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TabledesMatières
LeBébéduTueur
Prologue
ChapitreUn
ChapitreDeux
ChapitreTrois
ChapitreQuatre
ChapitreCinq
ChapitreSix
ChapitreSept
ChapitreHuit
ChapitreNeuf
ChapitreOnze
ChapitreDouze
ChapitreTreize
ChapitreQuatorze
ChapitreQuinze
UNEAUTREHISTOIREASAVOURER
LaMariéeForcéeduMafieux
ChapitreUn
ChapitreDeux
ChapitreTrois
ChapitreQuatre
ChapitreCinq
ChapitreSix
ChapitreSept
ChapitreHuit
ChapitreNeuf
ChapitreDix
ChapitreOnze
ChapitreDouze
ChapitreTreize
ChapitreQuatorze
ChapitreQuinze
ChapitreSeize
ChapitreDix-sept
ChapitreDix-huit
ChapitreDix-neuf
ChapitreVingt
ChapitreVingt-et-un
ChapitreVingt-deux
LeBébéduTueur
ParBellaRose
Tousdroitsréservés.Copyright2016BellaRose.
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Prologue
FeliksKoslovémergeaducouloirsombresituéàgauchedelacuisinedurestauranttrès
fréquenté.Ilobservalanourrituredéposéedanslafenêtredeservice.Lerepasquil’intéressaitétait
situétoutàgauche.
Réarrangeantsavestedecostumenoire,ilétudialescuisiniersletempsdequelques
inspirations.Ilavaitapprislongtempsauparavantquechaquecuisineavaitsonrythme.Lesserveurs
allaientetvenaient,criantleursrequêtesouseharanguantlesunslesautresausujetdesclients.Les
chefsdepartiesétaientsouventpresséslesvendredissoirbondéscommecelui-ci.Enbref,personne
neluiprêtaitattention.
Laserveuseviendraitchercherlesplatsàlafenêtrepourlesserviràsesclientsàtoutmoment.
Felikssortitdel’ombreetsedécida.Ilsepenchadoucementenavantsousleprétextedevérifierla
qualitédesplats.Sortantunefioledesamanchedroite,ilenvidalecontenudanslabonneassiette.
«Excusez-moi,»ditlaserveuseavecimpatience.
Feliksluilançaunsourireagréable.«Bonboulotcesoir,»dit-ilavaitdeseretourneretde
s’éloigner.
Elleluisouritavantdeposerlesplatssurunplateauetdelesemmeneràlatableoùlaciblede
Feliksattendaitsonrepas.Petiteidiote.Sielleavaitremarquéqu’iln’avaitrienàfairedanslacuisine,
elleauraitpusauverunevie.C’étaituneviesansvaleur,maisçarestaitunevie.
Feliksavaitapprisdepuislongtempsquepeuimportaits’iln’avaitpassaplacequelquepart.
Toutcequicomptait,c’étaitqu’ilprétendeêtreàsaplace.Satâcheremplie,ilsenoyadansles
ombres.Lefonctionnairequiavaittantnuiàlacausedusyndicatferaitbientôtpartiedupassé.Alors
touteslestâchesdeFeliksseraientcomplétées,etriennesetiendraitplusentreluietle
commandement.Enfait,ildevraitêtrerécompensépouravoircomplétésamissionensipeude
temps.
Feliksécartacettepensée.Ilentendituncridanslasalledurestaurant.Lacuisineexplosa
commeunefourmillière.Legérantrentraencriantavecfrénésiedesinstructionsinintelligiblesàses
cuisiniers.D’unpasnonchalantacquisparl’expériencedenombreuxassassinatsréussis,Feliksse
dirigeaverslasalleàmanger.
Laserveusequ’ilavaitvueplustôtseprécipitadanslacuisine,s’arrêtantdevantlafenêtrede
service.«Qu’est-cequetuasfoutudanslespommes-de-terre?»
«Riendutout!»s’offensauncuisinier.
Feliksdétournaprudemmentlevisageafinquelepersonnelagiténelevoiepasquitterlascène
ducrime.Serpentantsurlespourtoursdelasalleàmanger,ilpassadevantlesautresclientsdu
restaurant.Lesgensétaientdebout,tendantlecoupourmieuxvoirledramequisedéroulaitsous
leursyeux.Tentantdeserendreaussidiscretquepossible,Felikssortitsontéléphonedesapocheet
capturaunephotodelascène.
Lefonctionnairerécalcitrantseroulaitausol,lesmainsautourducou,l’écumeàlabouche,
commeunanimalenragé.Heureusement,lepoisonagissaitrapidement.Ilseraitmortavantl’arrivée
despremierssecours.
Plusqu’unedemi-douzainedepasavantlaported’entrée.Faisantprofilbas,Felikssortitdu
restaurant.Touslesregardsétaienttournésversl’hommequis’étouffaitethaletaitaucentredela
pièce.Personneneprêtaitattentionàl’assassinquiquittaitlascèneducrime.
Unefoisàl’extérieur,Feliksinspiraàfond.Dessirènesmugissaientetleklaxond’une
ambulancebrisalesilencenocturne.Ilfaisaitpresquefroidcesoir.L’airautomnalétaitmordant,
rappelantauxhabitantsdeBostonquel’hiverrudedelaNouvelle-Angleterrelesattendaitaucoinde
larue.
Felikssentitsontéléphonevibrerdanssapoche.S’éloignantdurestaurant,illesortitpour
regarderl’écran.Leconseilattendaitlaconfirmationdelaréussiteducontrat.FeliksenvoyaàPyotr
Alkaevlaphotoqu’ilavaitpriseaurestaurant.Quelquessecondesplustard,ilreçutunmessage
confirmantl’arrivéedupaiementsursoncompte.
Ilreçutunautreemailalorsqu’ilmontaitdansletrainquiretournaitàSouthie.Pasbesoinde
l’ouvrirpoursavoirquec’étaitledossierconcernantsaprochainecible.Ilnerestaitquequelques
coupsentreluietlepostedecommandantdusyndicatqu’ilconvoitaitdepuissilongtemps.
Felikspritplacedansletrain.Àl’arrêtsuivant,unvieilhommemonta.Legentlemanétaitvêtu
d’uncostumefaitsurmesureetdechaussuresbrillantes.Soncrânechauveétaitrecouvertd’une
casquettegavroche.
«Tuastoujourseudel’imagination,»murmuraPyotrens’asseyantàcôtédeFeliks.
«Danslavie,ilyatoujoursdelaplacepourl’imagination,»convintFeliks.«Etpourun
bonuspouravoirremplilecontratsanséveillerdesoupçons.»
«Ah,maisl’absencedesoupçonsveutdirequelemessageneserapaspassé.»Pyotrplaçales
deuxmainssurlacanequ’ilavaitposéeentreseschaussuresbrillantes.
«Seulementsipersonnen’aprisletempsd’envoyerunmessageàlacible.»Feliksnepritpas
lapeinederavalerlesouriredesatisfactiondesonvisage.«Maispuisquej’aiprislapeined’envoyer
unelettreàcefonctionnairedestravauxpublicsentêtéetàsescompatrioteshargneuxlasemaine
dernière,jepensequesesamissaurontexactementcequiluiestarrivé.»
«Etilsnevoudrontpasdirelavéritésicelle-cilesimpliquedansuneaffairedecorruption,»
devinaPyotr.«Excellent.»Levieilhommesoupira.«Vasilyt’acertainementbienformé.»
«Da.»
«Etmaintenantlatâchefinale?»
Unnœudd’excitationseformadansl’estomacdeFeliks.«Jeviensderecevoirunemail.»
«L’as-tuouvert?»
«Non.»
«Ilyaunproblème?»
LetranchantdutondevoixdePyotrluihérissalespoilsdelanuque.Ilsortitsontéléphonede
sapocheetouvritl’email.Ilscannaledossier,notantquelajeunefemmes’étaitinscriterécemmentà
l’UniversitédeBoston.Apparemment,sonpèreetelleneseparlaientpratiquementplus.Les
renseignementsd’Orlovsuggéraientquesonpèreetelles’étaientaliénésenraisondecertainesdeses
activitésillégales.
PuisFeliksouvritlaphotodesacible.Unbruissementremplitsesoreilles,noyantlebruitdu
trainetlavoixdePyotr.C’étaitunefemme.Ilsvoulaientqu’ilassassineunefemme?
«Feliks?»demandaPyotrd’untonpressant.«Qu’est-cequ’ilya?»
Felikslevalatêtepourfixerduregardsonseuldéfenseurauconseil.Ilnepouvaitpasreculer.
Pasmêmesouscescirconstancesinhabituelles.Inspirantàfond,Felikscherchaquelquechoseàdire.
«SonnomestAnnika.»
«Unefemme?»Pyotrhaussasessourcilsbroussailleuxdesurprise.«PourquoiOrlov
voudrait-ilquetuassassinesunefemme?»
Felikseutunsombrepressentiment.«Parcequ’ilsaitquejeserairéticent.»
ChapitreUn
Feliksregardachacundeshommesassisautourdelatablecommes’illesdéfiaitdecontester
sacandidatureaucommandement.Enréalité,Felikslesdéfiaitbien.C’étaitunhommed’actionqui
auraitdeloinpréféréprouversonméritelorsd’untestphysique.Maissoninstinctluidisaitqu’ilétait
surlepointd’entamerunepartied’échecsoùlesgensservaientdepionsetoùleprixétaitlavie,pas
lamort.
«Alorscommeça.»LesbourreletsdegrasducoudeMotyaOrlovsetrémoussèrentquandil
ouvritlabouche.«Lefilsduchevrieraimeraitprendrelescommandes.»
Feliksévitadepeudeleverlesyeuxauciel.«Mafamillenegardeplusdechèvresdepuisdes
décennies,Orlov.Etsionretraçaittesancêtressurquelquesgénérationspourvoiroùilsont
démarré?»
«Legarçonaraison,»convintPyotr.«CessedefaireréférenceaufaitqueKoslovsignifie
‘filsduchevrier ’.LepèredeFeliks,IoannKoslov,étaitloind’êtreunchevrier.C’étaitunhomme
brutal.»
Feliksseretintdesourire.Pyotrlivraitcetargumentcommesilabrutalitéétaitleplusbeau
complimentqu’unhommepuisserecevoir.PassurprenantpuisqueFeliksétaitlui-mêmemontéen
gradedansl’organisationenétantl’undesmeilleursassassinsdanssesrangs.
«Jesuppose,»continuaOrlovd’unevoixtraînanteetpâteuse.«QuesiFelikssedébarrassait
decertainsdésagréments,nouspourrionsêtrepersuadésdel’accepteràlatêtedel’organisation.»
«Désagréments?»Feliksforçasesmainsàrestertranquille.Ilétaittentédeprendreleverreà
shotposésurlatabledevantluipourleroulerentresesdoigts.«Fais-turéférenceàladizaineouplus
decontratsquej’aiachevésàtademandecessixderniersmois?»
OrlovfusillaFeliksduregard.«Cesdésagrémentsétaientdesnuisancespourtoutlemonde.»
Feliksregardaànouveaulespersonnesassisesautourdelatable.Cessixhommesformaienten
réalitéleconseildusyndicatcriminelrussedeBoston.Cettehiérarchielesempêchaitdesebattrel’un
contrel’autre.Lesaffairesenétaientplusprospères.Lamortrécenteduseptième‘parrain’avaitcréé
unvidedepouvoir.C’étaitautourdeFeliksdeseportervolontaire.Ilnevoulaitpasseulement
prendrelepostedeVasily.Ilvoulaitaussicommanderlesyndicat.
«CertainsfonctionnairesdeBostonferaientmieuxdesesouvenirquenospots-de-vinspayent
leurshypothèques,»fitremarquerOrlov.
«Compris.»Feliksn’étaitpasdutoutsurpris.Toutlemondesavaitbienqu’Orlovavaitdes
vengeancespersonnellescontrelamoitiédesingénieursetinspecteursmunicipaux.
Orlovgrognad’anticipation.«Etpuisilyacejugequimériteraitunebellefrayeur.»
«Et?»poussaFeliks.Ilétaitsûrqu’Orlovn’enavaitpasfinideseplaindredel’injusticedela
justiceenverssesactivitéscriminelles.
«Etbien,»continuaOrlovenévitantderépondre.
Pyotrgrogna.«Nemedispasquetuparlesencoredeça?»
«J’aitort?»Orlovgesticuladesmainsavecemphase,lesmotss’empâtanttandisqu’ilparlait
deplusenplusvite.«Ilétaitcensécomplétercecontratilyadessemaines!»
FeliksobservaPyotrdeprès.Laréunionsetenaitdanssonrestaurant.Ilétaitconsidéréunpeu
commelepacificateurdel’organisation.C’étaitPyotrquiavaitsuggéréàFeliksqu’ilreporte
l’assassinatdelafemmejusqu’auderniermoment,dansl’espoirqu’Orlovperdesonintérêtdanscette
cible.
Àl’extérieurdeleursallederéunionfermée,Felikspouvaitentendrelebruitdelamusique
traditionnellejouéeparlegroupe.Unevoixdefemmechantaitunairrusseplaintif,parlantd’un
amourperdu.C’étaitainsiquetournaitlemonde.Dieudonnaitlavie,etFelikslareprenait.
«CettefemmeestapparentéeàVadirPolzin,»ditPyotraveclassitude.«Orlovalesentiment
quel’hommeatransgresséleslimitesposéesparl’organisation.»
«C’estlecas!»criaOrlov.«Tulesaisbien!»OrlovfitsigneàFeliks.«Quandtonmentor
Vasilyaétéassassiné,c’étaitparcequePolzinopéraitdesonproprechef.Ilnousmettousendanger.
Ildoitêtrearrêté.»
Feliksforçauneabsenced’expression.IlensavaitpeusurlecomptedeVadirPolzinmisàpart
lefaitqu’ilétaitunimmigrantquin’étaitpasauxÉtats-Unisdepuislongtemps.
«Nousdevonsluienvoyerunmessage.»Orlovclappasesmainsensembleavantdelesfrotter
commes’ilvenaitdepenseràunplanmerveilleux.«S’ilperdaitunenfantàcausedesastupidité
d’avoiragiendehorsdel’organisation,çaluiapprendraitcequ’estl’humilité.»
«Est-cequ’ilafaitquelquechosedemal?»demandaFeliksavecunsourirefroid.«Parce
qu’assassinerl’enfantd’unhommesembleassezpersonnel.»
«Effectivement,»ajoutaPyotrsombrement.
Orlovrenifla.«Ils’estmoquédenosrègles.»
«Alorsqu’ilpaieavecsaproprepeau,»suggéraFeliks.
«Outuestropsensiblepourceboulot?»Lesyeuxcupidesd’Orlovscintillèrent.«Monfils
Yurin’estpasunlâche.Ilpourraits’occuperdececontratetprendrelaplacedeVasilyànotretête.»
FeliksplissalesyeuxversOrlov.Lefilsd’Orlov,Yuri,étaitunbâtardprétentieuxet
fondamentalementméchantquitorturaitsesvictimesavantdelestuerpoursonplaisir.Feliksne
permettraitjamaisqu’Orlovdonneàcepetitenfoiréunpermisdetuer.
PyotrlançaàOrlovunregardméprisant.«Feliksn’estpasunlâcheettulesais.Arrêtede
tenterdecauserdesproblèmes,ouondiscuteradetefoutreàlaporteduconseil.»
Feliksravalalenœudquis’étaitformédanssagorge.«Devrions-nousfairelaguerreàune
femmepourenseigneruneleçonàsonpère?»
«Apartsituestropdélicatpourt’enoccuper,»raillaOrlov.«Peut-êtredevrions-nous
chercheruncandidatplusvaillantpournouscommander.»
«Jen’aipasditquejeneleferaispas,»soutintFeliks.«Jemedemandaisjustecomment
assassinerunefemmeferaitimpressionsurcethomme.»
«Tun’aspasvuàquelpointcetidiotaimesafille,»raillaOrlov.«Ilécouteraunefoisqu’elle
n’estplus.Ilsauraqu’ilafâchélesmauvaisespersonnes,etilviendranoussupplierdefairepartiede
notreorganisation.»
Felikssentitquelquechoseremuerdanslevoisinagedecequ’ilauraitautrefoisappeléson
cœur.Ilrepoussarapidementcesentimentethaussadesépaulesdemanièredésintéressée.«Sic’estce
quesouhaiteleconseil.Lesfonctionnairesmunicipauxregretterontlejouroùilssesontmisen
traversdevotrechemin,etlafemmemourra.Puisjeprendrailescommandes.»
***
Annikapolzinclaqualepetitverreàshotsurlebaretrejettalatêteenarrièreavecuncride
joie.«Crachelepognon,pigeonne.»
«Pasjuste!»parvintàdéclarerWrenmêmesiellesemblaitêtresurlepointdevomirsurtout
lebar.«Tuastriché.»
«Non,jesuisrusse.C’estladifférence,»répliquaAnnikafièrement.
Wrenrenifla.«C’estsuperquetusoisaussifièredetonhéritage,maistunepeuxpascontinuer
àl’utilisercommeuneexcusepourtaconsommationexagéréed’alcool.C’estdesconneries.»
Annikasepenchaverssonamie,sesentantplusheureusequejamais.C’étaitpeut-êtrelavodka.
MaisAnnikaauraitaimépenserquec’étaitparcequesavieétaitenfinrevenuesurlabonnevoie.Son
pèreétaitenfinpasséoutresondégoûtpourl’éducationaméricaine,etellevenaitdes’inscrireà
l’UniversitédeBostonpourentamersesétudesdepremiercycle.
«Tuasdéjàdécidédansquelmastertuallaistelancer?»demandaWren,criantpourêtre
entenduepar-dessuslamusiquetonitruantedujuke-box.
«Pasencore.»Annikasoupiradesatisfaction.«Jemesuisseulementinscritepourdescours
d’éducationgénérale.Jesuistellementheureusequepapaaitaccepté.Jeneveuxplusperdreuneseule
minute.»
«Tonpèreestvraimenttrèsprotecteur,»observaWren.«Touslesparentsrussessontcomme
ça?»
Annikahaussalesépaules.«Jeneconnaisquemonpère.»
«Etmaintenantquetuesétudianteàl’université,»ditWrend’unairdramatique.«Ilesttemps
quetut’envoiesenl’air!»
«Ouais,»criaAnnika.«Quelafêtecommence!»
Lebarmanlevalesyeuxauciel.«Lesfilles,sivouscherchezunmec,jepensequevousavez
déjàattirél’attentiondel’und’eux.»
«Oùça?»Annikafittournersontabouret,cherchantuneproiepotentielle.
Leserveurfitungestedelamainenindiquantuncoinsombredubar,àl’opposédujuke-boxet
delaplupartdesclients.«Cemecvousregardedepuisaumoinstrenteminutes.Danscetendroit,ça
indiquesouventdel’intérêt.»
Annikafitdansersessourcils.«Ouais,maisquelgenred’intérêt?»
«Sansrire,»lançaWren.«Cemecal’airdangereux.»
«Etdélicieux.»Annikarejetaseslongscheveuxblondsbouclésenarrière.Ellelançaaubel
inconnuunsourirequicriait‘viens-ici’etattenditdevoircequisepasserait.
«MonDieu,ilvientversnous,»ditWrend’untonétranglé.«Tuluiasenvoyéunbouquetde
phéromonesouquoi?»
«Non,c’estjustemoi,»sevantaAnnikaàsonamie.
«Mafille,jenevaispastelaisserrentreraveccemec.Ondiraitlefilsdémoniaqued’untueur
ensérieetd’untruand.»Elleattrapalebrasd’Annikaetleserra.
«Jesais.»Annikanepritmêmepaslapeinedecachersonempressement.
Legéantdépassaitfacilementlemètre85.Sesbottesdemotardétaientérafléesetmarquées
commes’illesavaitportéespourtraverserl’enfer.Ilavaitlacarrurelarge,maisilétaitmincede
tailleetdehanches.Annikasedemandaàquoiilressembleraitsanssachemise.Ellevoulaittracerses
abdosdeferjusqu’àcequ’illasuppliedebaisserlesmains.
«Ilal’aird’uncriminel,»décidaWren.«Quineportequedunoir?Cemecporteunjeans
noir,unechemisenoireetuntrench-coat.Untrench-coat,Annika!Sérieux!»
«Ouais,ouais,sérieusement,»assuraAnnikaàsonamie.«Sérieux,jeveuxglissermesdoigts
danscettemassedecheveuxnoirs.»
«Ferme-la,»sifflaWren.«Ilvat’entendre.»
L’inconnulevaunsourcil,suggérantqu’ilpouvaiteffectivementl’entendre.Annikas’enfichait.
Pourquoicachercequ’ellevoulait?Ellenecherchaitpasàemménageraveccetype.Ellevoulait
justefaireuntoursursamoto…ouailleurs,s’illevoulait.
«Salut.»Sonaccentrusseétaitimmanquable.
Annikapenchalatêtedecôté,complètementfascinéeparletimbresexydesavoix.Ellelui
retournasessalutationsenrusse.«Bonsoir.Tuvienssouventàcebar?Jenet’aijamaisvuavant,et
jepensaisquejeconnaissaistousleslocaux.»
Unéclairdesurprisetraversabrièvementsesyeuxsombres.«Jesuisnouveauenville,»
répondit-ilenrusseparfait.
Wrens’éclaircitbruyammentlagorge.«Hé,pardon,maisvouspourriezvousparleren
anglaispourquelerested’entrenouspuissionssuivrelaconversation?»
«Pardon,»réponditl’hommedansunevoixbasseetagréable.«Jem’appelleFeliks.Etvous
êtes?»
Annikasourittellementquesonvisageauraitpusefendreendeux.«Jem’appelleAnnika,et
voiciWren.»
«Etons’enallaitjustement,»ditWrenàAnnikaavecinsistance.
«Oh,tudoispartir?»répliquaAnnikaàsonamieavecunetristesseexagérée.«C’est
dommage.Alorsjet’appelleraidemainmatin.»
«Annika!»lâchaWren.
AnnikaétreignitbrièvementWren.«Jevaisbien.Jepromets.»
Feliksposaunemainsursoncœur.«Jejuredebienmecomporteràtoutmoment.Maisjene
saispasvraimentcommentprouverquejenesuispasunassassinsanguinaire.»
Wrenéclataderire.«Etc’estexactementcequediraitunmeurtrier.»
«Jesais.»Feliksluiadressaunlongsoupir.«Iln’yatoutsimplementaucunmoyend’assurer
mesbonnesintentions.»
«Jepensequecesontmesintentionsquilatracassentleplus,»luiditAnnikaenriant.
«Tuesincorrigible,»grondaWren.«Tuferaismieuxdem’appelerdemainmatin.Non.En
fait,tuferaismieuxdem’appelertardcesoir.Compris?»
«Ouimaman.»
WrenquittalebaretAnnika.Feliksregardasonamies’enalleravecunairpresquetristesur
sonbeauvisage.
«Ellenerigolepasquandellemeditdel’appeler,»luiditAnnika.
Lefantômed’unsourireéclairasestraits.«Alorsc’estunebonneamie.»
«Tuveuxboirequelquechose?»Annikafitungesteaubarman.
«C’estmaréplique.»
«Alorspardondetel’avoirvolée.»
Felikssepenchaenarrièrecontrelebar,posantsescoudessurlasurfaceenacajoulisse.«Je
pensaisplutôtsortird’ici.»
«Vraiment?»
«C’estquoimaprochaineréplique?»demanda-t-il,penchéverselleetmurmurantlesmots
danssonoreille.
L’excitationcirculadanslesveinesd’Annika.C’étaitexactementcequ’elleavaitcherchéce
soir.«Pourquoituneviendraispaschezmoi?»
«Parfait,»souffla-t-il.«J’allaisjustementtelesuggérer.»
ChapitreDeux
Annikanepouvaits’empêcherdepenserqu’ellefaisaitpeut-êtrelaplusgrandeerreurdesavie.
Malheureusement,elleavaitdumalàs’enpréoccuper.Feliksétaituneprésenceréconfortante
derrièreelle,dansl’étroitcouloirmenantàsonappartement.Iln’yavaitriendemenaçantdansl’aura
decethomme,celadit.Elleétaitconvaincuequesesinstinctsl’auraientmiseengardes’ilavaitnourri
dequelconquesmauvaisesintentionsàsonégard.ElleétaitlafilledeVadirPolzin.Siquelqu’un
pouvaitrepérerdelamalveillance,c’étaitbienelle.
Laclésecoinçadanslaserrure.Ellelafitjouerunpeu,etlavieilleportes’ouvrit.Ellemena
Feliksdansl’intérieursombredesonminusculestudio.L’espacesemblasecontracterparsaseule
présence.
«Sympa,»murmura-t-il.Sonregardseposasurlefutonquiluiservaitdelit.«J’apprécietout
particulièrementl’accessibilitédulit.»
Annikasentitsesjouess’empourprer.«Jenesuispasdouéeenménage.»
«J’ail’intentiondefoutreunpeulebordel,detoutemanière.Pastoi?»Ilhaussalesépaules.
Unrirebouillonnaenelle,etunefoiscommencé,elleneputs’empêcherdeglousser.Ellese
sentaitridicule,maisenmêmetempsexcitéeetnerveuse,ettoutescesémotionssemêlèrentdansune
crisedefourire.
Felikssourit.Puisilenveloppasesbrasmusclésautourdesoncorpsetlaréduisitausilence
grâceàunlongbaiserprofond.Ellecessaderireetseplongeadanslachaleurducontactdecet
hommeincroyablementsexy.
Ilavaituneodeurdivine.Unmélangedementhe,deboisdesantaletd’homme.Elleenroulales
brasautourdesanuqueetjouadesdoigtsaveclescheveuxdesanuque.Ilsétaientdouxcommela
soie.Elleglissalesdoigtsdanssesmèchessombresetéraflalégèrementsoncuircheveludeses
ongles.Ilréponditenglissantlalanguesurlepourtourdeseslèvres.Ellepoussaunpetitcri,etilen
profitapourglissersalangueàl’intérieur.
Unechaleurliquides’accumuladanslebas-ventred’Annika.Elleétaitenfeu.Toutcequise
trouvaitsoussataillefondit,etellesepressaaussiprèsdesoncorpssculptéqu’ellelepouvait.Levant
unejambe,elleglissasonmolletlelongdusien.Illuivintàl’espritqu’ellevoulaitvraimentse
débarrasserdesonjeans.Ellevoulaitsentirlapeaudecethommecontrelasienne.
Elleglissalesmainsdesanuqueàsontorse.Elletrouvalesbordsdesonmanteauetle
repoussapar-delàsesépaules.Ilnecessajamaisdel’embrasser.Leurcontactsefitpressant,presque
désespéré.Ils’éloignajusteassezpourretirersonmanteau.Iltombaenpileausolavecun
bruissementdoux,etunbruitsourdquisonnaitétrangementincongru.
Ellenepritpasletempsdepenseraumanteau.Felikssaisitl’ourletdesont-shirtetlepassa
par-dessussatête.Illejetasurlecôtéetposaleslèvressurlecreuxentresanuqueetsonépaule.Elle
gémitenrejetantlatêteenarrière.Lasensationondoyantedesesbaiserslafitmouiller.Ellese
tortilladedésir.
Annikamourraitd’enviedevoirletorsemusclédecethomme.Ellelevarapidementsont-shirt
desonpantalonetsemitsurlapointedespiedspourluienlever.Lecotonrestabloquésursatêteetil
éclataderire,levantlesbraspourl’enlever.Legesteluidonnaunaperçudutorsecachésouslecoton
noir.C’étaitlaperfectionmasculineàl’étatpur,etpourl’instantilétaitlàpoursonplaisir.
Ilpassaunbrasderrièresondosetdégrafasonsoutien-gorge.Sesseinsjaillirentdevantelle.
Sestétonsdurcirentdansl’airfraisdel’appartement.PuisFelikspritchacundanssesmainsetbaissa
laboucheverssachairenfiévrée.IlembrassaetcaressaAnnikajusqu’àcequ’elleaitl’impressionde
mourirdeplaisir.Elleplantalesdoigtsdanssescheveuxetl’attiraplusprès.Ellevoulaitqu’ilsoit
encoreplusproche.Elleavaitbesoindelui.
Ellefitdansersesdoigtssursapoitrine.Elleadoraitchaquecreuxetangledécouvertsurses
muscles.Sasoliditéétaittellementexcitante!Leboutdesesdoigtseffleuralatoisonclairesousson
nombrilavantdedescendreplusbas.
Ilgémitquandelledétachasonpantalon.Ellen’avaitriencontrelespréliminaires,maisAnnika
étaitimpatientedetenirsonsexeentresesmains.Elleglissaunemainsousl’élastiqueetentourason
pouceetsonindexautourdelabaseépaissedesabite.Iltrémoussaleshanches,etelleserendit
compteàquelpointilétaitdur.
«J’aienviedetoi,»murmura-t-il.«J’aienviedetebaiser,Annika.»
Ellegémit,l’aircomplètementdévergondéeetfranche.«Ohoui,fais-toiplaisir.»
FelikspritAnnikadanssesbras.Ildévoraseslèvresavecaviditéenlatransportantrapidement
jusqu’aulit.Ilbalayalapiledevêtementsoccupantlemilieudesonlit,quiseretrouvaparterre.Puis
illadéposaavantdeluilancerunlongregarddedésirardent.
«Cejeansestvraimentsuperflu,»gronda-t-il.
Ellel’invitadudoigt,sesentantimpertinente.«Letiensd’abord.»
Illafixadesyeuxencommençantàdescendresonpantalonetsonboxerlelongdesesjambes.
Labouched’Annikasefitplussècheàchaquecentimètredepeaurévélé.Sesjambesétaientépaisses
demusclesetcouvertesdepoilsnoirs.Ilyavaitunniddepoilscourtsetdrusàlabasedesabite.Elle
seléchaleslèvresàlavuedelalongueuretdel’épaisseurdesonsexe.
«Unhommepourraitavoirdesidéesdécadentesquandunefemmeleregardecommeça,»lui
dit-il.
«Montre-moi,»exigea-t-elle.
SAREQUETEIMPERIEUSEenvoyaunéclairdedésirdanslecorpsdeFeliks.Cettefemme
étaitincroyable.Iladoraitgénéralementlesfemmes.Ellesétaientdoucesetchaudes.Ilaimaitse
perdredansleurscorpsaccueillants,maissesinstinctsprofondsluidirentquepénétrerAnnikaserait
uneexpériencesingulière.C’étaitvraimentdommagequ’iln’aitd’autrechoixquedeluiôterlavie.
Ilsedébarrassadesesbottesetretiralerestedesesvêtements.Puisilsebaissapourdétacherle
jeansd’Annika.Illebaissalelongdesesjambes.Ilarrêtaàsesmollets,souriantenvoyantses
sourcilsseleverd’anticipation.
Elletortillalespieds,riantlorsqu’illuiattrapaleschaussurespourlesarracher.Feliksleslança
par-dessussonépauleetlesentenditheurterleplancherenbois.Puisilcontinuaàdéshabillerla
femmequiseraitsonévasionpourunenuit.
«Tuesexquise,»murmura-t-il.«Jeveuxembrasserchaquecentimètredetapeaudélicieuse.»
Plaçantsespaumessursescuisses,iltestalasoliditédesachairchaude.
«Alorsvas-y,»luidit-elled’unairenjôleur.«Mêmesijesuisimpatientequetumebaises.»
Sesmotsledécomposèrent.Feliksgronda,plaçantungenoudechaquecôtédeseshanches
pourrecouvrirsoncorpsdusien.Ill’embrassapassionément,luifaisantl’amouravecsabouche.Illa
dominaàsamanière,lasentantsesoumettreàsapossessionavecchaquefibredesoncorps.
Sapeauglissasurlasienne.Ilsentitlachaleurdesescuissestandisqu’ellelesécartaitpour
l’accueillirdanssoncorps.Leglandsensibledesonpéniseffleural’étroitebandedepoilscouvrant
samotte.Ilsefrottacontreelle,sentantsonérectionsenicherentreseslèvres.Ellemouillaitde
manièreincroyable.C’étaitgrisant.
Ellegémitetsetortillasouslui,ruantleshanchesenlesuppliantdelapénétrer.Ilseretint.Ilne
voulaitpasqueleursébatsseterminenttropvite.Çafaisaitdessemainesqu’iln’avaitpasprisune
femme,etunedécennieouplusqu’iln’avaitpasrencontréunefemmecommeAnnika.Ilétaittemps
desavourercettedécadence.
Ilserégaladesesseins,suçantsestétonsjusqu’àcequ’ellesecambresurlelit.L’enveloppant
dansunbras,illamaintintimmobilealorsqu’ilsedéplaçaitentresesjambes,positionnantsongland
devantsontrou.
Sachatteétaitétroiteetdouce.Felikssavouralapressiondesabitedanssoncorpssvelte.Elle
passasesjambesautourdesatailleetlemaintintenplace.Ilritenserendantcomptequecettefemme
neseraitjamaispassive.Elles’ancracontrelabasedesonérectionjusqu’àcequ’ilsentesesmuscles
internesplanerauborddel’orgasme.
«Feliks!»cria-t-elleensedécomposant.
Ils’émerveilladesentirsoncorpsjouirautourdelui.Sachaleursoyeuselefitpresqueperdre
lecontrôle.Agrippantseshanches,ilcommençaàlapomperfurieusement.Illabaisaaussifortqu’il
l’osait,etelleréponditàchacundesescoupsderein.
Sesonglesseplantèrentdanssesépaules,etilsedélectadelaviolencedumoment.Ilobserva
sonvisagetandisquechaquemuscledesoncorpssepréparaitàunnouvelorgasme.Ilcontinuaàla
prendresauvagement.Ilsentitlabrûluredesonpropreorgasmes’embraserdanslesmusclesdeses
fesses.Quandilneputplustenirpluslongtemps,avecuncriembrouillémi-russemi-anglais,il
déversasesemencedanslesprofondeursaccueillantesd’Annika.
Ellejetalatêteenarrièrecontrelelitethurlaenjouissanttandisquedesvaguesdeplaisirle
submergeaient.Ilétaitivredessonsdesescrisethalètements.C’étaitunmomentqu’iln’oublierait
jamais.
Roulantsurlecôté,Felikss’affalacontrelematelaspeuépaisethaletacommes’ilallait
s’évanouir.
«Putain,»murmuraAnnika.«Mercipourça!»
Iléclataderire.Justeaumomentoùilpensaitl’avoirunpeucomprise,ellefaisaitquelque
chosedesurprenant.Ill’attiraversluipourqu’elleposesatêtecontresapoitrine.Cettepositionétait
étrangementsatisfaisante.Iln’étaitpasdugenreàfairedescâlins.Annikaétaitdifférente.Iln’yavait
nisanglotsnigémissements,justelasatisfactiond’ébatsspectaculaires.
«Iltefautunplusgrandlit,»dit-ilengrondant.
Ellelepoussadanslescôtes.«Pasquestion.Lesmecsimagineraientquec’estuneinvitation
pourpasserlanuit.»
«Ohjevois,doncc’estuncalculsavantpourgardertonindépendance?»Ilappréciaitcefait.
«Absolument.»
«Tuesunefemmeétrange,Annika.»
«Ettueslemeilleurcoupquej’aieconnucesdernièresannées.»
Feliksn’étaitpassûrd’apprécierlecompliment.«Tuveuxdirequeturamènessouventdes
mecscheztoipouruncoupd’unsoir?»
«Hé,tuesjaloux?»
«Non.»
Ilyeutunepauseprolongée.Ilpouvaitsentirsespenséesreprendreunedirectionplussérieuse.
Ellefinitparparler,etiln’yavaitaucunetracederiredanssonton.«J’aidescoupsd’unsoirà
l’occasion.Oui.Maisjepeuxt’assurerquem’envoyerenl’airavectoiestuneexpériencequine
ressembleenrienàcequej’aiconnudanslepassé.»
Safiertémasculineenfutassouvie.Mêmes’ilnesavaitpaspourquoiçal’importait.Dans
quelquesminutes,ilrempliraitsoncontrat,etellen’auraitplusjamaisd’opinion.Etmalgréça,pour
uneraisonincompréhensible,ilsesouciaitdecequ’ellepensaitdelui.
«Etjenem’attendspasàconnaîtreçaavecunautre,»ajouta-t-elle.«Tuesvraimentunique,
Feliks.»
«Toiaussi.»
Ellebâillavigoureusement.«N’oubliepasdetournerleverrouensortant.»
«Tumefousàlaporte?»
«Non,maisjesuissurlepointdetomberdesommeil,doncj’aipenséqueceseraitprudentde
teledemandermaintenant.»
Illaserrabrièvement.«Jem’enoccuperai.»
«Mmm.»
Iln’entenditriend’autrequelebruitdouxetrythmédesarespiration.Feliksl’étudiadansla
lumièretamisée.Iltraçalégèrementlestraitsdesonvisageduboutdesdoigts.C’étaitétrangede
penserqu’ilessayaitdelamémoriser,cettefemmequ’ilnereverraitjamais.
Ilramassasesaffairesetserenditdanslasalledebain.Ils’habillarapidement.Évitantde
regarderlemiroir,ilplongeadanslapochedesontrench-coatetensortituntrousseauremplide
seringueshypodermiques.Uneinjectiondanslecou,etAnnikas’endormiraitpourl’éternité.
Descoupsfurentsoudainmarteléssurlaported’entrée.Felikspressasondosaumuretmitla
mainsurson9mmdanssonmanteau.Ilentenditlemarmonnementd’Annikaalorsqu’ellesortaitdu
lit.
«Quiest-ce?»cria-t-elle
Feliksneputretenirunsourire.Letondécourageantdesavoixdémotiveraitmêmele
prétendantlepluscourageux.Ildevraitattendreaumoinsunedemi-heuredepluspourqu’ellese
rendorme.Lebaravaitététropbondé,etmaintenantsonappartementl’étaitaussi.Cecontratétait
franchemententraindelefairechier.
«C’esttonpère,Annika!»
Felikssefigea.Sonpèreétaitici?C’étaitplutôtgênant.AnnikaneconnaissaitpasFeliks,mais
Vadirlereconnaîtraitimmédiatement.
«Va-t’en!»cria-t-elle.«Jeneveuxpasdecriminelsdansmonappartement.Jeneveuxpaste
voir.»
LeurdisputebruyanteétaitparfaitepourcouvrirlafuitedeFeliks.Ilglissalaboîtedeseringues
danssonmanteauetarpentalentementlaminusculesalledebain.Ilyavaitunpuitsdeventilation,
maislafenêtreseraitdeloinpréférable.
Iltiralevoletetouvritleloquet.Heureusement,lasortiedesecoursétaitjusteàcôté,idéale
poursafuite.Feliksouvritlafenêtreetfutbalayéparl’airnocturnefroiddeBoston.Puisilpassaun
piedparlafenêtreetsortirdel’appartement.
Annikaetsonpèrecriaienttoujoursdanssonstudio.Feliksrefermalafenêtreets’éloigna.
Orlovdevraitpatienterunpeupluspourêtresatisfaitdelaclôturedececontrat,maisFeliks
termineraitsatâcheetprendraitsaplaceméritéeauconseil.Surcepoint,ilétaitsûr.
ChapitreTrois
Cinqsemainesplustard...
«Jemefichedetesputainsd’affaires!»criaAnnikaàsonpère.«Tun’esqu’unescroc,etje
veuxquetusortesdechezmoi.Maintenant.»
«Annika,princesse,»cajolasonpère.«Nesoispasstupide.Jesuistonpapa,non?»
Elleclaquaunecasserolesurlacuisinière.Elleavaiteul’intentiondesepréparerquelque
chosesurlepouceavantsescours.Puissonpères’étaitpointéetavaitfaitdéraillersonhoraire
soigneusementéquilibré.
«Oui,tuesmonpère.Maisparfoisj’ail’impressionquec’étaitungestecalculédetapart.»
«Commentça?»Ileutl’airoffensé.
Elleétudiasonphysiquefrêleetsonvisageblême.Sonpèren’avaitpassouventl’airdansson
assiette,maiscommentpouvait-ilêtrerobustes’ilévitaitconstammentlesautoritésetlamafiarusse
deBoston?
Elleallumalacuisinièreetobservalebrûleurs’enflammer.«Tuasépousémamère
américaineàMoscoujustepourpouvoirvenirauxÉtats-Unis.»
«TamèreestmorteenRussie!Jenesuisjamaisvenuavecelle.»
«Non.Tuesvenuavecmoi.Aprèsmanaissance,legouvernementaméricainn’auraitjamais
putefoutrehorsdupays,»dit-elleamèrement.
Ilposalapaumedesamainsursoncœur.«Tumeblessesavectessoupçons.»
«Vraiment?Parcequejeparieraisunefortunequejen’aipasquetueslàparcequetuveux
quelquechosedemoi.»
«JedoisdélivrerunmessageauFBIpourmoi.»Sontonétaitsisuppliantqueleslarmesen
coulaientpratiquement.
«Ha!»Ellecraquaunœufdanslapoêleetl’écoutagrésiller.«Ettunepeuxpaslivrerce
messagetoi-mêmeparcequetuesrecherchéparlesagentsfédéraux.C’estça?»
«C’estunmessagequirègleraunlégermalentendu.»
L’odeurdecuissondesœufsdevintsoudainaigreaunezd’Annika.Elleeutunhaut-le-cœur.
Sonestomacseretourna,etelleplaçarapidementunemaindevantsabouche.
LecomportementdeVadirsefitpragmatique.«Qu’est-cequinevapas?»
«Jevaisêtremalade!»
Ellerepoussasonpèreetseprécipitadanslasalledebain.Ellearrivaauxtoilettesjusteà
temps.Agrippantlesbordsdeporcelaine,ellevomitjusqu’àcequ’elleaitl’estomacvide.
Tâtonnantpourtrouverlapoignée,elletiralachassesurlecontenuets’affalaenmassesurle
sol.Commedurantladernièresemaineetdemie,ellesesentaitmieuxaprèscesépisodesbrefsde
malaisesviolents,bienqu’ellesesentetoujoursépuiséeetpasdanssonassiette.
«Tuvasbien?»Sonpèreétaitappuyécontrelechambranledelaporte,lesbrascroisés.
«Super.»Elleluilançaunregardnoir.«Jesuispresquesûrequetesaffairesillégalesme
rendentmalade.»
Ilrenifla,choisissantdepasseraurusseaulieudel’anglais.«Etjesuiscertaindemesouvenir
àquoiressembleunefemmequandelleaunpolichinelledansletiroir.»
Annikasefigea.Cevieuxfouavait-ilraison?Ellen’avaitmêmepasconsidérécettepossibilité
avantqu’ilnelamentionne.Soncerveauvagabondaimmédiatementàlarecherchedesesdernières
règles.
«Tuasl’aird’acceptercettepossibilité,»songea-t-il.«Quivais-jedevoirliquiderpouravoir
touchémafille?»
«Tun’aurasàdescendrepersonne.Jesuisunefemme.Jefaismespropreschoix.»
«Detouteévidence,»dit-ild’unevoixtraînante.«Maistuferaismieuxdeteremettredeboutet
d’emmenermonmessageauFBI.Après,tupourrast’occuperdetespropresproblèmes.»
Elleseremitdebout,sesentantétourdiemaisplusfurieusequ’ellenel’avaitétédepuis
longtemps.«Jesuisdansunbeaupétrin,ettutepréoccupesplusd’avoirmonaidepourréglertes
problèmesidiotsavecleFBI!»Elleledépassaenlepoussant.«Sorsdemonappartementetn’y
remetspaslespieds.Jenerigolepas.J’enaimarrequetum’utilisespourtesaffaireslouches.J’enai
finid’êtretonpion.»
Vadirplissalesyeux,etAnnikaputsentirlachaleurdesacolèregrésillercontresapeau
commesic’étaitphysique.Elles’enfichait.Elleenavaitsaclaquedebaignerdanscemilieumalgré
elle.Ill’avaitutiliséecommeaccessoiredesescrimesdepuisqu’elleétaitcapabledesourireet
d’avoirl’airmignonne.Ellesefichaitpasmald’aliénersonpère.Ellevoulaitreprendrelecontrôle
desavie.
Ilsedirigeaverslaporteàgrandspas,lançantunregardàsacuisinière.«Tonœufbrûle.»
«Alorspourquoinet’enes-tupasoccupé?»Elleseprécipitapourretirerlapoêledela
cuisinière,labalançantdansl’évieroùellefumaetsiffla.«Tupensesparfoisàautrechosequetoi-
même?»
«Jevoulaisjustetevoir,tusais?»LecomportementdeVadirsefitdédaigneux.
«Pourquoi?»
Ilposalamainsurlapoignéedelaporte,prêtàpartir.«Lesyndicatenaaprèsmoi,princesse.
Jesuispresquesûrqu’ilsontenvoyéunassassin.»
«Ettuesvenuici?Tunepensaispasmemettreendanger?»
Quelquechosedanssonexpressionsuggéraunsoupçonderegret.«Jevoulaisjustetevoir,
princesse.»
«Etmaintenanttum’asvu.Fichelecamp.»
Annikaleregardapartir.Elleétaitinquiètequ’ilsemblesisûrquelesyndicatenaitaprèslui.
Maispourl’instant,sespenséesétaienttournéesverssonpropredrameimminent.Silesréflexionsde
sonpèreétaientcorrectes,elledevraitserendreàlapharmacieetespérerqu’elleneferaitpasune
découvertequichangeraitsaviepourtoujours.
ChapitreQuatre
Annikaurinamaladroitementsurlepetitbâtonblanc.Ellefermalebouchonenplastiqueetle
posasurl’évierdelasalledebain.Elleserelevaetcommençaàfairelescentspas.Ellepassadansla
pièceprincipaledesonpetitstudioetfitdescerclesautourdesonfuton.Touteslesquelques
secondes,elleregardaitl’horlogepourvoircombiendetempss’étaitécoulé.Aumomentoùlapetite
aiguilleavaitpasséledouzepourlacinquièmefois,quelqu’untoquaàlaporte.
«Vraiment?»murmura-t-ellesombrementavantdeserendrecomptequeWrendevaitêtre
venuelavoir.«Jet’aiditdenepasvenir.Cen’estvraimentpaslemoment!»
Sesentantirritéeparsonamieetpascomplètementsûredequoidireàproposdesasituation,
Annikatournalapoignéeens’attendantàvoirlevisagefamilierdeWren.Aulieudeça,laporte
explosaversl’intérieur.Annikafutdéséquilibrée.Elleagitalesbraspouressayerdesestabiliser,
renverséeenarrièrejusqu’àcequ’elleheurtelefuton.
Desbotteslourdespassèrentlaporte,etpuisquelqu’unlareferma.Luttantpoursortirdufuton
etseremettresurpied,Annikanevitmêmepasquic’était.Soncœurmartelaitsapoitrine,etlebruit
desonsangemplissantsesoreillesétaitpresquenoyéparlesondesarespirationhaletante.
Elleroulasurlecôtéopposédumatelasettombaausol.Chaqueinstinctgravédanssoncorps
luicriaitdecourir,maisiln’yavaitnullepartoùaller.Qu’était-ellecenséefaire?Tenterde
s’échapperparlasortiedesecours?
Jetantuncoupd’œilderrièrelebordducanevasdeboisépaisdufuton,Annikatenditlecou
pourvoirsonassaillant.«Toi!»Soncœurfutsurlepointdes’arrêter,etelleseremitdeboutpar
réflexe.«Qu’est-cequetufousici?»
Feliksnesouritmêmepasencroisantsonregard.«Jesuisdésolé,Annika.»
«Attends.»Ellesefaufilaverslasalledebain,leseulendroitoùellepourraittrouverun
endroitsûr.«Tueslàpourmekidnapper?»
Songloussementgravehérissalescheveuxdesanuque.«J’aimeraisqueçanesoitqueça.»
«M’assassiner,alors?»Ellecommençaitàsentirlamoutardeluimonteraunez.«C’estpour
çaquetum’asdraguéel’autresoiraubar?Tuavaisl’intentiondemedescendre,maistuasdécidéde
mebaiseràlaplace?»Sontonsefitindigné.
«Non.Cequis’estpasséentrenousétaitunecoïncidence.»Unairderegretéclairasonvisage
sibrièvementqu’ellepensal’avoirimaginé,maisunsoupçondechaleurrestasurseslèvres.Par
contre,sesyeuxétaientplusfroidsquel’arctique.Puisilhaussalesépaulesdemanièrenonchalante.
«Jenesavaispasquituétaiscesoir-là.»
L’instinctluiditqu’ilmentait.«Etquisuis-je?Pourquoifais-tucequetufais?»
«Tonpèreafâchélesyndicatparsoncomportementirrespectueux,»ditFeliksplatement.«On
nepeutpasregarderailleursquandilignorenosrègles.Undesmembresduconseilaététuéàcause
delatéméritédetonpère.»
«Etjevaisypasserparcequemonpèreestunimbécile?»Annikanepouvaitpasexpliquer
l’ironiedelasituation.«Etçateparaîtjuste?»
«Cen’estpasjuste,»murmura-t-il.«Maisladécisionnereposepasentremesmains.»
Elleplantasespieds,prêteàseruerverslasécuritédelasalledebain.«Pasentretesmains?
Tueslàpourmetuer!Mavieesttoutàfaitentretesmains!»
Àcesmots,ellesprintadanslasalledebain.Ellen’étaitqu’àmoinsdetroismètres.Feliksétait
restédel’autrecôtédustudio.Elleattrapalaporteetlaverrouilladèsqu’ellefutàl’intérieur.Elle
l’entenditàquelquespasderrièreelle,jurantenrusse.
«Tunepeuxpastecacherpourtoujours.Jenepensaispasquetuétaislâche.»
«Jenesuispaslâche.»Sonaccusationl’irrita.«Etjedéfiequiconqueditlecontraire.Jesuis
unesurvivante.»
«Ahoui?»Ilsemblaitpresqueamusé.Quelgenred’hommejoueraitainsiavecelle?C’était
tordu.«Etquelsoutilsdesurviecaches-tudanstasalledebain?»
Sesyeuxpassèrentenrevuel’espaceferméminusculeettombèrentsursontestdegrossesse.
Ellesaisitlaboîtepourvérifierlesinstructions.Puiselleramassalebâtonnet.
Enceinte.
Quelquechosequin’avaitétéqu’unepossibilitéeffrayanteunedemi-heureplustôtétaità
présentdeuxfoisplusterrifiant,etpourtantassezbienvenu.Elleinspiraàfondetbranditlebâtonnet
devantelle.Letenantd’unemain,lesinstructionsdansl’autre,elledéverrouillalaportedelasallede
bain.
«Tuveuxunoutil?»demandaAnnika.«J’enaiun.Etcen’estpasunearme.»
«Ahouais?»
Elleouvritlaporteduboutdupiedetsortit.Tenantletestavecprécautiondevantellecomme
unbouclier,elleluifitsignedeprendrelesinstructions.«J’aimanquémesrègles.»
Lapeaulissedesonfrontseplissa.«Qu’est-cequec’est?»
«Contente-toidelire.»
Ilécarquillalesyeuxenserendantcomptequec’étaituntestdegrossesse.Laconfusionéclaira
sonregardsombre.«Qu’est-cequetuveuxdire?Tuesenceinte?»
«Oui.»
«Cen’estpasunpeutôtpourêtresûrdecegenredechoses?»Ileutl’airsceptique.
«J’aimeraisbien.Maisj’aiplusdequatresemainesderetard,j’aidesnauséesmatinalesetje
suisconstammentfatiguée.C’estunelistedesymptômesassezspécifique.Doncj’aiachetéuntest.»
Illuipritlebâtonnetdesmainsetletintàcôtédesinstructions.«Deuxlignessignifieune
grossesse,uneseulenon.»
«Deuxlignes,»grommelaAnnika.
Ilrenifla,agitantlebâtonnetdanssadirection.«Cetteligneesttellementpâlequ’onpeutà
peinel’appeleruneligne.»
«Peuimporteàquelpointlaligneestpâle,imbécile.Jesuisenceinte.»
«C’esttoiquiledis.»
«Tuveuxvraimentprendrelerisqued’assassinertonpropreenfantquandtumedescends?»
FELIKSAVAITL’IMPRESSIONdetomberdansunpuitssiprofondqu’iln’envoyaitpasla
sortie.Assassinerunefemmeétaitunechose.Lefaitqu’ilaitpasséunesoiréeàsavourerlanature
douceetsensuelledecettefemmeparticulièrenefaisaitquerendresonjobplusdifficile.Mais
maintenantelleétaitenceinteetl’enfantétaitprobablementlesien?
Pourlapremièrefoisenplusd’unedécenniedeboulotsréussispourlesaffairesdusyndicat,il
n’avaitaucuneidéequoifaire.Puisilserenditcomptequ’Annikaavaitditquelquechosed’assez
important.Elleavaitappelésonpèreunimbécile.Sisonpèreetelleneseparlaientpratiquementplus,
commentOrlovpouvait-ilaffirmerquetuerAnnikaauraitunimpactsignificatifsurVadirPolzin?
«Es-tuprochedetonpère?»luidemanda-t-il.
Ellesecoualatête,l’airperplexe.«Non,pourquoi?»
«Tul’astraitéd’imbécile.»
«Parcequ’ill’est,»lâcha-t-elle.«Regarde-le,àtoujourssemettredumauvaiscôtédusyndicat
etmettantd’autresendangerpoursefairedufricfacile.»
«Selontoi,tonpèresesouciedetoi?»
Ellefronçalessourcils.Ilpouvaitvoirqu’elleétaitéreintée,maisellesemblaittenirlecoup
mieuxqu’ilnel’auraitimaginé.C’étaitunefemmeforte.
Ellefinitparsecouerlatête.«Tudoiscomprendremonpère.Ilsesoucieprobablementdemoi
autantquecedontilsesouciedanslavie.Ilm’aimedanslalimiteoùjepeuxluiêtreutile.Sijevenais
àdisparaître,ilverraitçacommeundésagrément.»Ellesemblaconsidérerleschoses.«Disonsque
çaleferaitvraimentchier.»
«Suffisammentpoursevenger?»Unesuccessiond’évènementsseformaitdansl’espritde
Feliks.
«Oui.»Ellehochasévèrementdelatête.«S’ilpensaitqu’onluiavaitmanquéderespect.
Pourquoi?»
«Quandas-tuparléàtonpèrepourladernièrefois?»
Ellepressaleslèvres,semblantnepasvouloirrépondreàlaquestion.«Aujourd’hui.Ilestvenu
mevoircematin.»Quelquechosesemodifiadanssonexpression,etFelikseutlesentimentqu’elle
venaitd’assemblerlespiècesd’unpuzzle.
«Dis-moiàquoitupensais,»exigea-t-il.
Annikan’eutpasl’airravie.«Monpèrem’aditquelesyndicatenavaitaprèsluipouravoir
violéleursrègles.Ons’estdisputéssurlesujet.Jenepensaispasqu’ilavaitraison.»
«Ilavaittort.Ilsn’ontjamaiseul’intentiondes’enprendredirectementàsonpère.Tuas
toujoursétéleurcible.»Sonespritétaitailleurs,etilnes’arrêtapaspourpenseràcommentellele
prendrait.
«Detouslesenfoirésarrogantssurterre!»railla-t-elle.«As-tuunsoupçond’humanitédans
tonâme?»
«Pasparticulièrement.»
«J’aidumalàycroire.»
Ilinclinalatête,l’observantetsedemandantcommentelleparvenaitàseglissersoussapeau.
«Qu’est-cequetucrois,etpourquoidevrais-jem’ensoucier?»
«Parcequel’autresoir,quandonacouchéensemble,cen’étaitpasqu’unebaise.C’étaitplus
queça.J’aivutonvisagequandtuasjoui.Unhommen’apascetairlàquandilestmortàl’intérieur.
Tufaispeut-êtresemblantdet’enfoutre,maisc’estfaux.»
Ilétaitsurlepointdelacorriger,maissontéléphonevibradanssapoche.Ilnedoutaitpasqui
l’interrompait.Ceseraitleconseil,demandantlapreuvedutrépasd’Annika.Génial.
«Maisc’estpasvrai!»Ellelançalesmainsenl’air.«Tutesouciesdetontéléphone
maintenant?Tuesenpleinmilieudemonassassinat.»
«Nesoispassigrognon!»Lataquinait-il?C’étaitunepenséehorrible,maisilserendit
comptequec’étaitlavérité.«Tuestoujoursenvie,non?»
Ellelaissaéchapperungrognementétranglé,etavantqueFeliksnepuissesepréparer,elle
lançasasilhouetteathlétiqueverslui.L’instinctlepoussaàl’attraper,maisiln’étaitpasprêtpourle
coupdepiedqu’elleluilançadansl’entre-jambe.
Auderniermoment,Felikstournaleshanchespourprotégersesbijouxdefamille.
Malheureusement,sonacteprotecteurluidonnaduretardsursaproie,quiseruahorsdeson
appartement.Tournantlestalons,ilsprintaderrièreelle.
Lecouloirétroitétaitdifficileàmanœuvrerpoursacarruretandisqu’iltournoyaitautourdela
ramped’escalier.Ilpouvaitentendresespasbruyantsdeuxétagesplusbas.Jaugeantladistance,il
sautapar-dessusl’anciennerampeenboisettombademanièrecontrôlée.Atterrissantenposition
accroupieunétageplusbas,ilneperditpasdetempspourrecommenceràlavoléed’escaliers
suivante.Deuxfoisencore,etilarrivaavantAnnikaaurez-de-chaussée.
«Enfoiré!»hurla-t-elle.«Dégage!»
«Annika,attends.»Illevalesmains.«Jen’aipasdécidécequej’allaisfaire.Nesautepas
hâtivementauxconclusions.»
«Hâtivement?Tuesfou?»Ellepivotaetsemitàremonterlesescaliersencourant.
Feliksgrognaetlasuivit.Àcettecadence,ilallaits’évanouiravantmêmededécouvrircequi
sepassaitvraiment.Ilserenditcomptequ’aufonddelui,ilavaitdéjàdécidéd’épargnersaviepourle
moment.IldevaitdécouvrirpourquoiOrlovvoulaitladescendre.PourquoiattirerVadirPolzinde
cettemanière?Dansquelbut?
«Va-t’en!»Elleluilançalesmotspar-dessussonépauleavantdetenterdeluifermerlaporte
desonstudioàlafigure.
Felikspoussasabotteentrelaporteetlechambranle,faisantlagrimacelorsqueleboismassif
rebonditsursesorteils.Mêmedanssesbottescercléesd’acier,ilsentitladouleur.«Annika,calme-
toi.»
Ellereculaitverslafenêtre,etilserenditcomptequ’elleavaitsansdoutel’intentiond’utiliser
lasortiedesecours.Levantunemain,lapaumeouverte,elleregardapar-dessussonépauleversla
sortie.«Resteoùtues.»
«Oualors?»réprimanda-t-ildoucement.«Asseyons-nouspourparleruninstant,Annika.Je
nevaispastetuer.Franchement,jedoisdirequetum’asvraimentimpressionné.Laplupartdes
hommesd’âgemûrseraitentraind’implorercommedesbébésàtaplace.»Ilsetutbrusquementen
serendantcomptedesonchoixdemots.
«Lesbébésnepeuventpasimplorer,»murmura-t-elle.«Mêmepasquandilsdépendent
complètementdetoi.»
ChapitreCinq
«Tunepeuxpasmegarderprisonnièrepourtoujours,»déclaraAnnikaavecirritation.«Ça
faitdesheuresqu’onroule.Àunmomentdonné,tuvasteretrouversanspétroleousansroute.»
Iljetauncoupd’œilaurétroviseurpourcequiluisemblaêtrelamillionièmefois.«L’unou
l’autre.Maisaumoins,onaseménotrefilature.»
«Quoi?»Ellesetorditdanssonsiègepourregarderenarrière.Elleétaittellementfatiguéeet
affaméequ’ellen’avaitpasremarquéqu’ilsétaientsuivis.«Çaveutdirequ’onpeuts’arrêter?»
«Pourquoi?»
«J’aivraimentbesoindepisser.»Ellenepritpaslapeined’adoucirsontondevoix.«Etjene
croispasqu’onnousaitsuivis.Pourquelleraison?»
«Jen’aipasderéponse.Pourledécouvrir,ilfaudraitquejem’arrêteetquejelestabasseà
mortpourleursoutirerdesinformations.»
«Outupourraissimplementleurposerlaquestion.»Toutecetteviolenceneluiplaisaitpas.
«Pasbesoindetabassertouslesgensqueturencontres,si?»
«C’estlemoyenleplusrapide.»
Elleplissalesyeux,serendantcompteavecsurprisequ’ilétaitentraindelataquiner.«Tu
essaiesd’êtredrôle?Parcequec’estcomplètementdément.»
«Pourquoi?»
«Tum’askidnappé!»
«Jet’aisauvélavie.»
«Ahoui?Explique-moicomment!»
Ilpinçaleslèvres,virantsavoituredesportsurbaisséenoiredansleparkingd’unesupérette.
«Lesyndicatveuttamort.Sij’avaisrefusédefaireleboulot,tun’auraispaseulachancedepouvoir
convaincremonremplaçantdetondroitderesterenvie.»
«Tuescomplètementtordu.»Enfait,sonestomacs’étaitnouéenpensantàsasituation.«C’est
pascomplètementfoireuxquetusoismaseulechancedesurviedumoment?»
