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Théorie des classes et théorie des races, une comparaison avec des digressions sur l'eugénisme, le nationalisme et la migration Les deux notions, aussi bien la "classe" que la "race", ont ou ont eu leur validité. Curieux : il y a 50 ans, en plein milieu de la guerre froide, on aurait été l'objet d'une attaque si l'on avait parlé de "classe", de "théorie des classes", et avant tout de "lutte des classes". Depuis lors, la gauche, surtout après 1968, a dans une large mesure maîtrisé culturellement les sociétés de l'Ouest - et de parler de "classes" sociales n'est plus désuet. Á l'inverse, c'est ce qui est advenu aux "races humaines"… et c'est donc de cela que nous allons parler. Initialement, cet essai devait être intitulé "Racisme et classisme". Mais "classisme" est une création lexicale inconnue et il signifie l'idéologisation de la théorie des classes. Avec la désinence "isme", on désigne fréquemment le contraire d'un concept qui est déclaré comme absolument central. Le "classisme" est un création lexicale qui est issue de la sphère du groupe post-bordiguiste rassemblé autour de la revue Invariance (France) et qui désigne un mouvement politique pour lequel les classes sociales sont le point de départ central pour

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Théorie des classes et théorie des races,

une comparaisonavec des digressions sur l'eugénisme,

le nationalisme et la migration

Les deux notions, aussi bien la "classe" que la "race", ont ou ont eu leur validité. Curieux : il y a 50 ans, en plein milieu de la guerre froide, on aurait été l'objet d'une attaque si l'on avait parlé de "classe", de "théorie des classes", et avant tout de "lutte des classes". Depuis lors, la gauche, surtout après 1968, a dans une large mesure maîtrisé culturellement les sociétés de l'Ouest - et de parler de "classes" sociales n'est plus désuet. Á l'inverse, c'est ce qui est advenu aux "races humaines"… et c'est donc de cela que nous allons parler.

Initialement, cet essai devait être intitulé "Racisme et classisme". Mais "classisme" est une création lexicale inconnue et il signifie l'idéologisation de la théorie des classes. Avec la désinence "isme", on désigne fréquemment le contraire d'un concept qui est déclaré comme absolument central. Le "classisme" est un création lexicale qui est issue de la sphère du groupe post-bordiguiste rassemblé autour de la revue Invariance (France) et qui désigne un mouvement politique pour lequel les classes sociales sont le point de départ central pour l'analyse des sociétés actuelles (et pour intervenir en elles); il s'agissait à l'époque des lutteurs de classe et des ouvriéristes des années 60 et 701. Dans ce qui va suivre, les ouvriéristes et les lutteurs de classe seront désignés sous le terme de "classistes".

C'est la théorie des classes la plus élaborée qui doit prévaloir ici, et de façon exemplaire, et qui doit constituer l'objet de notre examen : celle qui a été développée par Marx dans "Le Capital". L'analyse marxiste du mode de production capitaliste constate que le prolétariat est privé de tous les moyens de production et qu'il est assigné à la vente de sa force de travail pour la vie, et même, dans certaines circonstances, à la simple survie. Les acheteurs de ces travailleurs, ce sont les capitalistes qui possèdent les moyens de production, c'est-à-dire le capital-argent, pour les acheter.

Dans la production industrielle, dans le procès de laquelle les forces productives sociales sont employées, une plus-value est ajoutée aux produits, et donc le travail humain, fourni dans une seule journée de travail, a la propriété de produire plus de valeurs (sous forme de biens, de prestations, de services économiques) que celle qui est comprise dans les moyens de

1 Le groupe en question, qui se situait autour d'Invariance, récusait déjà alors la théorie des classes et la lutte des classes comme (devenues) sans objet. Toutes deux étaient tombées en déshérence, et leur intégralité, ou plutôt leur intégrité, avait été perdue; elles sont devenues de l'idéologie. C'est pourquoi Invariance ne parle plus de théorie des classes, mais de classisme.

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subsistance de toutes sortes qui sont nécessaires (c'est-à-dire qui correspondent à chaque état de civilisation respectif), pendant la même seule journée, à la reproduction de ce travailleur (y compris de sa progéniture, qui le remplacera dans le futur).

Dans les rapports capitalistes, ce surproduit n'est pas volé ou arraché par la violence - comme c'est le cas dans l'économie esclavagiste et dans les rapports féodaux du servage -, mais ce surproduit, c'est le capital, ou plutôt son agent, le capitaliste, qui se l'approprie comme plus-value pour la poursuite du procès d'accumulation de richesse/capital, sans qu'il y ait aucun rapport de violence entre les capitalistes et les ouvriers. Au contraire : il existe entre les deux parties un rapport contractuel de marché2.

C'est là très brièvement exposée la théorie des classes marxiste, la théorie de l'exploitation de la classe ouvrière par le capital.

Á côté de la classe ouvrière (politiquement : le prolétariat) et de la classe capitaliste (politiquement : la bourgeoisie), il y a différentes classes moyennes. Ainsi, les propriétaires de petits magasins et ateliers qui exploitent avant tout leur propre force de travail. Ou bien la classe moyenne moderne qui est active dans la réalisation de la plus-value (et donc pas dans sa production) et dans le vaste environnement de la production matérielle proprement dite.

La classe signifie donc, du point de vue marxiste, non pas simplement : couche sociale, mais elle concerne toujours la position concrète dans le mode de production capitaliste. La notion de prolétariat invite à une délimitation floue en signifiant les démunis, les dépossédés, les abandonnés, ceux qui ne sont pas intégrés dans la société bourgeoise. La classe n'est pas, d'autre part, équivalente à l'"état" comme dans la société pré-bourgeoise (l'état veut dire : être intégré dans un ordre hiérarchique).

Or le classisme met au premier plan dans le marxisme le point de vue de la classe ouvrière et il invoque donc la mission historique assignée par Marx à la classe ouvrière, à savoir de balayer le capitalisme, c'est-à-dire la domination du capital, du procès d'accumulation de la valeur d'échange sur le marché, de collectiviser de manière définitive la société et de mettre fin à l'existence des classes.

Avec cela, ce qui disparaît de la vision de la théorie marxiste, c'est ce qui est en fait le point essentiel de cette théorie; il s'agit de ce germe d'où la valeur d'échange et donc le capital ne peuvent que naître en général, à savoir la transformation en marchandise des biens (entre autres également celle de la force de travail). Cela se produit au cours de l'échange d'équivalents dans lequel les hommes se présentent mutuellement comme des étrangers et où ils nient3 leur communauté en tant que membres de la même ethnie, etc., et en fin de compte en tant que membres de la même espèce "homme". Cette communauté que l'on ne peut pas en fin de compte nier - les hommes sont essentiellement dépendants les uns des autres - est représentée et assumée par l'argent, par la valeur d'échange en soi, par le capital.

"Classisme!" est le reproche d'une fraction subtile du marxisme4 à l'égard des partisans du Proletkult et des marxistes ouvriéristes, qui ne voient pas ou oublient l'aliénation fondamentale qui existe dans le rapport d'échange d'équivalents, avec l'argent comme moyen d'échange et comme compteur de valeur.2 Cependant, les conditions des partenaires au contrat sont tout à fait différentes. Le capitaliste représente un pouvoir dynamique impersonnel, un procès contraint de l'accumulation de capital. Les ouvriers ne représentent rien ni personne, ils doivent vivre et survivre, et ils n'ont pas d'autre choix que de s'engager au service du capital qui possède les moyens de production, de reproduction et de distribution. (C'est là naturellement le cas idéal classique qui constitue l'hypothèse de base de la théorie marxiste; mais il est devenu presque complètement caduc avec l'État social). 3 Les hommes, dans un rapport d'équivalence, veulent se rendre la réciproque. L'équité dans l'échange signifie : « Je ne veux rien avoir à faire d'autre avec toi. Durant un moment, tu m'as intéressé en tant que propriétaire de la marchandise A que je désire, et, vice-versa, je t'ai intéressé en tant qu'offreur de la marchandise B; mais maintenant, l'échange équitable une fois accompli, c'est fini. ». Ce qui outrepasse cette indifférence peut, dans la relation d'équivalence, être à bon droit soupçonnée de n'être rien d'autre que subornation et mensonge. 4 Entre autres, du groupe autour d'Invariance en question.

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Les classistes ou les marxistes ouvriéristes défendent la classe ouvrière. Ils prônent la grève, la lutte pour le gâteau social (et si possible le gâteau tout entier : « Nous voulons tout », était le mot d'ordre des "spontis" dans les années 70 à Francfort-sur-le Main), et ils ne voient pas que la classe ouvrière est intégrée dans le mode de production capitaliste, même si elle se situe dans une certaine contradiction avec le capital-entrepreneur (le "capital" englobe plus que le capital-entrepreneur; le "capital" est davantage qu'une simple catégorie économique!). Et alors, "les" ouvriers d'une lutte concrète ne sont que trop fréquemment les défenseurs exclusifs de leur situation tout à fait spécifique. Les mots d'ordre généraux suivants ne sont presque jamais lancés dans les luttes ouvrières : Á bas le capital! Á bas le travail salarié! Á bas les entreprises! Á bas l'argent! C'est le gros problème avec les classistes : ils représentent un racket social à côté des autres. Les syndicats, y compris les sauvages, et même les plus sauvages d'entre eux, représentent toujours des intérêts particuliers! Les grèves sauvages des ouvriers de la FIAT en 1969 et dans les années 70 n'ont jamais tiré la conséquence absolument nécessaire, celle d'arrêter immédiatement la production destructrice d'automobiles. Non! L'on rêvait d'une automatisation totale et des easy jobs correspondants. Et naturellement le management (il s'agissait alors des Agnelli féodaux) devait être envoyé promener, avec l'aide des Brigades Rouges si possible.

