THÈME 2 Individu et société : confrontations de...

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THÈME 2 Individu et société : confrontations de valeurs ? La notion de société a déjà été abordée en 5 e , mais davantage sous l’angle des réseaux de relation, plus que sous celui des valeurs qu’elle véhicule. On peut dire que ce thème 2 est l’exacte passerelle entre cette dimension affective de l’individu par rapport à la société et le programme de 3 e qui, lui, va demander au sujet, au moi pensant de s’impliquer, d’agir au sein de cette société, sans hésiter parfois à s’y opposer. Or, ce lieu de jonction entre personnel et collectif, entre sentiments subjectifs et codes sociaux à respecter ou à enfreindre, c’est bien là le terrain où se joue le duel entre ses envies propres, souvent de l’ordre des sentiments, et ses engagements sociaux, par exemple au nom des lois familiales. S’il est bien un domaine littéraire où s’exacerbe cette lutte, c’est la tragédie dans laquelle le tiraillement auquel sont soumis les héros n’est même pas de l’ordre du choix mais bien de l’impossibilité. Le dilemme, souvent mal compris des élèves, est le point culminant de cette contradiction, là où tout compromis est impossible et où aucune solution ne peut être trouvée par les protagonistes impliqués. On voit aisément, comme il a été suggéré dans l’approche du thème précédent, combien il est cohérent de lier le thème de l’amour à celui des valeurs, et le dilemme cornélien, par la figure de son héros Rodrigue, retrouve une force et une vigueur dignes de l’intérêt des élèves. On ne peut que se féliciter, à cet égard, du dénouement qui promet une perspective heureuse aux deux jeunes amants grâce à la sagesse bienveillante du roi Don Fernand. La confrontation des valeurs comme source de débat intérieur constitue donc une première approche de ce thème. Ce ne sont pas seulement les héros de la littérature qui se confrontent aux lois et aux codes de la société. On peut même affirmer que certains écrivains se sont faits un devoir de porter haut certaines valeurs, empreintes d’humanisme et de respect de l’autre, quitte à se battre contre leur temps et à supporter l’acharnement de leurs détracteurs. La figure de Victor Hugo, par l’immensité de son œuvre, la générosité de ses engagements, l’évolution aussi de ses idées de plus en plus engagées contre toutes les formes d’humiliation, est l’exemple le plus frappant de la force d’un homme face à la puissance de la société. Une fois encore, l’occasion est donnée de faire comprendre aux élèves que la voix d’un écrivain peut être celle qui osera s’élever face à l’injustice et aux destins trop tôt brisés. Il nous a semblé particulièrement important de faire réfléchir des adolescents pour qui l’école, l’instruction, sont des dus, que des millions d’autres n’ont pas vécu le même sort, et que même encore aujourd’hui, des enfances sont niées. À partir de discours sur la misère, sur le travail des enfants, tels qu’Hugo les a écrits, la réflexion peut s’étendre jusqu’à notre monde contemporain. Ainsi, en partant de textes du XIX e siècle et en proposant aussi, moins littéraires certes, mais tout aussi frappants, des articles, affiches ou documents actuels, souhaitons-nous frapper les esprits et permettre une prise de conscience sur la différence de statut des individus de par le monde. Afin de ne pas rester dans un débat superficiel, nous proposons d’ancrer la réflexion dans une production écrite codifiée, la lettre ouverte, qui implique, déjà, une forme d’argumentation. Par l’approche de formes brèves, telles que la nouvelle, nous proposons des mises en situation ponctuelles, qui mettent en jeu ce rapport de l’individu à la société, à quelque échelle que ce soit. Lorsque Michel Tournier va rendre visite à des détenus, il se défait de ses a priori, mais la réciproque est également vraie puisque le cadeau qu’il aura en retour est la preuve même que des mondes se sont confrontés et, loin de se heurter, ont trouvé, grâce à l’intelligence humaine des uns et des autres, une occasion de partage de valeurs. Certaines figures deviennent aussi l’incarnation de la force de caractère, de la fermeté dans ses convictions, et, à l’échelle d’une bande de garnements, c’est bien pourtant l’apprentissage de la parole donnée qu’offre la lecture de la nouvelle de Zola « Le grand Michu ». Souhaitons que l’étude de ce thème, que l’on peut évidemment combiner avec les deux suivants, conduise chaque futur citoyen à préférer le pardon à la condamnation, à choisir plutôt Monseigneur Bienvenu que Javert, afin que Jean Valjean puisse devenir Monsieur Madeleine. 45 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4 e – Livre Ressources

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THÈME 2 Individu et société : confrontations de valeurs ?

La notion de société a déjà été abordée en 5e, mais davantage sous l’angle des réseaux de relation, plus que sous celui des valeurs qu’elle véhicule. On peut dire que ce thème 2 est l’exacte passerelle entre cette dimension affective de l’individu par rapport à la société et le programme de 3e qui, lui, va demander au sujet, au moi pensant de s’impliquer, d’agir au sein de cette société, sans hésiter parfois à s’y opposer. Or, ce lieu de jonction entre personnel et collectif, entre sentiments subjectifs et codes sociaux à respecter ou à enfreindre, c’est bien là le terrain où se joue le duel entre ses envies propres, souvent de l’ordre des sentiments, et ses engagements sociaux, par exemple au nom des lois familiales. S’il est bien un domaine littéraire où s’exacerbe cette lutte, c’est la tragédie dans laquelle le tiraillement auquel sont soumis les héros n’est même pas de l’ordre du choix mais bien de l’impossibilité. Le dilemme, souvent mal compris des élèves, est le point culminant de cette contradiction, là où tout compromis est impossible et où aucune solution ne peut être trouvée par les protagonistes impliqués. On voit aisément, comme il a été suggéré dans l’approche du thème précédent, combien il est cohérent de lier le thème de l’amour à celui des valeurs, et le dilemme cornélien, par la figure de son héros Rodrigue, retrouve une force et une vigueur dignes de l’intérêt des élèves. On ne peut que se féliciter, à cet égard, du dénouement qui promet une perspective heureuse aux deux jeunes amants grâce à la sagesse bienveillante du roi Don Fernand.

▶▶ La confrontation des valeurs comme source de débat intérieur constitue donc une première approche de ce thème.Ce ne sont pas seulement les héros de la littérature qui se confrontent aux lois et aux codes de la société. On peut même affirmer que certains écrivains se sont faits un devoir de porter haut certaines valeurs, empreintes d’humanisme et de respect de l’autre, quitte à se battre contre leur temps et à supporter l’acharnement de leurs détracteurs. La figure de Victor Hugo, par l’immensité de son œuvre, la générosité de ses engagements, l’évolution aussi de ses idées de plus en plus engagées contre toutes les formes d’humiliation, est l’exemple le plus frappant de la force d’un homme face à la puissance de la société.

▶▶ Une fois encore, l’occasion est donnée de faire comprendre aux élèves que la voix d’un écrivain peut être celle qui osera s’élever face à l’injustice et aux destins trop tôt brisés. Il nous a semblé particulièrement important de faire réfléchir des adolescents pour qui l’école, l’instruction, sont des dus, que des millions d’autres n’ont pas vécu le même sort, et que même encore aujourd’hui, des enfances sont niées. À partir de discours sur la misère, sur le travail des enfants, tels qu’Hugo les a écrits, la réflexion peut s’étendre jusqu’à notre monde contemporain. Ainsi, en partant de textes du xixe siècle et en proposant aussi, moins littéraires certes, mais tout aussi frappants, des articles, affiches ou documents actuels, souhaitons-nous frapper les esprits et permettre une prise de conscience sur la différence de statut des individus de par le monde. Afin de ne pas rester dans un débat superficiel, nous proposons d’ancrer la réflexion dans une production écrite codifiée, la lettre ouverte, qui implique, déjà, une forme d’argumentation.

▶▶ Par l’approche de formes brèves, telles que la nouvelle, nous proposons des mises en situation ponctuelles, qui mettent en jeu ce rapport de l’individu à la société, à quelque échelle que ce soit. Lorsque Michel Tournier va rendre visite à des détenus, il se défait de ses a priori, mais la réciproque est également vraie puisque le cadeau qu’il aura en retour est la preuve même que des mondes se sont confrontés et, loin de se heurter, ont trouvé, grâce à l’intelligence humaine des uns et des autres, une occasion de partage de valeurs. Certaines figures deviennent aussi l’incarnation de la force de caractère, de la fermeté dans ses convictions, et, à l’échelle d’une bande de garnements, c’est bien pourtant l’apprentissage de la parole donnée qu’offre la lecture de la nouvelle de Zola « Le grand Michu ».

Souhaitons que l’étude de ce thème, que l’on peut évidemment combiner avec les deux suivants, conduise chaque futur citoyen à préférer le pardon à la condamnation, à choisir plutôt Monseigneur Bienvenu que Javert, afin que Jean Valjean puisse devenir Monsieur Madeleine.

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PARCOURS UNE ŒUVRE INTÉGRALE Le Cid, un héros partagé entre devoir et amour p. 70 à 81

Objectifs et démarches du parcOurs

Présentation

▶▶ Ce parcours « Une œuvre intégrale », « Le Cid, un héros partagé entre devoir et amour », permet une nouvelle lecture de la pièce dans le cadre du thème « Individu et société : confrontations de valeurs ? » Le Cid est la pièce de Pierre Corneille que les élèves de collège étudient le plus souvent avec leur professeur. Or, cette pièce est longue, difficile tant par la langue du xviie siècle que par les interrogations qu’elle donne à lire et à voir. C’est au professeur de choisir un ou des axe(s) de lecture pour mener à bien l’étude de cette œuvre dans sa classe.

▶▶ À travers des extraits choisis, des documents iconographiques et de nombreuses activités d’écrit et d’oral, ce parcours permet à la fois une lecture de la pièce et une analyse précise de ses enjeux.

Problématique : Comment la situation de dilemme entre devoir et amour fait-elle du personnage dramatique un héros ?

Présentation de la progression et du choix des œuvres/extraits

▶▶ Le parcours propose différents extraits qui présentent Rodrigue dans des situations de conflit, ouverts ou psychologiques : Rodrigue face à son père (p. 70-71), Rodrigue face à lui-même : le dilemme (p. 72-73), le défi héroïque (p. 74-75), un amant prêt au sacrifice (p. 78-79).

▶▶ Les extraits proposent de comprendre qui est Rodrigue au début de la pièce (présentation élogieuse qu’en fait le Comte, rapportée par Elvire à Chimène, p. 70), quelles sont les épreuves qu’il va devoir affronter et comment ces épreuves construisent, tout au long de la pièce, le héros qu’il va devenir.

Définition des objectifs pédagogiques

▶▶ Ce parcours vise à permettre aux élèves de : – découvrir une pièce majeure de la littérature française ;– découvrir une pièce versifiée du xviie siècle ;– comprendre comment se construit un personnage ;– analyser différentes situations de conflit ;– analyser et définir le dilemme ;– acquérir du vocabulaire (vocabulaire du xviie siècle, vocabulaire poétique). Une rubrique autour du vocabulaire du xviie siècle

jalonne l’ensemble du parcours et éclaire ainsi la signification de mots importants dans les valeurs de cette époque ;– rédiger un monologue et une scène de théâtre.

OrganisatiOn du parcOurs et chOix des axes de lecture

Extrait 1 Une scène pleine de promesses p. 70

●● Pistes didactiquesIl s’agit d’un extrait de l’acte I, scène 1 du Cid qui offre un por-trait élogieux du jeune Rodrigue. Présenté dès le début de la pièce comme un jeune homme valeureux, que le Comte accepte comme époux pour sa fille Chimène, Rodrigue est promis à un brillant avenir. Cet extrait place immédiatement le jeune homme dans la lignée d’une grande famille.De plus, les deux portraits de comédien ayant incarné Rodrigue (Gérard Philipe et Francis Huster) permettent aux élèves de se faire une représentation du personnage.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment le personnage principal est-il présenté au début de la pièce ?

Extrait 2 Rodrigue face à son père p. 70-71

●● Pistes didactiquesÀ travers cet extrait de la scène 5 de l’acte I du Cid, le lecteur/spectateur comprend quelles sont les relations entre Rodrigue et son père. Le jeune homme est effacé, devant correspondre à l’image que son père et la société se font de lui. Le statut social de Rodrigue et les attentes de son père se referment sur lui comme un piège d’honneur auquel il ne peut échapper.

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●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre les relations d’autorité et de devoir entre un fils et son père.

Extrait 3 Rodrigue face à lui-même : le dilemme p. 72-73

●● Pistes didactiques Dans cette célèbre scène, nous proposons une analyse détail-lée de la structure qui matérialise le dilemme dans lequel est enfermé Rodrigue. L’étude de l’écriture et de la composition du monologue vont permettre à l’élève de comprendre ce qu’est un dilemme et, in fine, d’en proposer une définition.À l’issue de la scène avec son père, Rodrigue doit faire face à un choix impossible. Cette scène, véritable monologue intérieur extériorisé, est proposée dans son intégralité. La variation des types de vers permet de rythmer la scène et de la rendre vivante. Les deux partis (Chimène/Don Diègue) sont présentés et mêlés de manière inextricable : le dilemme est là.Un extrait de mise en scène vidéo, proposé en lienmini, per-met de donner une dimension vivante au dilemme. Par le jeu de l’acteur, les élèves visualiseront ce choix impossible qu’est par essence le dilemme et ainsi, pourront se conforter dans la définition qu’ils en ont donné.

●● Proposition d’hypothèse de lectureQuel est l’enjeu du dilemme de Rodrigue et quelle peut être la définition de ce mot ?

Extrait 4 Le défi héroïque p. 74-75

●● Pistes didactiquesCette scène de conflit oppose le jeune Rodrigue à l’adversaire imposé par son père, le Comte, père de Chimène. Il est inté-ressant de montrer aux élèves comment Rodrigue a évolué entre la scène 5 de l’acte I (« Rodrigue face à son père », p. 70) et cette scène où le jeune homme provoque le duel. Obéis-sant au devoir filial, Rodrigue se sacrifie et sacrifie son amour à l’honneur de son père et ainsi, de toute sa famille.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment les intentions d’un personnage se manifestent-elles à travers son langage (vocabulaire, rythme, figures de style) ?

Extrait 5 L’exploit historique Extrait 6 Le nom du héros p. 76-77

●● Pistes didactiques Ces deux extraits illustrent les différentes relations entre les personnages masculins de la pièce. En effet, tandis que Don Diègue propose un nouveau défi à son fils, à savoir affronter les Maures en prenant la tête des troupes espagnoles, le roi, Don Fernand, voit en ce nouveau héros son fils spirituel. Si le père de Rodrigue se montre froid, mettant l’honneur et la gloire au-dessus de son amour filial, le roi se montre un digne père de la patrie reconnaissant. On comprend que les rela-tions sont complexes et que Rodrigue se construit à travers toutes ces figures masculines : il se construit en tant que fils, sujet du roi, chef de guerre et comme héros national.

●● Proposition d’hypothèse de lectureÉtudier la consécration du héros à travers deux scènes qui le présentent tour à tour face à son père et avec le roi.

Extrait 7 Un amant prêt au sacrifice p. 78-79

●● Pistes didactiquesSi Rodrigue réalise la vengeance de son père et se réalise en tant que héros national, il lui manque l’amour de Chimène, amour devenu impossible depuis le duel avec le Comte et la mort de ce dernier. Cet extrait permet de révéler un autre aspect de la personnalité du personnage principal. Si Rodrigue s’est construit en tant que héros national, faisant ainsi la gloire de son père et de son roi, il lui manque de se construire en tant qu’homme aimé.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre que le héros ne peut se réaliser entièrement sans l’amour de Chimène, sans le pardon de celle-ci, même s’il a racheté son honneur en vengeant son propre père.

Documents iconographiques : trois photographies de mises en scène du Cid p. 78-79

●● Pistes didactiques Deux photographies extraites de mises en scène contempo-raines (mise en scène de Bénédicte Budan au théâtre Silvia-Monfort, Paris, avril-mai 2009 et mise en scène d’Alain Ollivier, théâtre antique de Fourvière, Lyon, juin 2007) sont proposées, donnant à voir aux élèves comment est jouée cette scène. Elles leur permettent de comprendre comment le jeu des acteurs et leurs postures (on sera attentif aux positions des corps) expriment à la fois l’amour et le conflit.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment le jeu des acteurs donne-t-il à voir le paradoxe d’une scène d’amour et de conflit ?

Extrait 8 L’issue possible Extrait 9 Une tragédie… qui finit bien p. 80

●● Pistes didactiquesLa construction du héros ne peut se réaliser sans l’amour : c’est ce qu’illustre ce 8e extrait du Cid. En effet, en deman-dant à Rodrigue de combattre son prétendant, Don Sanche, Chimène révèle qu’elle aime toujours le Cid. Ainsi, ce dernier défi permet à Rodrigue de dépasser le dilemme dans lequel il était enfermé. L’extrait 9 et sa promesse de mariage permettent de montrer que les conflits sont résolus et que la pièce Le Cid finit bien.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment un dernier défi permet-il d'achever la construction du personnage ?

