et leurs projets.Ils n’ont, en revanche, pas cherché à explorer l’in-fluence des autres paramètres de l’environnement dela banque sur lesquels le client pouvait éventuellementinfluer. C’est cette question que nous aimerions com-mencer à poser à partir de l’étude approfondie d’unebanque d’investissement spécialisée. Elle nous per-mettra de montrer que la gestion de la relation auclient, certes essentielle, s’insère dans toute une sériede rapports organisationnels qui ont pour fin princi-pale de la contrôler et, accessoirement, de protégertous les acteurs bancaires des conséquences d’uneéventuelle erreur dans la gestion du client. Outrequ’elle nous donne une vue plus précise et plus com-plète du fonctionnement d’une banque d’investisse-ment spécialisée et de la façon dont elle s’organisepour contenir le risque, cette analyse nous permettraaussi de proposer quelques éléments de réflexion, deportée plus générale, autour de la question des rap-ports entre une organisation et son environnement.

L’ANALYSE ÉCONOMIQUE DES BANQUES FACE À LEUR ENVIRONNEMENT

La théorie macroéconomique moderne - ou, dumoins, les rares ouvrages de ce courant qui s’intéres-sent aux banques - a mis l’accent sur le rôle des tauxd’intérêt dans la régulation des marchés de prêts àrisque [voir, par exemple : Dornbusch, Fischer et

Startz, 1998]. Les banques, en tant qu’organisationsdotées de volontés et de contraintes propres, n’y figu-rent pas. Dans ces modèles, une banque remplit sur-tout sa fonction de multiplicateur de crédit, c’est-à-dire qu’elle emprunte des fonds à court terme etaccorde des prêts à long terme pour des investisse-ments productifs. Nous n’y trouvons aucun rensei-gnement sur la façon concrète dont une banqueaccorde ces prêts. Nulle part il n’est question des cri-tères qu’appliquerait une banque pour choisir entreplusieurs projets. C’est le taux d’intérêt qui régule lademande.Il a pourtant été constaté, de manière répétée, que lesbanques n’augmentaient pas toujours le taux d’intérêtqu’elles consentent à leurs clients pour empêcher lademande de crédit d’être supérieure à l’offre. L’apportde la théorie microéconomique récente, notammentle courant qui incorpore les évolutions de la théorie del’information [pour une synthèse, toujours excel-lente : Hirshleifer et Riley, 1979], est de tenter d’enrendre compte et d’aller au-delà de la mise en valeurdu rôle des taux d’intérêt. Les banques y figurent entant qu’organisations capables de juger une situationdonnée et de décider d’accorder ou non des prêts.Partant du constat que l’information sur les marchésn’est pas toujours parfaite et gratuite, ce courant est àl’origine de concepts bien connus comme le hasardmoral, la sélection adverse, la signalisation, le scree-ning, l’agence et bien d’autres. Ces concepts ont, de fait, trouvé un de leur plusgrands domaines d’application dans le secteur de l’in-termédiation financière. Le secteur bancaire est eneffet fortement caractérisé par une asymétrie d’infor-mation, en l’occurrence entre les créanciers et les débi-teurs, ces derniers connaissant toujours mieux que lespremiers le niveau de risque d’un projet. Malgré l’ab-sence d’une véritable théorie de l’intermédiationfinancière, ce courant a proposé une analyse convain-cante du phénomène qui nous intéresse ici, en s’ap-puyant sur les concepts de hasard moral et de sélec-tion adverse [Stiglitz et Weiss, 1981].L’analyse en termes de sélection adverse repose sur leconstat qu’en augmentant leurs taux d’intérêt, lesbanques feraient indirectement une sélection entre lesprojets d’investissement qu’on leur demande de finan-cer. Seuls les clients soumettant des projets avec un ren-dement supérieur seraient toujours intéressants. Or,dans la théorie économique, un rendement supérieurest toujours associé à un risque de non-réussite plusélevé. Les banques risqueraient donc de se retrouveravec des projets à haut risque. Leur réaction pourraitalors être contre intuitive : elles feraient un choix plussélectif entre les projets tout en gardant les taux actuels. Stiglitz et Weiss notent qu’une lecture de la situationà travers la théorie du « hasard moral » amène aumême résultat, bien que le raisonnement soit légère-ment différent : face à une augmentation des tauxd’intérêt, les demandeurs de prêts maintiendraient