Nous en venons à l'ensemble : prolétariat-lutte de classe-révolution. Pour autant que l'on puisse en dire ici : la classe ouvrière est dissoute en Europe, même objectivement (et donc sans parler d'une conscience de classe communiste!). Les nouveaux pays industrialisés en seront prochainement au même point. Nous n'avons plus qu'une classe moyenne moderne, qui est sans rapport réel avec la production, ou alors qui a un rapport avec elle plutôt très éloigné. Le capitalisme a dissous les classes à sa manière : par l'élimination de la production reposant sur le travail. La théorie marxiste de l'exploitation (de la classe ouvrière par les capitalistes) a déjà perdu antérieurement de son mordant avec l'État social, avec le secteur tertiaire immensément gonflé et avec l'intégration de facto de la classe ouvrière dans la société (bourgeoise5) : là où les travailleurs ont les mêmes valeurs et la même mentalité que les capitalistes, là où les travailleurs s'organisent en groupes de pression puissants qui pensent également de manière capitaliste, comme les syndicats ouvriers, il n'est guère besoin de parler d'exploitation. Et l'"oppression"? Des chiens dressés sont-ils donc à proprement parler opprimés? Eh bien, en réalité : ils se sont détachés de leur nature originelle de loup. Les (post)prolétaires d'aujourd'hui sont-ils opprimés? Á vrai dire : ils vivent de manière très, très éloignée de leurs possibilités (subjectives et objectives) en tant qu'hommes. Mais que faire s'ils nient-ignorent ce potentiel? L'exploitation véritable ne se produit donc que là où les ouvriers ne sont pas totalement d'accord avec l'utilisation en tant que plus-value du surproduit qu'ils ont réalisé, c'est-à-dire quand ils refusent le mode de production capitaliste et aussi l'industrialisme.

La folie du Dr Marx a consisté en ceci qu'il voyait la victoire sur le capitalisme dans l'industrialisation-mécanisation-automation6 totale, et donc dans la révocation définitive de toutes les conditions naturelles et culturelles de l'humanité - ce qui constitue le contenu du projet historique de la "révolution".

La révolution, cela veut dire : l'émancipation de la nature et des conditions sociales et mentales pré-rationnelles de l'homme. La révolution signifie le progrès. C'est le projet qui consiste à assujettir de manière absolue toutes les conditions de ce qui est naturel et culturel à

5 Il ne me vient pas d'autre mot à l'esprit. La bourgeoisie a été autant brisée dans le Première Guerre mondiale que l'aristocratie (celle-ci, de son côté, était devenue mercantile, capitaliste-terrienne, dans les 300 dernières années, et elle ne faisait que se draper dans un décor féodal).6 Le socialisme parachevé, cela veut dire : tout est gratuit, donc ne coûte rien. On ne fait que partager, on ne négocie plus et on ne fait plus de commerce, puisqu'il n'existe plus d'échange en général, mais seulement un "flux". C'est à cela que ressemble la condition préalable du socialisme accompli. Cela nécessite naturellement une automation totale; l'industrialisme et l'automation n'étaient donc pas qu'un caprice de la part de Marx.

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la soumission de l'homme. Il fallait, selon Marx, que ce qui est devienne complètement la production de l'homme7. La critique du capitalisme à la manière de Marx, c'est la critique rationnelle de la prolifération sauvage du "marché" avec ses accidents dévastateurs, les crises. Les rapports sociaux, les conditions de la vie collective et individuelle, devaient devenir, comme les forces naturelles par les sciences de la nature, entièrement maîtrisables, ou du moins gouvernables, par le socialisme (en tant qu'une sorte de science générale de la société). Aucun capital en voie d'autonomisation, aucun appareil de pouvoir devenu despotique, ne devrait jamais plus contrarier la marche de l'évolution et du déploiement ultérieurs de l'humanité - mais également aucune tradition, aucune condition naturelle-impérative!

C'est là le noyau de cette puissante hybris : vouloir mettre l'homme à la place de la nature ou d'une entité transcendante8.

Le socialisme marxiste se comprend comme l'achèvement définitif du fourvoiement humain (après la sortie de l'humanité du communisme primitif), comme la solution de l'énigme de l'humanité posée par le sphinx historique. Plus jamais les vestiges non-recyclés et sauvages des anciennes conditions ne devraient entraver le caractère planifiable absolu des choses!

Il ne faut pas désavouer ici complètement le projet de "révolution". Cependant, le messianisme qui est derrière le projet de "révolution" est dépassé historiquement; donner à réfléchir sur cela est ma plus haute préoccupation.

Passons maintenant à la théorie des races afin d'effectuer une comparaison avec la théorie des classes marxiste.

Dans quelle mesure est-ce justifié? Dans la mesure où, dans les deux cas, un élément constitutif de l'ensemble social est déclaré être un élément-clé. Ici, c'est la "race". La race détermine l'être humain, c'est ce que la théorie des races prétend. Les phénomènes sociaux sont considérés au travers de l'optique de la race. Il existe différentes races humaines que l'on peut distinguer l'une de l'autre selon les critères de la science des races humaines, une branche de l'anthropologie. Ces critères peuvent être morphologiques, physiologiques, psycho-logiques. Les caractères raciaux spécifiques sont ancrés génétiquement (ce qui ne veut pas dire automatiquement "ancré dans les gènes"!), ou éventuellement enracinés aussi quasi-culturellement. C'est pourquoi le passage du racial à l'ethnique est très couramment pratiqué.

La théorie des races entend absolument être scientifique, appartenir aux sciences de la nature. Elle s'appuie avant tout sur la biologie. Là où il se constitue des patrimoines héréditaires relativement isolés, il se crée des sous-espèces. La "race" est la formation artificielle d'une sous-espèce par l'élevage humain. Dans cette mesure, parler de races humaines n'est pas de mise. La formation de sous-espèces humaines, par exemple par les habitants des îles du pacifique avec l'anémie falciforme, n'est pas un produit de l'élevage comme l'élevage par exemple d'un chien d'arrêt utilisable pour la chasse. Dans la mesure où les hommes sont aussi des êtres vivants, il s'est formé parmi eux de manière naturelle, au cours de nombreuses générations, des sous-espèces par suite de l'isolement dû au facteur espace. Contester cela, cela signifie contester que nous avons une origine pouvant être démontrée par la biologie et les sciences de la nature; que nous les hommes sommes aussi une espèce.

La théorie des races met l'accent sur l'hérédité et sur la programmation génétique, et donc sur une détermination certaine par l'origine et le passé.

7 Si, jusqu'à présent, ce qui est (de social, de culturel, de naturel) a déterminé la conscience, d'où sont nés tous les dysfonctionnements de la pire espèce, alors ce qui est devrait être dorénavant produit consciemment. 8 On se souvient de : « eritis sicut dei » ["vous serez comme des Dieux" (NdT)], ce cri de révolte diabolique contre Dieu.

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Depuis environ 20 ans, il n'est plus décent de parler de races. Voyez Wikipedia. Ce n'est plus scientifique. Le fait de distinguer des races est critiqué comme étant raciste. Cela pourrait bientôt pendre aussi au nez de la notion d'espèce : celui qui établit des distinctions, est présumé distinguer avec une intention secrète. La notion qui unit les propriétés générales d'un groupe particulier d'éléments est considéré comme une construction exclusivement humaine, qui n'a en réalité aucun fondement. Même si les nominalistes - la tendance épistémologique ici décrite tombe sous cette appellation - concèdent que les notions acquièrent leur sens de manière absolument pragmatique, ce qui reste naturellement en question c'est comment la classification est effectuée. Voici ce qui a cours généralement dans le nominalisme ainsi désigné : les différences sont contenues dans des classes d'ordre. Que ces classes d'ordre soient polaires-opposées, c'est évident. Et il est naturellement aussi envisageable qu'un conflit puisse naître de cela; et, de cela, un rapport de domination et de soumission.

La pensée démocratique ne tolère pas du tout la hiérarchie, c'est-à-dire des degrés de classement, qui proviennent de causes fondamentales, c'est-à-dire d'origines naturelles, qui échappent à l'influence humaine. Il faut obtenir (selon le démocratisme) que tous les hommes développent de manière égale leur différence et leur qualité individuelles et qu'ils puissent les faire mettre en œuvre. Des groupes d'affinité ad hoc doivent pouvoir aller jusqu'au bout de leur être sans avoir à se justifier d'une norme, d'une règle de conduite devant personne. Cela s'appelle "le développement de soi sans discrimination". Et donc sans avoir à se justifier d'une morale, d'une éthique ou d'une obligation générale. Pour que cette liberté complète de faire ce que l'on veut devienne le plus possible envisageable, il faut que la technologie et un consensus social minimal y veillent.

Mais alors, le fait de désigner des frontières et des différences naturelles sabote cette exigence.

Si les racistes veulent établir l'harmonie totale grâce à une uniformité totale - exclusion et soumission complète de tout ce qui est étranger-dérangeant -, les antiracistes veulent eux aussi l'harmonie totale, mais grâce à la dissolution de toutes les différences9. S'il n'existe plus que des styles de vie individuels, quasiment des "citations" de propriétés de groupe naturelles-culturelles autrefois typiques, mais pas de groupes, il n'existe plus alors de chauvinisme de culture ou de race reposant sur la tradition, pas plus que de cultures différentes et de groupes humains particuliers!

Racistes et antiracistes mènent par conséquent, sur deux pôles opposés, le même combat pour l'harmonie et l'homogénie totales.

La théorie des races trouve une certaine confirmation dans la sociobiologie. Celle-ci affirme : les individus (de toutes les espèces animales) sont des véhicules de leurs gènes. Dans le comportement de concurrence ou d'association, c'est le principe appelé de sélection de parentèle qui règne. Cette sélection établit une hiérarchie dans la propension à la coopération et dans la "solidarité" en fonction du degré de parenté. Les parents et les enfants partagent 50% des gènes. Les demi-frères et demi-sœurs n'en partagent que 25%. Cette hiérarchie se prouve statistiquement dans l'étude du comportement. Un lion mâle qui couvre une lionne pleine (pas de son fait) n'est pas apparenté avec le petit attendu; il le tuera car il est non-économique de défendre des successeurs qui ne sont pas de soi. C'est ainsi que les dépenses énergétiques sont optimisées de manière stratégique.

La sociobiologie a démontré statistiquement que les hommes suivent également dans une proportion étonnamment importante cette stratégie de la sélection de parentèle (laquelle se différencie du reste selon le sexe, puisque les mâles visent une production de masse du matériel héréditaire, alors que les femelles en ciblent une production faible mais intensive).

9 Nous nous occupons ici du désaveu de l'existence de différences raciales et ethniques entre les groupes humains, et non pas du désaveu des différents stades de développement culturel dans l'histoire de l'humanité.

