Table ronde « habiter » dans les enseignements de...

Table ronde « habiter » dans les enseignements de géographie du primaire au lycée

!Festival international de géographie de Saint-Dié

Octobre 2014 !Photo 1 : Présentation des différents intervenants, salle Georges Sadou, Saint-Dié.

!

© Y. Tinard, le 3 octobre 2013

de gauche à droite : Michel Hagnerelle (IGEN d’histoire-géographie), Véronique Blua (IA-IPR d’histoire-géographie, Aix-Marseille), Catherine Biaggi (IGEN d’histoire-géographie), Elisabeth Dorier (professeure des Universités, université de Provence), Serge Bourgeat (professeur de lycée, académie de Grenoble), Pascal Clerc (maître de conférences en géographie, Espé de Lyon ). ! !!!!!!

!1

Plaque au sol, place du Général de Gaulle, Saint-Dié

!!! !!!!!!!!!

!!!


!!

Belvédère artificiel face à la mairie de Saint-Dié

!!!! !!!!!!!!

!!


!2

!La table ronde sur le concept « habiter » s’est tenue le vendredi 3 octobre 2014 à l'espace Georges Sadoul de Saint-Dié. Catherine Biaggi, IGEN d’histoire-géographie, a rapidement fait l'état des lieux des avancées épistémologiques de la géographie. Véronique Blua, IA-IPR de l'académie d'Aix-Marseille, a présenté des travaux d'enseignants. Elisabeth Dorier, professeure d'université, a apporté un éclairage critique sur un manuel de géographique. Serge Bourgeat, professeur de lycée, a présenté une séquence sur le concept « habiter ». Pascal Clerc, maître de conférences à l'université de Lyon, a mené une réflexion sur ce concept. Les clichés photographiques présentés ici reprennent le diaporama présenté par les différents intervenants. !1. Les avancées épistémologiques de la géographie, Catherine Biaggi, IGEN d’histoire-géographie !Catherine Biaggi a rappelé l'histoire de la discipline. Celle-ci est passée de l'étude de la morphologie du globe terrestre (souvenons-nous de l'étude des cuesta) à une étude de l'être humain sur le globe. Ce glissement épistémologique s'accompagne d'une réflexion sur le développement durable. On va donc retrouver dans les programmes les termes « habiter » en 3ème, « territoire » et « habiter » au lycée. Les collectivités locales sont étudiées. Les acteurs sont au coeur des sujets d’étude. Cette évolution est inspirée par l'anthropologie. Elle amène de fait les enseignants à passer d'une lecture des formes et des éléments fonctionnels au rapport des individus à l'espace, à l'imaginaire, à la construction. !Les professeurs sont donc invités à pratiquer des enquêtes, des interviews qui leur serviront de matériaux pour l'analyse, en classe. Les élèves ne reçoivent plus seulement un discours mais pratiquent la géographie. Le numérique est un levier pour ces pratiques. !!2. Présentation de travaux d’enseignants, Véronique Blua, IA-IPR d’Aix-Marseille !Dans la géographie scolaire d'aujourd'hui, le territoire est un espace approprié. Cette définition doit être dépassée. Le territoire est aussi un pays, un État et une organisation. Le territoire est alors envisagé à différentes échelles (locale, mondiale). !Véronique Blua s'intéresse à ce qu'apporte le concept « habiter » dans les nouveaux programmes. Habiter, c'est pratiquer des lieux et habiter. Quel est l'intérêt d'habiter pour enseigner le territoire ? L'habitant transforme l'espace, crée du territoire. Un individu se fait bâtisseur quand il s'installe. Les infrastructures sont créées. Entrer par « habiter » permet de voir concrètement ce qui existe dans l'environnement de l'élève. En 3ème et en première, on doit intéresser les élèves au local. Il faut construire une expérience géographique. !Mme Blua présente un cours réalisé par une professeure d'un collège dans une classe de 6ème à

!3

Vitrolles . Ce cours est basé sur une carte mentale réalisée par des élèves sur le TBI (voir photo 2). 1

La professeure a demandé à chacun d’eux de dessiner son trajet entre l'établissement et le domicile. !D’après la carte mentale de Sabrina (à gauche), on comprend que la jeune fille ne fréquente pas vraiment d'autres lieux que le collège contrairement à Florian dont la carte, à droite, représente une plage. Florian a aussi dessiné des équipements sportifs. Ces dessins reflètent un sentiment d'enclavement des élèves dans leur ville.