RR

ÉA

LIT

ÉS

CO

NN

UE

S

GÉRER ET COMPRENDRE • JUIN 2002 • N°6830

leur demande mais, afin de compenser les taux d’in-térêt plus élevés, augmenteraient aussi le risque deleurs projets.Plusieurs solutions sont possibles pour répondre à lasituation décrite par Stiglitz et Weiss. Le client d’unebanque peut démontrer la qualité de son bilan enfournissant des analyses externes par des agencesdites de rating (théorie de la signalisation). Il peutaussi offrir des garanties. Il peut, plus simplement,espérer que sa réputation, son brand name capital, luipermette d’obtenir ces crédits [Arnoud et al, 1993].D’autre part, la banque, elle aussi, peut intervenir,en faisant du screening. Elle peut par exemple offrirdes contrats de crédit qui exigent une participationde fonds propres légèrement augmentée. Les projetsrisqués pourraient ainsi être éliminés, car le clienthésiterait à mettre plus de fonds propres dans unprojet risqué, se retirerait du marché et révèleraitalors la vraie nature de son projet. La banque peutaussi essayer de cultiver une relation à long termeavec de futurs clients pour mieux les connaître avantde leur accorder des prêts [Green et al, 1995].

Autrement dit, en choisissant de financer un projetd’investissement, une banque ne tiendra pas unique-ment compte des critères financiers du projet analy-sables a priori, mais aussi de l’intention des gérants.Ces derniers détiennent généralement plus de ren-seignements sur le niveau de risque d’un projet quela banque et sont même capables de modifier ceniveau. Mais comme le simple fait d’augmenter les taux d’inté-rêt afin de réduire les demandes de financements à unniveau acceptable pourrait modifier les intentions desclients au désavantage de la banque, il lui est beaucoupplus profitable de faire usage de mécanismes de réduc-tion d’incertitude que sont le rating et le screening. Entenant compte de certains signaux, une banque détientalors des critères de choix entre les projets.Si l’on applique ce raisonnement à l’étude concrèted’une banque de développement régional, on devraitdonc logiquement être conduit à accorder une impor-tance privilégiée à l’acteur qui, au sein de la banque, gèrela relation au client : le chargé de crédits [Eccles etCrane, 1987]. L’étude empirique d’une banque régiona-

UT

ZH

OE

TZ

ET

VIN

CE

NT

MO

UL

IN

GÉRER ET COMPRENDRE • JUIN 2002 • N°68 31

Initialement démontré par Arrow [1963] dans unarticle portant sur le secteur d’assurance des soinsmédicaux, le « hasard moral » est défini comme« toute mauvaise allocation de ressources qui résulte del’assurance de risques par des contrats d’assurance nor-maux » [Marshall, 1976, p. 880]. Plus générale-ment, le hasard moral désigne une situation danslaquelle de futurs paiements liés à un contrat peu-vent être influencés par des actions d’un agent,actions qui sont postérieures à la signature ducontrat et qui ne sont pas toujours directementobservables par l’autre agent. Ainsi Arrow avaitremarqué que le volume de soins médicaux étaitfonction du nombre de personnes en possessiond’une assurance maladie. Autrement dit, une per-sonne qui aurait souscrit un contrat d’assuranceaurait plus facilement tendance à consulter sonmédecin, étant donné l’absence de coûts d’une telleaction après la signature du contrat.Formalisée quelques années plus tard [voir notam-ment Akerlof, 1970], la notion de « sélection adver-se » désigne une situation dans laquelle les acheteursd’un bien ne peuvent observer que la qualitémoyenne des biens. Les vendeurs de biens de bonnequalité se sentent insuffisamment récompensés parun prix moyen et se retirent du marché. Ne restentsur le marché que les biens de mauvaise qualitéqu’Akerlof appelle les « lemons ». Il fournit entreautres l’exemple du marché des voitures d’occasionet explique ainsi la grande différence de prix entreles voitures neuves et les voitures d’occasion.