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C'est ainsi que, dans 90% des cas de meurtre d'un enfant par le père, l'enfant n'a pas été engendré par le père ou bien cette circonstance a été présumée par le père.

Si la théorie des races est biologique, alors elle trouve visiblement une confirmation à travers la sociobiologie : les Norvégiens sont assurément de plus proches parents des Danois que des Éthiopiens; d'où une plus forte tendance de se solidariser avec les premiers qu'avec les seconds.

Il ne s'agit pas de considérer ce comportement comme juste et beau, mais de reconnaître son fondement biologique. On ne surmonte réellement que ce que l'on reconnaît. L'on doit prendre acte du comportement conditionné par la race et la parenté comme d'un fait, mais l'on ne doit pas accepter de manière absolue son étroitesse d'esprit certaine. Nous portons en nous un héritage animal! Ce qui vaut pour la théorie des races vaut aussi pour la sociobiologie : ces sciences ne sont valables que pour autant qu'elles ne revendiquent pas pour elles une validité exclusive et qu'elles ne nient pas par exemple la dimension morale de l'homme.

Le classisme a lui aussi un côté biologique : l'organisme humain réagit spontanément d'une façon que l'on peut prédire quand il s'agit d'un travailleur se situant dans un procès de travail soumis au despotisme de l'usine, dans une hiérarchie quasi-militaire sur le front de la production avec le but d'obtenir une fabrication efficiente et bon marché. De même, la conscience qui se développe dans cette situation, peut en principe - naturellement, le marxisme connaît l'influence des idées sur l'attitude des hommes - se prédire quasi physiologiquement, selon ce qu'affirme le matérialisme selon Marx.

Le classisme met donc l'accent sur les rapports avec le milieu en tant que déterminants du comportement.

Le racisme est tendanciellement fataliste : il se rattache à des conditions finalement, et donc relativement, immuables, et il souligne que les qualités raciales, avec leurs comportements déterminés, découlent d'expériences d'histoire (naturelle) qui ont duré pendant de nombreuses générations et que c'est dans ces rapport-là qu'elles progressent de la meilleure des façons.

C'est pour cela que l'attachement au lieu10, l'invariance, la tradition et le maintien d'un confinement relatif, sont considérés comme la condition optimale.

Le classisme en revanche met l'accent sur le présent que l'on peut façonner, la liberté par rapport au destin et à l'héritage du passé. L'émancipation de la particularité, c'est-à-dire le cosmopolitisme, est donc logiquement un objectif. Le communisme selon lequel "les travailleurs n'ont pas de patrie" doit dissoudre les peuples et les races et garantir la libre circulation. Il n'est encore reconnu comme unique et dernière condition que l'échange de matières avec la nature (c'est-à-dire avant tout la nécessité de la production active), mais elle devrait elle aussi décroître, en tant que charge de travail, avec la domination totale de la nature naturelle et humaine.

La théorie de la lutte des classes prolétarienne veut la dissolution de toutes les classes dans la classe ouvrière internationale; celle-ci représente l'universalité, l'ouverture d'esprit, l'émancipation et la générosité.

10 Attachement au lieu? La pensée primitive, la pensée dans les systèmes de parenté, est une pensée raciale avant que le concept de race n'ait existé. On a remarqué à juste titre que les peuples nomades font reposer leur convivialité plus fortement sur les relations de parenté que les peuples sédentaires, lesquels apprécient la proximité locale (le voisinage) presque aussi fortement que la proximité de parenté.

Gonzague de Reynolds explique que la pensée raciale a pris fortement pied en Allemagne après la Première Guerre mondiale par le fait que ce pays n'a jamais comporté dans son histoire des frontières géographiquement nettes à l'est et à l'ouest, contrairement par exemple à la France, à l'Angleterre ou à l'Italie, dont les frontières sont naturellement et juridiquement sûres. C'est pourquoi, en Allemagne (après la Première Guerre mondiale) l'appartenance au peuple allemand a primé sur le fait d'habiter en Allemagne.

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Le racisme et ses dérivés nationaux et ethniques représentent en revanche l'étroitesse d'esprit, un égoïsme mesquin de peuple ou de nation qui, a priori, "est satisfait de soi". Il est éthiquement suspect même là où il n'apparaît pas comme suprématiste et chauvin (en affirmant : « nous sommes les meilleurs! »), et donc où il ne revendique aucun privilège naturel ou une fonction dominatrice pour une race, une nation ou une ethnie (la plupart du temps pour celle de l'idéologue raciste lui-même!).

C'est pourquoi les gens de gauche, les révolutionnaires, les classistes, abhorrent très spontanément la théorie des races. L'universalité de l'espèce humaine semble être menacée par elle. C'est ainsi que des matérialistes avoués oublient la donnée pourtant proprement évidente de la biologie humaine et mettent l'accent sur l'idéal de l'unité humaine par-delà la biologie humaine11. Il n'est donc pas surprenant que par la suite l'existence des races en général ait été contestée; toute une branche de l'anthropologie physique est déclarée nulle et non advenue! Au point que la panique se propage devant le danger que les conditions biologiques de l'être humain n'aient rejoint les programmes de réconciliation de l'humanité. Hélas, nous ne reconnaissons que trop aisément les symptômes d'un puissant refoulement! Mais les refoulements ne servent à pas grand-chose dans cette l'affaire. Et quand la gauche se sent, avec son cosmopolitisme, moralement si supérieure à la droite qui est elle attachée au lieu de naissance12, c'est l'esprit glacial de l'absence de relations qui souffle autour d'elle. Le cœur, ou l'âme, n'a pas le droit de se sentir chez soi dans des coutumes et dans ce qui est familier-chéri. Mais quelle sorte d'amour de l'universel est-ce donc que celui qui n'est pas concret et qui n'ose pas avoir le goût du particulier.

La droite met l'accent sur la tradition, l'hérédité, la continuité par le sang; la gauche veut au contraire la coupure. La droite est conservatrice; elle craint le changement car elle voit se profiler derrière lui la perte possible. Or ce n'est en aucun cas inventé de toutes pièces! Un coup d'œil par exemple sur les paysages et les conditions de vie actuels doit éclairer chacun sur le désastre que représente le progrès techno-capitaliste pour la nature et le cadre de vie de l'homme. On pourrait en dire autant de la situation de l'homme à tous les égards - médical, psychologique, moral -. Il n'est pas nécessaire de magnifier les temps anciens (ce n'était jamais assez bien…) pour reconnaître que des immenses pertes en substance naturelles et humaines et en possibilités se sont produites, pertes qui ne sont pas réparables. Les conservateurs ont à coup sûr de meilleurs arguments en soi à l'encontre des progressistes de gauche aveugles. Ceux-ci sont fouettés par un optimisme ravageur : ce ne peut que devenir mieux, plus confortable, plus paisible, moins oppressif. Tout ira bien… Mais en revanche l'on attribue souvent à la droite une peur qui a des racines régressives : la peur de ne pouvoir satisfaire les exigences accrues et de se perdre dans l'inconnu. En effet, les gens de droite soutiennent aussi fréquemment une théorie de la décadence : au début, à l'origine, tout allait bien; mais aujourd'hui, tout est détraqué, altéré par des modifications de toutes sortes. Et alors, ils défendent un statu quo intenable! Une théorie optimiste de l'évolution est liée à la gauche : l'avenir promet un plus grand degré de développement qui possèdera une complexité supérieure et une possibilité d'épanouissement plus importante.

Personnellement, je penche absolument pour une théorie de l'évolution; seulement, celle-ci n'est en aucun cas inconditionnellement optimiste. D'un côté, il y a eu tout à fait le danger de perte lors d'une avancée d'un degré d'évolution à l'autre; de plus, une plus grande complexité et une profondeur accrue ne veulent absolument pas dire que celles-ci changent les choses en bien (et donc : "progrès" moral)! Il me semble aujourd'hui que c'est ce qui est

11 Il existe une exception : Amadeo Bordiga. Son matérialisme est conséquent et prend en considération aussi le facteur de "race". 12 … ou alors plutôt patriote?

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mauvais qui triomphe car l'écart entre possibilité et mise en œuvre s'ouvre maintenant totalement béant sur le pervers, le faux.

Les pôles progressisme et réaction, révolution et conservatisme, sont étroitement liés à la place d'homo dans le monde. L'être de l'"homme", qui n'est pas "bloqué", ne peut pas se contenter de ce qui lui est légué, mais il ne doit pas non plus oublier l'origine et se défaire de ses racines.

Il s'agit d'endurer cette contradiction interne, il s'agit de lui faire face (elle est insoluble); les raccourcis, c'est-à-dire les points de vue incomplets, ne sont pas autorisés et conduisent à des anormalités.

Prenons la préconisation de la liberté absolue de circulation des hommes, de la revendication d'open borders, de la gauche. Ce qui doit régner, c'est un trafic de marchandises totalement libre (à la manière capitaliste), ou bien un flux de biens, d'informations, de prestations de service, selon un plan mondial socialiste intégré. Selon cette tendance, l'homme est un (non-)travailleur social et rien d'autre.

Cette vision (qui règne actuellement dans de larges cercles, et que l'on nomme globalisation) oublie ou plutôt nie la nature humaine, c'est-à-dire l'héritage naturel de l'homme. Celui-ci comporte une corporéité spécifique, à savoir un équipement avec des organes des sens, ainsi qu'une matérialité particulière permettant de dépasser les difficultés de la vie et de transmettre celle-ci. Évidemment, l'équipement organique de l'homme est social, c'est-à-dire également culturel.

La cérébralité de l'homme a une dimension qui dépasse le temps et l'espace. Avec l'industrialisation, l'échange de matières avec la nature commence à prendre des dimensions qui débordent le domaine de la corporéité et la faculté sensitive sociales immédiates. Si l'on veut s'exprimer par une image physique, la 1° vitesse cosmique est atteinte : au-dessus de celle-ci, on quitte l'orbite terrestre. La super-cérébralisation menace. Ne sommes-nous pas proches de la 2° vitesse cosmique (sortie du système solaire), d'un monde de l'intelligence artificielle, c'est-à-dire d'une intelligence qui dépasse toute intelligence humaine? Avec cela, non seulement le corps et les organes des sens, les formes traditionnelles de la communauté humaine, seraient obsolètes, mais aussi les fonctions intellectuelles humaines.