«Complètementfoireux.»Ilgaralavoiture.«Allez.Jetelaissesortirpourpisser.Situ
décidesdet’enfuir,necomptepassurmoi.»
«Pardon?»
«JeveuxdirequejenevaispastepourchasserdanstoutBoston,doncsitupréfèresprendretes
chancesavecleremplaçantenvoyéparlesyndicatpourteliquider,alorsamuse-toibien.»Son
expressionn’avaitrienderéconfortant.
Elledéglutitlenœuddanssagorge.«D’accord.Jesaisquejeferaismieuxderestertranquille.
Maissitunemelaissespassortirmaintenant,tuvasdevoirnettoyerlessièges.»
Illuilançaunregardnoiretpressaleboutonpourdéverrouillerlaportière.«Alorsvas-y.
J’attendsici.»
Elleouvritlaportièredetoutessesforcesetroulapresquehorsdelavoiture.Aenjugerpar
sonmanquedegrâceaupremiersemestre,elleavaitdumalàimaginercommentelleseraitquand
elleseraitenceintedehuitmois.C’étaitquelquechoseàprendreencomptesielleallaitdevoir
échapperausyndicat.
Annikasefrayaunchemindanslasupérettebondée,tellementconcentréesurlesfoliesdesa
viequ’ellenevitpaslepolicieravantdeluitombernezànez.
«Pardon,m’dame.»Lepolicierlaremitsurpiedsavecunsourired’autodérision.«Vous
devriezfaireattentionoùvousallez.»
«Oui,jedevrais,»dit-ellefaiblement.Jetantunregardfurtifpar-dessussonépaule,ellelevit
sortirdumagasinetserendreàsavoituredepolicegaréeducôtéopposédecelledeFeliks.
Oserait-elledemanderl’aidedelapolice?Elletournalestalonscommesielleallaitcourir
aprèslepolicier,maissonpapaluiavaitinstilléuneméfianceprofondeenverslapolicequi
l’empêchadeprendrecerisque.Engrommelant,elleserenditàlasalledebain.
Laporteétaitfermée,etelleputentendrequelqu’unbougeràl’intérieur.
«Zut!»siffla-t-elleàvoixbasse.
Croisantlesbras,surladéfensive,ellebaissalesyeuxetserenditcomptequ’elleportait
toujourssonpantalond’intérieuretunsweat-shirtmiteux.Fabuleux.Çaremontaitvraimentson
estimedesoi.
Del’autrecôtédumagasin,ungrandhommeàl’aircadavériqueetavecunebarbichettepointue
ladévisageait.Elleremuaettentadereculerquelquepeupours’abriterderrièreuntasdebières.Le
regarddel’hommenevacillapas.Sapeausemitàfourmiller.Elleauraitdonnén’importequoipour
quelafemmesedépêchedesortirdesputainsdetoilettes.
Laportes’ouvritenfinetunefemmeobèsesortitentrébuchant.ElleaplatitpresqueAnnikaen
sortant.«Bouge-toi,brindille!»
«Vraiment?»Lemotluiéchappaavantqu’ellenepuisseleravaler.
Lagrossefemmeseretournaextrêmementvitepourunefemmedesonpoids.Revenantsurses
pas,elleregardad’unairméprisantlasilhouetteathlétiqued’Annika.«T’asquelquechoseàmedire,
petitegarce?»
Annikasoupira.Leperversàl’airlouchelalorgnaittoujourscommes’ilallaitlabouffer,et
elleétaitsurlepointdesepisserdessus.Cen’étaitpaslemomentd’entamerunedispute.
«Alors?»lâchalagrosse.«T’asperdutalangue?»
«Non.»Annikadisparutdanslasécuritédelasalledebainetfermalaporte.
Unefoisàl’intérieurducabinet,ellesepressadefairesesaffaires.Çasentaitlerenferméet
d’autresodeursdéplaisantesetsonsensdel’odoratmultipliéparlagrossessefaisaitpuerl’endroit
dixfoispirequ’ilnel’étaitvraiment.
Annikatiralachassepuisselavalesmains,toutensedemandantsiellenefaisaitpasqueles
rendreplussales.Ellefinitparretournerdanslemagasinetserenditcomptequeleperversavait
bougé.Ilsetenaitàprésentàcôtédufrigosituédirectementenfacedestoilettes.
Lescheveuxsehérissèrentdanssanuque.Annikal’ignoradélibérémentetsedéplaçadansla
directionopposée.Passantuncoin,elles’aplatitcontreuneétagèreetlevalesyeuxpours’assurer
qu’iln’yavaitpasdemiroirau-dessusd’elle.Iln’yenavaitpas,etelleenprofitapourjeteruncoup
d’œilverslepervers.
Ilétaitentraindes’éloignerdestoilettesverslasortie.Quelquessecondesdeplus,etilse
seraitpositionnéentreelleetsaportedesortie.Cen’étaitpasbon.
Annikaselançaverslaported’entrée.Ellesefichaitpasmaldequilaverraitseprécipiter
dehors.Elledevaitjustes’échapper.Saisissantlaporte,ellel’ouvritetcontinuasacoursefolle.
FELIKSSAVAITQUElesfemmesavaienttendanceàpasserplusdetempsauxtoilettesqueles
hommes.IlenprofitapourenvoyerunmessageàPyotrluiexpliquantcequis’étaitpasséetpourquoi
ilavaitdûsuspendrelecontratsurAnnikaPolzin.PyotrvenaitderépondrequandFeliksvitAnnika
sortirdumagasin.
Toutenellesemblaitébranlé.Enfait,ellesemblaitsibouleverséequeFelikssepenchasousle
siègepourrécupérersonarme.Puisillavitregardersauvagementverssagauche.Lorsqu’ellese
renditrapidementverslavoituredepatrouillesituéeàquelquesdizainesdemètresdelà,Felikssaisit
sonarmepouruneraisontoutedifférente.
Soncerveau,sesinstinctsluicriaientqu’Annikal’avaittrahietdénoncéàlapolice.Mais
quelquechosedanslevoisinagedesoncœurrefusadelecroire.
Alorsilobservaetattendit,sachantqu’ildevraits’enfuird’unesecondeàl’autre.Annikafitun
gesteverslepolicier,pointantdudoigtverslemagasinetutilisantsesmainspouraccompagnerses
paroles.Soitelleétaitvraimentsouslechoc,soitelleétaitunebonneactrice.Felikssoupçonnaitun
peudesdeux.
Sonestomacsenouaenobservantlesdeuxflicssortirdeleurvéhiculedepatrouille.S’ils
avaientsembléintéressésparsonvéhicule,ilauraitagiavecextrêmepréjudice,maisçan’était
apparemmentpaslecas.
Unhommeparladanslaradioaccrochéeàl’épauledesonuniforme.L’autretenaitsonflingue
àdeuxmains.Ilsétaienttousdeuxconcentréssurlasupérette.Ilsregardèrentànouveaudansla
directiond’Annika.Feliksenprofitapourdescendresavitredequelquescentimètrespourles
entendreparler.
«Ilestlà-dedans,»ditAnnikad’untonfrénétique.«Grand,superminceetvraimentlouche.Il
m’afaittellementpeurquej’aicourud’icicommesij’étaisenfeu.Heureusementquevousétiezlà.Il
pourraitêtreunvioleurouunpervers.»
«Ons’enoccupe,madame.Restezici,etonprendravotredéclarationquandceseraréglé.»
«Okmonsieurl’agent.Mercibeaucoup!»AnnikasetournaitdéjàverslavoituredeFeliks.
Elleobservalapolicedeprès.Dèsqu’ilsfurentconcentréssurlebâtimentetentrèrentà
l’intérieur,elleseprécipitaverslecôtépassagerdesavoiture.
Ilneluifallutpasplusd’unesecondepourouvrirlaporteetsejeteràl’intérieur.Ellefermala
portièrederrièreelleetluifitsignededéguerpirdelamain.«Jenesaispascequetuattends,maistu
devraisfoncer.Notrefilaturevaprobablementêtreunpeuoccupéeaveccesdeuxflics,alorscassons-
nous.»
«Notrefilature?»Felikspassalapremière.
«Jepensequeoui.»Lapeaudélicateentresessourcilsseridaalorsqu’ellerepensaitàcequi
s’étaitpassé.«Ilétaitgrand,àpeuprèstataille,jepense.Lescheveuxblonds,desyeuxbleus,et
tellementmincequ’onauraitditunépouvantailavecunebarbepointue.»
Feliksjuraenrusse,enanglaispuisenukrainienpourbienfaire.«C’estYuriOrlov.»
«J’imaginequ’ilesttonconcurrent.»
«Apeine,»renifla-t-il.
«Jevoulaisdirequ’ilvoulaittuertacible,pasqu’ilétaittonégal.»Ellesemitàrire.Leson
étaitgaietvivantcomparéauxténèbresdeleursituation.
Feliksréintégralacirculationetcherchaunendroitoùilspourraientseposerensécurité
pendantquelquesjours.Maisàprésent,ilpensaitqueceseraitimpossible.«Yuriveutunposteau
conseil.»
«Lesyndicataunconseil?»Annikalevalessourcilsdesurprise.
«Biensûr.Commentpourrait-onaccomplirquoiquecesoitautrement?»
«Jeneveuxpasêtreinsultante.C’estjusteunpeufoudepenserqu’uneimmenseorganisation
criminelleaitungenred’hiérarchieetdegouvernementquidictelesrèglesd’affairesdugroupe.»
Ellehaussalesépaules.«Vousêtesdestruands.Cen’estpasuncomportementquej’associeavecles
truands.»
«J’aivraimentl’aird’untruand?»
«Oui.»
Felikssesentitoffenséavantdeserendrecomptequec’étaitellequiletaquinaitàprésent.Il
ravalasonsourireetfitlagrimace.Ilnevoulaitpasqu’ellesacheàquelpointsonimpertinencelui
plaisait.
«Tun’espasaussiméchantquetuleprétends,»annonça-t-elle.
«Etjen’avaispasl’intentiondetetuer?»
Elleagitaunemaindédaigneuse.«Çan’arienàvoiraveclefaitd’êtreméchantoupas.C’est
tonboulot.Jesuissûrequetupeuxfairetonjobquandtuledois.Jeveuxjustedirequecontrairement
àdesmecscomme…jenesaispas…monpère,parexemple,tuasréellementunepersonnalitésous
cecomportement.»
Dieuluivienneenaide,elleavaitprobablementraison.
ChapitreSix
AnnikaregardaFelikschangerdevitesseenlesmenantversunedestinationinconnue.Ses
mainsétaientgrandesetbronzées.Elleremarquaàquelpointsesdoigtsauxonglesémoussés
semblentsûrsenconduisantlavoituredesport.Ilavaituneforcetranquillequil’attiraitdemanière
primaire.
Unesensationdetiraillementdanssonbas-ventrelafitsedéplacerinconfortablementdansson
siège.Ellepouvaitsesouvenird’autreschosesconcernantlesmainsdeFeliks.Commecequ’elle
avaitéprouvélorsqu’ill’avaittouchée.Lamanièredontlespaumesdesesmainsavaientexploré
l’intérieurdesescuissesetl’avaitcajoléepours’ouvriràlui.
Lapenséedeleurpremièrerencontresuffitàaltérersarespirationetàlafairemouiller.Ellese
tortillaànouveau.Pourquoidevait-ellepenseràçamaintenant?Cetypeavaitétéenvoyépourlatuer.
Elleavaitautrechoseàfairequetourneràlapoésieenpensantàsesmainsetlamanièredontilavait
sucésesseins.
Ellecroisalesbrassurceszonesenquestion,quifourmillaientàprésentdubesoind’être
caressées.Feliksétaitdouéavecsesmainsetavecsabouche.Çaneservaitàriendelenier.C’était
peut-êtreunassassin,maisilétaitmeilleuraulitquetoutleshommesqu’elleavaitconnusavant.
«Aquoitupenses?»demanda-t-ilsoudain,luilançantunregardoblique.
«Destrucs.»
«Commequoi?»
Est-cequeçavaudraitlapeinedeposerlaquestion?«Tupensesqu’unfœtuspeutreconnaître
laprésencedesongéniteur?»
«Quoi?»Ilfronçalessourcils.«Tumedemandessiceminusculeamasdecelluleshumaines
quetutransportesdanstonventrepeutressentirnotreprésence?»
«Ouais.»
«Jen’enaiaucuneidée.Pourquoiteposes-tucettequestion?»Ilavaitl’airconfus.
«Parcequejedevraisêtresifuraxcontretoiquejedevraisêtreprêteàtedéchirerlagorge.
Maisaulieudeça,jemesensd’humeuramicale.Laseuleraisonquimevientàl’espritestquele
bébétereconnaîtcommesonpèreetdoncrefusedemelaissertedétester.»
«C’estcomplètementdément.»
«Jesais,maisaumoinsilyaunecertainelogique,»grommela-t-elle.«Parcequemes
émotionsnesontpasdutoutlogiquespourlemoment.Etc’estpeudire.»
Unsouriregénéreuxsedessinasurseslèvres.«Onn’estplustrèsloin.J’espèrequ’avecunpeu
dereposetdenourriture,tudirasunpeumoinsdeconneries.»
«Super.Merci.»
«C’esttoiquivientdedirequ’unfœtust’empêchaitdemedétester.»
«C’estvrai,»concéda-t-elle.«Quandtulediscommeça,çasonneunpeuloufoque.»
Ellevenaitdereprendresonsoufflepourdemanderoùilsserendaientquandelleaperçutune
voiturequicirculaitàgrandevitesseetsedirigeaitdroitverseux.
«Feliks!»
Sesréflexesrapideslessauvèrentdudésastre,maisàpeine.Lavoitureheurtaleurparechoc.La
voituredesportsemitenvrille.Annikas’accrochafermementalorsquelavoiturefaisaituntrois
centssoixantedegrésunefois,suivid’unautredemi-tour.
«Accroche-toi!»ordonnaFeliks.
Lemoteurrugitlorsqu’ilembraya,passaunevitesseettournajusqu’àcequ’ilsoitdenouveau
danslabonnedirection.Lesbâtimentsfilèrentàtoutevitesse.Ilsvolaientdanscetterueétroite.
Feliksfinitpartournerlevolantetfreiner.Annikafutpropulséeverslaportièretandisqu’ils
tournaientlecoindelaruesurdeuxroues.L’allées’ouvritdevanteuxetsemblacontinuersansfin.
Annikatenditlecou,tentantdevoirsiquelqu’unlessuivait.
«Ilsn’ontpassuquitterlecarrefour,»dit-ild’untonsec.«Maisaupointoùonenest,
j’imaginequecen’étaitpasnotreseulami.»
«Eneffet!»cria-t-elletandisqu’unvéhiculeaccéléraitverseuxdel’autreboutdel’allée.
LapetitevoiturefituneembardéequandFeliksaccéléra.Ilsseprécipitaientàprésentversleur
deuxièmeassaillantàtoutevitesse.
«Qu’est-cequetufous?»luilança-t-elle.«Arrête!»
«Fais-moiconfiance.»
Auderniermoment,iltournalevolantverslagaucheetilsvirèrentdansuneruepluslarge.
Annikaavaitmêmepuvoirlevisagebourrudel’autreconducteurunebrèvesecondeavantqu’ilsne
tournent.L’autrevoiturelesdépassaàtoutealluredansl’allée.Lecrissementdespneusremplitl’air
lorsqu’ellesemitàfreiner.
Feliksappuyaànouveausurlechampignonavantdetournerdansuneautreallée.Ilsse
frayaientuncheminsinuantdanslavillecommes’iln’yavaitnicodedelaroute,nitrafic.Les
klaxonsretentissaienttandisqued’autresvoituresfreinaientàbloc,leschauffeurscriantetagitantles
poingsdansladirectiondeFeliks,quinesemblaitpasdérangé.
«T’asapprisàconduireoù?»demandaAnnika.«Al’écoleducirque?»
«EnRussie,enfait.»
«OhmonDieu,noussommesmorts,»gémit-elle.
Ilritcommeunforcené.Puisunrond-pointsurgitdevanteuxetilviracommesuruncircuitde
course,sortantdansladirectiond’oùilsétaientvenus.
«Qu’est-cequetufous?»Ellesedemandasisonespritavaitlâché.
«Jevaislàoùilleurfaudraleplusdetempspourfairedemi-touretnouspourchasser.Tu
croyaisquoi?»
«Ok.C’estpascon.Maisquandtuconduissivite,çamedonnelevertige.»
«Fermelesyeux.»
«Nonmerci.Jepréfèrevoirvenirlamortd’enface.»
Aumilieudetoutecettefolie,Felikspritletempsdelaregarderetdeluisouriredoucement.
«Oui,jevoisça.»
«Tuveuxbienregarderlaroute?»lâcha-t-elle.«Jepréfèrenepasmourirenfonçantdansun
building.»
IléclataderiretoutenmanœuvrantviragesetcontresensdanslesruesdeSouthie,enroute
versunedestinationqu’ilétaitseulàconnaître.Puisiltournalevolantunedernièrefois,etselança
dansunespaceétroitentredeuxgrillesprivéesimmenses.L’espaceétroitdonnaitsurunespaceplus
grandavecunparkingcouvert.Ilsegaradansunspotsituédanslecoinleplussombreetprofondet
éteignitlemoteur.
«Jesupposequ’onyest,»demanda-t-elleavechésitation.
«Enquelquesorte.»
***
«Tuasperdul’esprit?L’amenerici?»demandaPyotrd’unevoixsuffisammentfortepour
signifieraurestedelamaisonleursujetdedispute.
Felikslevalesmainsensignedereddition.«Calme-toi,Pyotr.Cen’estpaspourlongtemps.
Justejusqu’àcequejedécouvrepourquoilemondeentiersemblemeprendrepourcible.»
«Nesoispasstupide,»ditPyotrenrusse.«Tusaispourquoi.C’estparcequetutraînestacible
avectoicommeunbouletaulieudet’endébarrassercommec’étaitprévu.»
«Jenepeuxpasm’endébarrasser,commetudis,»ditFeliksàvoixbasse.
«Pourquoipas?»
«Elleestenceinte.»
Pyotrselançadansunesériedejuronsàvoixbasse,loind’êtredescompliments.«Tues
sûr?»
«Oui.J’aivuletest.»
«Etalors?Tuneferasquedébarrasserlaplanèted’unautrebâtardnondésiré.C’estquoile
problème?»
Pouruneraisonquelconque,leméprisapparentpourlaviederrièrecettedéclarationdérangea
Feliks.Ilrepoussacettepenséeetseconcentrasurl’autrepriorité:lavied’Annika.«L’enfantestde
moi.»
Cettefois-ci,iln’yeutpasdejurons.Justedusilence,etc’étaitbienpire.
Pyotrserassitensilencedanssachaisedebureauencuir,derrièresonimmensebureau
d’acajou,etcroisalesdoigts.«Commentpeux-tulesavoir?»
Feliksexaminalebureau.Lesétagèresdeboissombresétaienttrèsvieuxcontinent.Une
collectiondepremièreséditionsdeclassiquesétaitexhibéedansunebibliothèquevitrée,etdes
œuvresd’artd’artistesrussespendaientauxmurs.Combiendefoiss’était-iltenuàcetendroitpour
recevoirlesordresdePyotroudeVasily?Lesdeuxhommesavaientétéaussiprochesqu’onpuisse
l’être.Feliksavaitétéleurpetitprotégé.Ilavaittoujourspenséqu’ilconnaissaitceshommesaussi
bienqu’ilseconnaissaitlui-même.Maintenant,iln’enétaitplussûr.
«Lapremièrefoisquej’aitentédecompléterlecontratsurAnnika,»ditFeliksd’unevoix
vided’émotions.«Jemesuisrendudansunbaretj’aiconvaincuAnnikademeramenerchezelle
quelquesheures.Onacouchéensemble.Àl’époque,j’avaisl’intentiondel’injecterjusteaprèseten
avoirfini.Malheureusement,Vadirs’estpointé,etj’aidûm’échapperavantdepouvoircompléterle
contrat.»
«Unefemmecommeçaauraitpucoucheravecunedizained’hommeslasemainedernièreet
autantlasemained’avant.Tun’asaucunmoyendesavoirdequiestl’enfant.Pourquoisupposes-tu
qu’elleaitunmoyendepressionsurtoi?»
Felikssentitinstantanémentlafureurlebrûlerenentendantl’accusationdePyotrenvers
Annika.«Ellen’estpascommeça.Tupensesquejenesaispasfaireladifférence?»
«Jen’aipasditça.Jenefaisaisqu’exposerl’impossibilitédesavoiraveccertitudequece
gosseestletienjusqu’àcequ’untestdepaternitésoiteffectué.»
«Jevois,»ditFeliksdoucement.Lacolèrefrémissaitsouslasurfacecommeunebêtesauvage.
«Etlameilleuresolutionseraitd’étoufferlesdeuxviesavantd’avoireul’occasiondeconnaîtrela
réponse?»
«Jen’aipasditçanonplus.Tuveuxmefairediredeschosesquejenepensepas.»
«Jenefaisquedéduiretesintentions!»
Pyotrplissalesyeuxdesuspicion.«Queveux-tuexactementdecettefemme?»
«Jen’ensaisencorerien.»
«Tun’espaslegenred’hommeàt’installeravecunefemmeetàéleverunefamillecommesi
tuétaisunoursapprivoisé.Tuesunassassinsanguinairedeboutenbout.C’estcequetuasétédurant
toutetavieadulte.Pourquoivoudrais-tuarrêtermaintenantpourjoueraupapaetàlamamanavec
unefemmequetuconnaisàpeine?»
«C’estvache.»
«C’estlavérité.»
«Tuasunefamille.»
Pyotrrenifla.«Jenesuispasunassassin.Jesuisunhommed’affaires.»
«Alorspeut-êtrequetudevraisavoirplusdecouilles.»
Levieilhommeéclataderire,levantlesmainsetlesagitantcommes’ilserendait.«Calme-toi,
Feliks.S’ilteplait.Assieds-toietraconte-moiànouveaulerôledeYuridanscettehistoire.»
FeliksseperchasurlebordducanapédePyotr.Ils’assitlesjambestenduesetlescoudesposés
surlesgenoux.Ilétaittropnerveuxpoursedétendre.«Ilnousasuivipratiquementtoutlecheminde
l’appartementd’Annikajusqu’àlasupérette.Aprèsqu’onaitquittélemagasin,deuxvéhiculesnous
ontattaquédanslaville.Aucunedesdeuxn’étaitlavoiturequeYuriconduisaitplustôt.»
«Putaind’enfoiréd’Orlov!IltentesûrementdedonnertaplaceauconseilàYuri.»
«Ceseraitunvraidésastre.Cemecpeutàpeineépeler,encoremoinsfairetournerun
commerce.»
«Oui,maisonesttousaveuglesetstupidesquandilenvientauxtalentsouàl’intelligencede
nospropresenfants,»soupiraPyotr.
«Yuriestcertainementunidiot.Maisilasoifdesang.»
«Oui.C’estpourquoijenepeuxpastepermettreàtoiouàtapassagèrederesterchezmoi.»Il
yavaitunsoupçondecensuredansl’expressiondePyotr.
«Jenem’attendaispasàcequetunousabrites.Jevoulaisjustesavoirsitupouvaismedire
quoiquecesoitàproposdel’implicationdeYuri.»
«Ettudoisaussilaissercoulercertaineschoses.Jenesuispasnéd’hier,jeunehomme.»
«Personnenepourraitledeviner,»blaguaFeliks.
Pyotragitaundoigtdanssadirection.«Tudevraisfairegaffe.Undecesjours,tuvasavoirles
yeuxplusgrandsqueleventre.»
«Tupensesquelesautresremettentenquestionmondroitdem’asseoirauconseil?»Feliksse
demandaitsilevieilhommeluirépondraitfranchement.Ildevaitessayer.
«Difficileàdire.»Pyotrsegrattalabarbe.«Personnen’arienditdevantmoi,maisc’est
possiblequ’ilsendiscutentderrièremondos,comptetenudemaproximitéavectoietVasily.»
«J’aimeraisqueVasilysoittoujourslà,»marmonnaFeliks.
Pyotrfitlagrimace.«Moiaussi.»
ChapitreSept
AnnikaarpentaitlepetitsalonoùFeliksluiavaitditderester.Elledétestaitdevoirrester
tranquille.Elleavaitl’habitudedefairecequ’ellevoulait.Attendrequequelqu’und’autreprennedes
decisionspourelleétaitirritant.
Unpetitvisagepassaparl’encadrementdelaporte.Annikasouritetfutrécompenséeparun
petitsourireédenté.PuisAnnikafitsigneàsapetitevisiteuse.Ilyeutungloussement,maispasde
signedemain.
«Tupeuxentrer,»ditAnnikaàlapetitefille.
Pasderéponse,maisl’enfantsepenchaunpeuplusversellepourmieuxvoirl’intruse.
Annikarecommença,cettefois-cienrusse.«N’aiespaspeur.Tupeuxentrermeparlersitu
veux.»
Lapetitefillefitquelquespashésitantsdanslapièce.Elleportaitunejolieroberoseavecdes
rubansassortisaubasdesestressesblondes.Annikadevinaqu’ellenedevaitpasavoirplusdecinq
ousixans.
Lapetitefillepenchalatêtesurladroitecommeunpetitoiseau.«Mamèreditquetuescensée
êtremorte.»
«Ilparaît.»Annikainterrompitsescentspasetchoisitdes’asseoirsuruntrèslaidcanapévert.
«Maisjesuisassezcontentedenepasêtremorte.»
«PapaPyotraditquetonpapafâchebeaucoupdegensetc’estpourçaquetuescenséeêtre
morte.»L’airperplexesefitplusinsistant.
Est-cequepersonnenesecensuraitdevantcettegamine?Annikasedemandaquoirépondre.
Ellenepouvaitpasvraimentappelerlepapadecettegosseunenfoiré,si?
Annikavenaitdereprendresonsoufflepourrépondrequandunefemmeapparutsurleseuilde
laporte.«Oksana,rentredanstachambreimmédiatement,»lâcha-t-elledansunrussesaccadé,etla
petitefilleprécoceseprécipitahorsdelapièce.
«Neparlezpasàmafille,»ditlafemmedansunanglaisàl’accenttrèsprononcé.
«Jeneluidisaisrienqu’ellenesachedéjà,»expliquaAnnika.«Enfait,elles’estchargéede
m’informerquej’étaiscenséeêtremorte.»
Lafemmeécarquillabrièvementlesyeux.«Jem’excuse.Elleesttropjeunepourserendre
comptequ’elleestgrossière.»
«Jem’enrendsbiencompte.»
C’étaitévidentquelafemmevoulaitendireplus.Annikasedemandaquielleétait.«Vous
pouvezmedemandercequevousvoulez,voussavez?»
«Quoi?»
«J’aiditquevouspouviezmeposerdesquestions,»répétaAnnika.«Jevoisbienquevous
avezquelquechoseàl’esprit.»
«Votrepère.»Lafemmesemblaavoirdumalàparleranglais.
Annikalapritenpitié.Quiétait-elle?Ungenred’épouserussesurcatalogue?Annikapassaau
russe.«Vouspouvezmeparlerenrussesivousvoulez.»
«Pourquoivotrepèrea-t-iltuémonmari?»
Annikaeutl’impressionquequelqu’unvenaitdeluiverserdel’eauglacéedansledos.
«Pardon?Vouspensezquemonpèreatuévotremari?»
«Oui.»
«Quiétaitvotremari?»
«VasilyVolkov.»
Annikasecreusal’espritpourseremémorersisonpèreavaitunjourmentionnécenom.Rien
neluivintàl’esprit.Vadiretelleneparlaientpasbeaucoup.Etelleneluiposaitjamaisdequestion
sursesaffaires.
«Cematinmonpèrem’aditquelesyndicatenavaitaprèslui,»réponditAnnikalentement.«Il
étaitsûrd’avoirfaitquelquechosedemal.Peut-êtrequevotremariétaitimpliqué.»
«Monmariétaitunhommebon!»Lafemmeréprimaitseslarmes.
«Vousvousappelezcomment?»demandagentimentAnnika.
«Irina.»
«Toutesmescondoléances,Irina.Jepeuximaginerquemonpèrepuisseêtreimpliqué,maisje
nesaispaspourquoioucomment,jenesaisrien.»Annikarepensaàtoutcequiluiétaitarrivédepuis
quesonpères’étaitpointéchezellecematin.«Croyez-moi,jesaisdepuislongtempsquemonpère
n’estpasunhommebon.Jesuisdanslepétrinmoiaussiàcausedecequ’ilafait.»
Irinasoupira.«Jenedevraispasvousblâmerpourlespêchésdevotrepère.»
«Jecomprendsquevouslefassiez.»
Irinasemblaréfléchirsérieusementàquelquechose.Ellecommençaàparlerpuiss’arrêta.
Enfin,sonexpressionchangeacommesielleavaitprisunedécision.«Ilyaunearrièreporteici.»
«Ok.»
«Personnenelasurveillepourl’instant.»
Annikaseremitdebout.«Aquelledistancesetrouvelagare?»
«Aquelquespâtésdemaisond’ici.»Irinapointaversunedirectionqu’Annikaestimaêtrele
nord-est.«Lagareestparlà,maisvousdevezvousdépêcher.PyotretFeliksaurontbientôtfinide
parler.»
«Merci.»Annikatouchal’épauled’Irina.«Jemesouviendraidevous.Sijepeuxunjourvous
rendrelapareille,jeleferai.»
«Sortezdecettepièceettournezàgauche,»expliquaIrina.«Voustrouverezlechemin.»
Annikasortitensefaufilantd’unpaslégerhorsdusalon.Elleentenditdesvoixbruyantes
conversantenrusseàsadroite.S’éloignantdesprobableshommesdemaindusyndicat,ellese
dirigeaverslagauchedansuncouloirétroit.
Ilyavaitdesantiquitésetdesbibelotspartout.Annikadutcontourneruneimmensehorlogeou
risquerdesecognerlegenou.Heureusement,lesépaistapispersansétouffèrentlebruitdesespas.
Unefoisatteintleboutducouloir,elleserenditcomptequ’ildonnaitdansunecuisine.Lapièce
derniercriétaitremplied’ustensilesbrillantseninox,maisiln’yavaitpersonneenvue.Annika
contournal’îlotdecuisinejusqu’àlaporte.Elleaccéléralepas,anticipantsalibertéetsedemandant
siellefaisaitlebonchoix.
Saisissantlapoignéedelaporte,etlatournaetl’ouvritprudemment.Elleretintsonsouffleet
écoutaattentivementpourdétecterlaprésenced’hommesàl’extérieur.Leseulbruitétaitle
grondementdutraficd’unerueproche.
Annikamitlepieddehorsetrefermadoucementlaportederrièreelle.Ellejaugeasadirection
etsemitenrouteenespérantmonterdansuntrainarrivantàlagare.Ellejetaunregardderrièreelle
endescendantlesmarchesversl’allée.Feliksseraitsansaucundoutefurieux.Lavéritablequestion,
c’étaitpourquoielles’ensouciait.
***
FeliksremarqualediablotinquilesregardaitparlafentesouslaportebienavantPyotr.Ilfitun
gesteàsonamipourluifairesavoirquequelqu’unécoutaitauxportes.
«Ah,ellealecœurbrisédepuislamortdesonpauvrepapa,»déclaraPyotravecchagrin.«Ça
luiremonteraitlemoraldesavoirqu’oncleFeliksestvenunousrendrevisite,tusais.»
Felikssemitàgenouxetrampaverslaporte.Enutilisantsondoigt,ill’enfonçadansle
voisinagedel’ombredelasilhouettederrièrelaporte.Ilentenditungloussementetunpetitcride
joiedepetitefille.
«Jepensequ’onaunesouris,»ditFeliksàvoixhauteetenrusse.«Onferaitmieuxd’appeler
l’exterminateur.»
«Oupeut-êtrequ’ondevraitprendreunchat,»suggéraPyotr.
Feliksenfonçaànouveauledoigtversl’ombre.«Pourunesourisdecettetaille?Tupeux
imaginerlatailleduchatqu’ilnousfaudrait?»
«Unchaton?»Oksanapensaitàl’évidencequec’étaituneidéemerveilleuse.Laportes’ouvrit
engrand,etlafilledesixansdeVasilyseprécipitadanslebureaudePyotr.«Jeveuxunchaton,
oncleFeliks!Tupeuxm’enapporterun?»
«Jenesaispas,»FeliksjetaunœilversPyotr.«TuvasdevoirposerlaquestionàpapaPyotr
parcequec’estsamaison.»
Felikspritlapetitefilledanssesbrasetserassitsurlecanapé.Elleseblottitcontrelui,etilse
demandacequ’ilressentiraitenprenantsonpropreenfantdanssesbras.IladoraitOksana.Enfait,
Felikssesouvenaitmêmedujourdesanaissance,etcequ’ilavaitressentientenantsonpetitcorps
danssesgrandesmains.Maissonpropreenfantseraituneexpériencetrèsdifférente.
«Jepourraiséchangerquelquechosecontreunchaton,»offritOksana.
Pyotrluisouritavecindulgence.«Etqu’est-cequetuasàéchanger,mapuce?»
«J’aiunsecret.»
Felikssedemandaquelsecretmerveilleuxcettepetitefillepensaitpouvoiréchanger.Peut-être
qu’ilyavaitvraimentdessourisdanslamaison.«Etquelesttonsecret,malenkaya?»
«Ilyavaitunefemmedanslamaison,»annonçaOksana.
FelikséchangeaunregardavecPyotr.Ilssous-estimaientsouventlepouvoird’observationde
cetenfantprécoce.Feliksluitiraunetresse.«Oui,ilyaunefemmeici.»
«Ellen’estpluslà.»
Feliksseretintderéagirviolemment.Oksananecomprendraitpas.«Qu’est-cequetuveux
dire?»
«Jeveuxdirequeladameaquittélamaisonparlacuisine.»Ellefitlagrimace.«Elleétaittrès
gentille.Jepensequemamanl’aimebienaussi.»
FeliksetPyotrseregardèrentsansexpression.Oksanan’étaitpaslegenred’enfantàraconter
deshistoires.Elleexagéraitdetempsentemps,cequiétaitnormalpourunenfant,maisellene
mentaitpas.Irinaavait-elleaidéAnnikaàs’échapper?Pourquoiferait-elleça?
FeliksembrassaOksanasurlesommetdesescheveuxblondssoyeuxetlareposasurlecanapé.
Serelevant,iltentaderestercalme.Enréalité,ilétaitprochedelapaniqueàl’intérieur.
Lecouloiràl’extérieurdubureaudePyotrétaitsilencieux.Feliksmarchaàpasfeutréssurles
tapisépaisenserendantverslacuisine.L’odeurdebiscuitslefitsaliver.Combiendetempss’était
écoulédepuisqu’ilavaitmangéquelquechose?Lesfemmesenceintesnemangeaient-ellespas
fréquemment?EtsiAnnikaavaitfaim?Pourquoin’yavait-ilpaspensé?
Irinaétaitseuledanslacuisine.Ellenelevapaslesyeuxlorsqu’ilentra.Encoreetencore,elle
utilisaitunespatuleplatepourdétacherlesbiscuitscroustillantsdelapoêle.Puisellelessoulevaetles
mitdecôtéavantdepasseràlarangéesuivante.Cetravailsemblaitêtreassezcathartique.
«Irina,as-tufaissortirAnnikaparlacuisine?»demandaFeliksàvoixbasse.
«Da.»
«Pourquoi?»
«Elleétaiticicontresongré.»Sontonsuggéraitquesonchoixavaitététrèssimple.
«Jelesais,Irina,maisAnnikan’estpasensécuritélà-dehorstouteseule.Lesyndicatveutsa
mort.»Pourquoiexpliquait-ilceciàIrina?Cen’étaientvraimentpassesaffaires.Elleavaitvioléla
confiancedelamaisondePyotr.Cen’étaitpasàprendreàlalégère.
Irinaattrapaleboldepâteàcookieetcommençaàformeruneautrerangéesurlafeuillede
cuisson.«Alorslaisse-luiprendresachanceelle-même.Aucunefemmen’aimeêtreprisonnièred’un
hommequ’elleneveutpas.»
«C’estçaqueturessens?»demandaFelikscalmement.
Irinatournadegrandsyeuxsombresverslui.LadouleurqueFeliksyvitneconnaissaitaucune
limite.Elleavaitperdusonmari,etétaitàprésentforcéed’accepterlacharitédesonami.Direqueça
neluicoûtaitpasétaitunefolie.Felikslesavaitaussibienqu’Irina.
Irinaévasalesnarines.«Jeluiaidonnéunechance.Mêmelafilled’unassassinlemérite.»
«Puis-jefairequoiquecesoitpourtoi,Irina?»
Elleseraidit.«Trouvel’hommequiestvraimentresponsabledelamortdemonVasily.Ce
pland’Orlovnetientpaslaroute.Quelgenred’hommesfaitlaguerreauxfemmesetauxenfants?»
«Leslâches.»
Irinaledévisagea,inclinantlatêtedecôtécommesielleletransperçaitduregard.«Tula
désires,Feliks?»
«Elleportemonenfant.»Ilnesavaitpaspourquoiilpartageaitcetteinformation,maisIrina
étaitunefemmequiinvitaitàlaconfidence.
«Alorssuis-laselonsestermes.Nefaitpasd’elleunecaptive.Elledoitvenirdesonpleingré.
Jepensequetulesaisdéjà.»
Iltouchal’épauled’Irinaetfutsurprisdelavoirtressaillir.«Merci.»
Ellebaissalatête.«Etnecroispastoutcequ’onteditàproposdusyndicat.Nefaisconfianceà
personne,Feliks.Mêmepasàceuxquitesontproches.Ilyadesmauvaiseschosesquisepassentdans
cetteorganisation.Vasilylesavait,etçaluiacoûtésavie.»
Feliksvoulaitluiendemanderplus.Ilvoulaitsavoircequ’ellesavaitàproposdelamortde
Vasily.Pourrait-ilyavoiruntraîtredansleursrangs?EtcommentYuriOrlovrentrait-ildanstout
ça?Maispourlemoment,ildevaittrouverAnnikaavantquiconque.C’étaitlaseuletâchequi
importait.
ChapitreHuit
Annikacommençaitàcroirequesaquêtedelibertéétaitpurefolie.Sontrajetdanscequartier
maléclairéétaitaumieuxpénible.Siellen’avaitpasvulastationdetraindebanlieuebienéclairée
devantelle,elleauraitpuêtretentéedetoquerchezuninconnuetlesupplierdepouvoirutiliserson
téléphonepourfairequelquechosedestupide,commeappelersonpapa.
«Ceseraitlecombleduridicule,»murmura-t-elle.
Separleràelle-mêmelafitsesentirmoinsseule.Commentunquartierpopulaired’unezone
métropolitainedynamiquecommecelle-cipouvait-ilêtrecomplètementdésert?Nedevrait-ilpasy
avoirdesgensautourd’elle?
Alorsqu’Annikaapprochaitdelagare,elleserenditcomptequ’ellen’avaitpasd’argent.Feliks
luiavaitpermisdeprendredeschaussuresetunsweat-shirt,maispassonsacousontéléphone.Ça
avaitétéunmouvementstratégiquedesapart,maisçalalaissaitsansriendutout.
Ellefarfouillalespochesdesonsweat-shirtenmontantlesmarchesverslagaredeuxpardeux.
Sesdoigtseffleurèrentunseulbillet.Annikalesortit,soulagéedevoirquelebilletabiméetdélavéde
dixdollarssuffiraitàluipermettrederentrerchezelle.
«Quellechance.»
Ellefutsurpriseparlavoixmasculinerauque.Puiselleserenditcomptequ’ilyavaituneautre
personnedanslagare.L’hommedegrandetailleetmincecommeuncadavredelasupérette.Ilétait
ici.Maintenant.
«Qu’est-cequetumeveux?»demanda-t-elle,tentantdegarderuntonfermeetconfiant.
«PetiteAnnika,»ditl’homme.«Toujoursunelongueurderetard.»
Deuxpersonnespouvaientjoueràcejeu.Ellepenchalatêtesurlecôtéets’approchadubord
delaplateforme.«C’estYuri,c’estça?»
Illuifitunerévérenceridicule.«Leserviced’éliminationdescorpsdeYuriàvotre…hum,
service,j’imagine.»
«Pathétique.»
Sonexpressionsefitgravepuismenaçante.«Ilneterestepluslongtempsàvivre.Tunecrois
pasquetudevraischoisirtesderniersmotsplusefficacement?»
«Quiditqu’ilsnesontpasefficaces?»
Avantqu’ilnepuisseréagir,Annikaselaissatomberdanslatranchéeentrelesplateformes.La
chutedepresque2mètresluiéraflalesgenouxsurlemurdesoutènement,maiselleétaittoujoursen
vie.
«Annika!»raillaYuri.«Qu’est-cequetufous?»
Elleseposalamêmequestionenentendantlesifflementd’untrainfairebriserlesilencedela
nuit.Leslumièreséblouissantesduvéhiculeapprochantl’empêchèrentdebienvoirlapisterocheuse.
«Salopeimbécile!»Yuricouraitlelongduborddelaplateforme.«Tuesentraindefaire
monboulot.Ilmesuffitd’attendredepouvoirprouvertamortetvoilà!J’auraimonfric!»
Ellel’ignora.Cen’étaitpaslemomentdediscuter.Ellen’avaitpasnonplusletempsdedouter.
Marchantàpetitesenjambéesetécartantlesbraspourgardersonéquilibre,ellecourutdanslesens
inversedeslumières.Ellen’auraitqu’àdépasserlafindelaplateformedelagareettrouverun
moyendequitterlerail.Puiselledevraitsecacher.Yurin’abandonneraitpas.C’étaitevident.
«Oh,Annika!»LavoixchantantedeYurilasuivaitpartout.
Deslarmesluipiquèrentlesyeuxtandisqu’ellecherchaitànepasperdrepiedsurlesrochers.
Enfin,l’extrémitédelaplateformedevintvisible.Ellepleurapresquedesoulagement.Puisellevit
qu’ilyavaitunechutede6mètreslelongd’unecollineherbeusepentuedechaquecôtédesrails.
Aprèsça,unpontavaitétéconstruitpourmenerletrainau-dessusdesruesétroitesetdensesde
Boston.
«Tuvois,petitesalope,»raillaYuridusommetdelaplateforme.«Tuferaismieuxde
t’apprêterpourletrain,parcequ’iln’estplustrèsloin.»
Nerépondspas.Nerépondspas.C’étaittoutcequ’ellepouvaitfairepoursetaire.Cemecétait
unvraiconnard!Sonirritationrenforçasadétermination.Etalorsqueletrainsifflasiprèsd’elle
quesesdentss’entrechoquèrent,elles’assitsurlacollineherbeuseetselaissaaller.
«Qu’est-cequetufous?»Ilsemblasoudainincertaindurésultatdésiré.«Tunepeuxpasfaire
ça!»
Ellechutarapidement,commesielleétaitsurunimmensetobogganquitombaitàdesangles
dangereux.Ellecherchafrénétiquementàralentirsachutedanslesténèbresenplantantsesdoigts
danslegazonàcôtéd’elleetsepenchaenarrièrejusqu’àsentirsescheveuxsecoincerdansl’herbe.
Letrajetauraitpuluidonnerunepousséed’adrénalinedansn’importequelleautre
circonstance.Maispourl’instant,elleavaitenviedepleurer.Laseulechosepirequecettechutefolle
futl’atterrissage.Sesfessess’écrasèrentausolsifortqu’ellesemorditlalèvre.Elleavaitfroid,faim
etétaitfatiguée,etelleavaittellementbesoindepisserqu’elleallaitendevenirfolle.Pleurerétait
l’étapelapluslogique,etAnnikaseforçaàretenirseslarmes.
Pendantl’espacedequelquesminutes,ellenebougeapasd’unpouce.Yuriétaitprobablement
toujourslà-haut.Oupeut-êtreétait-ilenroutepourlarattraper.Quoiqu’ilensoit,ellevoulaitrester
immobilejusqu’àcequ’ildécidequ’iln’auraitaucunechancedelaretrouver.
L’airnocturneétaitfraisetcalme.Ellesentitlesodeursdelaterremouillée,desarbresetdes
gazd’échappementpersistantsdestrainsetvoiturescirculantàquelquesdizainesdemètresdelà.Elle
nepouvaitpasvoirleciel,maiselles’imaginaquedansunendroitsanslumières,ilyauraitdes
étoilesàobserver.Justeunefois,ellevoulaitvoirlesétoiles.
«Annika.»
Elleeutdumalàserasseoir.Soitelleentendantdesvoix,soitquelqu’unappelaitsonnom
d’unevoixtrèsbasse.
«Jepeuxt’entendreiciquelquepart.»
Quelquechosedanslerythmeetleton-AnnikaserenditcomptequeçadevaitêtreFeliks.
Commentl’avait-iltrouvée?Était-ilfâché?S’ensouciait-ellevraiment?
«Feliks!»murmura-t-elled’unevoixrauque.
«Tevoilà,»chuchota-t-iljusteassezfortpourqu’elleentendesavoixflottersurlabrise
nocturne.
Elleseconcentrasurlesondesavoixetluttapourseredresser.Sesjambesflageolaient,etson
culluifaisaitmal;ilseraitcouvertdebleuslelendemain.MaisFeliksétaitlà,etpourl’instant,la
seulechoseàlaquelleellepouvaitpenserétaitlasécuritédesonétreinte.
«Annika.»
Ilsematérialisaderrièrelefouillissombred’arbresetdebuissons.Elleneperditpasdetemps.
Courantdanssadirection,ellefutreconnaissantelorsqu’ilécartalesbraspourlarecevoir.Se
blottissantcontrelui,elleenfonçasonvisagecontresontorseetinhalasonodeurfamilièrede
sécurité.
FELIKSN’AVAITPASnécessairementmisbeaucoupdefoidansl’histoired’Irina.Çalui
semblaitabsurdequelameilleuremanièrederesteravecAnnikasoitdelalaisserchoisird’êtreavec
lui.Pourquoiunefemmechoisirait-ellederesteravecl’hommequiavaitétécommanditépour
l’assassineretl’avaitmaintenuecaptiveplusieursfoiscontresongré?
Etpourtant,tandisqu’ilsetenaitdansl’obscuritéetserraitlasilhouettetremblanted’Annika
contresapoitrine,ildevaitavouerqu’Irinasavaitdequoielleparlait.Iln’yavaitaucunsoupçonde
résistancedanslamanièrequ’Annikas’accrochaitàlui.Elleluifaisaitentièrementconfiance.
«Toutvabienmaintenant,»murmuraFeliks.«Tuesensécurité.»
«Jen’auraisjamaisdûpartircommeça.»
Ilconsidérasadéclaration.«C’estvrai,maisjecomprendsquetul’aiesfait.Personnen’aime
êtreemmenécontresongréetconsidérécommeuncaptif.»
«Aupointoùonenest,jepensequ’onesttouslesdeuxdanslemêmebateau.»Sesépaules
tremblèrentlorsqu’elleéclatad’unrireamer.«Oualorsjedépendsdufaitquetuneremplissespasle
contrat.MaisDieusaitquetuferaismieuxdememettreuneballedanslecrâneetenavoirterminé.»
Étrange,maiscetteidéeneluiplaisaitpasdutout.«Jenepensepasquecesoitaussisimple.»
«Tupensesqu’unautrequeYuritirelesficelles,»devina-t-elle.Ilpouvaitpratiquement
l’entendrepenser.«TonamieIrinasemblaitassezcertainequemonpèreavaitassassinésonmari.»
«Oui,maisellem’aaussiditd’êtreprudent.ElleaditqueVasilyconnaissaitdeschosesquise
passaientdanslesyndicatetquec’estcesavoirquil’atué.»
«Etsionsupposaitquequelqu’undanslesyndicataengagémonidiotdepèrepourassassiner
Vasily?»
Ilnepouvaitpasvoirsonexpressiondansl’obscurité,maisilpouvaitsentirlatensiondansson
corps.Ellesavaitcommentilréagitaitsurcesujet,maiselleavaitquandmêmeeulecouragede
pointerdudoigtsesassociés.Illarespectaitpourça,mêmes’iln’aimaitpaslesimplications.
Felikschoisitsesmotsavecsoin.«Jen’aimeraispassavoirqu’unhommequej’appelleamiou
camaradesoitcapabledecegenrededuplicité,maisjevoiscequetuveuxdire.»
«Jen’essaiepasd’excuserlerôledemonpèredanslemeurtredeVasily,s’ilétaitimpliqué».
Ellefitunepause.«Maisjeconnaisaussimonpère.Siquelqu’unluiavaitoffertdel’argentpourtuer
unhommecommeVasily,ilnel’auraitpasfait.»
Ils’apprêtaàargumenter,maiselleposalapaumedesamainsursapoitrine.
«Non.Jeneveuxpasdirequ’iln’auraitpasdescenduVasily,»clarifia-t-elle.«Jedisjustequ’il
auraitfalluplusquedupognonpourleconvaincredeprendrecegenrederisque.»
«Alorstusuggèresquequelqu’unluiaoffertl’immunitésurautrechose?»Feliksdevait
admettrequesatournured’espritétaitbienplusruséequ’ilnel’auraitsoupçonné.
«Papaaimeopérersursesproprestermes.Siquelqu’unoffraitderegarderailleurs,ilserait
plusenclinàpasserunmarché.»
«Regarderailleurspourquoi?»
Ellesoupira.«Jen’ensaispasgrandchosesursesaffaires.J’aiessayédem’enécarter.»
«A-t-ilditquelquechoserécemmentquitedonnedessoupçons?»
«Cematin,»commença-t-ellelentement.Ellefitunpetitbruit.«Ouplutôthiermatin?Jesuis
tellementfatiguéequej’aidumalàsuivreletempsquis’estécoulédepuisqueçaacommencé.»
Feliksluifrottalesbras,sedisantqu’ilnefaisaitçaquepourladétendreetl’encourageràlui
donnerdesinformations.Çan’avaitrienàvoiravecdessentimentsoudel’affection.«Ques’est-il
passécematin?»
«Ilvoulaitquej’emmèneunmessageaubureauduFBIpourlui.»Ellerenifladecolèreetde
dérision.«Ilm’ajuréquelemessageéclairciraitunpetitmalentenduetquelaseuleraisonpour
laquelleilnepouvaitpasyallerlui-mêmeétaitàcausedecemalentendu.»
«Ettuaspenséquec’étaitunmensonge?»
Elles’éloignadeluietpassasesbrasautourdesataille.Ilcommençaitàfairefroid.Lanuit
étaittombéedesheuresplustôtetlatempératurechutaitrapidement.Feliksdevaitpenseràlasuite,et
ilavaitbesoinderéponses.Etvite.
«Tudoiscomprendremonpère,»dit-elledoucement.«Sapremièrepréoccupationatoujours
étélui-mêmeetsesaffaires.Toutleresten’existequepourluiservird’outilpouratteindreses
objectifs.Ilesttrèsmotivé.»
«Tuveuxdirequ’ilt’autiliséepourréalisersesplanspendanttoutetavie,»ditFeliks
platement.«Cemecestinsupportable,Annika.Maiscequejen’arrivepasàcomprendre,c’est
pourquoiOrlovainsistédevantleconseilquetuétaisl’instrumentpourfairepayersescrimesàton
père.Qu’ilt’aimaittellementqu’ilseraitcomplètementdétruitsituétaisblessée.»
Elleéclataderire.«Ilseraittriste.C’estunminimum.Maisjeseraissurprisequeçaletracasse
trèslongtemps.IlareçusacitoyennetéauxÉtats-Unisquandj’étaisadolescente.Çaamarquélafinde
monseulbutdanssavie.»
«Etdepuis?»
Ellehaussalesépaules.«Ilmecontactequandilabesoindequelquechose.Àpartça,onnese
fréquentepas.»
Ilpritsamainetcommençaàsedirigerverslagare.«Jepensequ’ilesttempsqu’oncontacte
tonpèreetqu’onextraiedeluitoutel’informationdontonabesoin.»
ChapitreNeuf
L’estomacd’Annikaétaitretournélorsqu’ilsarrivèrentàl’entrepôtdusuddeBostonoùson
pèrevivaitettravaillait.L’endroitétaitétrangementcalme.Iln’yavaitpasdelune,etlabriseétait
fraîcheetdésagréable.Ellenepouvaitsedécidersilanuitétaitvraimentsinistreousiellecraignaitla
missionquilesavaitamenéssurleseuildechezVadir.
Elletentadecontrôlerletremblementdesesmainsensonnantàlaportedel’entrepôt.Ellene
doutaitpasunesecondequesonpèreparanoaitdescaméraspoursurveillertousleursgestes.
Uncrépitemententrecoupéaccompagnalavoixdésincarnéedesonpèredansl’intercom.«Tu
aschangéd’avisàproposdelatâchequejet’aiassignée?»demanda-t-ilenrusse.
«Nyet.»Elleserralesdents,tentantdecontrôlersonhumeur.«Jesuisvenuedeparlerdeces
truandsdusyndicatquitententdem’ôterlavie.»
«Quoi?»Ilyeutunbourdonnementetleclicdelaportequis’étaitouverte.«Entre,etvite!»
AnnikaouvritlaporteetlatintouvertetandisqueFelikssortaitdel’ombreetpénétraitdansle
bâtimentdevantelle.Elleletalonna,sedemandantsicettenuit,safidélitéseraittestée.VadirPolzin
étaitunbâtard,unmenteuretuntricheur.Ill’avaitutiliséetoutcommeilavaitutilisésamèreavant
elle,maisilrestaitsonpère.Ilétaittoutcequ’elleavait,toutcequ’elleconnaissait.
MaisalorsqueFeliksmontaitprudemmentlesescaliersmétalliquesquimenaientdurez-de-
chausséedel’entrepôtauloftdel’étage,elleneputs’empêcherdepenserqued’unemanière,Feliks
étaitsonfutur.Elleportaitl’enfantdecethomme.Quelgenredefidélitédevrait-elleluidonneràlui?
«Annika!»Vadirapparutausommetdesescaliers.PuisilvitFeliksetcommençaàmaudireen
russe.«Pourquoias-tuemmenécedémonmeurtrierchezmoi?Tuvasmetrahir?Maproprefille
?»
Ilsarrivèrentausommetdesescaliers.Annikavitsonpèredégainersonarme.Felikspointait
déjàlasiennesursonpère.Ellesavaitcequiarriveraitensuite,etçaneleurserviraitàrien.
«Stop!»ContournantFeliks,elleseplaçaentreluietsonpère.«Non,Feliks.Situletues,on
n’aurajamaisnosréponses.»PuisellesetournaversVadir.«Ettoi!Tumedoisuneexplication.
Feliksauraitpumetuerunedizainedefoisaujoud’hui,maisilm’asauvélavieàchaquefois.Situas
toujoursunsoupçondesentimentspaternels,tupourraisdéposertonarmeetleremercierd’avoir
prissoindetafilleaprèsquetum’aiesmiseendanger.»
«Moi?»Vadirseglissaverslacuisinedesonloft.Annikasavaitqu’ilavaitd’autresarmes
cachéesdanslestiroirsetplacards.Mêmequandelleétaitgosse,ilavaitconservésonarsenaldans
leurcuisine.
«Papa,resteoùtues.»Ellejetauncoupd’œilàFeliks.«Ilgardeunflingueetuntasde
couteauxàlancerdanslacuisine.»
Vadirs’arrêtaetseretourna,dévisageantAnnikacommes’ilnel’avaitjamaisvueavant.«Ça
meblessedepenserquemaproprefillesesoitliguéeavecl’ennemi.»
«Vasilyétait-ilvotreennemi?»demandaFeliks.«C’estpourçaquevousl’avezassassiné?»
LepetitriredeVadirhérissalescheveuxdelanuqued’Annika.«Cejeunechiotpensequ’ilsait
toutcequisepassedanssonprécieuxsyndicat,Annika.Maiscen’estpaslecas.»
EllejetaunbrefregardàFeliks,espérantqu’ilsetairait.«Alorspourquoinenousexpliques-tu
pas,papa?»
«L’assassindeVasilyestlejeuneYuriOrlov,»déclaraVadiravecarrogance.
Cen’étaitpassuffisantpourAnnika.«Maistuétaisprésent.»
«Oui.C’étaitlemarché.»
«Attends.Dequelmarchéparles-tu?»Ellefronçalessourcils.«SiYuriatuéVasily,qu’est-ce
quetufoutaislà?»
Vadirsoupira.«J’attendaisunecargaisondemarchandisecettenuit-là.Orlovétaitaucourant.
Jelepaiedepuisdesannéespourqu’ilnes’intéressepasàmesaffairespersonnelles.»
C’étaitévidentqueFeliksavaitdumalàdigérertoutecetteinformation.Lamâchoireetles
poingsserrés,ildit,«Orlovaacceptédespotsdevin.»
«Oui.MaisVasilyl’adécouvert.»
«EtilsontattiréVasilyàl’endroitoùtuavaisrendez-vousavecOrlovpourluidonnersa
part,»devinaAnnika.
«Da,maisjenesavaispasqueVasilyseraitlà.Jepensaisqu’Orlovétaitfoutu,»Vadirne
semblapasdérangéparlapossibilité.«PuisYuriestsortidel’ombreetadescenduVasily.Illuiatiré
deuxballesdanslapoitrineetunedanslatêtepourêtresûr.»
Felikssecouvritlevisagedesmainsetjuraencoreetencoreenrusse.Lacolèredesonton
suffitàbriserlecœurd’Annika.
Ellesavaitqu’elledevaitcontinuersesquestions.«Maispourquoiessaies-t-ildemetuer?Le
mondeentiersaitquetutevalorisesenpremier,tesaffairesensecond,etpuismois’ilterestedu
tempsàrevendre.»
«Jenesuispasunsimauvaispère,»grommelaVadir.«Mêmesij’avouequejenesuispas
trèsattentionné.»
«Cen’estpaslemoment,»lâchaAnnika.«Pourquoimoi?»
VadirfitungesteversFeliks.«Çan’arienàvoiravectoiouavecmoi.Jesupposequedansun
mondeparfait,Orlovaimeraitmamort,maisjeluifournisaussiunesourceimportantederevenus
indépendammentdusyndicat.»IlagitalamaindansladirectiondeFeliks.«Maiss’ilprendle
pouvoirauconseil,ilpourraitmettreunfreinànotremarché.»
«Maispourquoinepasletuerlui?»Annikafronçalessourcils.Quelquechoseluiéchappait.
Vadirrenifla.«Letuerseraitbientropsuspect.Maiss’ilspeuventprouverqu’ilesttroplâche
pourprendrelesdécisionsnécessairesàsonposte,alorsilneseraplusconsidérécommeune
menace.»
Felikséclataderire.Doucementaudébut,puisjusqu’àcequelesonrouledanslapiècecomme
s’ilprovenaitdesprofondeursdesonâme.
«Quoi?»demanda-t-elle.«Tumefouslesboules.»
«Ilsveulentmepiégerentantquelâcheenutilisantmesscrupulescontremoi.»Ilfitungeste
vagueverselle.«Tuerdesfemmesetdesenfantsestimpensablepourlaplupartdeshommes.Maissi
çadevientnécessaire,çadoitêtrefaitpourprotégerlesyndicat.Enprouvantquejenepeuxpas
effectuercetacte,ilsmerendentimpuissant.»
«Maistum’auraistuésansproblèmesijen’avaispasété…»Annikajetaunregardversson
père,nesouhaitantpasendirepluspendantqu’illesécoutait.
VadirregardaFeliksdemanièrespéculative.«Alorsvoicil’hommequiaengendrélebâtard
quetuportes.»
«Tupeuxlafermeretmelaisserréfléchir?»suggéraAnnikaavecirritation.
«Qu’est-cequ’ilyaàréfléchir?»Feliksseretournaetsedirigeaverslesfenêtres
surplombantlefleuveNeponset.
ÇALEBLESSAITplusqu’ilnepouvaitlecroiredepenserqueVasilyavaitétéassassinépour
quelquechosed’aussiinsignifiantetinutile.Derrièrelui,Annikacontinuaitàsoutirerdes
informationsàsonpère.Ils’enfichait.Cen’étaitplusnécessaire.Feliksavaitàprésentcomprisce
quisepassaitvraiment.Laseulechosequ’illuirestaitàfaire,c’étaitdécouvrircombiendemembres
duconseilétaientaucourantdecetteinformation.
«Tuesépuisée,»lâchaVadir.«Regarde-toi.Tutesouciestellementdecetassassinpour
menacertasantéetcelledetonenfant?»
LesparolesdeVadirjugeaientlecomportementdeFeliks.Annikasemblaiteffectivement
épuisée.DanslalumièredoucedelacuisinedeVadir,Felikspouvaitvoirlescernessoussesyeux.
Quandavait-ellemangéous’était-ellereposéepourladernièrefois?C’étaitlamèredesonenfant.Il
voulaitêtrepluspourellequecequesonpèreavaitété.
«Çasuffit,»ditFeliksenseretournant.«Peut-onvousfaireconfiancepoursurveillernos
arrièrespendantqu’onsereposeunpeu?»FelikshochalatêteversAnnika.«Etelledoitmanger
quelquechose.»
Vadiracquiesça.«Simafillepensequetuvauxleprixd’uneballe,jepensepouvoircontrôler
monintinctmeurtrier.»
«Votregénérositéestsanspareille,»raillaFeliks.