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cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

Extrait 1 Une scène pleine de promesses p. 70

▶▶ À l’oral : Imaginer la suiteCet exercice permet, à l’issue de la lecture du premier extrait du Cid, de travailler le (ou les) horizon(s) d’attente des élèves. En effet, si la scène 1 de l’acte I laisse entrevoir le bonheur possible entre Chimène et Rodrigue, quelles épreuves vont devoir affronter les amoureux ? On attire ainsi l’attention des élèves sur le fait que l’action ne peut naitre que d’une diffi-culté rencontrée par les personnages, d’une (ou d’) épreuve(s) à traverser.

Extrait 2 Rodrigue face à son père p. 70-71

Comprendre le devoir filial1. En observant la longueur des répliques, nous pouvons constater que Don Diègue, père de Rodrigue, domine la scène. C’est lui qui en prend l’initiative (« Rodrigue, as-tu du cœur ? », v. 1), c’est lui qui rythme le dialogue («Ne réplique point », v. 23). En observant ces répliques, on remarque que les répliques de Rodrigue ne dépassent pas un alexandrin. La plus courte se réduit à une seule syllabe (« Le... », v. 23) quand son père l’interrompt, gardant la main sur ce qui est dit.2. Don Diègue parvient à retarder le moment de révéler à Rodrigue le nom de son adversaire :– en commençant par demander à Rodrigue s’il a du courage. Il veut s’assurer de la totale fidélité de son fils à leurs valeurs familiales ;– en décrivant avec précision l’affront dont il a été la victime. Ainsi, il met son fils en condition et fait grandir en lui le senti-ment de déshonneur vécu par le père mais dont il revient au fils de le venger, en tant que digne héritier de son père ; – en utilisant des reprises nominales (ici, par cataphore, le nom du Comte n’ayant pas encore été cité) : « l’insolent » (v. 9), « un homme à redouter » (v. 16), « l’ » (v. 17), « plus que brave soldat, plus que grand capitaine », v. 21). 3. Dans les vers 11 à 16, les pronoms de la première personne désignent le père, Don Diègue. Face à ce père imposant, les pronoms de la deuxième personne se retrouvent dans des groupes nominaux COD (« ton courage », v. 13, « je te donne », v. 16) ou COI (« Je le remets au tien », v. 12). Au sein même des phrases et dans le choix des pronoms et de leur fonction, la domination du père sur son fils se donne à lire. Don Rodrigue est le moyen de vengeance de son père, comme le matéria-lisent les pronoms. Les verbes à l’impératif (« Meurs ou tue », v. 15) achèvent ce rapport de domination entre les deux.4. Le vers 27 (« Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi ») montre assez clairement que qui venge l’un, venge l’autre. En vengeant son père (« Venge-moi »), Rodrigue permet ainsi d’éviter que le déshonneur du soufflet reçu par le Comte ne ternisse et ne déshonore toute la famille (« Venge-toi »). On comprend ainsi qu’il s’agit d’une question d’honneur et non d’un simple conflit entre deux individus. Les conséquences du geste du Comte sont graves.Bilan 5. a. « Va, cours, vole, et nous venge ». Cet hémistiche qui termine la scène est construit avec quatre verbes à l’im-pératif et, de surcroit, quatre verbes monosyllabiques : [va],

[koR], [vol], [vaj]. Ce choix de composition permet de donner un rythme très rapide au vers, comme le suggère déjà la signi-fication des verbes.b. Ce vers doit inciter Rodrigue à partir sur-le-champ, venger son père. Le lecteur/spectateur, quant à lui, s’attend à ce que Rodrigue obéisse à son père (après cette scène où l’on voit le jeune homme être totalement dominé par la figure pater-nelle) mais, en même temps, sachant qu’il s’agit du père de Chimène, le lecteur peut émettre des réserves : que va décider Rodrigue ?

Documents iconographiques : deux interprétations du Cid, Gérard Philipe et Francis Huster p. 71

Lecture d’images• Le personnage appartient à la noblesse comme le montrent les différents costumes qu’il porte. De plus, l’air altier et le port de tête que prend l’acteur, qu’il s’agisse de Gérard Philipe ou de Francis Huster, participe de cet effet. • Les impressions qui se dégagent de sa physionomie sont la noblesse, l’assurance et la détermination.

Extrait 3 Rodrigue face à lui-même : le dilemme p. 72-73

▶▶ À l’oral : Préparer la lecture• Dans l’extrait précédent, Don Diègue a demandé à son fils, sans lui en laisser le choix, de le venger et de venger ainsi l’honneur de la famille du soufflet qu’il a reçu du Comte, père de Chimène.Rodrigue doit prendre la décision de venger son père, en affrontant en duel le père de Chimène, ou de ne pas venger son père et de laisser l’honneur de sa famille souillé.• Les adjectifs qui désignent Rodrigue sont : « percé [jusques au fond du cœur] » (v. 1), « misérable, vengeur » (v. 3), « mal-heureux (objet) » (v. 4), « immobile » (v. 5).Rodrigue souffre de la situation dans laquelle il se trouve. Il se sent immobile, impuissant à choisir entre son père et son amante.

Comprendre l’enjeu du dilemme1. Les expressions désignant Don Diègue et celles désignant Chimène s’alternent, se suivent et se complètent (observer le vers 21, par exemple).2. Les termes qui se rapportent à Don Diègue (à surligner en bleu par les élèves) sont soulignés ci-dessous. Ceux qui se rap-portent à Chimène (à surligner en jaune) sont en gras.

Père, maîtresse, honneur, amour,Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour.Cher et cruel espoir d’une âme généreuse,

Mais ensemble amoureuse,Digne ennemi de mon plus grand bonheur,

Fer qui causes ma peine,M’es-tu donné pour venger mon honneur ?M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ?

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Ressource numériqueTexte intégral de la scène à téléchargerL’intégralité du monologue de Rodrigue (acte I, scène 6 du Cid) est téléchargeable. Il permettra aux élèves de pouvoir l’annoter et de surligner les termes qui se rapportent à Don Diègue et ceux qui se rapportent à Chimène. Ainsi, en participant activement à ce travail, les élèves prendront conscience de l’enjeu du dilemme.

ACTIVITÉ

3. Les deux possibilités qui s’offrent à Rodrigue sont :– venger son père Don Diègue et venger ainsi l’honneur de la famille toute entière ;– ne pas venger son père et ainsi garder l’amour de Chimène.Mais, en ne vengeant pas l’honneur de son père, il ferait partie d’une famille déshonorée et donc ne pourrait pas prétendre aimer Chimène, fille du Comte, pour qui la question de l’hon-neur est primordiale.4. L’écriture du monologue, par l’alternance régulière des termes qui se rapportent au père Don Diègue et des termes qui se rapportent à Chimène, illustre parfaitement le dilemme, cette incapacité à choisir entre le devoir filial et l’amour. Le repérage par les élèves de ces éléments doit permettre de matérialiser le dilemme.5. À la fin du monologue, Rodrigue prend la décision de ven-ger son père. Le vers 58 « Ne soyons plus en peine » indique que la décision de Rodrigue est prise, qu’il n’a plus à se torturer. La conjonc-tion « puisque » indique la cause qui met fin à cette peine. Le constat est simple : « [s]on père est l’offensé », Rodrigue va obéir à son père, c’est son devoir de fils. 6. a. et b. Mon père, l’offensé ; l’offenseur, le père de Chimène (v. 59-60).En observant la disposition de ces quatre groupes nomi-naux, on constate que les deux groupes nominaux construits autour du nom « père » encadrent les deux groupes nominaux construits sur le même radical « offens- ». Il s’agit d’un chiasme, comme expliqué dans la rubrique « Repère littéraire » en face du questionnaire. Le chiasme permet de matérialiser l’imbri-cation qu’il y a pour Rodrigue dans le dilemme. 7. Dans cette scène, Rodrigue est comme dépossédé de lui-même. Il doit mais ne peut prendre de décision qui implique un renoncement à ce (ceux) qu’il aime et qu’il respecte. Le sentiment qui domine ses paroles est le désespoir. Bilan 8. Cette dernière question bilan doit amener les élèves à rédiger avec leurs propres mots la définition du dilemme en s’appuyant sur leurs observations précédentes. Rappelons que l’incapacité à choisir fait partie de l’essence même du dilemme.

▶▶ Argumenter à l’oralCette activité doit favoriser les échanges de point de vue en classe et permettre de travailler avec les élèves l’argumenta-tion.

Mise en scèneLe metteur en scène traduit visuellement l’impossibilité du choix de Rodrigue en le plaçant au centre de la scène. À genoux, il balance ses bras à droite (côté jardin) puis à gauche (côté cour). Chacun des côtés est associé à Don Diègue ou à Chimène. Ainsi, physiquement, Rodrigue hésite (« balance ») entre les deux possibilités qui s’offrent à lui et se nient, s’anni-hilent l’une et l’autre en même temps.

Ressource numériqueExtrait d’une mise en scène du CidLe lienmini permet d’accéder à un extrait de la scène 6 de l’acte I jouée par Gilles Nicoleau dans la mise en scène du Cid réalisée par Thomas Le Douarec (1998). Cet extrait permet de prendre conscience de l’importance du jeu des acteurs dans l’interprétation d’un rôle et de la dimension sémantique qu’apporte le corps en jeu.

VIDÉO

Extrait 4 Le défi héroïque p. 74-75

Lecture d’image• Sur cette photographie d’une mise en scène du Cid par Colette Roumanoff, le personnage de gauche est Rodrigue, celui de droite, de dos, est le Comte.Ce qui permet de le comprendre :– le personnage de gauche semble plus jeune ;– les costumes : on peut facilement identifier qu’il s’agit de personnages nobles ;– la main portée à l’épée par le personnage de droite : on comprend qu’il s’agit du Comte, qui a déjà fait preuve de son manque de sang-froid par le soufflet donné à Don Diègue.• La réplique qui pourrait illustrer cette image (vers 11-12) :

« Te mesurer à moi ! Qui t’a rendu si vain, Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main ? »

On valorisera les répliques proposées par les élèves en leur demandant de justifier leur choix.

Étudier un défi d’honneur à travers un duel de mots1. Les répliques sont courtes et l’échange entre Don Rodrigue et le Comte est vif (on pourra aborder la notion de stichomy-thie avec les élèves). La longueur et le rythme des répliques conviennent parfaitement à une scène de conflit car cela rend compte de l’urgence de la situation et de la tension entre les personnages. 2. Rodrigue, qui était si effacé face à son père, se révèle ici digne fils de Don Diègue. Il parle avec aisance. C’est lui qui engage la conversation avec le Comte, c’est lui qui la suscite (« À moi, Comte, deux mots », v. 1). Il prend toute sa place de fils vengeur dans la scène (on pourra faire remarquer aux élèves l’équilibre des répliques dans cette scène entre Rodrigue et le Comte). C’est lui qui interroge le Comte (on fera remarquer qu’il s’agit de questions oratoires : « Cette ardeur que dans mes yeux je porte / Sais-tu que c’est son sang ? », v. 5-6) afin de revendiquer sa noble filiation.Le personnage a évolué, il semble même avoir grandi d’un seul coup. Il se montre digne héritier de son père et prêt à le venger et venger l’honneur de la famille.3. « Invaincu » signifie « qui n’a jamais été vaincu ». « Invin-cible » signifie « qu’il est impossible de vaincre au combat ». Rodrigue signifie que si le Comte n’a jamais connu de défaite au combat ou lors de duels, cela ne signifie pas qu’on ne pourra jamais le battre. Rodrigue le défie.4. Le Comte cherche à dissuader Rodrigue de se mesurer à lui pour les raisons suivantes :– il veut le faire renoncer à ce « coup d’éclat » qui serait son unique et dernier ;– il ne le juge pas à la hauteur du combat : « Toi qu’on a jamais vu les armes à la main ? » ;

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– pour lui, ce n’est pas un adversaire à sa taille et sa victoire n’aurait aucun gout ;– il essaie de le convaincre d’éviter la mort (le Comte est si certain de sa victoire qu’il voit déjà son adversaire mort).

Ressource numériqueTexte intégral de la scène lu par des comédiens + Texte à téléchargerLe lienmini permet de retrouver et d’écouter l’intégralité de la scène 2 de l’acte II du Cid. On incitera les élèves à être attentif au ton des acteurs, au rythme de la scène et à l’échange des répliques. Ce travail d’écoute pourra être réparti en trois groupes dans la classe afin que les élèves puissent se concentrer sur un point précis.

AUDIO

Bilan 5. Cette scène révèle la nature héroïque de Rodrigue car il défie l’offenseur de son père, il se montre courageux et ne recule pas devant le Comte pourtant plus âgé, plus expé-rimenté et surtout, père de celle qu’il aime. Il provoque le dialogue, il sait tenir tête au Comte et va jusqu’au bout de sa démarche.

▶▶ À l’oral : Jouer la scèneCette activité doit permettre de mettre en scène un extrait du Cid. En effet, le texte de théâtre est trop peu souvent travaillé par le jeu de l’acteur. Les élèves doivent comprendre que la double énonciation propre au théâtre a des contraintes mais également des effets uniques. Il est souhaitable que la dimen-sion de « spectacle vivant » soit abordée au moins une fois dans une séquence sur le théâtre.De plus, en jouant cette scène, les élèves vont se confronter à des difficultés : dire des alexandrins, enchainer les répliques correctement, comprendre l’enjeu de la scène pour pouvoir le transmettre aux spectateurs, savoir se positionner par rapport à son partenaire de jeu mais également par rapport au public.Les élèves doivent montrer leur compréhension du texte. En effet, les deux personnages sont dans un rapport d’égalité. L’enchainement des répliques doit être rythmé pour ne pas laisser un personnage prendre le dessus sur l’autre. On rappellera également le rythme particulier des alexan-drins et la musicalité émanant des rimes.

▶▶ Graine de savoir Cette réflexion autour des épreuves héroïques, des défis légendaires peut permettre de revoir une partie du pro-gramme de 5e (thème du héros).

Le travail mené dans la rubrique « Graine de savoir » peut être poursuivi et complété lors d’un EPI autour du parcours d’éducation artistique et culturelle et peut donner l’occasion de réaliser un projet autour des duels de légendes. Ce travail pourra être mené par les enseignants de différentes disciplines : lettres, histoire, arts plastiques, éducation musicale, EPS (autour des sports d’opposition).

Extrait 5 L’exploit historique Extrait 6 Le nom du héros p. 76-77

Étudier la consécration du hérosExtrait 51. Le royaume d’Espagne doit affronter l’invasion des Maures (ou Mores), qui sont des guerriers du nord de l’Afrique.

Suggestion d’activité complémentaireOn pourra proposer aux élèves une recherche sur la Reconquista espagnole, à partir notamment du contenu des rubriques « Le savez-vous ? » et de la réplique de Don Diègue (acte III, scène 6) de cette double page.

2. Don Diègue propose à Rodrigue un nouveau défi, après lui avoir demandé de venger son honneur en affrontant le Comte. Il lui demande de prendre la tête de la troupe espa-gnole qui va affronter les Maures (« Va marcher à leur tête où l’honneur te demande », v. 16-17). Cette scène montre la dureté de Don Diègue. Il est prêt à « sacrifier » son fils pour l’honneur du royaume (« Là, si tu veux mourir, trouve une belle mort ; / Prends-en l’occasion, puisqu’elle t’est offerte », v. 20-21). 3. Dans les cinq derniers vers, Don Diègue laisse entrevoir à son fils la possibilité de dépasser la réparation première de l’affront dont sa famille a été victime. Il lui propose de revenir en héros auprès du roi Don Fernand et ainsi d’être en mesure d’obtenir le pardon de celui-ci (« Porte [ta gloire] plus avant : force par ta vaillance / Ce monarque au pardon, et Chimène au silence », v. 25-26). En revenant vainqueur des Maures, Rodrigue pourra prétendre à nouveau à l’amour de Chimène : selon Don Diègue, elle ne pourra résister au héros national (« Si tu l’aimes, apprends que revenir vainqueur/C’est l’unique moyen de regagner son cœur », v. 27-28).Extrait 64. L’armée espagnole a remporté la bataille contre les Maures avec Rodrigue en chef d’armée. Le roi Don Fernand désigne Rodrigue comme « la gloire et l’appui de Castille » (v. 2).5. Dans l’extrait 1 (acte I, scène 1), le portrait de Rodrigue laissait déjà présager ce succès car Rodrigue était présenté comme un jeune homme venant d’une maison « féconde en guerriers » (v. 7). Le Comte lui reconnaissait « l’éclatante vertu de [ses] braves aïeux » (v. 4), voyant en lui un « homme de cœur » (v. 6). Tout le portrait de Rodrigue le montrait déjà comme futur vainqueur.Extraits 5 et 66. Le roi Don Fernand se montre reconnaissant envers Rodrigue. Tandis que son père, Don Diègue, n’hésite pas à envoyer son fils sur le terrain de la bataille contre les Maures, au risque de sa vie, le roi reconnait en Rodrigue un « généreux héritier d’une illustre famille » (extrait 6, v. 1). C’est le roi qui reprend le nom de « Cid » que lui ont donné les chefs ennemis (« Mais deux rois tes captifs feront ta récompense / Ils t’ont nommé tous deux leur Cid en ma présence », v. 13-14). On pourra proposer aux élèves de se reporter à la rubrique « Le savez-vous ? » de cette page pour découvrir la significa-tion de ce mot. En le nommant, le roi donne une nouvelle identité à Rodrigue. C’est un nouveau baptême pour ce jeune homme. Il est comme adoubé par le roi qui reconnait en lui un « fils » (« Sois désormais le Cid », v. 17, « Et qu’il marque à tous ceux qui

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vivent sous mes lois / Et ce que tu me vaux, et ce que je te dois », v. 19-20).Bilan 7. Rodrigue, le Cid, est désormais un héros car il a su défendre l’honneur de sa famille en affrontant le Comte, et prouver à son roi, donc à son pays, qu’il était un défenseur du royaume. Adoubé par le roi, il est entré dans le cercle fermé des Grands d’Espagne et le roi a une dette envers lui (« Et qu’il marque à tous ceux qui vivent sous mes lois / Et ce que tu me vaux, et ce que je te dois », v. 19-20). En portant le nom de Cid qui signifie « seigneur », Rodrigue devient l’égal du roi.