Les réactionnaires et les conservateurs réfléchis pressentent ce danger du découplage total du genre humain d'avec la nature traditionnelle de l'homme et d'avec ses formes de communauté : famille, voisinage, communauté/tribu, nation/peuple, civilisation, etc..

Ce que nous constatons aujourd'hui, c'est que c'est le projet millénariste de l'extirpation définitive de toutes les racines du mal, c'est-à-dire de la nature, de ce qui est prédéterminé par la nature (conformément au transcendantalisme qui voit dans ce qui est physique le mal, soit le contraire absolu de ce qui est spirituel et divin), qui emporte la victoire. La nature, la matérialité, l'"animalité" humaine et la vitalité, sont exorcisées, ou plutôt rendues manipulables.

Écoutons maintenant un porte-parole du politiquement correct antiraciste. Le professeur de Constance, Christian Geulen, a écrit une "Histoire du racisme".

Il y met l'accent sur l'historicité du phénomène du "racisme". Dans l'Antiquité et durant le Moyen Âge européen, il n'y avait pas de racisme. La "race" est devenue pour la première fois une notion (encore floue) dans l'Espagne d'après la Reconquista, lorsque les juifs (à côté des Maures) furent obligés de quitter l'Espagne du Sud ou d'adopter la foi chrétienne. L'Inquisition assuma la charge de vérifier l'authenticité de la foi des ces marranes convertis, car ces milieux étaient toujours infiltrés par la "race" subjacente, le vieil héritage juif. La "race" était du reste aussi déjà une notion relative à l'élevage des chevaux.

Christian Geulen ne fait pas état d'une autre source de la pensée raciste de la souche, mais je pense qu'elle peut être au moins postulée : à la fin du Moyen Âge, la vieille aristocratie féodale est entrée en crise par le fait, entre autres, que l'ancienne gentry (pour

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prendre l'exemple de l'Angleterre) a disparu en raison de diverses causes (par exemple, à la suite de la Guerre de 100 ans avec la France). Un nouveau "sang" a pénétré dans l'aristocratie terrienne. C'est pourquoi, les anciennes, les très anciennes familles dressent des arbres généalogiques afin de démontrer que leur lignée est "de race pure".

La "race" est devenue par la suite, un peu comme la "classe", un principe d'ordre qui résumait les caractéristiques naturelles essentielles, et dans certaines circonstances masquées, d'un groupe.

Le fait que l'on mette l'accent sur une appartenance est lié à cela.On a ensuite mis précisément l'accent sur la "race" quand des caractéristiques autrefois

visibles d'un groupe tombent sous la limite de la perception. Ce n'est pas un hasard si la théorie des races s'est épanouie au XIX° siècle où beaucoup de juifs s'émancipent de leur religion et de leur culture et veulent s'intégrer dans les sociétés nationales existantes.

Lors des Lumières (au XVIII° siècle), la race devient de plus en plus une catégorie rationnelle qui s'appuie sur la science de la nature. La question qui reste ouverte pour elle est de savoir si les "caractères raciaux" sont déterminés par l'environnement ou bien innés depuis un passé très lointain.

La "race" prend la place de la "religion". Avec la "race", on adopte un critère objectif, scientifiquement démontrable, d'appartenance naturelle.

Mais la colonisation meurtrière de l'Amérique et l'utilisation/exploitation de millions d'esclaves qui étaient importés, entre autres, d'Afrique, n'ont pas été légitimées de manière raciste. En effet, il y avait encore dans les États du Sud des USA au début du XIX° siècle des nègres qui étaient des marchands d'esclaves.

Un peu avant la "race", c'est la notion de peuple qui a fait son entrée dans la théorie politique; ceci dans le contexte de la formation d'États nationaux qui cherchaient leur légitimation et qui la trouvaient dans une construction plus ou moins mythologique : dans le "peuple primitif".

"Race", "nation" et "peuple", sont souvent employés au XIX° siècle comme des synonymes, alors que la "race" possède un vernis scientifique et - selon Darwin - génétique.

Jusqu'ici, j'ai présenté les analyses du professeur Geulen sans esprit critique. Mais l'auteur ne fait aucune différence entre le racisme en tant que théorie d'une suprématie raciale et d'autre part le racisme en tant que théorie des races humaines! Cela s'explique, relativement à la théorie de la connaissance, par le parti pris pour le nominalisme. Geulen reproche aux Lumières de calquer naïvement sur la nature les idées de la raison - classes, catégories, ordre et sous-ordre - en se fondant sur la forme de pensée rationnelle de l'homme des temps modernes. Ce serait de l'anthropomorphisme, une forme de soumission mentale du monde au désir de domination rationnel! Geulen ne reproche pas, de manière tout à fait nominaliste-sensualiste, la légitimité des principes d'ordre. Ceux-ci seraient purement pragmatiques. Le nominalisme voit pourtant un abîme infranchissable entre la raison et la nature.

Á vrai dire, pour Geulen, il ne devrait donc pas y avoir différentes espèces d'animaux et de plantes, il ne devrait même y avoir aucune différence d'espèce. Ces notions de distinction sont "pratiques", mais elles donnent incontestablement toujours matière à discrimination13. Pour Geulen, la "vérité" est, tout à fait psychologiquement, comme pour Nietzsche, un jugement pragmatique qui a pour but l'assujettissement ("La volonté de puissance"). Celui qui donc différencie les races nourrit le souhait latent de postuler des races de seigneurs et d'esclaves! Il ressort de cela très logiquement que la "science des races" (ou bien la forme idéologisée, unilatéralisée de cette science des races, le racisme) est égale au racisme (persécution d'hommes sur la base de l'"appartenance à un race")14.

13 La fonction du symbole permet indubitablement duperie et mensonge; mais de là à la condamner, ce serait certainement absurde. Que l'on se représente la chose : plus de langue(s)!? 14 Et l'anti-spécisme est encore plus conséquent : il conteste l'existence d'espèces précises.

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Christian Geulen est soulagé du fait que les grandes encyclopédies depuis le début des années 90 (et donc encore avant Wikipedia) ne connaissent plus d'anthropologie des races humaines. Avec la recherche génomique, la génétique scientifique ne décèle en effet aucune "race". (Tour de force : on ne constate presque pas de races de chiens grâce au codage de l'ADN et, concernant purement les gènes, homo sapiens ne se différencie du chimpanzé que par un seul gène). Mais, phénotypiquement, la différence entre un pékinois et un bulldog (et aussi entre un homme et un chimpanzé, entre un Caucasien et un Mongol) est à bien des égards évidente, et elle est manifestement héréditaire. C'est idiot de vouloir détecter l'hérédité biologique exclusivement dans un code génétique.

Il n'existe donc, officiellement, absolument pas de races et celui qui parle encore de races est un raciste. C'est de manière indulgente que l'on pardonne aux grands pères fondateurs de l'émancipation africaine, par exemple à un Sékou Touré, quand ils parlent de nègres15 et de la race noire. Les juifs eux aussi peuvent encore parler d'eux en tant que juifs (une partie d'entre eux le fait très volontiers). Et en effet : ils tiennent depuis des millénaires un véritable livre généalogique qui concerne l'appartenance à leur peuple et ils sont très portés sur la pureté de la race.

Les non-consacrés évitent si possible de parler du peuple, de la nation, des juifs, des peuples de couleur, des nègres, des peuples primitifs. Dans le milieu démocratique-progressiste surtout.

D'où provient cet antiracisme? Les défenseurs démocratiques-progressistes du Beau Nouveau Monde technologique-démocratique inaugurent ce new speech qui ne connaît plus un bon nombre de vocables (en échange d'autres…),

1. parce que les races doivent disparaître. Une technologie mondiale, un monde rationnel et transparent que l'on peut contrôler et maîtriser, un monde entièrement humanisé et marchandisé, jure avec l'existence de différentes races (ou nations, ou peuples). "Heureusement", le mélange global des races, des civilisations, etc., humaines sur le marché mondial entraîne très spontanément la liquidation des races.

2. La "race" est un facteur de puissance endogène de type naturel. Comme la civilisation technologique mondiale mélange et artificialise les natures, et comme respectivement les hommes vivent16 de plus en plus cliniquement isolés, dans des habitations aseptiques, sans être dérangés par les influences naturelles du temps, de la végétation, des animaux, des microbes, des champignons (et des autres hommes), les hommes se voient débarrasser de leur caractère naturel. Le but est d'obtenir un pur zombi cosmopolite-cosmétisé-marchandisé sans appartenance provinciale et particulière de race17.

Avec le terme de "liquidation", l'on veut dire littéralement fluidification, et non pas simplement anéantissement physique. (Cette notion ainsi comprise est de Günther Anders).

Geulen associe la science des races à la théorie raciste qui attache une valeur supérieure à une race, par comparaison avec une autre ou avec toutes les autres. Elle serait ainsi associée à une politique raciale, ou plutôt à une biopolitique (un néologisme à la mode), c'est-à-dire à l'eugénisme. L'eugénisme serait la science de la préservation de la race des seigneurs et de la discrimination sexuelle des races des sujets. Un autre chapitre est, selon la théorie raciale de

15 et de "négritude".16 Les globes du philosophe Sloterdijk; les Minergie-buildings intelligents, les sky-labs.17 Cela signifie : les qualités de races et d'ethnies deviennent purement individuelles, elles deviennent si l'on veut des "citations" injustifiées d'un certain passé.

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Gobineau, le caractère problématique du mélange des races. L'eugénisme est associé à la politique de l'empêchement du mélange des races.

Voilà une conception singulière de l'eugénisme, ou plutôt une conception très exclusive, qui n'a été pratiquée que dans des régimes racistes, par exemple dans l'Afrique du Sud du système de l'apartheid (et en Israël).

Or l'eugénisme veut dire à proprement parler la responsabilité génétique d'une génération de parents à l'égard de sa descendance. Les hommes doivent devenir forts, beaux, en bonne santé, aptes physiquement, psychiquement et intellectuellement-moralement, et pour cela ils doivent être porteurs des meilleures conditions génétiques. Cet objectif est-il criminel et condamnable? Est-ce condamnable lorsque des hommes adultes, aptes à la procréation, qui souffrent de maladies héréditaires, prennent la décision de ne pas engendrer d'enfants? Ou bien, autrement dit, est-ce agir de manière responsable, concernant la transmission héréditaire possible ou vraisemblable de tares (physiques, psychiques, morales) graves de spéculer sur la médecine, sur le soutien social, sur les béquilles médicales destinées à réparer et à compenser ces défauts organiques, psychiques et moraux? (Et ceci pour toutes les générations à venir!). Est-ce incompréhensible qu'une communauté d'hommes raisonnable désire que des malades chroniques, des inaptes, des toxicomanes, des débiles, des mongoliens, des pervers, des déments, des délinquants sexuels, etc., n'engendrent pas si possible de descendants?