Annikasecouvritlabouchedesamain,étouffantapparemmentunrire.«Machambreest
toujourslà?»
«Oui,exactementcommetul’aslaissée,»ditVadird’untonégal.«Jevaistelaisserle
Stroganovquej’aipréparéplustôt.Tupeuxmangerça.»
«Merci.»
FeliksvitlamaladresseaveclaquelleAnnikaetVadirsecomportaient.Ildevintcurieuxde
savoircequis’étaitpassépourtournerlafillecontresonpère.PuisAnnikas’approchadelui.Ellese
mitsurlapointedespiedseteffleurasajouedeseslèvres.
«Neluifaispasconfiance,»murmura-t-elleàsonoreille.Puisàvoixhaute,«Jevaisprendre
unedouche.Nevousentretuezpasdurantmonabsence.»
FeliksdevaitrespecterVadirpoursapatience.Ilattenditquesafillesoitcomplètementhorsde
portéedevueetd’oreilleavantdeviserFeliks.Cen’étaitpasvraimentsurprenant.Vadirsecontenta
d’ouvrirletiroirdelacuisineetd’ensortirunearme.IlpritFelikspourcibleetposaledoigtsurla
détente.Uneseulepression,etFeliksneseraitprobablementplusdecemonde.
L’adrénalinecoursadanslesveinesdeFeliks.Ilseforçaàrestercomplètementimmobile,les
mainsouvertesetdétendueslelongdesflancs.Sonarmeétaitcoincéedanssaceintureaubasdeson
dos.Maisiln’allaitpastirersurlepèred’Annika.Peuimportesacolèrecontresonpère,ilne
pourraitjamaisjustifiersonacte.PasàunefemmecommeAnnika.
«Jedevraistetuersurlechamp,»ditVadird’untonraide.«Pourcequetuasfaitàmafille.»
«Vousdevriez.»
Saréponsesembladéstabiliserlevieilhomme.«Tuesd’accord?C’esttastratégiepourrester
envie?»
«C’estunestratégieréaliste.Vousn’allezpasmetuerparcequemalgrévoschoixégoïstes,
vousaimezvotrefilleetvoussavezqu’elleasesraisonsdemevouloirenvie.»
«Cetenfant,»crachaVadir.«Ilestvraimentdetoi?»
«Jenesaispas.»C’étaituneréponsehonnête,maisellel’irritaitunpeu.«Annikaditqueoui,
etjelacrois.»
«Pourquoi?»
«Pasvous?»
Vadirbaissasonarme.«Si.Mêmesiparfoisjemedemandecommentj’airéussiàéleverun
enfantaussihonnête.»
«Jesoupçonnequec’estvivreavecundétraquécommevousquil’arenduehonnête.»Feliks
s’attendaitàlevoirleverl’armeànouveau,maisVadirsecontentad’éclaterderire.Cemecétaitfou.
C’étaitlaseulechosedontFeliksétaitcertain.
«Tul’asprotégée,»déclaraVadiràcontrecœur.«Jevaist’épargnerlaviepourça.Rien
d’autre.J’enaidéjàditplusquejedevrais.»
«Orlovestunenfoiré.Yuriestpirequeça.»Feliksréfléchitàlaconduiteàtenir.
«Tudoisletuer.»Vadirsemblaitpenserquec’étaitlasolutionlaplusévidente.
«Personnen’assassineunautremembredusyndicatsansraisonousanspreuve.»Feliksse
demandacommentilpourraitobtenirdepreuves.
«LapreuveestavecYuri.»Vadirsegrattalabarbeéparse.«Cepetitconnardnepeut
s’empêcherdesevanterdetoutcequ’ilfait.Mêmesileconseilsetenaitdevantlui,ilsevanterait
d’avoirtuéundeleursmembres.Ilestbientroparrogant.»
«Vousavezraison.Cequiveutdirequej’aibesoind’unpiègeàrat.»
«Tuasl’appât.»Vadirsepinçaleslèvres.«Mêmesijetetueraisiquelquechosearriveàma
petitefille.»
Felikssecoualatête.Ilétaitdeplusenplusévidentquelaparentéfaisaitperdreleurbonsens
auxhommes.Ilpouvaitseulementserésoudreàêtrel’exceptionàlarègle.
ChapitreDix
LadouchevenaitdecesserdecoulerdanslasalledebainquandFeliksentradanslachambre
d’Annika.IldéposaleboldeStroganovsurledessusdelacommodeetexaminalapièce.
C’étaitdifficiledesavoiravecprécisionàquelpointcetendroitlareprésentait.Ilétaitévident
quepersonnen’avaitutilisécettechambredepuislongtemps.Unemincecouchedepoussière
recouvraitlemobilier,etlelitdoubleétaitimpeccable.Ilpouvaitquandmêmefacilementimaginer
Annikaadolescentedanscetendroit.
C’étaitpropretd’unemanièreassezpratique.Ilyavaitquelquespaysagespendusauxmurs,
ainsiqu’unephotoennoiretblancdel’horizondeMoscou.Uneseulephotoétaitsurlatablede
chevet.Felikslaramassaetfutfrappéparlabeautédelafemmephotographiéedanslecadred’argent.
«C’estmamère,»luiditAnnikaàvoixbasse.
Illevalesyeux,serendantcomptequ’ellen’étaitvêtuequed’uneserviette.Sescheveuxétaient
encoremouillés.Leurhumiditénefaisaitqu’intensifierleurcouleur.Elletamponnaitetpressaitses
mèchesavecuneautreservietteenledévisageant.Laformedesoncorpslefascinait.Sesseinspleins
suffisaientàtenirlaservietteenplace.Lacourbegénéreusedesondécolletéau-dessusdutissuétait
séduisante.Ilyavaitdelaforcedanslesmusclesfermesdesesbrasetdeseslonguesjambes.Ilne
pouvaitpasvoirsonventreplat,maisilpouvaitfacilementsesouvenircommentilsetransformaiten
petittriangledepoilscourtsrecouvrantsonentre-jambe.
Iltentades’éclaircirlesesprits.«Tamèreétaitunefemmemagnifique.»
«Merci.»Ellesemblapasserquelquessecondesàréfléchiràcequ’ellevoulaitdire.«Elleétait
folleamoureusedemonpère.Jenepensepasqu’elleaitjamaissucequ’ilétaitvraiment.»
«Tupensesqu’ill’autilisée?»C’estcequeFelikssupposaitdéjà.
«Oui.»Annikajetalaserviettesurlecôtéetramassaunpeigne.Perchéesurleborddulit,elle
commençaàdémêlersescheveux.«Etaprèslamortdemamère,monpèreacontinuésonhéritage
enm’utilisantàsaplace.»
«Ilt’aime.»Ilsedemandasicettedéclarationlarendraitfurieuse.
«Asamanière,jecroisqu’ilm’aime.»Elleinclinalatêtesurlecôté.«Toutcommejecrois
qu’àtamanière,tum’aimesaussi.»
Feliksfuttellementchoquéparsesparolesqu’ilrecula.Aimer?Elleétaitfolle.Ilavaitentête
del’assassinervingt-quatreheuresplustôt.
Ellel’étudiacommesielleattendaitdevoircequisepasserait.Puiselleselevaets’approcha
delui.Felikspouvaitàpeinerespirer.Ilperçutuneboufféedesonlégerparfumfémininetdusangse
précipitaverssonaine.
Ellelevalesmainsetdétachasaserviette,quitombaausol.«Jenem’attendaispasàune
déclaration,Feliks,»murmura-t-elle.
Ilnesavaittoujourspasquoirépondre.Pourquoiavait-elleditunechosepareille?
«Tuauraispumetueretenfinir.»Ellesemitsurlapointedespieds,laissantseslèvresdouces
frôlersamâchoire.«Maisnon.Tum’aslaissévivre.Tuaschoisidemelaisservivre.Tunete
demandespaspourquoi?»
Biensûrqu’ilsedemandaitpourquoi.Maisencemoment,laseulechoseàlaquelleilparvenait
àpenserétaitlafemmenuetellementprochedeluiqu’ilpouvaitsentirlachaleurdesapeauirradier
verssoncorps.Ilnepouvaitpasfairemarche-arrière.Pasmaintenant.
Ilpassalesbrasautourd’elleetcouvritsabouchedelasienne.Ildévoraseslèvres,poussantsa
languedanssaboucheetlaclamantd’unemanièrequinepouvaitêtrerefusée.Prenantsesfesses
rondesdanssesmains,ill’attiracontrelui.LabossedesonérectioncorrespondaitparfaitementauV
desonbassin.Ellelaissaéchapperunpetitbruitetpassalesbrasautourdesoncou.Lorsqu’ellegriffa
soncuirchevelu,Feliksneputattendrepluslongtemps.
IllibéraAnnikaettritural’ourletdesont-shirt.Quelquessecondesplustard,ill’avaitpassé
par-dessussatêteetlaissétomberausol.Ilcontinuaavecsonpantalon,qu’ildéboutonnaetglissale
longdesesjambesavecsonboxer.
Elleattrapasabiteentresesmainsavantqu’ilnesoitparvenuàenleversesbottes.Feliksgémit
etretombasurlelit.Sesmainsétaientsidoucescontrelapeauenfiévréeetétiréedesaqueue.
Lorsqu’ellecommençaàlemasturber,ilperdittoutcontrôle.
«Tuestellementdur,»murmura-t-elle.Penchéeenavant,elleposaleslèvressursonglandet
luidonnaunbaisertendre.«Jeveuxtechevaucher,Feliks.Jeveuxjouirentebaisant.Jepeuxfaireça
?»
Ilallaitmourir.Ilneparvenaitmêmepasàtrouversesmotspourluidireoui.Unsourire
entendusedessinasurseslèvres,etellemontaàcalifourchonsurlelit.Ellen’avaitjamaisétéune
mauviette,maislaValkyriequilataquinaitsurpassaittoutcequ’ilavaitjamaisrêvédetrouverchez
unefemme.
Elletraînasesseinsnuslelongdesontorse.Lapeaudoucelechatouillait,maislorsqu’il
voulutlestoucher,ellesaisitsespoignetsetlesimmobilisa.
«Non,»luidit-elle.«Tuvasmelaisserjouercettefois-ci,sinonj’arrêteetjemerhabille.»
Feliksn’argumentapas.Ilsavouraitbientropsatéméritépourça.Etdanslalumièretamiséede
salampedechevet,ilpouvaitlavoirdanstoutesasplendeur.C’étaitunrêvedevenuréalité.
ANNIKAETAITENIVREEparcequ’elleauraitappelésonpouvoirféminin.Alorsqu’elle
frottaitsoncorpscontreceluideFeliks,elleabsorbaitchaquenuancedesesréactions.Lamanière
dontilretenaitsonsouffleetlavuedesesmusclestendusétaientflatteuses.Ellelefaisaitsetortiller.
Ellelecontrôlait.
Soncentreétaittrempé.Toutcequisesituaitsoussonnombrilétaitenflédedésir.Elleécarta
lesjambesetsentitsonsexetremblerquandelletraînadoucementsafentesurlalongueurdesabite.
Larencontreglissantedeleurchairétaitincroyable.Ellesebaissaplusets’ancracontrelui.Il
émitunbruitdegorgequinefitqu’embrasersonbesoin.Elleavaittellementenviedelui.Elleavait
enviedeça.C’étaitcommesiseshormonesbrûlaientpourcethomme.
Ellebaissalesyeuxversluietéprouvaunfortsentimentdepossession.Prenantsesmains,elle
leslevaverssapoitrine.Ilcaressasesseinsetellepoussauncrideplaisir.Ilsétaientbienplus
sensiblesquedanslepassé,etplusiltaquinaitsestétons,plusellesentaituneréponsecorrespondante
entresesjambes.
Feliksroulalespetitsboutsdurcisdesesmamelonsentresesdoigts,lespinçantlégèrement
jusqu’àcequ’ellenepuissepluslesupporter.Lebesoindesachattenepourraitêtresatisfaitque
d’uneseulemanière.Cambrantledos,elledéplaçaleshanchesjusqu’àsentirsonglandcontreson
trou.
Ilsifflalorsqu’elles’ouvritpourlaissersabiteplongerprofondémentenelle.Annikapoussa
uncri,etlesonrésonnadanslapiècecommeceluid’unanimalenrut.Elles’enfichait.Elleavait
dépassécestade.Laseulechosequiimportaitétaitd’êtrecomblée.
Elleposalesmainssursontorse.Feliksglissalessiennesversseshanches.Illapressade
bouger,desebalancerau-dessusdeluienutilisantsesgenouxpourlechevaucher.Lafrictiondans
soncorpsnefitqueluidonnerplusd’envies.Ellepouvaitsentirsonorgasmesedéployer.Sesjambes
semirentàfourmillertandisquelachaleurdudésirs’accumulaitàlabasedesacolonnevertébrale.
Souselle,Feliksutilisaitseshanchespourpoussersaqueueenelleàchacundeses
mouvements.Lasensationétaitexquise.Ellelelaissamenerlacadence,nesesouciantplusdequi
avaitlecontrôle.Iln’yavaitplusdeluioud’elle.Ilsétaienttousdeuxunisdanslacourseausommet
pourvoirquiretomberaitleplusvite.
Ellepoussauncri,nesachantpluscequ’elledisait,sachantseulementqu’ellenepouvaitplus
arrêter.Elleétaittellementhautqu’ellepouvaittoucherlesétoiles.Lafrustrationlasubmergea
lorsqu’ellesentitsonorgasmeluiéchapper.PuisFelikscaressasonclitorisdurcientreseslèvres
enfléesduboutdesonindex.
Leplaisirexplosadanssoncorps.Ellerejetalatêteenarrièreetselaissaaller.Ensebalançant
etengémissant,ellebaisaFeliksaussifortqu’ellelepouvait.Etlorsqu’ellesentitsoncorpsentierse
raidir,ellesutqu’ilétaitsurlepointdejouir.
«Annika!»
«Baise-moi,Feliks.Prends-moi!»
Ilgémitettrembla.Delachaleurremplitsachatte.Lasensationlafitgrimperaurideau,etelle
sentituneondedechocdeplaisirlatraverser,sesmusclessecontractantenluicoupantlesouffle.
Elles’affalasurlapoitrinedeFeliks.Illapritdanssesbras.C’étaittellementétrangedese
sentirprotégéeparl’hommequiavaitétéengagépourlatuer.Riendeçan’étaitimportant.Plus
maintenant.Elleluiappartenait,etilluiappartenait.Peuimportecequisepassait,Annikasavait
qu’ellesetiendraitàsescôtés.
«Etsiontrouvaitunepositionplusconfortable,non?»murmura-t-il.
Ellegloussa,repoussantlescouverturesdesouseux.Feliksfitpareil.Elleseblottitàsescôtés
etsentitsespaupièress’alourdir.
«Tupeuxéteindrelalumière?»demanda-t-elleenbâillant.
Ilcaressadoucementsescheveux.«Jet’aiapportéàmanger.»
L’idéedemangerétaittentante,maisAnnikaétaittropfatiguéepourypenserpourl’instant.
«Peut-êtreplustard.»
«Tutesensbien?»
«Tuveuxsavoirsituasendommagénotreenfant?»taquina-t-elle.
Ilsetut,etelleserenditcomptequ’ilétaitentraind’yréfléchir.Elleseretintdeleverlesyeux
auciel.Leshommesétaienttellementridicules.
«Jesupposequec’estunequestionvalable,»commença-t-ildoucement.«Jen’yavaitjamais
penséavant.»
«Avoirdesrelationssexuellespendantlagrossessen’estpasunproblème.Jepensequec’est
okjusqu’àcequeçadevienneinconfortableparcequelafemmeestsurlepointd’accoucher.»
«Jen’avaisjamaispenséàçaavant.»
«Quoi?Afairel’amouràunefemmeenceinteouàaccoucherd’unbébé?»
Sesdoigtstracèrentdescerclesdanssondos.Ellesedemandas’ilserendaitcompteàquel
points’étaitrévélateurqu’ilchercheconstammentcecontact.Peut-êtrequenon.Peut-êtrequeFeliks
n’avaitaucunconceptdecequ’étaitunerelation.Merde.Peut-êtrequ’ellenonplus.C’étaitpresque
tropàcontemplerpourl’instant.
«J’imaginequejen’avaisjamaisréfléchiàaucunesdeceschoses,»avoua-t-il.«Jen’aijamais
penséàfonderunefamille.»
«Jecroisquemoinonplus.Maismaintenantqueçanousarrive,jeneleregrettepas.»
Ilyeutunelonguepause.Puisillaserradoucement.«Moinonplus.»
«Tantquej’arrêtedediredestrucscraignoscomme‘aimer ’,c’estça?»Ellesutqu’elle
l’avaitànouveaudéstabilisé.C’étaitpresquecomique.«Legrandméchantassassindelamafiaqui
criecommeunepetitefillequandquelqu’unditlemot‘amour ’.Wow.Jedevraism’ensouvenirsije
suisunjourconfrontéeàunautreassassin.»
Ilgrogna.«Prionslecielqueçan’arrivejamais.»
ChapitreOnze
Aprèss’êtrehabillée,Annikas’assitsurleborddulitlesjambescroisées,mangeantlebolde
StroganovqueFeliksluiavaitlaissé.Lasaucecrémeuseetlesmorceauxtendresdebœuf
réconfortaientsonâme.Danslafaiblelueurdesalampedechevet,elleregardadormirFeliksettenta
dedécidercequilafascinaittantàsonsujet.
Mêmeendormantilressemblaitàunmurimpénétrabledeforce.Samâchoireétaitcommedu
fer.Ilyavaitquelquechosed’incroyablementcertainàproposdelui.Annikapouvaits’imaginer
dépendredecethomme.Etpourunefemmequiavaitapprislongtempsauparavantànedépendreque
d’elle-même,c’étaitaussiterrifiantqu’exaltant.
Ungrandfracasbrisalesilencedelanuit.Annikacessademâcher,sentantsesinstinctsse
réveillerbrutalement.Surlelit,Feliksouvrittoutgrandlesyeux.Ils’assit.Maintenant,onpouvait
entendredeséclatsdevoixenbas,dansl’entrepôt.Lecœurd’Annikacessadebattrequandelle
reconnutcelledesonpère.
«Enfileteschaussuresettrouveunmanteau,»ordonnaFelikssèchement.
Ellesedépêchadeluiobéir,reposantsonbolsurlacommodeetcherchantunevestedans
l’armoirepresquevide.«Qu’est-cequisepasse?»
«Jenesaispas.»Ildégainasonarmeetvérifiasesmunitionsdanslechargeur.«Maisceque
jesais,c’estqu’onnevapasattendreicidevoirsitonpèread’autresennemis.»
«Oùirons-nous?»Elleseditqu’ilsétaientàcourtd’option.«Est-cequ’onaunplan?»
«Pasvraiment.»Felikssedirigeaverslafenêtreetouvritlesrideaux.«Maisondoitsortir
d’ici,etcettesortietombevraimentàpic.»
«OhmonDieu!»Sonestomacseretourna.«Jenesupportepaslessortiesdesecours.»
«Tuasvouluutilisercelledetonappartementl’autrejourpourchercheràt’échapper.»
«Ouais.Maisjenel’aipasfait.»
Ilglissalafenêtrepourl’ouvrir.Uneboufféed’airfraiss’engouffradanslapièce.Annika
frissonna,maisc’étaitplusàcausedesesnerfsqued’autrechose.«Jepeuxyarriver,Feliks.»
«Oui.Tupeuxyarriver.»
Ilneluidonnaitpasd’autrechoix.Lasaisissantparlataille,illajetapratiquementparla
fenêtresurlepalierdemétal.Elles’accrochaàlarambardeetsefigea.Ellebaissalesyeuxvers
l’alléeténébreusederrièrel’entrepôtdesonpère.Lesolétaitàpeinediscernabledansl’obscurité.Il
n’yavaitaucunlampadaireiciderrière.Sonpèren’aimaitpaséclairersesaffairesillégales.
«Toutvabien,»murmuraFeliks.Ilsortitderrièreelleetrefermalafenêtre.
Elletrembla.L’odeurdespoubellesétaitforteetcachaitl’odeurhumidedepourrituredufleuve
Neponsetproche.Elleseforçaàbouger.Soncœurbattaitlachamade,etelleétaitcomplètement
conscientedenepasseulementêtreresponsabled’elle-même.Elledevaitsesoucierdelapetitevie
quigrandissaitenelle.
Cettepenséerenforçasadétermination.«Qu’est-cequejedoisfaire?»demanda-t-elled’une
voixrauque.
«Grimpepar-dessuslabalustradeetrejoinsl’échelle.»Sesmainsétaientdoucestandisqu’il
l’aidaitàs’accrocherauxbarreaux.«Jevaist’aider.»
Annikaseforçaàrespirernormalement.Ellemitunpiedsurlebarreaududessous.Lemétal
étaitfroidetdursouslasemelledesachaussure.Ellepassal’autrejambepar-dessusetfourrason
piedcontreunetraversepoursoutenirsonpoids.Avecl’aidedeFeliks,elleparvintàtrouver
l’échelle.
Elleétaitentrainderespirerpluscalmementquandsonpoidsfitgrincerettomberl’échelle
danslevide.Lachuteabrupteluidonnadesvertigesetlarenditmalade.Elleluttapourrester
accrochéeauxbarreauxavecsespaumesmoitesetengourdies.
«Feliks,»geignit-elle.
«Toutvabien.Elleestcenséetombercommeça.Ellecontinueraàtomberplustut’approches
dusolcommeçailn’yaurapastropd’espaceentrelesoletnous.Continue.Jesuislà.»
Semordantlalèvre,Annikaseforçaàdescendre.Ellepassad’unbarreauàl’autre,tentant
d’accélérer.Labagarredansl’entrepôtseraitsûrementterminée,non?Arriveraient-ilsausoljuste
pourrentrerparl’avantcommesiderienn’était?
Unfracassoudaindanssachambrelafitrevoirsathéorie.Annikapoussauncriquandduverre
briséplutau-dessusdesatête.L’urgencelapressaàatteindrelesol.
«Espèced’enfoiré!»criaunhommedeladirectiongénéraledesachambre,commes’ilétait
àl’intérieur.
«Toutesmesexcuses,Yuri.»LetondeFeliksétaitpleindesarcasme.«Ai-jeinterromputes
enviesdemeurtre?»
«JemesuisdéjàoccupédecetimbéciledeVadir,»criaYuri.«Maintenantjevaisme
débarrasserdesasalopedefilleetçasuffirapouraujourd’hui.»
Annikaseforçaàcontinuer.Ellesentitl’échelleglisserjusqu’enbas.Lâchantledernier
barreau,elleselaissapendreau-dessusdusol.C’étaitunesensationatroce.Ellenepouvaittoujours
pasvoirlesol,maisellesavaitqu’ilétaitlà.Selaissanttombercommeunepierre,elletrébucha
lorsquesespiedsheurtèrentletrottoir.
«Annika?»criaFeliks.
«Jevaisbien.»
«Paspourlongtemps!»hurlaYuri.
Entendrelesdeuxhommesauxprisesl’unavecl’autreétaithorrible.Ellen’avaitaucunmoyen
desavoircequisepassait.Labagarresepassaitbientrophautau-dessusdesatête.Maisellene
parvenaitpasàs’empêcherdesedemandercequeYuriavaitvouludirequandilavaitaffirmés’être
‘occupé’desonpère.Vadirétait-ilseulementblessé?Oupirequeça?
IlnefallutàAnnikaquequelquessecondespoursedécider.Elledevaitsavoirsisonpèreallait
bienoupas.Sefrondantdanslesombresprofondesdupourtourdubâtiment,ellesedirigeaversla
ported’entrée.
Lavuequil’accueillitluidonnaenviedecrier.Annikapressasamaincontresabouchepour
étouffersoncri.Ellen’avaitaucunmoyendesavoirsiYuriétaitvenuseul.Laporteavaitétéarrachée
desesgondscommesiquelqu’unavaitutiliséunegrenadeouungenredebombe.Lesbordsdu
chambranledelaporteenmétalétaientnoircis.Onauraitditunezonedeguerre.
Ellepénétraprudemmentdansl’épave.Ellesavaitqu’ellenedevraitpasêtrelà.C’étaitévident.
Seuleunedemi-douzainedelampesd’urgenceéclairaitl’entrepôt.Ellesétaientespacéesàintervalles
régulierslelongdesmursextérieursetn’éclairaientpasassezpourbienvoir.
Ellesefaufilaentrelescaissesretournéesetlespalettesrenversées.Ellefinitparvoirune
formeavachiequiressemblaitàuncorpsgisantsurlesol.Annikas’accroupitàcôtédelaforme
immobiledesonpèreetluipritlamain.Sesjointuresétaientensanglantéescommes’ils’étaitbien
défendu.Maisl’orificedelaballeaucentredesonfrontl’avaitempêchédecontinuerlecombat.
«Papa,»murmura-t-elle.«Jesuistellementdésolée.»
FELIKSSENTITLAmorsuredubarreauenmétaldanssondostandisqueYuritentaitdele
pousserpar-dessuslepalierétroitdelasortiedesecours.Iln’yparvintpas,engrandepartieparce
queFeliksavaitplusdepoidsetdemuscle.
«Meurs!»grondaYuri.
FeliksrepoussaYuri,tenditlamainetattrapaundesespieds,s’enservantpourluifaireperdre
l’équilibre.«Jenepensaispasquetusouhaitaismamort.»
«Jeveuxtaplace!»YuriemmêlasesjambesentrecellesdeFeliks,lefaisanttrébucheret
atterrircontrelabalustradeenmétaldupalier.Yuriroula,tentantdepiégerFeliks.«Tuastoujours
étélefavori.CetimbéciledeVasilyn’ajamaisvulelâchequetuétais.»
«Aucontrairedubâtardsadiquequetues?»Felikssetordit,pliantlegenouetenroulantune
jambeautourducorpsdeYuripoureffectuerunretournementtrèsefficace.«Tun’esriend’autre
qu’unlâcheassoiffédesangquitueraittapropremèrepouratteindretesobjectifs.Tuesméprisable
ettoutlemondelesait.»
Yurimarmonnaquelquechosed’inintelligibleenrusse.Felikscompritjusteassezpourêtre
choqué.Cettedistractiondonnal’avantageàYuri.IlenvoyasabottedansleventredeFelikspuisse
remitdebout.Ilrentraparlafenêtreetdisparut.
FeliksvoulaitrattraperYuri.Ildevaitsavoirsicepetitenfoiréavaitditlavéritéous’ilavait
mentipoursauversonpetitcul.MaisAnnikaétaitplusimportantepourl’instant.
Seforçantàserelever,Feliksgrognaensentantlesecchymosesquisedévelopperaientdans
quelquesheures.Ilignoraladouleur.Çan’avaitpasd’importance.Seglissantpar-dessusla
balustradejusqu’àl’échelle,ilserenditjusqu’ausolenpeudetemps.Ilselaissatomberdansune
positionaccroupiepournepasendommagersesgenoux.Balayantlesyeuxdegaucheàdroite,illes
laissas’ajusteràl’obscuritéetcherchal’endroitoùAnnikas’étaitcachée.
«Feliks?»Sonchuchotementprovenaitdesombresprèsducoindubâtiment.
Feliksserenditcomptequ’elleavaitdûrentrerdanslebâtiment.Elleétaittropprochede
l’entrée.Yuriétaitrentréàl’intérieur.Ilpourraitensortiràtoutmoment.SprintantversAnnika,
Felikslasaisitparlatailleetsetournajustequanduncoupdefeuretentit.
Unedouleurluitraversal’épaule,etFelikstombasurlesol,emmenantAnnikaaveclui.Ilroula
surlecôté,dégainantsonarmeenmêmetemps.IlmaintintAnnikaausoletvisadansladirection
d’oùétaitpartilecoupdefeu.
Felikspressadeuxfoisladétente.Ilentenditlapremièreballeheurterlemurd’unbâtimenten
briquesdel’autrecôtédelarue.Ladeuxièmefitéclaterleparebrised’unevoituredontlespneus
crissèrentendévalantlarue.
«Feliks!»Letond’Annikaétaitcomplètementpaniqué.«Tuestouché!OhmonDieu,tues
touché!»
«Jevaisbien.»Ilsavaitquelaballeavaittraversésonépauledepartenpart.«Ondoitarrêter
lesaignement.»
«OnferaitmieuxdedéguerpiravantleretourdeYuri.»
«Ilnereviendrapasici,»dit-il,certaindesonévaluation.«Ilaeucequ’ilvoulait.»
«Jesais.»Savoixsebrisa.«Monpèreestmort.»
«Jesuisdésolé.»Illuttapourseremettredebout.Chaquemouvementenvoyaunlancementde
douleuratrocedanssonbras.
Elles’installasoussonbonbrasetl’aidaàretourneràl’entréeprincipale.Feliksessayadene
passereposertroplourdementsurelle,maisilétaitsoulagédel’avoiràsescôtés.
«Tuesvraimentincroyable,tusais?»dit-ildoucement.«Jen’imagineaucuneautrefemmeau
mondequipourraitresteraussicalmequetoi.Tuesincroyable.»
«Wow.Toutescesflatteriesmemontentdroitaucerveau.»
Ilvoyaitbienqu’elletentaitdeprendreàlalégèrequelquechosequilarongeaitdel’intérieur.
Mêmesileurrelationdepère-filleavaitétéantagoniste,leperdreétaitunchoc.
«Qu’est-cequeYurivoulaitdire?»demanda-t-elleenseglissantdansl’entréeexplosée.«Tu
sais,quandilacriéquelquechoseàproposdetonpère.»
FelikspouvaitvoirlaformeobscureducorpsdeVadirPolzinaffaléeausolàdroitedela
porte.Ilsedéplaçadélibérémentverslagaucheàlarecherchedequelquechosepourépancher
l’écoulementdesang.Ilpouvaitsentirlatracehumideetgluantesursonbras.Encetinstant,lesang
ruisselaitdesesdoigtssurlesol.
«Feliks?»pressaAnnika.«IladitqueVasilyétaittonpère.»
Ilserralesdents.Ilnevoulaitpasypenserpourlemoment.«Laissetomber.»
«C’estvrai?»
«Jenesaispas.»
«Commentpeux-tunepassavoir?»
Iltrouvaquelqueschiffonsqu’ilpressamaladroitementsursonépaule.«Jenesaispas.»
Ellelefixaduregard.Mêmedansl’entrepôtsombreilpouvaitvoirsonexpressionde
contemplation.«Tunevoudraispaslesavoir?»
«Ettoi?»
«Si.»
Felixrenifla.«Tuasprouvéplusd’unefoisquetuétaisbienpluscourageusequemoi.»
ChapitreDouze
QuandFelikspassaenfinlaported’entréedelamaisondePyotr,Annikaàsescôtés,l’aubese
devinaitàl’horizon.Lesdernièresvingt-quatreheuresressemblaientàunmauvaisrêvedontilne
parvenaitpasàseréveiller.
«Feliks?»LessourcilsbroussailleuxdePyotrselevèrentdesurprise.
C’étaitdifficiledenepassedemandersiPyotrn’étaitpassurprisdelevoirparcequ’ilpensait
queYuris’étaitdéjàdébarrassédelui.
Feliksécartacespensées.Iln’avaitpasletempspourçamaintenant.«Ondoitdiscuter.»
LeregarddePyotrpassaàAnnika.«Sivousvoulezbiennousexcuser?»
«Non.»Feliksn’attenditpassonami.IlsedirigeaitdéjàverslebureaudePyotr.«Annikareste
avecmoi.»
«Commetuveux.»LevisagedePyotrétaitraided’émotionscontenuesqu’ilneparvenaitpas
àcacher.
Feliksentradanslebureaumaisneputs’asseoir.Sonbraslefaisaitatrocementsouffrir.Ilavait
l’impressiondetoujourssaignerdepartout.Enplusdeça,ilcommençaitàsoupçonnertousses
prochesdeluiavoirmenticommedesarracheursdedentsdepuisaussilongtempsqueremontaient
sessouvenirs.
«Allez,»ditPyotrenfermantlaporte.«Pourquoinemedis-tupascequiteperturbe?»
Annikas’étaitinstalléesurlecanapéoùquelquesheuresplustôt,Felikss’étaitassispour
discuteravecPyotrdesessoupçonsausujetduconseil.Sonexpressionétaitstoïque.Elleavaitl’air
épuisée.Sescheveuxétaientemmêlésetsesvêtementschiffonnés,maisilyavaitunfeudanssesyeux
quil’avertitqu’ellen’étaitpasencoreabattue.
FelikspenchalatêteversPyotr.«Tun’asrienàdiresurlefaitqu’onm’atirédessus?»
Levieilhommeneréponditpasdesuite.Ilcontournasonbureauets’installadanssachaiseen
cuirconfortable,quiluidonnaitunpointdevuesupérieursurlapièce.«Jepensaisquel’histoirede
cetteblessurefaisaitpartiedelaraisonpourlaquelletusouhaitaismeparler.»
Feliksdétestaitsesentirsoupçonneuxdel’hommequ’ilavaitconnupresquetoutesavie.Mais
cen’étaitpassansraisons.«LablessureestuncadeaudeYuriOrlov.»
«Yurit’atirédessus?»L’incrédulitédePyotrsemblaitauthentique,maisFelikssoupçonnait
qu’ilétaitdéjàaucourantdesévènements.
«Oui,»confirmaFeliks.«EtVadirPolzinestmort.»
«Quoi?»
Felikssentitsacolèreluimonteraunezenvoyantl’expressionsurlevisagedePyotr.«Alors
ça,c’étaitunchoc.»
«Excuse-moi?»
Feliksjetauncoupd’œilàAnnika,souhaitantconfirmercequ’ilsavaitdéjà.Elleluilançaun
hochementdetêteàpeineperceptible.Elleavaitégalementnotéladifférencedanslesréactionsde
Pyotr.
«Tun’espassurprisqueYurim’aittirédessus,»expliquaFeliks.«Maistuesstupéfait
d’apprendrelamortdeVadir.»
«Ques’est-ilpassé?»demandaPyotr,lesdentsserrées.
Annikapritenfinlaparole.«YuriOrlovluiatiréuneballedanslatête.Ilsluttaient,maisjene
saispasvraimentpourquoi.Monpèrenousavaitdéjàditpasmaldechosesausujetdevotresyndicat
etdesaffairessouventconcluesentreluietleconseil.»
«Pourquoinenousdis-tupaslavérité?»demandaFeliks,letontranchantcommeunelamede
rasoir.
«Quellevérité?»demandaPyotr.
«Quetuacceptaisdespots-de-vintoutcommelesOrlov?»devinaFeliks.
Pyotrnepritpaslapeinedecacherlavérité.Ilsecontentadehocherlatête.«Lesaffairessont
lesaffaires,tusais.Peuimportecommentlesbutssontatteints,tantqu’ilslesont.»
Felikssentittoutlerespectqu’ilavaiteupourcethommes’envoler.«Etamasserdel’argent
étaittoujourslebut.Etpeuimportaitcommenttuyparvenais,tantqu’ilcontinuaitàs’amasser.»
Feliksarpentalapièceavecplusd’énergie,sentantl’écoulementdesangs’intensifierdanssonbras
tandisquesacolèrefaisaitpompersonsangplusfortdanssesveines.«Touscesgrandsidéauxde
respecterlesrèglesetlesdécisionsduconseiletdusyndicat.Quedesconneriessic’étaitenconflit
avectesrevenus.»
«Epargne-moitesidéologiesnaïves,»raillaPyotr.«Vasilyetmoi,onétaitendésaccordau
sujetdecetavantaged’êtreunmembreduconseil.Ilavaitlesmêmesidéesquetoi.»
«Etc’estpourçaqueçaten’apasdérangéqu’ilsoitassassiné.»
Pyotrsepenchaenavant,sonvisageunmasquedecolère.«Tuosessuggérerquejesuis
responsabledelamortdeVasily?»
«Tul’aslaissésurvenir,»accusaFeliks.IlsetenaitdeboutdevantlebureaudePyotretplaçala
paumedesesmainsdessus.Sepenchantenavant,ilfusillalevieilhommeduregardcommes’ilallait
lefendreendeux.«Tunel’aspasempêchée.Ettuauraispu.Tusavaisqu’ilserendraitàl’entrepôt
pourtenterdeprendreVadiretlesOrlovsurlefait.Tusavaisqu’iln’ensortiraitjamaisvivant.»
«Vasilyn’étaitpascensémourir,»lâchaPyotr.«C’étaitcenséluiservirdeleçon.»
«Etmonpère?»demandaAnnikaamèrement.«Vouspensezqu’ilacomprislaleçon
également?»
«Tonpèreétaitunepetitmerdeuxinsolentquirefusaitdesuivred’autresrèglesquelessiennes.
Ilestmortparcequ’ilétaittropstupidepourrespectersessupérieurs,»bouillonnaPyotr.
Ellesautasursespieds.«C’estvousquiavezenvoyéYuridescendremonpère?»
Pyotrfrottasonvisaged’unemainetsoupira.«Encemoment,personnen’envoieYurioùque
cesoit.Ilestcomplètementhorsdecontrôle.Legarçonatoujoursétéentêté.Maintenantilasoifde
pouvoiretdéterminéàtoutdétruire.»
«J’avaisremarqué,»ditFeliksavecsarcasme.«Ilsembleavoirbienplusd’informationqu’il
neseraitsagedeluifournir,etilaundésirardentdel’utiliseràsonprofit.Ondiraituncafard.»
Pyotrdéglutitvisiblement.«Quelgenred’information?»
Était-cel’imaginationdeFeliks,ouPyotravaitl’airnerveux?«Ilaffirmequelaseuleraison
pourlaquelleleconseilasoutenumacandidatureauposteétaitparcequeVasilyétaitmonpère.»
ANNIKAN’AVAITPASBESOINdebienconnaîtrePyotrAlkaevpourvoirlavéritéinscritesur
sonvisageridé.L’hommeavaitl’airmalade.Elletentad’imaginercommentilsétaientparvenusà
garderuntelsecretsansqueFeliksnel’apprennejamais.
Feliksgloussa,lebruithorriblementamerdansl’airrenfermédubureau.«Jevoisquejen’ai
pasvraimentbesoindeconfirmation.Tonexpressionveuttoutdire.»Feliksserralepoing,lacolère
évidentedanstoutesleslignesdesoncorps.«MonpèreétaitIoannKoslov.Leconseilplaisantait
mêmesurlasignificationdesonnomilyaquelquessemaines.Commentest-cepossible?»
«Koslovestl’hommequeVasilyachoisipourépousertamèrequandelleesttombéeenceinte.
Ilétaitdéjàmariéàsapremièrefemme.Vasilyaimaittamère,maisc’étaitsamaîtresse,passa
femme.»LapitiédePyotrétaitpresqueaussiméprisablequesesparoles.
«EtIoannKoslov.Ilétaitaucourant?Pourquoiétait-ilsigentilavecmoienfants’iln’avait
aucunliendeparenté?Ilétaitparfoisdistant,maisc’étaitunhommeoccupé.Ilnem’ajamaistraité
autrementquecommesonfils,»insistaFeliks.Annikasesentitdéchiréedel’intérieurenvoyantce
qu’ilencoûtaitàFeliksderepensersarelationentièreavecl’hommequ’ilavaitprispoursonpère.
Pyotrseraclalagorge,malàl’aise.«JenesavaispasqueYuriétaitaucourantdulienentre
Vasilyettoi.»
«MaislepèredeYuriétaitaucourant.»Felikscherchaitàdécouvrirlavérité.«Depuisquand
MotyaOrlovest-ilaucourantduliendeparentéentreVasilyetmoi?»
«Jenesuispastotalementsûr.»Pyotrcroisalesdoigtsdevantluietfermalesyeux.
«J’imaginequeçafaitdesannées.VasilypensaitavoirbutropdevodkaunsoiravecMotyaetavoir
tropparlé.»
AnnikavoyaitqueFeliksdevaitseforceràmettredecôtécettevéritépourseconcentrersur
leursituationactuelle.Saforcedesadéterminationétaituneinspiration.Ellesentitunéclairdefierté
etdepossessivitéluidonnerenviedecriersurlestoitsquecethommeluiappartenait.
Feliksexpiralentement,seconcentrantsurlachoselaplusimportanteàl’heureactuelle.
«Doncpourquoiest-cequeYuriaffirmequec’estlaseuleraisonquiaitpousséleconseilà
approuvermacandidature?»
«Jenesaispas.»
«Si.Tulesaistrèsbien.»
Pyotrjuraenrusse,laissantglissersonmasquedecivilitésuffisammentpourqu’Annikaet
Feliksvoientl’égoïstequisecachaitdessous.«Vasilyallaitrévoquerledroitdesmembresduconseil
defairedesaffairesavecdeshommescommeVadirPolzin!»
«Excellent.»
«Pasexcellent!Sais-tucombiend’argentçam’auraitcoûté?»
«Atoi?EtàOrlov?Jepensaisquec’étaitluiquiavaitunerancuneenversVasily!»gronda
Feliks.«Etmaintenantj’apprendsquetucomptaissurl’argentdecespotsdevin.QuiatuéVasily,
Pyotr?»
«YuriOrlovatuéVasily.»Pyotrseremitsursespieds.«Cen’étaitpascenséarriver,mais
Vasilyn’ajamaissulaboucler.Ilamenacédetoutdireauxautresmembresduconseil.»
Feliksretroussaleslèvresdedégoût.«Vasilyétait-ilaucourantquetoiaussituétaisun
menteurquiprenaitdespotsdevin?»
AnnikaétaitsiconcentréesurPyotr,attendantsaréponse,qu’ellemanquadevoirqu’une
quatrièmepersonneétaitentréedanslapièceavantqu’ilnesoittroptard.YuriOrlovl’attrapadeson
siègesurlecanapé.Ilpassaunbrasautourdesanuqueetfitpressionsursonomoplate.Ladouleur
futterribleetinstantanée.
Elleémitunsonétranglé.
FeliksétaitégalementconcentrésurPyotr.Ils’éloignadubureauetsetournapourfairefaceà
AnnikaetàYuri.
«Relâche-la,Yuri,»ditdoucementFeliks.
Yurirenifla.«Jenepensepas,non.»
Annikaavaitpeurdebouger.S’illuitordaitlecouunpeuplus,elleallaityrester.Ellerespiraà
petitesgoulées,tentantderesterimmobile.Ducoindel’œil,ellepouvaitvoirlaragemeurtrièredans
lesyeuxdeFeliks.Maisellenevoulaitpasqu’ilfassequoiquecesoitd’irréfléchi.Ilétaitdéjàblessé.
Cen’étaitpaslemomentdeluttercontreYuri.Cethommeavaitprouvéqu’ilétaitunopposantrusé.
Pyotrsortirunearmedesonbureau.IllevalecanonetvisadansladirectiondeYuri.«Yuri,ce
n’estpascequ’onavaitconvenu.»
«Cequenousavonsconvenunemeconvientplusvraiment,»raillaYuri.«Doncj’aidécidéde
changerleschosesselonmespréférences.J’espèrequeçanetedérangepas.»
Yuripivota,traînantAnnikaderrièrelui.Ellegémitdedouleurlorsqu’illuitorditencoreplus
lecou.Sesarticulationsprotestèrentencraquant.Unéclaird’horreurglacéeremontasacolonne
vertébrale.Çaallaitmalsefinir.Elleenétaitcertaine.
«Libère-la!»Unevoixfémininestridenteretentitdanslebureau.
Lavoixàl’accentprononcénepouvaitappartenirqu’àuneseulepersonne.Annikasentitles
larmescoulerenvoyantIrinaentrerdanslapièceentenantunearme.Sesmainstremblaient,etle
canondupistoletrebondissaitaurythmedesessoubresauts.
«Dégage,Irina.»LavoixdeYuridégoulinaitdemépris.«Mêmesijenepeuxpast’envouloir
d’interférer.Lesputesseserrentlescoudes,non?»
«J’aientenduparlerceshommes,»ditIrinad’unevoixsaccadée.«Tuastuémonmari!»
«Vasily?»LemanquederespectflagrantdeYuripoursonrivalvaincusemblaenragerIrina
encoreplus.«Oui.J’aituécevieilimbécile.»
«Tulepaierasdetavie!»hurlaIrina.
AnnikafermalesyeuxquandIrinapressaladétente.ElleétaitsiprochedeYuriqu’ellelui
serviraitdebouclierhumain.SoitIrinaétaitunetireused’élite,soitAnnikaallaitseretrouvercriblée
deballes.Leschancesnesemblaientpasvraimentdesoncôté.
Laballesiffla,maisellenesentitaucunedouleur.Annikaouvritlesyeux,perplexe.Puisellevit
Irinas’écroulersurlesol.Elleavaitététouchéeaufront.Derrièreelle,lemurdubureaudePyotr
étaitrecouvertdesangetdeboutsdecervelle.
Annikavomitàcettevue.L’odeurcuivréedusangétaitécrasante.Ellepouvaitàpeinerespirer,
maisYurilatraînaittoujoursverslecouloir.Ilétaitsurlepointdesesauver,encoreunefois.Cet
hommequiméritaittantdemourir.
«YuriOrlov!Jenetelaisseraispast’ensortircommeça!»criaFeliks.
Yurilançaunregardpar-dessussonépaule.«Oh,maisj’ycomptebien.Rendez-vousdansune
heuredanslamaisondemonpère.Ilyauneréunionduconseil,ettaprésenceestrequise.»
ChapitreTreize
Feliksneparvenaitpasàréfléchir.PasaveclessanglotsincessantsdePyotrtandisqu’il
étreignaitlecorpssansvied’Irina,etpasaveclapeurquiluinouaitleventreenpensantàAnnika.
Feliksn’avaitjamaiséprouvécegenred’indécision.Sonmondeétaithabituellementsiordonné,
complètementgravédanslemarbre.Ilavaitunjob.Ildéveloppaitsastratégiepourcompléterson
job,etpuisquandilenavaitterminé,ilpassaitausuivant.
«Jem’enveuxtellement,monvieilami,»sanglotaPyotr.«Vasily!Jet’avaispromisde
prendresoind’elleetmaintenantelleestmorte.Morte!»
«Maman?»Oksanapointasapetitetêtedanslapièce.
PyotrluitournaledospourempêcherOksanadevoirsamèreainsi.«Feliks!EmmèneOksana
horsd’ici.S’ilteplait.»
Feliksserelevaetpritlapetitefilledanssesbras.Ellesemitàpleurer.Ilétaitimpuissant,ne
sachantpascommentlaconsoler.Ilnesavaitmêmepascommentseconsolerlui-même.
«OncleFeliks,pourquoiest-cequemamanestparterre?»demandaOksana,leslarmes
ruisselantsursesjoues.
«Elleestpartierejoindretonpapa,mapuce,»ditFeliksàvoixbasse.«Toutvabiense
passer.»
«Maisquiprendrasoindemoi?»
Oksanasemblaitsipetiteetimpuissante,etFeliksserenditcomptequ’unenfantdecetâgene
pouvaitpascomprendrecequ’étaitlamort,etnepouvaitserendrecomptedecequisepassait
vraiment.Cettepenséelerenditincroyablementtriste.
Ilcaressalatêteblonded’Oskana.«Jeprendraisoindetoi,mapuce.Jelepromets.»
«Jeviendraivivreavectoi?»voulut-ellesavoir.
Feliksrepensaàl’horreurdesaviecesdernièresvingt-quatreheures.Maisils’étaitpassédes
tasdechosespositiveségalement.Pourlapremièrefoisdanssavie,iltenaitàquelquechose.Ilse
souciaitderesterenvie.Ilavaitunfutur,unefamille,etunefemmequileregardaitcommes’ilétait
sonmondeentier.
«Oui,»ditFeliksàOksana.«Tupeuxvenirvivreavecmoiunefoisquej’aurairéglécette
histoire.»
Ilentradanslapièceetjetaunœilauxalentours.Ilyavaitunlit,unepetitetableetdeschaises.
Quelquesjouetsétaientéparpillésausol,maispourlaplupart,c’étaitlachambred’unenfantqui
cherchaitàplaireauxpersonneslesplusimportantesdesavie.
DéposantOksanaausol,Felikss’agenouillaàsonniveau.«J’aimeraisqueturestesdansta
chambrejusqu’àcequejereviennetechercher.C’estd’accord?»
Ellehochalatête,sesgrandsyeuxremplisdelarme.«Mamanestpartie,c’estça?Comme
papaetpartiaussi.Commetuviensdeledire.»
«Oui,»convint-il.«C’estvrai.»
«Mamanmemanque.»
Degrosseslarmesroulèrentsursesjouespotelées,etFeliksaccueillitlasensationdesespetits
brasautourdesoncou.Ilserenditcomptesoudainquecepetitangeétaitenfaitsademi-sœur.Ce
savoirlerenditencoreplusdéterminéàsurvivrecettenuit,àsauverAnnikaetàrevenirchercher
cettepetiteorpheline.
YuriOrlovavaitruinélaviedetantdegens.Ilétaittempsqu’ilpaieleprixdesonarrogance.
«Etsionteremettaitaulit,d’accord?»suggéraFeliks.
Elleacquiesça.
Ilpouvaitvoirauxdrapschiffonésqu’IrinaavaitdéjàcouchéOksana.Ilsentitunmalaisele
gagnerenpensantàcettepauvrefemmemettantsonenfantaulitpourladernièrefoissanss’en
rendrecompte.Lavieétaittellementéphémère.
«J’aimeraisqueturestesdanstonlit,bienaufonddesdraps.Ok?»luiditFeliks.«Peu
importecequisepasse.Turestesicijusqu’àcequejereviennetechercher.»
«Oui,oncleFeliks,»réponditdoucementOksana.«Bonnenuit.»
«Bonnenuit,malenkaya.»
Illançaundernierregardpar-dessussonépauleverslepetitlitetsonprécieuxchargement
avantd’éteindrelalampe.Ilallumaensuitel’interrupteurdelaveilleuse.Instantanément,leplafond
futrecouvertdelicornescaracolantetdechâteaux.L’innocencedecettescènestimulasa
détermination.Lasurvien’étaitpasuneoption.C’étaitunimpératif.
Refermantlaported’Oksana,Feliksserenditaurez-de-chaussée,danslebureaudePyotr.
Celui-ciétaitexactementlàoùFeliksl’avaitlaissé.Ilétreignaitlecorpsd’Irinaetregardaitlemur
dansunétatcatatonique.
«Jesuisdésolé,»ditPyotrquandFeliksentradanslebureau.
Feliksenpritpaslapeinederépondre.Ilsecontentad’appuyersurleboutonsouslebureau
pourouvrirlecompartimentsecretcachédansunmur.Unvéritablearsenald’armesfutexposé.
Choisissantlesquelquesélémentsdontilauraitbesoin,Felikstentadenepaspenseràla
possibilitéd’unéchec.IlseremémoraOksanaetAnnika.Ilseconcentrasurcesdeuxpersonnesetsur
laminusculeviequeportaitAnnika,quideviendraitunjoursonpropreenfant.
«Jevoudraist’accompagner,»déclaraPyotrsourdement.
Feliksrenifla.«Jenepensepasvraimentquetusoisd’aucuneutilité.»
«Jesaisencoretenirunearme.»
«Alorschoisis-enuneetallons-y.»
Pyotrluttapourseremettredebout.Marchantentitubant,ils’approchapourramassersonarme
personnelle.
«J’emmèneraiOksanadèsquetoutseraterminé,»ditFeliksàPyotr.«Jepensaisquetudevais
lesavoir.»
«Magouvernanteenseraravie.»Pyotrenfilasavestedecostumesursonarme,lissantles
reverscommes’ils’apprêtaitvraimentpouruneassembléeduconseilordinaire.«Elleseplaintsans
cessedelanuisanced’avoirunenfantdanslamaison.»
Cettedéclarationnefitqueraffermirl’étatd’espritdeFeliks.Annikaetluidevaientsurvivreà
cetteépreuve.Pourlasimpleetbonneraisonqueledestinsemblaitdéterminéàfaired’euxdes
parents.
ANNIKAINSPIRAAFONDplusieursfois,tentantdeseconcentrersurl’idéedes’enfuir.
C’étaitunepossibilité.Çadevaitl’être.Ellerefusaitdebaisserlesbras.Etdonctandisquelavoiture
sombrefonçaitdansl’aubeapprochante,ellesecreusal’espritpourtrouverunleviercontreYuri
Orlov.
«C’estvraimenttropconpourtonpère.»LetondécontractédeYuriétaitpresqueuneinsulteà
lamémoiredeVadir.«Ilétaitbonpourlepognon.Jelevoiscommeunhommequisavaitcequiétait
important.»
Annikaneputs’enempêcher.Elledevaitdirequelquechose.«End’autresmots,tuappréciessa
natureégoïsteparcequetupensesqu’ellevalidetonpropreégoïsme.»
Iléclataderiresifortqu’illuiblessalesoreillesdanslesconfinsétriquésdelavoiture.«Da!
Exactement!C’estbondevoirquetucomprendslesaspectspratiquesdeschoses.Çarendrales
chosesbienplusfacilespourtoiaujourd’hui.»
«Oh,tuveuxdirequandtuvasmetuer?»C’étaitdifficiledeprononcercesparoles,maiselle
n’étaitpasprêteàabandonner.Ellevoulaitquecetenfoiréserendecomptequ’illuivolaitsavie.Il
voulaitqu’illavoiecommeunepersonneavantdelaluiôter.
Yuriviralavoitureentredeuxmaisonsdegrèsrougeétroites,sedirigeantversunpetit
parkingsituédanscequiétaitprobablementuneanciennecouràcalèches.Ilsegaraetéteignitle
moteur.Ellen’aimaitpaslamanièredontillaregardait.Ilyavaitquelquechosedecalculateurdans
sonregardquiluidonnalachairdepoule.
«Tun’espascequetusemblesêtre,tusais?»Iln’yavaitplusriendedésinvoltedanssonton.
«Tupensesqu’enmontranttoncôtéhumain,j’auraidumalàteliquider?»
«Saufsituesunsociopathe,»luidit-elleplatement.«Etsijedevinebien,c’estcequetues.»
«Jepréfèremevoircommequelqu’undemotivé.»Ilhaussalesépaules.«Maisjesuppose
qu’unemauviettecommetoipeutlevoird’uneautrefaçon.»
«Ouais,onpeutdireça.»
«Ilesttempsdesortir.»Yuriouvritsaportièreetsortitdelavoiture.«Tut’enfuis,jetetire
dessus.Simple.Compris?»
Annikasortitavecprudencedusiègepassager.Sicecrétincontinuaitsaroutine,elleallait
devoirledescendreelle-même.«Puisquejenesuisnisociopatheniattardée,jecomprends,oui.»
EllesuivitYuridanslamaison.Lastructureétroitesemblaitendormie.Iln’yavaitqu’uneseule
lumièredanslacuisine,etAnnapouvaitvoirunefemmecorpulentetravailleraucomptoir.Ellese
demandasilepèredeYuriconnaissaitlesplansdesonfils,etespéraqu’aucundesmembresdu
personnelneseraitblessédanslafusillade.
«MonsieurYuri!»crialafemmedesurpriselorsqu’ilentradanslacuisineparlaporte
arrière.«Mr.Orlovnem’apasditquevousseriezlàpourlepetit-déjeuner.»
«Cen’étaitpasprévu.»Ilfitunsignedédaigneuxverslafemme.«Valeréveillerpourmoi.Je
doisluiparler.»
«Mr.Orlovn’appréciepasêtreréveilléavantseptheures,MonsieurYuri,»l’avertit-elled’un
tonferme.
Ilétaitévidentquelagouvernanteavaitl’habitudedegérerlefilsgâtédesonemployeur.
Annikaretintsonsouffle,attendantdevoirlasuitedesévènements.Yuriavaittellementperdule
contrôlequ’iln’allaitcertainementpasapprécierlesobstacles.
Eteneffet,Yuridégainasonarmeetlafourradanslevisagedelafemme.Sonexpressionse
figea,sabouches’ouvritdansunOdesurprise.Yuriagital’arme,dirigeantsansdoutelecanondans
ladirectiondelachambredesonpère.
Ladames’enallaàtoutevitesse,apparemmentconvaincuequ’elleferaitmieuxd’obéirà
‘MonsieurYuri’ouleregretter.Annikanelablâmeraitpassiellequittaitsonpostepournejamais
revenir.
«Tuesvraimentdouéaveclesgens,»plaisantAnnika.
«Ettuasvraimentenviem’agaceravectonimpertinence.»
«Qu’est-cequej’aiàperdre?Tum’asdéjàditquetuallaismetuer.»
Ilhaussalesépaules,voladeuxviennoiseriesducomptoiretlesfourradanssabouche.
Soncomportementluiparutétrangementjuvénile.«Personnenet’ajamaisposédelimitesen
tantqu’enfant?Ondiraitunadopourrigâtéavecunflingueetbientropdelibertésdefaireses
propreschoix.»
«Tagueule,»gronda-t-il.
Intéressant.Detoutesleschosesqu’elleluiavaitdites,c’étaitlapremièrequisemblaitvraiment
toucherunecordesensible.AnnikaclassacetteinformationetsuivitYuridanslapiècesuivante.
L’espaceétaitbourrrédemobilieretdecanapésanciens.Onauraitditunanciensalondécoréde
couleurssombresmasculinesetdetissusopulents.LorsqueYuris’assitaumilieudelapièce,Annika
décidaquec’étaitsansdouteiciqu’ilavaitl’intentiondemettreenscènesaréunionduconseilbidon.
«Yuri!»Ungentlemanâgéàlacirconférencegénéreusedescenditlesmarches.«Olgam’adit
quetuluiavaispointéunearmeàlafigure!Qu’est-cequinevapascheztoi?»
L’hommequ’AnnikapritpourêtreMotyaOrlovportaitunpyjamaensoieetunerobede
chambre.Ilavaitlespiedsfourrésdansdespantouflesettoutessessixouseptmèchesdecheveuxgris
étaientenépi.Ilvenaitclairementdeseréveiller.
PuisMotyaOrlovremarquaAnnikadeboutderrièresonfils.Iléquarquillasesyeuxsombres
cupidesdepanique.«Qu’est-cequ’ellefoutici?TuaskidnappélafilledeVadir?Tuesfou?»
«Jepensaisquec’étaitlebutdujeu,papa,»raillaYuri.«ForcerFeliksKoslovàchoisirdela
tuerounon.Quandilaéchoué,ilaeul’airfaible.Alorsj’auraisprissaplaceauconseiletFeliks
auraitétémisendisgrâcepourlelâchequ’ilest.»
«Personnen’ajamaisparlédelakidnapper.»Motyaavaitl’airmalade.«Vadirmefait
suffisammentchiersansça.»
«Vadirestmort.»Yuriagitanégligemmentlecanondesonarmedegaucheàdroite,comme
pourbalayerl’incident.«Ilneposeraplusdeproblème.»
«Deproblème?Vadirvalaitbeaucoupd’argent,Yuri.»Orlovregardasonfilsavec
consternation.«Qu’est-cequetuasfait?»
Annikapensaàs’esquiververslaportedelacuisine.Ellesavaitqueçaallaitmalfinir.Sielle
avaitdelachance,ellepourraits’enfuiravantquetoutnetourneàlacatastrophe.
«Nebougepas,salope!»grondaYuri.
Annikasefigeasurplace.Chaquecentimètrel’approchaitdelaliberté.
Yuriseretournaverssonpère.«Appellelesautresmembresduconseil.Onvaavoirunepetite
réunion.»
ChapitreQuatorze
Annikaregardaattentivementlapièce,sedemandantsiceseraitlittéralementledernier
spectaclequ’elleverraitavantdemourir.Sic’étaitlecas,elleétaitvraimentfurieuse.Cettefausse
réunionduconseilétaitunediscussiondetablerondeentredesvieillardségoïstesquinesemblaient
pasavoirlevélepetitdoigtpourautrechosequeboufferdurantdesannées.
«Pourquoidevrions-noustenommerauconseil?»demandaunhommebedonnantaux
cheveuxrouxfanés.«OnadéjàunOrlov.Çadonneraittropdepouvoiràtafamille.Etsijevoulais
mettremonneveuàlaplacedeVasily?»
«Tonneveuestunimbécilemaladroitquinesaitpasfaireladifférenceentreunboutoul’autre
d’unflingue,»ditYuriavecimpatience.«SileconseilmenommepourprendrelaplacedeVasily,
leschosesirontmieux.J’aidegrandsprojetspourlesyndicat!»
«Quelsprojets?»demandaquelqu’und’autre.«J’aientendudirequetuavaistuéVadir
Polzin.»L’hommefitungesteversAnnika.«Ettutraînessafillederrièretoicommeunboulet.Ça
neditriendebonpourtoientantqu’homme.»
LamaindeYuritrembla,etAnnikaleregardaavecfascinationreprendrelecontrôledeson
humeur.Àl’évidence,ilnevoulaitpaslamortduconseil.Pasencore.
Laported’entrées’ouvritsiviolemmentquetoussaufYurietAnnikasursautèrentdesurprise.
Pyotrentradanslapièce,Felikssurlestalons.Lecœurd’Annikabonditunpeuquandleregardde
Feliksbalayal’assembléeavantdeseposersurelle.Ilsemblaitétudiersonétatgénéral.Ellelui
adressaunpetithochementdetêtepourmontrerqu’elleallaitbien.Jusqu’àmaintenant.