Les deux concepts de hasard moral et de sélectionadverse sont des concepts voisins qui partent tousles deux d’une situation caractérisée par une asymé-trie d’information et la présence sur un marché debiens ou d’agents dont la qualité n’est pas homogè-ne, voire indéterminable. La différence entre lesconcepts est de nature temporelle. Alors que lasélection adverse part d’une situation avant la signa-ture d’un contrat, le hasard moral intervient après lasignature d’un tel contrat. Dans le cas de la sélectionadverse il s’agit de faire le choix entre des biens oudes agents qui vont rester les mêmes après la signa-ture du contrat, mais qui ne révèleront leur vraienature qu’après la signature. Une situation de hasardmoral est quant à elle caractérisée par le fait que lesagents peuvent changer de comportement après lasignature du contrat.Les deux cas posent problème pour un décideur, cardans le premier il ne sait pas s’il a choisi les bonsagents et dans le deuxième il ne sait pas commentles agents choisis vont évoluer. Les auteurs des deuxtextes clés, Arrow et Akerlof, ont toutefois proposédes «solutions» dont les plus citées sont connuessous les noms de « signalisation » et de « screening ».Par signalisation on entend le fait qu’un agent émetdes signes pour indiquer sa qualité ou la qualité deses biens à un autre agent. Le screening désignel’identification « de la qualité d’un bien parmi ungrand nombre de biens de qualité différente » [Stiglitz,1973, p. 355] par celui qui est intéressé par le choixentre ces biens.

LES CONCEPTS DU HASARD MORAL ET DE LA SÉLECTION ADVERSE

le d’investissement (1), la Testbank, nous montre pour-tant que, si cet acteur est effectivement essentiel, uneanalyse qui se fonderait trop exclusivement sur les théo-ries du hasard moral ou de la sélection adverse mécon-naîtrait l’action - tout aussi importante - d’autres acteursqui entourent et protègent le chargé de crédits. À telpoint que comprendre dans le détail les véritables modesde gestion des risques qui sont utilisés par les banquesd’investissement spécialisées suppose en fait de dévelop-per une approche organisationnelle du risque bancaire.

UNE BANQUE RÉGIONALE D’INVESTISSEMENT :LA TESTBANK

La Testbank (2), est une banque internationale fondéeil y a vingt-cinq ans par un petit nombre de pays pourpromouvoir l’intégration de leurs économies. Ces paysforment, par ailleurs, une communauté d’États quicoopèrent dans des domaines aussi divers que la poli-tique économique, l’harmonisation des systèmes juri-diques, la politique culturelle, etc. La base formelle decette coopération est un traité qui explicite les buts duConseil Régional et du Conseil Régional desMinistres, les deux institutions clefs du dispositif decoopération de la région. Le Conseil Régional est unforum de consultation et de discussion au niveau desparlements avec droit de recommandation au ConseilRégional des Ministres, institution autorisée à prendredes décisions contraignantes en matière de coopéra-tion. La Testbank, personne morale indépendante, estissue de ce dispositif. Le Conseil Régional desMinistres détient toujours la possibilité de changer lesstatuts de la banque, d’augmenter son capital ou de laliquider. Pour le reste, tout le pouvoir est réuni dans leConseil d’Administration, instance où chaque pays dela région est représenté par deux membres à vote égal.Les membres sont pour la plupart des hauts fonction-naires des ministères nationaux de l’Économie.La Testbank accorde des prêts aux projets d’investisse-ment du secteur privé et du secteur public. Elle est cen-sée faire du profit et elle est en effet profitable : elle gèreun portefeuille équivalant à plusieurs dizaines de mil-liards d’euros. Ses statuts prévoient qu’elle accorde desprêts pour des projets qui contiennent un élémentd’« intérêt régional », qui favorisent donc la coopérationéconomique entre des entreprises de la région. Ce cri-tère est considéré comme atteint si un projet est dansl’intérêt d’au moins deux pays de la région : citons lesexemples de joint-ventures entre deux entreprises dedeux pays de la région, la construction d’une centralethermique alimentant le réseau électrique commun oula construction, dans un pays membre, d’une usinedont la plupart des fournisseurs proviennent d’un autrepays de la région. Il est également admis qu’un seulpays de la région puisse bénéficier d’un financement sison projet vise à améliorer l’environnement.