Malheureusement, ce sont justement les plus abrutis et les hommes plutôt les moins conscients moralement qui se préoccupent le moins de la qualité de leur descendance potentielle. Ce sont en effet généralement de préférence les plus abrutis qui se trouvent "OK" (ils disent volontiers : "OK"!). Est-ce incompréhensible que le société intervienne ici en tant que celle qui assume la responsabilité pendant plusieurs générations?18

Là où l'individu et son droit ont une valeur absolue, cette intervention sociale eugénique est inacceptable. On se décharge de tout auprès de la médecine, ou plutôt de l'appareil social-thérapeutique. Dans les cas extrêmes, la société se charge des tristes produits du libertinage conformément à sa pensée que le droit à la vie a théoriquement lui aussi une validité absolue.

Là où la sélection naturelle ne joue plus, le taux des êtres humains qui viennent au monde diminués par des lésions ou des invalidités croît. N'est-ce pas irresponsable et n'est-ce pas agir mal à l'égard de ces pauvres êtres handicapés?

Mais là où la valeur et l'indépendance personnelles deviennent de toute façon négligeables du point de vue social-thérapeutique, on accepte l'affaiblissement général de l'espèce humaine dans son ensemble à cause de la médecine, de la thérapeutique et d'un appareil social excessif qui administre et met sous tutelle totalement les hommes.

L'individualisme, c'est-à-dire le droit démocratique de l'individu à tous les plaisirs du monde, à ses gratifications, à ses commodités, à ses performances, à ses expressions de pouvoir, etc., est ici célébré : le droit à la parentalité inconditionnelle, aux graves difformités. La thérapeutisation de l'individu se fait au détriment de la santé naturelle, spontanée, de l'espèce. C'est un scandale.

18 Á quoi l'eugénisme ressemblerait dans la pratique est une question extrêmement délicate. Interdire à un humain de devenir mère ou père est un empiètement personnel cruel. En outre, la question se pose de savoir ce que l'on définit comme une tare grave transmise génétiquement. Et de plus, il ne faudrait pas renoncer de manière précipitée à la perspective que, dans certains cas, un environnement sain puisse guérir des dégâts d'origine génétique.

Réclamer aujourd'hui des mesures eugéniques est un des tabous sociaux les plus importants. On vous répondra immédiatement avec une "reductio ad Hitlerum" (Leo Strauss). Comme si le régime nazi avait été le seul à avoir mis en œuvre la stérilisation forcée, l'exclusion et les "mesures administratives" (qui ne sont jamais délicates)! Il y en a eu également en Union Soviétique, en Suède et en Suisse. N'oublions pas que la moderne civilisation high-tech actuelle permet de supporter un pourcentage d'êtres non viables bien supérieur à ce qui était le cas il y a encore 50 ans. La question des êtres génétiquement non viables et pathologiques ne se pose plus alors immédiatement avec l'urgence d'autrefois.

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Par surcroît, une application insidieuse de l'eugénisme se met en place. Là où la procréation médicalement assistée voit le jour, là où des mères porteuses font leur apparition, on utilise évidemment le meilleur "matériel" génétique. L'enfant désiré doit être/avoir l'air blond, grand, intelligent, sexy et résistant. L'on pourra bientôt vérifier si les ovules de la femme et les spermatozoïdes de l'homme ont des défauts et les réparer. Nous aurions là l'eugénisme démocratique parfait qui serait à la libre disposition de tout être humain. Plus rien ne restera laissé à la nature et à ses caprices, pas même, entre autres, la procréation des enfants. La phase prénatale se déroulera du reste de plus en plus de manière extra-utérine; c'est - au sens de la médicalisation totale - « plus sûr et mieux pour l'enfant ». En outre, avec cela, « toutes les formes de traumatisme liées à la naissance lui sont épargnées ».

Á cette eugénisme correspondra naturellement une euthanasie. Mourir devient une liberté de choix - en effet, l'on vit beaucoup trop longtemps aujourd'hui -. Rien de plus logique que de choisir sa mort. Commère la Mort, cette grande Faucheuse naturelle, est au bout de son rouleau. Suicide is painless.

Le sens et le but du système technologique-démocratique, c'est le contrôle total de la nature, c'est-à-dire de la nature restante qui se fait "encore malheureusement" sentir à l'homme sous la forme de fonctions corporelles involontaires et de leurs troubles possibles, en particulier ceux du début et de la fin de la vie.

L'on peut reprocher à l'eugénisme (ainsi qu'il a été défendu par Bertrand Russel et par Max Scheler dans les années 20 du XX° siècle) d'utiliser tous les remèdes pour guérir l'espèce "homme". Mais ce n'est pas juste : on ne doit plus accorder d'influence à la nature. C'est en cela que cet eugénisme se différencie totalement de l'eugénisme médical que j'ai esquissé ici.

Je voudrais encore présenter ici une théorie qui, comme la théorie des classes et la théorie des races, procède à une partition des hommes. C'est la théorie des degrés de conscience que Ken Wilber a conçue d'après les documents de la recherche psychologique (par exemple le structuralisme génétique de Piaget) et les philosophies indiennes (avec des degrés de l'"éveil" spirituel). Cela nous mènerait trop loin si nous voulions exposer ici le modèle multidimensionnel de Ken Wilber. Ken Wilber admet différents degrés de mentalité de l'individu : magique, mythique, pré-rationnel, rationnel, post-rationnel…; négligeons ici le fait qu'il se constitue des formes de communauté et de société correspondant à ces degrés de mentalité. Mais ce qui est essentiel, c'est que ces formes de mentalité ont, d'après K. Wilber, des incarnations physiques concrètes; au subjectif, à l'intime, correspond donc une certaine structure organique et fonctionnelle dans l'objectif-extérieur.

Cela signifierait que le développement intellectuel de l'enfant est étroitement lié à un développement cérébral, et physique dans l'ensemble. De la même façon, lors d'un développement intellectuel d'un homme adulte (par exemple lorsqu'il se libère d'une pensée mythique prédominante), il se produirait un changement cérébral, et physique dans l'ensemble.

Ken Wilber admet que cette structure mentale se transmet. Cela voudrait dire que des hommes qui se situent au degré d'évolution anthropogénétique magique procréent des enfants possédant une prédisposition initiale à cette mentalité - mais cela n'exclut pas un développement individuel ultérieur!

Il existe des recherches relatives à ces degrés de mentalité dans différentes nations et selon les positions sociales. L'on peut remettre en question la hiérarchie et la répartition des degrés de mentalité d'une part, et d'autre part la faisabilité de tests destinés à trouver ces degrés. Dans tous les cas, il apparaît que le gros des populations se situe à un bas niveau et que seule une toute petite partie d'elle est au niveau le plus élevé (ce qui, vu l'état du monde, ne surprend en aucun cas).

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Ce qui est intéressant dans cela, c'est que les parents lèguent à leurs enfants leur niveau de maturité intellectuelle comme niveau de départ.

Dans le cercle des partisans de Wilber, il est aussi apparu, ce n'est pas surprenant, l'idée de la lutte entre les sociétés pré-démocratiques (pré-rationnelles et mythiques) et démocratiques (rationnelles). (Et cette idée est-elle si aberrante que nous, les post-rationnels, nous devrions nécessairement être en rupture avec la démocratie?). L'on trouve en outre dans cette théorie du progrès des degrés mentaux de l'homme un malthusianisme : que se passe-t-il quand des hommes issus des aires de civilisation traditionnelles, mythiques, et même animistes, magiques, se retrouvent soudainement lâchés dans un monde moderne de la raison et de l'universalité éclairée? Qu'en est-il lorsque des hommes issus des bas degrés de conscience mettent au monde beaucoup plus d'enfants que les hommes des degrés de conscience plus élevés et suprêmes?19

Nous allons maintenant aborder encore brièvement une théorie qui associe dans une certaine mesure la théorie des classes (ou mieux : des états) et la théorie des races : Fustel de Coulanges a tenté au milieu du XIX° siècle de démontrer scientifiquement que les vieux aristocrates descendaient à l'origine, dans beaucoup de nations, des conquérants ancestraux du pays : l'aristocratie française descendrait ainsi des asservisseurs francs-germaniques de la population gauloise, l'aristocratie anglaise des Normands qui soumirent les Bretons (et les anciens immigrants germaniques), l'aristocratie espagnole des Ostrogoths et des Vandales, les vainqueurs des tribus ibériques, etc.. Les réactionnaires de la noblesse battue dans les révolutions bourgeoises, et qui était issue des différents anciens régimes, raillaient avec cette théorie les masses révolutionnaires en les traitant de revanchardes qui ont reconquis leur vulgaire démocratie par de lâches moyens - supériorité numérique, technique, pouvoir économique -. C'est un fait complètement démontrable que, en de nombreux endroits, à certaines époques, des populations différentes dans un pays exerçaient leur fonction professionnelle spécifique et se situaient à différents degrés de la hiérarchie sociale; que l'on pense à la "division du travail" entre les bergers (nomades) et les paysans (sédentaires), les habitants de la montagne et du bas pays, la population de la campagne et de la ville, ainsi qu'aux quatre castes classiques aux Indes. La théorie de Fustel de Coulanges légitime la domination antérieure de la noblesse et d'une royauté héréditaire par les qualités guerrières, ethniquement ancrées, de cette noblesse, ce qui représente naturellement un anachronisme à l'époque de la bourgeoisie montante.

Mais revenons au thème de la "race". Il n'y a aucun doute que les différences sont toujours un germe de conflit, y compris de conflits répressifs, hégémoniques, et même exterminateurs. Il y en a encore, et il y avait entre autres, le racisme, le chauvinisme de nation, de culture, de langue, le sexisme, etc..