«Necroyezpascepetitenfoiré,»déclaraPyotràsescamarades.«C’estluiquiatuéVasily.
MotyaetluisesontarrangéspourqueVasilysoitprésentcettenuit-là.Yuriestceluiquiluiatiré
dessus.PasVadir.»
«Commentlesais-tu?»demandalerouquin.
Pyotreutl’airhonteux.«ParcequeVadirmepayaitenpotsdevin.Jepensaisqu’onpourrait
convaincreVasilydecesserdeluttercontrecettepratique.Jenesavaispasqu’ilseraitdescendu.»
«Menteur!»criaMotyaOrlov.«Tuétaisaucourant!»Sonregardbalayalecercle,tentantà
l’évidencedevoirquicroyaitqui.Àcestade,ilsétaienttousenterrainglissant.
«Jedislavérité,»insistaPyotr.«Jen’aiplusrienàperdre.YuriaassassinéVasily,Vadir
PolzinetmêmelaveuvedeVasily.»IlpointaundoigtaccusateurversYuri.«Vousnecomprenezpas
?Cethommeaassassinéunefemmedesang-froidalorsquesonenfantétaitprésentdansla
maison!»
Lebourdonnementdevoixsefitplusbruyanttandisqueleshommeschanegaientd’aviscomme
dechemise.Yurisemblaitdeplusenplusagité.Ilpourraitexploseràtoutmoment.Etlà,ilyaurait
desmorts.
«Etqu’enest-ildufilsdeVasily?»criaAnnikadanslevacarme.«Vousnevoulezpassavoir
cequelefilsdeVasilyaàdire?Siquelqu’unméritedeprendrelaplacedeVasilyauconseil,ne
serait-cepassonpropresang?»
Feliksladévisageaitcommesielleavaitperdul’esprit.Maissoncommentaireeutl’effet
désiré.LapièceentièreétaitàprésentconcentréesurFeliks,mêmeYuri.Feliksseredressaetadressa
unregardd’aigleàchacundesmembresdel’assemblée.
Lorsqu’ilouvritlabouche,savoixétaitjusteassezfortepourporterdanslapièce,maisleton
étaitferme.«YuriOrlovs’estamuséàmanipulerceconseiletlesyndicatdepuisquesonpèreluia
transmislachargedeleursaffairesfamiliales.Lerésultat,c’estqu’onnepeutpasluifaireconfiance.
Ilmettratoujourssespropresintérêtsavantceuxdusyndicat.»
Yurigrondaquelquechosed’inintelligibleenrusse,àl’évidenceoffensé.Puisilsautadesa
chaiseenagitantsonarmedanslesairs.«Commentoses-tu?Toi!Tuesl’hommequiétaittropfaible
pouraccomplirlatâcheordonnéeparleconseil.»
Ilyeutunevagued’assentimentsparmilesautresmembres.Lerouquinparlaenpremier.
«Yurin’apastort,Feliks.Pourquoin’as-tupascomplétélatâche?»
«Parcequeseulsleslâchesfontlaguerreauxfemmesetauxenfants,»ditfermementFeliks.
«Maistunousavaisditquetucomplèteraiscettetâche,»insistalerouquin.«Peux-tula
compléter?Oucettefemmesignifie-t-ellepluspourtoiquelesyndicat?»
L’estomacd’Annikasenoua.Detouteslesconséquencespossibles,ellen’avaitjamaisvraiment
cruquececiarriverait.L’expressiondeFeliksétaitdemarbre.Maisellepouvaitvoirdanstoutesles
lignesdesoncorpsqu’ilnecomplèteraitpascettetâche.Elleluiavaitenvoyélemot‘aimer ’àla
figurepourjouer,maisàlavérité,ellepensaitvraimentqu’ilavaitdessentimentsfortspourelle.
Encequilaconcernait,Annikasavaitqu’elleaimaitFeliks.Alors,sedirigeantverslecentrede
lapièce,elles’agenouilladevantlui.Ellelevalesyeuxversluietespéraqu’ilpouvaitvoirses
sentimentsdanssesyeux.
«Qu’est-cequisepasse?»MotyaOrlovritnerveusement.«Cettesalopeveutmourir?»
«Non,»corrigeaAnnika.«J’aimeFeliks.Jeneleforceraipasàfaireunchoix.Jepréfèrerais
donnermaviedemonpleingréplutôtquequelqu’unletraitedelâche.»
L’armedeFelikstressautadanssamain,maisilnelalevapas.Annikaétaitsûrequ’ilnela
blesseraitjamais.Elleneleblesseraitjamaisnonplus,cequiluidonnauneidéeintéressante.
«Vousnevoyezpasqu’ilyauneautremanièredeneutraliserunemenace?»demandaAnnika
desavoixlaplusforte.«VousvouliezqueFeliksmetuepourvousassurerquemonpèrenesoitplus
unemenacepourlesyndicat.MaisFeliksn’a-t-ilpasaccomplicetobjectif?Ilamaloyauté.Jenesuis
plusunemenacepourlui.Jesuisunealliée.»AnnikalançaunregardobliqueversYuri.«Et
maintenantqueYuriOrlovaassassinémonpère,Vadir,j’aihéritédesesaffaires.Etçaveutaussidire
queFeliksenahérité,etdoncqu’ilestdevenuunhommetrèspuissant.»
FELIKSPUTVOIRtousleshommesdelapièceébranlésparlaforcedel’annonced’Annika.
Ladonneavaitchangé.Mêmesipourdirevrai,c’étaitAnnikaquiavaitchangéladonne.Elleavait
acculéleconseildansuncoin.Etellel’avaitfaitentordantleurspropresidéauxetenlesforçantà
fairefaceàleurpropremanquedecourage.
LepetitriredePyotrsemblabriserlatensionquiavaitfigélapièce.«Jen’imaginepas
commentnouspourrionsargumentercontrecettelogique,messieurs.»
LerouquinYurovichacquiesçaàcontrecoeur.«Vasilyauraitapprouvé,jepense.Cethypocrite
moralisateuratoujourseuuncôtédoux.»
Quelqu’und’autrebâilla.«Ilestbientroptôtpours’occuperdecesaffaires.J’aimeraisrentrer
chezmoietmereposersionenafiniaveccepoint.»
«C’esttout?»ditYuri.«Vousêtestoussatisfaitsavecça?Felikspeuttoutsimplementvalser
devantvousetavoircequ’ilveutparcequ’ilestlebâtardd’unhommemortquiétaittropfaiblepour
fairecequ’ildevaitfaire?»
«Da.»Yurovichhaussalesépaules.«Lesplacesduconseilsonthéréditaires,Yuri.Tulesais
bien.QueVasilypuisselereconnaîtreoupas,Feliksestsonfilsetdoncsonsuccesseur.»
LesentraillesdeFeliksseserrèrentlorsqu’ilserenditcomptequ’uneboîtedePandorevenait
d’êtreouverte.IlsebaissaetramassaAnnikasurlesol.Lapoussantdanslacourbedesoncorps,il
tombaausoletroulaversunabrijustequandYuripressaladétente.
DescrisdecolèreetdedouleurrésonnèrentdanslapiècetandisqueYuritruffaitlamaisonde
sonpèredeballes.Desaplacederrièrelecanapélourd,FelikssetintentreAnnikaetYuri.
«Tudoisl’arrêter!»plaida-t-elle.
Feliksneréponditpas.Iln’yavaitpasdetempsàperdre.Ilsepenchaautourdesépaispiedsen
boisducanapéetvisaYuri.Lefou-furieuxétaitdeboutdevantlecorpssansviedesonproprepère,
souriantcommeunmalade.
PuisYuripivotasoudain,éclatantderireàlavuedeFeliks.Illeval’armeetfitfeu.Feliks
replongeaderrièrelecanapéalorsqu’unnuagedeplumesetdetissuséclataitdansl’air.
«Tuveuxm’avoir,FeliksKoslov?»criaYuri.«Alorsviensmechercher!»
Felikssecomposa,sachantqu’iln’yavaitpasd’autresmoyens.IldevaitarrêterYuripour
pouvoirprotégerAnnika.Feliksrefusaitdelaissercettemenaceenvie.
Roulantdederrièrelesofa,ilseremitsursespieds.Yuriétaitdéjàentraindeleviser.Feliks
ignoralesconséquences,vitsacibleetsepréparasoigneusementàrépondreaucoupdefeu.
«Non!»PyotrplongeaentreFeliksetYuri.
TandisqueFelikss’attendaitàlamorsured’uneballedanssachair,ilvitPyotrs’effondrer.La
soifdesangluifitpresquetournerlatêtetandisqu’iltiraitencoreetencoresurlecorpsdeYuri.
«Feliks!»
Annikalerejoignit,etFelikslapritlentementdanssesbras.Maisc’étaitPyotrquiretenaitson
attention.Levieilhommeavaitdumalàrespirer,sonderniersouffleprochetandisquelesang
s’écoulaitdesapoitrine.
FelikstombaàterreettiraPyotrsursesgenoux.«Espèced’idiot,àquoipensais-tu?»
«Jet’aiditquejepouvaistoujourstenirunearme,»haletaPyotr.«Jevoulaisêtreceluiquile
tuerait.PourIrina.»
Felikstouchalesjouespâlesetterreusesdesonami.
«Reprendsleschosesenmain,etaméliores-les,»luiditPyotr.«C’estcequeVasilyaurait
voulu.»
Feliksauraitvouluaccepter,maisc’étaittroptardpourdespromesses.Laviequittalesyeuxde
Pyotr,etsoncorpssedétendit.
Feliksbaissalatêtedechagrin.Pyotravaitfaitdeschosesqu’ilnepourraitjamaispardonner,
maisilavaitétéunepartimportantedelaviedeFeliks,etriennepouvaitychanger.
«Tantdemorts,»murmuraAnnika.Elles’accrochaàFeliks,sesbrasentourantsoncou,sa
jouepresséecontresonépaule.«Pourquoin’ont-ilspasvucequiallaitsepasser?»
«Ilssontdevenuscomplaisants,»réponditdoucementFeliks.«C’estquelquechosequenous
devronséviter.»
«Onvavraimentfaireça?»Ellebalayalapièceduregard,absorbantlecarnage.«Iladécimé
presquetoutleconseil.»
«Onpeutrecommenceràzéro.»
EllesemblatransfiguréeparlavuedeYuribaignantdansunemaredesangsurletapisdeson
père.«MotyaOrlovavaitd’autresenfants?»
«Unfils,»admitFeliks.«Ilesteninternatàl’école.»
«Ildoitprendresaplaceauconseil,»décida-t-elle.
Feliksrenifla.«AucunOrlovneserabienvenu.Pasaprèsça.»
«Tuastort.»Sonexpressionétaitsicertaineetsicalmequ’ilsesentitobligédel’écouter.
Annikasouritettouchasonvisage.«Lesvendettasnefontquefairecoulerplusdesang.Parleàce
jeuneOrlov.Raconte-luicequis’estpassé.Donne-luiunevoix,etlachancederachetersafamille.
C’estlameilleuremanièredecréerunsyndicatsoudé.»
Felikshochalatête,ressentantuneincroyablevagued’émotionsdanssoncoeur.«C’étaitun
jourdechance,lejouroùilsm’ontordonnédetetuer,AnnikaPolzin.»
Lesongaidesonrireétaitpresquemacabresurcettetoiledefonddesangetdemort,mais
Feliksfutreconnaissantdelalumièrequ’ilapportaitàsesténèbres.
Elletouchaseslèvres.«J’auraisplutôtditquec’étaitunjourdechance,lejouroutum’asmis
enceinteparaccident.»
Etiln’avaitaucuneréponseàça.
ChapitreQuinze
Unanplustard…
Annikatiralacouverturelégèresurleminusculecorpsdesonbébé.Ilfitlamoueetsuçasa
tétineparreflexeavantdes’endormird’unsommeilprofond.L’observernecessaitjamaisde
l’émerveiller.Ilétaittellementpetitetimpuissant,etpourtant,dansvingtans,ilseraitunparraindela
mafiadeBoston,commesonpapa.
Feliksapparutdansl’embrasuredelaporteets’appuyacontrelecadre.«Tuestoujourslà?»
«Detouteévidence.»
«Lebébépeutdormirsansquetulesurveilles,tusais.»
Ellelesavait,maisparfoisellevoulaitresterdanslamêmepiècequesonfilspourleprotéger.
Feliksouvritlesbras,etAnnikaseblottitcontreluipourchercherduréconfort.
«Ilestensécurité,»promitFeliks.«Lamaisonestbiengardée,etenplus,onn’apas
d’ennemis.»
«Pourlemoment.»Ellesoupira.«Qu’est-cequisepasseradanssixmoissionfâche
quelqu’un?Notrefamillepourraitdevenirunecible.Yurin’étaitpasleseulsociopatheaumonde.»
«Non.Maisparfoisc’estplussûrd’êtredumauvaiscôtédelaloi.Aumoinsonconnaitles
dangers.»
«CommentvaOksana?»Ellejetauncoupd’oeilverslachambreoùleurfilleadoptive
dormait.
«Elledortvraimentcommeunloir,»dit-ilenriant.«Jesuisentréetellemetournaitledos
danssonlit.Ellen’apasbougépendantquejemebaladaisdanslapièce.»
«Super.»ÇarendaitAnnikatrèsheureuse.«Notrepetitefilleméritedesesentirensécurité
aprèstoutcequ’elleatraversé.»
«Pareilpourtoi,»luirappelaFeliks.
«Jesuisensécurité.Jesuislafemmeduplusgrandetduplusméchantroidelamafiarusseen
ville,»luirappela-t-elle.
«D’accord,mareinedelamafia,est-cequetuveuxbienvenirtecoucher?»
«Tuvasmefaireoublieràquelpointjesuisstressée?»taquina-t-elle.
Illapritdanssesbrasetlatransportadanslecouloirjusqu’àleurchambreàcoucher.Ils
avaientchoisid’emménagerdansunenouvellemaison.Cen’étaitnil’anciennemaisondeVasily,ni
celledePyotr,nicelledesonpère.C’étaitleurmaison.
«Jesuiscontented’avoirchoisinotrepropremaison.»Elleposalapaumedesamainsurla
jouedeFeliks.
Ilrefermalaportedeleurchambredupied.«Jesuiscontentqu’elleoffresuffisamment
d’espaceprivé.»
«Ettuasbesoind’espaceprivépourquoi?Hein?»Ellesavouraittellementcebadinage.«Tu
aspeurquejetedérangependanttonsommeil?»
«Jenesuispasd’humeuràdormir.»
«Tuveuxplutôtlirealors?»Ellefitsigneverssonfauteuildanslecoin.«Jepeuxtelaisser
tranquille.Jesaisàquelpointtuvalorisetontempsseul.»
«Femme,tumerendsfou.»
«C’étaitlebut.»Elleseblottitdanssoncouetembrassalecreuxdesonépaule.Sonmuscle
tremblasousseslèvres.«Jet’aidéjàditàquelpointjemesentaispuissantedesavoirqueje
t’allumaisautant.»
Ilplaçaseslèvresjusteàcôtédesonoreillejusqu'àcequesonsoufflechatouillesapeau
sensible.«Oui,maisjenemelassepasdel’entendre,doncn’hésitepasàterépéter.»
Feliksladéposasurlelitetgrimpadoucementàsescôtés.Ellesentitdesboufféesdechaleur
alorsqu’elleneportaitqu’unechemisedenuitetunerobedechambrefine.Illaregardadehauten
bas.Laseulelumièredelapiècevenaitdelalampedechevet.Lalumièretamiséerendaitsonregard
d’autantplusintense.
Tirantdoucementlaceinturedesarobe,ill’ouvritetlaissaletissusoyeuxtomberdeson
corps.Puisilplaçaunemainsursonventreettraçadeslignesverslacourbedesesseins.
«Feliks.»Ellechuchotasonnom.
Ilbaissalatêteetdéposaunbaiserdanssondécolleté.Lachaleurdesaboucheétaitexquisesur
sapeau.L’excitationpritledessus,etellefutimpatientequ’ilcomblesonbesoin.Ellemouillaitdéjà
tellement.Posantlesmainssursonbas-ventre,elleexploralescontoursdesontorsenu.
Ilgémitetcambraledostandisqu’elleéraflaitsapeau.Elletrouvasestétonsetlespinça
doucementjusqu'àcequ’ilsdurcissent.Ellesentitsespropresmamelonsdurciretpulsercommes’ils
cherchaientlamêmeattention.
Lorsqu’ilabaissaledessusdesachemiseetembrassasonseindroit,Annikaeutl’impression
qu’elleallaitmourirdeplaisir.Ils’occupadugauchedelamêmemanièreavantdeglisserletissude
sarobelelongdurestedesoncorps.
Ellesoulevaleshanchespourluipermettredel’enlever.Lorsqu’ilapparutau-dessusd’elle,elle
saisitsaceintureetdétachasonpantalon.Latiretteétaitbruyanteàcotédeleursrespirations
haletantes.Elleluttapourledébarrasserdesonpantalonetfutenfinrécompenséequandsesmains
entrèrentencontactaveclesmusclesfermesdesoncul.Ellel’attiraverselle,sentantsonérection
presserdemanièreérotiquecontresonentre-jambe.
«Annika,j’aitellementenviedetoi,»ditFeliksenpoussantuncri.«Jeveuxteprendre.»
Commesielleallaitluirefuserça.«Ohoui!»
Elleécartalesjambespourl’accueillir.Soncentreétaittrempé,etlespetitesbouclesqui
couvraientsamotteétaienthumidesdemouille.Ilposalesbrasdechaquecôtédesesépaulesetse
penchapourembrasserseslèvres.Ildévorasabouchecommes’iln’enauraitjamaisassez.Et
pendanttoutcetemps,ilfrottasabitecontresonsexejusqu'àceque’elleaitl’impressionqu’elleen
perdraitlatête.
FELIKSNES’HABITUAITpasàl’idéequ’ilaitpus’accaparerunefemmecommeAnnikaet
enfairesonépouse.Alorsqueleurslanguessemêlaient,luttantpourdominer,ils’émerveilladu
privilègedesetrouverauxcôtésdecettefemme.
Sapeaudouceétaitsublimecontrelasienne.Unfinvoiledesueurrecouvraitleurscorpsqui
dansaientensemble.Dansquelquessecondes,ilglisseraitsabitedanssachatteetlaferaitsienneà
nouveau.Maispourl’instant,ilvoulaitsavourerl’attente.
Ellelevaunejambeetcaressal’arrièredesacuisseavecsonmollet.Cettepositionouvritson
sexejusteassezpouravalersabiteentreseslèvreschaudesethumides.Sachairétaitincroyablement
envoûtante.Lefrottementcontresonglandsensiblefutpresquesuffisantpourluifaireperdrele
contrôle.
«Annika,»grogna-t-il,commes’ilsetrouvaitauborddelafolie.
«N’attendsplus,Feliks,»luidit-elle.«Prends-moimaintenant.Fais-moitienne.»
Commes’ilavaitbesoind’uneautrepreuvequecettefemmeluiappartenait.Soncorpss’ouvrit
tandisqu’elleécartaitlesjambespourl’accueillirdanssachatteenfiévrée.Chaquemuscledesachatte
secontractacontresabite.L’étreinteétroitelefitpresquejouir.Maisilserralesdentsetcommencaà
alleretvenirdanssachaleur.
Ilavaitvouluyallerlentement,fairel’amourtendrementàsafemmeetlacomblerd’unplaisir
indescriptible.Maisellenesemblaitpasvouloirdeça.Elleplantalesonglesdanssesépaulesen
cambrantledosetfléchitleshanchespourl’empalerenelle.Ilapprofonditsescoupsderein,sentant
songlandeffleurersonpointGàchaqueva-et-vient.
Lefeufrémitdanssesveines.Ilsentitlasensationfamilièredesesmusclessepréparantà
l’orgasme.Sarespirationsefitpantelante,chaqueexpirationungémissementdebesoin.Ellesemità
balancerleshanchespourrencontrersescoupsderein.Etlorsqu’elleatteintenfinleseptièmeciel
danssesbras,Felikssavourachaquesecondedecettemerveilleuseexpérience.
Sescrisrésonnerentsurlesmursdeleurchambrequandellejouit.Feliksnes’interrompitpas.
Ilplongeaenelleetsentitsonorgasmel’attirerdanssesbras.Soncerveauembruméparleplaisir
pouvaitàpeineenregistrercequisepassait.Puisilcambraledossifortqu’iléprouvalasensation
quesacolonnesebriseraitendeux;unesecoussed’extaselefitexploser.
Iléjaculadetoutessesforces,remplissantAnnikadesasemencejusqu'àcequ’ilsoit
completementvidé.Sesbrassemirentàtrembler,etilroulasurlecôtépouréviterdel’écraser.
Incapabledesedistancerd’elle,ill’attiradanslecreuxdesoncorpsetlapritdanssesbras.
«Parfoisj’ail’impressionquetuvasmetuer,»luidit-elleenriant.
«Oui,maisquellemanièredemourir.»
«Leshommesdisenttoujoursça,maisaimerais-tuvraimentmourirainsi?»
Ilconsidéracetteidée.«Etsijetedisaisquejen’avaisaucuneenviedemourir?»
«Çameplaitmieux,»murmura-t-elle.
Ilpouvaitpresqueentendresoninquiétude.«Toutvabiensepasser.»
«Jesais.Maisest-cequ’onaraisondefairecequ’onfait?»
Feliksréfléchit.Iltraçadoucementlecontourdesesépaules,profitantdutoucherdesapeau
soussesdoigts.«Jevoiscequetuveuxdire.Toutesceszonesdedoutes,onal’impressionquec’est
impossibledefairedeschoixéthiques.Maisaufinal,nousnesommesquedesgensquiessaientde
vivre.»
«Enviolantlaloi.»
«Quidécidecequ’estlaloi?Tupensesquetousleshommesd’affairesquigagnentleurfric
dansleslimitesdelaloisontmeilleursquenous?»Ilauraitaiméqu’ellevoieleschosesàsa
manière.«Onessaied’êtredesgensbien.C’estcequeVasilym’aappris,etc’estcequej’apprendrai
àmespropresenfants.»
«C’estpourçaquejetefaisconfiance,»murmuraAnnika.«Parcequ’aufinal,tune
ressemblespasdutoutàmonpère.»
«C’estpourçaquetuasnomménotrefilsVadir?»Ill’avaittoujourssoupconné,maisn’avait
jamaisétésûr.
«J’ail’espoirquetuenseignerasàVadiràêtreunhommemeilleurquenel’étaitsongrand-
père.Tul’aiderasàcomprendrelesacrificedesoiaulieudel’égoïsme,etl’importanced’êtrebonet
honnêteenverslespersonnesqu’ilaime.»Elleseblottitcontresapoitrine.«Doncoui.J’ainommé
notrefilsVadirpourquepeut-êtremonpèreaitunesecondechancedeseracheter.»
«Ilt’aimait,tusais?»
Elleembrassasanuqueets’étirapourquechaquecentimètredesoncorpstouchelesien.«Et
Vasilyt’aimaitaussi,mêmes’iln’ajamaisputereconnaitreenpublic.»
«Doncjesupposequenotreseulboulotsoitd’aimernosenfantsdumieuxqu’onlepeutetde
leséleverpourêtredesmembresproductifsdecemonde.»Feliksdutreniflerdevantl’arrogance
écrasantedecettedéclaration.
«Wow.Aucunepression.»
«Tuesquelqu’und’incroyable,Annika.»Ilcaressadoucementsonvisage.«Nosenfantsont
delachancedet’avoircommemère.»
«Est-cequeçaveutdirequetuasdelachancedem’avoirpourépouse?»
Ilsedemandasiellecomprendraitunjour.«Parfois,j’ail’impressionquej’aicomplètement
retournéledestinenteprenantpourfemme.»
Elleleroulasursondos,lechevauchantetlaissantsesseinsfrôlerdoucementsontorse.«Ah
oui?»
«Quoi,tuasditquelquechose?Jen’arrivepasàréfléchirquandtapoitrineestsiprochede
moi.»Illespritdanssesmainsetlesembrassachacunàleurtour.
«Jepeuxtedireunechose,»dit-elled’untonneutre.«Jenemesuisjamaisimaginém’amuser
autantavecmonmari.»
«Promets-moiqu’ons’amuseratoujours,»pria-t-il.«Ouaumoinsqu’onessaierades’amuser
mêmelesmauvaisjours.»
Legloussementd’Annikafutsaseulepromesse.«Mêmelesmauvaisjours,»convint-elle.
LAFIN
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ChapitreUn
Trisha lança lesmainsen l’airetpoussauncrid’excitation tandisqu’unepetitebilleblanche
roulaitetrebondissaitsurlaroulette.Autourd’elle,lesnouveauxamisqu’elles’étaitfaitslorsdeson
programmed’échanged’étude s’étaient soulés à la bibine, célébrant la liberté d’être sortis de leur
dortoir.Labilles’arrêtaenfinsurunecaserouge,etlecroupierréglalesgains.Trishasaisitlebras
desonamieMinka,etlesdeuxfillesfirentunepetitedansedevictoire.
« On a gagné ! » Trisha criait presque pour être entendue par-dessus les acclamations et
gémissementsdesautrespersonnesautourdelatable.
CecasinodeMoscoureprésentaittoutcequeTrisharêvaitd’uneaventure.Lesplafondshauts
étaientcouvertsdegravuresornéesrecouvertesdefeuillesd’or.Desdraperiesopulentespendaientdu
plafond jusqu’au sol. Les sols étaient enmarbre serti de joli quartz rose.Et il y avait des joueurs
russescanonàchaquetable.Cetendroitétaitunparadispourétudiants.
MinkapoussaTrishasurl’épaule.«Cemeclà-bas.Iltemate.T’avaisremarqué?»
IlfallutaucerveaubaignédeplaisirdeTrishaquelquessecondespourtraduirelesmotsdesa
nouvelle amiedu russe à l’anglais.Puis elle lançaun regardhésitant dans ladirectionpointéepar
Minka.
«Non!»Trisharetintsonsouffle.«Wow.Ilal’airsérieux.»
«Mais il est canon. Ça vaudrait la peine de s’approcher et lui sourire, tu ne crois pas ? »
demandaMinkatimidement.
Trishasouritàsonamie.«Facileàdirepourtoi.Tuesmagnifique.»Contrairementaulook
rouquinstéréotypédeTrisha.
«JeressembleàtouteslesfillesdeMoscou.»Minkalevasesyeuxbleusauciel.
Avecseslongscheveuxblonds,sapeaupâleetsasilhouettesvelte,Minkaressemblaitbienàla
moitiédesfemmesdeMoscou.L’autrecinquantepourcentsde lapopulationféminineétaitbruneet
jolie.DecequeTrishaavaitpuvoirjusqu’alors,lepaysentierétaitremplidefemmesmagnifiques.
«Viens.»MinkacommençaàtraînerTrishadanscettedirection.«Allons-y,maintenant!»
«Oh,d’accord!»Trishagloussaetrécupérasesjetonssurlatablepourlesverserdanslepetit
sacenveloursqu’elleavait reçudanscebut.«Maisquandilsefoutrademoi, je teblâmeraipour
ça.»
Trishalissalajupedesarobenoirecoquine.
Minkahochalatêteavecapprobation.«Cetterobetevasuperbien.»
«Vraiment?Parcequejepensequedépenserlerestedemonallocationvestimentairesurune
seulerobeétaitunemauvaiseidée.»Trishasoupira.«Jen’aipasenviederetourneràClevelandce
week-end.JepréfèreraisresteràMoscou.»
«AumoinstunevispasenSibérie,»plaisantaMinka.«Jedoisrentrerchezmoidansun
villageminusculeoùtousleshommesmesontapparentés.»
«Tuasraison.»Trishalevalesmainsensignedereddition.«Tuasgagné.»
Lesdeuxfemmesfaisaientexprèsdesemontrerdramatiquesetcoquettestoutens’approchant
deleurcible.Plusellesserapprochaient,plusTrishadevenaitfascinéeparlemecquisetenaitdebout
prèsdesdraperies.Ilsemblaitregarderl’ensembledelasallecommeunroientraindesurveillerson
royaume.
Minkacommençaàjurerenrusse,safluiditédanslalanguerendantlatâchedelacomprendre
impossiblepourTrisha.Elleparlaitdufaitquelemecavaitl’airdélicieux,etc’étaitcertainementle
cas.
PuisellepoussaTrishaducoude.«Iltedévisagetoujours.Regarde!»
Toutcequitouchaitàcethommeétaitsombre.Ilétaitgrand,ellelejugeaitàplusd’unmètre
83. Il portait un costumenoir fait surmesure et impeccable.Desboutonsdemanchette endiamant
scintillaientàsespoignets,etlachemiseenlinqu’ilportaitmoulaitsesabdos.Maiscen’étaitpasle
costumeoulafortuneévidenteannoncéeparsamontreincrustéedejoyaux.Ilyavaitquelquechose
d’indéniablementpuissantàproposdecethomme.
Ses yeux étaient foncés, comme des bains de minuit dans son visage ciselé. Son regard fit
fourmiller la peau de Trisha. Elle avait l’impression qu’il l’avait touchée sans faire contact. Il ne
souritpas.Seslèvresrestèrentpincées.Maisellepouvaitfacilementimaginerunsouriresensuelse
dessinersurseslèvres.Sesyeuxfoncésscintilleraient,etTrishasavaitqu’ellefondraitdel’intérieurà
l’extérieur.
Minka saisit Trisha par le bras. « Il me fait mouiller, et je ne lui ai même pas adressé la
parole,»murmura-t-elleavecferveur.
Trishaneputs’enempêcher.Elleéclataderire.Audiablelemystérieuxet lesexy.Cen’était
apparemmentpasdanssanatured’êtreaguicheuse.Sesentantaudacieuse,ellelançaàl’inconnusexy
undesesplusbeauxsourires.Pasunsouriredragueur.Pasunsourire‘viensmecroquertoutcru’.
Justeunsourireauthentique,désinhibé,pourvoirsiellepouvaitluifaireperdresonsang-froid.
Àsagrandesurprise,illuirenditsonsourire.
EllefaillittrébucherettomberàgenouxtandisqueMinkaetelledépassaientl’étranger,debout
prèsdelabaievitrée,encheminverslestoilettesdesdames.
«Purée,»soupiraTrisha.
Elleavaiteuraison.Lesourireavaittransformésonvisageenquelquechosed’angélique.Ses
yeuxbrillaientcommes’ilpensaitconnaîtresonplusdélicieuxsecret.Lacourbelégèredesabouche
étaitaccueillante.EtTrishasentitsoncorpsentierréagirenseraidissant.
Enfin,Minkaetelledépassèrentl’objetdeleurtentation.Ellesefaufilèrentdanslestoilettesdes
femmes. Trisha éventa sa main devant son visage comme pour se débarrasser des bouffées
d’embarrasetdedésir.Çaavaitététrèsamusant,mêmesirienn’enressortiraitjamais.
«OK,»commençaTrisha,passantàl’anglaispourpouvoirdireexactementcequ’ellepensait.
«Cemecestépoustouflant!Sérieux!Ilal’aird’undieu!»
Minka gloussa. Elle se regarda dans lemiroir quelques secondes avant de sortir un tube de
rouge-à-lèvredesonsac.«Ah.Onauraitditl’hommedemesrêves.Tunecroispas?»
«J’aifréquentéquelquesmecsenAmérique,»songeaTrisha.«Maisjepeuxt’assurerqueje
n’aijamaisvuquelqu’und’aussicanon.Jemedemandequic’est.»
Les deux jeunes femmes se rendirent compte aumêmemoment qu’elles n’étaient pas seules
dans les toilettes. Dans le coin le plus éloigné du salon des dames se trouvait une femme si
sophistiquéequeTrishasesentitpresquemaladed’envie.Une‘bombeblonde’étaitunedescription
appropriée.Desjambesdeplusieurskilomètresdelong,unerobeargentéemoulantequidévoilaitses
cuisses,unebonnepartiedesondoslisseetungénéreuxdécolleté,etlafemmeavaitunvisagemince
quiressemblaitàceluid’unmannequin.
«Ridicule!»déclara-t-elleenrusseàl’accentprononcé.Elleseremitdebout,balayantMinka
etTrishad’unregardmoqueur.«Vousparlezdechosesdontvousnesavezrien.»
Trishafronçalessourcils,sedemandantcequ’ellesavaientfaitpourmériterlacolèredecette
femme.Elle pensa auxmots qu’elle voulait lui répondre en russe. «Les gens parlent de ce qu’ils
ignorent pour pouvoir apprendre. Ou ils peuvent choisir de rester en colère et ignorants comme
certainsautres.»
La femme comprit de suite à qui Trisha faisait référence. Elle se raidit tant que Trisha
s’attendait presque à entendre ses vertèbres craquer. « Cet homme dont vous parlez avec un tel
manquederespectestAnatolyZaretsky.»
«Ok.»Trishapinçaleslèvresethochalatête.«Mercipourleconseil.»
«Espèced’idiote!»Lafemmereniflapresquedélicatement.«C’estlepropriétaireducasino.»
Minkapoussaunpetitcri.
« Je vois quequelqu’un comprend. »La femme se retourna et sortit des toilettes des dames
commesielleétaituneprincesse.
« C’est important ? » demanda Trisha à son amie. « Bien sûr qu’un propriétaire de casino
traîneraitdanslesparages.C’estsondomaine.Ilveutsavoircequ’ils’ypasse.»
«Oui,»réponditMinkaprécipitamment.«Maiscecasinoappartientàlamafia.»
Trishaétaitcertained’avoirmalcompris.«Pardon.Qu’est-cequetuasdit?»
ANATOLYSEDEMANDAOUBiankas’enétaitallée.Nonpasqu’ils’ensoucievraiment,mais
il était fatigué,etpuisqu’il avaitacceptéde l’escorterpour la soirée,çavoulaitdirequ’ildevait la
ramenerchezelle.Ilétaitplusqueprêtpourlarameneràsonappartementetrentrerchezluipouren
finiraveccettesoirée.
«Monsieur?»Fyodrs’approchaitdeladirectiondelasalledesécurité.
En tant que chef de la sécurité des casinos d’Anatoly, Fyodr quittait rarement son antre. Ça
voulaitdirequ’ilyavaiteuunincidentetqu’Anatolynepourraitpasrentrerchezluidesitôt.
Ilsoupira.«Rapport?»
«Ilyaeuunincident.»
‘Incident’signifiaitquequelqu’unavaitfraudélamaison.
Anatolylevaunsourcil,surpris.«Vraiment?»
«Oui.Ungrouped’étudiantsde laMoscowAcademyqui jouaientà la roulette.Avantça, ils
étaientaublackjack.Quelqu’uncomptaitlescartes.Onl’asurvidéo.»
« Amène-les moi. » Anatoly se frotta le visage, se sentant fatigué et de mauvaise humeur.
«Dansmonbureau.Toutlegroupe.»
«Oui,monsieur.»
Bianka le rejoingnit juste quandAnatoly s’apprêtait à se rendre dans son bureau au dernier
étagedel’hôtelattenantaucasino.Sonapparitionnefitquel’irriter.Siellen’avaitpaspassétantde
tempsàseremaquillerdans les toilettes, ilsauraientpuêtreenrouteet iln’auraitpasdûgérercet
incident.
«Oùétais-tu?»demanda-t-il.
Elle haussa un sourcil élégant de surprise. « Baisse d’un ton quand tu me parles, Anatoly
Zaretsky.»
«Etarrêtedemeprovoquer.»Ilplissalesyeuxdanssadirection.«Frederickvateramener
cheztoi.»
« Quoi ? » Elle avait l’air véritablement furieuse. L’expression transforma son visage
habituellementbeauenquelquechosedevraimentmoche.«Tuavaispromisdem’escorter.»
«Etmaintenantj’aidesproblèmesàrégler.»
Ellefitlamoue.«Tum’asignorétoutelasoirée.Etpuisj’entendsdeuxjeunesfemmesdansles
toilettessoupirantausujetdetabeautéetdufaitquetuleurassouri.»
«Cen’estpasvraimentuneraisonpourpiquerunecrise,si?»Ilnepritmêmepaslapeinede
cachersonirritation.«Lesdeuxjeunesfemmesdont tuparlesm’ont justedépassé.Jene lesaipas
encouragées. Je ne leur ai même pas adressé la parole. De quoi m’accuses-tu ? Parce que je te
rappelleque je suiscélibataire,etque jepourraisbaiser toutes les femmesdanscecasinoetçane
seraittoujourspastesoignons.»
Biankaretintsonsouffle,choquée.«Jamaistuneferaisça!Tuasacceptédem’épouser!»
«Non.»Ilsedemandaitvraimentpourquoiellepersistaitdanscetteillusion.«C’estfaux.Ton
pèrem’aapprochéàcesujet,etsijemesouviensbien,j’airefusédemanièrecatégorique.»
«Mais lesZaretskyet lesSokolovdoivent s’allier s’ilsveulentprospérer àMoscou !Tune
peuxpasnoustournerledos!»
«Ettun’utilisessûrementpasçacommemoyendepressionpourmeforceràt’épouser,»dit-il
d’untonsuave.«Tuneveuxpasd’unhommequiveuilleêtreàtescôtésparcequ’ilt’aimebien?»
«Tum’aimesbien.»Elleposaunemainsursonépauleets’approcha.Ilavaitdumalàrespirer
outrel’odeurécrasantedesonparfumdanssonnez.Maisellen’enavaitpasfini.Ellesemitsurla
pointedespiedseteffleurasajouedeseslèvres.«Tusaisquetuasenviedemoi.»
«En vérité, non. » Il la fit dégager. Saisissant sesmains, il tenta d’être doux en l’éloignant
délibérémentde sonespace.«Tuesunserpent. Jen’imaginepascomment jepourrais savourer ta
viscositédansmonlit.»
«Enfoiré!»Reculant,elletentadelegiflerauvisage.
Anatolyattrapasamain,latenantfermementdanslasienne.«Personnenemefrappe,Bianka.
C’étaittadernièreerreur.Jemefichedequiesttonpère.Mêmesitudevraissavoirquelevieillard
serait vraiment honteux de ton comportement. Aumoins, lui sait comment une femme devrait se
comporter.»
Ilclaqualesdoigtsversl’undesesagentsdesécurité.
L’hommesursauta,maisserapprochaavantd’inclinerlatête.«Monsieur?»
«Mercid’escorterMlleSokolovàlasortieducasino.Ellen’estpluslabienvenue.Demandeà
Frederickdelaramener,s’ilteplait.»
Une autre révérence, celle-là accompagnée d’un froncement de sourcils tandis que l’agent
absorbaitlarequête.«Ouimonsieur.Toutedesuite,monsieur.»
Anatoly observa Bianka quitter le casino de manière théâtrale, et n’avait jamais été plus
heureuxdevoirquelqu’unpartir.
Àprésent,s’occuperdes imbécilesd’étudiantsquipensaientpouvoir l’escroquer.Lesgamins
avaientsouventbesoind’unepetiteleçondevie,etilétaitplusqueravidelaleurfournir.
ChapitreDeux
«Qu’est-cequ’ilveutdirepartricher?»murmuraTrishaàsonamie.
Minka semblait figée par la peur tandis que leur groupe attendait dans unbureauopulent au
dernierétagedel’hôtelducasino.Trishaétaitperplexe.LerestedugroupeétaitnatifdeRussie,sauf
pourungarçonallemandquifaisaitunéchangescolaire.CommeTrisha,ilsfaisaienttouspartied’un
programme d’étude de laMoscowAcademy. Trisha était venue terminer la composante d’histoire
russedesondiplômed’art.Lesautresétaientlàpourtouteunevariétéderaisons.
Etmaintenant,ilsétaienttousenfermésàl’intérieurd’unbureauparcequelegérantducasino
affirmaitqu’ilsavaienttriché.
Trishanecomprenaittoujourspas.«Jen’aipastriché.Pourquoisuis-jeici?»
«Chut,»soufflaMinka.«Tais-toi.Neparlepas.Sionadelachance,ilsnouslaisserontaller
avecunsimpleavertissement.»
«Quelqu’un a appelé la commission du jeu, c’est ça ? » Trisha avait entendu parler de ces
chosesdanslessériesaméricaines.
«Lacommissiondujeu?»Minkafronçalessourcils.«Qu’est-cequec’est?»
«Ungenredeflicsdecasinos,»expliquaTrisha.
Mishaéclatad’un rire sombre.«OnestàMoscou.Dansuncasinoquiappartientà lamafia.
Aucunservicedepoliceneviendraitfairechierlamafia.Cesontunpeudesrois,ici.»
«Oh.»Trisharetombadanslesilence.
Elledéglutitetsedemandas’ilétaittempsd’envoyerunmessageàsonpère.Ilétaitundétective
deCleveland.Dugenretrèsprotecteur.Etc’estcequilafaisaithésiteràdemandersonaide.Sielle
foiraitmaintenant,elleauraitdelachanced’êtreautoriséeàsortirdechezelleavantsesquaranteans.
Soudain,lesdoublesportesmagnifiquementornéess’ouvrirentetunhommeentra.C’étaitbien
évidemmentcemec,AnatolyZaretsky,quelapétasseblondeavaitprésentécommelepropriétairedu
casino.Iln’avaitriendemignonàprésent.Ilétaitplutôteffrayant.
Trisha serra les poings pour s’empêcher de trembler. L’homme la dévisageait toujours.
Pourquoi ? Ne devait-il pas se concentrer sur la personne qui avait vraiment triché ? Pas que
quiconqueaitavouéquoiquecesoit.Petitsconnards.
«Alors,»commençaAnatoly.«Toutlemondeparlelerussecouramment?Ouest-cequeje
doismerépéterenanglais?»
«Onleparletouscouramment,»ditl’undesgarçonsd’unevoixpleinedebravade.
Anatolyacquiesça.«Bien.Alorslaissez-moiallerdroitaubut.Notreéquipedesécuritévousa
filméentraindetricherauxtablesdeblackjack.»
«Qui?»demandal’allemand.«Qu’ilsoitséparédugroupe,etlaisseztouslesautrespartir.Je
doisrentreràBerlindemain.»
« Ce n’est pas si simple, » répondit calmement Anatoly. « Dansmon casino, tous ceux qui
soutiennentuntricheursontconsidéréscommedesassociés.»
Unedesautresfillessetordaitlesmains,l’airtellementeffrayéequ’ellesemblaitprêteàéclater
ensanglot.«Maisonn’arienfait!Onnesavaitpasqu’ilyavaituntricheur!»
ANATOLYOBSERVAL’AMERICAINE.Commentaurait-ilpus’enempêcher?Sonsang-froid
étaitincroyable.Sesamisétaientpratiquementfigésparlapeur,maisellesemblaitpresqueennuyée
par toute cette procédure. Il l’avait remarquée dès qu’elle avaitmis le pied dans son casino. Il ne
voyaitpassouventdefemmesquiluiressemblaient.Avecsescheveuxrouxcourtsetbouclés,sapeau
pâleetsesyeuxvertsbrillants,elleétaituniquedanscettemerdeblondes.
Il s’adressa enfin à elle, la démarquant spécifiquementmême si elle se tenait à l’arrière du
groupe.«Ettoi?Tun’asrienàdireàproposdececrimequetuascommis?»
«Jetrouveçaridiculed’êtreaccuséed’uncrimesanspreuvesquej’aiefaitquoiquecesoitde
mal, et sans rien savoir de cet incident. Apparemment, dans ce pays, c’est normal d’être reconnu
coupableparassociation.Etdanscecas,jetrouveçaassezhypocritedevotrepartdenouspointerdu
doigt.»
Anatoly réprimadifficilement sonéclatde rire.Sescompagnonss’éloignaientd’ellecomme
s’ilsavaientpeurqu’elleleurvalleàtousungenredepunition.
Anatoly rassembla ses pensées, prit un air impassible tout en ayant l’air aussimenaçant que
possible.«Tuosesmecontredire?»
«Quelqu’undoitbienlefaire,»rétorqua-t-elle.«Sinon,onvatousseretrouverenprisonpour
lecrimed’unseul.Jenesaispaspourlesautres,maisjetrouveçatristedepenserquelecriminelde
notregroupenesesoitpasidentifié.»
«Etsilecrimineln’étaitpasunhomme?»murmuraAnatoly.«Etsijedisaisquelecriminel,
c’étaittoi.»
«Alorsvousseriezentraindementir.»
«Tumetraitesdementeur?»Ilétaitdélicieusementchoquéparsatémérité.
Elleplissasesyeuxverts,etposalesmainssurleshanchesdansungested’irritation.«Jene
voustraitepasdementeur.Jedisjustequevousmentezàproposdecetincident,parcequejen’aipas
triché.Jenesauraismêmepascomment.»
« Vous pouvez tous sortir. » Anatoly fit un geste vers ses hommes, qui commencèrent à
regrouperlerestedesétudiantshorsdesonbureau.«J’aitrouvémoncriminel.Jem’occuperaid’elle
enconséquence.»
Il remarquaque lablondequ’il avaitvueplus tôt avec la rousseenflamméeavait l’airde se
sentirmal.Lesdeux jeunes femmess’étreignirent.La roussechuchotaquelquechoseà l’oreillede
sonamie.Lafilleacquiesça.Unaccord,peut-être?Quesedisaient-elles?PourquoiAnatolyétait-il
tellementobsédéparcettequestion?Riennel’affectait.Ilpouvaitfairecequ’ilvoulait.Lapolicede
Moscouneluirefuseraitrien.
TRISHA N’AVAIT JAMAIS été si terrorisée de toute sa vie. A quoi voulait donc jouer cet
homme ? Si l’incident de fraude avait été filmé, alors il savait très bien que Trisha n’était pas
coupable. Pourquoi avait-il menti ? N’était-ce pas illégal ? Elle avait déjà demandé à Minka de
contacter l’Ambassade Américaine. Si elle avait de la chance, un peloton complet de marines
envahiraitl’endroitpouremmenerTrishaensécurité.Maispourl’instant,elledevaitfairepreuvede
prudence.
Les portes doubles se refermèrent. Le son était doux, et pourtant, sa signification était de
mauvais augure. Trisha se retrouvait seule avec cet homme qui dégageait un genre de puissance
impitoyablequ’ellenepouvaitpasdéfier.
«Alors.»AnatolyZaretskyseretournapourluifairefaceavecunsourireglacial.«Etsion
papotait.»
«Jesuisunecitoyenneaméricaine,»dit-elleavecraideur.«J’aidesdroits.»
Trishasesentaithorriblementexposée,enpleincentredelapièce,devantlebureaud’Anatoly.
Çan’avaitpasétésimalaveclerestedugroupe.Maismaintenantellesesentaitvulnérableetassez
nerveuse.Elleavaitàpeinelulasectionlégaleconcernantsonprogrammed’échange.Pourtant,ily
avaiteudesprospectusetdessitesinternetdédiésauxdroitsdescitoyensaméricainssurlesolrusse.
Trishanes’ensouvenaitquevaguement.Ilneluirestaitqu’uneseuleoption.Lebluff.
«Ahoui,machèrecitoyenneaméricaine.»Ilnefaisaitaucundoute:Anatolysemoquaitd’elle.
Illevalessourcils,etlecoindesabouchesetorditenunrictus.«Quelsdroitspenses-tuavoirdans
moncasino?Surtoutsituasétésurpriseentraindetricher.»
«J’ailedroitdecontactermonambassade.Vousnepouvezpasmereteniricicontremongré.
Vousdevezmeremettreàlapolice.»
«Non.»Ilsecoualatêtepresqueimperceptiblement.«Jenedoispas.»
Cet hommeémerveillaitTrisha.Elle ne put détourner le regard lorsqu’il déambula vers son
bureau et s’affala dans sa chaise. Il avait l’air d’un prélat romain paresseux. Il prit un stylo et
commençaàletapersurlebureau.Lebruitlarendaitfolle.Ilfinitpararrêter,etellefutcapabledese
concentrerànouveau.
Ilinclinalatêteetfitsigneverslaporte.«Lapolicerusseest–commentdirait-onenAmérique
–dansmapoche.Ilsfontcequejeveux.JesuislaloiàMoscouquandjeleveux.»
«C’estméprisable,»murmura-t-elle.«Alorsvousfaitesçaexprès.Voussavezbienquejen’ai
rienfait.Maisvousvoulezjoueravecmoi?Pourquelleraison?Pourquoiferiez-vousça?»
Ilsemblabrièvementdécontenancé.«Parcequejelepeux.»Ilhochalatête,sescheveuxfoncés
étaientsexyetébourifféscommes’ilvenaitdesortirdulit.
Trisha se châtia de penser à ce genre de chose. Pourquoi se souciait-elle de savoir à quoi
ressemblaitAnatolyZaretskyausautdulit!Elledétestaitceconnard!C’étaitunvraienfoiré!
Elleinspiraàfond.Restecalmeetrationnelle.«M.Zaretsky,jenesaispascequej’aifaitpour
mériter cette animosité, mais soyez assuré que c’était tout à fait inconscient. Mon vol décolle de
Moscoudemain,etjedoisvraimentêtreàsonbord.»
POURUNERAISONqu’il ne comprenait pas, l’idéequeTrishaquitteMoscou le lendemain
étaittoutàfaitinacceptableauxyeuxd’Anatoly.Ilneparvenaitpasàdécidercequil’irritaittant.Ilne
connaissaitpasTrishadutout.Elleétaitmagnifiqueàsamanièretoutàfaitunique.C’étaitévident.Il
auraitpusimplementl’inviterchezluipourlanuitets’encontenter.Maisilnepouvaitpasimaginer
une femme comme Trisha accepter ce genre d’invitation. Donc il devait rendre les enjeux plus
importants.Unefoisqu’ill’auraitcomprise,ildépasseraitcetengouementétrange.
«Vousserezretenueici,»annonça-t-il.
Ellepoussauncri.«Pardon?»
«J’aiparléenanglais.Vouspréférezquejevousparledansuneautrelangue?»Ilsavaitqu’il
étaitarrogant,maisilneparvenaitpasàs’empêcherdelataquinerunpeujustepourvoirsaréaction.
Sonespritlefascinait.
«Oh,j’aibienentendu.Etj’aicompriscequevousavezdit.»Elleposaunemainsursahanche
etlefusilladuregard.«C’estjustequej’aidumalàimaginerquevoustrouviezçanormalderetenir
unefemmecontresongrépoursatisfairevotresoifdepouvoirdegangsteràlanoix!»
Cette fois-ci,Anatoly ne put retenir son rire. Il éclata d’un rire profond qui résonna sur les
murs de son bureau et rameuta deux gardes qui enfoncèrent sa porte, paniqués. Il fit signe à ses
hommes.Ilsleregardèrentcommes’ilavaitperdulatête.C’étaitpeut-êtrelecas.Ilavaittoujoursdu
malàsecontenir.
«Voustrouvezçadrôle?»demandaTrisha.«Jesuisparfaitementsérieuse!Vousêtesmalade!
Cen’estpasjuste.Vousnepouvezpasmeretenirici.»
«Jevaismegêner!»répliquaAnatolyenreniflant.«Turesterasicisousmagardependant
unesemainepourremboursertoncrime.»
«Pour remboursermon…»Elle eut l’air horrifié. «AunomdeDieu !Vous avezperdu la
boule?Mesparentsvontêtredanstousleursétats!»
«Non.»Anatolyhaussalesépaules.«IlsvontrecevoirunappeldelapolicedeMoscoupour
leur dire que tu as été prise sur le fait en train de tricher dansun casinode lamafia.Ça suffira à
expliquertapeine.»
AnatolydevaitavouerquesilabravadedeTrishaservaitd’indicateur,sonpèreétaitsansdoute
uneforceànepasprendreàlalégère.Maisils’enfichait.Sonpèreétaitàunmilliondekilomètreset
àunocéandedistance.Trishaétaitpiégéedanssonbureau.
«Quelqu’unvat’emmenerdanstonnouveaulogement.»Anatolysereleva,neprenantpasla
peinedeprononcerunautremotavantdequittersonbureau.
Ils’arrêtadanslecouloir.«Ilyaunefemmeàl’intérieur,»dit-ilàYakov.«Enferme-ladans
unedemessuitesd’invités.»
«Patron?»Yakovneputcachersasurprise.
Anatolyrecourbaleslèvres,montrantàseshommesqu’ilferaitleschosesàsamanière.«Fais-
le.»
L’argument s’arrêta là, etAnatoly en fut ravi. Il n’avait pas vraiment de raison sensée pour
justifierseschoixactuels.Maisileninventeraitunebientôt,etc’étaittoutcequiimportait.
ChapitreTrois
«Vousnepouvezpasmeretenir ici !»criaTrisha,martelant laporteàchaquesyllabepour
soulignersacolère.«Enfoirésdemafieuxrusses,vouspouveztousallerenenfer!»
Evidemment, les deuxgorilles qui l’avaient poussé dans cette prison-palais ne prirent pas la
peinedeluirépondre.Queluiarrivait-il?C’étaitunpeucommeunescènedefilmdesérieB.
Elles’éloignadelaporte,inspirantàfondpourtenterdecalmersacolère.Çaneluiserviraità
rien de perdre la tête comme ça. Elle devait rester calme, rationnelle et concentrée.À unmoment
donné,cetAnatolyferaituneerreur,etellel’attendraitautournant.Elles’enfuiraitpourserendreà
l’AmbassadeAméricaine.Puis elle rentrerait chez elle.Elle n’avait rien fait demal.EtAnatoly ne
pouvaitpasprouverlecontraire.
Pivotant lentement en cercle au centre de la pièce, Trisha tenta d’avaler tout ce qui lui était
arrivé.Ellen’avaitjamaisvudechambrepareillesaufaucinéma.Lesplafondsàcaissonsde6mètres
dehautétaientincrustésd’oretd’azur.Lesolétaitcouvertd’untapismoelleuxsiépaisqu’elleavait
l’impressiondemarchersurunnuage.Le litàbaldaquinsétaitentourédedraperies.À traversune
porte, elle pouvait voir une salle de bain qui semblait tout aussi somptueuse. C’était comme être
enferméedanslatourd’uneprincesse.C’étaitpeut-êtremagnifique,maisçanechangeaitrienaufait
quec’étaituneprison.
Trishaeffleuraduboutdesdoigtslasurfaceimmaculéedelapetitetabled’écriture.Pourquoi
Anatoly avait-il une pièce comme celle-ci ?Était-ce une habitude pour lui de prendre des femmes
otage?Ellen’avaitpasencoreconsidérélapossibilitéqu’illaforce.Ouqu’ilessayedelaforcer.
«Commesij’allaisécarterlesjambessansriendireetlelaisserfaire!»renifla-t-elle
Maissontraîtredecorpspourraitlepermettresansqu’ellepuisserefuser.Mêmesiellevoulait
ledétester,cetenfoirél’attiraitquandmême.
Quelqu’untoquaàlaporte.
Elleseretournaetcherchaquelquechose–n’importequoi–qu’ellepourraitutilisercomme
arme.Au final, ellene trouva rien.Elledut se contenterde tirer la chaisede sous l’écritoire etde
l’utilisercommebarrièrevisuelleentreelleetlaporte.
Anatolypassalatêtedanslasuite.Lesouriresursonvisageprétendaitqueriennes’étaitpassé.
C’était toutaussiétrangequ’irritant.«Tuas toutcequ’il te faut?Cettepièceestassezconfortable
j’espère?»
«Tuasoubliédeprendretesmédocs?»grondaTrisha.«Jesuis tenueprisonnièreet tume
demandessij’aitoutcedontj’aibesoin?»
«J’essaiejusted’êtrepoli.»Ileutleculotdeparaîtrevexé.«Pasbesoind’êtregrossière.»
ANATOLY OBSERVA L’INDECISION qui planait sur les beaux traits de Trisha. Ses joues
étaientrosiesparlacolère.Elleétaitencoreplusattiranteenétantagacée,sic’étaitpossible.Celadit,
iljouaitunjeuavecelle.
«Grossière,»dit-ellelentement.«Tum’accusesd’êtregrossièrealorsquetum’enfermessans
raison?»
«TuasgagnéuneautresemainegratuiteàMoscou,»dit-ild’untonléger.«Jesuissûrquecet
endroit est bienplus sympaque tonhôtel. »Ellene commentapas. Il considéra ça commeunbon
début.«Etsitutecalmaisetquetuappréciaiscesvacances?»
«D’accord.Sicesontdesvacances,laisse-moiappelermafamille.»
« Jenepensepasqueça soitungeste intelligentdemapart. »Sa ténacité était admirable. Il
voulaitjustequ’ellecomprennequ’elleétaitégalementfutile.
«Tuasfaim?»demanda-t-ild’untondécontracté.«Jemangehabituellementàcetteheure-ci.
Tejoindrais-tuàmoipourunrepassurlaterrasse?»
«Mangerensemblecommesionétaitdesamisquipartagentunrepas?»Elleagrippaitledos
de la chaise devant elle. Ses jointures étaient blanchies par la force qu’elle appliquait dessus. « Et
pourquoiferais-jeuntrucpareil?»
Anatolyhaussanonchalammentdesépaules.Illaconsidéraitcommeunanimalsauvage,qu’il
seréjouissaitvraimentdedompter.«Commelaplupartdesêtreshumains,tuasbesoindemanger.Je
suis aussi un êtrehumain.Doncc’est logiquequ’onmangeensemble, non?Si tuveux, jepeux te
faireapporterunplateaurepas.Maislavuedubalconestvraimentbelledenuit.Tuaimeraispeut-être
lavoir.»
Ilpouvaitvoirqu’ilavaittouchéunecordesensible.Commelaplupartdesanimauxsauvages,
Trishaaspiraitàl’extérieur,àl’odeuretaugoûtdelaliberté.Mêmesicen’étaitquepourquelques
minutes,ellenerefuseraitpas.
«D’accord.»Ellepinçaleslèvresetluilançaunregarddedégoût.«Maisçanechangerienau
faitquejesouhaitetamort.»
«Biensûr.»Ilneprenaitpascettemenacesérieusement.
Anatolynedoutaitpasquesil’occasionseprésentait,Trishapuissebiensedéfendre.Maisson
comportement était mal placé. Anatoly avait beaucoup d’expérience en matière de violence. La
violencebourgeonnanteavaitquelquechosedesinistre.Trishaéprouvaitunecolèreimpuissante.Ce
n’étaitpaspareil.
«Trèsbien.»Anatolyouvritlaporte.«Joins-toiàmoisurlaterrasse,MlleTrisha.»
«Copeland,»dit-elleàvoixbasse.«MlleCopeland.»
«TrishaCopeland,»répétaAnatoly.«Çameplais.»
ElleémitunsontrèspeufémininquirappelaàAnatolylebruitd’uncochonreniflanttouten
roulantdanslaboue.«Commesijemesouciaisdecequetupensaisdemonnom.»
TRISHASAVAITQU’elleprenaitunemauvaisedécision,maisellecrevaitdefaimetenavait
marre d’être enfermée dans cette putain de chambre. Elle suivit Anatoly dans le couloir. Ils
dépassèrentlesdeuxgorilles,etellerésistal’enviedeleurfaireundoigtd’honneur.Enréalité,ilsne
faisaientqueleurboulot.Ilsavaientchoisidescarrièresdemerde,maiscen’étaitpasleproblèmede
Trisha.
QuandTrishaavait été emmenéedans cet appartement au sommetde l’hôtel, ellen’avaitpas
vraimentfaitattentionàsonentourage.Elleavaitétéavecsesamis.Ilss’étaientregroupésets’étaient
rendusdelaported’entréeaubureaud’Anatolysansvoirgrand-chose.
Maintenant elle se rendait compteque sa suite n’était que le sommetde l’iceberg enmatière
d’opulence de l’endroit. Dans le salon, elle s’arrêta et fit un cercle complet pour absorber ses
environs.
«Mamaisont’impressionne?»
Son ton de voixmi suffisant,mi curieux fit se raidir Trisha. Elle ne pouvait pas cacher ses
réactions,maiselledétestaitamplifiersonégo.«C’estjoli.Jepensequec’estunpeuexagéré,mais
qu’est-cequej’ensais?»
«Unpeuexagéré?»Ilpinçaleslèvresetfitungestedelamainpourl’inviteràs’expliquer.
Trisharegardalesfenêtresdetoit,l’éclairageencastrédanslesplafondsvoûtés,lesrichestapis
Persansetl’immensecheminéeenverre.«C’estcommesicetendroitétaitd’uneopulenceextrême
justepourquetoutepersonnequientresoitimpressionnéepartafortune.»
«Cen’est pas ceque font tous les riches ?» Il ne semblait pas fier cette fois-ci. Il semblait
honnêtementcroirequ’ilénonçaitunesimplevérité.
Ellebaissalesyeuxdesdétailsdelapiècecaverneuseàl’hommequisetenaitaumilieu.Ilétait
sexy,puissantetdominantd’unemanièrequipouvait soit intimider, soit impressionnersuivantson
humeuretsesintentions.Pourquoisesouciait-ildetoutescesimpostures?Soupirantlentement,elle
tenta sans succès de ne pas semontrer curieuse au sujet de ses origines et de sesmotivations. La
vérité,c’étaitqu’AnatolyZaretskylafascinaitdemanièredangereuse.
«Alors?»insista-t-il.
Ellechoisit soigneusementsesmots.«Dansmonexpérience,ceuxquisont lesplus richeset
ontlesrichesseslesplusstablesn’ontpasbesoindesepavaner.Ilsviventsimplementleurvieselon
leurgoûtetleurconfortetsefichentbiendecequepensentlesautres.»