La structure interne de la Testbank est assez simple :une centaine de personnes est répartie entre une divi-sion du Prêt, chargée d’accorder des prêts, une divi-sion de la Trésorerie, chargée d’emprunter des fonds,et plusieurs services centraux, comme les Études, lesRessources Humaines, l’Audit Interne, etc. La divi-sion du Prêt est la plus grande et comporte, non seu-lement les chargés de crédit (répartis géographique-ment), mais aussi un petit nombre de juristes etd’administrateurs de crédit. Un comité de direction,composé de six directeurs, est chargé de la gestionquotidienne de la Testbank et sert aussi de comité de

AL

ITÉ

S M

ÉC

ON

NU

ES

GÉRER ET COMPRENDRE • JUIN 2002 • N°6832

Le plus souvent créés par un état ou un groupe d’états dans le but demettre à la disposition des entreprises publiques et privées des sourcesimportantes de financement à long terme, les banques d’investissementsfinancent le plus souvent exclusivement de grands projets industriels.

(1) Nous avons réalisé cette étude entre 1994 et 1996 grâce à une cin-quantaine d’entretiens semi-directifs menés auprès d’agents de tous lesniveaux hiérarchiques et de toutes les fonctions de cette banque d’inves-tissement et de ses clients, concurrents, co-financiers, administrateurs,etc. Sur les concepts et les méthodes qui correspondent à cette approche,on pourra utilement consulter Crozier-Friedberg [1977].(2) Nous sommes malheureusement contraints de ne pas révéler la vraieidentité de cette institution. De très légères modifications ont été appor-tées à la description de la banque.

crédit interne à la banque. Le Conseil d’administra-tion se réunit une fois par mois et décide, en dernièreinstance, des projets d’investissement à financer et desdécisions stratégiques.Le constat central de l’analyse organisationnelle de laTestbank est qu’elle est constituée de trois sphères dif-férentes, dont il est important de comprendre lesacteurs, les enjeux et les interactions avant de fournirune explication du fonctionnement de l’ensemble duprocessus de choix de projets. Ces sphères sont lasphère client, la sphère financière et la sphère poli-tique. Elles correspondent aux trois marchés avec les-quels la Testbank est en contact : le marché commer-cial, le marché financier et le marché politique.

La sphère « client »

Selon ses statuts, la tâche principale de la Testbank estd’accorder des prêts à ses clients. Dans la sphèreclient, nous retrouvons tous les acteurs liés à cettetâche. Son acteur principal est effectivement le chargéde crédit, qui gère la relation au client, évalue la qua-lité des projets et en particulier le degré de risque