L'objectif de conduire les hommes (groupes de toutes sortes) vers la réconciliation, vers une unité, est désirable. Moi aussi, j'ai été longtemps d'avis qu'un facteur de la lutte sur le chemin qui mène à ce but lointain consistait à la diminution des différences, et dans le cas idéal à leur liquidation (et je ne voudrais pas soutenir que cela n'a pas parfois de bien-fondé).

19 Nota bene : l'évolution de l'esprit humain dans l'histoire, en continuité avec celle de toutes les formes dans le cosmos, n'est pas simplement une histoire optimiste de succès continu! Le passage des degrés de conscience de l'opérationnalité substantielle par exemple à ceux de l'opérationnalité formelle (pour mettre à contribution le schéma du progrès de J. Piaget) développe le potentiel moral non seulement dans le bien, mais encore dans le mal. Or il ne fait aucun doute que des hommes issus de civilisations tribales sont démunis et perdus dans les rapports sociaux complexes des États industriels modernes, et ils y tombent dans la déchéance. Les exemples sont nombreux : immigrés clochardisés, boat-people échoués, habitants de bidonvilles, mais aussi les prolétaires-actionnaires qui son parvenus à la richesse et qui ont grimpé socialement.

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Mais, d'une part, c'est une illusion de croire que les différences naturelles entre les hommes provoquent en soi le conflit. Les égoïsmes et les chauvinismes de groupe se constituent aussi et même plutôt (parmi de multiples raisons) là où ces différences naturelles sont absentes. Là où le ressentiment et l'inaptitude à résoudre les conflits existent, on trouve/construit toujours facilement des motifs de discrimination et d'hostilité!

D'autre part, c'est faire preuve d'indigence intellectuelle que de vouloir en finir avec ce qui est étranger, différent et agaçant, en liquidant ces éléments de diversité et de richesse humaine et naturelle!

Le racisme n'est devenu virulent en Europe qu'à partir des années 70 du XIX° siècle, en liaison avec l'antisémitisme. De Bonald, Gobineau, Drumont (en France), Chamberlain (en Allemagne) sont les théoriciens de ce courant irrationnel. Aux USA, l'asservissement et l'exploitation des esclaves africains noirs n'étaient pas depuis longtemps à proprement parler racistes; cela a changé avec l'émancipation des esclaves.

Nous avons vu que la théorie des races humaines ne reste pas dans le champ purement biologique et qu'elle inclut des facteurs ethniques-culturels. De même, le chauvinisme de race, c'est-à-dire le racisme, est étroitement lié aux chauvinismes d'ethnie, de nation, de langue, et même parfois il coïncide avec eux20. L'on peut parfaitement dire que la différence ethnique a depuis toujours été l'occasion de conflits chez les hommes à cause de la situation de concurrence des groupes humains. De ce fait, la différence raciale ou morphologique entre ces groupes pourrait n'avoir constitué qu'un simple facteur. Or les racistes prennent un élément physique, héréditaire, comme facteur d'une différence insurmontable qui légitime le conflit. C'est donc que l'on abuse de la science de l'anthropologie physique quand elle sert à corroborer des allégations de suprématie. C'est pourquoi Geulen affirme à juste titre que le racisme moderne est en rapport avec l'apparition des sciences de l'homme, mais non pas, comme il le prétend, dans un rapport causal21.

Le nationalisme est l’aspiration à l'unification d'une nation et il se manifeste fréquemment par une affirmation agressive et expansive vis-à-vis des autres nations, entre autres celles qui sont voisines. Le nationalisme moderne date de l'apparition de l'impérialisme. Le nationalisme est chauvin, une fatuité typique : une partie se fait passer pour le tout. Les nations prises séparément prétendent avoir une importance de tout premier ordre pour le monde. Cela peut prendre également des traits messianiques, comme dans le panslavisme par exemple.

La xénophobie moderne est étroitement associée au nationalisme (impérialiste). Mais des nations opprimées peuvent également, par peur d'être écrasées ou détruites, développer un mouvement farouche de rejet et d'intolérance à l'égard de tout ce qui est étranger. Ce sont là des éléments qui viennent au jour et que nous connaissons à partir de la biologie de

20 Je n'aborde pas ici le cas particulier des différentes religions et métaphysiques. Elles comportent un élément absolu qui n'est pas discursif. La différence de race, d'ethnie, de langue et autre est génétique. Les différences entre les religions reposent au contraire sur des orientations absolument dissemblables. 21 Je me risque ici à une remarque sur le suprématisme. L'affirmation de la suprématie ou de la supériorité d'un groupe humain, de même que l'affirmation de la valeur différente des différents groupes humains, est en soi abominable : les Samis (les "Lapons") sont visiblement de moins bons coureurs de fond que les Éthiopiens. Des peuples sont doués pour le lyrisme, d'autres pour le drame, etc.. Une affirmation suprématiste devient problématique là où elle prétend à une supériorité morale, et peut-être même à une supériorité douteuse comme la brutalité militaire ou la volonté de domination arrogante, et là où la supériorité morale est considérée comme biologiquement ancrée. Les exemples historiques classiques de ce comportement, ce sont les juifs, qui se désignent généralement comme le peuple élu, et les Allemands sous le régime nazi avec leur obsession du peuple des seigneurs.

Mais, personnellement, je ne considère pas comme impossible de désigner un peuple d'une certaine période comme "possédé par le mal"; les Huns à l'époque d'Attila par exemple. Mais ce n'est pas pour cela que l'on doit faire "des Huns" de "mauvais hommes" en général. En outre, la situation nationale dans laquelle cette pathologie d'un peuple apparaît doit être prise en considération.

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l'organisme. Un organisme - et une nation possédant une identité culturelle et une économie relativement fermée a quelque chose d'un organisme biologique - est en équilibre entre l'isolement par rapport à son milieu - et donc des autres nations - et l'intégration à ce milieu, entre l'assimilation de l'étranger, c'est-à-dire son immunisation, et son accommodation à cet étranger, ce qui a pour conséquence une altération qui doit être maîtrisée.

L'étranger ne peut donc être rien d'autre qu'une provocation qui rend possible différentes réponses. Une trop grande ouverture vis-à-vis de l'étranger peut conduire à la désintégration de l'organisme; une trop grande fermeture vis-à-vis de l'étranger peut mener à la sclérose et au danger de ne pas surmonter les problèmes à l'ordre du jour, devant lesquels l'organisme tout entier se trouve confronté dans l'espace de son milieu extérieur.

Une certaine xénophobie est par conséquent parfaitement saine. Les étrangers jouissaient traditionnellement dans les anciennes communautés, souvent très fermées, d'une protection particulière. On cultivait l'hospitalité, un véritable respect de l'étranger, précisément parce que on le craignait (en effet, il était souvent en soi un facteur de pervertissement et de remise en question de ses propres coutumes). Hostis/hospes : la proximité des mots latins entre l'ennemi et l'hôte est la preuve de la grande ambivalence de l'étranger.

La xénophobie agressive est souvent causée par la peur de ne pouvoir rien opposer à l'étranger, à sa force de séduction. Elle peut donc exprimer un état d'urgence.

Aujourd'hui, on parle de multiculturalisme. Les nations d'Europe et d'Amérique du Nord vivent un brassage extrêmement massif de leur population souche. Il ne s'agit plus, et de loin, de la coexistence ou même du chevauchement - problématique - de deux ou trois nations dans un pays, de la situation balkanique classique. Dans celle-ci, l'on peut parfaitement parler d'un certain enrichissement d'un pays - qui, même avant la formation des nations, c'est-à-dire avant l'unification de la mosaïque des nombreuses cultures locales, était composé de différents groupes humains locaux. Naturellement, il y a aussi là de la dynamite : la coexistence pacifique peut, sous la pression extérieure, mener à des tensions le long des frontières ethniques.

Ce que nous voyons en revanche aujourd'hui, ce n'est pas un multiculturalisme naissant, mais la dissolution de toutes les cultures. Toutes les particularités - et pas seulement les singularités nationales du "peuple hôte" - disparaissent. Quand on parle aujourd'hui de la difficile intégration des immigrants extra-européens, ce qui s'exprime là c'est encore la croyance en la culture, en une certaine unité possible de la langue, des usages, des mœurs, de l'histoire, des convictions centrales d'un pays - une énorme illusion! L'économie mondiale machinale, avec sa course à la croissance, le progrès technique, avec une intégration gigantesque de toutes les communications dans un réseau mondial, ainsi que le désir ardent universel et démocratique de plus de pouvoir dans tous les domaines, écrasent, avec leur norme impérative, toutes les nations culturelles accomplies, tous les États, les peuples, les civilisations.

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C'est faire des efforts22 absolument ridicules que de vouloir maintenir une différence spatiale (par exemple, par la fermeture hermétique des frontières) là où les médias et les moyens de communication modernes ne sont pas loin de faire imploser l'espace23. Avec le trafic maritime, avec les grandes routes, avec la force animale (le cheval), la circulation a déjà atteint la limite du supportable pour des petites communautés. Le chemin de fer, le navire à vapeur, la télégraphie, ont signifié une énorme accélération (d'où sont nés les États nationaux du XIX° siècle en Europe). Aujourd'hui, les moyens de communication les plus modernes dépassent toute mesure humaine et naturelle. Terra devient trop petite, et homo au fond superflu.