Anatolyrejetalatêteenarrièreetéclataànouveauderire.Elleétaitdéconcertée.Pourquoicet
hommeriait-il?Çaladépassait.Maisaulieudepenserqu’ilsemoquaitd’elle,elleeutlesentiment
qu’ilsavouraitl’humourqu’iltrouvaitdanssesparoles.C’étaitétrangementflatteurd’êtrecapablede
fairerireuntelhomme.
Ohoui,elleétaitvraimentdanslepétrin.
Trisha passa du salon à la cuisine.Elle était grande, avec un îlot central et des ustensiles de
gastronomequiauraientfaitgémirsamèred’envie.Unefoisencore,elleeutl’impressionquec’était
unemiseenscène.QuiétaitvéritablementAnatoly?
«Viens,»dit-il.«Lesoupernousattendssurlaterrasse.»
ANATOLYOBSERVALAprogressiondeTrishadanslepenthouseetsedemandapourquoiil
éprouvait ce sentiment de satisfaction étrange en voyant évoluer cette femme dans son espace
personnel.Ilpouvaitressentirsaprésencederrièrelui.Sarobenoiremoulantegalbaitchaquecourbe
de son corps athlétique. Il doutait qu’elle se rende compte à quel point elle bougeait de manière
sensuelle. La grâce de sa démarche, le balancement de ses hanches, etAnatoly sentait sa libido se
réveiller.
Maisildevaitéviterdepenseràçapourlemoment.
Ilfitcoulisserlesbaiesvitréesdonnantsurlaterrasse.«Joins-toiàmoi,s’ilteplait.»
La table avait été dressée pour deux avec une nappe blanche, des bougies et des assiettes en
porcelaine.Ilavaitdemandéaurestaurantdel’hôteldeleurpréparerundînerdesaumonbraisé.Les
platsétaientposéssurunchariotargentéàcôtédelatable,etunserveurenuniformeattendaitdeles
servir.C’étaitexactementcequ’ilavaitcommandé.
Trishachoisitunechaise.Avantqu’ellenepuisses’asseoir,illatiraetl’assitensemettantaux
petits soins. Puis il s’assit sur l’autre chaise, en face d’elle.Même cette distance était trop grande.
Malgrél’arômedélicieuxdelanourriture,ilpouvaitsentirlalégèreodeurfémininequisemblaitêtre
sonparfumnaturel.Vraiment,cettefemmeétaitunmystèrequ’ilvoulaitpercer.
«Ettuauraisévidemmentdînécommeçatoutseulsij’avaisrefusétoninvitation,c’estça?»
Ellehaussaunsourcil.
«Evidemment.»Quenon!Maisellen’avaitpasàlesavoir.Anatolyavaitplanifiécettesoirée
pourlaséduire,etledouten’avaitpassaplacedanssesplans.
«Duvin?»demanda-t-ilenlevantlabouteille.
Elleposaunemainsursonverre.«Jepensequejevaismecontenterd’eau.Ilvautmieuxrester
lucideencampantenterritoireennemi.»
«Commetuveux.»Ilhaussalesépaulesetseversaunverre.
Unhochementdetêteetleserveurplaçalessaladesdevanteux.Anatolylaregardaprendresa
fourchetteetseservirsansréserve.Sonanxiétécommençaàrefluer.
«Dis-m’enplussurtoi,TrishaCopeland,»amadoua-t-il.
«Moi?»Elleavalasabouchéedesaladeetlevalesyeuxverslecielnocturnesurplombantla
terrasse.«Tuagiscommesic’étaitungenrederendez-vous.»
«Peut-êtrequec’estlecas,»suggéra-t-il,justepourvoirsaréaction.
Elleavalaquelquesbouchéesdesasalade,àl’évidencepaspresséedeluirépondre.Anatolydut
lutterpourresterpatient.Ilavalaquelquesbouchéesdesoncôté,justepouroccupersabouche.
«JeviensdeCleveland,enOhio.»Elleroulauneépaule,etledécolletédesarobeluidonna
unebellevuedesonomoplatedélicate.«Jenesaispass’ilyagrand-chosed’autreàdire.»
Anatolycachasonsourirederrièreleborddesonverredevin.Trishanepensaitpeut-êtrepas
qu’ilyenavaitplus,maisiln’étaitpasdutoutd’accord.
ChapitreQuatre
Trishasentitlabrisenocturnefraîchesursesjoueschaudesetsedemandaquandcettesituation
avaitcomplètementéchappéàsoncontrôle.Ilétaittempsd’êtrefrancheenverselle-même.Elleavait
un rancard avec un gangster russe qui l’avait prise en otage en raison d’une fausse accusation de
tricheriedanssoncasino.Lasituationétaitrisible,maiselleétait lààrireetàsavourerlemeilleur
tiramisuqu’elleaitjamaisgoûté.
«Letiramisu,cen’estpasitalien?»taquina-t-elle.«Quoi,lesdessertsrussesnesontpasassez
bonspourtoi?»
Anatolysemitàrire.Quelquesverresdevinl’avaientdétenduunpeu.Dumoins,c’étaitceque
pensait Trisha. Il ne semblait plus voiler ses intentions. Il ne faisait que prendre du bon temps.Le
résultatétaitdévastateur.Sesyeuxsombresbrillaientetétincelaientdemalice,et lesanglesdursde
sonvisagesedétendaientenquelquechosed’encoreplusérotique.
«Ah, » répliqua-t-il d’une voixmusicale. «Nous avons de nombreux excellents desserts et
sucreries dans ce pays.Mais j’ai toujours eu un faible pour certainsmets. C’est pour ça que j’ai
engagéuncheffrançaisetunchefitalienpourtravaillerdansl’hôtel.»
«Trèssnob,»dit-elled’untontaquin.«Rienn’estplusclassqu’uncheffrançais.»
«Çasembleêtrelaperceptiondumondeentier,non?»
Trishaneputréprimersacuriosité.«Tupossèdesd’autreshôtels?»
«Da,»dit-il.Jusqu’alors,ilsavaientdiscutéenanglais.Ilparlaittoutàfaitcouramment,bien
qu’ilnesemblepasbiencomprendrecertainesexpressions.Ilpassaaurusse.«Jepossèdedeshôtels
dans lemondeentier. IcienRussie, j’enaideuxàMoscou,unàSaint-Pétersbourgetdeuxspasen
Sibérie.»
«C’estquoil’attraitdelaSibérie?»Trishaneputréprimerungloussement.«EnAmérique,
onpensequec’estunendroitdésoléoùlesgenssontenvoyésparpunition.»
«Enréalité,c’estassezmagnifique,etbienpluspeupléquedanslepassé.»
Trishadégrisa.EllepensaàMinka.Sonamieétaitprobablementmaladed’inquiétude,etTrisha
étaitlààrireetàflirterenmangeantdusaumonaveclecriminelquilamaintenaitprisonnière.
«Qu’est-cequinevapas,mapetite?»Saquestiondouceétaitunparadoxecompletàl’image
dugangstersanscœurqu’elles’étaitfaitedeluidanssatête.
Ledévisageantdanslafaiblelueurdeslampescochèresaccrochéesauxmursdebriquedela
terrasse,elletentaderéconcilierlesdeuxmasquesd’AnatolyZaretsky.Ilyavaitledirigeantstoïque
etpuissantd’uneorganisationqu’ellepouvaitàpeineimaginer.Puisilyavaitaussil’hommequiriait
devantelle.C’étaitunmecqui auraitpu facilement la séduiredansunbar,dansunclub,oumême
dansungrandmagasin.Ilétaitcharmant,pleind’esprit,grandcauseur,etétrangementsensibletouten
mêmetemps.
«Jenecomprendspas,»finitpardéclarerTrisha.«Tusemblesêtreunmecsupersympa.»
«Peut-êtrequejesuisunmecsupersympa.»Ilseradossaàsachaise,faisant tournoyerson
verreparlepied.
«Sic’estvrai,»dit-ellelentement,conscientequ’elleétaitsurlepointd’entrerenterrainminé.
«Alorspourquoitunemelaissespasrentrerchezmoidemain?»
L’ESPRIT D’ANATOLY REJETA cette possibilité avant même qu’elle ne l’ait terminée.
Pourquoi demanderait-elle une telle chose ? C’était ridicule ! La laisser partir ? Pourquoi ? Pour
qu’elle s’envole à desmilliers de kilomètres et le prive de ce sentiment étrange etmerveilleuxde
normalité?
Non. Il était temps de retourner les choses. « Et où irais-tu ? Tu sembles bien t’amuser. Je
comprends de notre conversation que tu as passé du bon temps à Moscou. En fait, tu sembles
t’ennuyerdetavieenAmérique.Pourquoinepasapprécierl’opportunitéquejet’aifournie?»
«Opportunité?»
Letonplatdesavoixauraitdûêtrelepremiersignequecetteconversationallaitmaltourner.
MaisAnatoly insista.«Oui.Je t’aidonnéuneopportunité raredevivredans le luxecomplet
pourdesvacancesétenduesdansunpaysquetuaimes.Jesuisenpositiondetemontrerplusquece
qu’uncircuit organisé le ferait.Onpourrait visiter desmusées, des endroits historiques, oumême
faireunpetittourdansundemesspassituveux.»
« Vacances. » Elle cracha le mot. Ses joues s’étaient empourprées, et il regarda avec une
horreurfascinéesonrougissementsepropagerverssoncouetsapoitrine.Mêmelesommetcrémeux
desesseinspleinsétaitdevenurose.«Tupensesquejedevraisêtreheureused’avoirperdumaliberté
etd’apprécierl’opportunitédeprendredesvacancesavecmongeôlier?»
Trisha se remit sur ses pieds si rapidement que sa chaise tomba en arrière.Elle trébucha en
s’éloignantdelatable,vacillantsurseshautstalons.Ellemarchad’unpasraideverslabalustradede
laterrasse.Lesgrandspiliersenpierreétaientassezsolides,maisAnatolysedemandasidanssonétat
actuel,elleneseraitpascapabledelesarracherdeleursocle.
«J’avaisraisontoutàl’heure,»gronda-t-elle.«Tuescomplètementfou!Pourquelleraison
voudrais-jeprendredesvacances avecunhommequivient tout justedem’accuserde tricherdans
soncasinopourpourvoirm’apprivoisercommeunanimaldomestique?»
Ilvoyaitsalogique,biensûr,maisiln’allaitpasleluidire.Seremettantdebout,ilserapprocha
d’elleenquelquesgrandesenjambées.Ellereculapresquecommesielleavaitpeurderecevoirdes
représaillesphysiquespoursesparoles.
Ça le rendit furieux. Quand avait-il jamais montré un penchant pour la blesser ainsi ?
Quelqu’und’autrel’avait-ilblessé?L’idéefitmoussersonsang.Ilvoulaitluimontrerqu’iln’avait
aucuneintentiondelablesser.Enfait,sesintentionsétaienttoutàfaitàl’opposé.
Lasaisissantparlataille,ill’attiraverslui.Lasensationdesescourbescontresoncorpsétait
exquise.Ilgémitpresqueauplaisirquibalayasessens.Sansluilaisserletempsdecomprendrecequi
sepassaitoude le repousser,Anatolyposa ses lèvres sur les sienneset captura sabouchedansun
baiserprofonddedominationtotale.
ILETAITENTRAINdel’embrasser,etTrishan’avaitpaslesmoyensdelerepousser.Qu’est-
cequine tournaitpasrondchezelle?Mais ilavaitsibongoût !Commentpouvait-ilavoirsibon
goût?Ellepassalesbrasautourdesanuqueettouchasescheveuxsoyeuxduboutdesdoigts.
Les lèvres d’Anatoly étaient plus que douces. Elle soupira, émettant un petit gémissement. Il
profitadesonétatconfuspourglissersalanguedanssaboucheetlafrottercontrelasienne.Trisha
futchoquéedesentirunegicléedemouilleentresesjambes.Enfait,ellefondaitcomplètementsous
lenombril.Toutcequi se trouvaiten-dessousétait en feu.Elle se tortillaunpeu,et lemouvement
pressasesseins fermesencorepluscontreson torse. Il laserraencoreplus,etses tétonsdurcirent
soussarobe.
Le frottement était à en mourir. Le tissu de son soutien-gorge en satin, de sa robe, de sa
chemisecontresesseinssensibleslarenditpresquefollededésir.Ellesentitsesmainsglisserpour
prendre ses fesses. Il les serraentre sesmains, et ellegémitune foisdeplus.Soncorps réagissait
pourluicommeilnel’avaitjamaisfaitpourunautre.Salisted’amantsn’étaitpaslongue,maiselle
n’avaitjamaisconnuquelqu’uncommeAnatolyZaretsky.
Cettepenséefutcommeunsceaud’eaufroidelancéàsafigure.Qu’était-elleentraindefaire?
Sedégageantdel’étreinted’Anatoly,ellereculapourtenterderetrouversessens.Oupeut-être
sonbonsens,quisemblaitavoircomplètementdérapé.
«Qu’est-cequienvapas?»Savoixétaitdouce,presquecâline.
Ellerefermalaportesursondésiretseforçaàrassemblersesesprits.«Cen’estpasbien.»
«Commentça?»
Ilétait tellementbeau.Ses lèvresétaientpleines,sescheveuxébouriffésparsesdoigts,etses
yeuxbrillaientdedésir.Ellepouvaitvoirsapassion.Peut-êtrequec’étaitçaleproblème?Ellen’avait
jamaisrienvudetelchezunautrehomme.Commentquelqu’undesifroidetmanipulateurpouvait-il
êtreaussiàl’écoutede…etbien,deça?Ledésirirradiaitdesoncorpscommedesvagues.Ellese
sentitdésiréepourlapremièrefoisdepuistoujours.
«Jevaisrentrerdansmachambre,»marmonna-t-elle.
Tournant les talons, elle s’approcha des baies vitrées et les ouvrit.À l’intérieur. Le long du
couloir.Lesgorillesétaienttoujoursdevantsaporte.Cettefois-ci,elleneréprimapassonbesoinde
leurdonnerdudoigt.Ellefitundoigtd’honneuràchacun,complètementinterloquéequandleurseule
réactionfutderetrousserleslèvresd’amusement.
Elleentradanssachambre,etclaqua laportesur lanuitquivenaitdesepasser.Elle irait se
coucher,etlelendemainmatinelleserappelleraitqu’AnatolyZaretskyétaitsonennemi.Mêmesison
corpsnesemblaitpasêtred’accord.
ANATOLY SENTIT LA déception se mêler à la satisfaction jusqu’à ce qu’il se mette à se
sourireàlui-mêmesurlaterrasse.Ellel’avaitbiensouslapeau.Enfait,ilensavaitplussurTrisha
qu’ellenesembleensavoirelle-même.Cettefemmeétaitlapassionincarnée.Lapremièrefoisqu’il
l’avaitvuedanslecasinocesoir-là, ilavaitsuqu’elleseraitunetentatriceaulitpourl’hommequi
sauraitprendreletempsdel’yconduire.Ilsuffisaitqu’ilcontinueàjouersonjeujusqu’àcequ’illa
convainquedeselaisseralleràcequ’ellevoulaitvraiment.
«Patron?»LavoixdeYakovréveillaAnatolydesonrêve.
Seretournant,illevaunsourcil.«Oui?»
«Lecommissaireestlàcommetul’asdemandé.»
«Merci.Fais-lesortir.»
«Sortirici?»Yakovlevaunsourcil.
C’était la seconde fois que l’homme semblait remettre en question ses petites déviations de
routine.Anatolyétait-ilvraimentsiprévisible?Sic’étaitlecas,ilallaitdevoirfairequelquesefforts.
«Oui,»ditAnatolyenvoilantàpeinesonexaspération.«C’estcequej’aidit,non?»
«Ouiboss.Toutesmesexcuses.»Yakovinclinalatêteensignederespectetdisparut.
Quelquesinstantsplustard,lecommissairearrivasurlebalcon.Yakovrefermalesportes,et
Anatolysetournaversl’hommequiétaitdevenusonlaquaisdepuisquatreansqu’iltenaitsonposte.
«J’aiune requête,»ditAnatoly lentement.«Je retiensunefemme iciquia trichédansmon
casino.»
« Oui. » Le commissaire Polzin hocha brièvement de la tête. « Ses parents m’ont déjà
contacté.»
Anatolyhaussa les sourcilsdechoc,mais reprit rapidementunvisage impassible.«Etvotre
réponse?»
« Je leur ai rappelé qu’en tant que visiteuse dans notre pays, elle est sujette aux lois de ce
territoire.»Polzinsemblaitassezmalàl’aise.«Sonpèreestunhommeassezdéterminé,M.Zaretsky.
J’imaginequ’ildeviendraasseztêtusivouschoisissezdegardercettefemmepluslongtemps.»
« Je la garderai aussi longtemps que je le veux, » déclara Anatoly fermement. « Ou aussi
longtempsqu’elleretiendramonattention,j’imagine.»
Polzinacquiesça.«Avosordres.»
«Vousdirezàsonpèreetàl’ambassadequ’elleestretenueparlamafiajusqu’àcequ’elleait
payérétributionpoursescrimes.»Voilà.Çasemblaitraisonnable,non?Mêmesienvérité,Anatoly
sefichaitpasmaldecequiétaitraisonnableounon.Ilavaitdécidéqu’ilvoulaits’approprierTrisha
Copeland. Il ne faisait jamais grand cas des barrières entre lui et ses désirs. Il obtiendrait ce qu’il
voulait,commeill’obtenaittoujours.
«Ceseratout,»ditAnatoly,excusantPolzind’ungestedelamain.
«Sijepeuxvousmettreengarde.»
Anatolyseretourna,choquéparlatéméritéducommissaire.«Memettreengarde?»
«Oui,monsieur.»Polzins’agita.«Cesaméricainspeuventêtrevraimentcasse-pieds.Jevous
suggèrejusted’êtreprudent,monsieur.»
«Vouspouvez trèsbien le suggérer,Polzin.»Le tond’Anatolyétaitglacial.«Mais je ferai
commejel’entends.»
«Biensûr.»
Polzinsortit,etAnatolyrestaseulavecsespensées.Sonpèreétaitséparéd’euxparunocéan.
Quelsgenresdeproblèmespourrait-ilbienluicauser?
ChapitreCinq
Trisha pressa le dos contre la tête de lit sculptée et remonta ses genoux vers sa poitrine.
Entourantsesbrasautourdesesjambes,elleposalementonsurlesgenouxetsoupira.Seulunruban
delumièrepassaitparlesépaisrideauxpouréclairerl’obscuritédelapièce.Ellesesentaitoppressée,
cequiétaittoutàfaitapproprié.
Ellesedégoûtait.Enfait,elleétaithonteusedesoncomportement.Pourquoiétait-elletombée
souslecharmed’Anatoly?Cen’étaitpassongenre.Elledevaitsortird’icietrentrerchezelle.
Soupirantlentement,Trisharampahorsdulit.Elleselevaetredressalacolonnevertébrale.Se
recroquevillerdanscetteprisondoréen’étaitplusuneoption.Elleenavaitfinid’êtretimide.Ilétait
tempsdeprendresondestinentresesmainsetdefaireunchoix.
Elleauraitespéréavoird’autresvêtements.Trishapressaledoscontrelemuràcôtédelaporte
d’entréeetretintsonsouffle.Iln’yavaitpasdebruitdel’autrecôtédelaporte,maisellenepouvait
pasêtresûrequ’iln’yaitpasdegardespostéslà.Ellerassemblasoncourageet tournalapoignée.
Elle futchoquéede lavoir tourner.Çan’avaitaucunsensde l’enfermer ici sans faireaucuneffort
pourlaretenir.Peut-êtrequ’ilétaitnégligent,ouqu’ilavaitpenséqu’ellen’auraitpaslecouragede
s’échapper.
Lecouloirétaitdésert.Leclairdelunesedéversaitparlesfenêtresetbaignaitleplancheren
boisd’une lueurbleupâle.Ellechercha lesgorilles,mais l’appartementsemblaitêtredésert. Iln’y
avaitpasunmouvement,etaucunbruit.Ellemarchaprudemment,portantsestalonsaiguilleetposant
sespiedsnusàplatsurlesol.
Elle suivit un itinéraire qu’elle se rappelait à moitié. Elle n’avait pas prêté suffisamment
attentionlorsqu’elleétaitentréedansl’appartementavecsesamis,audébutdetoutecettehistoire.Elle
avaitl’impressionqueçac’étaitpassédesmillionsd’annéesplustôt,alorsqu’enfait,çac’étaitpassé
plustôtcetaprès-midi-là.
La porte d’entrée se dressait devant elle.Trisha accéléra le pas, empressée.Mais lorsqu’elle
posalamainsurlapoignéeornéedelaporte,ellerecula.Sesentraillesgrondaientd’anxiété,etson
cœurbattait sivitequ’elle l’entendaitdanssesoreilles.C’étaitbien trop facile. Ildevaityavoirun
piège.
Elleinspiraprofondémentpoursestabiliseretseforçaàsaisirlapoignéedelaportemêmesi
samaintremblait.
À ce moment-là, elle fut contrainte de confronter une question très importante : vers quoi
s’enfuyait-elle?
DANSL’OBSCURITEDUvestibule qui se situait entre la porte du penthouse et l’ascenseur,
Anatoly attendit que Trisha sorte de l’appartement. Il ne doutait pas de la voir apparaître à tout
moment.Illuiavaitlaisséuneopportunitéenorjustepourvoircequisepasserait.Maisalorsquele
tempss’écoulaitetquelesheurespassaientdetardàtôt,ilcommençaàsedemandersiellen’étaitpas
parvenueàescaladerl’extérieurdubuildingetàs’échapperdecettemanière.
Lapaniquelesubmergea.Anatolysautadesachaise.Danssaprécipitation,ilrenversaunetable
antiqueposéeaucentrede l’espace.La tables’inclinaàunangledangereux,et levaseposédessus
glissapar-dessuslebord.Anatolytenditlamainpourl’attraperetlemanqua.
Lebruitdelaporcelainequis’écrasaitcontrelemarbrefutassourdissantdanslepetitvestibule.
Il résonna sur le plafond et ricocha sur les murs comme des coups de feu. Les détecteurs de
mouvement clignotèrent dans l’obscurité.Quelques secondes plus tard, l’alarme se déclencha.Des
bottescoururentd’unpaslourdducouloirdel’autrecôtédelaported’entrée.
Anatolyeutàpeineletempsdereprendresarespirationavantquelaported’entréenes’ouvreà
lavolée.Yakovapparut,sonarmebraquéedirectementdanslevisaged’Anatoly.
«Patron?»Yakovbaissasonarme,faisantsigneàSergeidefairepareil.«Toutvabien?»
«Jevaisbien.»Anatolyétaitplusfurieuxcontrelui-mêmequecontreseshommes.Ilagissait
demanièreridicule.Maisils’étaitvraimentattenduàcequeTrishatentedes’évaderdurantlanuit.Il
avaitlaissésaportedéverrouilléeetcomplètementsanssurveillance,justepourcetteraison.Ilavait
vouluêtrelàquandelleauraitcomprisquesonescapadeétaitfutile,mêmesielleparaissaitpossible.
EtmaintenantAnatolynepouvaitquesedemandersielleétaitparvenueàledoubler.
Il se souvint de ce qui l’avaitmené à casser le vase. Pointant vers le carnage, il s’adressa à
Yakov.«Mercid’appelerquelqu’unpourvenirnettoyerça.»
«Biensûr,patron.»Yakovfronçalessourcils.«Tuessûrquetoutvabien?»
MaisAnatolyneréponditpas.IlarpentaitdéjàlecouloirverslachambredeTrisha.Ilouvritla
porteàlavoléesansmêmefrapperetappuyasurl’interrupteur.
Elle se redressadans son lit, clignantdesyeuxcommeunechouette tandisque leplafonnier
éclairaitlapièce.
«Qu’est-cequetufiches?»Ellesemitàbâiller.
Illâchalapremièrechosequiluivintàl’esprit.«Pourquoies-tutoujourslà?»
«Parcequejesuismaintenueprisonnière,non?»Elleeutl’airperplexe.«Tuessaoul?»
Anatolymitunfreinsursonanxiétéettentadesesouvenirqu’ilétaitcenséêtrecalmeetmaitre
desesémotions.Ilexaminasesongles,tentantdeparaîtreennuyé.«Jem’attendaisàcequetuessaies
det’enfuir.»
«Pouralleroù?»
Iln’avaitpasderéponsepourcelle-là.Toutcequ’ilpouvait luidirepourraitpotentiellement
l’aideràmettreaupointsonpland’évasion.
Ilnepritpaslapeinederépondre,posantuneautrequestionàlaplace.«Pourquoin’as-tupas
essayéderentrerdemain?»
«Peut-êtrequej’aichangéd’avis,»dit-ellesèchement.«Jesuisunefemme.Çaarrive.»
Lechocl’étourdit.«Changéd’avis?TuneveuxplusrentrerauxÉtats-Unis?»
«Non,pasça.»Elleagitaunemainlégère.«J’aijustechangéd’avissurlefaitderentrerchez
moi.»
TRISHANEVOULAITpasendireplus.Elleauraitrévélétropdechoses.Elletentad’éviterde
seconcentrersursabeautéavecsescheveuxébouriffés,sachemiseàmoitiéouverteetdéboutonnée
etlesslashsàsespiedsnus.Cethommeétaitabsolumentdélicieux.Maisc’étaitclairqu’iln’allaitpas
s’enalleretrespectersavieprivéeaprèsqu’elleaitlaissétombercettebombeau-dessusdesatête.
«Tuneveuxplusrentrer?»demanda-t-il, incrédule.«Qu’est-cequiestarrivéàtacertitude
quetonpèreétaitunhommetêtuquinecesseraitjamaisdetechercher?»
«Jen’aipasmentiàcesujet.»Elledécidaqu’iln’yavaitaucuneraisondenepasêtreclaireà
proposdecedangerparticulier.«Ilvaêtreunvéritablecasse-pied.Jenerigolepas.»
«Etrange,maisc’estlasecondefoisaujourd’huiquej’aientenducesmotspourqualifierton
père.»Ilsemblaitplusamuséqu’irrité.Excellent.
«Peut-êtrequ’ilmecasselespiedsaussi,»suggéra-t-elleprudemment.
Quelquechose semblachangerdans l’expressiond’Anatoly. Il se raidit, sesmains se serrant
lentementenpoingssursescôtés.«Tuveuxdirequetonpèretefrappequandilestencolère?»
«Ohnon!»dit-ellerapidement,réalisantsonerreur.«Non,certainementpas.Jesuisdésolée.
Jen’aijamaisvoulutedonnercetteimpression.»Trishaeutdumalàexpliquer.«Monpèrem’aime
beaucoup.Maisilm’aimeunpeutropettropsérieusement.»
«Ultraprotecteur?»
Elleacquiesçadelatête.«Très.Jevoulaisétudieràl’étrangerpourm’éloigneruntemps.»
«Etmaintenant?»
« Et maintenant, je ne sais pas. » Cette conversation mettait Trisha mal à l’aise. Pourquoi
discutait-elledesesplansd’aveniravecl’hommequil’avaitcapturéecontresavolonté?Maisvoilà
pourquoi!Parcequesiellejouaitbiensonjeu,ellepourraitl’utiliserpourobtenircequ’ellevoulait.
«Tum’offresunmoyenderesterici.Jenesaispascequisuivra.Jedevraisuivremesinstincts.»
Ilrépliquaquelquechoseenrussequ’ellenecompritpasvraiment.Puisilgloussa.«Tuesune
femmetrèsintéressante,TrishaCopeland.Quandj’ail’impressiondet’avoircompris,tuchangesla
donneetjedoistoutrecommencer.»
«Excellent.Jedétesteraisêtresiprévisible.»Ellesedéplaçadanssonlit,malàl’aise.C’étaitsi
étrange.Elleétaitaulitenportantlamêmerobe.EtelleignoraittotalementsiAnatolysavaitàquel
pointelleavaitétéprochedequitterlepenthouse.
ANATOLYDEVISAGEATRISHAparcequ’ilneparvenaitpasàs’arrêter.Elleétaitassiseau
milieu du lit, les couvertures remontées sur sa poitrine. Ses cheveux roux étaient légèrement
ébouriffés, ses boucles courtes retombant vers ses joues et encadrant son visage. Les yeux verts
étaientensommeillés,maisl’intelligencequiybrillaitétaitconsidérable.Elleétaittellementadorable
etcomplètementenvoûtante.
Anatoly s’assit au bord du lit. À certains moments, Trisha semblait être une séductrice
expérimentée.Àd’autres,pasdutout.Lecontrasteleravissait.Ilsepenchaenavantpourprendresa
maindanslasienne.Iltraçaleslignesdesapaumedemainetlasentitfrissonnersoussontoucher.
«Tuvaspasseruneexcellentesemaineenmacompagnie,»décida-t-il.
Elleretirasamain.«Est-cequ’onvaarrêterdeprétendrequej’aicommiscecrimebidondans
toncasino?»
Ilavaitréussiàoubliercetincident.Étrange.«C’estimportant?»
«Tum’asinsulté,»dit-ellecalmement.«Doncoui,c’estimportant.»
«Ah, ta fiertéaétéblesséepar lanotionque tupourraisêtreperçuecommeunecriminelle.
C’estça?»
«Oui.»Elleleregardaitcommes’ilétaitsimplet.Quellenouveauté.
Anatolyhaussalesépaulesetrepritsamainsursesgenoux.Iltouchal’intérieurdesonpoignet
et sentit sonpoulscourir sous sapeau.Elleétait tellement féminine,etpourtant iln’yavaitpasun
soupçonducalculoudelamanipulationquifaisaientpartiesintégrantesdesesexpériencesrécentes
aveclagentféminine.
Il leva son poignet vers ses lèvres et embrassa la peau tendre. Elle trembla. Il sourit et
recommença,laissantcettefois-ciseslèvresremonterl’intérieurdesonbras.Ilparvintàsoncoudeet
profitadesadouceuravantdecontinuersonascension.Ilpouvaitsentirsonabandondanslamanière
dontellesepenchaverslui,commesiellecherchaitàaugmenterleurcontact.
«Trisha,»murmura-t-ilàvoixbasse.«Nesais-tupasàquelpointtuesbelle?»
« Ce n’est pas quelque chose que j’entends souvent. » Elle renifla d’incrédulité. « C’est
probablementlanouveauté.Çanedurerapastrèslongtemps.»
«Non.»Ilsedemandapourquoiellerefusaitdecroireàsespropresattraits.«Çanesepassera
pascommeça.Voudrais-tuenvoirlapreuve?»
«Impossibledeprouverquelquechosecommeça.»
Ilentraînasamainverslabossedesonentre-jambeetpressalapaumedesamaincontreson
érection.Sentirsesdoigtsfinscontresachairenfléeétaitérotique.Retenantsarespiration,ill’étudia
etattenditquelacompréhensionsemanifestesursonvisage.
«C’est…?»Ellesemblalutterpourtrouversesmots.«Tu…bandes…àcausedemoi?»
«Oui.»
«Maisjen’airienfait.»
Anatoly éclata de rire. Quelle innocence ! Et pourtant, il pouvait dire que ce n’était pas la
premièrefoisqu’elletouchaitl’érectiond’unhomme.«Tun’aspasbesoindefairequoiquecesoit,
malenkaya.C’étaitcequejevoulaisdire.»
ChapitreSix
Trishasentitunesecoussed’excitationnerveusetraversersoncorps.Lapremièrefoisqu’elle
avait vu Anatoly Zaretsky, elle avait été impressionnée par sa beauté et par sa puissance. Penser
qu’elle–unemoinsqueriendeCleveland–puissel’affectercommeçaétaittrèsflatteur.
«Jedevraistediredesortitd’ici,»dit-elleàvoixbasse.«Jedevraistedirequejenesuispas
intéresséeetquejeveuxquetupartesetquetunereviennesjamais.»
«Mais?»
«Jenesaispassijepeuxyarriver.»
«Alorsnelefaispas.Laisse-moitemontrerlesplaisirsquejepeuxtefaireressentir.»
«Etlestiens?»sedemanda-t-elle.«Qu’est-cequetuygagnes?Parcequejenesuispasaussi
naïvequepourcroirequetuferaisquoiquecesoitsansprofitpersonnel.»
« Oh malenkaya, parfois j’ai l’impression que tu es un mélange étrange d’expérience et
d’innocence.»Ileffleurasajouedesdoigts.«Commentpeux-tumêmeimaginerquejen’ygagnerai
pas?Tefaireplaisirestautantpourtoiquepourmoi.»
« Je trouve ça difficile à croire. » Elle avait fréquenté des hommes dans le passé. Elle
connaissaitlaroutine.
«Tesautresamantsontdûêtreterriblementégoïstes.»Ilsemblaitpresquesemoquerd’elle.
«Ouais,jesuisvraimentdésoléedenepasavoircouchéavectouslesmecsdeClevelandjuste
pourtenterdetrouverunmecquiétaitbonaupieu.»Elleétaitassezirritéequ’illuireprochedene
pasavoirétéunesalope.
«Non.»Illarapprochadeluisurlelitetsemitàfrotterdoucementsesbrasnus.«Nepense
pasquejetereprochedenepasavoirassezd’expérience.Tuesparfaitejustecommetues.Enfait,
j’aimeraissuggérerquetonmanqued’artificeestrafraîchissant.»
«Ettoitutraînestropavecdespétasses,»grommela-t-elle.
Un sentiment étrange passa entre eux. Une pause assez lourde. Puis il passa une main sur
l’arrièredesatêteetcapturasabouchedansunbaiserprofond.
Trisha oublia comment respirer. Son esprit se transforma en purée, et la seule chose sur
laquelleelleparvenaitàseconcentrerétaitsongoûtdivin.Sontoucherétaitélectrique.
Illarepoussaenarrière,lasuivantjusqu’àcequesoncorpsseretrouveau-dessusdusiensur
le lit. Elle aurait dû protester. Faire quelque chose. C’était une si mauvaise idée. Mais quand il
l’embrassaànouveau,toutepenséededirequoiquecesoits’envoladesonesprit.Ellepassalesbras
autourdesanuqueetentremêlasesdoigtsdanssescheveuxfoncés.
S’abandonnantaubesoindeletoucher,ellesentitlaforcedesesépaulesàtraverssachemise.
Ellegriffadoucementsondos.Puiselletintsesbicepsetremontapoursentirsachaleurcontreson
corps. Il était tellement chaud. Ses tétons pointèrent sous le tissu de sa robe. Elle avait enlevé son
soutien-gorge avant de se coucher. Elle aurait tellement voulu être complètement nue. Elle voulait
sentirlapeaud’Anatolycontrelasienne,delamanièrelaplusintimepossible.
ANATOLYDANSAITAUborddesaretenue.Iln’avaitjamaiseuplusenvied’unefemmedesa
vie. Ses mains tremblaient en la touchant. Pinçant doucement un pli de tissu entre ses doigts, il
remonta sa jupesuffisammentpourglisserunemainsur sacuisse soyeuse.Sapeauétait chaudeet
élastiquesoussesdoigts.
Ilplaçasonpoidssursesgenouxetlesdeuxmainsàl’intérieurdesescuisses.Baissantlesyeux
vers elle, il attendit de voir si elle se débattrait. Aucun mot de déni ne passa ses lèvres. Elle le
regardaitplutôtavecunregardenfiévréquisemblaitsidéplacéentredeuxpersonnesquiavaientété
desadversairesquelquesheuresplustôt.
«Etsionenlevaitcetterobe,non?»pressa-t-ilàvoixbasse.
Elleneprotestapas,etlevalesbraspourl’aideràlibérersoncorpsdecetrop-pleindetissu.Il
laissasespropresvêtementspourseforceràseretenir.Puisiljetasarobeausol.Elleneportaitpas
desoutien-gorge,etsaculotteétaitnoireavecunpetitnœudrosejustesouslenombril.
«Tuesexquise,»souffla-t-il.«Sibelle.»
Sapeauétaitpâlecommedel’albâtre.Unepoignéedepointsderousseurparsemaitsapoitrine,
maissonventreétaitplatetlisse.Ilutilisaundoigtpourfairedescerclesautourdesontétongauche,
etlecerclepâlesedurcit.Ellecambraledos,poussantsesseinsverslui.
Ilpassaàsonseindroit,massantsontétonjusqu’àcequ’ellesetortilledebesoin.Ilfinitpar
baisserlatêteverssapoitrinepourlécherchaquetéton.Soncorpsentierseraiditlorsqu’illatoucha.
Il n’avait jamais vu de femme aussi réactive. Son excitation creva le plafond lorsqu’il pensa au
momentdel’union.
Laissant ses doigts courir vers son nombril, il prit son temps en arrivant à l’élastique de sa
culotte.Sonventre frissonnaet secontractapar réflexe tandisqu’ilchatouillait lapeau tendre.Elle
l’étudiait.Ilpouvaitsentirsonregardlourdsurluitandisqu’ilglissaitlesdoigtsdanssaculottepour
taquinersonentre-jambe.
Ses poils étaient épais,mais il était si avide de la voir pour la première fois. Elle planta la
plante des pieds dans le lit et leva les hanches pour l’aider à retirer sa culotte. Il la glissa sur ses
jambesetlalaissatomberàterreavecsarobe.Puisilregardasachattepourlapremièrefois.
«Parfaite,»dit-il.«Jen’aijamaisvuquoiquecesoitdesibeau.»
Unéclairdedoutebalayasestraits,maisils’enfichait.Elleétaitexactementcommeill’avait
décrite.Labandedepoilscourtsquicouvraitsonentre-jambeétaitd’unmagnifiquetonrouxpâlequi
correspondaitàsescheveux.Il l’encourageaàplierlesgenouxetàexposerlecentredesoncorps.
Lorsqu’ellelefit,ilputvoirsesbelleslèvresroses.
«Tumouillespourmoi,malenkaya,»murmura-t-il.«Sitrempée.Puis-jetetoucher?»
C’ETAITPLUTOTCOMMEsielleallaitmourirs’ilnelatouchaitpas.Trishan’avaitjamais
étéaussiexcitéedesavie.Elle se tortilla sur le lit,gémissant légèrementen tentantdesoulager la
brûlure qui s’accumulait en elle. Il la regardait avec un tel émerveillement. Elle avait du mal à
comprendre. Elle était juste une femme. Quelqu’un comme lui pouvait se trouver une femme
différentetouslesjoursdelasemaine.Qu’est-cequilarendaitsispéciale?
Puis il frôla doucement les lèvres de sa chatte du bout des doigts, et elle oublia comment
penser.Unsentimentdélicieuxd’anticipationlaheurta.Toutsecontractadanssoncorps.Leboutde
son indexmassait son clitoris. Il trouvaune zone érogène juste àgauche et commença à fairedes
cerclesautour.Enquelquessecondes,elleseretrouvaperchéeaubordd’unorgasmedebéatitude.
«Anatoly!»haleta-t-elle.«OhmonDieu.OhmonDieu.»
Ellerecourbalesorteilsetcambraledoscommesielletombaitd’unefalaisedansunpuitsde
désiretdesatisfaction.C’étaitsibon.Ellenes’étaitjamaissentieaussicomblée.Cen’étaitpaspareil
quandelleutilisaitsespropresdoigts.
Elle pensait qu’il arrêterait là, mais ce ne fut pas le cas. Il continua à faire des cercles,
accélérant puis ralentissant avant de glisser un doigt en elle et d’étaler sa mouille sur ses lèvres
enflées. Elle n'avait jamais mouillé autant, été si prête dans sa vie. Ses muscles internes se
contractèrentànouveauetellesentitsoncorpsentiers’apprêterpourjouirunedeuxièmefois.
Anatolysedéplaçasursesgenoux,tentantdesedébarrasserdesesvêtements.Elleregardaavec
fascinationsabite jaillirdesonpantalon.Elleétaiténorme.La longueurétait là,mais ilétaitaussi
épaisquesonpoignetà sabase,avecdes testicules lourdsparsemésdepoilsnoirs.Ellepoussaun
petitcri,impressionnéeetpeut-êtreunpeunerveuse.
«Tuessiprêtepourmoi,malenkaya,»chantonna-t-il.«Tuesmouillée,etglissanteetparfaite
pourmoi.Tuesfaitepourmoi.»
Ses paroles la réconfortèrent de manière étrange. Elle écarta les jambes un peu plus pour
accueillirsamassetandisqu’ils’apprêtaitàlapénétrer.Songlandrondetdouxrebonditàl’entréede
sachatte.Ilseglissadanssontroulisseetlapénétra.
Elle poussa un cri devant l’intrusion soudaine. Ce n’était pas son premier, mais c’était
certainementlemieuxfourni.Leurunionsemblaprendreuneéternité.Sesmusclesinternesbrûlèrent
ens’étirantaumaximum.Puisilcessadepousser,etelleserenditcomptequ’ilétaitplongédansson
corps.
Ilsefigea.Enfin,elleneputplusattendreetellepassalesjambesautourdesataille.S’apprêtant
àlacharge,ellecambraledosetancrasachattecontreluijusqu’àcequ’ellesentesabites’enfouir
complètementdanssoncorps.
Lasensationétaitvraimentincroyable.Ellen’avaitjamaisexpérimentéquelquechosedepareil.
Envoulantplus,ellerecommença,encoreetencore.Anatolyfinitparagripperseshanchesetparla
baisersérieusement.Ilfitduvaetbienenelle,encoreetencore,jusqu’àcequ’ellepensemourirde
désir.
«Encore,Anatoly,»supplia-t-elle.«Encore!»
SESMOTSL’ENVOYERENTauborddelafolie.Ilraffermitsonemprisesurelleetclaquasa
bite dans sa chatte encore et encore jusqu’à ce qu’il n’arrive plus à penser à autre chose que la
sensationdesachatteétroite.Rienn’étaitplusparfait.Ellemouillaitetétaitchaude.Lefrottementsur
lafaceinférieuredesonsexeétaitmeilleurquedanstoussesrêves.
Sescouillessecontractèrenttandisqu’ilapprochaitdelajouissance.Maisilvoulaitlacombler
pendantqu’ilétaitenelle.Çanesuffisaitpasdedéversersasemenceenelle.Ilvoulaitqu’ellejouisse
enmêmetempsquelui.
Baissant lamain vers leur union, il plaça ses doigts contre le gland enflé de son clitoris. Il
frissonnaàladécadencedelasensation.Icietmaintenant,ilpouvaitsentirlachaleurprofondedesa
chattecontresabiteetsentirsaréactiondanslespulsionsdesonclitoris.Sonsangs’accumuladans
sonbassin.Elleseraitbientôtmûrepourunautreorgasme.Trèsdoucement,ilpressasondoigtcontre
sonclitoris.
Ellecambraledosetrejetalatêtecontrelematelas.Uncrisaccadés’échappadeseslèvres,et
quelquessecondesplustardellesentitsesentraillesseraidirtantqu’ellepouvaitàpeinebouger.Elle
étaitancréesursabite.Iln’avaitjamaisressentiquelquechosedepareil.
«Jenepeuxplusmeretenir,malenkaya,»gronda-t-il.«Jevaisjouir.»
«Vas-y!»haleta-t-elle.
Ilplongeaànouveauenelleetsentitsabitepulsertandisqu’ildéversaitsasemencedansson
corpsaccueillant.Ilmitsonpoidssursesbrasavantdes’affalerpournepasl’écraser.Sesfessesse
contractèrent,poussantsabiteencoreplusprofondémentdanssoncorps.Elleétaitserréeautourde
lui.Tant et si bienqu’il pouvait à peine bouger.Enfin, il roula sur le côté, l’entraînant avec lui et
passantsesbrasautourdesoncorpsrecouvertdesueur.
«Tuesuniqueaumonde,»murmura-t-ilenrusse.
Ellebâillavigoureusement.«Tudevraisvraimentsortirplus.»
Iléclataderire,sedemandantsielleserendaitcomptequ’elleavaitprouvéqu’ilavaitraison
encoreunefois.«Ettudoisaccepteruncomplimentlorsqu’ilestoffert.»
«D’accord,»grogna-t-elle,irritée.«J’acceptetoncomplimentidiot.»
«Merci. » Il gloussa, incapable de retenir l’humour qu’elle lui apportait. « Je devrais sans
doutetelaisserdormir.»
Ellemarmonna quelque chose, et puis le silence se fit complet. Il écouta le son doux de sa
respiration. Il n’avait jamais ressenti le besoin de passer la nuit avec une femme auparavant. En
général,ilquittaitleurlitetrentraitchezlui.Ilnelesavaitjamaisinvitéesdanssonappartement.
Cettefois-ci,c’étaitétrangementdifférent.
Secouantlabizarreriedumoment,illadéposadoucementdanssonlit.Ilroulaverslebordet
serassit.Sonpantalonn’étaitqu’àmoitiéenlevé.Sachemiseétaitouverte.Etlaseulechoseàlaquelle
ilpouvaitpenserétaitàquelpointilvoulaitsedéshabilleretseremettreaulit.
Maisç’auraitétéunemauvaiseidée.Cen’étaitpaslemomentdesecompliquerlavieavecune
vraie relation.Sefrottant levisage, il remontasonpantalon.Quitter lachambrefutdurpour lui. Il
éteignitlalumière,fermalaporteetsefélicitapoursonincroyablevolonté.
Oui,ilétaitdanslamerde.
ChapitreSept
Trisha roula dans le lit et cligna des yeux pour évacuer le sommeil. Elle avait eu un rêve
merveilleux. Anatoly était présent. Il l’avait embrassée, et peut-être touchée, et elle avait eu plus
d’orgasmesendixminutesavecluiqu’ellen’enavaitjamaiseuavecunautre.
S’étirant, Trisha se rendit compte qu’elle était nue. Elle ouvrit grand les yeux et se rassit.
Agrippantlesdrapsautourdesesseins,ellepoussauncrienseremémorantlanuitpasséed’unseul
coup.
C’était pareil que dans ses films romantiques sur les chaînes pour femmes. Trisha mit son
visageentresesmainsetgrogna.Qu’avait-ellefait?Avait-ellecomplètementperdularaison?
«OK.»Elleexpiraunsoufflerapideetdécisif.«Çan’estarrivéqu’unefois.Cen’estpaslafin
dumonde.Cen’estpascommesij’allaisrecommencer,si?C’estcenséêtredesvacances.C’estun
peubizarre,maisjenevaispastropypenser.»
«Etmaintenantquetuasterminétonpetitdiscoursd’encouragement,»déclaraAnatolyd’une
voixtraînanteenlaregardantparl’embrasuredelaporte.«Jepensequ’ilesttempsdesortirdulitet
demangerlepetit-déjeuner.Pastoi?»
Ellesursautadefrousse,sansparlerdupetitcriquiluiéchappadeslèvres.Sescheveuxétaient
complètementemmêlés,etelleétaitsûred’avoirdestracesdemaquillagesurlevisage.«Maissors
d’ici ! » Elle le chassa des mains. « Je dois au moins prétendre d’être présentable. C’est déjà
suffisammentembarrassantdepenserquej’aivraimentunesaletête.»
«Tun’aspasunesaletête.Tuestrèsmignonne.»
Ellecherchadésespérémentunoreiller,etelledénichaunmonstrueuxoreillerornéàluilancer.
Ellelejetaverslaporteaussifortquepossible.«Sorsd’icimaintenant,ouleprochainobjetqueje
lanceraineserapasaussimou!»
Iléclataderire.«J’yvais.J’yvais!»
Anatolydisparut,etTrishaselaissatombersurlelit.Ellesecouvritlevisagedesmainsettenta
denepassourire.Ellenedevraitpasêtreentraindesourire.Ellenedevraitpassesentirheureuse.
Elledevraitvraimentsebotterlecul…
ANATOLYTENTASANSsuccèsd’effacerlesourireidiotsursonvisage.Ilserendaitcompte
de la folie de son expression, et se demanda ce qui ne tournait pas rond chez lui. Trisha était
seulementunefemme.Ilavaitunempired’affairesàfairetourner:deshôtelsdanstreizevillesetdes
casinosdanstoutelaRussie.Iln’avaitpasletempsdesecomportercommeunadoamoureux.
«Anatoly?»Yakovavaitl’aircomplètementconfus.«Quelqu’unestmort?»
«Mort?»
«Engénéraltun’asl’airaussiheureuxquequandundetesrivauxsecasselapipe.»
Anatolyconsidéracetteidée.«Tuasraison.Maispersonnen’estmortcematin.Dumoins,ce
quej’ensais.»
« Ah. » Yakov hocha la tête en signe de compréhension exagéré. « Tu as passé une bonne
soirée.»
«Oui.Excellente.»
Yakov hocha brièvement la tête. « Le petit-déjeuner est servi sur la terrasse, et les rapports
matinauxsontsurtonbureau.SituasbesoindeSergeioudemoi,nousseronsdanslacuisine.»
«Merci.»
ToutenobservantYakovs’éloigneràgrandesenjambéesdanslecouloir,Anatolydutavouer
qu’ilétaitheureuxquesesjournéessoient toujourssibienordonnées.Ilsifflotamêmeunairense
dirigeantverslaterrasse.Lamétéoétaitmagnifiquecematin.Enfait,laseulechosequirendraitce
jourplusparfaitseraitdepouvoirlepartageravecquelqu’un.
Anatolysefigeasurplace.Ils’étaitinterrompuàmoitiédedans,àmoitiédehors,auniveaudes
portescoulissantesquimenaientàlaterrasse.Avait-ilperdul’esprit?Qu’est-cequil’avaitpousséà
penserunetellechose?
Lajournéesemblaperdredesonéclat.Anatolygrognaets’assitàsonspothabituel.Lepetit-
déjeunerluipluttoutdesuitemoins.Sesœufsétaientbaveux,etletoastsemblaitbrûlé.Illevasatasse
decaféetserenditcomptequ’elleavaitrefroidiàunetempératuredésagréable.
«David!»hurla-t-ilendirectionduserveur.«Vamerefaireducafé.Etpourquoicetoastest-il
noir?Tupensesvraimentquej’aimemonpetit-déjeunermoitiébaveuxetmoitiébrûlé?Vraiment,ce
n’estpassidifficile!»
David leva les sourcilsmais ne dit rien. Il ne disait jamais rien.Mais pourquoiAnatoly lui
criait-ildessus?Engémissant,ilmitsatêteentresesmainsetsedemandas’ilperdaitvraimentlatête.
«Tuvasbien?»
LavoixdoucedeTrishafutpresquesaperte.Aprèstoutcequis’étaitpasséentreeux,pourquoi
sesouciait-elledelui?Ounefaisait-ellequeprétendredesesoucierdeluiparcequ’elleavaitbesoin
deluipoursespetitesvacancesetpours’éloignerdesonpèreautoritaire?
«Jevaisbien,»répondit-ilsèchement.
Elle recula, les sourcils froncés et l’air confus. Puis il se sentit mal. Trisha n’avait rien de
calculateur en elle. Elle n’était pas comme Bianka. Elle neméritait pas de supporter sa mauvaise
humeurmêmes’ilétaitincertaindesesintentions.Ilétaittempsdemettreunfreinetd’êtreprudent
sansattirer ses soupçons.Découvrir lesvéritables intentionsdesgensétait toujoursplus simplede
cettemanière.
TRISHANEPARVENAITpasàcomprendrecequin’allaitpasavecAnatoly.Cemecavaitde
cessautesd’humeur !Un instant ilétaitcharmant,et lesuivant il secomportaitcommeunenfoiré.
Maintenant il souriait, et elleavaitpeurdeprononcerunautremotqui le fassedévierdans l’autre
direction.
Elles’assitàlatableetseservitprudemmentdanslacarafedejusd’orange.L’odeursucréedu
jusd’orangeluirappelachezelle.Ellesentitunepointedenostalgieetdedoute.Avait-elleraisonde
fairecequ’ellefaisait?Ellen’avaitpasvraimentlechoix.MêmesiAnatolysemblaitdétendu,Trisha
avaitlesentimentqu’ilredeviendraitleseigneurdominantsiellementionnaitencorelefaitdepartir.
«Qu’est-cequetuaimeraisfairecematin?»demanda-t-ilavecunairindulgent.
Trishatentadenepasleregarderbouchée-bée.Cemecétait-ildéséquilibré?«Jesupposeque
tedirequej’aimeraisprendremonvolàl’aéroportseraitinutile?»
« Complètement inutile, surtout depuis que tu m’as fait savoir que tu ne veux pas
particulièrementrentrercheztoi.»Ilseradossasursonsiège.Unserveurenuniformeposaunautre
plateau petit-déjeuner devant lui avec du café.Anatoly le souleva sansmême remercier le garçon.
«Doncoublionscemensongequetuveuxrentrercheztoi.»
«Et si je disais que j’aimerais aller récupérermes affaires ? »Trisha signala la robenoire
qu’elle portait toujours. Cette tenue avait besoin d’une bonne lessive, et elle avait besoin d’autres
vêtements.«Ceseraitunréelplaisirdeporterdesvêtementspropres.»
«Onpourraitsimplementacheterdenouveauxvêtements.»Ilagitalamainenl’air.
«Jeneveuxpasdenouveauxvêtements,»dit-ellecalmement.Trishasirotasonjusetgrignota
une petite pâtisserie appeléeblini. « J’ai d’autres objets personnels en plus demes bagages. Sans
oublierdementionner tousmesbouquinset lesaffairesdemonprogrammed’échange. J’aimerais
récupérercesaffaires.Etjepréfèreraisportermesvieuxvêtementsqued’enacheterdenouveaux.»
«Tun’aimespasfairedushopping?»Illaregardaitcommesiellevenaitd’uneautreplanète.
«Non.»Trishaluilançaunregardnoir.«Pourquoileshommesassument-ilstoujoursqueles
femmesaiment le shopping?C’estvraimentpénible. Jedéteste le shopping. Jedéteste essayerdes
vêtements. J’achète la plupart demes trucs en ligne et j’évite les centres commerciaux comme la
peste.»
«Tuasraison.»Ilplaçaunemainsursoncœur.«Jevaiscesserdepenserenstéréotypes.»
«Merci.»
«Maistudoiscesserdepenserquejesuisuncriminelordinaire,»dit-ilrapidement.
Trishalevaunsourcil.«Ceseradifficile,considérantquetuenesun,tunecroispas?»
«Maisjesuisloind’êtreordinaire.»
ANATOLYVITL’INSTANToùTrisha se rendit compte qu’il la taquinait. Les lignes de son
frontselissèrent,etelleseradossaàsachaisecommesielledevaitl’observerplusendétailavantde
sefaireuneopinionfinale.Elleétaittellementbelle,mêmeenportantlamêmerobequelaveille.Il
trouvait tout ce qui la concernait rafraîchissant. Et d’entendre qu’elle n’aimait pas le shopping…
Existait-ilunefemmeplusparfaite?
Anatoly se pencha sur la table avec l’intention de lui prendre lamain.À sa surprise, elle la
reculaavantqu’ilnepuisselatoucher.Ilfronçalessourcils,neprenantmêmepaslapeinedecacher
sonirritation.«Qu’est-cequinevapas?Pasbesoind’êtretimideaprèscequenousavonspartagé
hiersoir.»
«Hiersoirétaituneanomalie.»Ellesecoualatête,sescheveuxemmêlésvolantautourdeson
visage.«Jenesaispasàquoijepensais,maisjenepeuxpaslaissermeshormonesdirigermavie.Ce
seraitidiot.»
«Et tu vas prétendre que ça n’est jamais arrivé ? »La bonne humeur d’Anatoly chuta. Il se
redressa, reculant sa chaise. « Comment peux-tu penser que c’est acceptable ? » Son accent russe
devenaitplusprononcétandisqu’ils’agitaitdeplusenplus.
«Oh,crois-moi,»dit-elle,serelevantpourluifaireface.«Jenesuispasprêtedeprétendre
queçan’estpasarrivé.Jedoism’enrappeler!Jedoism’ensouvenirpourempêcherunautreécartde
conduitemomentanédemonbonsens!»
«Ecartdeconduit,»marmonna-t-il.C’étaitétrangedel’avoirdanssonespacepersonnel.Elle
neselaissaitpasfaire,etçaneluiétaitjamaisarrivéavant.Lesfemmesneluitenaientpastête.Même
pasBianka.Putain,mêmeleshommesneluitenaientpastête.«Recule.Lesgensnediscutentpasavec
moi.Tulesais?»
« Qu’est-ce que tu vas faire ? » Elle recourba les lèvres comme un animal enragé.
«M’emprisonner?M’enfermercontremongré?Refuserdemelaissercherchermesaffaires?Te
moquerdemoi?Laissermoncorpsmetrahirpuistefâcherquandjereprendslecontrôle?Laliste
n’enfinitpas,AnatolyZaretsky,maisjenetelaisseraipastoucheruncentimètredemapeau.Jamais
plus!»
Anatolyreculad’unpasavantdeserendrecomptedecequ’ilavaitfait.Ilancrasespiedsausol
etseredressadetoutesataille.«Tucontinuesàdiscuter,»luirappela-t-ild’untonraide.
«Etjem’enbalance.»Sontondégoulinaitdesarcasme.
Soudain,ilneputplusgardersacontenance.Lasituationluisemblaittropridiculepourgarder
sonsang-froid.Anatolysemitàsourire,puiséclataderire.Trishaenfutclairementperplexe,cequi
lefitriredeplusbelle.
«Mongars,t’abesoindetefairesoigner.»Trishasemblaitfatiguée.«Jenerigolepas.Jel’ai
déjàditplusieursfoishier.Ilfaudraitvraimenttefaireaider.»
Lorsqu’ilparvintenfinàparler,ils’avançatrèslentementpourtouchersonépaule.«Jepense
quetum’aidesdéjà.»
«Pardon?»
Ileutdumalàtrouversesmots.«Enraisondemaposition,lesgensnemeremettentjamaisen
question.Ilsn’ontjamaisd’opinionsopposéesetnemedisentjamaisquej’aitort.»
«Ce n’est pas bien. »Elle pinça les lèvres. « Si personne ne te dit jamais que tu as tort ou
n’offreunautrepointdevuepourinciteràladiscussion,commentpeux-tuvraimentsavoirquetuas
raison?»
Ilnes’étaitjamaisposécettequestion.Cettepenséesortaittoutàfaitdesoncadrederéférence
habituel.«Tusais,lapremièrefoisquejet’aivuedansmoncasino,jesavaisquetumefascinerais.
Maisjenem’étaispasdemandépourquoi.»
Ellerenifla.«Nediscutejamaisavecunerousse,Zaretsky.Tuvasperdre.Àchaquefois.»
ChapitreHuit
Trisha se sourit à elle-même tandis que la longue voiture noire circulait dans les rues de
Moscou,enrouteverslesdortoirsdelaMoscowAcademy.Ellen’auraitpasdûsourire.Elledevrait
êtreentraindepiquerunecrisedecolère.Saufqu’elleavait l’impressiond’avoirmarquéunpoint
lorsdesadernièrejouteverbaleavecAnatoly,aprèslepetit-déjeuner.Aprèstout,elleétaitenroute
pourallercherchersesaffaires,non?
Lavoitures’arrêtaàcôtédutrottoir.Lavitreséparantl’avantdel’arrièresebaissaenronflant.
« Nous sommes arrivés, Mlle Copeland. » Le chauffeur était un homme appelé Frederick. Il lui
souriaitdanslerétroviseur.«Jepeuxvousattendreici,saufsivousavezbesoindemonaide?»
«Non,Frederick.Mercibeaucoup,maisjevaismedébrouiller.»Trishasaisitlapoignéedela
portière.«Jevaismedépêcher.Jesuissûrequevousavezd’autreschosesàfairedevotretemps.»
LessourcilsdeFrederickselevèrentdesurprise.«Non,m’dame.J’aitoutletempsqu’ilfaut
pourcettetâche.»
«Etbien,mercibeaucoup.»Ellesedemandasicesmecsétaientparfoisappréciésouremerciés
pourleurboulot.Ilssemblaienttoustellementsurprisparunsimplemerci.
Bonsang,cesriches.
Trishadescenditdevoitureetfermalaportièresanslaclaquer.C’étaitunedesbêtesnoiresde
son père.Mais elle ne voulait pas penser à lui pour le moment. Elle voulait courir chercher ses
bagagesdanssachambre.Minkaetelleavaientemballétoutesleursaffairesavantd’alleraucasino
pourcettedernièreaprès-midid’amusement.Ilnerestaitquequelquesaffairesàrassemblerdanssa
chambre.SaufsilagérantedudortoiravaitrassemblélesaffairesdeTrishaetlesavaitjetéesparce
qu’ilnepensaitpasqu’ellereviendrait.
Trisha grimpa les marches du vieux bâtiment en trottant. Elle avait un peu l’impression de
rentrerchezelle,nostalgique.Trishaavaitvécuicipendanthuitsemaines.Ellen’avaitjamaisétéaussi
loindechezellependantsi longtempsjusqu’alors.Elleouvrit laporteetentradanslebâtiment.La
géranteétaitàsonbureau,àlafenêtresituéeàgauchedel’entrée.
Trishas’arrêtaaucomptoir.«BonjourOlga,jeviensrécupérermesaffaires!»Elleparlaen
russeparcequec’étaitcequ’Olgapréférait.«Toutesttoujoursdansmachambre?»
«Ohpour l’amourduCiel !»Olgasautadesachaise.«Trisha?Jenem’attendaispasà te
revoir. Après que Minka m’ait raconté… enfin, peu importe ce que Minka m’a dit. J’ai laissé ta
chambretellequelle.Turentrescheztoi?Qu’est-cequis’estpassé?»