▶▶ À l’oral : Se mettre à la place du hérosCette activité doit permettre de s’assurer que les élèves ont compris l’enjeu de cette scène. Il s’agit :– d’approfondir le portrait de Rodrigue qui saura se montrer reconnaissant envers le roi des honneurs reçus ;– de montrer que Rodrigue n’est pas effacé comme devant son père.Il faudra que Rodrigue mette en avant les valeurs familiales, s’inscrive dans une lignée et non parle en son seul nom.

Extrait 7 Un amant prêt au sacrifice p. 78-79

Rodrigue a vengé son père. Il a vaincu les Maures, les adver-saires de son roi, Don Fernand. Tout semble lui réussir. Cepen-dant, une seule chose manque à son bonheur et à sa réalisa-tion en tant qu’homme : l’amour de Chimène. Mais cet amour est impossible depuis que Rodrigue a tué le Comte. On com-prend que ni l’honneur ni la gloire ne suffisent au grand per-sonnage qu’est le Cid. L’amour entre Chimène et Rodrigue, dont il est question dès la scène d’exposition, vient clore ce parcours. Il est la condition sine qua none de la construction du héros.

Comprendre l’attitude du héros1. Rodrigue se présente devant Chimène après avoir tué en duel son père pour s’offrir à sa vengeance et à sa colère. Sachant que l’amour de Chimène lui est alors interdit, il n’a plus de raison de vivre.2. Voyant Rodrigue qui se présente devant elle, l’épée ensan-glantée du sang de son propre père, Chimène est horrifiée, scandalisée : « Ah ! quelle cruauté, qui tout en un jour tue / Le père par le fer, la fille par la vue ! », v. 1-2). Cette vision la fait mourir de douleur et de désespoir. 3. Les vers qui montrent que Rodrigue a accompli son devoir envers son père sont :

« Je l’ai vu, j’ai vengé mon honneur et mon père » (v. 13) ;« J’ai fait ce que j’ai dû, je fais ce que je dois » (v. 20).

4. Rodrigue est amoureux de Chimène. S’il se présente devant elle et s’offre à sa vengeance, c’est que cela corres-pond à l’idéal de l’honneur dans lequel il s’est construit et dans lequel il vit. Fondamentalement, il désire vivre et aimer Chimène.Bilan 5. L’attitude de Rodrigue face à Chimène est noble et généreuse. Elle correspond à l’idéal du héros cornélien. En se présentant devant Chimène, la laissant disposer de sa vie, Rodrigue prouve, dans la fougue de sa jeunesse, qu’il se montre digne héritier des valeurs chevaleresques de la grande noblesse dont il est issu.

▶▶ À l’oral : Se mettre à la place d’un personnage Cette activité doit permettre aux élèves, en imaginant la réaction de Chimène, de montrer qu’ils ont compris ce qui se joue dans cette scène. Le travail peut être fait à l’oral, dans un

premier temps, puis à l’écrit sous forme d’une réplique déve-loppée. On pourra envisager, pour des élèves le désirant, leur faire rédiger une phrase en alexandrins. Le travail sur la versi-fication pourra être fait en amont.

Documents iconographiques : trois photographies de mises en scène du Cid p. 78-79

Étudier une mise en scène d’amour et de conflit 1. Sur les photographies 1 et 2, les éléments qui rappellent le cadre espagnol de la pièce sont les costumes des acteurs, très riches en couleurs et faits dans des tissus précieux. Ils sont mis en valeur par le contraste avec le décor très sobre, neutre.2. Ces images illustrent le moment où Rodrigue se présente devant Chimène, l’épée encore couverte du sang de son père. Il s’agit de l’extrait 7 proposé sur cette double page.3. Quand on observe l’attitude de Chimène, on comprend qu’elle ne chasse pas réellement Rodrigue. Elle lui tourne le dos, comme ne voulant pas affronter son regard. Elle cherche à le fuir, plutôt qu’à le chasser. Sur la photographie 2, les deux acteurs-personnages sont corps à corps, dans une position qui révèle toute la difficulté de leur situation, entre amour et colère.4. On pourra proposer aux élèves de relire l’extrait. Les vers qui peuvent illustrer la photographie 3 sont :

« Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l’envie / De finir par tes mains ma déplorable vie » (v. 5-6) ;

« C’est pour t’offrir mon sang qu’en ce lieu tu me vois » (v. 19).

Bilan 5. Les metteurs en scène montrent l’ambigüité des rap-ports entre Rodrigue et Chimène par :– les gestes : les acteurs semblent autant se repousser que s’attirer ;– les positions des corps : les acteurs sont souvent très proches, voire au corps-à-corps ;– les attitudes : les acteurs jouent avec les expressions de leur visage pour monter la douleur de la scène, une douleur mêlée d’amour et de souffrance.

Extrait 8 L’issue possible Extrait 9 Une tragédie… qui finit bien p. 80

Comprendre l’enjeu d’un dernier défi 1. Au vers 3, « Si jamais je t’aimai, cher Rodrigue, en revanche », Chimène annonce à Rodrigue qu’elle l’aime encore. Elle le fait d’une manière déguisée, en utilisant une proposition subor-donnée hypothétique.2. Elle invite Rodrigue à se battre contre Don Sanche à qui elle a demandé de venger la mort de son père. Le duel oppo-sera donc Don Sanche, vengeur du père de Chimène, et Don Rodrigue, meurtrier du père de Chimène. Cependant, Chimène désire la victoire de Rodrigue, pour la sauver du mariage avec Don Sanche. En effet, Chimène a promis sa main à celui qui sortirait vainqueur de ce duel (v. 9-11) :

« Et si tu sens pour moi ton cœur encore épris,Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix.Adieu : ce mot lâché me fait rougir de honte »

3. Le discours de Chimène a sur Rodrigue un effet euphori-sant, revigorant, presque magique. Cela lui donne des ailes et il se sent invincible. Il est prêt à tout affronter. Aucune armée ne pourra lui résister maintenant qu’il a l’assurance de l’amour de Chimène et une demande en mariage un peu déguisée.

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4. Le vers qui montre que Rodrigue est le Cid est : « Est-il quelque ennemi qu’à présent je ne dompte ? » (v. 12). Il ne craint rien ni personne.Bilan 5. Ce dernier défi permet à Rodrigue de dépasser le dilemme dans lequel il était enfermé parce que c’est Chimène qui lui demande de sortir vainqueur du duel contre Don Sanche, duel dans lequel Don Sanche doit venger la mort du père de Chimène. On comprend qu’elle a choisi et qu’elle ne s’est pas laissé, elle, enfermer dans son dilemme à elle.On pourra faire remarquer aux élèves le parallélisme des situations de Rodrigue et de Chimène.

Activités d’expression p. 81

▶▶ Rédiger un monologue suite à un conflit avec un(e) ami(e)Cette activité doit permettre aux élèves d’imaginer et de raconter une scène de conflit. Le travail demandé sur l’ana-lyse des réactions permet à l’élève de porter un regard autoré-flexif. Écrire un conflit verbal exige une bonne maitrise de l’ar-gumentation et d’un lexique varié. Le professeur sera à même de conseiller ses élèves pour enrichir leurs productions.

On sera attentif à la progression des idées. En effet, l’élève doit pouvoir dépasser le stade de l’excuse pour proposer une véritable analyse de son comportement. Ainsi, l’élève pourrait imaginer comment il aurait pu gérer autrement cette crise et tirer une leçon de cette confrontation. On pourra proposer aux élèves, non pas de lire le monologue qu’ils ont produit, mais celui d’un camarade afin que cette lec-ture distanciée permette un regard neuf sur ce qui a été écrit et de mieux en voir les qualités et les améliorations possibles.

▶▶ Rédiger une scène de théâtre à partir d’une imageCette activité propose d’inventer une scène de théâtre à partir d’un support visuel.Il faudra veiller à la présentation du texte de théâtre et à l’al-ternance des répliques de Chimène et de l’Infante. L’écueil de ce type d’activité est une succession de répliques très courtes, pouvant se limiter à quelques mots. Sans exiger des élèves une rédaction en alexandrins (ce qui peut être un choix pour des classes préparées à l’exercice), le professeur devra veiller à ce que les répliques soient suffisamment développées pour que le dialogue ne soit pas trop haché ni décousu.Faire jouer cette scène rédigée par les élèves est un formi-dable exercice qui leur permet de comprendre les qualités et les défauts de leurs textes.

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DOSSIER La « bataille d’Hernani », un conflit de valeurs p. 82 à 83

Objectifs et démarches du dOssier▶▶ À travers des extraits de textes, des tableaux et des illustrations, ce dossier présente aux élèves la bataille d’Hernani après

un rappel sur les règles de bienséance du théâtre classique (« De Corneille à Hugo »). Dans le thème 2, « Individu et société : confrontation de valeurs ? », la bataille d’Hernani permet de faire prendre conscience aux élèves que l’art a connu et connait des débats esthétiques qui reposent sur des conceptions artistiques différentes. Il nous a paru essentiel également que les élèves comprennent que des hommes se sont battus, avec leur œuvre, pour faire évoluer des genres littéraires comme le théâtre et pour proposer une nouvelle conception de leur art, plus en adéquation avec leur siècle et les valeurs inhérentes à celui-ci.

▶▶ Ce dossier propose également une présentation claire de la pièce Hernani de Victor Hugo. Trop souvent, la réalité de la pièce et les nouveautés qu’elle propose disparaissent au profit unique de « la bataille d’Hernani ». Il nous a semblé essentiel de rappeler les caractéristiques de cette pièce et pourquoi elle déclencha cette fameuse bataille.

▶▶ Ce dossier est proposé entre le parcours consacré au Cid et le parcours « Une vie, une œuvre » consacré à Victor Hugo. Il permet de comprendre comment Pierre Corneille et Victor Hugo ont participé à l’évolution d’un genre, le théâtre. On pourra, par exemple, travailler ce dossier en introduction du parcours « Victor Hugo, “l’homme océan” » (p. 84-99 du manuel) afin de faire le lien entre deux siècles, deux auteurs et un genre sans cesse questionné.

▶▶ Ce dossier vise à permettre aux élèves :– d’acquérir des savoirs sur les règles du théâtre classique ;– de mettre en relation deux écrivains, Pierre Corneille et Victor Hugo, au travers d’une préoccupation commune, faire évoluer le théâtre de leur siècle ;– de comprendre quels sont les enjeux de règles artistiques ;– d’analyser les innovations d’un auteur précurseur, V. Hugo, sur un genre déterminé : le drame romantique.

1. De Corneille à Hugo

Principes associés à chaque unité :1. l’unité de lieu : c. l’action doit se dérouler dans un lieu unique.2. l’unité de temps : a. l’action doit se dérouler en un temps limité à une seule journée.3. l’unité d’action : b. l’action doit se limiter à une seule intrigue.

2. La préface de Cromwell : la théorie romantique

La préface de Cromwell est un texte théorique très impor-tant qui permet de comprendre la réflexion de Victor Hugo sur le genre dramatique. Le parcours « Une vie, une œuvre » consacré à Victor Hugo, « l’homme océan » (p. 84-99), permet de développer les connaissances que le manuel apporte aux élèves sur Victor Hugo, l’homme, l’auteur et le théoricien.

Victor Hugo, extrait de la préface de Cromwell p. 82

Le théâtre peut être :– une baguette magique par l’illusion que le spectacle procure ;– un miroir de la réalité en transposant sur scène des situa-tions réelles, des histoires qui s’inspirent de la vie.

Benjamin Roubaud, Le Grand Chemin de la postérité p. 82

Lire une caricature• Sur cette caricature, Victor Hugo se trouve en tête, sur le che-val aux ailes de dragon. Il est représenté en chef de file du Romantisme.• Victor Hugo a été considéré comme le chef de file du Roman-tisme à l’issue de la représentation d’Hernani, pièce dans laquelle il mettait en pratique ses théories sur le théâtre.

3. La bataille d’Hernani 4. et 5. Présentation d’Hernani – Ce qui choqua

On attirera l’attention des élèves sur les innovations propo-sées par Victor Hugo, notamment sur la modernité du rythme de l’alexandrin et sur le manque de bienséance (à rapprocher des éléments apportés dans la partie « De Corneille à Hugo »).

Ressource numériqueGalerie d’images sur la réception d’Hernani en 1830À partir des documents proposés en lienmini, on pourra travailler autour de la réception de la pièce Hernani. Les élèves pourront également utiliser ces différents documents et les expliciter afin de réaliser un panneau d’exposition autour de la bataille d’Hernani.

ACTIVITÉ

cOrrigé des questiOnnaires

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PARCOURS UNE VIE, UNE ŒUVRE Victor Hugo, « l’homme océan » p. 84 à 99

Objectifs et démarches du parcOurs

Problématique : Comment l’œuvre de Victor Hugo transmet-elle les valeurs humanistes défendues par l’auteur ?

▶▶ Ce parcours s’inscrit dans le thème 2 « Individu et société : confrontation de valeurs ? » Nous l’avons intitulé « Victor Hugo, “l’homme océan” », reprenant le titre de l’exposition qui eut lieu en 2002 à la BnF pour le bicentenaire de la naissance de l’écrivain. « L’homme océan » est une expression qu’utilise Victor Hugo dans William Shakespeare, pour rendre hommage au dramaturge.

▶▶ À travers ces pages, les élèves parcourront la vie, privée et publique, de Victor Hugo, illustrée de nombreuses citations et documents iconographiques. Ils découvriront également de nombreux extraits de poèmes, de romans et de discours puisque nous avons délibérément choisi ces genres pour présenter l’écrivain – le théâtre, évoqué avec la bataille d’Hernani, p. 82-83, est traité par ailleurs dans le manuel. Une large place est faite aux discours et aux romans, reflets de l’implication de l’écrivain dans la société. Nous avons voulu montrer par ce choix de textes un Victor Hugo humain et humaniste.

▶▶ L’ordre choisi est d’une part évidemment chronologique puisqu’il s’agit d’un parcours « Une vie, une œuvre ». D’autre part, nous avons choisi d’ouvrir et de clore le parcours par un poème, genre par lequel Hugo a commencé et terminé son œuvre et genre auquel les élèves l’associent souvent dès le primaire. Quatre pages sont consacrées aux combats de Victor Hugo pour améliorer la société de son temps, à travers des extraits de discours à l’Assemblée, suivies de quatre pages consacrées aux Misérables, autour de l’évolution de Jean Valjean. Enfin, la dernière page propose une activité permettant d’utiliser les ressources iconographiques du parcours et invitant les élèves à d’autres recherches.

▶▶ Ce chapitre vise donc à permettre aux élèves de :– découvrir la biographie de Victor Hugo et la façon dont elle apparait dans son œuvre ;– découvrir les différents domaines dans lesquels Victor Hugo s’est illustré ;– lire et entendre des textes appartenant à la littérature patrimoniale ;– se familiariser avec des textes argumentatifs à travers des extraits de discours ;– réaliser un panneau d’exposition pour rendre compte de leurs recherches.

OrganisatiOn du parcOurs et chOix des axes de lecture

1. Faire connaissance avec l’auteur : portraits de l’écrivain et citations

●● Pistes didactiquesCette double page montre l’homme, à deux périodes de sa vie, et l’auteur, à travers trois citations que vingt années séparent chacune. Les élèves sont ainsi plongés dans l’histoire de l’homme et de l’écrivain.

●● Proposition d’hypothèse de lectureObserver comment Victor Hugo se donne à voir, en images et en mots.