Les capitalistes, les industriels et les hommes d'affaires, nationaux essaient de protéger leurs petites entreprises; la nouvelle classe moyenne défend sa position contre les masses de

22 On ne peut les faire aboutir qu'avec une répression massive, une répression que la droite politique tâche de mettre en œuvre dans les parlements et en dehors d'eux. La droite politique a toujours été très hétérogène : mais ses "programmes" se caractérisent tous par le fait qu'ils représentent une réaction toute simple, la plupart du temps maladroitement brutale, contre la fraction progressiste du processus de civilisation capitaliste et technologique (la gauche politique). Ils sont donc plutôt à vrai dire des anti-programmes. Cette réaction ne s'est jamais penchée sérieusement sur la technologie et le capital. Parfois, des fractions anticapitalistes (petites-bourgeoises), vertes-écologiques (réformistes) et conservatrices plus réfléchies, peuvent avoir existé en elle : mais elles ont toujours été finalement éliminées. La droite politique, y compris l'extrême droite, est entièrement pour la libre entreprise, pour les banques, l'économie monétaire, etc., elle est entièrement pour les moyens de communication, les médias, la médecine, etc., modernes, mais elle défend des idéaux d'une époque révolue qui portent en eux la plupart du temps les germes de l'époque ultérieure. L'on pourrait donc dire : les réactionnaires d'aujourd'hui (c'est-à-dire ceux qui se mentent à eux-mêmes tout en mystifiant les autres) sont les révolutionnaires d'hier. Il faut donc dire quelque chose sur la différence qui est apparue il y a déjà des décennies entre le conservatisme des valeurs et le conservatisme matériel : la droite politique (y compris l'extrême droite) défend les valeurs des époques précapitalistes ou du début du capitalisme; en même temps, elle accepte assez inconsciemment, cette idiote!, le progrès technologique et économique comme une donnée quasiment naturelle! Ces mêmes partisans du SVP (suisse), du Freiheitliche Partei (autrichien), qui plaident pour les valeurs familiales, défendent le patronat, la liberté du commerce et de l'industrie, le droit au profit, l'urbanisme, le libre marché, l'intensification de la production, l'accroissement du rendement et l'efficience, c'est-à-dire exactement les facteurs matériels qui détruisent la famille (et aussi ses valeurs)! On est tenté de rejeter toutes les "théories" de droite (ce sont plutôt des programmes de réaction) comme des essais de construction de mythes, qui empêchent une pensée conséquente, qui va jusqu'au bout, à propos des énormes pertes éprouvées à cause de la civilisation capitaliste envahissante. L'on doit avoir entendu comment les yodleurs suisses chantent le pays, la vie alpestre, le repos vespéral céleste, l'on doit avoir vu comment, après la manifestation populaire, ayant enlevé leur veste de vacher, ils sortent leur portable et se dirigent vers l'entrée de l'autoroute dans leur véhicule tout-terrain, pour que tout le ridicule de la droite politique (et pas seulement de son aile culturelle) devienne manifeste.

Et la gauche? Elle, elle a un programme. Sauf que : son utopie n'est été rien d'autre que la mise en œuvre d'un nihilisme sans bornes, duquel un Heidegger par exemple pensait qu'il était exclusivement inhérent à l'"Occident" (nous en savons davantage aujourd'hui). Il contient la dissolution de tout lien au nom d'un socialisme global, la dépossession complète au nom d'une nature de l'espèce retrouvée. Il y a (à côté du libéralisme, qui ne nous intéresse pas plus que ça ici) aucun choix entre la droite et la gauche. Ces catégories deviennent non seulement plus anachroniques de jour en jour, mais ce qu'elles défendaient et défendent encore fait en outre partie à 100% du problème à résoudre. 23 Lévi-Strauss admet que, en Inde, le régime des castes est né de l'immigration, qui s'est déroulée en différentes vagues, de différentes ethnies, et même de races, dans un sous-continent (trop) étroit. Le système d'apartheid est la conséquence nécessaire de ce désir forcé de vouloir conserver l'identité sans remettre en question fondamentalement les facteurs qui ont mené à sa mise en danger. Les Boers voulaient conserver leur mode de vie africanisé et ils ont été acceptés comme race supérieure par les autres Africains noirs (qui, eux aussi immigrants, refoulaient les Bushmen indigènes). La prolétarisation des Noirs - la conquête par le capital de l'Afrique du Sud a été non pas la conséquence de l'action des Boers, mais de celle des Anglais et d'autres Européens, des immigrants qu'ils détestaient (et des gens qui avaient lancé le processus avec la ruée vers l'or) - a conduit à leur ghettoïsation qui visait à une exploitation optimale de leur force de travail (par exemple dans les mines d'or), et cette ghettoïsation s'est traduite idéologiquement en un système d'apartheid que les Boers, qui avaient régressé au stade de la pensée tribale, revendiquaient; l'un des compromis notoires entre les capitalistes et les réactionnaires. (Voir l'ouvrage de Hanna Arendt sur le "Totalitarisme").

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va-nu-pieds des continents pauvres et contre les concurrents immigrants surnuméraires provenant de l'"étranger" (riche). Ils sont accusés d'immoralité par les modernistes de gauche pour lesquels l'universalisation de l'humanité grâce à l'abolition de toutes les unités traditionnelles est très bienvenue. Ce n'est qu'en partie justifié. Les gens de gauche ont tellement enflé de la tête qu'ils ont perdu toute vidée que l'homme ne peut pas vraiment vivre sans patrie, sans nationalité particulière.

Le mélange des populations sur la terre au nom de la liberté de circulation, du droit humain au libre choix par l'individu du lieu où il voudrait vivre, faire des affaires et jouir de la vie, la migration de personnes bien trop nombreuses en provenance d'Afrique, d'Amérique du Sud, ou d'Orient dans le monde glamour de l'Occident technologique, mais aussi le tourisme des "riches" dans les pays exotiques, devraient à vrai dire être stoppés immédiatement en arrêtant, entre autres, le trafic global et la communication de masse globale. La circulation technologique-capitaliste est inversée (cela concerne aussi le flux exorbitant des biens, du matériel, de l'énergie et de l'information). L'universalisme pur du capital liquide et des médias qui s'infiltrent dans tout, et qui désagrègent toutes les particularités naturelles, est l'horreur ultime24.

J'aimerais incidemment fournir une explication sur la méthode. Elle peut être appréhendée de manière brève : dans toutes les questions, il s'agit à mon avis de détecter les contradictions fondamentales qui les sous-tendent.

Derrière la question des races, il y a l'inconvenance d'une antinomie, d'un conflit fondamental qui est - à mon avis - en fin de compte insoluble. Nous avons d'une part l'origine de l'homme dans le cosmos, dans la nature, telle que Dieu (? : un postulat de la raison idéale humaine, il faut bien l'avouer) l'a fait grandir comme image terrestre-temporelle de l'absolu-éternel, de sorte qu'elle puisse retrouver le chemin de l'unité totale. L'origine de l'homme est directement animale, et elle suit donc aussi des lois animales. Nos ancêtres les plus proches étaient également ceux des primates actuels. Ceux-ci vivent en hordes, ils connaissent des sous-espèces, la concurrence, des comportements de parenté, bref, un chauvinisme naturel. D'autre part, nous avons l'aspiration transcendante (c'est-à-dire morale) des hommes. C'est la nature non-naturelle de tous les hommes qui leur donne l'idée dont on vient de parler de retrouver le chemin de l'unité totale comme but. En même temps, il s'agit d'une victoire (c'est-à-dire non pas d'une suppression, mais d'une intégration contrôlée) de ce qui est animal-naturel (l'héritage) dans ce qui est humain.

Nous aurions donc le conflit entre le particulier des groupes et l'universel, conflit devant lequel l'individu se trouve. Les énormes antinomies présentent de façon incontestable un défi immense et éternel pour les hommes, l'humanité et les humanités, un défi face auquel ceux-ci menacent manifestement d'échouer - et en tout premier lieu parce qu'ils croient pouvoir liquider ces antinomies.

L'antinomie de l'appartenance de l'individu humain à un petit monde particulier et l'appartenance à un monde "entier" global se traduit par la question suivante : comment faire pour que l'échange entre un si grand nombre de personnes ne conduise pas à leur désorganisation, laquelle ne serait pas suivie par une synthèse enrichie subséquente? Du fait des moyens de communication et des médias modernes, ainsi que de la globalisation techno-capitaliste du monde, les hommes de cultures et de races les plus éloignées entrent étroitement en contact, ce qui constituait autrefois la grande exception. Cet étroit contact mène à l'échange (de type pacifique et hostile), et naturellement aussi à l'amour et au mélange sexuel. Concernant les métis qui naissent de cette situation (par exemple entre une Thaïlandaise et un Suisse), il est frappant de constater que la spécificité ethnique est "fluidifiée". Les métis

24 De manière tout à fait générale, les droits individuels (les "droits de l'homme") devraient être subordonnés à un droit divin-naturel supérieur.

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perdent aujourd'hui, dans une situation de chaos d'innombrables cultures et styles de vie, toute identité ethnique, ou plutôt il se crée des identités secondaires gravement dégradées, altérées.

Cet appauvrissement de la diversité des comportements et des manières de se manifester de l'existence sociale humaine est préoccupant, et pas seulement depuis plus de 100 ans.

Comment cela! Un Suisse et une Thaïlandaise, qui appartiennent à des cultures et des races tout à fait différentes, ne pourraient-ils donc pas s'unir par amour? Ne devraient-ils pas discerner et reconnaître mutuellement en eux l'être de l'espèce humaine, l'individu faisant partie d'une seule humanité? Eh bien, la question se pose de savoir jusqu'où va cette reconnaissance réciproque, et si elle peut constituer l'autre fondement nécessaire pour l'établissement d'une famille durable25. Des mariages sont contractés de manière raisonnable selon l'exogamie, c'est-à-dire par l'alliance entre deux groupes étrangers26. Mais les époux potentiels ne doivent pas être par trop étrangers car il est nécessaire de transmettre aux enfants un monde, une attitude au monde, une interprétation du monde, et par conséquent une culture. Et en effet, dans le cas de relations interethniques extrêmes, il apparaît presque toujours d'énormes difficultés et tensions dans la vie concrète de la famille. Dans l'exemple mis à contribution (une Thaïlandaise et un Suisse), il y a le cas où les Thaïlandaises ont été quasiment exportées de la Thaïlande il y a des années comme marchandises érotiques destinées au mariage. Elles ont donc perdu leur identité culturelle. Le cas d'une relation entre des Européennes et des Africains noirs (le cas de figure sexuel le plus fréquent en Suisse) semble différent. Là la divergence est préprogrammée, la reconnaissance humaine mutuelle et l'entente mutuelle sont beaucoup trop peu profondes pour qu'il puisse y avoir un fondement pour une famille solide.

Bilan : celui qui déteste la massification et la zombification modernes doit refuser le mélange massif des ethnies et des races27. Mais si cette personne n'est pas un "ethniciste"/raciste borné, elle ne doit exclure par principe l'échange et le contact avec tous les peuples de la terre, car tous les hommes appartiennent après tout à une seule famille humaine, aussi loin que peuvent remonter leurs ancêtres communs. J'insiste sur la chose suivante : malgré la prise en considération des caractéristiques et des identités idéelles ethniques et racistes, le principe chaleureux de l'universalité, de la solidarité des hommes avec tous les autres hommes et, même par-delà, avec tous les êtres et les choses du monde, ne doit pas être abandonné!