Trishaéclataderire.«C’estdifficileàexpliquer.Jerestechez…unami.Puisjerentreraichez
moidansunesemaineoudeux.»
« Tes parents n’ont pas arrêté d’appeler, » déclara Olga, les yeux écarquillés d’irritation.
«Qu’est-cequejedevraisleurdire?»
Ellen’avaittoujourspassontéléphone.Enfait,Trishaavaitcomplètementoubliésontéléphone
jusque-là.Leshommesd’Anatoly avaient confisqué tous leurs téléphones au casino.Elle supposait
quelesautresavaientrécupérélesleursaprèsavoirétérelâchés.CeluideTrishamanquaittoujoursà
l’appel.
« Dis à mes parents que je les appellerai quand je peux, » répondit Trisha en forçant son
enthousiasme.ElleétaitpresquecertainequelapolicedeMoscouavaitdéjàcontactésesparents,ce
qui ne serait pas une bonne chose. « Je les contacterai à unmoment donné. » Trisha chercha une
explicationplausible.«Leschosessont–compliquées–pourl’instant.»
«Biensûr.»
Sil’expressiond’Olgaétaituneindication,elleensavaitplusqu’ellen’endisait.Étrange.Qui
étaitAnatoly?Ungenrederoyauté?Pasétonnantquetoutlemondeletraitecommes’ilétaitfaitde
verreetrépondeàtoussescaprices.
«Jevaismedépêcherenhaut,alors.»Trishafitsigneversl’escalierprincipalquimontaitaux
étagesdubâtiment.
«Biensûr,monte.»Olgaagitalamainverslesommetdesescaliers,maissembladélibérément
évitertoutcontactvisuel.
C’était étrange. Olga était habituellement avide de ragots. Elle avait une curiosité naturelle,
presque comme un espion du KGB. Trisha ne parvenait pas à décider si c’était l’implication
d’Anatoly ou autre chose qui la retenait. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était aller chercher ses
affairesàl’étage.
Les couloirs étaient déserts à chaque étage. Trisha balaya l’endroit du regard, se demandant
pourquoi c’était si sinistre. Le trimestre était terminé.Mais le silence lourd du bâtiment semblait
rempli d’appréhension. Elle se souvenait que cet endroit n’avait jamais été silencieux ces huit
dernièressemaines.Entrelesjeunesétudiantsdedix-huitansetceuxentre25et30anscommeTrisha,
l’endroitavaittoujoursétébondéetbruyant.
Elleparvint enfin auquatrièmeétage.Minkaet ellepartageaient la troisièmechambre sur la
droite.Ellevitsesvalisesferméessurleseuildelaporte.C’étaitétrange,maispeut-êtrequeMinka
les avait placées là pour elle.La seule chose quimanquait était son petit sac de voyage.Elle avait
laisséquelquesaffairesdedanspouravoirdesvêtementsderechange.
Ceseraitunsoulagementderentrerdanssachambrepoursechanger.Elleenjambalesvalises
ettrouvasonsacdevoyage.Retraçantsespas,elleserenditdanslasalledebaincommunepourse
rafraîchir.Quandelleeutterminédesenettoyerlevisage,desebrosserlesdentsetd’enfilerunjeans
etunt-shirt,ellesesentitànouveauhumaine.
Elleétaitderetourdanslecouloirpourrassemblersesaffairesquandellevitapparaîtredeux
hommes dans la volée d’escaliers. Son attention était concentrée sur ses bagages. Elle devrait les
empilercorrectementpourpouvoirlesdescendresanssetuerenchemin.
«TrishaCopeland?»hélaleplusgranddesdeuxhommes.
Ellelevaàpeinelesyeuxdesesbagages.Lepetitsacdevoyageetsonsacàmainétaienttous
deuxpassésenbandoulière.Elledevaitàprésents’occuperdesdeuxgrandssacs.Ellelevalesyeux
seulementpourrépondreàl’homme.«Oui,jesuisTrisha.Vousêtesperdus?»
« Non, nous sommes exactement où nous sommes censés être. » L’homme sourit, la vue
presqueirréelle.«Resteztranquilleetnevousdébattezpas,ettoutseraplusfacile.»
UnfrissondeprisedeconscienceglissadanslacolonnedeTrisha.Elleseredressaquandles
hommessemirentàavancerversellelesmainstendues.
Restertranquille?Aucunechance.
Elles’apprêtaitàlutteràmort.
ANATOLYNEPARVENAITpasàsedépartirdusentimentquequelquechosen’allaitpas.Ilprit
unstyloàbillesursonbureauetnotauncommentaireenmarged’unrapportqu’ilétaitcensérelire.
C’était inutile. Ses casinos prospéraient bien. Oui. C’était fabuleux. Il y avait apparemment un
problème récurrent de vols de serviettes dans un de ses hôtels. Pourquoi était-ce son problème ?
N’engageait-ilpasdesgérantspours’occuperdecesproblèmes?
Ils’apprêtaitàsereleveretàpartirquandBiankaSokolovetsonpèreMotyaentrèrentdansson
bureau.Biankaenglissant,Motyaensedandinant.Lecorpsronddupèreressemblaitàundesœufsde
Fabergésicélèbresdans lemondeentier,unfaitquin’étaitpasaidéparsonamourpour lesgilets
ridiculementornés.
« Bonjour, Anatoly, » ronronna Bianka. « Mon père et moi sommes ici pour finaliser les
arrangementsdenotremariage.»
De toutes les choses queBianka aurait pu dire pour le fâcher, c’était au sommet de sa liste.
Anatolysentitsonhumeurbasculer.Iln’étaitpasd’humeurpours’occuperdecesconneries.«Jesuis
vraimentdésolé,maisj’aid’autrestâchesimportantescematin.SivousvousarrangezavecYakov,il
vousdonneraunrendez-vous.»
MotyaSokolovouvritlabouche,maisaucunmotn’ensortit.Ilpostillonna,àl’évidencefâché,
tandis que son visage tournait au violet. Enfin, il reprit une respiration qui eut l’air d’unmoteur
d’avionprêtàdécoller.«Tunemanqueraspasderespectàmafilleainsi,AnatolyZarestky!»
« Pardon ? »Anatoly sentit lamoutarde luimonter au nez. « Je n’ai aucune intention de te
manquerderespect,ouàtafille.Enfait,jepourraisdiscuterdufaitquec’estvousquimemanquezde
respectenvousruantdansmonbureauetenexigeantmontemps!Commesijen’avaisriendeplus
importantàfairedemesjournéesquededivertirlesillusionsmaritalesd’uneprincessedelamafia
pourriegâtée!»
Dèsqu’ilprononça sesparoles,Anatoly se rendit comptequ’ilvenaitde leur lancerundéfi.
Motyaplissasesyeuxcupides.«LesZaretskyontvraimentprofitéd’uneassociationlucrativeavec
lesSokolovdurantcettedécennie,Anatoly.Penses-tuvraimentprofiterdecetteassociationsansen
payerleprix?»
«Tune veuxpas plutôt dire, » ditAnatoly, les dents serrées. «Que lesSokolovont profité
d’uneassociationlucrativeaveclesZaretskys?»
«Roquetimpudent!»grondaMotya.
Anatolyposalesmainsàplatsursonbureauetsepenchaenavant.«Corrige-moisij’aitort,
maismesprofitsdépassentd’aumoinsquatrefoisceuxdesopérationsSokolov,etilsaugmententà
unrythmequetonentrepriseentièrenepourraitjamaiségaler.»
Motyaagitaundoigtenl’airdevantlevisaged’Anatoly.«Seulementparcequetunefaispas
desaffairesdemanièretraditionnelle!»
« Pourquoi suivrais-je vos traditions moyenâgeuses si je peux gagner plus d’argent à ma
manière ? » demanda Anatoly. « Ça n’a aucun sens de conserver de vieilles traditions qui sont
embourbéespardesprotocolesquin’ontaucunbut.»
«Aucunbut?»Motyairradiaitdecolère.«Tonpèrecomprenaitetrespectaitlestraditionsqui
ontpermisderenforcernotremafiaaufildesans.»
«Monpère?»Anatolysecoualatête,sonirritationatteignantunniveaudangereux.«Tuoses
utilisermon père pour défendre cet argument ridicule ?D’abord,mon père n’aurait jamais voulu
mariersonfilsauxSokolov,etcertainementpasàunepoupéeinutilecommetafille,quiestincapable
defaireautrechosequeservirsespropresintérêtségoïstes.»
Bianka tapadupiedenpoussantuncrid’indignation.«Commentoses-tu?Commentoses-tu
m’insulterainsi?Jen’aifaitquepardonnertoncomportementoutrancierdepuislepremierjouroù
tum’asinvitéàsortir!»
«Oui,»dit-ild’untoncinglant.«Parcequetoutcequetuvoulaisàl’époque,c’étaitaccéderà
mesavoirs financiersafinde financer tesdépenses frénétiques.Dis-moi,Bianka,combiend’argent
as-tudépensésurtagarde-robel’andernier?»
« Ce n’est pas important ! » cria-t-elle. « Je suis une personne importante. Mon apparence
reflètesurceuxquim’entourent.Necomprends-turienderien?»
« Apparemment pas. » Anatoly décida qu’il en avait assez. Il ressentait le besoin urgent de
trouverTrishaetderecommencerleursjoutesverbalesavantdel’attirerunedeuxièmefoisdansson
lit. Il ramassa unmorceau de papier et prit son stylo. Notant un nombre sur le bout de papier, il
choisirsoigneusementsesmots.«TuveuxunmariageentrelesSokolovetlesZaretsky?D’accord.
Voicimonoffre.Cemontantreprésentel’allocationannuelledeBianka.Jenousfourniraiunemaison
etjem’occuperaidetouslesaspectsbudgétairesdecedomicile.J’auraiunemaisonséparée.Jenelui
donneraipasunroubledeplusquecemontant,etjeneluipermettraiaucunaccèsàmesfichiers,mes
avoirs,mesinvestissements,mesentreprisesoutouteautrepartiedemesaffairespassées,présenteset
futures.AucunSokolov ne recevra de traitement de faveur en raison de cette association. Et je ne
permettrai pas de réduction supplémentaire ou de bonus en faveur des Sokolov en raison de ce
mariage.»
Anatolytournaleboutdepapieretleglissadel’autrecôtédubureaupourqueMotyaetBianka
puissent levoir. Ilsavoura l’airmaladifduvisagedeBianka.Ilétaitassezcertainqu’elledépensait
plusquecettesommeenunesemaine.C’étaitpourçaqu’elleétaittellementdéterminéeàsedégotter
unrichemari.Ellen’avaitpaslesressourcespourgagnersonpropreargent.
Elle plaça sa main pâle délicate sur la feuille de papier et la lui rendit. « C’est insultant !
Commentoses-tumefaireunetelleoffre?»
«Situn’espassatisfaite,alorsilneresterienàdiscuter.»Anatolylissalesreversdesaveste,
puissesboutonsdemanchette.Ilsesentaitassezsatisfait.«Jenenégocieraipascemontant.»
L’airdedéfaitesurlevisagedeMotyadéplutàAnatoly.Ilbalayasonmalaise,l’écartantdeses
pensées.Iln’avaitpasletempspourça.IldevaitappelerFredericketdécouvrircequileretenaitsi
longtemps.
«Excusez-moi. »Anatoly inclina la tête en direction deBianka, bouche-bée, et de son père,
avantdequittersonbureau.
ChapitreNeuf
Trishamorditaussifortqu’ellelepouvait,sentantlemuscledubrasdesonravisseurtressaillir
soussonassaut.L’hommedegrandetaillejuraetretirasamain,cequidonnaàTrishal’opportunité
decomplètementtordresoncorpsetderuerdesdeuxpieds.
«Pourquoifaites-vousça?»haleta-t-elle.«Laissez-moitranquille!Cassez-vous!»
L’hommedehautetailles’avançaànouveauverselle.«Vousdeveznousaccompagner.»
« Et si j’avais su qu’elle allait nous faire chier comme ça, » déclara l’homme plus mince.
«Jepensaisqu’elleseraitcontentederentrer.»
Une pensée heurtaTrisha tandis que les hommes tentaient de la traîner au bas des escaliers,
jusqu’au rez-de-chaussée du dortoir. Elle passa ses bras autour de la rampe et refusa de bouger.
«Vousavezétéembauchéspardesaméricainspourfaireça?»
«Vos parents nous ont embauché ! » Le plus grand se démena pour détacher ses doigts de
l’anciennerampeenmétal.
«Stop!»Trisharepoussasamain.«Arrêtez!»
La scène qui se déroulait sembla se figer pendant un instant. Heureusement, les hommes
cessèrentdetenterdelatraîneraubasdesescaliers.
Elleinspiraàfondquelquesfoisettentaderetrouversonéquilibre.Lanuitdernière,elleavait
eu l’opportunité de s’enfuir. Maintenant qu’elle comprenait Anatoly un peu mieux, elle avait
l’implacable certitude qu’il ne la laisserait pas partir. Cependant, l’option s’était présentée, et elle
n’avaitpassautédessus.
Maintenant,elleavaitdevantelleunesolutionencoreplussimpleàson‘problème’.«Monpère
vousaembauchépourme ramenerà lamaison. Jen’ai rienà faire.Vousallezme remballerchez
moi.Pasdechoix,pasdeprisededécision,jepourraisuivreleprogrammeétablicommejel’aifait
toutemavie.»
Leshommesselancèrentdesregardsperplexes.Puisleplusminceseraclalagorge.«C’estça,
m’dame.Noussommesdesexpats.Onfaitpartied’unréseaumondiald’hommesetdefemmesqui
ontpourbutderamenerlesAméricainschezeuxquandilsontétéprisenotage,capturésousesont
empêtrésdansdesproblèmesétrangersdontilsnesaventrien.»
«Commelamafiarusse,»ajoutaTrisha.
Lepluspetithochalatête.«Exactement.»
«Normalement, on négocie avec de l’argent ou des faveurs, » offrit le plus grand. « Et on
utilisehabituellementl’aidedelapolice.MaisvousavezétécapturéeparAnatolyZaretsky.Etrienni
personnenesemetentraversdesoncheminàMoscou.Zaretskyfaittournercetteville.»
«Jesais.»Etellelesavait.Ouplutôt,ellel’avaitdevinécesdernièresvingt-quatreheures.«Ma
vieàlamaisonestvraimentrasanteetsolitaire,voussavez?»
Ils eurent l’air confus.Elle supposait que lesgensne comprendraient pasvraimentque cette
déviationrécentedesavieauxcôtésd’unroidelamafiarussesembleêtreuneaméliorationpourune
fille deCleveland qui, a presque trente ans, devait convaincre son père pour emprunter sa voiture
pouralleraucentrecommercialtouteseule.Elleavaiteudesdizainesdepremiersrendez-vousces
dixdernièresannées.Sonpèrelesavaittouschassés.Ilavaitunelistedemarispotentielslongued’un
kilomètre,chacunvérifiéparsessoins,etc’étaittousdesflicsquesonpèrepensaitappropriéspour
s’uniràsafilleunique.
Trishan’étaitpasd’accord.
«Ilesttempsd’yaller,»pressaleplusgrand.
«Non.»Ellesecoualatête.«Rentrezdireàmonpèrequejeveuxrester.JesuisavecAnatoly
demonpleingré.»Trishagloussa.«Ditesàpapaquej’aienfinfaitunchoixsansquequiconqueme
disequoifaire.Ouplutôt,jesupposequetoutlemondemeditunechoseetquej’aidécidédefaire
autrement.Monpèrecomprendra.Ilneserapasheureux,maisilcomprendra.»
Lesdeuxhommesselancèrentunregardchoqué.Lefreluquetseraclalagorge.«Trisha,jene
suispassûrquevouscompreniezlesconséquencesdevotrechoix.»
« Anatoly est un monstre, c’est ça ? » demanda-t-elle. « J’ai remarqué quelques défauts de
personnalitéassezenvahissants,maisvousaveztort.Cen’estpasunmonstre.»
Leplusgrandsecoualatête.«Vousignorezcequ’ilafait.»
«Monpère estun flic. »Elle repensa auxhistoiresque sonpère lui avait contées au fil des
années. « Il n’est pas non plus tout rose, vous savez ? Les gens agissent pour des tas de raisons
différentes.Ces choix ne sont pas toujours bons,mais à cemoment-là, ils semblent probablement
justes.»Trishalevalesyeuxversl’horlogeducouloir.«Vousferiezmieuxdevousbarrer,lesmecs.
Vraiment.SiAnatolypointesonnez,jenesuispassûrdel’influencequejepeuxavoir.»
«Vousn’allezvraimentpasnousaccompagner?»Lepluspetitsemblaitconfus.
Trishasecoualatête.«Non.Etpetitconseilpourlefutur,vousdevriezexpliquercequevous
venezfaireaulieudefairepenseràunenlèvement.Vouséviterezdevouscréerdesennuiscomme
ça.»
ANATOLYTENTAD’ABSORBERcequ’ilvenaitdevoiretd’entendre.Avecl’opportunitéde
s’échapperprésentée surunplateaud’argent,Trisha avaitdécidé de ne pas sauter sur l’occasion ?
Elledevaitêtrefolle.
Ilpressasoncorpscontrelemurderrièreleschaisesétroites.AprèsqueFrederickluiaitditle
tempsqu’ilavaitattendupourqueTrisharéapparaisseavecsesaffaires,Anatolyavaitsupposélepire.
Ils’étaitattenduàcequ’ellesesoitenfuie.Illatenaitenotage,aprèstout.S’enfuirétaituneréaction
naturelle,non?
«Trisha,»hélaAnatolyendépassantlecoinetendéambulantdanslecouloir.«Retourneen
basetvadanslavoitureavecFrederick,s’ilteplait?»
Elleseretournacommesielleétaitchoquéedelevoir.Ils’étaitdemandéàunmomentdonnési
elleavaitsoupçonnésaprésenceetquec’étaitpourçaqu’elleavaitdéclinéleuroffre.Maintenant,il
nedoutaitplus.Pouruneraisonquelconque–uneraisonqu’ilallaitdécouvrir–elleavaitdécidéde
restersacaptive.
«Anatoly,»dit-elled’untonraide.«S’ilteplait,neblessepasceshommes.Ilsnefaisaientque
lejobpourlequelilsavaientétéembauchés.»
«J’ensuisbienconscient.»Iln’était toujourspashabituéauconceptquequelqu’unluioffre
gratuitementsonopinion,encoremoinsluidisequoifaireoucommentréagir.C’étaitdéconcertant,
surtoutparcequ’ilnesentaitaucunepressiondesapart.Lapressionvenaitdelui-même.Ilvoulaitlui
faireplaisir.Etrange.
«Merci,Anatoly.»Trishaluienvoyaunsourirequiluidonnal’impressionquelesoleilétait
sorti. Puis elle se retourna et s’éloigna. Il l’entendit descendre les marches, et puis la porte du
bâtimentsereferma.
Ilreposasonattentionverslesdeuxhommesdevantlui.Ilsn’avaientpasl’aireffrayés,cequi
l’impressionna. En fait, ils avaient plutôt l’air d’hommes face à un serpent, sachant bien que leur
ennemiétaitcomplètementimprévisible,etattendantdevoircequiallaitsepasseravantdedécider
d’unpland’action.
« Son père vous a envoyé, » déclara Anatoly d’un ton suave. « C’est ça que je dois
comprendre?»
«Oui.»Leplusgrandacquiesça.
«Vousgagnezvotreviecommeça?»
L’hommehaussaàmoitiédesépaules.«D’unecertainemanière.»
«J’aiunmessageàfairepasseràM.JonathanCopeland,»annonçaAnatoly.
Leplusgrandhaussalessourcils.Sonchocétaitévident.«Etlemessage?»
« Sa fillem’appartient à présent. » Anatoly sentit une sensation de satisfaction profonde en
prononçantcesparoles.«Vousl’avezentendudesespropreslèvres.C’estlavérité.TrishaCopeland
m’appartientetresteraàmescôtésjusqu’àcequejeneluitrouveplusd’utilité.»
Le plus petit fit mine de se jeter sur Anatoly. Son compagnon écarta un bras pour l’en
empêcher.Leplusgrandseraclalagorge.«Avez-vousdéjàrencontréJonathanCopeland?»
«Non.»
Unauthentiquesourired’amusementsedessinasurleslèvresduplusgrand.«Alorsjeluiferai
passerlemessagedesafilleainsiquelevôtre,etlelaisseraidécidercommentilveutprocéder.»
Anatoly eut un pressentiment momentané en voyant ce sourire étrange. Cet homme était-il
vraimentsatisfaitdecerésultat?Ilavaitmanquéàsondevoir,non?Pourquoiserait-ilsatisfait?Ce
puzzleneplaisaitpasdutoutàAnatoly.«Voustrouvezçadrôle?»exigea-t-ildesavoir.
«VouspouvezvraimentvouslapétericiàMoscou,»ditl’hommed’untonégal.«Onlesait
tous.C’estpourçaquevouspouvezvouspermettredesdéclarations idiotescommecellequevous
venezdemelivrer.»
«Idiotes?»Anatolyn’appréciapasdutoutl’insinuation.«Commentça?»
L’hommeagitalamain.«Oh,qu’ellevousappartientjusqu’àcequevousneluitrouviezplus
d’utilité.Commentpensez-vousque sonpère réagira?Sa fillecroit à l’évidencequevousêtesun
hommemeilleurquecequevousmontrezàlafacedumonde.Ellenousaditdebutenblancquevous
n’étiezpaslemonstrequ’onpensaittous.»
Maintenant,c’étaitautourdufreluquetdel’ouvrir.«Doncmêmesionsaittrèsbienquevous
luitireriezplutôtuneballedanslecrânepourvoussauverlaface,elleestprêteàtournerledosàsa
familleetsavieparcequ’ellevoitquelquechoseenvousquelerestedumondenevoitpas.»
Anatoly se sentit étrangement flatté par ce savoir.Cependant, il lemettait aussimal à l’aise.
S’était-il perverti aux yeux de Trisha ? Sûrement pas. Il était l’homme qu’il était. Ce n’était pas
commes’ilessayaitdepasserpourquelqu’und’autre.Il l’avaitcapturéecontresongréaprèsavoir
fabriquédefaussesallégationsimpliquantqu’elleavaittrichédanssoncasino.Iln’avaitenriencaché
sanaturedanscescénario.
Leplusgrandseretournapours’éloigner.«Bonnechance,M.Zaretsky.»
«Jesuisdésolé,»lâchaAnatoly.«Maisjenevousaipasdonnélapermissiondepartir.»
«Nousavonsdéjàperdutropdetemps,»continua-ild’unairamusé.«Etçaneserviraitàrien
detuerlemessager,si?»
Anatolyregardalesdeuxhommess’éloigneretsesentitencoreplusperplexeetdéséquilibré
quelorsqu’ils’étaitcachédansl’escalierquelquesmomentsplustôt.Quelétaitleproblèmedecette
Trisha?Pourquoinesecomportait-ellepasdemanièreattendue?Lesgensétaientégoïstes.C’étaitla
seulechoseconstantedanssavie.OuçaavaitétélaseuleconstanteavantderencontrerTrisha.
ChapitreDix
Trisha s’assit sagement sur la banquette arrière de la limousine. Elle était inquiète pour ces
hommes.Et siAnatoly se fâchait sur eux?Cen’étaitpas commesi ellen’avaitpas consciencedu
genre de violence dont il était capable. Mais elle pensait qu’il pouvait contrôler ce besoin pour
montrerdelacompassion,oudelamiséricorde.
Laportières’ouvritetAnatolyseglissadanslavoiture.«Frederick,ramène-nousàlamaison
s’ilteplait.»
«Etmesaffaires?»
« Je les aimises dans le coffre. » Il inclina la tête vers elle. « Tu pensais qu’après tous les
problèmesrencontréspourvenirici,j’oublieraidereprendretesvalises?»
«Non.»Ellesentitsesjouess’empourprer.«Jenemerendais justepascompteàquelpoint
j’étaisdistraite.Jenet’aipasvuouentendumettrequoiquecesoitdanslecoffre.»
«Jevois.»
Letond’Anatolysuggéraitqu’ilenavaitfinideparlerdel’incidentdudortoir.Mince.Trisha
voulaitsavoirsilesdeuxhommesallaientbien.Elleleuravaitdemandédepasserunmessageàson
père.Et s’ilsn’étaientpas enétatde le faire ?Trishadevait parler à sonpère,ou il continuerait à
envoyerd’autreshommespourlaramener.
Mais sonhôtene se rendait pasdu tout comptede cebesoin. «Tuas exprimé ton intérêt de
visiterd’autrespartiesducontinent.Voudrais-tuallerdansundemeshôtelsenSibérie?»
« Pour des vacances ? » Les problèmes avec son père furent momentanément oubliés.
«Oui!Ceseraitgénial.»
Ilinclinalatête,etunemèchedecheveuxnoirsglissasursonfront,luidonnantunairenfantin.
«Ondiraitquetun’esjamaispartieenvacances.»
« Oh, pas depuis que je suis gamine, » dit-elle d’un ton dédaigneux. « Mes parents m’ont
emmenéàl’obligatoireDisneyWorldquandj’avaisseptans.Monpèrenecroitpasauxvoyagesou
auxvacances.Ilaimedirequelesvacancessontmieuxpasséesàsedétendreàlamaison.»
«Jenesuispasdutoutd’accord.»Letond’Anatolysuggéraitquec’étaitsonjugementfinalet
qu’aucuneautreopinionsurlesujetnevalaitlapeined’êtrediscutée.«AlorsallonsenSibérie.»
«Quand?»
Il sourit, et elle sentit son ventre se nouer d’excitation. « Je pense que c’est maintenant ou
jamais,pastoi?»Ilfitungesteverslecoffredelavoiture.«Tesbagagessontdéjàprêts.»Ilpoussa
unbouton,etlavitresebaissaentrel’avantetl’arrièredelavoiture.«Frederick,emmène-nousàla
gare,s’ilteplait.»
«Untrain?»Ellenepritmêmepaslapeinedecachersonempressement.«Onvavraiment
monteràbordduTranssibérien?»
«Biensûr.J’aimonproprewagon.»
Trisharenifla.«Biensûr.»
«Qu’est-cequetuveuxdire?»
«Justequetuesunhommequialesmoyens,doncpourquoin’aurais-tupastonproprewagon,
contrairementànousgensordinairesquidevonsacheterunsiègecommelecommundesmortels.»
«Tun’espasquelqu’und’ordinaire.»Ilsemblaitunpeuraide.L’avait-elleoffensé?«Tues
avecmoi.Etdonctuesausommetdetoutesleslistes.»
«Merci.»Elledécidad’arrêterdelecharrieretdeletaquiner,etdesimplementapprécierce
qu’il faisait. « Je ne veux pas sembler ingrate. C’est juste que je n’ai pas l’habitude que les gens
s’occupentdemoi.»
«Peut-êtreque tudevrais t’yhabituer.Tantque tuserasavecmoi,c’estcommeçaqueçase
passera.»
Ilsepenchaverselleetluipritlamain.Trishadéglutit,sentantlevrombissementd’excitation
courirdanssesveines.Anatolyretournasapaumedemainettraçaleslignesavecleboutdesdoigts.
Malgrétoutcequic’étaitpassé,ellesentitlachaleurs’accumulerdanssonbas-ventre.C’étaitsibon
delesentirlatoucher.L’électricitéentreeuxsemblaittoujoursprésente.
Sonesprit se remémora les imagesde laveille.Elle se souvint de sesmains sur ses cuisses
nuesetde lamanièredontelle s’était sentie lorsqu’ilavaitpénétrésoncorps.Unedouleurhumide
s’accumulaentresesjambes.Ellesetortillaunpeusursonsiège.C’étaitpresqu’inconfortabled’être
assiseaulieudebouger.Ilcontinuaàcaressersapaumedemain.Puissesdoigtsglissèrentversson
poignetetremontèrentlelongdesesbras.Iltouchalapeautendreducreuxdesoncoude.
Sonregardétaitinsistant.Lesprofondeurssombresdesesyeuxsemblaienttraversersapeauet
pénétrerdanslenoyaudesonâme.Ellesedemandacequ’ilyverrait.Serait-ilcapabledevoirqu’elle
avaitplongéeneauxbien tropprofondesencequi leconcernait?Verrait-il lepouvoir incroyable
qu’ilavaitsurelle?
«Çateplais?»murmura-t-il.
Elledéglutitetparvintenfinàparler.«Oui.C’esttrèsagréable.»
«Tuveuxquejecontinue?»
«Çadépend,»taquina-t-elle.«Queveux-tudireparcontinuer?»
Lavoituresegaradevant l’énormegareferroviairedeMoscou.Anatolyouvrit laportièreet
sortitdelavoiture.«Jesupposequejevoulaisdirequenouscontinuerionscettediscussiondansle
wagon.»
«Jevois.»Elledescenditduvéhicule,presqueétourdie.«Etoùvanousmenercettediscussion
?»
«EnSibérie,évidemment.»Iltapotaleboutdesonnez,savourantàl’évidenceleurpetitejoute
verbale.
« Et si je préfère rester avec les autres passagers pour profiter à fond de l’expérience du
Transsibérien ? Que dirais-tu ? » Elle n’avait même pas considéré cette possibilité avant de la
mentionner,maismaintenantqu’ellel’avaitexposée,ellesedemandacommentilrépondrait.
Ilfronçalessourcils,sonexpressionsefaisantpresqueméchante.«Iln’yapasdeplacedans
lesautreswagons.»
«C’estvrai?»
«Oui.Iln’yapasd’autreplacepourtoiqu’àmescôtés.»
Trisha soupçonnait qu’Anatoly lui-mêmene comprenait pas complètement ce qu’il venait de
dire.
Elleétaitvraimentdanslamerde,etlasituationempiraitàchaquesecondequipassait.
LEPAYSAGEDEFILAITàl’extérieurdesfenêtresdutrain.Àl’intérieur,Anatolyétaitinstallé
dansunfauteuil,uncocktailàlamainetunefemmemagnifiquepourl’accompagner.Ilauraitpudire
quec’étaitcommeçaunweek-endsurdeux,saufquelafemmeétaitTrishaetquesonbutprincipal
n’avaitrienàvoiravecladéshabiller.Enfin…çafaisaitpartiedubut,maiscelui-cicomprenaitbien
plusqu’unsimpledésirdelarevoirnue.
«Tuvoyagestoujourscommeça?»demandaTrisha.
Anatoly l’avait observée tandisqu’elle explorait leur logementdepuisplusdevingtminutes.
«Tuasprobablementexaminécewagonplusendétailsquemoiquandonmel’alivré.»
« Sans rire ? » Elle se retourna et lui lança un petit sourire avant de secouer la tête de
consternation.«Vous,lesriches,vousnefaitesjamaisvraimentattentionàcequevousachetez.Vous
jetez de l’argent par les fenêtres et vous assumez que vous allez obtenir ce pour quoi vous avez
payé.»
«Jenediraispasça.»
Ellerenifla.«Moibien.»
«Etquelleseraittonévaluationduproduit?»poussa-t-il,curieuxdeconnaîtrelefonddeses
pensées.
Ellefituncerclelentaucentreduwagon.«Laconstructionsemblesolide.Sûrementétancheet
insonoriséepuisqu’onentendpasvraimentlebruitdel’airquipasse.Etonn’entendpastellementnon
pluslebruitdesappareilsélectriques.»
«Etlemobilier?»Illevasonverreverselleavantd’ensiroterunegorgée.
«Lebarestsympa.Ilestclairementbienfourni.Jepariequecescanapésseconvertissenten
lit.»Ellefitungesteversl’autrecôtéduwagon.
Ilremualessourcils.«Tuaimeraisledécouvrir?»
«Wow, laisse-moiy réfléchir ; s’envoyeren l’air enpleinmilieude la journéeàbordd’un
trainoùn’importequipourraitentrerounousvoirparlesfenêtres.Nonmerci!»Elleritàcetteidée.
«Maistuesmignon,tusais?»
« Tu as mentionné plusieurs fois les gens riches, » commenta-t-il, souhaitant l’éloigner du
sujet.«Ilsembleraitquetuaiesunpréjudicecontrelesgensquiontdel’argent.»
«Seulementceuxquipensentqueçaleurdonneledroitdefairetoutcequ’ilsveulent.»Ellelui
lançaunregardquiendisaitlong.
« Je suppose que vu ton regard évocateur, tu faisais référence à moi ? » Il n’aimait pas
particulièrementêtregroupéavec tous‘cesrichards’,mais ilnepouvait rienfairepourréfuterses
accusations.
« J’ai connu plusieurs gens riches dansma vie, » songea-t-elle. «Aucun d’entre eux n’était
particulièrementsympa,etmêmes’ilspouvaientsepermettred’êtregénéreux,ilsnel’étaientpas.»
«Siondistribuaitl’argentpartout,alorstoutlemondeseraitlemême.»
Elle lui lança un regard rempli de sarcasme. « Ah oui, est-ce que ça ne s’appelle pas le
communisme?»
« Touché, » dit-il, savourant son trait d’esprit. « Sauf que la seule différence entre le
communismeetlecapitalismeestquelescommunistesprennentmieuxsoindeleurspauvres.»
«Aie!»Elleplaçaunemainsursoncœur.«Jenepensepaspouvoirargumentercontreça!»
Ilagitalamain.«Assezdepolitique.»
«Et si on passait à la religion ? »Elle leva un sourcil et passa un doigt sur les rideaux de
brocartquipendaientauxvitres.
Il l’étudia en trainde toucher le tissu richeetperdit complètement lanotionde tout, saufdu
souvenirdesentirsesmainssursapeau.S’était-ilentichéd’elle?C’étaitunpeueffrayant.
«Parle-moidetontravail.»Sontondouxétaitencourageant,commesielleéprouvaitvraiment
delacuriosité.«Qu’est-cequirendlamafiadifférentedesautresentreprises?Dansmonexpérience,
touteslesentreprisesbalancentauborddelamoralitédetoutemanière.»
«C’estvrai.»Se réinstallantconfortablementdanssonsiège, ilpensaàcequ’il faisaitpour
gagnersavie.Pouruneraisonqu’ilavaitdumalàcomprendre,ilétaitavidedeluiexpliquer.C’était
absurde,maisildevaitavouerquec’étaitcequ’ilressentait.«Jepossèdedeshôtelsetdescasinos.Ce
n’estpaslavoietraditionnelledelamafia,maisc’estunevoieassezlucrative.»
«Quelleestladifférence?»
«Etbien, laplupartdes famillesmafieusesvendentde ladrogueouorganisentdes combats
illégaux,etellessontaussiimpliquéesdansletrafichumain.»Ilhaussalesépaules.«Jenetrouvepas
quecesoientdesentreprisesprofitables.»
Quelquechosedanslapositiondesonmentonluidonnal’impressionqu’ellen’approuvaitpas.
Puisellehaussalesépaules.«Jesupposequec’estbonpourtoi,maisqu’est-cequirendtesaffaires
illégalesetlesclassifiecomme-»Ellefitdesguillemetsenl’air«-mafieuses?»
«Jen’aimepaslapaperasserie,»dit-ilplatement.«J’utilisedespotsdevinoul’intimidation
pour éviter les lois et règlements qui neme conviennent pas, et j’ai la police deMoscoudansma
poche.»
«Ahalorsça,çasonnepluscommelamafia,»marmonna-t-elle.
«Ettoi?»IlrecentrarapidementladiscussionsurTrisha.«Onapresquepasparléenanglais,
et pourtant tu ne sembles pas avoir de mal à me comprendre. Ta maîtrise du russe est
impressionnante.»
«J’aipasséundiplômeenhistoire russe.Ceprogrammed’échangede laMoscowAcademy
était le dernier cours demes études. » Elle soupira, détourna le regard vers la fenêtre et eut l’air
mélancolique.
«Qu’est-ceque tuavais l’intentiondefaireaprès tondiplôme?»Enfait, ilsedemandaitce
qu’ellepouvaitfaireavec.Çasemblaitvraimentinutile,maisiln’allaitpaslediretouthaut.
Ellegloussa.«Jecroisquej’aichoisicemasterjustepourfairechiermonpère.Ilvoulaitque
j’étudiel’assistancesociale.»
«Ettun’aimaispascetteidée?»
«Pasparticulièrement.Jetrouveçadéprimant.»
«Ah.» Il ne comprenait pasvraiment le conceptdu travail d’une assistante sociale,mais ça
n’avaitpasvraimentd’importance.«Ettonpères’estfâché?»
«Iln’estjamaisfâché.»Elleseretournaetluioffritunsourire.«Ilestdéçu.C’estdifférent.Je
suisunenfantunique. J’aigaspillémon tempsetmonargentdanscediplômeridicule,blablabla.
C’estpourmeculpabiliser.»
«Et pourtant tu es icimaintenant et il n’y a pas de place pour la culpabilité. » Il haussa les
épaules.Pourlui,lesujetétaitclos.«Onserabientôtàmonhôtelettoutsepasserabien.»
«Oui,»convint-elleàvoixbasse.«Toutsepasserabien.»
ChapitreOnze
Trishan’avaitjamaisadmirédeplusbeaupaysagequeceluidesmontagnesboiséesdeSibérie
quientouraientl’hôteld’Anatoly.L’endroitdisposaitd’unestationdeskiquifonctionnaitdudébutde
l’automne à la fin du printemps,mais pour l’instant, l’attraction phare semblait être la tyrolienne.
C’étaitévidentquepourlesfortunésdecemonde,cetendroitétaitavanttoutunendroitdespas,de
luxeetdedétente.
Anatolynelogeaitpasaveclepeupledanslapartieprincipaledecethôtel-châteautentaculaire.
Ilavaitunemaisonprivéenichéeàflancdecolline.Le‘chalet’étaitpeut-êtrefaitdebois,maisc’est
toutcequ’ilavaitdechalet.Ildisposaitd’immensesplafonds,degrandesfenêtresquidonnaientvue
sur la vallée, et d’unvaste terrasse couverte de fleursmauves.L’odeurde la florequi entourait le
chaletd’Anatolyremplissait l’air,etTrishaneput résisteraubesoindes’installerdansunechaise-
longueetdeprofiterdusoleiletdel’airfrais.
Anatolyposauncocktailsurlapetitetabledechevet.«Tut’amusesbien?»
« Je n’arrive pas à croire que cet endroit t’appartienne vraiment, » murmura-t-elle avec
appréciation.«C’estmagnifique.»
«Enhiver,lamontagneestcouvertedeskieurs.Parfoisjefermelastationjustepourpouvoir
fairequelquespistessansrencontrerunedizaineouplusdeskieursdébutants.»
«Lesgensriches,»dit-elleenreniflant.
Il leva les yeux au ciel et s’installa dans la chaise longue à côté d’elle. « Non. Les gens
égoïstes.»
Elleseretournapourledévisager,choquée.«Tuviensdetetraiterd’égoïste?»
Iltraçadoucementsonavant-brasavecundoigt.«Peut-être.»
Sescaressesladistrayaient.Ellesenvoyaientunfourmillementagréabledanssoncorpsetlui
faisaientpenseràs’envoyerenl’airsurlaterrasseprivéedel’hôtelsibérientandisquelecoucherde
soleil rougissait lecielde tonsorangeet rose.Saufqu’ellen’étaitpascenséepenseràcegenrede
choses.
«Tunages?»
«Oui,maisjen’aipasamenédemaillot.»Elleenfutunpeudéçue.Elleaimaitvraimentbien
nager.
«L’endroitauqueljepensaisn’estpasvraimentunepiscine.»Ilétaitàl’évidenceentrainde
l’amenerversquelquechosedeprécis,parcequ’ellepouvaitpresquevoirlesrouagestournerdans
sonesprit.
« Allez, vas-y, » pressa-t-elle. « Crache le morceau. Tume donnes des vertiges à force de
tournerautourdupot.»
Iléclataderire.«Pasmoyendetecacherquoiquecesoit,si?»
«Aupointoùonenest?Non.»
«Ilyaunesourcechaudeàmoinsde2kmduchalet.C’estsurunterrainprivé.Jen’autorise
pasdeclientssanspermissionspéciale.»
Trisha tenta de contrôler son empressement. Ilpossédait une source chaude aumilieu d’une
étendue sauvage aussi belle ? Comment un criminel pouvait-il avoir si bon goût ? Elle en était
abasourdie.
ANATOLYLAREGARDAretournerl’idéedanssonesprit.Ilsavaitqu’ill’avaitsurlesujetdes
sources chaudes.Elle n’était pas seulement curieuse,mais aussi excitée. Il pouvait le lire dans son
langagecorporel.
Ellefinitparserelever.«Allonsvoircetendroitmagiquedonttuparles.»
«Tudisça,»songea-t-il,nebougeantpasdesonsiège.«Maisd’untonsarcastique.»
Trishapoussaunimmensesoupir.«D’accord,Anatoly.Veux-tubienm’emmeneràcettesource
chaude?Çaal’airmagnifique,etj’aimeraisvraimentyaller.»
«Beaucoupmieux.»
Ilselevadesachaiselongueetpritlecocktaildesesmains.Ildéposalesdeuxverresdecôté.
Mêlantsesdoigtsauxsiens,ilsedirigeaverslesescaliersduboutdelaterrasse.Lorsqu’elleserendit
comptequ’ilspartaient,elleleforçaàs’arrêter.
«Attends.Onnedoitpasemmenerquelquechose?»Mêmesonfroncementdesourcilsétait
adorable.
«Non.C’estàunpeuplusd’unkilomètre,et lesentierestenbonétat.Onseraconstamment
souslaprotectiondemeshommes,etcrois-leounon,maisilyaduréseauaucasoùondoitappeler
pourquelquechose.»
«Oh.»
«Tuesdéçue?»Ileutdumalàcomprendre
«Jepensaisallerrandonneraumilieudenullepart,tusais?»Ellepinçaleslèvres.«Maisje
suissûrequec’esttoutdemêmemerveilleux.»
Anatolyéclatade rireetprissonbrassous lesien.«Peut-êtrequ’ondevraitaller randonner
danslamontagneunjour.Çanousdonneraitlepleind’expériencessauvages.»
«Tuutilisesparfoislesremontéesmécaniquesjustepourt’amuser?»
Ilhochalatête.«Toutletemps.»
Le chemin descendait la colline où le chalet avait été construit et pénétrait dans la forêt une
centainedemètresplusloin.Ilssuivirentlalargepistebienbalisée,dépassantlesarbresetdegrands
rocherscouvertsdemousse.Ilfaisaitfrais,maispasfroid,dansl’ombredelaforêt.Leparfumdes
arbresàfeuillespersistantesremplissaitl’air.
Ilnefallutpaslongtempsavantdevoirlavapeurdelasourcechaudes’éleverdansl’air.Son
excitationpritledessus.Trishaapprécieraitl’endroitautantquelui.Pouruneraisonqu’ilignorait,il
repensaàlaseulefoisoùilavaitconsidéréemmenerBianka.Cettefemmeétaitunefilledelaville
dans l’âme. La seule mention de ces hôtels la faisait tressaillir d’inconfort. Elle s’imaginait cet
endroitmanquantcomplètementdesinstallationsqu’elleconsidéraitcommenécessairesàsasurvie.
«Aquoitupenses?»demandaTrisha.
Ilseretournapourlavoirledévisageraveccuriosité.«Justeàquelqu’unquejeconnais.»
«Unefemme,»devina-t-elle.
Cen’étaitpasdutoutlesujetdontilvoulaitdiscuterpourl’instant.«Jel’appelleraisplutôtune
princessepourriegâtée,maisoui.C’estbienunefemme.»
TRISHAESSAYADEnepassesentiroffenséedesavoirqu’Anatolypensaitàuneautrefemme
alorsqu’ilétaitavecelle.Était-elletellementpeuintéressante?Elleavaitpenséqu’ellepourraittenir
son intérêt. Elle savait qu’elle ne correspondait pas à ses standards habituels, et qu’il y avait une
bonnechancequ’ilsefatigued’elleplustôtquetard,maisc’étaitquandmêmehumiliant.
«Jefaisaisuneétudedecontrastes,»ajoutasoudainAnatoly.
Trishaétaitdésorientée.Dequoiparlait-il?«Pardon?»
« C’est pour ça que je pensais à une autre femme, » dit-il lentement. « Je pensais que je
n’amèneraisjamaisuneautrefemmeici.Jeneconnaispersonned’autrecommetoi.Tun’aspaspeur
depetitstreksdanslaforêt.»
«Oh!»Aulieudesesentirembarrassée,elleétaitàprésentnerveuseetexcitée.
Puis ils tournèrent un virage, et toutes pensées de femmes ou de ce qui plaisait à Anatoly
s’envolèrentde sonesprit.Elledécouvrit unepetite clairière aumilieud’arbresqui entouraientun
bassind’eau.Unmurrocheuxabruptsetrouvaitdel’autrecôtédusentier,quiseterminaitdansl’eau.
Delavapeurmontaitenvolutesdelasurfacelissedemiroirdubassin.
«Anatoly,c’estmagnifique,»souffla-t-elle.«Commesortitoutdroitd’uncontedefée.»
« Je suis ravi que ça te plaise. » Il fit un geste vers l’eau. « Mets tes doigts dedans. C’est
merveilleusementchaud.»
Elle s’agenouilla au bord du bassin et effleura l’eau du bout des doigts. L’odeur légère du
sulfure persistait dans l’air, mais ce n’était pas désagréable. Elle se retourna pour faire un
commentaire,maiselleoubliasurlechampcequ’elleallaitdire.
Anatolyavaitretirésachemiseets’étaitdéjàdébarrassédeseschaussuresàsemellesépaisses.
Il avait les mains posées sur le bouton de son jeans. Trisha retint son souffle en l’admirant. Pas
qu’ellen’aitjamaisvusontorsenuavant,maisc’étaitunevueassezépoustouflante.
Chaquecentimètrede sapeaudorée recouvraitdesmusclesbien formés.Ellenepouvaitpas
détournerleregard.Ildescenditsonjeanssursesfesses,avecsonslipdanslafoulée.Lespoilsnoirs
épaisquirecouvraientsonainefurentexposés,ainsiquelediamètreépaisdesonpénis.Sonérection
étaitimpressionnante.Sabiterebonditcontresonventretandisqu’ilretiraitsonjeans,sonboxer,puis
seschaussettes.
«Jevaisfairetrempette,»luidit-ilavecunsouriremalicieux.«Tudevraism’accompagner.»
Trishabaissalesyeuxverssonjeansetsont-shirtdécontractés.Ellenes’étaitjamaisbaignée
nuedesavie.Sonpèreétaitunflic.Elles’étaittoujoursimaginéavoirlachancedesefairearrêter
pour exhibitionnisme et que son père se retrouve avec son dossier. Mais maintenant, avait-elle
quelquechoseàperdre?L’eausemblaitsiaccueillante.
Anatolyentradanslebassinpuiss’immergeacomplètement.Ilémergeaaucentreetdébarrassa
l’eaudesonvisage.Sescheveuxfoncésbrillaientdans la lumièredusoleilquifiltraità travers les
branchesd’arbres, et sa peau semblait aussi parfaite que la soie.En fait, son corps entier semblait
parfait.
«Allez,Trisha,»cajola-t-il.«Tuviens?»
«Jenesuispasaussibellequetoitoutenue.»Enfait,c’étaitsonsouciprincipal.Elleétaitune
vraierousse,avecunepeaupâleetcouvertedetachesderousseurquinebronzait jamais.«Jesuis
commeunpoissongluant.»
«J’aivutoncorps.Tuesmagnifique.Viensmerejoindre,s’ilteplait?»
ANATOLYPOUVAITVOIRsonhésitationdanser sur sonvisage.Puis elle finitpar céder. Il
sourit quand elle se débarrassa de son t-shirt et se dépêcha de dégrafer son soutien-gorge. Elle
semblaitsedébarrasserdesesvêtementsaussirapidementetefficacementquepossiblesansuneseule
penséeàcequipourraitêtrevucommeunstrip-tease.Ilretintsonrireàsonmanqued’artifice.Puis
elleposaunpieddansl’eau,etiloubliaderespirer.
«Malenkaya,tuesmagnifique,»murmura-t-il.
«Vraiment?»
Anatoly fit un bruit de dégoût. « Quel idiot ne t’a pas dit que tu étais belle ? J’aimerais le
tabasseretluiarracherlescouilles.»
Elleéclataderire.«Jen’aipasvraimentlephysiqued’unmannequin.»
Incapablederésister,Anatolys’approchapourtouchersonépaulenue.Elles’étaitavancéesous
lasurfacedel’eau.Sesseinsperçaientàpeinelasurfacefumante.Ilsrebondissaientsurlasurface,et
sestétonspointèrent.
«J’aibesoindetetoucher,»murmura-t-ild’unevoixrauque.«Tumedonneslapermission?»
Sagorgebougeavisiblementlorsqu’elledéglutit.«Oui.»
Il prit ses seins dans ses mains. Caressant ses tétons des pouces, il savoura le fait que son
attention lui donne du plaisir. Sa peau se raidit. Il caressa ses mamelons durcis jusqu’à ce qu’ils
pulsentsoussesdoigts.Puisilsebaissaetenpritundanssabouche.
Le goût était exquis. Passant ses doigts dans ses cheveuxmouillés, elle tira sa tête plus près
d’elle, commesi elle le suppliaitde continuer. Il suçaplus fort, prenant autantde son seindans sa
bouchequepossible.Ilretournasontétondelalangueetpuisreculapourluifaireunpetitsuçonavec
lesdents.
«OhmonDieu,qu’est-cequec’estbon!»murmura-t-elle.«Encore,Anatoly!Continue!»
Ilsouritetglissalesmainspar-dessusseshanchesetsursachutederein.Ilpritsesdélicieuses
fessesentresesmainsetl’attiratoutcontresoncorps.«Jevaistefairel’amour,Trisha,»luidit-il
d’unevoixâpre.«Jevaisglissermabitedans tachatteet te fairecrier jusqu’àcequeces rochers
résonnentdesbruitsdetonplaisir.»
Puiselleposaunemainàplatsursonventreetlaglissajusqu’àlabasedesabite.Laprenant
danssapaume,elleluiretournalecompliment.«D’accord.Maisjeteferaihurleràmescôtés.»
ChapitreDouze
Trishaétaitenfeupourcethomme,etiln’yavaitaucunmoyendeprétendrelecontraire.Être
danslesbrasd’Anatolytandisqu’ilcaressaitetmassaitsesseinsétaitépoustouflant.Puisilannonça
qu’ilvoulait luifaire l’amour,etelleeut l’impressionqu’elleallaitmourirdedésir.Toutcequise
situait sous sonnombril était enfiévré.Sesmuscles internes se contractaientdebesoin, et tout ceà
quoiellepouvaitpenserétaitlemomentoùlabited’Anatolyplongeraitenfindanssoncorps.
Ellepressalalongueurépaissedesonsexeetfutrécompenséeparungrognement.Ilplongea
lesmainsdanssescheveuxetl’attirapourl’embrasser.Elleécartaleslèvresetsentitsalangueglisser
danssabouche.Songoûtdécadentenveloppasessens.Ellepouvaitsentirleclapotisdel’eauchaude
contresesbrasetladouceurdelapeaud’Anatolypresséecontreelle.
Elle flottait, et Anatoly était sa seule ancre dans l’eau. Ses pieds semblaient être fermement
plantés au fonddubassin.Trisha enprofita pour lever les jambes et les passer autourde sa taille.
Cettepositionouvritsonsexeetellelepressafortcontresonérection.Lemerveilleuxfrottementde
sahampecontresonclitorislafitfrissonner.
«Anatoly,jevaisjouir!»dit-elled’unevoixrauque.
«Alorsjouis,malenkaya.»
Ellesentitunesensationbrûlanteàl’arrièredesesjambestandisqu’ellelesserraitautourdesa
taille. Puis la sensation écrasante d’une décharge électrique submergea son système nerveux. Elle
poussauncritandisquel’orgasmefaisaitconvulsersoncorps.Sesmusclesinternessefléchirentet
se serrèrent encherchant labited’Anatoly.Elle se tortilla contre luipour enavoirplus.Elle avait
tellementenviedeluiqu’ellepouvaitàpeinelesupporter.
«Doucement,»luidit-il.Sesmainsétaientdanssescheveux,lissantlesmècheshumideshors
desonvisageetl’apaisantgrâceàsontoucher.«Tuaurascedonttuasbesoin.Jelepromets.»
Elle geignit, serrant ses cuisses autour de ses hanches. Il serra son cul plus fermement et
l’éloignalégèrementdelui.Elleflottaitdansl’eau,lecocondechaleurlamaintenantdanslaposition
idéale.
Songlandsondal’entréedesachatte.Elleinspiraàfond.Ilglissasonglandàl’intérieurdesa
chatte.Cen’étaitpassuffisant.Enfin, ilplongeaenelleet la remplitcomplètement.Ellegrognade
satisfactionetpassalesbrasautourdesanuque.
À cet instant, elle riva ses yeux aux siens. Cette intimité la secoua, et elle se sentit presque
intimidée.Sesyeuxsombresétaientsibeaux.Ellepouvaitvoirtellementdechoses,etpourtantellene
savaitpasdutoutcommentlelienquilesunissaitallaitsedévelopper.
Ilcommençaàbougerenelle.L’eaubougeaautourd’eux,éclaboussantlégèrementleurpeauet
créantunéventaildélicieuxdesensations.
Trisha rejeta la tête en arrière et admira le ciel bleu au travers des arbres épais. Sa poitrine
frottait contre le torse dur d’Anatoly demanière séduisante. Ses tétons semirent à pointer et son
clitorisàpulser.Ilaccéléralerythme,claquantcontreelleetlafaisantcrieràchaquecoupderein.Le
plaisir était presque trop intense. Elle se sentait perchée au bord d’un autre orgasme, et voulut
l’atteindreavectoutcequ’elleavaitenelle.
ANATOLYN’AVAIT JAMAIS rien savouré plus que cet instant à l’intérieur de Trisha. Elle
représentaittoutcequ’unhommepouvaitvouloir.Elleétaitsexy,désinhibée,etaussiexcitéeparlui
qu’on pouvait l’être. Il sentit qu’elle était à nouveau sur le point de grimper au rideau. Il voulait
grimperavecelle.Sescouillesétaientserréesentresesjambes,etlachattedeTrishatenaitsabitesi
fermementqu’ilpouvaitàpeinebougerenelle.
Ellepoussauncri,ungémissementpassionnéquirésonnasurlafaçaderocheuseetfittrembler
Anatolydedésir.Ellesecontractaànouveauautourdeluiavantqu’ilnelasentefondre,libéréepar
sonorgasme.Cettesensationmagiquelecombla.Rejetantlatêteenarrière,Anatolyconvulsatouten
déversantsasemencedanslecorpsdeTrisha.Illatinttoutcontrelui,selaissantretomberdansl’eau.
Ilsflottèrentensemble,sabitetoujoursplongéedanssoncorps.
Une vague de tendresse le submergea, et il la serra fort dans ses bras. Cette femme était
différente de toutes celles qu’il avait rencontrées auparavant. Elle n’avait pas de motifs cachés à
découvrir, et n’était pas là pour le manipuler. Elle correspondait exactement au visage qu’elle
présentaitaumonde.Etc’étaitinestimable.
« Je n’arrive pas à croire que j’ai fait ça, »murmura-t-elle. «C’est officiel. Je n’ai aucune
volonté.»
Ilgloussa.«Jesuiscertainquetun’aspasfaitçatouteseule.»
«Non.Tuasraison.Toutestdetafaute.»
«Commentça?»Ilbaissalesyeuxverssonvisageetremitunemèchedecheveuxmouillés
derrièresonoreille.
«Tu t’esmis à poil et tu t’es foutu dans l’eau.C’estça qui a commencé toute cette histoire
absurde.»
«Jesuisdésolé,maisiln’yavaitriend’absurde,»argumenta-t-il.«C’étaitincroyable.»
«Lesexeavectoisembleeneffettomberdanscettecatégorie.Maispeut-êtrequec’estcomme
çaavectousceuxquisaventcequ’ilsfont?Jenepensepasavoirassezd’expériencepourémettrece
jugement.»
«Tunevaspasallerrécolterdesdonnéessurcesujet,sic’esttasuggestion,»gronda-t-il.«Tu
encoucheraspasavecunautrehomme.Plusjamais.»
«Ahoui,vraiment?»Trishasemblaitamusée.Çaledérangea.Pensait-ellequ’ilétaitsivolage
?«Tuterendscomptequetuasgénéralementladuréed’attentiond’unepuceencequiconcerneles
femmes?»
«Commentlesais-tu?»gronda-t-il,irrité.«Tumeconnaisàpeine.»
«C’estpeut-êtrelecas,maisjesaiscequetum’asracontéetcequed’autresm’ontditsurton
compte.»Ellepressaleboutdesonindexdanssonsternum.«Combiendefoisas-tuditquetume
gardaisseulementtantquejeretenaistonattention?»
Anatolyn’avaitpasderéponseàça.C’étaitvrai.Ilavaitbienditça.Etceseraitprobablement
inutiled’essayerd’expliquer lamyriaded’émotionsetdepenséesqui lui traversaient l’espritet lui
avaitfaitdireça.Enfait,ilnevoulaitpasenparler.
« Et bien, pour le moment, tu m’appartiens. Rien d’autre n’a d’importance, » lui dit-il
fermement.
Ellelevalesyeuxauciel.«Commetudis.»
LETRAJETDUretourverslacabineétaitbienmoinssympathiquequel’allerverslessources
chaudes.L’éclatdecettejournéeavaitenpartiedisparu.Trishasesentaitraideetdéséquilibréeavec
Anatoly.Cemecavaituneautresauted’humeuretsemblaitpresquemaussade.
Ilsécrasèrentdesaiguillesdepin,etlaforêtquilesentouraitétaitrempliedeschantsd’oiseaux
danslesarbresetdesbruissementsdepetitescréaturesquiretournaientenvitesseversleurabri.Et
fait,c’étaitcommesilemondeentiersesentaitbien,àpartl’exceptionnotabled’AnatolyZaretsky.
Unnuagetraversaleciel,cachantlesoleil.Lerythmedeparaded’Anatolysemblaitrendrele
trajet vers le chalet plus court. Ils se baissèrent pour passer sous des branches dans un endroit où
l’herbeétaitépaisseetlesbranchesentrelacéesau-dessusdeleurtêteobstruaientcomplètementlavue
duciel.
UnfrissonparcourutTrisha.«Tuasentenduça?»chuchota-t-elleàAnatoly.
«Entenduquoi?»Ilsemblaitimpatient.
« Exactement. Les oiseaux ont cessé de chanter. C’est unmauvais présage. » Lemalaise se
transformaenunterriblesentimentd’inquiétude.
«Turacontesdeshistoires…»
Ilneputterminersaphrase.Quatrehommessautèrenthorsdessous-boisépais.Ilsportaientdes
tenues de camouflage etmême leurs visages étaient peinturlurés. Deux d’entre eux se ruèrent sur
Anatoly.Ellelevitpasserunemainsursoncôtécommes’ilavaitoubliéqu’ilneportaitpasd’arme.
Maisiln’allaitpasabandonnersanssebattre.Ilenvoyaquelquescoupsdepoings,heurtantunhomme
àlamâchoire,quireculadequelquespasentrébuchant.
«Venezavecnous,»ordonnaundeshommesàTrisha.
«Quoi?Non!»Ellelibérasamaindesonemprise.«Jesuisicidemonpleingré!Jeneveux
paspartir!»
Ellesurpritlesdeuxhommeséchangerunregardentendu.Puislesecondlabalayadusold’un
seulgeste.
«Hé !Vous ne pouvez pas faire ça ! » Ellemartela son dos de coups,mais il se comporta
commesiellen’avaitpasd’autreseffetsqueceuxd’unemouche.
Anatolyl’entenditcrieretredoublad’effortspoursedébarrasserdesdeuxautresgorilles.Ils
s’attaquèrenttousdeuxàluienmêmetemps.Enfait,lestroishommesroulaientsurlesoldelaforêt
ensetabassant.Ellenepouvaitmêmepasdirequelpoingappartenaitàquelhomme.C’étaitunepile
dechairmuscléeetcamouflée.
Maisçan’aidaitpasnonplusqu’elleassisteàcettebagarreenlaregardantàl’enverstouten
pendant de l’épaule du gorille.Et tout en s’éloignant de plus en plus d’Anatoly et des deux brutes
attardées.Ellecommençaitàsesentirmalade.Deplus,ellenevoulaitpaspartir.Anatolyavaitpeut-
êtrelemauvaistempéramentd’uneadolescente,maisellen’étaitpasencoreprêteàl’abandonner.
Trishafrappaànouveausonkidnappeur tandisqu’ils tournaientetqu’elleperdaitAnatolyde
vue.«Tuvasmelâcher,oui?»
Lemeceutleculotdetapotersesfessestandisqu’ill’emmenaitenjoggant.«MonnomestTaft
etl’autrecrétins’appelleJack.Détends-toi,chérie,tonpèrenousaenvoyés.»
«Maisputain,»grogna-t-elle.«Vousrigolez?Cemecnecomprendpaslemessage!»
«Quoi?»Sonravisseursemblaitconfus.