2. Un jeune auteur vite remarqué

Texte 1 « Aux Feuillantines » p. 86

●● Pistes didactiquesCette page est consacrée aux vingt premières années de V. Hugo. Après une présentation biographique, une citation permet de saisir la précocité de sa célébrité. Le poème « Aux

Feuillantines », qui n’est pas une œuvre de jeunesse, revient sur celle-ci de façon sublimée.

●● Proposition d’hypothèse de lectureDécouvrir comment Victor Hugo se destine à devenir un grand écrivain.

3. L’ascension fulgurante du jeune écrivain

Texte 2 Notre-Dame de Paris p. 87

●● Pistes didactiquesLe questionnaire de cet extrait est centré sur les personnages d’Esmeralda et Quasimodo. Il entre en résonance avec l’ate-lier d’ouverture présentant des couples devenus mythiques (p. 16-21). L’objectif est également de montrer la puissance de l’épisode qui met en scène deux personnages que tout oppose, deux « misérables » qui se rencontrent.

●● Proposition d’hypothèse de lectureLe portrait de deux individus injustement exclus de la société.

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4. Un père anéanti

Texte 3 « À Villequier », Les Contemplations p. 88

●● Pistes didactiquesLe drame de Villequier marque un tournant dans la vie de Vic-tor Hugo. À partir de 1843, au milieu de sa vie, il se tourne de plus en plus vers les autres. Dans l’extrait présenté ici, il est encore tout à sa douleur. On pourra mener une étude com-parée d’« À Villequier » et de « Demain, dès l’aube… » proposé en lien audio.

●● Proposition d’hypothèse de lectureDes poèmes qui laissent entendre la douleur intime.

5. L’exil et le temps des grandes créations (1851-1870)

●● Pistes didactiquesAprès la mort de Léopoldine, Victor Hugo ne publiera pas pendant des années. Pour autant, il continue à écrire énormé-ment mais aussi à dessiner. Le catalogue de la BnF ou le site de l’exposition de la BnF consacrée à Victor Hugo, http://expo-sitions.bnf.fr/hugo/, est une source très riche pour découvrir cet aspect de son œuvre, tout comme l’interview exclusive que Gérard Audinet, directeur des Maisons de Victor Hugo, a accordée à Jardin des Lettres et que nous proposons en res-source numérique vidéo (« 5 minutes avec… »).

●● Proposition d’hypothèse de lectureDécouvrir Victor Hugo, artiste complet.

6. Victor Hugo, homme de tous les combats

Texte 4 Discours « On peut détruire la misère » Texte 5 Discours sur les caves de Lille Texte 6 « Joyeuse vie », Les Contemplations p. 90-91

●● Pistes didactiquesLes trois extraits présentés ici montrent un Victor Hugo homme politique, soucieux de dénoncer la misère sociale de son époque. Député de Paris depuis 1848, il prononce des dis-cours devant l’Assemblée législative afin de témoigner de ce qu’il a pu observer et de convaincre les élus d’agir en votant des lois qui amélioreront les conditions de vie du peuple.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment un écrivain s’engage-t-il dans la société de son temps pour la transformer ?

7. Défendre le droit des enfants

Texte 7 Discours à propos de l’enseignement Texte 8 « Melancholia », Les Contemplations p. 92

●● Pistes didactiquesCette page met en parallèle un extrait de discours à propos de l’enseignement et un extrait du poème « Melancholia ». Elle vise à montrer que Victor Hugo ne se contente pas de constats mais utilise toutes les ressources oratoires pour engager à l’action.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment l’écriture et le discours sont-ils mis au service des plus faibles ?

8. Combattre la peine de mort

Texte 9 Discours pour l’abolition de la peine de mort Texte 10 « L’échafaud », extrait des Misérables p. 93

●● Pistes didactiquesOn sait que le combat de Victor Hugo contre la peine de mort occupa toute sa vie. Cette page présente trois extraits, sépa-rés chacun d’une quinzaine d’années. Elle est l’occasion de montrer la ténacité de l’homme dans ce combat. Le parcours numérique complète cette page avec d’autres extraits et des-sins de Victor Hugo témoignant de cet engagement, mais aussi avec le discours de Robert Badinter qui permettra de faire voter l’abolition de la peine de mort en France.

●● Proposition d’hypothèse de lectureDécouvrir les outils utilisés par Victor Hugo tout au long de sa vie pour combattre la peine de mort.

9. Les Misérables : Jean Valjean ou le parcours d’un homme

Textes 11 à 14 Extraits des Misérables p. 94-97

●● Pistes didactiquesCes deux doubles pages proposent un groupement de quatre textes permettant de découvrir Les Misérables, en suivant le parcours de Jean Valjean, de sa sortie du bagne aux barri-cades de Paris. Il s’agit de montrer surtout l’évolution morale du personnage qui se dégage de la misère pour accéder à la bonté. Les pages 96-97 mettent l’accent sur la confrontation Javert/Valjean et le lienmini permet de découvrir en ressource numérique les autres personnages centraux du roman et un résumé de chacun de ses cinq tomes.

●● Proposition d’hypothèse de lectureJean Valjean, un misérable ?

10. Un grand-père apaisé

Texte 15 L’Art d’être grand-père p. 98

●● Pistes didactiquesAvec le poème « Jeanne était au pain sec… », nous avons voulu proposer un dernier extrait plus intime et plus léger. À travers l’anecdote narrative et l’autodérision dont fait preuve ici V. Hugo, les élèves retrouveront cependant l’auteur engagé, heureux de constater les qualités morales de sa petite-fille.

●● Proposition d’hypothèse de lectureQu’est-ce que l’art d’être grand-père lorsqu’on s’appelle Victor Hugo ?

11. Un homme célébré

●● Pistes didactiquesCette dernière page présente les dernières années de Victor Hugo, l’homme idolâtré par les uns, détesté des autres. Elle propose en outre une activité qui peut être menée dans le cadre de l’accompagnement personnalisé et/ou en collabo-ration avec le professeur documentaliste puisqu’il s’agit de concevoir un panneau rendant compte de recherches sur un aspect de la vie ou de l’œuvre de Victor Hugo.

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cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

1. Faire connaissance avec l’auteur : portraits de l’écrivain et citations

L. Bonnat, Victor Hugo C. Hugo, photographie de Victor Hugo sur l’ile de Jersey p. 84-85

Faire connaissance avec l’auteurPortraits1. Le professeur pourra noter les réponses de quelques élèves et les faire justifier par d’autres.2. Dans les deux portraits, V. Hugo apparait comme un intel-lectuel savamment mis en scène. Au-delà des différences physiques (la chevelure a blanchi, la barbe a poussé, les vête-ments montrent un homme aisé), on pourra s’intéresser au cadre : extérieur en 1855, l’homme est seul (V. Hugo est alors en exil), contre des rochers ; en 1879, l’homme est représenté dans un intérieur, accoudé sur un livre de grand format sur la tranche duquel on peut lire « Homère » (V. Hugo est alors revenu en France, comme Ulysse après son long voyage).3. Les adjectifs proposés devront être justifiés.Citations4. La première citation demande d’abord au poète d’être un observateur, soucieux de montrer la vérité, sa vérité et non celle déjà révélée par d’autres. Il doit donc allier vérité et ori-ginalité.5. V. Hugo semble reformuler ici la devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». Avant que les élèves ne reformulent la citation, le professeur pourra faire relever les verbes à la 1re personne pour distinguer les objectifs des idéaux, puis les adjectifs qua-lificatifs.6. Ces citations laissent apparaitre un homme qui souhaite tout aborder dans son œuvre, qui se sent proche de la nature et de l’humanité. On pourra à nouveau observer ce sur quoi il se montre accoudé sur les deux images.Bilan 7. L’expression « un homme océan » peut signifier qu’il s’intéresse à des domaines variés et larges, qu’il ouvre des perspectives, qu’il aura des tempêtes à affronter…

2. Un jeune auteur vite remarqué

Texte 1 « Aux Feuillantines » p. 86

Une découverte fondatrice1. Victor Hugo avait effectivement deux frères (v. 1), Abel, né en 1798, et Eugène, né en 1800. Ce dernier n’est pas nommé dans l’extrait mais le vers 4 est authentiquement autobiogra-phique.2. La Bible (« les livres » en grec) est évoquée dans le poème. Elle est désignée par les groupes nominaux « un livre inacces-sible » (v. 9), « ce livre noir » (v. 10), « une Bible » (v. 12) et « ce vieux livre » (v. 13).3. La quatrième strophe n’est composée que d’une phrase se concluant par le titre du livre, créant ainsi un effet d’at-tente pour le lecteur, comparable à celui des enfants qui se demandaient ce qu’était ce livre « inaccessible ». Les vers 11 et 12 contiennent deux verbes au présent se rapportant au moment de l’écriture. Le premier montre la distance qui le

sépare des faits par la forme négative, le second montre la certitude, réelle ou magnifiée.Bilan 4. Le ravissement des enfants face à la découverte de ce livre est dû à la transgression puisque Mme Hugo interdi-sait « qu’on monte aux échelles » (v. 3) ; les trois frères sont donc unis ici dans un secret. Ils sont ravis d’être parvenus à atteindre le livre (le vers 11 peut indiquer que cela fut diffi-cile). La découverte mobilise également les sensations dont le souvenir semble impérissable : tactiles, mais aussi olfactives (v. 13) et visuelles (v. 15, « des estampes » prouvent qu’il s’agit d’une édition illustrée). Aux images s’ajoute bien évidem-ment le texte : « nous nous mîmes à lire » sonne comme un acte fondateur dans la vie du jeune Victor.

3. L’ascension fulgurante du jeune écrivain

Texte 2 Notre-Dame de Paris p. 87

Le créateur de personnages mythiques1. Quasimodo est comparé à un lion (l. 4). La référence ani-male est reprise ligne 17 « Il se sentait robuste et fort » et ligne 20, où les bourreaux sont comparés à des « tigres forcés de mâcher à vide » puisqu’il a enlevé Esmeralda.2. Esmeralda est désignée par les GN « la jeune fille toute pal-pitante » (l. 5), « une chose délicate, exquise et précieuse » (l. 8), « un être si malheureux », « une condamnée à mort » (l. 24-25).3. On attend une réponse qui montre la suprématie de la beauté morale du personnage, du « misérable » qui, en se dressant contre l’injustice qui condamne Esmeralda, se dresse contre la société qui l’a exclu. Le lion, roi des animaux, règne ici sur les tigres.4. Quasimodo et Esmeralda sont respectivement désignés comme « un être difforme » et « un être si malheureux ». La der-nière phrase les unit dans le GN « les deux misères extrêmes de la nature et de la société ». Notons que Les Misères est le titre auquel V. Hugo avait d’abord songé pour Les Misérables (voir manuel p. 94).5. Cette question invite à se reporter à l’atelier d’ouverture. On acceptera toute autre réponse justifiée.Bilan 6. Victor Hugo défend les valeurs de justice et d’en-traide. Il combat l’injustice qui s’abat sur les plus démunis.

4. Un père anéanti

Texte 3 « À Villequier », Les Contemplations p. 88

Écrire sa douleur1. Le poème est daté du 4 septembre 1847, jour de la mort de Léopoldine à Villequier. Il a pourtant été écrit plus tard, puisque V. Hugo a appris ce drame en lisant le journal alors qu’il terminait un voyage avec Juliette Drouet. En notant ces indications, il fait de ce poème un texte autobiographique.2. Le pronom sujet « je » apparait sept fois dans ces strophes ; on trouve aussi « m’ » au vers 2 et « ma » au vers 3. Ce « je » est ensuite remplacé par un « nous » collectif, puis par un « on » universel. Peu à peu, la douleur intime s’efface pour devenir prière universelle.

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3. Les phrases exclamatives expriment l’ébahissement face à la disparition brutale de l’enfant ainsi que la douleur et la colère.

4. Au vers 9, le poète s’adresse à Dieu à qui il demande de comprendre sa colère de père. Au vers 13, il s’adresse aux « fronts que le deuil réclame», enjoignant tous les humains meurtris (« Mortels sujets aux pleurs ») à ne pas céder à cette colère, à ne pas se résigner (cf. vers 12).

5. On attend une réponse qui montre l’opposition entre « l’ombre » et « le jour ». On notera la répétition du verbe « faire » et on fera retrouver son sujet dans les deux passages : « notre destin », sujet inversé/« cet enfant qu’on aime », v. 27.

Bilan 6. « À Villequier » est un poème élégiaque. Victor Hugo y chante sa douleur face à la mort de sa fille qu’il adorait. Sa plainte est d’abord personnelle, comme le montrent les nom-breuses marques de première personne. Après les cris et les pleurs (strophe 2), le poète se soumet à son destin. En s’adres-sant à Dieu et aux hommes, il fait de sa douleur une douleur universelle.

▶▶ À l’oral : Écouter un poèmeCette activité peut être utilisée dans le cadre d’une évalua-tion : une grille comparative peut être élaborée en groupes. Les élèves, à l’aide de leurs notes, pourront retrouver les points communs et différences entre les deux textes.

Ressources numériques« Demain, dès l’aube… » lu par Michel Bouquet« Demain, dès l’aube… » est sans doute le poème le plus célèbre de V. Hugo. On demandera aux élèves quelles émotions la version de M. Bouquet leur aura fait ressentir.

Reportage sur le drame de VillequierCette vidéo revient sur le drame de Villequier et permet d’inscrire l’étude du poème dans une réalité autobiographique. Le professeur peut l’utiliser en introduction à l’étude du poème.

AUDIO

VIDÉO

5. L’exil et le temps des grandes créations (1851-1870)

Cinq documents iconographiques (photographies, dessins…) autour de l’exil de V. Hugo p. 89

▶▶ À l’écrit : Lire les images• On voit la lettre H majuscule, initiale d’Hugo, qu’il multiplie dans ses dessins, dans ses décors, ses meubles…• Cette activité laisse libre cours à l’imagination des élèves. On précisera le titre de la carte 4, représentant Léopoldine, Fracta Juventus signifiant « jeunesse brisée ». Un affichage des textes en vis-à-vis des images peut constituer un pan-neau complétant l’exposition proposée en dernière page du parcours.

Ressource numériqueInterview de Gérard Audinet, directeur des Maisons de Victor HugoLa partie 1 de l’interview, réalisée dans la maison que Victor Hugo occupa place Royale (actuellement place des Vosges) à Paris, permet de compléter l’observation des dessins de la page 89, grâce aux commentaires de Gérard Audinet. La partie 2 de l’interview revient sur les repas que V. Hugo organisait à Guernesey pour les enfants pauvres, mettant ainsi « ses actes en conformité avec sa parole ». Elle pourra servir d’introduction aux pages suivantes, consacrées aux combats de V. Hugo.

ACTIVITÉ

6. Victor Hugo, homme de tous les combats

Texte 4 Discours « On peut détruire la misère » p. 90-91

Dénoncer la misère1. Plusieurs indices permettent de reconnaitre un discours prononcé devant une assemblée : le verbe conjugué à l’im-pératif (l. 3), l’apostrophe « messieurs » (l. 3, 7, 24), la répé-tition du verbe « dire ». Au début de l’extrait, V. Hugo utilise à plusieurs reprises le « je », montrant ainsi son implication personnelle dans le discours qu’il prononce : « moi qui parle », l. 29.

2. Les phrases interrogatives servent à interpeller les dépu-tés qui écoutent le discours. Ce sont des questions rhéto-riques puisqu’elles n’attendent pas de réponse de l’interlocu-teur ; V. Hugo y répond lui-même dans la phrase suivante et le « Voulez-vous… » sonne comme une injonction à écouter ce que l’assemblée ne voudrait pas entendre.

3. V. Hugo fait appel aux sentiments en peignant des scènes de misère se déroulant au moment même de l’énoncia-tion, dans la capitale (l. 7 à11). L’adjectif « douloureux » de la ligne 20 montre l’effet recherché par V. Hugo : montrer la misère dans son discours doit faire mal, pour « engage(r) la conscience de la société toute entière » et l’amener à agir.

4. Les réponses attendues se trouvent aux lignes 3-4, 13-15, 25-27. Le quatrième paragraphe n’est constitué que d’une seule longue phrase, formant une scène. On fera remarquer l’effet dramatique créé par le zoom, allant de Paris dans son ensemble jusqu’aux « monceaux infects de chiffons en fer-mentation » (l. 16-17).

Bilan 5. Ce tableau, comme celui du paragraphe suivant, donne à voir la misère dans laquelle est plongée une par-tie de la population parisienne. Les mots « fange », « fumier » (l. 17), « charniers » (l. 23) indiquent que les conditions de vie sont inhumaines. Les adjectifs « infects » (l. 16), « immondes », « pestilentiels » (l. 23) poussent à la compassion. Ces élé-ments amènent au dernier paragraphe qui en appelle à « la conscience de la société tout entière » (l. 28-29), au nom de la civilisation et de l’humanité.