qu’ils impliquent. C’est cet acteur qui est en contactpermanent avec ses clients, leur propose des prêts dif-férents selon leurs besoins, se renseigne sur leurs pro-jets et les évalue, répond à leurs questions, etc. C’estlui aussi qui rédige les rapports d’évaluation des pro-jets retenus pour être analysés plus profondément.Finalement, c’est lui qui présente le projet à ses supé-rieurs. Il suit un projet du début à la signature ducontrat de prêt et se charge même des rapports demise en place du projet : il est un véritable gestion-naire de projet. C’est l’acteur qui fait le screening, quirecueille les renseignements sur les clients, les jauge etfinalement arbitre entre les nécessités antagonistes demaximiser les prêts pour assurer des profits et deminimiser les risques de non-remboursement. C’estl’acteur considéré comme central par la littératureéconomique et ce, à juste titre, à cette seule - maisimportante - réserve qu’elle l’abandonneun peu à lui-même et néglige, à notre sens, par trop les acteurs quil’entourent et l’organisation dans laquelle il s’insère. Malgré l’importance du chargé de crédit, l’étudeempirique conduit en effet à réévaluer celle des autresacteurs internes à cette sphère client : les juristes, lesanalystes et les administrateurs. Leur travail est d’unegrande importance pour les chargés de crédit, car ilspermettent de réduire le risque des projets. Les juristesaident à la rédaction des contrats de prêts et en assu-rent la vérification alors que les administrateurs élimi-nent les risques administratifs et s’occupent du travailpost-signature. Les analystes permettent d’obtenir uneévaluation approfondie des risques précis spécifiques àcertains clients.Ces trois acteurs interviennent à des étapes différentesdu processus de préparation d’un projet sur demandedes chargés de crédit. Ils travaillent principalementavec ceux-ci mais ils ne sont pas en contact entre eux.Si l’on adopte la perspective des chargés de crédits, ilsfont partie d’une sorte de chaîne de production ayantpour but la réduction des risques. Ils représentent ànotre sens une double assurance contre de faux juge-ments des chargés de crédit : ils les protègent, en effet,des foudres de la direction en cas de non rembourse-ment d’un prêt mais ils garantissent aussi à la direc-tion que l’impératif de volume n’a pas été sacrifié àcelui de la sécurité.Il existe en effet une direction et elle est importante.Les directeurs de la Testbank sont les supérieurs directsdes chargés de crédit et décident formellement du sortdes projets qui leur sont présentés par ces derniers, surla base des analyses financières, de marché, d’intérêtrégional et de faisabilité des projets. Ils tiennent éga-lement compte de l’équilibre du nombre de projetspar région, car les pays membres, de taille différente,ne contribuent pas tous de la même façon au capitalde la banque et veulent donc obtenir « leur justeretour » des prêts. Les chargés de crédits anticipent cecritère d’équilibre et présentent un nombre « accep-table » de projets par pays au Comité de Crédit.

UT

ZH

OE

TZ

ET

VIN

CE

NT

MO

UL

IN

GÉRER ET COMPRENDRE • JUIN 2002 • N°68 33

AGIP©Rue des archives

La sphère financière

Sont l’objet de cette seconde sphère les activités de laTestbank sur le marché financier. Ses acteurs princi-paux sont les dealers, dont le travail consiste à emprun-ter sur le marché financier les fonds que les chargés decrédit vont prêter aux clients de la banque. Disposantde fonds considérables, les dealers peuvent pour la plu-part gérer leurs opérations indépendamment desbesoins du côté prêt. En interne, leur activité est néan-moins soumise à deux contraintes : celle du volume etcelle de la sécurité. Un certain niveau d’opérationsd’emprunts est en effet nécessaire pour satisfaire lesbesoins des chargés de crédit mais, plus encore quepour ces derniers, une faute d’analyse peut - sur uneseule opération - entraînerla perte de plusieurs mil-lions d’euros et effacer lesbénéfices de l’année.Des contraintes de sécuri-té sont donc fixées par lesstatuts de la banque, quiconcernent les risques dechange, de maturité et decontrepartie. En effet, lesrésultats financiers sontrepris par les agences ditesde rating qui évaluent lesemprunteurs sur le mar-ché financier et leur don-nent des notes. Son ratingexcellent joue un rôle pri-mordial pour la Testbank,car elle est relativementpetite par rapport àd’autres banques interna-tionales et a besoin d’unbon score pour néanmoinspouvoir emprunter à destaux favorables (3) et doncsurvivre dans la concur-rence avec d’autres institu-tions.Contrairement aux char-gés de crédit, les opéra-tions des dealers ne peu-vent pas être contrôlées exante par les directeurs. Lemarché financier nécessitedes décisions instantanées.Est donc à la dispositiondes dealers tout un disposi-tif d’analyse et de contratscadres pour fixer un cadrequi permette de minimiserle risque d’une mauvaiseopération. Des analystes,par exemple, font des ana-

lyses en permanence de toutes les opérations poursavoir s’il convient de continuer la collaboration avectel ou tel acteur financier. Les juristes établissent descontrats cadres avec les contreparties les plus souventutilisées, afin de faciliter les opérations quotidiennestout en maintenant un standard de sécurité.L’étude empirique conduit par conséquent à quelquepeu relativiser le rôle du dealer, certes dans unemoindre mesure qu’en ce qui concerne le chargé decrédits. Mais dans les deux cas, l’acteur central, celui

AL

ITÉ

S M

ÉC

ON

NU

ES

GÉRER ET COMPRENDRE • JUIN 2002 • N°6834

En ce qui concerne la sphère politique, le constat majeur est que la Testbank n’a pas d’objectifs clairs.