En tendant le cou,Trishaput apercevoir l’autrehommeappelé Jack.Taft et lui échangeaient
encoreunregardentendu.Maiselleavaitbesoindeplusqueça.Elledevaitlesarrêter.Voircommese
débrouillaitAnatoly.Lesdeuxautrescrétinsl’avaient-ilsblessé?
« J’ai vingt-sept ans, » déclara sèchementTrisha à l’homme. «Mon père vous a envoyé ici
parcequ’ilveutmerameneràlamaison.Jesuisicidemonpleingré.Doncsivouscontinuezcomme
ça,vousêtesentraindemekidnapper.Etsoyonshonnêtes,lesgars,personneneveutêtreaccuséde
kidnapping.»
« Est-ce que Copeland a mentionné qu’elle avait vingt-sept ans ? » demanda Jack à son
partenaire.«Jenemesouvienspasd’avoirluçadansledossier.»
«Ouais,ilatendanceàomettrecegenred’infos,»raillaTrisha.«Voussavez,ilditdestrucs
comme‘mapetitefille’pourvousmettreentêtequejesuisuneadoimpuissante.»
«Ettuasvingt-septans?»Taftlabaissadesonépauleetlaremitsursespieds.
«Oui,»assuraTrisha.«J’ail’âgelégaletplus.»
Taftluienvoyaunregardpleindesoupçons.«Tonpèreaditquetuétaisretenuecontretongré
parlamafiarusse.»
« Ça a commencé comme ça,maismaintenant je suis un hôte. J’avais l’air d’être captive ?
Franchement,onnefaisaitquerandonnerjusqu’auxsourceschaudes.Jenesuispaspiedsetpoings
liés,si?J’auraispum’enfuiràtoutmoment.»Etellenepouvaits’empêcherdepenserqu’elleaurait
dûs’enfuirjustepourpunircetidiotd’Anatoly.
Jack fit signe à Taft. « Le protocole stipule que s’il n’y a pas de preuve qu’une cible non-
mineuresoitdétenuecontresongré,alorsonnepeutpasl’emmenersielleproteste.»
« J’ai compris,mec, pasbesoindeme le rappeler. »Taft leva lesmains comme s’il voulait
fairesavoirqu’iln’avaitplusl’intentiondetoucherTrisha.
« Hé, attendez une minute, » lâcha-t-elle. « Vous m’avez traînée au milieu de la forêt et
maintenantvousm’abandonnez?»
«TucroisqueBoetLeedsenontfiniavecZaretsky?»songeaTafttouthaut.
«Allo!»ElleagitalesmainsdevantlevisagedeTaft.«Jevousparle!Vousm’aveztraînée
jusqu’ici.Vouspouvezmeramener,non?»
Taftrenifla.«Désolé,petite,maisc’esttoiquiadécidédecoucheravecl’ennemi.Situneveux
pasdenotreaide,alorstutedébrouillestouteseule.»
«Connards !»grommela-t-elleen les regardant s’éloigneretdisparaître rapidementdans la
forêtsombre.
Ellen’avaitplusqu’àretrouversonchemin.
ChapitreTreize
Anatolytrébuchasurlesmarchesmenantàlaterrassedesonchalet.Saisissantlarampe,ilse
hissa sur les dernières marches. Il saignait d’une coupure au-dessus d’un œil. Sa chemise était
déchirée.Sonjeansétaitrecouvertdemousseetdebouedelaforêt,etilnes’étaitjamaissentiaussi
frénétiqueaunomd’uneautrepersonnedanssavie.
«Yakov!»cria-t-il.«Yakov,amène-toi!»
Sonombrepresqueconstantedéboulasurlaterrasseenprovenancedelacuisine,oùildraguait
probablement lacuisinière.«Qu’est-cequisepasse,boss?»Yakovfronçadessourcilsenvoyant
l’apparenceécheveléed’Anatoly.«Est-cequejedoisappelernoshommes?»
«Oui !»haletaAnatoly.«Etdépêche-toi.Quelqu’unakidnappéTrisha.Putaindemerde !»
Anatolysavaitexactementcequis’étaitpassé.«Çadoitencoreêtresonpère.Quid’autreenverrait
uneéquipearméeaprèssafille?»
Anatoly radotait. Il en était conscient. Il était vraiment bouleversé par la situation. « Si
seulement j’avaisprêtéattention !»dit-ilàYakov.«Trishaa remarqué lesilencedesoiseauxbien
avant moi. Je ne l’ai même pas prise sérieusement ! Maintenant je mérite probablement ce qui
m’arrive!»
«Boss,calme-toi.»Yakovleregardaitcommes’ilavaitperdul’esprit.«Oùas-tuvuTrishaen
dernierlieu?»
«Ilscourraientdanslaforêtenlatransportantsurleurépaule.»
«D’accord.»LetondeYakovétaittoutàfaitraisonnable.«Etilsdoiventtrouverunmoyende
sortirdudomaine.»
«Oui.»Anatolyrepoussaunemèchedecheveuxraidesdesonvisage.«Faisfermertoutesles
entrées du domaine. On doit la trouver. Envoie un avertissement à la police locale. Ferme les
autoroutess’illefaut.Putain,jeferaifermerlesputainsd’aéroportssijenelaretrouvepas!»
Ilcommençaàarpentersaterrassed’unboutàl’autreavecénergie.Satêtepalpitaitàcausedu
coupqu’ilavaitreçuàl’œil.Ilpouvaitsentirlaplaieenfleretsavaitqu’elleseraitnoirelelendemain.
Maisriendetoutçaimportaits’ilneretrouvaitpasTrisha.
«Patron?»ditYakovavecuneexpressionétrangesurlevisage.
«Quoi?»Anatolylançaunregardnoiràsonamietcompagnondelonguedate.«Lesroutes
sontdéjàfermées?Ilspourraientêtreentraindes’échapper!»
«Anatoly,»répétaYakov.
«Quoi?»
«Jel’aitrouvée.»
«Oùça?»Anatolyseretourna,tombantpresquesursoncul.Al’évidence,lecoupqu’ilavait
reçuàlatêteétaitplusgravequ’ilnelepensait.Ilsesentaitunpeupatraque.
«Ellevientdesortirdelaforêtetsedirigeversnous.»Yakovinclinalatêtedecôté,unsourire
sedessinantaucoindesabouche.«Elleal’airvraimentfurieuse,patron.»
Anatoly ne s’était jamais senti aussi soulagé de sa vie. « Alors elle n’est pas blessée. Dieu
merci!»
TRISHATRAVERSAL’HERBEépaisseenlapiétinant,puismontalesescaliersd’unpaslourd.
Elle continua sur la terrasse et tenta de se rappeler qu’Anatoly n’était pas celui qui envoyait ces
crétinsverselle.Enfait,ilsemblaittellementsoulagédelavoirqu’unepartiedesacolères’évapora.
« Trisha ! Je suis tellement heureux de voir que tu n’es pas blessée. » Anatoly l’attrapa et
l’étreignitdetoutessesforces.
Elleposaune jouecontreson torseet sentit la tensions’écoulerdesoncorps.«Monpèrea
envoyéceshommes.»
«Commentt’es-tuéchappée?»Ilreculajusteassezpourqu’ellepuissevoirleregardnoirqui
déformaitsonbeauvisage.«J’aieudumalàm’occuperdedeuxàlafois.Ilsétaientbienentraînés.»
«Jepensequecesontdeskidnappeursprofessionnels,»dit-ellelentement.«Tusais,comme
une équipe d’extraction ? Sauf que leur protocole leur interdit d’enlever quelqu’un demajeur qui
n’estpastenucontresongré.»
Ilpritsesjouesentresesmains.«Ettuneteconsidèrespascommetel?»
«Jesuis iciparcequec’estmonchoix.Parfois jepenseque jesuis folledenepas tenterde
m’échapper,maispeut-êtrequejen’aijamaisvraimentétécomplètementsained’esprit.»
«Trisha,»murmura-t-il.
Anatoly embrassa son front, puis ses joues, et puisplaça ses lèvres sur les siennes etTrisha
oublia comment respirer. La tendresse de son baiser était l’opposé de la réputation brutale de cet
homme. Il suça doucement sa lèvre inférieure entre ses dents et lamordilla un peu. Elle sentit un
frissonlaparcourirdelatêteauxpieds.
Puis il se sentit soudain vaciller sur ses pieds.Trisha eut la présence d’esprit de le rattraper
pourl’empêcherdetomber.
«Anatoly,qu’est-cequinevapas?»
«Aenjugerparlaplaiedesonœil,ilaprisunsacrécoupsurlatête.»Unhommemassiftira
undesbrasd’Anatolyautourdesanuqueetl’aidaàentreràl’intérieur.«JesuisYakov,aufait.»
«Cen’estriendegrave?»Trishalessuivitàl’intérieur,sesentantunpeucommeunemère
poule.Anatolymarmonnaitquelquechoseàproposdevoirdouble.
Yakov fit signe à un autre homme, et ensemble ils menèrent Anatoly jusqu’au sofa. Ils
l’installèrent sur le canapé et puis reculèrent de quelques mètres. Ils penchèrent la tête l’un vers
l’autre,conférantdecequ’ilsdevaientfaire.
Trishas’agenouillaauxcôtésd’Anatolyettouchadoucementsonvisage.Sapeauétaitchaude,
presqueenfiévrée.Ilavaitplusieursplaiesetecchymoses.Ellesesentitmal.Sanselle,riendececine
seraitarrivé.Elledevraitpeut-êtrerentrerchezelleavantquesonpèren’ordonnequelquechosede
plus extrême. Deux équipes avaient essayé de ‘l’extraire’ enmoins de vingt-quatre heures. Il était
tempsdeprendresondestinentresesmains.
«Yakov?»héla-t-elle,interrompantleurpowwow.
«Oui,MlleCopeland?»Yakovlevaunsourcil.
Trishatentaderassemblersoncourage.«J’aivoudraisrécupérermontéléphone.»
« Je ne sais pas siM.Anatoly le permettrait, et il n’est pas vraiment en état de prendre une
décision.»
«Jelesaisbien.Maisjedoispasserunappel.C’estmonpèrequienvoietouscesgensaprès
moi.Jedoisluiparleretluidired’arrêteravantquequelquechosedegraven’arrive.»Elleétaitplus
sûre sur ce point que de toute autre chose depuis longtemps. « S’il vous plait, rendez-moi mon
téléphone.»
ANATOLY AVAIT L’IMPRESSION de nager dans la colle. Il y avait de la lumière et des
couleurs, mais il ne savait pas d’où elles venaient. Sa tête lui faisait mal, et ses yeux souffraient
commesiquelqu’untentaitdelesluienleveravecunecuiller.
Il se rendit peu à peu conscience du fait qu’il était étendu sur le canapé de son chalet. Il se
souvintdessourceschaudesavecTrisha.Puisdeshommesquilesavaientembusquésdanslesbois.
Après ça, il n’avait aucune notion du temps qui s’était écoulé. Son estomac était noué, et il était
presquesûrques’iltentaitdequitterlecanapé,ilsemettraitàvomir.
«Patron,»ditdoucementYakov.«Tuesréveillé?»
«Enquelquesorte,»parvintàmarmonnerAnatoly.«OùestTrisha?»
Mêmesoussespaupièresgonflées,AnatolypouvaitvoirlagrimacedeYakov.«Elleavoulu
récupérer son téléphone pour pouvoir appeler son père et lui demander de cesser de vouloir la
ramenerdeforce.»
«Quoi?»Unéclairdepanique traversaAnatoly, luiprêtantunpeude force. Ilparvintà se
rassoir, mais Yakov le repoussa sur le canapé. Anatoly gronda. « Qu’est-ce que tu fais ? Je dois
l’arrêter.Etsielleorganiseunrendez-vousavecuneautreéquipe?Jeneveuxpaslaperdre.»
«Patron,écoute-moi.»Yakovpoussaunlongsoupir.«D’abord,siTrishavoulaitpartir,elleen
aeul’occasionplusd’unefois.»
«Oh.»Lapaniqued’Anatolycommençaàs’apaiser.«Jesupposequetuasraison.»
«Ensuite,»ditYakovavecirritation.«Jepensequetudevraislarenvoyerchezelledetoute
manière.Cetengouementestassezridiculeetnemèneraàrien.»
«Dequoituparles?»Anatolyn’appréciaitpaslefaitqu’onluidisecequ’ildevaitfaire.«Je
m’amusebienavecTrisha.»
«Oui,maisquelfuturvois-tudanscetterelation?»Yakovseperchasurlebordducanapéà
côtédelui.«TuesleroidelamafiaàMoscou.Personnen’oseraitdirelecontraire.Maislavérité,
c’estqu’onabesoindesSokolov.»
«Delachairàcanon,»rappelaAnatolyàsonlieutenant.«Voilàcequ’ilssont.»
«Etpourtantlachairàcanonàsonbut,non?»
Anatolyauraitaiméqu’ilyaitdescouverturessurlecanapépourpouvoirlestirersursatête.
«JenevaispasépouserBiankaSokolov.Cettefemmeestunesalopedepremièreclasse.»
«Alorsrange-ladansunemaisonàMoscouetnel’approcheplusjamais,»suggéraYakoven
haussantlesépaules.«Considèreçacommeleprixdesaffaires.»
«C’estvraimentdesconneries,»grognaAnatoly.
«Oui.Maisc’estlavie.»
TRISHASOUFFLATRES,trèslentement.Ellesavaitqu’écouterauxportesapportaitrarement
debonnesnouvelles,etelleétaitcomplètementd’accordavecledicton.Ellen’avaitpaseul’intention
d’écouterauxportes,maiselleétaitrevenuepourvoirsiYakovpouvaitsuggérerunmeilleurendroit
pourcapterunréseautéléphonique.
Maintenant,elleseretournaetsortitdelacuisineetsurlaterrasse.Unefoisàl’extérieur,elle
mit lesmains sur la tête et tenta de retrouver un sens de l’équilibre. Elle avait toujours su que sa
situationavecAnatolyétaittemporaire.Ilnes’étaitpasretenudeleluidire.
Alorspeut-êtrequ’elledevaitseconcentrersurleprésent,cequiimpliquaitdeconvaincreson
père qu’elle n’avait aucune intention de rentrer à Cleveland. Sortant son téléphone, elle vérifia le
réseau. C’étaitmieux ici. Elle avait aumoins 3 barres. Elle cliqua sur son répertoire et poussa le
boutondutéléphonepourappelersonpère.
Ilréponditàladeuxièmesonnerie.«Trisha?OhmonDieu,c’esttoi?»
«Oui,papa.C’estmoi.»Lesoulagementdanssavoixlafitsesentirencorepluscoupabledece
qu’elles’apprêtaitàdire.«Papa,ondoitdiscuter.»
«Discuter ?Tu vas bien ?L’équipe a dit qu’elle t’avait trouvée,mais que tu ne voulais pas
partir.Qu’est-cequisepasse?»Ilélevaitlavoix,sesmotsdeplusenplusacéréstandisqu’ildevenait
plusagité.
«Papa,calme-tois’ilteplait.Situcommencesàcrier,jeraccroche.»
«Attends!Ok,jesuiscalme.Jesuiscalme.»
Elle se sentait unpeu coupable,maisquandmême.Quand sonpère semettait à crier, c’était
impossibledeluiparler.
Trishatentadesesouvenirdecequ’ellevoulaitluidire.«Papa,c’estvraimentimportantquetu
arrêtesd’envoyerdesgensaprèsmoi.»
«Quoi ?Pourquoi ?»hurla-t-il au téléphone.«Tues tenuecontre tavolontéparun truand
russe ! Bien sûr que je vais te sauver. Mon partenaire Skaggs a déjà prévu une autre équipe
d’extractionquinetravaillequ’enSibérie.Ilsvonttefairesortirdelà,chérie.»
«Papa.Non.Cen’estpasçaquejeveuxdire.Jeneveuxpasrentreràlamaison.»
Ilyeutunlongsilenceépaisàl’autreboutdelaligne.«Est-cequ’ilstiennentunearmeàtatête,
Trisha?C’estçaquisepasse?»
«Papa,non!»Ellecommençaitàêtreexaspérée.«Personnenemeforceàquoiquecesoit.Je
parlesurmontéléphone,etiln’yapersonneàcôtédemoi.J’aitoutl’espaceprivéquejeveux,etje
passedesvacancesfabuleusesenSibérieavecunmecvraimentcanon.C’estmonchoix.C’estceque
j’essaiedetefairecomprendre.»
Unautrelongsilence,maisellesentitdelacolèredanscelui-là.Commentpouvait-ellesentirla
fuméesortirdesoreillesdesonpèreàdesmilliersdekilomètres?C’était impossible,maisc’était
commeça.
Elledéglutitlenœudquis’étaitformédanssagorge.«Papa?»
« Je suis désolé, Trisha, » dit-il lentement. «Mais j’ai du mal à comprendre le fait que tu
préfèrespartirenvacancesavecuncriminelplutôtqued’êtreresponsableetderentrercheztoi.»
«Papa,cheztoi,cen’estpluschezmoi.J’aivingt-septans.Jedevraisavoirmapropremaison
etfairecequejeveuxfaire.Jesuisunefemmeadulte.Sic’estmonchoix,alors levoilà.»Ellene
savaitpaspourquoi,maisdireçatouthautétaittellementbon!«Tumedistoujoursd’arrêterd’être
passiveetdefaireactivementdeschoix.C’estcequejefais.»
«Cen’estpasçaquejevoulaisdire!»
«Non.Jesais.Tuvoulaisquejefasseactivementlechoixquetuavaisdéjàfaitpourmoi.Que
jesuivetespaspourtefaireplaisir.Etbien,jechoisisdefairequelquechosepourmoi-même.»Elle
sesentaitplus légère.Elle flottaitpresque !«Alorscalme-toi,arrêted’envoyerdeshommesaprès
moi,etjet’appelleraidansquelquesjourspourtedonnerdesnouvelles.»
Trisharaccrochaetsesentitpluscommeuneadultequejamaisauparavant.
ChapitreQuatorze
Anatoly regardapar la fenêtrede lachambredesonchaletd’unairmaussade.Cen’étaitpas
ainsi qu’il avait prévu de passer sa première nuit chez lui avecTrisha. Il se sentait trop étourdi et
patraquepoursortirdulit.Troispointsdesuturerefermaientlaplaieau-dessusdesonœil,etTrisha
s’occupaitdeluicommesielleétaitinfirmièreetluihandicapé.
«Etvoilà,»dit-ellechaudementenposantunplateausurson lit.«Jen’étaispassûreque tu
veuillesdîner,maisj’aipenséqu’onpouvaitessayer.»
Envérité, l’odeurdelanourritureluiretournait l’estomac,maisiln’allaitpasluidireça.Ce
sentiment de vulnérabilité était très gênant. Il était Anatoly Zaretsky. Il n’était pas censé se faire
tabasser par une paire d’ex-militaires américains qui lui avaient sauté dessus dans les bois.C’était
pathétique,etilsesentaitgrognon.
«Anatoly,qu’est-cequinevapas?»demanda-t-elled’untondoux.
Il la regarda monter au lit avec lui et se blottir contre les oreilles. Son expression était
accueillante,etellesemblaitplusinquiètepourluiquequiconquel’aitjamaisété.Lepluschoquant,
c’estqu’elle se souciaitde luipour lui-même,etpasparcequ’il était à la têted’uneentreprise,ou
qu’ilétaitl’hommequicommandaitlamafiaZaretskyàMoscou.Çaluisuffisaitqu’ilsoitlui-même.
Étrange.
TRISHAVOYAITBIENqu’Anatolyne savait pasquoi fairedes soinsqu’elle lui prodiguait.
EllesedemandasielleneferaitpasmieuxderentreràClevelandetdes’occuperdesconséquences
delaconversationavecsonpère.Maismêmeaprèsavoirapprisqu’Anatolydevaitépouserunenana
appeléeSokolov,Trishanevoulaitpaslequitter.Surtoutquandiln’étaitpasdanssonassiette.
«Tatêtetefaismal?»demanda-t-elle,anxieuse.«Lemédecinalaissédesmédicamentspour
ça.»
«Jeneveuxpasdemédocs,»lâchaAnatoly.«Ilsmefontmesentirmaletfatigué.»
«Peut-êtrequetudoistereposer.»
Sonregardnoirlaterrifiaitiln’yapassilongtemps,maislà,elleluisouriait.S’avançantvers
lui,ellecaressadoucementsamain.Ellelapritdanslasienneetsemitàfrottersesdoigtscommesi
ellepouvaitlefairesesentirmieuxsimplementenmassantsamain.
«Pourquoifais-tuça?»murmura-t-il.
C’étaitçalaquestion,non?«Parcequetuesunêtrehumainetquequelqu’undoits’occuperde
toi.»
«Maistun’ygagnesrien.»Ilsemblaitsicertain.
«Anatoly ? » commença-t-elle lentement tout en traçant les contours de samain. «Qui est
BiankaSokolov?»
Il sembla se figer un instant, et puis son corps entier sembla se détendre comme s’il était
soulagé.«BiankaSokolovestlafilledudirigeantdel’autrefamillemafieuseàMoscou.»
«Ettuvasvraimentl’épouseretl’envoyerdansunemaisonetneplusjamaislavoir?»Une
foisqu’elleavaitcommencé,Trishaneputretenirleflotdequestions.«Jem’excuse,maisçasemble
horriblepourvousdeux.»
«Franchement, je ne suis pas sûr queBianka s’en soucie tant qu’elle a plein d’argent.Cette
femmeestplussuperficiellequ’uneflaqued’eau.»Ilavaitl’aird’avoirmangéquelquechosed’aigre.
«Tunousaécoutéparler,Yakovetmoi?»
«Oui. »Ellehaussa les épaules. « Je suisdésolée,maisvousn’essayiezpasnonplusd’être
discrets.»
«Non.»Songloussementavaitunetraced’humour.«Jepensequemacommotionm’arendu
incapabledesubtilitéaujourd’hui.»
«Qu’est-cequi sepassemaintenant ? » insista-t-elle, sentant un sentiment d’urgence étrange
qu’elleneparvenaitpasàdéfinir.
«Jenesaispas.»Ilavançapourluipasserunbrasautourdesépaules,l’attirantplusprèsde
son côté. « J’apprécie ta présence, Trisha. Tu es différente de toutes mes autres conquêtes. Dès
l’instantoùjet’aivueavectonamieaucasino,j’aiétéfasciné.Tut’exprimessifranchementavecles
autres.Turis,etturâlesettugrimacesettudisexactementcequetupenses.Toutcequejepouvais
penser,c’étaitquejevoulaist’avoir.»
«Avoirquoi?»Elleneseseraitjamaisimaginéqu’ilpuisseêtresihonnête.
«Jetevoulaispourmoitoutseul.»
Ellesourit,plaçantunemainsursapoitrinepoursentirsonpoulsrégulier.«Tunepeuxpas
posséderuneautrepersonne.Pasvraiment.»
ANATOLYSEDEMANDAsiTrishaserendaitcomptequ’ilpouvaitavoirexactementças’ille
voulait. Ce n’était sûrement pas lemoment de suggérer quemême s’il épousait Bianka – comme
Yakovavaitinsisté–ilpouvaittoujoursgarderTrishacommemaitresse.Elleauraittoutcequeson
cœurdésirait.Ils’enassurerait.
«Jeveuxt’emmenerdîner.»Ilpressaseslèvrescontresonfrontet inspirasonparfum.«Je
voudraistemontrerlabeautédecethôtel.Jen’aiépargnéaucunedépensequandjel’aiconstruit,et
j’aimeraistelefairepartager.»
«Anatoly,jenesaispassic’estunebonneidée.»Samanièredoucedeparlerlefitsesentir
chéri.
Il se força à sortir du lit. «Unmédecinm’a examiné. J’ai quelques points de sutures et des
bleus.Çaneveutpasdirequemes jambesne fonctionnentpas.Yakovnousconduira.Cen’estpas
loin.»Illuilançaunregardoblique.«Tun’aspasfaim?»
«Jeviensdet’amenerunplateau-repas.»EllefitungesteverslerepasfrugalqueYakovlui
avaitfaitenvoyer.
«Jepréfèreraismangerdansmonrestaurant.»
Trishagrogna.«Alorsjesupposequeçanesertàriendeterefuser,si?»
«Yakov!»cria-t-il.
Sonlieutenantapparutsurleseuildesaporte.«Oui,patron?»
«Jesorsd’ici.JeveuxemmenerTrishaaurestaurantdel’hôtel.Tupeuxnousyemmener?»
À la surprise d’Anatoly,Yakov et Trisha échangèrent un regard entendu.Apparemment, ces
deux-la avaient fait connaissance pendant qu’il était inconscient. Ce n’était pas nécessairement une
mauvaisechose.Tantqu’ilsneseliguaientpascontrelui.
«Jevaisapporter lessacsàvomi,»ditYakovsèchement.«MlleTrisha,vousêtesprêteày
aller?»
« Laissez-moime changer rapidement, puis oui. Je n’ai pas vraiment envie d’aller dîner en
pantalondetraining.»Ellesignalasatenuedécontractée.
Anatolydéposaunlégerbaisersurseslèvres.«Jepensequetuesmagnifique.»
«Ouais, et tu as reçu un coup sur la tête, donc on sait très bien ce que vaut ton opinion, »
plaisanta-t-elle.
«Commevousledites,MlleTrisha,»convintYakov.
«Hé,vous!»protestaAnatoly.«Onnevapasjoueraujeududeuxcontreun.Trishaestcensée
êtredansmoncamp.»
« Je suis dans ton camp, » l’assura-t-elle. « Même quand tu n’apprécies pas ma stratégie
d’équipe.»
«C’estparcequec’estmoilecapitaine,»luirappela-t-il.
EllelançaunsourireàYakovetsortitdelapiècesansluirépondre.
«Pourquoiai-jel’impressiond’avoirétécontourné?»sedemandaAnatolyàvoixhaute.
Yakovgloussa.«ParcequeTrishaCopelandestunefemmeintelligenteetindépendantequine
selaissepasterrasserpartonstatutdechefdesZaretsky.»
TRISHAFOUILLASESvalisespourtrouverunetenueappropriée.Elleportaithabituellement
unensembledejeansetdet-shirts,etelleavait trèspeudetenuesourobesdesoirée.Ellefinitpar
choisirunejupeàfleursquitombaitàmi-cuissesetallaitbienavecsontopfavori.Lescouleursvives
flattaientsapeau,maisellesesentaitàl’aiseetnaturelle.
Lorsqu’ellerevintdanslachambred’Anatoly,ilétaitdeboutetportaitunpantalonnoiretune
chemisebleue.
Elleluilançaunregardchaleureux.«Tuestrèsbeau.»
«Toiaussi.»Illuitenditunbras.«Yallons-nous?»
«C’estpourm’escorter?Oupourquejeteporte?»taquina-t-elle.
«Ohhaha.»Maisilsouriaitetsemblaitêtredebonnehumeur.
Elletentadejaugersoninconfortenétudiantsonexpression.«Commenttutesens?»
«JevaisbienTrisha.Arrêtedetetracasser.»
Ils sortirent prudemment du chalet et montèrent dans la voiture qui les attendait devant les
marches.PuisYakov lesconduisitvers lecomplexe tentaculairequiétaitéclairécommeunebalise
danslecielnocturne.
«Çasemblemagnifique,»l’assura-t-elle.«Unpeucommeuncontedefée.»
« C’était l’objectif visé, » avoua-t-il. « Je voulais que les clients aient l’impression
d’abandonnerlavraievieetdevenirdansunendroitoùtoutpouvaitarriver.»
Elleétaitimpressionnéeparl’attentionetlapenséequ’ilavaientmisesdanssondesign.«Tuas
vraimentduflairpourlesaffaireshôtelières.»
«C’estassezplaisant.Maispasaussiamusantquedetefairevisiter.»
Elle se força à ne pas penser à Bianka Sokolov ou aux autres femmes, ou aux obligations
auxquelles elle ne pouvait rien. Ils se garèrent bientôt devant l’hôtel.Unmembre du personnel en
uniformeseprécipitapourleurouvrirlaporte.Ilssemblaienttoussavoirquiétaitvenuleurrendre
visite.
«M.Zaretsky,c’estunplaisirdevousvoirparminous.»L’hommefituneprofonderévérence.
«Merci,Pyotr.»AnatolysortitdelavoitureetaidaTrishaderrièrelui.PuisAnatolylançaun
sourire à l’homme.«Pyotr est undemesgérants les plus assidus. Impossiblede faire tourner cet
hôtelsanslui.»
Pyotrsegorgeadefierté.C’étaitétrange,maisellen’avaitjamaisconsidéréAnatolycommeun
patronattentif.Maintenant,elledevaitànouveaurévisersonopinionàsonsujet.
Anatolylamenaenhautd’unecourtevoléed’escaliersetdanslasalleàmanger.Illuisignala
quelques caractéristiques antiques qui pourraient l’intéresser avec son diplôme d’histoire. Ils
papotèrentdumobilieretdesmagnifiqueschandeliersdecristalquidataientdel’époquedesTsars.Et
justequandTrishapensaitquelasoiréenepourraitêtreplusparfaite,quelquechosed’assezhorrible
sepassa.
«Anatoly!»Unevoixdefemmefitexploser l’atmosphèrepaisiblede lasalledurestaurant.
«AnatolyZaretsky,petitdiable!Jet’aicherchépartout!Ilsm’ontditquetuétaislà,maispersonne
nesemblaitsavoiroùexactement.»
Trisha sentitAnatoly se figer à ses côtés.Puis, choquée, ellevit la femmequeMinkaet elle
avaientrencontréesdanslestoilettesducasinosedandinerdevanteuxetembrasserAnatolysurles
deuxjoues.PuisellelançaunregardméprisantàTrishaetfitlamoue.
«Maisoùl’as-tudénichée,celle-là?»EllefitungesteversTrisha.«Cettefillenesaitmême
pasassortirsesvêtements,Anatoly.Vraiment.Nepeux-tupasêtreplusdiscret?»
ChapitreQuinze
Anatoly était à peu près sûr que l’Apocalypse lui était tombée sur la tête. Il n’avait jamais
anticipél’horreurdetombersurBiankaSokolovdanssonhôtelpendantqu’ilétaitcenséprofiterde
sonescapaderomantiqueavecTrisha.
«Anatoly?»Biankalevalessourcils.«Jesuisentraindeteparler.»
Àcôtédelui,AnatolypouvaitpresquesentirlamaréemontantedelafuriedeTrisha.Bianka
portaitunerobedecocktailquidévoilaitplusdepeauquedetissu.Letissuétaitunesortedevoile
noireavecdespaillettes.Ledécolletéplongeantmontraitautantdepoitrinequedeventre.Ilpouvait
mêmevoirlavraieémeraudequ’elleavaitplacéedanssonpiercingaunombril.Desémeraudeslui
pendaientaussiauxoreilles,etsescheveuxblondsétaientempilésau-dessusdesoncrâneettenusen
place par des peignes de diamants et d’émeraudes.Elle portait des talons aiguilles de 12 cm et un
sourirequiressemblaitàdeséclatsdeverre.
«Bianka,»Anatolybaissa la tête.«J’espèreque tuprofitesde tonséjour,mais j’aidéjàdes
planspourlasoirée.»
Ilprit lebrasdeTrishasous lesienetsemitenroute.Mais il savaitdéjàqu’ilse faisaitdes
illusionss’ilpensaitdévierBiankadesonobjectif.Elleluisaisitlebrasetplantasesonglesjusqu’à
cequ’ilpensequ’elleallaitlefairesaigner.
«Excuse-moi,»lâchaBianka.«Maisoùcrois-tuallercommeça?»
«Jetel’aidit,»dit-ilcalmement.«Jenesuispaslibrecesoir.»
«Tuestropoccupépourtafiancée?»EllefusilladuregardlamaindeTrishaposéesurson
bras.«Tuluiasbienditquetuétaisfiancé,non?»
« La vache, en Amérique, l’homme doit d’abord accepter avant que les fiançailles soient
officielles,»raillaTrisha.
Anatolytournalatêtesibrusquementquesesvertèbrescraquèrent.Trishaétaitentraindelui
sourire.Ils’étaitattenduàcequ’ellesoitfurieuse.Apparemment,elleréservaitsonjugementsurla
situation concernantBianka.Si c’était le cas, il nepouvait pas la laisser tomber. Il plaça son autre
mainsurlebrasdeTrishaetl’emmenaversleurtabledanslameilleurepartiedurestaurant.Derrière
lui,ilputentendrelesifflementoffensédeBianka.
«Wow,»murmuraTrisha.«C’estunange.Oùl’as-tutrouvée?»
«Tumecroiraissijetedisaisquec’étaitunmariagearrangé?»s’aventura-t-il.
Elle s’assit sur la chaise qu’il lui présenta à leur table. Lissant sa jupe sur ses cuisses, elle
semblaréfléchiràcetteinformation.«Alorsquil’aarrangé?Tesparents?Ouungroupedegensqui
veulentcréerunmonopoledepouvoirsurlaville?»
« Un peu des deux, je pense, » avoua-t-il en s’installant à table. Une hôtesse leur tendit les
menusavantdes’éloigner.
Anatolylevalamainpourfairesigneàlaserveuse.Elleseprécipitaverseuxetilcommanda
duvin,dessalades,desamuse-boucheetleplatprincipaltoutdego.Lorsqu’ellelesquittapouraller
chercherleurvin,ilsepenchasurlatablepourprendrelamaindeTrisha.Ilfrôlasesjointuresdes
lèvres.
«Tuesincroyablementcalmeàproposdetoutceci.»
TRISHASEDEMANDAs’ilpouvaitvoirsonautremainserréeenpoingsouslatable.«Jesuis
raviequetupensesça,»luidit-elleamicalement.«Parcequej’ail’impressiond’avoirétéprisede
court,etjen’aimepasvraimentça.»
«Tupeuxexpliquerce‘prisedecourt’?»demanda-t-il.«Est-ceuntermeaméricain?»
«Çaveutjustedirequej’aiétéattaquéedansunedirectionquejen’attendaispas.»Ellesoupira.
Laserveuseposaunverredevindevantelle.
Elletrituralepiedduverre,tentantdetrouverlesbonsmots.«Jesaisquej’aiécoutéauxportes
etquej’aientenduYakovmentionnercetteBianka.Jesavaismêmequetuétaiscensél’épouser.»
«Mais?»
«Dans le casino le premier soir,mon amieMinka etmoi l’avons vue dans les toilettes des
femmes. C’était vraiment une connasse ! Sans rire. Je n’arrive pas à imaginer un monde où je
voudraisvivredanslemêmebâtimentqu’elle,encoremoinsdanslamêmemaison.»
«Moinonplus.»Ilsirotasonverredevin,tentantdegagnerdutemps.«Franchement,jepeux
àpeineavalerl’idéed’êtreàcôtéd’elle.Jen’imaginepasvivreavecelle.»
«Alorspourquoil’épouser?Tusaisquandjeparlaisdeprendredesdécisionsactives?Etque
c’estdifficilequandonnesaitpascequivaendécouler?C’estundecesmomentsoùtudoisfaireun
choix,parcequel’optionpassive,ceseraitdetelaisserserrerlescouillesdansunétau.»
«C’estexplicite,»dit-ilenfaisantlagrimace.
«C’estcequ’elleest.Est-cevraimentimportantde,jeciteparcequec’estridicule,joindretes
forcesaveclesSokolov?Celienest-ilsuffisammentimportantpourgaspillertonbonheur?»
Ilpenchalatêtedecôté.«Tuveuxdirequemonbonheurt’importetant?»
Trishasaisitsonverredevinetpritunelonguegorgée.Ellen’étaitpasencoreprêtepourça.
« Ecoute, il y a encore deux mois je n’avais pas quitté ma maison pour plus de quelques jours
d’affilée.Maintenant je passedes vacances enSibérie avec le baronde lamafia et ilme taquine à
proposdemesplansromantiquesàlong-terme?C’estbeaucoupàabsorber,tunepensespas?»
Ilpinça les lèvres.«Oui, tu as raison.Etpourtant, tuesassise ici àme faire la leçon sur le
bonheursansvouloirmedirecequetuvoudraispourtoi-même.»
«Mince,»marmonna-t-elle.«Tonraisonnementestbientroplogique.»
ANATOLYNEPUTs’empêcherdesourireàl’expressionboudeusedeTrisha.«Jen’essaiepas
deminimisertoutcequetuasfaitpourtoi-mêmedernièrement.»
«Wow, » commenta-t-elle. « C’est une déclaration incroyablement humaine que tu viens de
faire.»
La serveuse leur apporta les salades et un autre serveur la suivit avec un plateau d’amuse-
bouche.Unefois la tablepleinedebonnenourritureetdevin,Anatolys’autorisaàrépondreàson
observation.
«Tumefaisdel’effet,TrishaCopeland,»dit-ilcalmement.«Tuesdifférente.Etçamedonne
envied’êtredifférent.J’aienviedevoirlemondecommeplusqu’unmoyendegagnerdel’argentou
d’avoircequejeveux.»
« Alors je suggère que tu commences par ne pas te vendre aux enchères comme un genre
d’étalon.»Ellepointasafourchettedanssadirection.«Parcequec’estuneconditionpermanentequi
peutdevenirhorrible.»
Il l’avait sur le bout de la langue, l’explication au sujet des Sokolov et des ennuis qu’ils
pouvaientcréeràl’organisationdesZaretsky,maisilnevoulaitpasbaisserdanssonestime.Puisil
aperçutducoindel’œilquelquechosedeterrible.
BiankaSokolovtraînaunechaisejusqu’àleurtableets’installacommesielleavaitétéinvitée.
EllefusilladuregardAnatolypuisTrishaavantdesaisirlafourchettedeTrishaetdeseservirdans
lesamuse-bouche.Lagrossièretédesongesten’étaitpasseulementincroyable,maiscomplètement
horsdepropos,mêmepourBianka.
« Qu’est-ce que tu fous ? » lui demanda Anatoly platement. « Tu n’as pas été invitée, et tu
devraist’éclipser.»
Bianka réagit comme si elle ne l’avait pas entendu. « Je dois te parler de la proposition de
mariagequetum’asfaitel’autrejour.»
Anatoly avait oublié cedétailmalheureux, surtout parcequ’il avait fait cette propositionpar
défi.Maisapparemment,c’étaitmaintenantl’offresurlatable.Excellent.Trishaleregardaitavecplus
quedelaconfusiondanslesyeux.
«Bianka,»ditAnatolyd’untonferme.«Jeplaisantaisquandj’aifaitcetteoffre.»
«Non,tuétaissérieux,»insistaBianka.Elleprituneautrebouchéeduplateaud’hors-d’œuvre.
«Mêmepapal’apensé.»
«Ok,maistusaisqu’iln’yaabsolumentaucunepossibilitéquetuacceptescesconditions,»lui
rappelaAnatoly.«C’estpourçaquej’aifaitcetteoffresarcastique.Jevoulaisqueturefuses.»
«Queldommage.»Elleluilançaunsouriresatisfait.«Parcequej’accepte!Enfait,j’accepte
avecplaisir!»
«Tuvasm’épouser,vivresuruneallocationquiestmoinsduquartdetonbudgetactuelpour
t’habiller,etmelaisserpayerlesdépensesménagèrespourquetun’aiesaucuncontrôlesurtousmes
autresavoirs?»Anatolynelacroyaitpasunseulinstant.
«Biensûr,»acceptaBianka.«J’aijusteunepetitequestion.»
«Laquelle?»Ils’attendaitàcequ’elledemandedel’argentouunepropriété,ouleplusgrand
diamantdumonde,quelquechosedefinancier.
«Vas-tuinstallercette-»EllefitungesteeffrontéversTrisha«-putaindansunemaisonaussi
extravagantequelamienne?Jedoisjustetedirequejeveuxuneplusbellemaisonetplusd’argent
puisquejeseraitafemme.Àpartça,jemefichedecequetufais.»
Iln’oublieraitjamaisl’expressionsurlevisagedeTrisha,mêmes’ilvivaitplusdecentans.
TRISHANES’ÉTAITjamaissentieplusinsultéeethorrifiéeenmêmetemps.Elles’étaitforcée
à convaincre Anatoly qu’il devait refuser pour son propre bonheur, ou au moins d’épouser une
femme qu’il ne détestait pas. Mais apparemment, ça importait peu dans ce milieu. C’était
culturellementacceptablepourunhommedanslapositiond’Anatolyd’avoirlebeurreetl’argentdu
beurre.
Trishaeneutsoudainlaclaquedetoutescesconneries.Elledéposatrèssagementsaserviette
surlecôtéetseredressa.«Veuillezm’excuser,maisjepensequejevaisdemanderàYakovdeme
ramenerauchalet.»
«Attends.»BiankaseretournabrusquementpourdévisagerTrishaavantdeseretournervers
Anatolyetdelefusillerd’unregardsiférocequeTrishapouvaitlesentirgrésillersursapeau.«Ne
medispasquecetteprostituéelogeauchaletavectoi?»
Trisha allait perdre la tête si elle restait dans les parages une seconde de plus.Elle posa les
mainssurleshanchesetpoussaunsoupir.«J’yvaismaintenant,Anatoly.Parcequesijeresteiciune
secondedeplus,jevaisattrapercettegarceparsaperruqueetluifaireboufferdutapis.»
Ellesesentitmieuxetpireenmême tempsquandAnatolysecontentadeglousser.Puis il fit
signeàBianka.«Sij’étaistoi,jeferaisattentionàêtreplusrespectueuse.Detouteslespersonnesque
jeconnaisse,Trishaestdeloinlapluscapabledemettreàbiensesmenaces.EtBianka,jenelèverais
paslepetitdoigtpourl’arrêter.»
«Ciao.»Trishan’attenditpaspourlereste.Mêmesilesparolesd’Anatolyressemblaientàun
compliment,ellesentaitaussiqu’ilutilisaitTrishapourremettreBiankaàsaplace,etcen’étaitjuste
nipourl’une,nipourl’autre.
Le trajet n’était pas long jusqu’à la sortie du restaurant, etTrisha se sentit bienmieux après
avoirinspiréquelquesgouléesd’airfrais.Àsagrandesurprise,Yakovl’attendaitaubasdesescaliers
aveclavoiture.
«Commentlesaviez-vous?»demanda-t-elle,s’approchantdurussedehautetailleetbasé.
Sesyeuxbrillaient.«J’aivuBiankaentrerdanslerestaurant,l’aird’avoirunemission.Jevous
ramèneauchalet?»
«Oui,s’ilvousplait.»
Trishamontadanslavoitureetfutreconnaissanteducalme.Elleétaitconscienteduregardde
Yakovdanslerétroviseur.Ellerepensaàlaconversationqu’elleavaitentendueplustôt.Peut-êtreque
detouteslespersonnesconcernées,ilseraitleplusàmêmedeluidirelavérité.
«Yakov?»
«Oui?»
«Pourquoiavez-vousditàAnatolyqu’ildevaitvraimentépousercettefemmehorrible?»
Yakov sepinça les lèvres et attendit si longtempsavantde répondrequeTrishapensait qu’il
allaitrefuser.Ilfinitpardéclarer,«AMoscou,AnatolyZaretskyestleroidesaffairesdelamafia.Il
estbrillant.Ilestriche.Lesgensfonttoutcequ’ilspeuventpourluirendreservice.Ilsl’adorent.»
«Mais?»
«LesSokolov sont les rois de la pègre. Ils écoulent plus de drogues et commettent plus de
crimesodieuxqu’Anatolynepensenécessaire.»
«Doncpourquoicombiner lesforcesavecdesgensquisont justedescriminelsassoiffésde
sang?»
«Pourqu’ilsnedécidentpasd’assassinerAnatolyjustepourluivolersonroyaume,»répliqua
Yakovd’unairsinistre.
Trishadéglutit.Sabouchesemblaitfaitedecoton.«Jesupposequec’estunebonneraison.»
ChapitreSeize
Anatolyserassitsursachaiseetétudialafemmequiétaitparvenueàdevenirsonennemijuré.
Toutlepouvoiretl’argentqu’ilavaitàdispositionnesuffisaitpasàl’éloignerdelui.Peut-êtreavait-
ilbesoind’unenouvellestratégie.
Pour le moment, Bianka avait tordu ses lèvres dans un sourire satisfait. Elle pensait avoir
gagné.«Jesuisdésoléequetonrancardaitabandonnélecombat.»
«Jepeuxt’assurerqu’ellen’arienabandonné.»Cen’étaitpaslemomentdeperdresonsang-
froid.Ildevaits’enrappeler.
Un soupçondemalaise sembla traverser le visage deBianka. Puis elle reprit sonmasque et
regarda autour d’eux. Le restaurant était bondé de clients qui venaient déguster les spécialités
copieusesoffertes.
«Tunem’asjamaisemmenéiciavant,»songea-t-elle.
Ilneluirappelapasqu’ilnel’avaitpasnonplusemmenéeicimaintenant.
Laserveuseleurapportaleplatprincipal,leposantàtabled’unairassezconfus.Elleregarda
Anatoly.«Dois-jemettreunautrecouvert?»
«Pasbesoin,»ditBiankad’untonimpérieux.Ellesemitàmangerdansl’assiettedeTrisha.
Les parts fumantes de poulet à la Kiev faisaient saliver Anatoly, mais il se retint. Il n’avait
aucuneintentiondelaisserBiankagagner.
«Elizabeth?»héla-t-ilàlaserveuse.«J’aimeraislesemporter.»IllançaàBiankaunregard
dédaigneux. « Et merci de jeter le contenu de cette assiette et de repasser la commande pour
emporter.»
«Ouimonsieur.Toutdesuite.»Elizabethbalayal’assiettedesouslafourchettedeBianka.
Biankaeutl’airgrognon.«C’étaitgrossier.»
«Grossier?»OK.Ilavaitdumalàcontrôlersonsang-froid.«Aprèstoncomportementdece
soir,tupensesquec’étaitgrossier?»
«Oui,absolument.»
«Bianka,pourquoiveux-tum’épouser?»Ildécidadeprendreletaureauparlescornes.
Elle sembla légèrement déconcertée. « Parce que tu es l’héritier Zaretsky et que je suis
l’héritièreSokolovetquec’estmondroitd’êtrelareinedecetteville.»
«Vraiment.»
«Oui.»
«Donctun’asaucunssentimentspourmoi?»pressa-t-il.
Del’autrecôtédelapièce,ilpouvaitvoirunjeunecoupledîner.Ilssetenaientlamainsurla
table. À certains moments, leurs expressions étaient si tendres l’un envers l’autre que c’était
physiquementdouloureuxàregarder.Connaîtrait-ilunjourcegenrederelation?
«Tulesvois?»Ilhochalatêteverslecouple,etBiankasuivitsonregard.
Ellehaussalesépaules.«Ilssontridicules.Onnepeutpasmangerl’amour,oulevendrequand
lestempssontdurs.L’amourn’apportepaslepouvoir.Quelestl’intérêt?»
«Parlécommeunefemmequiatoutsaufdel’amour.»Alorsqu’ilprononçaitcesmots,ilsse
renditcomptequ’ilss’appliquaientégalementàlui.«J’aitoutesceschoses.Del’argent,dupouvoir,
deshommesquiobéissentàtousmesordres,etdusuccèsdansmesaffaires.»Mêmetouthaut,çalui
semblaitsivide.«Cequimemanque,c’estd’unepersonnedanslemondeavecquilespartager.»
«Oh,commec’estmignon!»Sesmotsdégoulinaientdesarcasme.«LepetitAnatolycherche
l’amouravecungrandA.»Ellerecourbaleslèvresdemépris.«Désolée,maissituveuxgarderton
argentettonpouvoir,ilvafalloirquetum’épousespourempêcherlesSokolovdet’assassinerdans
tonsommeil.»
« Est-ce unemenace ? » demanda-t-il d’un ton suave. Il croisa les doigts sur la table et se
demandasi levieilhommeavaitenvoyésa fillepour l’enquiquiner jusqu’àcequ’ilaccepte.«Ton
pèreest-ilaucourantquetumemenaces?»
«Monpèreferatoutcequ’ilfautpourobtenircequ’ilveut.»Ilpouvaitlavoirserrerlesdents.
Soussonbeauvisage,elleétaitaussiaigrequeMotyaSokolov.«Etilmeremercieradefairecequ’il
fautpoursécurisermonavenir.»
« Je ne suis pas un taureau qui se laisseramener par un anneau dans le nez.M’épouser ne
t’apporterarien.»
«Toutescesannéesettun’yconnaistoujoursrienauxfemmes,»dit-elleenriant.«J’auraice
quejeveux.Toutcequejeveux.Etsicen’estpaslecas,tapetiteputeensouffriralesconséquences.»
Samenaceauraiteuplusdepoidssielleavaitmenacéuneautrefemme.Illuimontraplutôtson
amusement.«TupensesquemaTrishaestcommetoi.»
«Toutes lesfemmessontcommemoi,»dit-elleavecarrogance.«Nousfaisonstoutpourle
pouvoiretl’argent.»
«Tuastort.Etsitut’attaquesàTrisha,tuteretrouverassurleterraindesvaincus.»
«Tumetstantdefoidansunefemmequetutraitesenfaitcommeunepute.»Biankainclinala
tête,semoquantdeluiàchaquemot.«Peut-êtrequetuauraisdûluiglisserlabagueaudoigtquandtu
enavaislachance.»
«Cedouble langagedevientfatigant.Si tu insistespourresterà l’hôtel,alorsprofitesde ton
séjour.Maisjesuisenvacances,et jeneseraipasdisponiblependantlerestedelasemaine.»Ilse
relevaets’éloigna.Ilsesentaitmalàl’aiseetvoulaits’assurerqueTrishaallaitbien.
Laserveuseluiapportasonpaquetdenourriture,etilsortitdurestaurantpourchercherYakov.
TRISHAPLACASESmainsàplatsurlarampedeboislissedelaterrasseetobservalavallée
sombrequi s’étendait auxpiedsduchalet.Lesarbresprojetaientde longuesombres sur lesherbes
drues,etlalunerecouvraittoutlepaysaged’unéclatbleu.C’étaitvraimentmagnifique.Elletentade
sel’imaginerenhiver,avecdestonnesdeneigeetdesglaçonsquipendraientdesbranchesd’arbre.
Ceseraitcommeuneféeriehivernale.
«Tevoilà.»Lavoixbassed’Anatolyselaissaportersurl’airnocturne.
Ellese tournaet lui lançaunpetitsourire.«Jepensaismedétendredehorsunmomentavant
d’allermecoucher.»
«Tuesfâchée.»
Elle ne se retourna pas.Mais elle sentit sa présence juste derrière elle sur la terrasse. Elle
pouvaitsentirlachaleurdesoncorpsprèsdusien.C’étaitréconfortant,mêmesiçan’auraitpasdû
l’être.Cethommen’avaitrienderéconfortant.Pasvraiment.
«Aquoitupenses?»demanda-t-il,lavoixrauque.
«Jemedemandesituasaméliorémavieousitum’asencouragéàladétruirecomplètement.»
C’étaituneréponsefranche,maisellefutunpeusurprised’avoireulecouragedeladiretouthaut.
«Depuisquetuesentrédansmavie,j’aidéfiémonpère,inquiétémesparents,envoyélaprudence
parlafenêtreetdonnémoncorpsàunhommequinesaitmêmepass’ilmeveut.»
Iltouchasanuque.«Nepensejamaisça.»
«Non.Jevaisypenser.»Elleseretournapourleregarderdroitdanslesyeux.Lesombresde
laterrasselecouvraientàmoitiéd’ombres,àmoitiédelumières.«Tumedésires,dumoinsausens
physique.Toncorpsmedésire.Tuveuxmebaiser–sic’estcommeçaquetuveuxl’entendre.Mais
pourcequiestdureste?»Ellefitungesteenglobantsapersonneentière.«Tun’esmêmepassûrde
savoircequetuveuxfaireavec.»
«Jen’aijamaiseuderelationamoureuse.»
Trisharenifla.«Jepensequejem’enétaisdéjàrenduecompteparmoi-même.Merci.»
«Jetedemandeseulementd’êtreindulgente.»
Lapriait-ilpourunesecondechance?C’étaitperturbant,surtoutparcequ’ellesemblaitcourt-
circuitée pour dire oui. « J’ai déjà été indulgente, » lui dit-elle calmement. « Je n’ai même pas
mentionnélefaitquecettepétasseettoiparliezdemonstatutdemaitressecommesijen’étaispaslà
etquejen’avaisaucunavissurlaquestion.»
Ellevit samâchoireseserrer.Puis il semblahausserprudemmentdesépaules.«Ça rendrait
simplementleschosesplusfaciles.C’esttout.»
«Quoi?»Trishaétaitsûred’avoirmalcompris.PuisellepensaàcequeYakovluiavaitdit.
«Yakovm’aditque lesSokolovétaientdesmonstresqui trafiquaientde ladrogueetassassinaient
leursrivauxavecextrêmepréjudice.»
«Yakov a raison. »Anatoly passa les doigts dans ses cheveux, l’air perturbé. « Le père de
Bianka–Motya–estconnudanstoutMoscoucommelemafieuxlepluscruel.»
«Ettoi?Lesgenssemblentbiens’accommoderdetoi.Ilstedonnentdeschosesettetraitent
commeuneroyauté.ÇaneveutriendirepourceMotya?»
«Pasparticulièrement.»Ilfitunegrimace.«Lesgensmetraitentcommeçaparcequejesuis
riche. C’est bien connu que j’ai des tas d’entreprises et que je fais circuler de l’argent dans les
infrastructuresdeMoscouparcequeçam’arrangepouraugmentermesrevenus.»
Ellerenifla,serendantcompteoùcettediscussionlesmenaitetcequ’elledevaitfaire.«Donc
tuesunpeuleRobindesBoisdeMoscou.»
«C’estquiceRobin?»Ilfronçalessourcils.
Elleéclatad’unriresanshumour.«C’estuncontepourenfants.Peuimporte.»
«EpouserBiankaraffermiraitlelienentrelesZaretskyetlesSokolov.Alorsceneseraitplus
dansl’intérêtdeMotyadevoirmachute.Pasquandsafillegagneraittantdemonsuccès.»
«Et lespréférencesdespersonnesconcernéesneveulent riendire?»Ellenepouvaitmême
pasimaginercegenredechoses.
«Non.»
«Alorstuvasallerpromettredevantunprêtred’aimeretdechérircettefemmequetudétestes.
Etpuistuvaslatromperconstamment?C’esthorrible!»
«Elles’enficherait,»dit-ilamèrement.«Jepeuxtel’assurer.Jepourraist’acheterunemaison
àMoscou,quelquechosedansunbeauquartieroùtupourraisallervisiterdesmuséesett’immerger
dansl’histoiretouslesjours.»
Ilsemblaitvraimentvouloirluivendrecetteidée.Ellesavaitqu’ilsnefaisaientqu’apprendreà
seconnaître,maisilauraitdûlaconnaîtremieuxqueça,non?
«Trisha?»Ilfitcourirsesdoigtslelongdesonbrasnu.
Elleéloignasamainavantqu’ilnepuisselaprendre.«Tuferaisd’elletafemmeetdemoita
pute.Commentpeux-tupenserque je te laisseraisme toucher après ça ?N’as-tu aucun conceptdu
respect?Est-cequetucomprendsàquelpointceseraitinsultantpourmoi?Jenesuismêmepassûre
quejepourraismeregarderdansunmiroirlematin.»
«Cen’estpascommeça.»Ilclaquasesdentsetpressaseslèvresensemble.«IcienRussie,les
chosessontdifférentes.Leshommesinfluentsontsouventdesmaîtresses.»
«Oui.J’ailuAnnaKarenine,»dit-elle,irritée.«Jesaiscommentças’estterminé.»
«C’étaitunefiction,Trisha.»Ilavaituntonpatient,presqueinstructeur.
Ça la rendit encoreplus furieuse.Commentosait-il ?Peut-êtren’était-il tout simplementpas
prêt à changer. Il en avait envie,mais le changement était difficile, et un changement durable était
presqu’impossiblequandlemondeentiersemblaitvouloirlecontraire.
Comptetenudeça,Trishasavaitcequ’elleavaitàfaire.
«Jesuisfatiguée,»murmura-t-elle.«Jevaismecoucher.»
«Maisjet’airamenéàmanger.»Ilfitsigneverslesachetdenourrituresurlatable.
«Tuauraissimplementdûpartagertonrepasavectafuturefemme.Jen’aipasvraimentfaim.»
Etsansunautremot,elleseretiradanslachambreoùYakovavaitdéposésesaffairesplustôt
cejour-là.Elleétaitàcôtédecelled’Anatoly,maiselleétaitséparée.C’étaittoutàfaitapproprié.
ChapitreDix-sept
Trishaavaitl’impressiondes’êtreretrouvéeexactementaumêmeendroitsquelquesjoursplus
tôt.Lamaison était étrangement silencieuse.La lueur de la lune filtrait des fenêtres et peignait les
planchers en bois en nuances de bleu. Elle sécurisa la sangle de son petit sac de voyage en
bandoulière.
Regardantpar-dessussonépaule,elles’autorisaleluxedepleurerlapertedesesvalises.Elle
était parvenue à garder toutes ses affaires jusqu’ici. Mais elle n’allait pas pouvoir s’échapper en
traînantdeuxvalisesderrièreelle.Cen’étaitpassigrave.C’étaitjustedestrucs.Ellepouvaitracheter
des trucs. Surtout qu’elle était résolue à vivre sa vie seule. Elle ne rentrait pas à la maison pour
reprendre son ancienne vie. Ce n’était pas ce qu’elle voulait, et il était grand temps que ce fait
devienneclair.
Trisha vérifia une dernière fois ses affaires pour assurer qu’elle avait son passeport et ses
effets personnels. Puis elle tourna la poignée de la porte et l’ouvrit. Le couloir était silencieux.
Anatolyavaittoquéàlaporteséparantleurschambresunefoisquandelleétaitalléesecoucher.Elle
n’avaitpasrépondu,etiln’avaitpasrecommencé.
Le plancher craqua lorsqu’elle sortit dans le couloir. Se figeant, elle retint son souffle et
compta jusqu’àdixavantdefaireunautrepas.Lesilenceenglobait tout lechalet.Apparemment, il
n’yavaitpasdegardes.C’étaitassezinhabituelauvudesmenacesrécentes.Saufsiquelqu’unavait
décidéquelaisserTrisha‘s’évader ’neseraitpasunesimauvaisechosepourAnatoly.
Comme si ses pensées l’avaient appelé,Yakov apparut comme un fantôme à l’autre bout du
couloir. Trisha sentit son estomac se nouer. Elle ne pensa pas une seconde qu’il était là pour la
découragerdepartir.Ellecomprenait.
Inspirantàfondetsepromettantd’agircommeunadulte,Trishasedirigeaensilencejusqu’au
boutducouloirpourrejoindreYakov.Ilbaissalesyeuxverselle,levisageimpassible.
«Jesupposequevousn’êtespaslàpourm’arrêter,»dit-elledansunmurmuredoux.
Ilsecoualatête.Faisantungesteverssonsac,illevaunsourcil.
«Jenepeuxpastoutportertouteseuleetsortird’iciensilence,»expliqua-t-il.
Entroisenjambées,ilavaitatteintlachambre.Ilyeutunepausebrève,etpuisYakovémergea
enportantsesdeuxsacs,undanschaquemain.Çanesemblaitluicoûteraucuneffort.Ellesoupira.Il
yavaitpeut-êtreeuunepartd’ellequiauraitvouluqu’Anatolyressentelebesoindeluirapporterses
affaires.Alorsilsauraientpusevoirunedernièrefois,etpeut-êtreaurait-ilchangéd’avisàpropos
decetteridiculeunionfamiliale.
«Jesuisprête,»dit-elleàYakov.
Portanttoujourssesaffaires,ilsortitduchaletetdescenditjusqu’àlavoiture.Ildéposasessacs
danslecoffreavantdeluiouvrirlaportièrepassager.C’étaitvraimenttrèscivilisé.
Maisvraiment,elleavaitenviedepleurer.
Aulieudeça,ellemontadanslavoiture,croisalesmainsbiensagementsursesgenoux,etjeta
undernierregardauchaletoùtantetsipeus’étaitpassé.
ANATOLYOUVRITLESyeux.Ilsesentaitpatraque.Yakovavaitinsistépourqu’ilprennedes
antidouleursavantd’allersecoucher.Anatolydétestaitcestrucs.Ilsluidonnaientlabouchepâteuseet
luiramollissaientlecerveau.Cedontilavaitvraimentbesoin,c’étaitTrisha.Ilvoulaitlasentirblottie
contreluiaulit.
Lorsqu’ilseredressa,lapiècecommençaàtournerautourdelui.Ilfermalesyeuxetattendit
que ça s’arrête. Son estomac se retourna. Ce n’était pas seulement les antidouleurs. Il avait
l’impression d’avoir été drogué. Tâtonnant sur la table de nuit, il trouva une bouteille d’eau. Il
l’ouvritetavalalamoitiéenuneseulegorgée.
Enfin,ilmitlespiedsàplatausoletparvintàseremettredebout.L’eaul’avaitunpeuranimé.
Maisilavaittoujoursdumalàs’orienterdanslachambre.Iltombacontreunecommode,saisissant
lescôtéspoursestabiliser.Puisilparvintàtrouverlapoignée.Lorsqu’ilouvritlaporte,ilreçutune
boufféed’airfraisducouloir.Ilsesentaitmieux.Ilsecoualatêteavecprécaution,tentantd’éclaircir
sespensées.