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Texte 5 Discours sur les caves de Lille Texte 6 « Joyeuse vie », Les Contemplations p. 90-91

Comparer des textes1. Dans le texte 5, on relèvera « créatures humaines » (l. 10), « familles » et « personnes » (l. 11 et 12) ; dans le texte 6, « des fantômes » (v. 3), « l’aveugle », le « phtisique » (v. 7) et « le vivant » (v. 10). Ce relevé indique que les hommes et les femmes souffrent des conditions insalubres dans lesquelles ils survivent plus qu’ils ne vivent, frappés de maladies et condamnés à une mort qui rôde.2. Il n’y a pas de réponse type à cette question. Ce sera la jus-tification qui importera et la confrontation de réponses per-mettra sans doute de nuancer les avis.

Lecture d’imageVictor Hugo se tient droit, ses bras sont croisés et son regard fixe. Il semble ainsi indifférent aux invectives de l’assemblée. Cela marque sa détermination et son courage.

Ressources numériquesDiscours lus par des comédiensLes discours lus par un comédien permettent de confirmer les réponses données dans la partie « Dénoncer la misère ». On pourra à l’issue de l’écoute demander une lecture oralisée des textes 5 et 6 pour compléter la lecture comparée.

AUDIO

7. Défendre le droit des enfants

Texte 7 Discours à propos de l’enseignement Texte 8 « Melancholia », Les Contemplations p. 92

Dénoncer le travail des enfantsTexte 71. Victor Hugo souhaite que la lecture soit accessible à tous, que chaque commune de France possède un lieu d’enseigne-ment, du primaire au supérieur, afin d’« échauff[er] les voca-tions, d’éveill[er] les aptitudes » et « about[ir] à la lumière ». En 1850, l’instruction n’était ni gratuite, ni obligatoire, ce que V. Hugo réclame dans le même discours.Texte 82. Les enfants sont privés de repos, de jeux et de joie.3. La machine est comparée à un « monstre hideux » qui broie avec ses dents. Cette image cherche à produire un sentiment d’horreur face à cette machine et de compassion pour les enfants.4. On relèvera « quinze heures sous des meules » (v. 4), « de l’aube au soir » (v. 5), « éternellement » (v. 5), « le même mouve-ment » (v. 6), « accroupis » (v. 7) et le vers 11 qu’on rapprochera de « prison » du vers 6. Les enfants sont maigris par la fièvre (v. 2), ils sont pâles, sales (v. 12) et épuisés par les longues jour-nées de travail (v. 13).5. La ponctuation expressive marque l’étonnement de celui qui voit le départ des jeunes enfants au travail (v. 1-3) et leur état de santé (v. 12). À la fin de l’extrait, les points d’exclama-tion marquent d’une part la plainte des enfants s’adressant en dernier recours à Dieu, d’autre part la colère du poète, dans le dernier vers.

6. Le poète dénonce le travail imposé aux enfants par des adultes qui les privent des joies de leur âge. Il s’insurge contre les conditions épouvantables qui leur sont imposées, faisant d’eux des esclaves. On pourra compléter cette étude par la lecture d’extraits de la loi sur le travail des enfants, datant de 1841.Bilan 7. Victor Hugo ne se contente pas d’exprimer sa colère ; il se fait l’avocat des plus jeunes et plaide pour leur instruction. Au lieu de la « servitude infâme » (v. 17) du travail, il demande la possibilité pour tous de s’instruire. Il veut pour les enfants l’éveil intellectuel plutôt que l’épuisement physique dans un travail qu’ils ne comprennent pas.

8. Combattre la peine de mort

Texte 9 Discours pour l’abolition de la peine de mort Texte 10 « L’échafaud », extrait des Misérables p. 93

Refuser la peine de mortTexte 91. La barbarie est par deux fois associée à la peine de mort (l. 7-8). Elle s’oppose à la civilisation (l. 9) donc au progrès.Texte 102. L’échafaud est comparé à une « sorte d’être » (l. 7) doué de sens et d’intelligence, de « monstre » (l. 14) assoiffé de chair et de sang, de « spectre » (l. 15) ne vivant que de la mort de ceux qu’il a tués.3. Cette métaphore a pour but d’effrayer le lecteur, de susciter chez lui un sentiment de dégout et de rejet.4. Victor Hugo veut l’abolition de la peine de mort au nom de la civilisation, du progrès de l’humanité.Bilan 5. L’avenir a donné raison à l’affirmation de V. Hugo. Il a cependant fallu attendre 1981 pour voir la peine de mort abolie en France.

Ressource numérique Le combat de Victor Hugo contre la peine de mortCe parcours numérique complète cette page par un corpus de textes et d’iconographies. Le professeur trouvera ainsi les ressources pour un groupement de textes : « Le combat de Victor Hugo contre la peine de mort ».

I. Claude Gueux, 1834Cette page présente l’incipit de Claude Gueux.1. Claude Gueux vit avec sa maitresse et la fille de celle-ci ; c’est un ouvrier pauvre (V. Hugo écrit « pauvre ouvrier » ; on pourra commenter la place de l’adjectif).2. C’est un homme « capable, habile, intelligent », « fort bien traité par la nature », « sachant penser ». Il était « honnête ouvrier naguère ». On peut relever également dans le portrait physique : Claude Gueux « était une figure digne et grave. Il avait le front haut, l’œil doux et fort puissamment enfoncé sous une arcade sourcilière bien modelée. » Le tout est résumé dans la phrase finale : « C’était une belle tête. »3. V. Hugo dit ne pas connaitre l’objet du vol, sans doute de la nourriture puisqu’il a lieu alors que la famille a faim et froid. Claude Gueux est condamné à cinq ans de prison, à la maison centrale de Clairvaux.

ACTIVITÉ

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4. V. Hugo dénonce la disproportion entre le vol commis pour nourrir sa famille et la peine infligée. Il s'insurge contre la société qui pervertit une « belle tête » et la condamnera à mort.

II. Victor Hugo, discours pour l’abolition de la peine de mort, 18481. Le mot « barbarie » est par deux fois associé à la peine de mort.2. Ce mot s’oppose à « civilisation », répété aux lignes 2 et 5.3. Victor Hugo veut l’abolition de la peine de mort au nom de la civilisation, du progrès de l’humanité.

III. L’échafaud dans l’œuvre de Victor Hugo1. Les textes sont séparés de 14 ans et Claude Gueux date de 1832. Le combat contre la peine de mort a donc occupé Victor Hugo toute sa vie.2. Dans l’extrait de Quatre-vingt-treize, l’échafaud est « une silhouette faite de lignes droites et dures ayant l’aspect d’une lettre hébraïque ou d’un de ces hiéroglyphes d’Égypte » ; dans le poème, il est « une hache horrible ».3. Le lecteur doit ressentir cette horreur face à la machine (texte 2) et reconnaitre son inutilité (texte 1).

IV. Discours de Robert Badinter, 1981Vidéo du discours1. R. Badinter répète « pure, simple et définitive » à propos de l’abolition de la peine de mort. En effet, il expliquera : « Pendant le débat sur l’abolition en 81, j’avais toujours ces trois termes présents à l’esprit ».2. Il le remercie de lui avoir ouvert la voie, d’avoir fait de lui son successeur, de l’avoir aidé lors des débats sur l’abolition.Dessin de Pancho1. La guillotine est exposée dans un musée comme en attestent les plots qui l’entourent et la notice placée devant elle.2. Elle se situe à cet endroit comme un objet historique n’ayant plus aucune utilité, ce que confirme le parent à droite. On rapprochera ces paroles de la phrase de Quatre-vingt-treize : « Au premier abord, l’idée que cette chose éveillait était l’idée de l’inutile. »

9. Les Misérables : Jean Valjean ou le parcours d’un homme

Texte 11 « La difficile reconquête de la liberté », extrait des Misérables p. 94

Lire un autoportrait1. « Je suis un galérien. J’ai passé dix-neuf ans au bagne. Je suis libéré depuis quatre jours. » (l. 2-3), « mon passeport jaune » (l. 7), « Cent neuf francs quinze sous que j’ai gagnés au bagne par mon travail en dix-neuf ans » (l. 14-16).2. « Quatre jours que je marche depuis Toulon. Aujourd’hui, j’ai fait douze lieues à pied. » (l. 4-5) indique sa résistance phy-sique. Le fait qu’il a passé 19 ans au bagne et qu’il supporte le rejet de tous depuis atteste de sa résistance morale.

3. Ici, s’exprime l’idée présente tout au long des Misérables que la société est sans pitié et n’aide pas celui qui a besoin de soutien et de pardon. Les tournures interrogatives, les expres-sions fortes et répétées sont une caractéristique du style de Victor Hugo. Bilan 4. Monseigneur Bienvenu porte bien son nom car il accueille Jean Valjean et l’invite à sa table, malgré les révéla-tions qu’il vient d’entendre.

Ressource numérique« Les personnages des Misérables »Les différentes diapositives proposent six fiches « parcours de personnages » : Jean Valjean, Fantine, Javert, Cosette, les Thénardier et Gavroche. Le professeur pourra les utiliser par exemple dans le cadre d’un exposé sur un personnage majeur de l’œuvre et y fera référence au moment de la conception du panneau d’exposition (activité d’expression finale, p. 99).Ces fiches illustrées accompagnent le résumé du roman, par livre et en images.Corrigé des questions à propos des présentations de Javert et Fantine sur la première diapositive :• Jean Valjean s’était proposé pour tuer Javert ; il le libère, prouvant ainsi sa capacité à pardonner, comme Mgr Bienvenu lui avait pardonné son vol. Javert prend alors conscience que c’est lui qui a mal agi en traquant Jean Valjean. Rongé par la culpabilité, l’inspecteur se jette dans la Seine et se noie.• Fantine connait la misère matérielle car les Thénardier l’escroquent et elle est renvoyée de la fabrique. Sans argent, elle va jusqu’à vendre ses cheveux et ses dents puis se prostitue pour pouvoir payer le couple qui, croit-elle, subvient aux besoins de Cosette.

ACTIVITÉ

Texte 12 « Je suis un misérable ! », extrait des Misérables p. 95

Un homme plein de remords1. La réponse se trouve lignes 3 et 4. On peut également rele-ver : « Ce fut comme une commotion galvanique » (l. 7-8) et « il s’élança convulsivement » (l. 9-10).2. Il est comparé à « une bête fauve effarée qui cherche un asile » (l. 13).3. Les verbes « crier » (l. 13 et 21) et « murmurer » (l. 15) montrent la colère et la souffrance de Jean Valjean, honteux de ce dernier acte malveillant.Bilan 4. « Misérable » signifie ici dont la conduite est indigne, méprisable.

▶▶ À l’oral : Lire de manière expressiveCette activité complète la réponse à la question 3. Le jeu de la dernière phrase demande une lecture précise des verbes d’action. On observera aussi la dernière vignette de la bande dessinée.

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Texte 13 « Jean Valjean face à Javert, une épreuve révélatrice », extrait des Misérables p. 96

Deux hommes qui s’opposent1. M. Madeleine, comme l'indique le paratexte, devient le maire de la ville, Javert, lui, est inspecteur de police.2. Javert insinue que seul « un terrible homme » peut soulever la voiture et qu’il n’en a connu qu’un. M. Madeleine tressaille et pâlit lorsque Javert annonce que l’homme dont il parle était un bagnard de Toulon, là où Valjean a passé dix-neuf ans (cf. texte 11, p. 94).3. Les témoins sont d’abord ragaillardis par son dévouement puis ils pleurent. Fauchelevent lui baise les genoux et l’appelle le bon Dieu (l. 31-32).4. La force herculéenne, le courage et le dévouement sont ici mis en valeur. Jean Valjean est un héros.Bilan 5. Cet acte et les réactions de ceux qui y ont assisté font prendre conscience à J. Valjean qu’il a commis un acte bon et généreux. Il souffre mais il est heureux ; il devient ici une figure christique qui n’a pas peur de Javert qu’il peut regarder d’un « œil tranquille » (l. 33), serein.

Texte 14 « Douze ans plus tard : la revanche ou le pardon ? », extrait des Misérables p. 97

Percevoir le changement de rapport de force1. Il doit assassiner Javert qui a trahi.2. En le libérant et lui donnant son adresse, il permet à Javert de pouvoir l’arrêter et le renvoyer au bagne.3.

Texte 13 Texte 14

Où se trouvent les deux hommes ?

À Montreuil-sur-mer, dans la rue, entourés de témoins

À Paris, dans une ruelle, cachés du regard des insurgés

De quel personnage le regard est-il décrit ?

• Javert : l. 7, 12, 19, 34-35• Jean Valjean : l. 34

Jean Valjean : l. 6, 33

Qui a le plus à redouter de l’autre ?

Jean Valjean, de Javert qui l’a reconnu

Javert, de Jean Valjean qui peut le tuer

Qui épargne qui ? Pourquoi, selon vous ?

Javert épargne Jean Valjean car il n’a pas de preuves.

Jean Valjean épargne Javert, par générosité et grandeur d’âme : il ne veut pas se venger.

Quels pronoms personnels Javert utilise-t-il pour s’adresser à Jean Valjean ?

« vous » (l. 10) « tu » (l. 13) puis « vous » (l. 36), quand il est libre

4. Jean Valjean décharge son arme pour faire croire aux insur-gés qu’il a accompli sa mission, alors qu’il a laissé Javert sain et sauf.Bilan 5. Jean Valjean est un misérable car il sort du bagne, puis parce qu’il a volé Petit-Gervais. À présent, c’est un homme bon qui accomplit des actes généreux. V. Hugo montre ainsi que l’homme peut changer et s’améliorer.

10. Un grand-père apaisé

Texte 15 L’Art d’être grand-père p. 98

Découvrir la complicité entre deux êtres1. Jeanne est accusée d’« un crime quelconque » (v. 2), son grand-père est accusé de lui avoir rendu visite et de lui avoir fourni un pot de confiture alors qu’elle était « au pain sec dans le cabinet noir » (v. 1). Leurs aveux se trouvent pour Jeanne vers 8-9 et sont formulés dans un langage enfantin (« mon nez », « mon pouce » à la place de « le », « le minet ») ; pour son grand-père, aux vers 17 à 20 dans une langue qui fait penser à celle d’un condamné dans un tribunal.2. Les autres membres de la famille (« ma cité », v. 5) ne sont jamais nommés. Ils sont inclus dans un ensemble (« tous ceux sur qui », v. 5, « la société », v. 6, « on », v. 10). Cela met en valeur la transgression et la complicité de la petite-fille et de son grand-père qui ont bafoué les règles établies.3. Ils apparaissent avec les mots « crime », « devoir », « pros-crite », « forfaiture », « lois », « l’ordre est troublé », « pouvoir », « règle », « indulgences ».4. Jeanne, en « douce créature » (v. 23), et dans son langage enfantin, fait preuve de tendresse et annonce qu’elle bafouera les règles établies, comme l’a fait son grand-père, pour lui venir en aide.Bilan 5. V. Hugo apparait ici comme un grand-père attentif, proche de sa petite-fille. Si le poème est une parabole sur le pardon, il est aussi un poème tendre et plein d’humour.

Activité d’expression p. 99

▶▶ Créer un panneau en vue d’une expositionCette activité finale sera réalisée en groupes après une recherche collective des thèmes à aborder. Le travail de recherche peut être fait au CDI et la rédaction des textes en accompagnement personnalisé. Un moment de réflexion col-lective doit être consacré à l’uniformisation des panneaux : format, couleurs…

Ressource numériqueExemple de panneau d’expositionLe panneau présenté en lienmini permet d’observer en détails un exemple de ce qui est demandé, autour du thème des lieux de Victor Hugo. Le professeur, en le parcourant avec ses élèves, peut attirer leur attention sur les différents éléments qui le composent (légendes, numérotation de documents, citations…) et leur présentation.

ACTIVITÉ

On peut imaginer de faire élaborer ce panneau en lien avec le professeur documentaliste, éventuellement avec le professeur de technologie si une mise en page informatique est envisagée, mais aussi d’effectuer ce travail dans le cadre d’un EPI français-histoire sur le xixe siècle.

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ATELIER D’EXPRESSION Écrire une lettre ouverte p. 100 à 103

Objectifs et démarches de l’atelier▶▶ Tout au long de cet atelier, les élèves auront à travailler non seulement l’expression d’un sentiment, mais aussi leur esprit

critique afin de formuler une opinion, un point de vue, à partir du thème de la souffrance des enfants, comme reflet d’une société injuste. Pour ce faire, il s’agira tout d’abord d’observer attentivement plusieurs œuvres picturales du xixe siècle et de réagir, de s’émouvoir, de traduire cette émotion pour qu’elle devienne un questionnement fondamental face à toute injustice : pourquoi ?

▶▶ Après ce premier questionnement servant de base à la réflexion, les élèves découvriront un discours très « littéraire » dont la forme et la grammaire permettront de commencer à rédiger un texte bref se rapprochant des caractéristiques d’une lettre ouverte, très proche d’un discours destiné à être entendu et à impliquer son ou ses destinataires. En apprenant une citation par cœur, les élèves s’entraineront à dire certains mots avec force et conviction. En outre, un poème en prose révélant les notions de contraste et d’inégalité ainsi qu’un témoignage faisant office de triste miroir réaliste permettront de poursuivre l’écriture préparatoire de la lettre ouverte comme activité finale.