Jean

Gau

my /

Mag

num

Pho

tos

(3) Un bon score est signe pour le marché qu’un emprunteur va proba-blement pouvoir rembourser le montant de l’obligation. Cela se traduitpar des taux d’intérêt favorables et donc des coûts de financementmoindres pour l’emprunteur.

qui est en rapport avec le marché, est couvert - autantque faire se peut - contre les risques inhérents à sonactivité et cette protection qu’on lui accorde permetréciproquement à la banque et à ses directeurs de seprotéger eux-mêmes.

La sphère politique

En ce qui concerne la sphère politique, le constatmajeur est que la Testbank n’a pas d’objectifs clairs. Lefait que sa mission soit l’intégration des pays de larégion n’y change rien, car cela reste très vaste. Les paysfondateurs ne donnent à la Testbank ni directives expli-cites, ni critères d’évaluation quantifiables. Le person-nel de la banque ressent ce vide et cette absence d’ob-jectifs opérationnels. L’incertitude règne parmi leschargés de crédit et le Directeur Général de la Testbanklui-même se limite au constat suivant : « Notre rôle (...)c’est de montrer notre utilité aux pays et aux clients ». Uneincertitude pèse aussi sur le sort de la banque car lacrainte diffuse est toujours présente que des négocia-tions ne soient entamées sur sa suppression ou safusion avec une autre banque régionale d’investisse-ment plus grande couvrant une région voisine.Le seul consensus parmi le personnel de la Testbanksemble concener la volonté de maintenir l’indépen-dance de l’institution et de trouver des raisons pour lajustifier. Dans ce débat politique, ce sont les directeursde la banque qui jouent le rôle clé. Ils sont l’interfaceentre la banque, le Conseil d’Administration et leConseil Régional représentant les États fondateurs.C’est aux directeurs d’interpréter le message qu’ilsestiment percevoir chez les hommes politiques. Danscet exercice d’interprétation, il n’y a qu’une chosedont les directeurs soient sûrs et qu’ils transmettentconstamment au personnel : l’importance de la sécu-rité des opérations. Sans elle, la banque s’exposeraitaux critiques certaines des acteurs politiques et elle ris-querait, dans le même temps, de perdre son ratingfavorable, base de ses opérations et de son autonomie.Une norme de sécurité s’est donc développée dansl’interaction entre les directeurs et le personnel.Conscients de leur passage obligatoire devant le comi-té du Crédit, les chargés de crédit savent d’avance surquels critères leurs projets seront jugés. Ils connaissentl’importance de l’aspect sécurité pour les directeurs etanalysent donc plus intensément les risques financierou de marché, les garanties, etc. À travers cet auto-contrôle, une norme est née. Le résultat se voit par-tout dans la Testbank où tout le monde parle de l’im-portance qu’il y a à avoir un rating excellent, à choisirdes clients à bas risque et à demander un maximumde garanties. La menace, il y a quelques années, d’uneagence de rating de baisser son score est restée présen-te à l’esprit de tous. Mais un client de la banque nousdonnera sa version de la sécurité vue par la Testbank :« Ils voulaient éliminer tous les risques. Ils ont exagéré

(...). Ils ont doublé et triplé les garanties qu’ils souhai-taient avoir (...). On était censé leur offrir comme garan-tie l’ensemble de nos actifs et leur fournir une garantiesupplémentaire par la société mère. C’était inaccep-table ».