La question de l'universalité de l'homme se pose cependant aussi en rapport avec l'écologie de la terre entière. Nous constatons que, avec la propagation des cultures de nombreuses plantes cultivées et de l'élevage d'animaux domestiques de différentes provenances géographiques à travers l'ensemble de la terre (à la suite de généralisation de la colonisation de tout le globe terrestre), de nombreuses espèces invasives végétales (néophytes) et animales (néozones) se sont disséminées comme conséquence du trafic mondial et deviendront bientôt, avec l'apparition du trafic aérien et du marché libre, l'un des plus grands problèmes écologiques sur terre.

25 Á mon avis, l'unique abri pour une enfance heureuse. Par "famille", il n'est pas besoin de penser immédiatement à la famille restreinte dégradée ou bien à l'ancien clan traditionnellement figé. 26 Nous savons grâce à l'ethnologie qu'il s'agit fréquemment à ce sujet de moitiés de tribu qui s'échangent leurs femmes. 27 En particulier ce mélange de races où la perte d'une caractéristique, par exemple la couleur de la peau, est évidente. Mais il existe une aberration raciste grave, que l'on peut parfois entendre (et que l'on peut trouver par exemple chez Céline), qui consiste à regretter le fait que, à cause du mélange du patrimoine génétique d'immigrants des pays du Sud, ou carrément noirs, avec celui des populations blondes des pays nordiques, la blondeur des cheveux des enfants nés dans ces pays devient de plus en plus rare. C'est l'éleveur de races qui s'exprime dans ce regret! Mais le sentiment spontané qui est derrière cette réaction, à savoir celui de la perte du fait du mélange racial-ethnique, lequel fait disparaître les cultures particulières estimées en raison de leur grand âge (même si elles ne sont pas exemptes de critiques), est justifié.

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Est-ce que cela veut-dire que homo n'est pas à la fin des fins "terra-compatible"? Je ne veux pas aborder cette question ici28.

La pure universalité est abstraite-froide; elle tue la sensibilité et toute attache organique. Ce qu'il y a pour cet universalisme c'est la dynamique de l'économie mondiale machinale (= le capital) avec le marché mondial, ce sont les médias, les communications et l'ensemble du trafic, qui sont rendus possibles par la technologie. Á côté de cela, il existe un universalisme politique-démocratique qui réclame la désagrégation de toutes les frontières et de tous les continents. Son but est un gouvernement mondial (de type, libéral ou collectiviste).

Le holisme et l'universalisme sont stigmatisés depuis longtemps comme unilatéraux en philosophie. Voici un exemple (assez fortuit) : Vladimir Soloviev, un Russe messianique, inspiré par le panslavisme, a écrit dans "Le sens général de l'art" (fin du XIX° siècle : « … et finalement nous devons considérer comme un mensonge le monisme abstrait ou le panthéisme, qui méconnaît toute existence particulière [et toute particularité (NdA)] au nom du principe de l'unité absolue ».

D'autre part la pure particularité est mortelle pour l'esprit. L'appartenance exclusive et exaltée à quelque chose de particulier, qui doit être le tout, le plus grand, le plus complet, crée un égoïsme de groupe, produit une atmosphère de bande de copains avinés qui est prête à toutes les infamies à l'encontre de ceux qui ne font pas partie de cette bande. Nous connaissons ces phénomènes de racisme suprématiste, de nationalisme chauvin et de groupes racketteurs et arrogants qui sont par trop imbus d'eux-mêmes. Si l'universalisme unilatéral (ou bien le holisme, le panthéisme) rend hommage au pacifisme, de même le particularisme rend hommage très fréquemment au bellicisme ou bien à un activisme agressif : bien trop souvent, le groupe, qui se sent uni, est vide intérieurement et a besoin d'un ennemi extérieur pour le forcer à l'unité. Soloviev écrit à propos du particularisme : « Nous nommons mensonge l'attitude intellectuelle qui ne fait place qu'à un certain ensemble de principes empiriques partiels, en niant le sens général ou l'unité rationnelle du monde » (page 100). Et il revendique un rapport entre le tout/un et les parties particulières : « L'être respectable idéal demande la même marge de manœuvre pour le tout et pour les parties, et donc non pas d'être libéré des particularités, mais seulement de leur exclusivité ».

En conclusion, l'on voudrait pourtant savoir à bon droit comment l'auteur de cet essai répond à cette question : « Et que fais-tu de la lutte des races et de la lutte des classes? ». On parle de la lutte des races au milieu du XIX° siècle de manière très détendue, y compris du côté de la gauche progressiste (par exemple Moses Hess), car il s'agissait, entre autres, de la lutte des différentes nations d'Europe pour la suprématie, et en premier lieu sur le marché mondial en voie de constitution. Si la gauche a ensuite mis l'accent, dans la lutte émergeante des classes inférieures, entre autres, du prolétariat, sur la lutte des classes, elle a connu lors de la Première Guerre mondiale un désenchantement sévère quand la solidarité internationale n'a pas été au rendez-vous et que les prolétaires des nations industrielles avancées se sont laissé emporter par l'enthousiasme nationaliste et qu'ils se sont étripés sur les champs de bataille29.

Dans quelle mesure la lutte des classes a-t-elle eu sa légitimité? Or je pense qu'elle n'existe plus du tout (au sens révolutionnaire)! Ou alors doit-on désigner comme lutte des classes les revendications sociales, salariales et politiques, menées par la grève contre les

28 Elle est trop profonde. Il y a une malédiction sur l'humanité. 29 Il y a certainement aussi dans l'histoire récente des exemples de solidarité populaire trahie, des exemples de trahison laquelle peut reposer également sur d'autres considérations que des considérations de classe, par exemple des considérations économiques. Il faudrait interroger l'histoire à ce sujet. Nous relevons pour les XIX° et XX° siècles qu'il y avait aussi bien une Internationale du travail qu'une Internationale du capital.(Cette dernière a manifestement survécu). Mais bien trop souvent, l'idée de classe des travailleurs a été contaminée par des intérêts personnels immédiats et l'appel au sentiment national est apparu au contraire tout bonnement comme un dépassement idéaliste de cet égoïsme!

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entrepreneurs? Or une lutte des classes véritable aurait revendiqué l'abolition des classes économiques, la suppression du prolétariat! Cela n'est arrivé que dans des cas exceptionnels30. Et aujourd'hui, c'est la nouvelle classe moyenne qui règne.

Et la lutte des races? Que Dieu nous en préserve ainsi que des autres conflits violents entre nations, ethnies, religions, groupes linguistiques! Naturellement, il y a et il y a eu cette lutte, et même elle est à l'ordre du jour un peu partout de par le monde; il est à craindre que nous attendent des situations de type irakien-bosniaque-libanais-libérien (-libéral-libertaire) en Europe centrale : des rackets en lutte avec n'importe quels noms religieux, nationaux, raciaux, cultuels ou idéologiques, qui "inspirent le respect". Ne sont-ce pas là des perspectives réjouissantes pour les amis de la pensée tribale et de l'identité absolue?31

Le monde technologique-démocratique devient de jour en jour plus uniforme et plus

monotone. La marchandisation confère à la vie humaine une facilité écœurante qui dégrade les hommes à l'état de zombis. Où sont encore l'héroïsme et la fidélité, l'aventure, la lutte, l'honneur et les personnalités de premier plan, mais aussi la solidarité profonde; où est encore la poésie, le ravissement, l'immersion, l'enchantement cosmique; où sont encore éventuellement ces moments qui donnent sa saveur à la vie humaine, saveur qui ne peut exister cependant sans la certitude de la sécurité absolue? Cette question doit se poser à l'individu pour ce qui concerne sa vie. Et où est la communauté mondiale unique des nations, des peuplades, des cultures, matures et florissantes, avec leurs singularités, au-delà du capital et de la civilisation technologique? C'est là la question du point de vue des associations humaines.

Le système dans lequel nous vivons et qui a été appelé système démocratique, capitaliste, technologique, n'ose plus affronter les antinomies. Les grandes questions, parmi lesquelles la question de la race et de l'appartenance particulière de l'homme, de chaque homme, compte pour les groupes traditionnels et naturels habituels, ne sont pas résolues, mais liquidées. J''espère l'avoir montré dans le cas particulier de la question raciale.

Nous sommes dépouillés du contact réel avec la nature, du contact avec la matière, et même de l'effort d'acquérir le savoir; nous n'avons plus de patrie sur le lieu où nous vivons, chez les hommes qui sont autour de nous; tous les liens se dénouent, un immense manque d'obligation se fait jour - l'horreur totale de la banalité et de la fadeur.

Celui à qui cela n'apparaît pas est manifestement devenu lui-même l'un de ces zombis qui constituent le produit nécessaire de cette liquidation totale et desquels on ne peut plus espérer qu'ils se réveillent jamais de leur transe.

A. L., décembre 2010

30 En Russie, d'un certain point de vue, les classes ont été abolies; mais toutefois pas en abolissant le prolétariat, mais en mettant en œuvre une prolétarisation généralisée.31 Ce serait ici le lieu de parler de la signification historique des deux idéologies, du classisme et du racisme. Mais ce serait un sujet bien trop vaste. Je voudrais n'exprimer ici que ma supposition que le racisme militant, tel qu'il s'est manifesté dans le III° Reich national-socialiste et son impérialisme, n'a jamais égalé qualitativement et quantitativement l'immense catastrophe sociale et humaine que le bolchevisme-stalinisme a représenté pour la Russie et États limitrophes. Que l'on lise "L'Archipel du Goulag" de Soljenitsyne. Je risque l'affirmation selon laquelle il n'y a pas eu en Allemagne, entre la prise du pouvoir et la défaite, un sadisme transformé en un tel système comme en URSS entre 1917 et 1953 (et encore plus longtemps après!).

Le crime du Monde Libre dans lequel nous, les "privilégiés" du Premier-Monde, nous vivons, n'est pas du reste comparable à celui des États que l'on appelle totalitaires. Il existe là quelque chose de quasi métaphysiquement incomparable. En quoi cela consiste-t-il? Est-ce à proprement parler "un crime" (devant le droit, la justice et la morale)? Mais, naturellement, la destruction de la nature et de tout ce qui est humain est, au-delà de cela, la victoire complète de la perfidie.