▶▶ Enfin, des articles de journaux du xxie siècle actualiseront la réflexion autour de ce sujet et inciteront les élèves à prendre à nouveau leur plume pour construire un monde meilleur. La lettre ouverte sera bien entendue rendue publique (lecture en classe, publication sur le site du collège…).

Les compétences travaillées au cours de cet atelier

▶▶ À l’oral : à plusieurs reprises, les élèves devront lire un texte (d’un auteur ou le leur) à haute voix de manière expressive, claire et intelligible. Ils formuleront leurs émotions et leur opinion après lecture d’un texte ou d’une image visant à émouvoir et à susciter l’indignation. Un travail sur le vocabulaire les aidera à mettre des mots sur ces émotions. On pourra accompagner ce travail sur l’oral d’un travail sur la gestuelle afin de souligner également l’importance du langage corporel, non verbal, pour faire passer un message (on fera référence à la gravure représentant Victor Hugo, p. 101).

▶▶ À l’écrit : il s’agira d’exprimer ses sensations, ses sentiments, de formuler un avis personnel à propos d’une œuvre ou d’une situation (la réception d’une œuvre) afin de faire partager son point de vue. L’intérêt de cet atelier est de multiplier les exercices d’écriture pour mieux s’approprier les ressources de la langue et les acquis des lectures au service d’un écrit mieux maitrisé.

Choix des œuvres

▶▶ Pour faciliter la perception des textes qui jalonnent cet atelier, il nous a semblé judicieux de partir de l’image. Les élèves formulent ainsi eux-mêmes un message fort, émanant d’un support pictural. Les trois œuvres sélectionnées de Fernand Pelez, peintre réaliste du xixe siècle, offrent un premier regard sur le thème de la souffrance des enfants victimes de la pauvreté. En classe, les premières impressions et les premiers questionnements se feront à partir d’Un Martyr ou Le Petit Marchand de violettes (1885). Pour approfondir la réflexion, il sera demandé de faire un travail de recherche sur le site Internet du Petit Palais à partir de deux autres toiles : Sans asile (1883) et Grimaces et misère, les saltimbanques (1888).Par la suite, les élèves se plongeront dans un texte, un extrait de Actes et paroles (1869) de Victor Hugo, et analyseront précisément les procédés qui permettent à l’auteur d’exprimer son sentiment d’injustice et de révolte. Il s’agira ensuite de rédiger un texte court reposant sur le principe d’imitation car, bien qu’il s’agisse d’un discours, ce dernier fonctionne comme une lettre ouverte dont le but est de dénoncer une réalité inacceptable et de convaincre les destinataires.

▶▶ Après cela, les élèves liront différents types de textes exprimant aussi une réalité inacceptable : un extrait du poème en prose « Le joujou du pauvre » de Charles Baudelaire (1869) ainsi qu’un témoignage d’une fillette de onze ans tiré d’une enquête de la commission des Mines sur les débuts de l’industrie (1842). Un tableau intitulé Chambre d’enfant de Fritz Von Uhde (1889), représentant une vision idyllique de l’enfance, dialoguera avec ces textes pour nourrir à nouveau la réflexion qui sera faite sous forme de débat collectif. Afin de poursuivre le travail préparatoire sur la lettre ouverte, les élèves imagineront une lettre adressée au père de la fillette exploitée.

▶▶ Enfin, dans le but d’actualiser la réflexion des élèves sur la thématique des injustices dont sont victimes les enfants, nous avons choisi deux textes, l’un issu de la presse (Courrier international), l’autre de l’Unicef, ainsi qu’un document iconographique également emprunté à l’Unicef. L’Unicef est en effet particulièrement intéressant pour notre sujet puisque cette agence de l’ONU est entièrement dévolue à la défense de la cause des enfants partout dans le monde. Son objectif est d’améliorer et de promouvoir la condition des enfants.

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cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

1. Le travail des enfants au xixe siècle

Fernand Pelez, Un Martyr ou Le Petit Marchand de violettes, 1885 p. 100

Comprendre et s’exprimer 1. Afin d’exprimer les conditions de vie difficiles de l’enfant, Fernand Pelez a travaillé plusieurs aspects, de manière très réaliste, voire même photographique :La scène se situe en plein jour puisque la lumière inonde le visage livide de l’enfant. L’artiste a choisi une lumière morne et jaunâtre qui lui donne un aspect maladif. C’est cet ovale de « lumière » qui attire tout d’abord l’œil du spectateur. Le gar-çonnet est dans la rue, seul, assis par terre, à l’angle inconfor-table d’un mur grisâtre. Le sol, de la même couleur, semble sale. Derrière lui, on remarque un renfoncement sombre de l’immeuble, un espace vide, morne, aux teintes marron, occu-pant une bonne moitié de la toile (on peut faire poser une règle en diagonale par les élèves). La solitude du petit garçon accentue son aspect pitoyable.L’enfant, qui doit avoir entre 6 et 8 ans, est représenté endormi, bouche ouverte, car probablement éreinté par le travail. En effet, il garde sur les genoux un plateau où il met ses petits bouquets de violettes qu’il doit vendre afin de sur-vivre. Comme lui, un bouquet de violettes repose sur le sol. Son maigre visage, ses paupières gonflées, trahissent une vie épuisante. Ses vêtements sont en haillons et le recouvrent à peine car on distingue la peau de son ventre sous ce qui lui fait office de veste. Son bras droit semble à peine recouvert par des lambeaux de tissus. Les pieds souillés de l’enfant sont nus car on devine qu’il n’a pas les moyens de s’acheter des souliers. L’artiste emploie les registres pathétique et tragique.Le choix du titre : le premier titre souligne la souffrance de l’enfant et le fait que la mort plane autour de lui. On rappellera les différentes acceptions du nom « martyr » : 1. Chrétien mis à mort ou torturé en témoignage de sa foi . 2. Personne qui a été torturée ou tuée pour une cause à laquelle elle s’est sacrifiée (dictionnaire Larousse).Le second titre évoque son « métier » et donc le fait qu’il tra-vaille alors qu’il devrait être scolarisé. Cela évoque donc aussi son exploitation par des adultes.2. La pitié, la compassion (on rappellera l’étymologie de ce mot : cum = « avec »/patior = « souffrir », idée de souffrir avec, de partager la souffrance), la tristesse, la peine, la douleur, l’in-compréhension, la colère, l’indignation, la révolte, le dégout sont les émotions suscitées par cette toile. L’artiste a voulu mettre au centre un sujet qui n’était pas courant au xixe siècle. En effet, seuls les riches avaient les moyens de se faire portrai-turer. En brossant le portrait d’un jeune misérable, Fernand Pelez exprime sa volonté de montrer la réalité et d’en dénon-cer les injustices, il ne veut pas être un artiste seulement atta-ché aux commandes d’une bourgeoisie ou d’une aristocratie mais souhaite œuvrer pour les misérables, les plus vulné-rables. Sa peinture devient un acte de dénonciation.3. Les questions des élèves pourront être parfois inattendues mais il s’agira de les mutualiser et de débattre sur quelques-unes en classe. Toutefois, on imaginera aisément : que fait-il dans la rue ? Où sont ses parents ? Pourquoi est-il tout seul ? Comment les passants ont-ils pu le laisser s’endormir par terre ainsi ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi vend-il des violettes ? A-t-il des frères et sœurs ? Qui le lui impose ? Est-ce légal ? Rêve-t-il ? À quoi rêve-t-il ?

▶▶ À l’écrit : Effectuer une rechercheErratum : suite à une actualisation du site Internet du Petit Palais, la rubrique « Base de données des œuvres » a été renom-mée en « Collections en ligne ».

Ressource numériqueLien vers le site Internet du Petit PalaisLe lienmini dirige directement l’élève vers la page des collections du Petit Palais. On pourra guider les élèves pour les aider à trouver et à choisir, dans le menu vertical de gauche, la rubrique « Collections en ligne », puis à sélectionner dans la page qui s’ouvrira alors le lien www.parismuseescollections.paris.frSur cette page, la recherche des œuvres peut se faire de façon simple, en saisissant les mots-clés dans le champ dédié (en haut à gauche), ou par une recherche avancée par type de musée, d’œuvre, etc.

ACTIVITÉ

En allant dans la base de données accessible depuis le site Internet du Petit Palais qui ouvre sur toutes les collections patrimoniales, les élèves découvriront deux autres œuvres bouleversantes de cet artiste incontournable du xixe siècle. En observant les dimensions réelles du tableau, ils constateront que Grimaces et misère, par exemple, est une œuvre monu-mentale, de format panoramique (voir aussi p. 133 du manuel). Un tel format n’est pas anodin. Il s’agira de leur demander les raisons de ce choix de la part de l’artiste. Le professeur peut les inviter à zoomer sur les œuvres afin d’en observer attenti-vement les détails dont le réalisme est surprenant.

• Dans le cadre d’un EPI, on pourrait envisager une colla-boration entre deux disciplines : le français et l’histoire-géographie. Le cours d’histoire-géographie fournirait et analyserait des documents supplémentaires, notam-ment tirés de l’Unicef, pour balayer plus amplement la question de la condition des enfants aujourd’hui dans le monde. Il pourrait également aborder la question juridique des droits de l’enfant dans l’histoire. À travers ce projet de la rédaction d’une lettre ouverte, les élèves mettraient en œuvre les notions d’engagement et de justice qui figurent au cœur des nouveaux programmes d’histoire-géographie-EMC. Le cours de français pré-parerait et mènerait l’activité finale, la rédaction de la lettre ouverte, en travaillant en particulier les procédés de l’écriture argumentative, l’expression du jugement et le vocabulaire des sentiments.• D’autre part, des lettres ouvertes contemporaines portant sur d’autres objets de dénonciation pourraient être étudiées en parallèle dans les deux disciplines selon leurs angles d’analyse respectifs. Par exemple, l’histoire-géographie-EMC travaillerait à construire des repères historiques et géographiques pour comprendre leur contexte, pendant que le français s’intéresserait à la dimension littéraire et argumentative de ces écrits.

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2. Écrire pour impliquer le destinataire

Victor Hugo, Actes et paroles, Pendant l’exil, 1869 p. 101

Comprendre1. L’hygiène de vie et l’éducation sont les moyens qui per-mettent d’aider les enfants. On évoquera la maxime latine « Mens sana in corpore sano » que l’on doit à Juvénal, dans ses Satires (X, 356). Il convie l’homme à se contenter de peu mais de l’essentiel : avoir la santé de l’âme et celle du corps. Au xvie siècle, à la période humaniste, on sait à quel point le régime préconisé par Michel de Montaigne, dans ses Essais, met l’accent sur le corps et la santé physique, comme condi-tion première d’une bonne santé morale. Ainsi, il n’est de bonne éducation que celle qui contribue au plein épanouis-sement de l’enfant.2. Selon l’auteur, cette assistance est essentielle car d’elle dépend le futur de l’humanité : « L’enfant s’appelle l’avenir » (l. 13). Le mode employé couramment par Victor Hugo et qui permet de défendre avec force et autorité ses idées est l’impé-ratif : « fortifions » (l. 3), « développons » (l. 3), « Aidons » (l. 9), « Assistons » (l. 9), « Exerçons » (l. 14) et tous les verbes surli-gnés en rose dans ce texte.3. Cet acte de délivrance signifie la libération de l’enfance grâce à l’éducation. On fera lire la rubrique « Graine de savoir » au sujet de Voltaire dont on aperçoit, sur la gravure en haut de page, le buste sculpté derrière Victor Hugo. En effet, Victor Hugo se considère comme un continuateur de l’œuvre des philosophes des Lumières dont le combat consistait à faire en sorte que l’instruction soit accessible au plus grand nombre « afin d’éclairer les esprits et de les libérer de l’ignorance ».Le temps employé pour souligner les effets certains d’une telle assistance est le futur de l’indicatif : « se portera » (l. 21), « fera » (l. 22), « rayonnera » (l. 23).

▶▶ Grammaire pour dire et pour écrire• Connaissances et compétences associées : repérage et identification de procédés destinés à étayer une argumenta-tion.

J’appliqueOn attendra que les élèves réinvestissent dans leur texte les outils grammaticaux mis en relief : varier les types de phrase, le rythme des phrases (phrases courtes/longues), employer des figures de style et éventuellement le présentatif « c’est ». Ils n’oublieront pas de proposer une introduction dans laquelle le/la narrateur/rice racontera qu’il/elle a assisté à un discours bouleversant de l’écrivain dont il/elle aimerait faire part à ses camarades.Également, une fois le texte corrigé et amélioré, on deman-dera aux élèves de le lire en classe en travaillant non seule-ment leur élocution mais aussi leur langage corporel, tels le regard et les gestes. On pourra leur faire observer pour cela l’attitude de Victor Hugo dans la gravure de la page 101. Il serait tout aussi intéressant de leur demander de faire deux lectures : l’une neutre, sans expressivité évidente et l’autre à l’expressivité très travaillée. Ils démontreront ainsi qu’un dis-cours est convaincant tant par les mots qu’il emploie que par les autres codes non verbaux (ton, volume, regard, gestuelle, silences...). On rappellera qu’une lettre ouverte n’est pas ren-due obligatoirement orale mais qu’elle peut devenir un dis-cours en étant lue.

▶▶ À l’oral : S’exprimer• La citation : pour qu’un enfant devienne un homme au sens noble du terme, il a besoin d’une instruction, d’une éduca-tion complète, celle du corps et de l’esprit. La lumière est ici associée à la connaissance, à la conscience, elle s’oppose à l’ignorance, la bêtise et toute forme de superstition (cf. Les Lumières). Un homme ne sera un homme que s’il est un enfant dont les droits sont respectés. Cette citation reprend la thèse exprimée dans le discours étudié précédemment. Les trois présentatifs « c’est » permettent de mettre en relief des thèmes indissociables : Homme/ Lumière/Instruction.• Par ce travail de mémorisation, les élèves s’entraineront à prononcer certains mots avec conviction et apprendront à regarder leur auditoire pour capter davantage l’attention. Ils devront travailler leur propre discours en ce sens. En effet, même s’il ne s’agit pas de connaitre par cœur tout son texte, il s’agira d’apprendre à s’en défaire pour créer un lien avec l’au-ditoire. On peut renvoyer à la gravure page 101 : Victor Hugo tient son discours dans sa main gauche mais ne le lit pas, il regarde son public.

3. Écrire pour dénoncer les inégalités

Charles Baudelaire, « Le joujou du pauvre » p. 102

Comprendre1. Les deux mondes qui se confrontent dans cet extrait sont la « grande route » (l. 20) symbolisant la misère et l’errance, ainsi que le « château » (l.20) qui représente la richesse et le confort. 2. Tableau comparatif :

Éléments observés

« la grande route » = milieu pauvre

« le château » = milieu riche

Lieu « De l’autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties » (l. 13-14)

« vaste jardin » (l. 1)« joli château » (l. 2)« blancheur » (l. 2)

Enfant « enfants de la médiocrité ou de la pauvreté » (l. 7-8)« sale, chétif, fuligineux » (l. 14)« marmots-parias » (l. 15)« sous un vernis de carrossier » (l. 17) : l’enfant serait aussi joli que l’enfant riche« la répugnante patine de la misère » (l. 18) : la crasse de la misère« pauvre » (l. 20)→ termes péjoratifs

« beau et frais » (l. 3)« vêtements de campagne si pleins de coquetterie » (l. 4)« luxe » (l. 5)« insouciance » (l. 5)« richesse » (l. 6)« jolis » (l. 6)« riche » (l. 21)→ termes mélioratifs

Joujou « objet rare et inconnu » (l. 22)« boîte grillée » (l. 24)« un rat vivant » (l. 24)

« joujou splendide aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d’une robe pourpre et couvert de plumets et de verroteries » (l. 9-11)

On commentera l’aspect très descriptif de ce poème en prose, tel un tableau que se représentera aisément le lecteur.3. La grille sépare les enfants dans le sens où ils ne peuvent occuper le même lieu géographiquement. L’enfant riche, bien

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que dans un « vaste jardin » (l. 1), est derrière la grille, enfermé, comme l’est un animal en cage (dorée ?). L’enfant pauvre, quant à lui, est libre mais misérable, livré à lui-même sur les chemins. Toutefois, le narrateur précise que les barreaux sont « symboliques » (l. 19) et sous-entend ainsi que la société des adultes est responsable de ces inégalités et donc de leur séparation. On remarquera l’emploi du mot « paria » (l. 15) qui signifie « rejeté par la société ». D’un côté il y a l’opulence (que le narrateur ne désigne pas comme un idéal non plus) et de l’autre la misère. Ce fossé entre ces deux enfants est le signe d’une société injuste, inique, et donc condamnable.4. Grâce au jouet fascinant de l’enfant pauvre (« rare et inconnu », l. 22), les deux enfants ont un même centre d’in-térêt. Ils parviennent ainsi à jouer ensemble malgré les bar-reaux, symboliques ou non, car ils ne se jugent pas sur leur apparence. Leur intérêt est de s’amuser, de rire, tout simple-ment.