L’organisation et ses environnements

En reconstruisant le système de la Testbank, onconstate donc que les différentes sphères citées ci-des-sus font partie d’un ensemble qui tourne autour del’incertitude que représente la sécurité des opérations.La sécurité atteint une telle importance du fait de l’ab-sence d’autres objectifs de la part des États fondateurset de la pression du marché financier, qui oblige à gar-der un bon rating. L’acteur clé du côté prêt est certesle chargé de crédit. C’est lui qui est en contact per-manent avec le client (qui est un des facteurs majeursdu risque) et qui fait d’autant plus courir un risquepotentiel pour la Testbank qu’il se sent partiellementévalué sur le volume de son activité (4), objectif géné-ralement antinomique à la sécurité. Il importe toute-fois de noter qu’un système de contrôle s’est dévelop-pé pour cette raison, basé (a) sur une norme desécurité née dans l’interaction entre les clients et lechargé de crédit et (b) sur un contrôle des chargés decrédit par les juristes, analystes et administrateurs.La théorie micro-économique met bien en lumièrel’importance et le caractère problématique des rela-tions qui lient les banques et leurs clients. Elle est, dece point de vue, plus proche de la réalité bancaire queles approches qui insistent trop exclusivement sur lerôle des taux d’intérêt. Conformément aux théories dela sélection adverse et du hasard moral, on constate eneffet que la Testbank s’emploie avant tout à réduire lesrisques, à tel point même qu’elle en arrive à ne quasi-ment plus prendre en considération que ce seul élé-ment au sein du diptyque risque/rentabilité, poussantainsi la logique de ces théories à l’extrême. Malgré cesapports, la théorie micro-économique met l’accent surun seul aspect - financier - du client et reste quelquepeu abstraite. Elle souffre d’un relatif manque d’em-pirie dans la description des phénomènes qu’elle ana-lyse et ne nous fournit ni un modèle complet des cri-tères de choix de projets, ni une réponse à la questionde savoir qui les choisit réellement.Contrairement à ce que les études microéconomiqueslaissaient entrevoir, des facteurs organisationnelsinfluent en effet fortement sur les considérations etdécisions des chargés de crédit face à un crédit, unrisque. Il importe aussi d’insister sur le fait que lesdealers sont au moins aussi importants que les chargésde crédits en ce qui concerne la gestion du risque ban-caire et que l’organisation a également pour but essen-

UT

ZH

OE

TZ

ET

VIN

CE

NT

MO

UL

IN

GÉRER ET COMPRENDRE • JUIN 2002 • N°68 35

(4) Dans d’autres banques, une évaluation officielle de l’individu par sonchiffre a effectivement lieu, ce qui aggrave évidemment le problème.

tiel de contrôler leurs opérations. Il convient enfin desouligner que les asymétries d’information mises enévidence par la littérature micro-économique sontégalement associées à une inégale exposition au risquedes différents acteurs, et que les instruments de ges-tion qui contrôlent les chargés de crédit et les tradersont aussi pour fonction de protéger ces derniers.On retrouve ici la vision proposée par Crozier etFriedberg [1977] lorsqu’ils ont développé l’idée quel’environnement ne devait pas être considéré commeun ensemble de facteurs impersonnels et objectifs,mais comme la coexistence de champs cloisonnés, auxexigences contradictoires. Il n’y aurait donc pas, seloneux, adaptation unilatérale de l’organisation à sonenvironnement mais interprétation politique de celui-ci au sein de l’organisation. Ce que Crozier etFriedberg ont surtout développé, c’est finalementl’idée qu’un même environnement peut être perçu dedifférentes façons et, corrélativement, que toute orga-nisation en rapport avec lui dispose d’une assez gran-de liberté d’adaptation. C’est en somme le concept de« slack », de « mou », l’idée que le marché autorise plusde marge de manœuvre et laisse aussi place à plusd’inefficacité qu’on ne l’a cru jusqu’alors. L’autre com-posante de leur vision de l’environnement, c’est-à-direl’idée que celui-ci consiste en une multiplicité dechamps plus ou moins cloisonnés, a donné naissance,par comparaison, à beaucoup moins de développe-ments. C’est cette direction que nous avons explorée ici endécrivant la façon dont une banque d’investissementspécialisée à la fois gère son environnement et s’orga-nise elle-même, en fonction d’un environnement nonpas unique mais consistant plutôt en la coexistenceorganisée de plusieurs espaces. Une telle entrepriseoblige à souligner l’importance de ce que l’on a quali-fié de « technologie invisible » [Berry, 1983], c’est-à-dire des instruments de gestion et en particulier descritères d’évaluation. Notre étude confirme toutd’abord que chaque acteur règle son comportementen fonction des paramètres et des critères sur lesquelsil se sent évalué [Riveline, 1983]. Dans le cas de laTestbank, et malgré les statuts de la banque, l’objectifd’intérêt régional - moins facile à atteindre que lanorme de sécurité - ne préoccupe guère les respon-sables, quand bien même tout dossier se doit de le res-pecter, au moins de façon cosmétique. Notre étude confirme également le risque, pour toutacteur, qu’il y a à entreprendre, voire simplement àdécider ou à choisir, et l’importance pour chacun dejustifier ses choix et de se protéger autant que pos-sible. Cette dimension anxiolitique - pour reprendreles termes de Michel Berry - inhérente à tout proces-sus de choix, impose aux acteurs de mettre en œuvredes mécanismes de protection variés, parfois interna-lisés, autres que le recours aux consultants extérieurs. Développer l’analyse d’un système dont la fonctionprincipale est de gérer un risque élevé, c’est donc insis-