Photo 2 : Capture d'écran TBI. Cours de 6ème

!!!!!!!!!!!!!!!!

© photo Y. Tinard, le 3 octobre 2013

!L’enseignante projette ensuite la carte satellite de Vitrolles afin d’objectiver le propos des élèves. (voir la carte satellite ci-dessous, photo 3). !!!!

!4

! Vitrolles, commune des Bouches-du-Rhône1

Photo 3 : Objectivation de la représentation des élèves de 6ème !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


!La professeure est partie de la carte mentale des élèves. Elle a changé l'échelle pour l'agrandir à Vitrolles et son environnement. Elle a présenté les lieux imbriqués dans leurs infrastructures. En troisième, les élèves devront dépasser le constat de la carte satellite pour travailler sur les réalités quotidiennes des habitants. L'utilisation de témoignages sur les déplacements est complétée par des études statistiques. Les élèves de troisième passent par l'échelle nationale pour contextualiser leur ville. Ils réalisent des croquis qui leur permettent de schématiser les territoires. La dimension culturelle est étudiée en classe de première générale. !Un des enjeux de la géographie est de faire prendre conscience aux élèves de leur appartenance au territoire français. Les enseignements se font progressivement. !!!

!5

3. Une séquence sur le concept « habiter » en première, Serge Bourgeat, professeur de lycée « Habiter » peut illustrer le concept de mondialisation. Cette notion est partout, se trouve à l'arrière-plan et on peut la mobiliser à tous les niveaux. On étudiera spécialement le programme de première générale. Travailler sur le concept d'habiter offre une vraie boîte à outils pour l’analyse géographique. !Serge Bourgeat estime qu’on a tendance à enseigner une géographie désincarnée et à se concentrer sur l'échelle mondiale. Il faut au contraire passer par le local et remettre les habitants au cœur de la thématique. !

Diapo 4 : Habiter les lieux touristiques

!!

!!!!!!!!!!!!!!!


Le tourisme est une entrée. Le touriste est un déplacé et se trouve en co-présence d'autres touristes et des habitants. Il s'agit donc d'un co-espace. On peut confronter le parcours (voir diapo 4) du touriste à Paris, avec l'habitant parisien et le voyage scolaire. Si on se concentre sur les hauts lieux, Paris est réduit à des clichés. La photographie des tours Eiffel dans le monde le montre. On peut aussi étudier les caricatures (voir diapo 5) pour les expliciter.

!6

Diapo 5 : Caricature des mobilités, Paul Maraud, 2014

!!!

!!!!!!!!!!!!!!!


!Il est facile d'expliquer et de comprendre qu'on habite sa ville mais il est plus difficile de dire « habiter le monde ». Que veut dire habiter le monde ? !Nos élèves sont-ils les acteurs d'une mondialisation sans bouger ? On peut plutôt dire que comprendre la mondialisation, c’est savoir différencier les pratiques « d’habiter le monde ». Le heimat des Allemands, le « chez soi » est affectif. !La carte suivante réalisée par des élèves (diapo 6) montre les mobilités des élèves.

!!!!!

!7

Diapo 6 : Carte des déplacements des élèves d'une classe de lycée

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


!!!!!!!!!

!8

Diapo 7 : Schéma des fréquences de déplacement d'élèves de lycée

!!!

!!!!!!!!!!!!!!!


! On passe de mon « chez moi » au temps qu'on passe à se déplacer (voir photo ci-dessus). !La photographie suivante permet de confronter une réalité géographique, un espace urbain du Grand Nord canadien, à la représentation que se font nos élèves français des villes inuites. Ce cliché est extrait d'un blog d'un habitant d'Inuvik . Elle pose cette question : au bout du monde, les 2

pratiques spatiales sont-elles différentes des nôtres ? Il manque une pizzeria sur la photographie. Or, il en existe huit à Inuvik ainsi qu'un Mac Donald. Inuvik ressemble à n'importe quelle ville de France, hormis le climat. !

!!!!