Suggestion d’activité complémentaire à l’oralOn pourra ouvrir plusieurs débats sur la/les question(s) suivante(s) : « À partir de quel âge commence-t-on à se juger sur les apparences, selon vous, et pour quelle(s) raison(s) ? » ou « Pensez-vous que le bonheur d’un enfant repose sur le matériel ? »Une courte synthèse des remarques sera faite collectivement. Les connecteurs logiques et temporels seront entourés au tableau.

Suggestion d’intertextualitéLe professeur fera lire le poème d’Arthur Rimbaud « Ma bohème » (1870) et demandera en quoi ce texte peut être mis en lien avec « Le joujou du pauvre » (1869) de Charles Baudelaire (jeunesse, errance sur les routes, haillons, pauvreté, jouer/faire de la poésie avec rien...).Une courte synthèse des remarques des élèves sera rédigée à l’issue de l’échange.

L’adjectif « égale » est mis en italique, et donc en exergue, pour souligner que les enfants sont naturellement tous égaux, ont la même pureté, la même beauté, la même aptitude à s’amu-ser avec des choses simples de la vie.5. Toutefois la société, même si elle n’a pas encore souillé leur innocence, ne leur a pas offert les mêmes conditions de vie. Cet adjectif cache, en filigrane, une critique sévère de la société jugée inégalitaire. On insistera donc sur la visée dénonciatrice du poème de Charles Baudelaire.

Témoignage d’une fillette de 11 ans, enquête de la commission des Mines sur les débuts de l’industrie p. 102

▶▶ À l’oral : DébattreEn confrontant ce témoignage avec le tableau de Fritz Von Uhde, Chambre d’enfant, en haut de page, il s’agira d’oppo-ser, comme l’avait fait Charles Baudelaire dans son poème en prose, deux mondes. Il sera conseillé de faire un tableau com-paratif en classe et de le compléter collectivement avant de rédiger une synthèse.

Éléments observés

Témoignage d’une fillette de 11 ans (1842)

Tableau de Fritz Von Uhde,

Chambre d’enfant (1889)

Lieu « au fond de la mine » (l. 1)« à la fosse » (l. 2)« gisement [...] en pente raide » (l. 6)« quatre pentes » (l. 7)« galerie principale » (l. 8)→●cadre cauchemardesque

On aperçoit trois petites filles dans une chambre d’enfant agréable, aux murs bleu lavande, fraiche et colorée. La fenêtre est ouverte, ce qui accentue cette sensation de fraicheur. Un lit charmant en fer forgé est dans l’angle gauche de la pièce. Des jouets, notamment de nombreuses jolies poupées, jonchent le sol. Au centre, une petite fille semble regarder le spectateur et son visage rondelet aux joues roses nous affiche un sourire adorable. Sur une table ronde, un panier en osier regorge de robes de poupées.→●cadre idyllique

Activités « descendre [...] à trois heures du matin » (l. 2-3)« remonte à une ou deux heures de l’après-midi » (l. 3-4)« couche à six heures du soir » (l. 4)« quatre pentes ou échelles à remonter » (l. 7)« remplir quatre à cinq wagonnets de deux cents kilos chacun » (l. 9-10)« vingt voyages » (l. 10)→●activités professionnelles dangereuses

Deux petites filles sont en train de jouer avec des poupées pendant qu’une autre, qui semble la plus âgée, brode assise sur une chaise, près de la fenêtre.→●activités ludiques et agréables

Attitude des

parents

« pour le compte de mon père » (l. 1-2)« Quand je n’y arrive pas, je reçois une raclée » (l. 11)→●absence et violence

Une femme, peut-être la mère ou la nourrice, est assise de profil et semble coudre quelque chose, probablement un vêtement de poupée, tout en veillant sur les trois enfants.→●présence et tranquillité

Prolongement possibleÀ lire aussi pour actualiser la problématique du témoignage de la fillette, un article sur le travail des enfants dans les mines en 2016 :https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2016/01/child-labour-behind-smart-phone-and-electric-car-batteries/

▶▶ Grammaire pour dire et pour écrireLes élèves seront amenés à exprimer une opinion, à s’émou-voir et à condamner l’attitude du père de la fillette car il prive sa fille de son enfance. Des adjectifs qualificatifs sont propo-

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sés pour exprimer l’indignation. Il sera également question de réinvestir les procédés étudiés page 101. Les codes de la lettre seront respectés.À nouveau, il sera conseillé de faire lire les textes en classe. On insistera encore sur l’importance de l’expressivité durant la lecture. Les élèves pourront élire les lettres les plus émouvantes et convaincantes et expliquer les raisons de leur choix.

4. S’indigner pour construire un monde meilleur

Un ensemble de trois documents dénonçant chacun une injustice est soumis aux élèves : deux articles, l’un issu de la presse (article « Enfances saccagées » extrait du Courrier inter-national), l’autre de l’Unicef (« Des millions de filles victimes du mariage forcé »), et un document iconographique qui est une affiche de campagne de l’Unicef pour la journée interna-tionale des enfants soldats.

●● Compétences travailléesLire un document composite, lire des textes non littéraires issus de la presse, lire une image.

Comprendre1. L’article « Enfances saccagées » dénonce le travail des enfants.L’article « Des millions de filles victimes du mariage forcé » dénonce le mariage forcé des filles.L’affiche de l’Unicef dénonce le fait que les enfants font la guerre en tant que soldats.2. Les mots surlignés sont péjoratifs, ils insistent sur la pénibi-lité du travail des enfants.3. Les enfants devraient avoir le droit de vivre une enfance protégée des traumatismes (causés par le mariage forcé et la participation à la guerre) et le droit à l’éducation. On notera que l’article de l’Unicef évoque une injustice qui touche seu-lement les filles, si bien que l’on peut ajouter que les filles devraient avoir les mêmes droits que les garçons.

Activité finale p. 103

▶▶ Rédigez une lettre ouverte adressée à une personnalité

●● Objectifs :– produire un texte qui défend une opinion et cherche à convaincre en employant des procédés d’argumentation ;– savoir rédiger une lettre ouverte en respectant ses codes formels ;– apprendre à enrichir progressivement les stratégies d’écri-ture, en mettant les ressources de la langue (à l’aide des conseils grammaticaux, lexicaux et stylistiques donnés) et les acquis de lectures au service d’une écriture plus maitrisée.

●● Suggestions de mise en œuvre• Dans un premier temps, les élèves prépareront la rédaction à venir en prenant en compte les diverses contraintes indi-quées. Cette étape initiale, assez longue, pourra être intitulée « Préparation de la rédaction de la lettre ouverte » et prendra place dans leur support de cours, dans un carnet de bord, ou à défaut sur des feuilles de brouillon (lisibles pour autrui et à conserver).Ils commenceront par dresser la liste des trois injustices qu’ils choisiront de dénoncer (injustice 1, injustice 2, injustice 3). Puis ils feront apparaitre la « structure » imposée dans un schéma, que le professeur introduira et dont il proposera un modèle (soit dans une marge, avec des accolades ou des flèches, soit dans des rectangles). On inscrira « paragraphe d’intro-duction : thèse à reformuler », « paragraphe 2 : injustice 1 », « paragraphe 3 : injustice 2 », « paragraphe 4 : injustice 3 », « paragraphe de conclusion : demande et solutions »). Enfin, ils s’intéresseront à « l’intention argumentative » du texte qu’ils devront produire, à partir de trois points : les procédés d’écri-ture qui ont été identifiés au cours de l’atelier et qui mériteront d’être rappelés à l’écrit, le vocabulaire du désaccord et le voca-bulaire des sentiments. Il y aura lieu de construire ensemble ou de fournir aux élèves un bagage lexical correspondant à chacun des sentiments évoqués, notamment pour leur faire percevoir le sens précis de certains de ces sentiments qu’ils peuvent avoir tendance à amalgamer. Si l’on décide de les impliquer dans la constitution des champs lexicaux, on pourra songer à concevoir un travail de groupe à la façon d’un brains-torming, le professeur étant amené à compléter les mots et expressions qui auront émergé.• Dans un deuxième temps, les élèves s’engageront dans la rédaction à proprement parler. On pourra d’abord faire réali-ser la rédaction des deux premiers paragraphes en classe ou à la maison, et les faire lire à leurs pairs pour qu’ils donnent lieu à des commentaires distinguant les éléments de réussite et les éléments à améliorer. Suite à cette phase de démarrage, les élèves reprendront si nécessaire ces deux premiers para-graphes et termineront leur rédaction.• Pour cette écriture longue, il serait intéressant de prévoir plu-sieurs jets. À l’issue du premier jet de la totalité de la rédaction, on pourra envisager une recherche collective de formulations pour améliorer et enrichir les textes lus et/ou vidéoprojetés.

Suggestion de prolongementÀ l’oral : les rédactions abouties pourront donner lieu à une mise en voix qui vise en premier lieu la clarté et l’intelligibilité, mais aussi l’expressivité afin de conférer au propos une puissante force de persuasion. Le fameux discours de Martin Luther King « I have a dream » pourra être écouté, après avoir été brièvement mis en contexte, pour rendre les élèves sensibles à la diction qui le rend émouvant et efficace.

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PARCOURS UNE ŒUVRE INTÉGRALE « Écrire debout », de Michel Tournier p. 104 à 109

Objectifs et démarches du parcOurs

Problématique : Comment une nouvelle permet-elle de montrer le rôle possible de l’écrivain dans la société ?

▶▶ La nouvelle « Écrire debout » de Michel Tournier nous a semblé s’inscrire pleinement dans le thème 2 : « Individu et société : confrontations de valeurs ? » Elle réunit des personnages, un écrivain, des détenus, qu’a priori tout oppose et qui, oubliant leurs réticences initiales, se trouveront des valeurs communes. Le récit a ainsi une visée argumentative et amènera les élèves à réfléchir sur le rôle de l’écrivain dans la société.

▶▶ Nous avons accompagné cette nouvelle d’un questionnaire offrant une lecture guidée qui laisse le professeur libre de ses choix. Il peut par exemple décider d’étudier la construction du récit, auquel cas il peut être intéressant de ne donner à lire la chute (l. 68-73) qu’après avoir demandé aux élèves d’imaginer quel objet est livré au narrateur.

▶▶ Nous avons conçu ce parcours comme un prolongement possible au groupement de textes autour des combats de Victor Hugo (p. 90-93) que cite d’ailleurs Michel Tournier lorsqu’il évoque des écrivains « poursuivi(s) et persécuté(s) » pour avoir contesté l’ordre établi.

▶▶ Les textes écho de Leïla Sebbar et de Tahar Ben Jelloun permettent d’ouvrir cette réflexion pour découvrir le rôle de l’écrivain public. Il est celui qui donne la parole à ceux qui ne l’ont pas, qui n’osent la prendre, transcrivant ce qui lui est conté.

▶▶ À l’issue de ces lectures, plusieurs activités d’expression sont proposées : les élèves pourront écrire et lire leur propre définition de l’écrivain (Méthode p. 108) et expliquer quelle est l’utilité des mots pour eux (« Écrire et lire un mur des mots », p. 108), rédiger une lettre de remerciement et expliquer un choix (p. 109).

▶▶ Ce parcours vise donc à permettre aux élèves de :– lire, comprendre et interpréter des textes littéraires, en s’interrogeant sur les conciliations possibles entre les systèmes de valeurs mis en jeu ;– découvrir la confrontation des valeurs portées par les personnages ;– formuler des impressions de lecture et présenter un point de vue.

OrganisatiOn du parcOurs et chOix des axes de lecture

Michel Tournier, « Écrire debout » (texte intégral) p. 104-106

●● Pistes didactiquesÀ travers la lecture intégrale de la nouvelle, les élèves seront amenés à s’interroger sur le rôle de l’écrivain dans la société.

●● Proposition d’hypothèse de lecture« Un écrivain, c’est utile ? »

Texte écho Leïla Sebbar, Écrivain public p. 107

●● Pistes didactiquesLa nouvelle de Leïla Sebbar est inspirée de la vie réelle d’Isa-belle Eberhardt (voir la rubrique « Graine de savoir »). L’extrait donne à voir l’activité de l’écrivain public dans le port de Marseille, la « magicienne » qui permet aux hommes analpha-bètes ou illettrés de s’adresser à leurs proches.

La lecture de l’encadré « Le savez-vous ? » sera l’occasion d’expli-quer la formation des mots « illettré » et « analphabète ». On fera lire les graphiques à l’oral pour en vérifier la compréhension.

●● Proposition d’hypothèses de lectureÉcrire, pour qui ? Écrire, pour quoi ?

Texte écho Tahar Ben Jelloun, L’Écrivain public p. 108

●● Pistes didactiquesCe nouvel extrait donne la parole à une femme qui ne sait ni lire ni écrire et qui donne des conseils à l’écrivain public. Il per-met une discussion sur la différence entre conteur et écrivain. Il sera complété par celui de Marguerite Duras pour préparer à la rédaction d’une définition personnelle du mot « écrivain ».

●● Proposition d’hypothèses de lectureConseils à un écrivain. Être conteur ou écrivain ?

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cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

Michel Tournier, « Écrire debout » (texte intégral) p. 104-106

▶▶ Graine de savoirOn demandera d’abord des synonymes de « centre péniten-tiaire » : il s’agit d’une prison, à l’origine un bagne. On discutera ensuite des nuances de sens.

La rencontre avec un univers inconnu, p. 104Entrer dans la lecture. Dans un centre pénitentiaire, le « centre de Cléricourt » (l. 1). Les mots qui le prouvent sont : « visiteur pénitentiaire » (l. 1), « prison », l. 7 et « gardien », l. 21.l. 1 à 141. a. Le narrateur, ayant un mauvais souvenir d’expériences précédentes (l. 6, 9 et 10) se rend dans ce lieu sans aucun enthousiasme (l. 5 et 6).b. Il compare cette visite à une « descente en enfer », l. 6.2. « Ils » désignent les prisonniers. Il les définit comme des personnes ayant commis des actes graves : terrorisme, prise d’otage, hold-up (l. 2 et 3).3. Après sa visite, le narrateur n’est plus dans le même état d’esprit. Il considère les prisonniers comme des êtres humains semblables à lui-même et s’interroge sur la différence de voies suivies par les prisonniers et lui, soulignée par le mot « Pour-quoi ? » (l. 11 à 14).4. Ce « Pourquoi ? », le narrateur se l’adresse à lui-même mais il interroge aussi le lecteur. On fera formuler aux élèves une phrase complète commençant par ce mot interrogatif.

Une série de contraintes, p. 104l. 15 à 215. Le pronom « on » désigne le personnel du centre péniten-tiaire. L’emploi de l’indéfini montre qu’il n’a pas d’identité ; les hommes, dans le centre, sont anonymes.6. Le sujet est « Des portes commandées électriquement » (l. 17). Cela donne l’impression que ce ne sont pas des humains qui agissent et que le monde carcéral est déshumanisé.7. La structure et la longueur des phrases, succession de pro-positions indépendantes juxtaposées ou coordonnées, sou-lignent la longueur du trajet et la lenteur avec laquelle il est effectué. La conjonction « et » souligne le nombre d’étapes dans la progression du trajet.8. Le narrateur fait entendre les propos du gardien, qui font écho à la « descente en enfer » de la ligne 6, en utilisant le dis-cours direct pour montrer qu’il ne s’agit pas de ses propres paroles. Pour autant, cette intervention orale est la seule humaine lors du trajet.Bilan 9. Lors de son arrivée, le narrateur insiste sur la pénibi-lité que constitue pour lui cette visite et sur le manque d’hu-manité des lieux. Cela est atténué par le fait qu’il a le souvenir d’un auditoire réceptif et attentif.

La rencontre, p. 1051. Les activités exercées par les détenus et l’écrivain sont un travail d’« artisanat solitaire » (voir l’encadré « Le savez-vous ? »). Elles ont ceci en commun : toutes deux s’effectuent à la main, « par ajustement patient de pièces et de morceaux » (l. 28-29). Elles nécessitent « du temps et du soin » (l. 29).2. Les paroles rapportées directement unissent les deux acti-vités dans une même phrase, comme la proposition incise : « cela se fait comme un meuble » (l. 27-28) ; le passage entre

parenthèses est par ailleurs une explication que le narrateur a très certainement donnée aux détenus.