ter bien davantage sur ces mécanismes de protectionqu’interroger la nature de la rationalité, ou des ratio-nalités, à l’œuvre dans les choix concrets. Au fond,c’est sans doute développer davantage une approcheorganisationnelle qu’une modélisation de la décision.

BIBLIOGRAPHIE

ARNOUD W. et al (1993), « Reputation andDiscretion in Financial Contracting », AmericanEconomic Review, n° 83, pp. 1163-1185.AKERLOF G.A. (1970), « The Market for ‘Lemons’ :Quality Uncertainty and The Market Mechanism »,Quarterly Journal of Economics,n° 84, pp. 488-500.ARROW K.J. (1963), « Uncertainty and The WelfareEconomics of Medical Care », American EconomicReview, n° 53, pp. 941-973.BERRY M. (1983), Une technologie invisible ? L’impactdes instruments de gestion sur l’évolution des systèmeshumains, Paris, Rapport du Centre de Recherche enGestion.CLAISSE A. (1990), « La Démarche de Projet.Introduction », Revue française d’administrationpublique, n° 54, pp. 181-185.CRANE D.B. et ECCLES R.G.(1987),« Commercial banks : taking shape for turbulenttimes », Harvard Business Review, novembre, pp. 94-100.CROZIER M. et FRIEDBERG E. (1977), L’Acteur etle système, Paris, Seuil.DORNBUSCH R., FISCHER S. et STARTZ R.(1998), Macroeconomics, New York, McGraw-Hill/Irwin.ECCLES R.G. et CRANE D.B. (1987), « ManagingThrough Networks In Investment Banking »,California Management Review, Automne 1987,pp. 176-195.GREEN G.P. et al (1995), « Embeddedness and capi-tal markets : Bank financing of businesses », Journal ofSocio-Economics, n° 24, pp. 129-150.HIRSCHMAN A.O. (1967), Development ProjectsObserved, Washington, The Brookings Institution.HIRSHLEIFER J. et RILEY J.G. (1979), « TheAnalytics of Uncertainty and Information - AnExpository Survey », Journal of Economic Literature,n° 17, pp. 1375-1421.MARSHALL J.M. (1976), « Moral Hazard »,American Economic Review, n° 66, pp. 880-890.RIVELINE C. (1983), « Nouvelles approches desprocessus de décision », Futuribles, n° 72, pp. 65-77.STIGLITZ J.E. (1973) « The Theory of Screening,Education, and the Distribution of Income »,Quarterly Journal of Economics, n° 87, pp. 355-379.STIGLITZ J.E. et WEISS A. (1981) « CreditRationing in Markets with Imperfect Information »,American Economic Review, n° 71, pp. 393-410.

AL

ITÉ

S M

ÉC

ON

NU

ES

GÉRER ET COMPRENDRE • JUIN 2002 • N°6836