!9

! Inuvik est une ville du Nord-Ouest du Canada.2

Diapo 8 : capture d'écran d'un habitant d'Inuvik

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


!!4. Lecture critique d'un manuel, Elisabeth Dorier, professeur de géographie, université de Provence !Elisabeth Dorier propose de réfléchir sur les manuels scolaires. Elle se demande quelle lecture critique on peut faire des représentations spatiales proposées par les manuels. Elle pose ensuite la question de savoir comment l'enseignant peut compléter et enrichir ces représentations. !!!!!!!!

!10

Diapo 9 : Extrait d'un manuel scolaire présentant la ville de New York

!!!

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


!!!!!!!!!11

Diapo 10 : Idem

!!!

!!!!!!!!!!!!!!!!


!!La carte ci-dessus est censée figurer les inégalités socio-spatiales de New York mais les communautés humaines n'apparaissent pas explicitement. Ainsi, on peut s'interroger sur l'identité des populations vivant dans les quartiers défavorisés représentés en marron. !Dans La Ville globale , la sociologue américaine Saskia Sassen insiste sur les centres de décision, et 3

explique que la fragmentation de l’espace est signe d’inégalités. Elle donne en parallèle une analyse des yakuzas à Tokyo qui recrutent des travailleurs dans un lieu qu'ils ont finalement confisqué pour 4

eux-mêmes. !

!12

! La Ville globale : New York, Londres, Tokyo, Descartes et Cie, Paris, 1996.3

! Yakuza : membre de la mafia japonaise.4

Diapo 11 : Les principes de Saskia Sassen dans La Ville globale

!!!!!!!!!!!


!Sur la photographie du centre de New York (diapo 12), on voit bien qu'il n’y a pas un pauvre. Les deux photographies suivantes mettent en scène la réussite : voir photographie du vélo (diapo 13) et photographie de la statue de la liberté (diapo 14).

Diapo 12 : New York, ville sans pauvres (E. Dorier, 2014)

!!!!!!!!!!!


!!13

Diapo 13 : Photographie extraite d'un manuel : la mise en scène de la réussite (E. Dorier, 2014)

!!!!!!!!!!!


Diapo 14 : Idem (E. Dorier, 2014)

!!!!!!!!!!!

!!


!Les pauvres existent cependant à New York (voir diapos 15, 16 et 17). On les trouve dans des espaces réservés, comme sur la photographie 15 qui a été prise dans un quartier latino de New York.

!14

Ces trois clichés contredisent les précédents et lèvent le voile sur une réalité sociale contrastée qui n’est pas révélée par le manuel.

Diapo 15 : Un quartier pauvre de New York (E. Dorier, 2014)


Diapo 16 : Autre quartier pauvre et latino de New-York (E. Dorier, 2014)

!!!!!!!!!!!!!!!!


!15

Diapo 17 : Coney Island, quartier pauvre de New York (E. Dorier, 2014)

!!!!!!!!!!!!!!© photo Y. Tinard, le 3 octobre 2013

!!5. Une réflexion sur le concept « habiter », Pascal Clerc, maître de conférences, Espé de Lyon Pascal Clerc propose une réflexion sur la dimension citoyenne de la géographie. La géographie fait partie, pour lui, de l'éducation civique car les élèves doivent devenir des acteurs responsables. Les élèves ont des pratiques spatiales. Il s'agit en classe de les comprendre et de développer le sens critique. Il propose de partir du monde contemporain avec les élèves pour le comprendre. Pour comprendre le fonctionnement, il faut aller du très proche au lointain : localiser, identifier, analyser les impacts sur les territoires. Le but est que les élèves puissent comprendre une question d'actualité. !Il y a l'idée de citoyenneté active, informée, distanciée (critique : savoir ce qu'on fait avec le savoir) et responsable (conscience de nos actions dans le monde). C'est nous qui collectivement produisons le monde. C'est l'enjeu principal de la classe comme lieu de géographie. Pascal Clerc fait remarquer qu'habiter est un verbe qui ramène au savoir. « Habité » est un nom qui renvoie aux individus. Il propose de réfléchir à cette déclinaison avec les élèves. Les élèves vivent le lieu et doivent aussi l'analyser. La géographie peut donc se faire au ras du sol (quelle est la provenance des vêtements des élèves ? ) tout en analysant la mondialisation. La géographie n'est pas un sujet d'étude banal, elle doit être active. Pascal Clerc évoque une éducation géographique, plus qu'un enseignement géographique. !

!16

Table ronde « habiter » dans les enseignements de...

Documents

Transcript of Table ronde « habiter » dans les enseignements de...