Le rôle de l’écrivain dans la société, p. 1053. Sans écrivains, la société serait « semblable à une ruche, à une fourmilière, à une termitière » (l. 36-37).4. Pour expliquer le rôle de l’écrivain, l’auteur utilise une méta-phore (l. 38-40) : « L’écrivain a pour fonction naturelle d’allumer par ses livres des foyers de réflexion, de contestation, de remise en cause de l’ordre établi. » Cette image rend son discours concret et fait référence aux Lumières, opposées à l’obscuran-tisme.5. Les deux verbes sont conjugués à la voix passive, sans être accompagnés d’un complément d’agent, rendu anonyme. L’activité orale « Faire des liens entre les écrivains » vient com-pléter cette question, en suggérant de retrouver ce complé-ment d’agent non exprimé.6. Le narrateur associe la création à l’humanité, puisque sans elle, la société ressemble à une habitation animale (voir réponse 3). Selon Michel Tournier (puisqu’il prête sa voix au narrateur), un écrivain est utile dans la société car il dérange le pouvoir établi. Le verbe doit s’entendre dans ses deux sens : l’écrivain, en formulant de l’« imprévu » (l. 37), déplace ce qui était rangé par « les forces d’ordre et d’organisation » (l. 33) et par là trouble ce que le pouvoir juge être le bon fonctionne-ment de la société, en le remettant en cause. On devine que ces propos ne seront pas restés sans écho chez les détenus, incarcérés pour trouble à l’ordre public.Bilan 7. Cette phrase est la première de l’unique réplique au discours direct du narrateur. Elle donne son titre à la nouvelle et sera reprise dans le message final que les détenus adresse-ront au narrateur. Elle est une injonction à ne pas se soumettre ni se résigner : « jamais à genoux » mais à rester droit, c’est-à-dire digne. Si elle s’applique ici à l’écrivain, la forme imperson-nelle la rend universelle.

▶▶ À l’écrit : Écrire un dialogueCet exercice est l’occasion de faire rédiger un court dialogue qui rendra compte de la compréhension du passage. La ligne 22 permet de faire intervenir ensuite plusieurs détenus. On fera repérer ce qui sera énoncé par ces derniers (l. 23-25) et par le narrateur (l. 25-29). Pour les livres lus, on pourra s’aider de la biographie de Michel Tournier p. 105. On se reportera également à la leçon 30 (partie « Étude de la langue », p. 354-355) pour la présentation du dialogue et les verbes de parole.

▶▶ À l’oral : Faire des liens entre les écrivainsCette activité complète la réponse 5.François Villon est un poète du xve siècle. Il a été emprisonné à plusieurs reprises pour violence (il a tué un prêtre dans une bagarre) et cambriolages. On lui doit Le Testament et La Ballade des pendus.Germaine de Staël (1766-1817), d’abord favorable à la Révo-lution Française, est interdite de séjour en France par Napo-léon Bonaparte à cause de ses idées politiques et de son enga-gement pour la condition féminine. Elle est l’auteure d’œuvres philosophiques, comme De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, et de romans, comme Corinne ou l’Italie.Victor Hugo : on se reportera au parcours « Une vie, une œuvre » qui lui est consacré dans le manuel (p. 84-99).Jules Vallès (1832-1885) est l’auteur, entre autres, de L’Enfant et de L’Insurgé. Il est aussi le fondateur de plusieurs jour-

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naux, comme Le Cri du peuple. Dès 1848, il s’engage dans les mouvements contre le pouvoir en place et lutte pour l’aboli-tion de l’esclavage. En 1851, il s’oppose, comme V. Hugo, au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, lutte en faveur des ouvriers, de la liberté de la presse lors de la Commune. Il est emprisonné à plusieurs reprises et même condamné à mort par un tribunal militaire.Alexandre Soljenitsyne (1918-2008) est arrêté dès 1945 pour sa critique de la politique de Staline dans sa correspondance et est condamné au goulag pendant huit ans. Il est l’auteur de Une journée d’Ivan Denissovitch et de L’Archipel du goulag. Il a reçu le prix Nobel en 1970.

L’artiste peut-il accepter les honneurs ? p. 1061. Le prisonnier montre sa défiance par son geste (« désigna d’un coup de menton », l. 51) et sa réplique, composée de deux phrases courtes, dont la construction reflète la méfiance (« ça », l. 53, plutôt que le groupe nominal, suivi d’une négation incomplète).2. Le narrateur se distingue de son interlocuteur : s’il porte le « mince ruban rouge », la Légion d’honneur, c’est qu’il a été récompensé pour être « un citoyen tranquille, qui paie ses impôts et n’incommode pas ses voisins ». Par ailleurs, il fait la distinction entre sa personne et son œuvre, l. 56-57 et l. 62-64.3. Il illustre son argument par l’exemple du différend qui oppo-sait Erik Satie et Maurice Ravel, le premier accusant le second de mauvaise foi, car il refusait les honneurs alors que, selon lui, il n’en faisait rien dans sa musique.4. Le narrateur estime qu’un artiste peut accepter les hon-neurs qui lui sont rendus si « son œuvre, elle, les refuse » (l. 64). Il précise ainsi son explication du rôle de l’écrivain qui « a pour fonction naturelle d’allumer par ses livres des foyers […] de remise en cause de l’ordre établi », l. 38-40, p. 105.

Un cadeau inattendu, p. 1065. Le pronom « on » désigne ici le narrateur et les détenus, dont il ignore le nom. Page 104, le pronom « on » désignait le per-sonnel du centre pénitentiaire.6. Le verbe « sentir » est répété : p. 104, il était utilisé de façon péjorative pour les couloirs de la prison (qui sentaient l’encaus-tique) ; ici, il est associé à l’adverbe « bon ». On peut en déduire que le narrateur n’a plus la même perception des évènements : il pensait à une expérience pénible et on lui offre un cadeau.7. Les cinq premières phrases du dernier paragraphe sont très courtes et donnent l’impression que le narrateur avait hâte de quitter ce lieu et ces personnes. On fera remarquer la succes-sion d’oppositions qu’elles expriment.8. Le pupitre que les détenus ont fabriqué pour le narrateur et le message qui l’accompagne prouvent qu’ils ont compris le sien (l’écrivain va pouvoir continuer son « artisanat solitaire », en restant debout) ainsi que les valeurs qu’il souhaitait trans-mettre : « la vie est un travail qu’il faut toujours faire debout », p. 105, l. 49-50.9. Par ce cadeau, les détenus et le narrateur sont réunis, au-delà de leurs différences. À travers le travail manuel des pre-miers, le second pourra exercer le sien, symboliquement en s’appuyant sur eux.Bilan 10. Au sens propre, le pupitre, par sa hauteur, permet de rester debout pour écrire. Au sens figuré, « écrire debout », c’est ne pas se soumettre à l’ordre établi mais le bousculer par une créativité qui peut déranger.

▶▶ À l’oral : Faire des liens entre les écrivainsOn voit Victor Hugo dans son cabinet de travail, appuyé à son pupitre sur lequel sont posés feuilles et plume. Il est dans

la position que pourra prendre le narrateur désormais. Les élèves trouveront facilement sur Internet des images d’écri-vains au travail pour justifier leur réponse. On pourra leur proposer quelques noms pour qu’ils découvrent quelques portraits célèbres : Molière, Émile Zola, Colette, Marguerite Duras…

Texte écho Leïla Sebbar, Écrivain public p. 107

Comprendre l’engagement d’une femme1. Ce sont des hommes de tous âges (l. 5), des dockers (l. 9). Ils s’adressent à l’écrivain public parce qu’ils ne savent pas écrire. Ils souhaitent donner des nouvelles à leurs familles lointaines (l. 14-15).2. L’écrivaine est désignée par le nom « magicienne ».3. Grâce à elle, les hommes peuvent s’exprimer, s’adresser à leurs proches, sortir de leur isolement ; ils retrouvent par son intermédiaire une humanité.Bilan 4. Isabelle a su les écouter, les comprendre, pour tra-duire ensuite leurs paroles en lettres. Elle leur a rendu une forme de liberté (l. 16).

Texte écho Tahar Ben Jelloun, L’Écrivain public p. 108

Comprendre le rôle d’un écrivain1. La femme lui affirme qu’il ne peut être conteur mais écri-vain. Elle lui conseille de prendre le temps de l’observation, de l’écoute et de la perception des non-dits (« apprends à soule-ver les pierres du secret », l. 8).2. Elle ne sait ni lire ni écrire (l. 8-9).3. Elle a beaucoup de choses à dire ; elle connait des choses qu’il ne connait pas.Bilan 4. « Je ne sais ni lire, ni écrire. Mais je connais des choses que toi tu ne connais pas ». On acceptera toute réponse qui montre que les conseils de la femme ont été entendus : écou-ter, s’assoir, se concentrer…

▶▶ À l’écrit, à l’oral : Écrire et lire un mur des motsLe professeur constituera les groupes et invitera, selon ce qui aura déjà été étudié, à (re)lire les textes de ce parcours (Michel Tournier + textes écho). Cette activité pourra être complétée par l’écriture de définitions du mot « écrivain » à l’aide de l’en-cadré « Méthode : Qu’est-ce qu’écrire ? ».

Activités d’expression p. 109

▶▶ Écrire une lettreLa rédaction d’une lettre est un exercice souvent apprécié des élèves. On pourra élaborer collectivement des propositions pour les constituants de la lettre (lieu, date, formules et signa-ture) puis vérifier que le plan proposé est bien compris. Si la rédaction du corps de la lettre se fait en classe, on peut envisa-ger d’en attribuer chaque partie à un groupe d’élèves différent avant une mise en commun.

▶▶ Expliquer un choixCette dernière activité pourra se faire uniquement à l’oral. Autre possibilité : les élèves échangent sur leurs choix à l’oral, puis l’enseignant propose des connecteurs logiques que les élèves pourront intégrer dans une réponse rédigée.

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ATELIER D’EXPRESSION Argumenter à l’oral en adoptant un point de vue p. 110 à 115

Objectifs et démarches de l’atelier

▶▶ « Le grand Michu » est un conte d’Émile Zola qui s’inscrit dans le thème « Vivre en société, participer à la société – Individu et société : confrontations de valeurs ? » L’étude de cette œuvre permet en effet de répondre aux attentes des nouveaux programmes qui préconisent de :« – découvrir, à travers des textes relevant des genres dramatique et romanesque, la confrontation des valeurs portées par les personnages ;– comprendre que la structure et le dynamisme de l’action dramatique, ou romanesque, ont partie liée avec les conflits, et saisir quels sont les intérêts et les valeurs qu’ils mettent en jeu ;– s’interroger sur les conciliations possibles ou non entre les systèmes de valeurs mis en jeu. »

▶▶ Cet atelier propose, à partir de la lecture intégrale du conte, plusieurs activités privilégiant l’oral. Chaque partie du conte est accompagnée d’un résumé permettant d’en vérifier la compréhension globale et d’un titre favorisant la circulation dans le texte après une lecture initiale. Le questionnaire qui suit chaque résumé guide les élèves vers une perception plus précise des différents protagonistes de l’histoire. Des surlignages de couleur différente pour chacun d’entre eux facilitent l’identification dans le texte des éléments auxquels les questions font référence. Ces réponses surlignées peuvent être complétées (comme l’y invite la question 3, par exemple) pour préparer l’activité finale.

▶▶ Une activité intermédiaire d’expression écrite permet d’aborder la notion de point de vue, en adoptant la place des personnages ayant vécu l’histoire. Deux rubriques « Grammaire pour dire et pour écrire » donnent des outils d’aide à la rédaction du dialogue.

▶▶ Enfin, les élèves auront à défendre un point de vue, dans un débat oral contradictoire. Tous incarneront un personnage de l’histoire ; à tour de rôle, certains défendront son point de vue, d’autres le critiqueront voire l’accuseront. Les élèves qui ne prendront pas part au débat, les greffiers, seront chargés de recueillir les différents arguments avancés, avant que l’ensemble de la classe juge quel/s personnage/s aura/ont été le/s plus convaincant/s.

▶▶ Cet atelier vise donc à :– lire une œuvre complète et rendre compte oralement de sa lecture ;– exploiter sa lecture pour enrichir son écrit ;– développer les compétences d’argumentation en s’appuyant efficacement sur une préparation ;– interagir dans un débat de manière constructive et en respectant la parole de l’autre.

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

1. Comprendre l’histoire et les protagonistes

Émile Zola, « Le grand Michu » (texte intégral) p. 110-114

Comprendre1. Le narrateur accepte le rôle que le grand Michu lui confie car il est flatté qu’il ait pensé à lui pour participer au complot. Il éprouve alors une « sensation délicieuse » (l. 9), de la joie (l. 12), qui transparait sur son visage (l. 16-17). Ces sentiments se mêlent à « l’effroi » (l. 11) puis à l’impatience face à la bataille prévue, comme la crainte éprouvée face à Michu se mêle à l’admiration.2. « Les autorités du pays, les notables, les gros et les petits ren-tiers » (l. 39-40) appellent le père du grand Michu « ce brigand

de Michu » (l. 40-41) car il s’est opposé au coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte en 1851 puis s’est caché pour éviter l’ar-restation ou la transportation alors réservée aux Républicains. « Cet honnête homme illettré » est une expression du narra-teur, « honnête » s’opposant à « brigand ».Le père veut que Michu devienne « savant » (l. 43) pour qu’il puisse défendre les idées républicaines autrement que par la violence.3. Dès la première partie, le grand Michu apparaissait comme une personne physiquement impressionnante, « un gaillard, aux poings énormes » (l. 3).4. Le grand Michu est un esprit droit (l. 48), c’est-à-dire hon-nête et franc, « d’une douceur extrême » (l. 51). Le narrateur a été témoin de ses qualités pendant sa scolarité et bien sûr pendant la révolte au réfectoire.

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▶▶ Grammaire pour dire et pour écrire

J’appliqueLa nouvelle débute par « Une après-midi, à la récréation de quatre heures ». À la fin de la première partie, on apprend que la révolte aura lieu à l’heure du diner, au réfectoire (l. 34-35). Au début de la seconde partie, on apprend que Michu, à dix-huit ans (l. 47), est en 4e (l. 47), au collège d’A… (l. 42), que son père a participé aux évènements de 1851 (l. 37). L’histoire se déroule dans la deuxième moitié du xixe siècle. Elle a pour cadre l’internat d’un collège et son réfectoire.

Comprendre5. Il souffre de la faim (l. 58-59 et l. 71).6. Le surveillant a droit à deux portions de nourriture, ce qui exaspère le grand Michu (l. 74). Il laisse les élèves fumer en promenade (l. 73).7. Le surveillant demande au proviseur d’intervenir (l. 106).8. Il n’y a pas de réponse type ; on expliquera « nous apos-tropha rudement » (l. 107) et on fera transposer aux élèves la suite de la phrase au discours direct.9. Le grand Michu résiste à la faim, se contentant de « quelques croûtes » de pain tandis que les autres élèves, en mangeant du chocolat, de la confiture et de la charcuterie, ne respectent pas leur engagement (l. 121-125).10. Lorsque la garde est appelée, les élèves fuient par la fenêtre et le grand Michu finit par se retrouver seul (l. 150-151).11. La dernière phrase constitue une chute, puisque le grand Michu révèle au narrateur qu’il adorait les plats alors « sujet[s] d’une malédiction générale » (l. 68).

▶▶ Grammaire pour dire et pour écrire

J’applique« Le lendemain et le surlendemain », l. 117, « Le surlendemain », l. 126, « peu à peu », l. 144, « Bientôt », l. 145, « alors », l. 146, « Puis », l. 148, « Le soir même », l. 152, « pendant quelques semaines », l. 153, « longtemps après », l. 156.

2. Raconter en adoptant un point de vue

▶▶ À l’écrit : S’approprier la notion de point de vueCette activité oblige à pénétrer les pensées des personnages et à comprendre leurs intentions au moment des faits. La rubrique « Méthode » propose des questions de préparation à l’écriture. Chaque élève pourra y répondre individuelle-ment puis le professeur pourra constituer des binômes qui prennent en compte des points de vue différents. Il invitera les élèves à utiliser la rubrique « Grammaire pour dire et pour écrire » afin d’enrichir l’écriture du dialogue. On se reportera à la leçon 31 (p. 356-357 du manuel) pour plus d’explications sur la notion de point de vue.

▶▶ À l’oral : Préparer une confrontation des personnages pour mener un débat argumentéCette activité prépare à l’activité finale : elle invite à une lecture rétrospective du texte pour retrouver les éléments concernant le personnage incarné et à la préparation des arguments, grâce au questionnaire proposé (il peut être réduit ou augmenté) en « Méthode ».

Activité finale p. 115

▶▶ Défendre un point de vue dans un débat argumentéLe débat argumenté se déroulera lors de la séance suivant l’activité « À l’oral », dans le cadre de l’accompagnement per-sonnalisé par exemple. Le professeur répartira les élèves dans la classe et chargera quelques-uns d’entre eux de noter les arguments des différentes parties. Deux élèves sont chargés de distribuer la parole et de veiller à ce que le temps soit équi-tablement réparti.Pour déterminer collectivement qui se sera montré le plus convaincant, on écoutera plusieurs avis justifiés et nuancés grâce aux tournures et connecteurs proposés en marge dans l’encadré « Méthode ».

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