Trisha.C’étaitlaseulechoseàlaquelleilpouvaitpenser.
Trébuchant dans le couloir, il posa une main sur le mur. Il n’y avait que deux mètres à
parcourir jusqu’àsaporte.Ilclignadesyeux,confus.Laporteétaitgrandeouverte.Pourquoiétait-
elleouverte?Ilfituneembardéeenavantetagrippalechambranledeportepournepastomber.Il
observabêtementlachambredeTrisha.Elleétaitlà.Elledevaitêtrelà.Trishan’étaitpasdugenreà
s’enfuir.Elleavaiteutellementd’opportunités,etpourtant,elleavaitchoisideresteraveclui.
«Trisha?»héla-t-il,lesmotsindistincts.«Oùes-tu?»
Il traversa la courtedistance entre laporte et le lit avecdespasdélibérés et lents.Lesdraps
étaient chiffonnés. Se cachait-elle sous la pile de draps ? Enfin, il arriva à côté du lit. Il s’assit
immédiatement,soulagéd’êtrearrivésiloin.
Il pouvait la sentir. L’odeur de son parfum féminin persistait dans la pièce et sur les draps.
Étirantunemain,ilcherchalaformed’unejambeoud’unbrassouslesdraps.Maisilnetrouvaqu’un
litvide.
«Trisha?»Plusfort.Savoixl’auraitcertainementréveillée,non?
Clignantdesyeuxpourévacuersatorpeurmédicamenteuse,Anatolydutfairefaceàlaréalité:
Trishaétaitpartie.
TRISHAREGRETTASAdécisionaumomentoùl’aviondécolla.Auvudesonitinéraireetdu
nombredefoisqu’elledevaitchangerd’avionpourrentreràCleveland,elleauraituneéternitépour
regretterlechoixqu’elleavaitfait.
«Mlle,bonjour,mercid’attachervotreceinture.»L’hôtessedel’airfrôlagentimentsonépaule.
TrishasedemandasilafemmepouvaitvoirqueTrishaétaitaubeaumilieud’unecriseexistentielle.
«Désolée. »Unevoix féminine à sa droite attira son attention. «Vousn’avezpas l’air dans
votreassiette.Dois-jeappelerquelqu’un?»
«Ohnon,»réponditTrisharapidement.«Jevaisbien.Vraiment.Justeque…enfin,jemesuis
disputéeavecmoncopain,etmaintenantj’aidécidéderentreraulieud’arrangerleschoses.»
L’autrepassagerpartageantsarangéededeuxsiègesétaitunedameâgéeauxyeuxchaleureux.
Trishasedemandapourquoiunedameâgéevoyageaittouteseule,maislafemmesemblaanticipersa
question.
« J’ai décidé de rendre visite àma fille et àmon petit-fils àMoscou. » La femme semblait
excitée.Ellesortitunephoto.«Vousvoyez?Nesont-ilspasbeaux?»
«Trèsbeaux,»convintTrisha.
«Vousparlezbienlerusse,maisvousavezunaccent.»LafemmetapotalegenoudeTrisha.
«Américaine?»
«Oui.»
«Pauvrefille.Vousêtestombéeamoureused’ungentilgarçonrussependantvosvacances?»
Alorsça,c’étaitvraiment laversionpourenfants.«Oui,quelquechosedugenre.Maisnous
sommestrèsdifférents.Ilad’autresidéessurcequereprésenteunerelation.»
«Plusd’unefille,c’estça?»
«Commentavez-vousdeviné?»sedemandaTrisha,abasourdie.
Lafemmesoupira.«C’esttoujourslecas,machère.»
«Maisiln’aimemêmepascetteautrefemme.»
«Alorspeut-êtrequ’ilesttempsdefaireleménage.»Ladameâgéecaqueta.«Vousvoulezcet
hommeoupas?Sinon,alorscontinuezsurvotrevoie.Maissioui,alors ilestpeut-être tempsde
prendreposition.»
«Peut-êtrequevousavezraison,»songeaTrisha.«Maisjepensequejevaisdanslamauvaise
directionpourça.»
«Non.Voussaurezquandilseratemps.Jusqu’alors,unpeudedistanceneferapasdemal.»La
vieilledameluifitunclind’œil.
Trishaneputs’empêcherdepenserqu’elleétaitunevieillemamietrèscool.
Il était tempsde rentrer,d’arranger leschosesavecsesparents, etpuisdedécidercequ’elle
voulaitvraiment.
ANATOLYETAITETALEsurlecanapéenattendantYakovquandsonlieutenantpassalaporte.
«Oùétais-tu?»
«Al’aéroport.»
C’étaitdifficiledesavoir siAnatolys’était attenduàcequeYakov luimenteoupas,mais le
manquederespectflagrantpoursessouhaitsétaitplusduràavaler.«Etpourquoias-tufaitça?Mes
ordresétaientclairs. JevoulaisqueTrisha reste ici à toutprix. Jemesuisdonnébeaucoupdemal
pourqueçaarrive.Pourquoias-tutoutfoutuenl’air?»
«Jen’airienfoutuenl’air,commetudis.»Yakoventradanslesalonàpasmesurés.Ils’assit
danslecanapéenfaced’Anatolyetallumaunelampe.«Enfait,jepensequej’aiarrangéleschoses.»
«EnéloignantTrishaetenlarenvoyantchezelle?»Anatolynecomprenaitpasdutoutenquoi
çaarrangeaitquoiquecesoit.
«Anatoly,»déclaraYakovlentement.«Toietmoi,noussavonstousdeuxquetunepeuxpas
épouserTrisha.»
«Peut-être.»
« Il n’y a pas de peut-être. »Yakov lança les clés sur la table basse. «Tu dois arranger les
chosesaveclesSokolovleplustôtpossible.Trèsbientôt,enfait.Noussommessurlepointdesigner
desaffairestrèslucratives.UneguerreaveclesSokolovneseraitpasànotreavantage.Nousn’avons
pasassezd’hommes.Tous lesassassinset les trafiquantset lesautres truandsprendraientnos rues
d’assautetlesgensauraientpeurdequitterleursmaisons.»
«Etdoncjemefaisintimiderversunmariage?»criaAnatoly.«Horsdequestion,Yakov!»
Yakovhaussalesépaules.«Tun’aspaslechoix.Çaneteplaitpeut-êtrepas,maistuasbesoin
deMotyaSokolov.»
«Alors peut-être devrais-je l’approcher et lui faire une offre. Il est à vendre comme tout le
reste de la planète. » Le cerveau d’Anatoly tournait toujours au ralenti. Il n’avait pas la vivacité
mentalepourpenserauxdétails,maisilsavaitqu’ildevaityavoiruneautresolution.
Yakovsegratta lementon.« Ilya sansdouteunmoyendeconvaincre levieuxd’unaccord
tacite.»
«Ondoitdécouvrircequ’ilveutvraiment.»Anatolyagitalamaind’agacement.«Autreque
passerdevantlemaireavecsafille.»
«Duterritoire,»expliquaYakovlentement.«Ceshommesveulenttoujoursduterritoire.»
«MaisilpossèdeletoutMoscou.»
«Non.LesUkrainiensontunebandedeterreprèsduchantiernaval.»
« Motya veut cette petite bande de terre ? » Anatoly recourba les lèvres de dégoût.
«Pourquoi?»
«Tuoubliesquetoutneserapportepasàlavaleurdesbiensimmobiliers.»
«Alorsletraficdedrogueyestflorissant?»
Yakovhochaitdéjàlatête.
«Alors va la racheter auxUkrainiens. »La solution semblait simple dans l’esprit embrumé
d’Anatoly.«OndoitpossédercequeveutMotya.C’estsimple.»
«Etpuis?»
«Etpuisjevaisluitapersurlecrâneavecjusqu’àcequ’ilacceptemaproposition.»Anatolyse
frottalevisage.Ilavaitbesoindesommeil.Debeaucoupdesommeil.
«DonctuvasépouserMotyaaulieudeBianka?»plaisantaYakov.
Anatolygrogna.«Non.JevaisépouserTrisha.»
« Tu penses vraiment que c’est une bonne idée ? » Quelque chose dans le ton de Yakov
suggéraitqu’iln’enétaitpassisûr.
Anatolyavait faitconfianceàcethommesur tellementdesujetscesdernièresannées.C’était
difficiledepenserqu’ilsnesoientpasdutoutdumêmeavissurcelui-ci.«Quelesttonproblèmeavec
Trisha?Jepensaisquetul’aimaisbien?»
«Jel’aimebien.Maisellen’estpascommenous.Elleestlégale,etrespectueusedelaloi.»
« Comme elle l’a signalé elle-même, la plupart des entreprises sont à peine à la limite de
l’éthique.Jenesuispasunmafieuxtraditionnel.»
«Non.Maistuesquandmêmeunmafieux.Tucroisqu’elles’enaccommodera?»Yakovleva
lesmainsensignedereddition.«C’esttoutcequejevoudraisquetuconsidères.»
ChapitreDix-huit
« Des choix actifs, Trisha, » se murmura-t-elle à elle-même. « Il suffit de rester ferme et
décisive,etdenepaslâcherprise.»
«Mademoiselle ? » Le chauffeur de taxi la regarda dans le rétroviseur et leva un sourcil.
«Vousallezbien?»
«Voussavez,parfoisdanslavievousavezcesgensquiexigenttoutdevousetvousdonnent
l’impressionqu’iln’yapasd’autrechoixquedeleurobéir?»
«Çaoui!»Lechauffeurhochalatêteavecinsistance.
Ils prirent le dernier virage avant d’arriver dans la rue de Trisha. Elle regarda défiler les
maisonsetsedemandapourquoic’étaitsiétrangedeseretrouverdanslarueoùelleavaitvécutout
savie.
« Alors, » déclara Trisha au chauffeur. « Prenez ces gens autoritaires, multipliez-les par
environ un million, puis donnez-leur un badge et du pouvoir. C’est ce que je m’apprête à
confronter.»
«Alors je suis bien content de ne pas être à votre place, » répliqua le chauffeur d’unevoix
traînante.
Ils se gara à côté du trottoir devant unemaison étroite à deux étages qui avait représenté le
mondedeTrishajusqu’àhuitsemainesetdemiplustôt.«Ouais,merci.»
Ellelaissaungénéreuxpourboireauchauffeurpuissortitdelavoiture.Ilsortitàsontourpour
l’aideràprendresesbagagesdanslecoffre.Samèresprintaitdéjàverselle.C’étaitimpressionnantà
voir.Mamanétaitunedameavanttout,etlesdamesnecouraientpascommedespouletsétêtés.
«Trisha!»couinasamère.«OhmonDieu,tuesunrégalpourlesyeux!»
«Maman!»Trishaécartalesbras.
Samèrelaserrafortcontreelle,etelless’étreignirentpendantlongtemps.Letaxis’étaitdéjà
éloignéquandsamèrelarelâchaenfin.Puiscelle-cireculaetétudiaTrishaendétail.
«Tuaschangé,jeunefille.»Samèrepinçaleslèvres.«Ons’estrongéslessangsàtonsujet.»
«Jevousaiditquejerentreraisquandjeseraisprête.Jedevaisprendreletempsderéfléchir.»
«Etàquoitupensais,resteraveccethomme?»Samèrepassaunbrasautourdesépaulesde
Trishaetcommençaàl’entraînerverslesmarchesdel’entrée.
Lesdeuxfemmestraînaientchacuneunevalisederrièreelles,etTrishaavaitsonsacdevoyage
autourdel’épaule.Etmaintenant,samèreallaitluifairelaleçon.Excellent.Cettegranderésolution
denepaslâcherprisen’avaitpasdurélongtemps.
«Siturefaisquelquechosecommeça,jeunefille,jevaistedonnerlafesséecommequandtu
étaispetite!»Samèreluiserralebrasunpeuetl’aidaàmonterlesmarches.«Jet’aiditquej’avais
vuKennyPearsonl’autrejour?»
«Non,maman.Etjem’enfiche.Jen’aimepasKennyPearson.»
« Je lui ai dit que tu suivais toujours ton programme d’étude en Russie, » lui dit sa mère
allègrement.«Maisquetuseraisbientôtderetouretquevouspourriezsortirdînerensembleunde
cesjours.»
«Maman!»Trishasedébarrassadel’étreintedesamèreetplantalespiedsfermementàterre.
Ellen’allaitpasfaireunpasdeplusavantd’avoiréclairciaumoinsceproblème.«Maman,jen’aime
pasKennyPearson.Jenel’aijamaisaimé.C’estunenfoiréarrogantquialegroscouetsepavane
parcequ’iltravailledansungaragedevoituresd’occasion.Jenevaispassortiraveclui.Jamaisplus.
Compris?»
« Mon Dieu ! » Sa mère pressa la paume de sa main sur son cœur. « Pas besoin d’être
grossière,jeunefille!»
«Etpourquoim’appelles-tucommeça?»demandaTrisha.«J’aivingt-septans.Tuterends
comptequejesuisbientropvieillepourhabiterchezmesparents?C’estpathétique!»
«Tonpèrem’aavertiquetelaisserpartirenRussiepourcesétudesétaitunemauvaiseidée.Ila
ditquetureviendraisàlamaisonaveclatêteremplied’idioties.»LamèredeTrishasecoualatête.
«Jeluiaiditquenotrechèrefilleétaitbientropintelligentepourça,maisjevoisqu’ilavaitraison.»
«Non.J’essaiejusted’êtrenormale.Maman,cen’estpasnormalpourquelqu’undemonâge
devivrechezvous.»Trishasoupira.«Jenevoulaispasvraimentparlerdeçaavantd’êtrerentrée
danslamaison,maisapparemment,tuvasmeforceràtoutdéballersurlepasdelaporte.»
Sonpèreécartalaporte-moustiquaireenlaclaquant.«Toutdéballerquoi?»
«Papa,»ditTrisha,sesentantcomplètementpartagéedelerevoir.«Tum’asmanqué.»
« Difficile à dire au vu de ton comportement. Tricher dans un casino. Puis sortir avec un
criminel,tefairekidnapperetprobablementfinirenceinte.»
Trishalevalesyeuxauciel.«Papa,c’esttaréponseàtout.Jen’airienfaitdestupide,etjene
suiscertainementpastombéeenceinte.Maisest-cequelapenséedemoienmamanseraitvraimentle
piredestinquetuimaginespourmoi?Parcequesic’estlecas,vousferiezmieuxdesortirpluset
d’avoirunpeuplusd’imagination!»
Unsilencecompletsuivitsacrisedecolère.Enfait,Trishasemitàs’agiteretdutseforcerà
resterenplace.C’était commeuneeau infestéede requins.Ne jamais leur laisser ressentir tapeur.
Danscecas-ci,nejamaismontreràsonpèrequ’ilavaittouchéunpointsensible.
«C’est quoi ton problème, jeune fille ? » grogna son père. «Et viens ici pourme faire un
câlin!Tuespartiepresquetroismois!»
«Passilongtemps,papa.»
Maisc’était étrangede seblottirdans lesbrasde sonpère. Il avait lamêmeodeur, celledes
bonbonsà lamenthequ’ilmâchaitpourson indigestion,etunepointed’EaudeCologneépicéeau
boisdeSantal.Elleauraittantaiménepasdevoirluitenirtête.Maisc’étaitinévitable.Luietsamère
nevoulaientpasqu’ellegrandisse.Jamais.EtçaneconvenaitplusdutoutàTrisha.
« POURQUOI EST-ON assis dans la voiture dans une allée sombre à minuit ? » demanda
Anatoly.
Yakovsemblaitcomplètementdétenduderrièrelevolant.Ilpritunegorgéeducaféamerdans
unetasseenpolystyrènequ’ilavaitachetéedansuncaféouverttoutelanuit.«Tudoistecalmer.On
diraitunpetitchienquis’excitesursonsiègeensautantpartoutparcequ’ilabesoindepisser.»
«Tutesouviensquetubossespourmoi.Non?»grommelaAnatoly.«Ilt’incombedenepas
faireréférenceàmoiendetelstermes.»
« Comment dit-on en Amérique ? » demandaYakov d’un air amusé. « J’le dis comme j’le
vois.»
«Alors je vais décider d’en arrêter là. »Anatoly gigota sur son siège, sentant une humeur
sinistres’installer.«Etsicetenfoiréd’ukrainienn’arrivepasdanstroisminutes,ons’enva.»
«Jepensaisquetuavaisbesoindeceterritoire.»
Anatolypoussaunsoupir.«Ouais,c’estça.»
«Alorspeut-êtrequ’unpeudepatience…»Yakovluifrappal’épaule.«Tufaisaffairesavec
descriminels,aprèstout.»
Justeàcemoment-là,despharesilluminèrentlaruelledevanteux.Anatolycommençaàsortir
delavoiture,maisYakovlançaunbrasversluipourl’arrêter.«Non.Attends.»
«Quoi?Jeveuxenfinir.»
«Parcequec’estlaprudencequitegardeenvie,»murmuraYakov.
Ilobservaattentivementlavoiture.
C’étaitpourçaqu’Anatolypréféraitlesaffairesaumondemiteuxdestransactionsdelapègre.
Ilétaitunhommed’action.Etdonc iln’appréciaitpasd’attendreetne trouvaitpas lapatienceutile
quandréglerunproblèmefacilementetefficacementétaitlamanièrelaplusproductivedeprocéder.
Lesportièresconducteuretpassagers’ouvrirent.Deuxhommesdégingandésavecdescheveux
blondsenbrosseetdessweat-shirtsblancssortirentduvéhicule.
Anatoly renifla. « Tu te fous de ma gueule. Tu crois qu’ils essaient de ressembler à des
d’acteursdesérieB?»
«Chut,» lâchaYakov.«Fermetonclapet.Auvude tamauvaisehumeur, ilspourraientnous
tirerdessussitunelafermespas.»
«Alorsriposte,»ditAnatolyenhaussantlesépaules.«Tufaiscegenredetrucstoutletemps,
non?Jepensaisquetuétaisleparfaittruanddelamafia‘traditionnelle’.»
«Pascommecesdeux-la.»LetondeYakovétaitsinistre.
QuelquechosedanslaprudencedeYakovcommençaàdéteindresurAnatoly.Ilsesentitmalà
l’aise. Les deux hommes marchèrent d’un pas délibérément décontracté jusqu’aux fenêtres de la
voituredeYakovetd’Anatoly.
«Yakov,»ditleplusgrandd’untonrespectueux.«Monfrèreetmoiavonsentendudirequetu
voulaisnousfaireuneoffrepourleterritoireadjacentauchantiernaval.»
«C’estça,»convintYakov.«Monassociévoudraitvousfaireunebonneoffre.»
Leplusgrandéclataderireetditquelquechoseenukrainienàproposd’Anatolyetd’unblanc-
bec.
Anatolyétaitdeplusenplusirritéparleurmanquederespectetleuridiotie.Illeurréponditen
ukrainiensansfaute,«Jen’aipeut-êtrepaslemot‘voyou’gravésurlefront,maisjenesuispasné
de la dernière pluie.Donc si vous voulez quevotre patron se fasse unpaquet d’argent, vous vous
dépêcherezdememeneràluiavantquejenechanged’avisetquejeneperdemonsang-froid.»
Lesdeuxlascarssemirentàmurmurer.Enfin,lepluspetitmontralesdentsdansunsemblantde
sourire.«Venezparici.Danscebâtimentlà-bas.Notrepatronestàl’intérieur.Onpeutenparler.»
«D’accord.»Anatolysentitsoncœurmartelercontresescôtesetespéraitnepasavoirfaitune
erreur.
«J’espèrequetusaiscequetufais,»marmonnaYakov.
Anatolynecommentapas.Ilsecontentadesortirdelavoitureavecunelenteurquisuggérait
qu’iln’étaitnullementpréoccupépar l’horaired’unautre. Ilportait sabravadecommeunecapeet
espéraitqu’elleseraitàl’épreuvedesballes.
Ilssuivirentlesukrainiensdansunepetiteported’accèssousl’escalierprincipaldel’entrepôt.
Leur chemin les mena dans un couloir étroit qui aboutissait dans une pièce immense remplie de
conteneurs.Anatolyneprêtapasattentionauxconteneurs,saufàleuragencement.
La plupart du contenu de la pièce avait été repoussé le long des murs. Il semblait que les
Ukrainiensutilisent l’endroit comme leurbased’opérationcar aucentrede lapièce se trouvaitun
tapispersan,deuxcanapés,unfauteuiletunekitchenette.
Lesdeuxblondsentrèrentets’installèrentdansuncanapé.Unautrehommeétaitdeboutdansla
cuisineetversaitdelavodkadansunverreàshot.Ilétaitpluspetitquelesdeuxautres,maisblondlui
aussi.Ilétaittrèsbaraqué.Sil’apparenceétaituneindication,lestroishommessemblaientapparentés,
peut-êtremêmefrères.
«Alors,»ditleurchefavantd’avalerleshotdevodka.«Vousaimeriezmefaireuneoffrepour
monterritoire?»
«C’estça,»ditAnatolyd’unevoixbasseetcalme.«J’enaibesoin.»
«Maisilm’appartient.»L’hommehaussalesépaules.«Etjenesuispaspressédelerevendre.
Revenezl’anprochain.Peut-êtrequej’auraichangéd’avis.»
Lestroishommessemirentàrire.Derrièrelui,AnatolyentenditYakovjurer.
Lesangseprécipitadanslesoreillesd’Anatoly,etilsedemandas’ilspouvaientvoirlavapeur
sortir de ses oreilles. Il examina plusieurs stratégies dans sa tête avant d’en choisir une. Ils ne
l’appelaientpasassoiffédesangpourrien.Maisilavaitunemanièrevraimentuniqued’éviscérerses
opposants.
«Jesuisdésolé,»ditAnatolyd’untoninsolent.«Quies-tu?»
Lechefcessaderire.Ilfronçalessourcils.«JesuisSasha.»
«Sasha,»songeaAnatoly.«Jamaisentenduparler.Quelletristesse.»
«Anatoly,»murmuraYakov.«C’estunemauvaiseidée.»
Anatolyl’ignora.«Etsais-tuquijesuis?»
«Unconnardimbécileavecdel’argent?»reniflaSasha.
«MonnomestAnatolyZaretsky.»Ilputvoirlemomentoùilscomprirent.Leurexpressionse
fitméfiante.Anatolycontinua,parlantd’untonsecetlaissantsacolèreenroberchacundesesmots.
«Voussavezcequeçaveutdire?»
«Queturestesunconnard,»grondaSasha.
« Non, crétin, » siffla Anatoly. « Ça veut dire que je peux me permettre d’embaucher des
mercenairespourbraquerleursfusilssurvousdechaquebâtimentauxalentours.Çaveutdirequeje
peuxacheterchaquepropriétéduterritoirequevouspensezposséder.Jepeuxconstruiretoutceque
j’yveux.Etpuis,puisquelapoliceestdansmapoche,jepeuxlanceruneguerreoffensivecontrela
drogue et vous rendre complètement incapables de déplacer un gramme de vos produits. Vous
comprenezcequejeveuxdire?»
LesyeuxdeSashaétaientféroces,maisAnatolyputvoirqu’ilavaitcomprislemessage.
«A présent. »Anatoly adoucit le ton et tira ses boutons demanchette en diamant. «Ce que
j’aimerais faire, c’est passer un marché honnête et vous payer pour votre territoire, même si
techniquement,ilnevousappartientpas.Vousm’avezcompris?»
«Oui,»convintSashad’untonmaussade.«Nousavonsparfaitementcompris.»
«Alorsmettons-nousàtable,»pressaAnatoly,plusqueprêtd’enavoirfiniaveccesconneries.
ChapitreDix-neuf
«Non,Trisha.Jetel’interdisformellement,»ditsonpèreenbalayantfermementsamaindans
l’air.
Trisha reconnut le geste. C’était celui qui voulait dire ‘jamais de la vie’. Son père parlait
beaucoupaveclesmains.Maiscettefois-ci,ellen’allaitpaslelaissergagner.Elleétaitrésolue.
«Trisha,» samèreparlad’unevoixplusdouce.C’était la tentativedemamand’encourager
Trishaàêtreraisonnable.«Tuesnotrefille.Notrefilleunique.Tucomprendssûrementàquelpoint
c’esteffrayantpournousdenerienfaireetdeteregarderfairedemauvaischoix.»
Trisha soupira. Elle balaya du regard les attributs de samaison d’enfance. La collection de
poupéesenporcelainedesamèredanslavitrine, lescopiesreliéesencuirdeSherlockHolmesde
sonpèresurl’étagère.Lesfauteuilsenchintzetrideauxendentellesdupetitsalondesamère,etle
mobilier plus lourd du bureau de son père, tous des attributs d’une maison confortable pour un
coupleallantsurlasoixantaine.Sonpèreseraitbientôtretraité.Samèren’avaitjamaistravaillé.Juste
unvieuxcouplemignonetleurseulenfantquin’avaitjamaisvraimentgrandi.
«Maman.»Elleregardasamère.«Papa.»Elletournalatêteverssonpère.«Vousm’avezdit
ceque jedevais fairedemaviedepuisque je suisnée. Je comprends.Vousêtesdesparents.Vous
avieztoutprévu.J’étaiscenséêtreungarçonquisuivraitlestracesdepapa.Puisjesuisnéefille,etil
voulaitquandmêmequejesuivesestraces.Malheureusement, j’aisuquejen’entreraispasdansla
policedepuisquej’étaissuffisammentâgéepourt’accompagnerenpatrouille.»
«Tun’as jamaisvraiment essayé.»L’airgrognonde sonpère suggéraitqu’il était toujours
blesséparça.
Trisha tripota ses mains, tentant de trouver comment elle pourrait les convaincre. « J’aime
Anatoly.C’estaussisimplequeça.Iln’estpaslemonstrequ’ilsembleêtre.Ilyaunhommebonsous
toutecettebravademasculine.»
«Tuferaismieuxdenepasparlerdemoicommeça,»grognasonpère.
Avecsurprise,elleserenditcomptequ’ilsavaientpasmaldesimilitudes.Étrange.«Tuesun
hommebonsoustoutestesfanfaronnades,papa.Maistuesbeaucouptropprotecteur.Tunem’aspas
écoutéquandjet’aiditquej’allaisbienetquejerentreraisbientôt.Tun’asfaitqu’envoyerd’autresà
marescousse.J’auraispuêtreblessée,ouAnatolyauraitpuêtreblessé.Cesderniersconnardsl’ont
bienamoché.»
Jonathan Copeland lâcha un grognement moqueur. « S’il ne sait même pas se défendre, il
mérited’êtretabassé.»
« Et, je suis presque sûre que dans ta jeunesse tu aurais eu du mal à gérer deux anciens
militaires qui te sautent dessus dans les buissons et commencent à te rosser sans avertissement. Si
Anatoly avait eu son arme, il y aurait eu des victimes, et ç’aurait été injuste puisque ces hommes
n’agissaientquesurlesordresd’uncrétinsurprotecteur,»dit-ellefurieusement.«C’estexactement
cequejeveuxdire,papa.Tunevoispas?»
«Voirquoi?»
Samères’étaitmiseàsetortillerd’inconfortsursachaise.«Chérie,calme-toi.»
«Non!»Ellesereleva.«Jeneveuxpasmecalmer.J’aivingt-septans.C’estàmontourdene
pas être calme si j’en ai envie.Vous n’arrêtez pas deme dire de faire des choix, d’arrêter d’être
spectatricedemavieetd’allercherchercequejeveux.Maisdèsquejelefais,vousmeditesqueje
faisdesmauvaischoixetvouspensezdevoirvousimmiscerpourarrangerleschoses.Voussavezce
quevousaimeriezquejefassedemavie,etvouspensezquejedevraisjusteacceptervotreavis!»
Sonpèreseredressa.Illadominacommeuntitanencolère.«Ecoute-moibien,jeunefille.Je
t’aime.Tuesmafille.Jevaisteprotégerjusqu’aujouroùjemourrais.»
«Etqu’est-cequisepasserasitumeursetquejen’auraisjamaisprisdedécisionmoi-même,
ou vécu ma vie, ou fait quoi que ce soit toute seule ? Quoi ? Je devrais juste me suicider à tes
funéraillespourqu’ilsm’enterrentavectoi?»
Sonpèrelaregarda,choqué,bouche-bée.Apparemment,iln’avaitjamaispenséleschosessous
cetangle.
Puisilsereprit,parcequ’illefaisaittoujours.«Tamèreetmoions’occuperadetoi.»
«Maismerde!»Ellelançalesmainsenl’air.«C’estdeçaquejeparle!Jeneveuxpasque
vousvousoccupiezdemoi.Jeveuxdevenirindépendanteetm’occuperdemoi-même!»
«Enépousantuntruanddelamafiarusse?»demandasonpère.
«Non!»Ellelevalesyeuxauciel,àboutdenerfs.«Endéménageantdansmonchezmoieten
trouvantunputaindeboulotpoursubveniràmesbesoins!»
«Oh,chérie,tun’aspasbesoindedéménager,»argumentasamère.«C’estsicher.»
« Vous savez, parce que je n’ai jamais payé de factures, j’ai un compte bien fourni pour
commencer, » les informa-t-elle. « Peu importe ce qui se passe avec Anatoly, j’ai déjà appelé
quelquespropriétairesetjevaisallerlesvisiterdemain.»
«Quoi?»rugitsonpère.«Situveuxdéménager,alorsjetetrouveraiunendroit.»
«Non,papa,»dit-elleensoupirant.«Jem’enoccupe.Vraiment.»
ANATOLYDEVISAGEAMOTYASokolovdel’autrecôtédelatabledeconférencedusiègede
ZaretskyEnterprises.LevisagedeMotyaétaitplissécommeceluid’unroquet.Ilfronçaitintensément
dessourcilsenlisantlapropositionqu’Anatolyvenaitdeplacersurlatabledevantlui.Enréalité,il
auraitdû fairedesbonds.Anatolyavaitdû jouer lesgrosbrasetmanœuvreren terrainminépour
parvenir à rassembler cette proposition en moins de 5 jours. Il voulait en finir, parce qu’il avait
l’intentionderamenerTrishaàlamaisonavantlafindelasemaine.
«Qu’est-cequec’est?»MotyaglissaledossiersurlatableetfusillaAnatolyduregard.
Anatoly s’appuya sur le dossier de sa chaise, refusant de laisser ses nerfs prendre le dessus.
«C’estunepropositiond’accordentrelesZaretskyetlesSokolov,etçac’estlagarantiequejet’offre
pourscellernotremarché.»
«Tuétaiscenséépousermafille.C’étaittrèssimple.Lesfamillesmafieusesfontleursaffaires
commeçadepuisdesdécennies.»
«C’estpourçaqu’unchangementferaitdubien,tunecroispas?»déclaraAnatolyd’unton
plaisant.Ilfitsigneversl’accord.«Cecitepromettouslesdroitssurunboutdeterritoirelucratifque
tucherchaisàt’approprier.Maintenantilm’appartient,àuncoûtconsidérableetbeaucoupdepeine,si
jepeuxajouter.Doncjepensevraimentquecetaccordestvraimentéquitable.»
«Jemefichedesavoirs’ilestéquitableoupas,»grognaMotya.«Jeveuxmariermafille.»
Une pensée commença à se former dans l’esprit d’Anatoly. « Tu veux dire que toute cette
affairevientdufaitquetuveuxmariertafillepourpouvoirt’endébarrasser?»
«Exactement!»Motyaseradossaàsonsiège,l’airsatisfait.«Sais-tucombiend’argentcette
fillemecoûtetouslesmois?»
«Jepeuximaginer,»ditAnatolysèchement.«C’estenpartielaraisonpourlaquellejeneveux
pasl’épouser.C’estunearracheused’argentautempéramentaigre.Biankaneveutvéritablementpas
êtresatisfaite.Ellepréfèreseplaindre.»
«Jesais.»Motyapoussaunlongsoupir.«Samèreétaittropindulgente,jecrois.»
Anatolyavaitdumalàcroirequ’ilsoitentraindeconseillerMotyasurlaparentalité.«Tusais,
quandj’aiundépartementdemonentreprisequicoûtetropd’argent,jen’aiqu’àleurserrerunpeula
ceintureetdireauxgérantsdefaireavec.»
«Tucroisquec’estcequejedoisfaireavecBianka,c’estça?»songeaMotya.«Essaie,toi,de
luidirenon.»
« Enlève-lui ses cartes de crédits, donne-lui son allocation directement sur un compte en
banque,achète-luiunappartement,etarrange-toipourpayerlesfacturesàpartirdecescomptes.Ne
lalaissemêmepaslesregarder.Puisfourre-làdansl’appartetnerépondsplusàsesappels.Assure-
toiqu’ellevabienunefoisparsemaineetqu’ellegrandisseunpeu.Elles’yfera.»
«Tucroisvraimentqueçafonctionnerait?»L’hommeavaitl’airabsolumentexcité.
Anatolyserenditcomptequec’étaitsachance.Ilposalescoudessurlatabledeconférenceet
sepenchaenavant.«Oui.Maistuvasdevoirêtreferme.Ellevatefairechierpendantunmoment,
pour avoir de l’argent.C’est ce qui a toujours fonctionné dans le passé, donc elle continuera à le
faire.Situnetienspastaposition,tuneferasquet’attirerplusd’ennuis.Responsabilise-la.Peut-être
qu’ellefiniraparenavoirmarreetqu’ellesetrouveraunboulot.»
«Ha!»reniflaMotya.«Tuconnaismafille.Tupeuxl’imaginerentraindetravailler?»
«Pasvraiment.»
Lesdeuxhommesgloussèrent.Ilsétaiententraindecréerunlienàcausedesonemmerdeuse
defille.C’étaitaussiamusantqu’inattendu.
PuisAnatolyfitsigneverslaproposition.«Jesuistoujoursprêtàsoutenirnotreaccordavec
cetteproposition.Rienn’achangé.»
Motyarepritlepapierverslui.«C’estéquitable.»
«Excellent, Sokolov, » déclaraAnatoly d’une voix traînante. «Parce que je neme laisserai
jamaismenotteràBianka.Elleestmagnifique,maisc’estunevraiegarce.»
Motyaeutl’airfier.«C’estvraimentunechieuse,non?»
«Etçaterendheureux?»
«Oui.»
«Ettunevoispaslelienavecsacrisefinancière?»déclaraAnatoly,tentantdedécidersile
vieilhommesefoutaitdelui.
Motyaavaitouvertlabouchepourrépondrequandlaportedelasalledeconférencefutouverte
àlavoléeetclaquacontrelemur,laissantunemarquesombresurlapeintreblanche.BiankaSokolov
fitirruptiondanslapièce.
«Qu’est-cequeçasignifie?»cria-t-elle,pointantunonglerougepointucommeunpoignard
vers son père. « Tum’as dit que tu passais un accord à propos demonmariage ! Etmaintenant,
j’entendsparcecrétinquetuappellestonlieutenantquetunégociesunaccorddeterritoire?»
LebeauvisagedeBiankaétaittachetéderouge,sonexpressionvraimenttordue.Anatolyattira
l’attentiondeMotyaet lui lançaunregardd’encouragement.S’ilneposaitpas lesnouvellesrègles
immédiatement,ilétaitfoutu.
Motyaseraclalagorgeetseredressa.Sonpetitcorpsrondn’étaitriencomparéaucorpssvelte
deplusd’unmètre70desafille.Ils’éclaircitànouveaulagorge.«Anatolyetmoiavonspasséun
autreaccord.Iln’yaurapasdemariage.Tudevrastetrouverunmaritouteseule,Bianka.Deplus,je
vais t’acheter un appartement. Tu vas y emménager et vivre d’une allocation. Je paierai toutes les
facturesdelamaison,doncnet’enpréoccupespas,maistudevrasgérertonbudgetpourlereste.»
«Quoi?»LecrideBiankarésonnadanslesoreillesd’Anatoly.
«Tum’as bien entendu. »Motya se releva de sa chaise et glissa l’accord dans le dossier. Il
souritàAnatoly.«Jeprendsceciet jevais lesigner.C’estunplaisirdefairedesaffairesavectoi,
AnatolyZaretsky.»
«Demême,»réponditAnatolyavecunhochementdetêterespectueux.
Biankaluilançaundernierregardaavantdepartir.Elleétaittoujoursfurieuseenverssonpère.
Anatolysedemandas’ils’étaitenfindébarrasséd’elle,etsoupçonnaitquenon.
ChapitreVingt
Trisharegardaparlafenêtreducaféaucoindelaruedesesparents.Ellesesentaitvraiment
déprimée.Aprèsavoirdéclaréqu’elletrouveraitunjobetunappartement,illuiétaitrestélatâchede
vraimentfaireceschosesetdemettreaupointunplan.Çan’auraitpasnormalementétéunproblème,
saufqu’ellen’arrêtaitpasdepenseràAnatoly.
Elle entoura sa tassede café chaudedesmains et se remit à lire le journal étalé sur la table
devant elle. Elle avait déjà posé sa candidature pour une demi-douzaine de boulots et visité trois
appartements. Mais ce qu’elle ne parvenait pas à décider, c’était si elle était assez brave pour
retourneràMoscoutouteseule.
«Excusez-moi,Mademoiselle.»
Lavoixmasculinevenaitdederrièresondos.Elleseretournaetseretrouvafaceàfaceàun
beaujeunehomme,probablementlapetitetrentaine.Ilétaitpropreetbienhabillé.Enfait,ilavaitl’air
d’êtresurlepointdeserendreàl’église.C’étaitunmardimatin.Était-ilunbanquier?
Enfin,ellesedécidaàluirépondrequelquechose.«Jepeuxvousaider?»
«Jen’aipaspum’empêcherdevousremarquerassiseici.»L’hommebaissalesyeuxcomme
s’il avait peur de l’offenser. « Je vous ai déjà vue ici.Disons qu’ilm’a fallu quelques jours pour
rassemblerlecouragedevenirvousparler.»
«Etpourquoiça?»Qu’est-cequin’allaitpaschezelle?C’étaitunbelhommed’àpeuprès
son âge qui semblait en bonne santé et avoir un emploi. Elle devrait désirer ça.Mais elle avait le
sentiment étrange de ne pas pouvoir faire confiance à la situation. Alors, quel était vraiment le
problème?
«Puis-jevousoffriruneautretassedecafé?»demanda-t-il.
Trishapinçaleslèvres.«Lesrechargessontgratuites.Doncvouspouvezallerremplirmatasse
àl’appareil,sivousvoulez.»
«Ah,d’accord.»Legarssemblaitgêné.
Sesinstinctsluidisaientquecegarsavaitquelquechosedelouche.Suruncoupdetête,ellelui
parlaenrusse.«Pourquoiêtes-vousvenumeparler,vraiment?»
Ilhaussalessourcils.«Pardon,qu’est-cequevousdites?Jeneconnaispascettelangue.»
Elle lui lança un long regard soupçonneux. D’accord. Il n’était pas russe. Se creusant les
méninges,elleétudiaànouveausonapparence.Puisellecomprit.«Vousêtesunflic?»
«Quoi?»Sonregardbalayalapièce,évitantàtoutprixsonregard.
«OhmonDieu!»grognaTrisha.«C’estluiquivousaenvoyé,c’estça?Pasbesoindefaire
semblant.Cen’estpasvotrefautesimonpèreestuncrétin!»
Le mec avait l’air de vouloir se fondre au sol. « Il n’a pas vraiment eu besoin de me
convaincre,Trisha.Vousêtesunefemmemagnifique.J’aimeraisvraimentsortiravecvous.»
« Ouais, j’apprécie la flatterie, mais je ne fréquente pas de flics, » lui dit-elle en souriant.
«Alorsbonnechance.Vraiment.Maisjenesuispasintéressée.»
Ses jouessegonflèrentcommedesballons,et ilpoussaungrandsoupir.«Votrepèrevame
tuer.Vouslesavez,non?»
«Neleregardezpasdanslesyeuxetrappelez-vousqu’ilnefaitquedesmenacesenl’air.Et
évitez peut-être de lui dire que j’ai découvert le pot aux roses. Ça ne vous aidera pas. Dites-lui
simplementquejevousaiditquejesortaisdéjàavecquelqu’un.»
«Oh.»Ilsemblasoulagé.«C’estlecas?»
« En quelque sorte. » Elle posa les yeux sur le journal. Soudain, rien ne semblait plus
prometteur.Enfait,riendanscepaysneluisemblaitprometteur.
«Alorsbonnechance,Trisha.»Sonsupposé rendez-voushocha la têteet sourit.«Quiqu’il
soit,iladelachance.»
Elle ne répondit pas. Elle contempla plutôt les derniers jours à faire face aux tentatives
sournoisesdesonpèrepourvirersaviedansla‘bonnedirection’.Combiendetempsavantqu’ellene
devienneparano?Ellecesseraitdefaireconfianceàcequiluiarrivaitetsetracasseraitdesavoirsi
çaavaitétéorchestréparsesparentsbienintentionnésmaiscomplètementàcôtédelaplaque.
Trishamitsesmainssursonvisageetsemitàrire.C’étaittellementridiculequ’ellenesavait
pasquoifaireavec.
«Trisha?»
« Ecoutez, je vous ai déjà dit que je ne fréquentais pas de flics, » dit Trisha, s’apprêtant à
vraimentl’envoyerbouler.
Puisellelevalesyeuxetserenditcomptequelapersonnequisetenaitdevantellen’étaitpas
l’hommequesonpèreluiavaitenvoyé.
«Anatoly?»demanda-t-elle,complètementémerveillée.«Qu’est-cequetufaisici?»
Il prit doucement sa joue dans samain. « Je suis venu pour toi,malenkaya, » répondit-il en
russe.
Sontouchersuffitàlafairefondre.S’était-ellerenducomptequ’illuimanquaitautant?Tout
luisemblaittellementplusintenseavecluiàsescôtés.Sessentimentsrevinrentpercerlasurfaceen
rugissant,etellefutperduedansunmomentd’anticipation.
ANATOLYSEDEMANDAIT parfois s’il comprendrait un jour les femmes. Trisha semblait
trèsheureusede levoir.Pourtant,ellepleurait.Enfin, ilcroyaitqu’ellepleurait.Degrosses larmes
dégoulinaientdesesyeux.
«Trisha?»UnjeunehommeavecuncostumepascheretunecoupeenbrossetapaTrishasur
l’épaule.«Cethommevousdérange?»
«Quoi?»Ellefronçadessourcilsaujeunehomme.«Ecoutez,justeparcequemonpèrevous
a demandé de faire semblant de ne pas me connaître pour m’inviter à sortir avec vous ne vous
transformepasengardeducorps.»Trisha secouaundoigtdevant sonvisage.«D’abord, jepeux
m’occuperdemoi-même.Etensuite,voicimoncopain.»
Anatolyregardad’unairamusélejeunehommeleverlessourcilsdesurprise.«Cevoyouest
votrecopain?» Il regardaAnatolydespiedsà la tête.«Votrepèreestaucourantquevoussortez
aveccegars?Parcequejevousdis,Trisha,iln’estpasàvotrehauteur.»
«Vraiment. »Elle semblait agacée. Se relevant de table, elle posa l’index sur la poitrine du
jeunehommeetlerepoussad’uncran.«Vousvoulezdire,pasàlahauteurcommequandvousavez
mentiàproposdevosintentions?»
Intentions?Anatolyneputseretenirdelesinterrompre.IlparlaàTrishaenrussed’untonsec.
«Cemect’afaitdesavances?»
« Et pas des bonnes, » répliqua-t-elle. « Mon père lui a demandé de m’inviter à sortir, je
supposepourquejet’oublie.»
«Jenesuispascontentdeça,Trisha,»grognaAnatoly.«Ets’iltetoucheencoreunefois,je
vaisluiarracherlamain.»
«Calme-toi,»dit-elled’untonapaisant.«Jenesuispaspresséededevoirprotégeretnourrir
unautreégomasculin.»
« Parlez anglais, putain ! » gronda le jeune homme. « C’est vraiment grossier d’exclure
quelqu’unexprèsdevotreconversation.»
«Trèsbien,»ditAnatoly,seretournantpourfairefaceà l’homme.«Jedisaissimplementà
Trishaquesituposaisuneautremainsurelle,jelaretireraisdetoncorpsettelarenverraisdansune
boîte.»
«Cen’estpasexactementcequetuasdit,»taquina-t-elle.«Maisc’estl’idée.»
«Vouspensezquevousallezparvenir àmebotter le cul ?»Lesmanièresdu jeunehomme
atteignirentd’autressommetsincroyablesdestupiditétandisqu’ilfaisaitfaceàAnatoly.«Regardez-
vous!Ondiraitunputaindegratte-papier.»
«Qu’est-cequeçaveutdire?»AnatolyregardaTrishad’unairconfus.
Ellegloussa.«Ilveutdirequ’ilteprendpourunfaible.»
«Ilestsuicidaire?»grommelaAnatoly.«Etpourquoiest-ceque lesgensnecessentdeme
sous-estimerjusteparcequejesaiscommentacheteruncostumesurmesure?»Anatolyfitungeste
verslecostumebasdegammedujeunehomme.«Parcequejeneportepasdecostumeprêtàporter,
tupensesquejenesaispasmedéfendre.Quelimbécile!»
Trishanegloussaitplus.Ellesemarraittellementqu’ellepensaits’évanouirparmanqued’air.
Anatolys’interrompituninstantpourapprécierlavueetleson.Elleluiavaittellementmanqué.Son
humour, les piques débonnaires qu’elle lui lançait, et le fait qu’elle le traite comme une véritable
personne.Çan’avaitpasdeprixpourunhommetelquelui.
«Trisha.»Lejeunehommen’enavaitàl’évidencepasfinideseridiculiser.«Jepensequ’ilest
tempsd’yaller.Jevaisappelervotrepère.»
Ellepassaunbras sousceluid’Anatoly.« Jene saispasquellepartiede ‘voicimoncopain’
vousnecomprenezpas,maisvoicimoncopain,alorsdégagez.J’apprécielefaitquevousvouliezme
protéger,mêmesic’estparcequevousavezpeurquemonpèrevousarrachelapeaudescouillessi
vousrentrezluidirequevousavezéchoué.»
« C’est vraiment une possibilité, » avoua-t-il. « Vous ne voulez pas simplement
m’accompagner?»
«Allez-vous-en.»Anatolyenavaitsaclaque.«Malenkaya,allons-y.»
IlpritlamaindeTrishaetposasamainlibredanslecreuxdesesreins.Apparemment,lejeune
hommes’enindigna,parcequ’unesecondeplustard,ilavaitattrapélebrasdeVitaly.
Anatoly réagit instinctivement. Il tordit son avant-bras, brisant son emprise et faisant un arc
jusqu’àcequ’ilattrapesonassaillantetluitordelebrasderrièreledos.Quelquesinstantsplustard,
Anatolyavaittordulebrasdujeunehommecommeunbretzeletlemaintenaitimmobile.Ungeste,et
sonépauleseraitdéboîtée.
Touteactivitéavait cessédans lecafé.Tout lemondeavait lesyeux fixés surAnatolyet son
captif.
«Anatoly,»réprimandadoucementTrisha.«Tudoislaisserlegarçonpartir.Ilesttropconque
pourserendrecomptedesonerreur.»
«Alorsilmériteuneleçon,»argumentaAnatoly.«Etjenesuispasprêtàlelaissers’ensortir
aprèst’avoirmanquéderespect.»
«Anatoly.»Elletouchasajoueavecsesdoigts.«Allons-y.S’ilteplait?Çan’envautpasla
peine.»Ellepassaau russe.«Tun’aspas lapolicedans tapocheàCleveland.Monpèrebien.Ne
tentonspaslediable,d’accord?»
Anatolypoussaungrand soupir.Puis il fusilla le jeunehommedu regard.«Ne sous-estime
jamaistonennemi.Compris?»
«Ouimonsieur.»Lejeunehommesemblaitàboutdesouffle.
«Allez,» répétaTrisha.«Laisse-lepartir. Jepensequ’onadéjàsuffisammentd’ennuissans
ajoutercelui-lààlaliste.»
Anatolyéclataderire.Toutbienconsidéré,elleavaitraison.Cen’étaitpassongenredeprier
pour l’approbation de son père. Demander la permission n’était pas quelque chose qu’il pensait
nécessaire.MaisTrishas’indigneraitprobablementdesamanièrehabituelledeconvaincrelesgens.
Jetantlejeunehommesurlecôté,AnatolypritlebrasdeTrisha.«Allons-y,monamour.Ilest
tempsdeplanifiercequ’onvadireàtesparents.»
«Çavaêtregai,»marmonna-t-elle.«Maispromet-moidenepastenterdelesacheter.»
«Jenepeuxrienpromettre,»taquina-t-il.Etc’étaitvrai.Surtoutparcequ’ilferaittoutcequi
étaitensonpouvoirpourobtenircequ’ilvoulait.
ChapitreVingt-et-un
«Tuesvenueàpied?»Anatolyavaitl’airdedéchiffrerleshabitudescomportementalesd’une
autreespèce.«Pourquoi?Tun’aspasdevoiture?»
Ellelepoussadel’épaule.«Parcequecen’estmêmepasàquatrepâtésdemaison?»
Ilémitunbruitquiressemblaitàdudégoût.«Marcher,c’estpourceuxquinepeuventpasse
permettred’acheterunevoiture.»
«Puisquejesuissansemploi,jesupposequejesuisincluedanslelot.»
Anatolyrenifla.«Mafemmen’apasbesoindetravailler.»
«Pardon,maisest-ceque tum’asdemandéenmariageetque jen’aipasentendu?»Trisha
avaitl’impressionquesessourcilsallaientdécollerdesonfront.«Parcequejenemesouvienspas
d’avoirditoui.»
«Tuvasm’épouser.»Ilavaitl’airsatisfait.«Voilà.Voicimademande.»
«Désolée,l’ami,maisilvafalloirfairemieuxqueça.»
Il s’arrêta demarcher si rapidement queTrisha fut tirée en arrière par lamainqu’elle avait
passéesoussoncoude.L’expressionsursonvisageétaithorribleàvoir.Ilneressemblait tellement
peuà l’Anatolyconfiantetparfoisarrogantqu’elleavait l’habitudedevoirqueTrishasedemanda
quoifaire.
«Anatoly,qu’est-cequinevapas?»murmura-t-elle.
Puisilsemitsurungenou.«Jen’aijamaissuppliépourquoiquecesoit,TrishaCopeland,»
dit-ild’unevoixgrave.«Maissic’estcequ’ilfaut,alorsjetesupplieraidemedonnertamain.»
«Anatoly,tun’aspasbesoindesupplier.»Ellelerelevasursespieds.«Ilsuffitdedemander.»
«Veux-tum’épouser?»
Ellesejetaàsoncouetleserrasifortqu’ellepensaitêtreentraindel’étrangler.«Biensûrque
oui!Jesuisflattée,ethonoréeettoutça,maisaussiassezconfuse.EtBianka?»
Il se tournavers lamaisonde ses parents et se remit enmarche comme s’il avait besoinde
tempspourréfléchir.«J’aipasséunaccordavecsonpère.Nousavonsunetrêveetunaccordtacite
quifaitdenousdesalliés.»
«Et tu ne dois plus épouserBianka ? » Elle tentait toujours de comprendre la situation.Ça
semblaitbientropfacile.
« Non. » Il gloussa, balançant sa main dans un geste joueur qu’elle trouva affectueux. « Il
s’avère queMotya cherchait seulement à se décharger de son enfant mal élevé sur un mari sans
méfiance.»
Trishaéclataderire.«Jesupposequec’estunvraicauchemarpoursonpère.Ilestd’accord
quetunel’enaiespasdébarrassé?»
« On a trouvé une autre solution qui implique qu’il lui coupe les ressources et la force à
grandiretàprendresesresponsabilités.»Ilsemblaitsatisfaitparlatournuredesévènements.
Trishan’étaitpasconvaincue.«Ettupensesqu’ellevasimplementoubliersesplansd’êtrela
reinedelaville,ousesautresrêvesidiots?»
Anatolyhaussalesépaules.«Elleestàdesmillionsdekilomètresd’ici.Quelsennuispourrait-
ellecausermaintenant?»
Ilsapprochèrentdelamaisondesesparents,etTrishaluttapoursedébarrasserdumalaisequi
s’était installé dans son ventre. Elle n’arrivait pas à croire que le problème nomméBianka ait été
neutralisésansplusd’efforts.
Maispourl’instant,elledevaitseconcentrersurleproblèmesuivant.PrésenterAnatolyàses
parentsetannoncerleursfiançailles.
«Ok,laisse-moiparler.S’ilteplait?»Ellesetournapourluiparler,parlantenanglaiscarelle
étaittendueetçaluisemblaitplusfacile.«Jesaisquetudétestestefairebaladerparlesgens,maisje
suismieuxplacéepourgérermesparents.Ilssontvraimentdestêtesdemules.»
«Jenevaismêmepasdemanderlatraduction,»dit-ilsèchement.«Etoui.Jepeuxlabouclerle
tempsquedufassesfaceàtonpèreetàtamère.»
«Jeneniaispaslefaitquetuaiescettecapacité.Jet’encourageaisjusteàl’exercer.»Trishalui
prit lamainetouvrit laported’entréedesamaisond’enfance.«Maman?Papa? J’aimeraisvous
présenterquelqu’un.»
«Oh,allez,entrezetquelafêtesoitaucomplet!»
Trisha sourcilladechocenenregistrant le faitqueBiankaSokolov se tenaitdans son salon,
l’armebraquéesursesparents.C’étaitabsolumentirréeldevoirBianka,parfaitementcoiffée,debout
surletapiscrèmeimmaculédusalondesamère.
«Tuescenséeenleverteschaussures,»lâchaTrishaparréflexe.
Biankafronçalessourcilsdeperplexité.«Quoi?»
«Tumarchessurletapisdusalondemamèreavecteschaussuresdepétasse.Ellenepermetà
personnedeporterdeschaussuresdanslesalon.C’estgrossier.Cesera tafautesi tufaisdes trous
dansletapisavecceshorriblesescarpinsquetuportes.»
Du coin de l’œil, Trisha vit sa mère fermer les yeux, sa détresse évidente en entendant les
parolesdesafille.Oui.Cen’étaitvraimentpaslemomentdediscuterdechaussuresetdetapis,mais
TrishaenavaitmarredelaisserBiankasecroiretoutpermis.
«Jepensequejen’aijamaisentenduquelquechosedeplusridiculedetoutemavie!»répliqua
Bianka,amusée.«Tusaisquelestachesdesangserontbienpiressurleprécieuxtapisdetamèreque
meschaussures?»
«Tuasraison,»convintTrisha.«J’aidumalàimaginerquelleshorribleschosesontrouverait
danstonsang,espècedesorcière.Pourcequej’ensais,tusaignesdugoudron.»
Derrièreelle,elleentenditAnatolygémirdoucement.Oui.Elleétaitentraindeprovoquercette
folledingue,maisvraiment.Quelqu’undevaitremettrecettefemmeàsaplace.
«Tuessoittrèsbrave,soittrèsstupide.»L’expressionaigriedeBiankadisaitàTrishaqueses
insultestouchaientbienunecordesensible.
«Bianka,»avertitAnatolyd’unevoixgraveetferme.«Çanet’apporterapascequetuveux.»
«Commentpeux-tusavoircequejeveux?»criaBianka.«Tuasconvaincumonpèredeme
destituer ! Je suis sans ressources ! Cette allocation demisère ne durera pas une semaine, encore
moinsunmois!»
ANATOLY SE RENDIT compte qu’il avait gravement sous-estimé la férocité de la cupidité
matérielledeBianka. Il commençaà sedéplacerpour sepositionnerprudemmentdevantTrisha. Il
aperçutsonpèreducoindel’œil.Ilétaitassisdansunfauteuil,sondosraidecommeunpiquet,les
yeuxexaminantchaquechosequisepassait.Ilattendaituneopportunité.C’étaitévident.Samèreétait
complètement à l’opposé. Elle était complètement figée dans son fauteuil bergère. Il se demandait
comment Bianka les avait trouvés et était entrée chez eux.Malheureusement, Anatoly soupçonnait
savoircommentças’étaitpassé.
IlparlaàBianka,concentrantsonattentionsurlui.«Etqu’est-cequetuveux?»
«Jeveuxde l’argent ! Jeveuxdupouvoir. Jeveux toutça,et tuvasme lesdonner,oucette
pétasseetsesparentsvontypasser.Tucomprends?»LesyeuxdeBiankaexprimaientunelueurde
folie,suggérantqu’elleétaitcomplètementdéséquilibrée.
«D’accord.»AnatolyabandonnalasubtilitéetsemitdirectemententreBiankaetTrisha.«Et
commentveux-tuquejefasseça?Unversement?Outuveuxquejet’écriveunchèque?»
«Oh!»Biankacriadecolère.«Arrêted’agircommesitunemecroyaispas!»Ellebraquale
pistoletsurlamèredeTrisha.«Jevaistuercettefemme,etpuistusaurasenfinquejeneplaisante
pas!»
«Situtiressurcettefemme,çamedonneraamplementletempsdetetordrelecou,»grogna
Anatoly.«Nemelaissepascetteopportunité,Bianka.Braquel’armesurmoi,oujet’assassineraià
mainsnuesetjenesourcilleraipasenversanttonsangsurletapis.Jemecontenteraideluiacheterun
nouveautapis.»
Anatolyavaitpenséquelatensionavaitatteintseslimitesdanslapièce,maisBiankan’enavait
pasfini.Ellecommençaàtaperdupiedetàagitersauvagementl’armeenl’airenpiquantunecrisede
colère.Elle jurait etmaudissait en russe. Sonmajeur était pointé principalement dans sa direction.
Puisellebraquasonarmeetlevisa.
Aumomentoùilserenditcomptequelasituationallaitempirer,ilentendituncoupdefeu.La
balleheurta leplafond,entraînantunepetiteavalanchedeplâtras surBianka.Lebruit soudainétait
assourdissantdans lepetit salonfermé.Biankanes’yétaitpasattendu,parcequ’elle jeta l’armede
côtépoursecouvrirlesoreilles.
Le temps sembla s’arrêter tandis que tout tournait au ralentit et qu’Anatoly regardait l’arme
toucher le sol. Il plongeaversTrisha, la prenant dans sesbras et roulant au sol jusquederrière le
canapéjustequandlepistolet tiraunautrecoup.Lecanonflashaet laballesiffla.Ellerebonditsur
uneplaquemétalliquependueaumuravantdetoucherBiankaàlajambe.
Soncrifutsibruyantqu’Anatolyauraitjurévoirlesfenêtrestrembler.Lesonétaitpirequele
coupdefeu.Roulantens’éloignantdeTrisha,ilatteignitlepistoletaumêmemomentquelepèrede
Trisha.
« Ne t’avise même pas, criminel ! » Jonathan Copeland prit l’arme dans sa paume avec la
pratiqued’unhommequiavaitpassétoutesavieàlefaire.
«Papa,non!»Trishabonditsursespiedsettentadesepositionnerentreeux.
AnatolypassaunbrasautourdelatailledeTrishaetlatiraderrièrelui.«Non,malenkaya!Je
neveuxpasteblesser.»
«Ilvatetueretdirequ’ellel’afait,»sanglotaTrisha.«J’ensuissûre.»
«Parleanglais,putain!»criaCopeland.«Sijenecomprendspas,jevaisjusteappelerçala
légitimedéfenseetenfinir.»
Jusqu’alors,Anatolynes’étaitpasrenducomptequ’ilsparlaientenrusse.Il inspiraàfondet
tintTrishaderrièrelui.«Jedemandaisàvotrefilledenepasseblesserensemettantdanslalignede
tir.»
«Trisha,appellele911,»ordonnaCopeland.«Jevaistuercetenfoiréetlefairesortirdenos
viesunefoispourtoutes.»
DeslarmescoulaientsurlevisagedeTrisha.«Non!Situletues,jenetepardonneraijamais.
Jamais.Tucomprends?Jequitteraicettemaisonsurlechamp,etvousnemereverrezjamais.»
Samèreémitunpetitcrid’horreur.Àterre,AnatolyvitBiankas’apprêteràserelevercomme
si elle allait tenter de s’enfuir. Avant qu’Anatoly ne puisse l’avertir, Bianka saisit la jambe de
Copeland.
L’hommesursautadechocetlecoupdefeupartittoutseul.Laballeperçal’épauled’Anatoly
departenpart,laissantunéclairdedouleurdanssonsillage.Ilseretourna,paspours’enfuir,mais
pours’assurerqueTrishan’étaitpasblessée.
Pendantcetemps,CopelandfrappafurieusementBiankaavecsabotte.Lecoupportéàlatête
lui fit perdre conscience.Mais ça ne fit rien pourmettre fin à la confrontation entre Copeland et
Anatoly.
«OhmonDieu!Tuesblessé!»gémitTrisha.Elletouchadoucementsonépaule.
Ilvoulaitluidired’arrêter,maisilsavaitqu’iln’avaitpasletempsdesesoucierd’uneblessure
superficiellequandsonpères’apprêtaitàluifaireexploserlatête.
«M.Copeland,»ditAnatolyd’unevoixcalme.Illevalesmainsenl’air,montrantqu’iln’était
pasarméetespérantquel’hommeretrouveraitsonbonsens.«Jecomprendsquevoussoyezfâchéet
confus.Maismetuern’estpaslasolution.»
«Papa,tudoisbaissertonarme.Maintenant!»suppliaTrisha.
Sonpèresemblaitfurieuxetconfus.Iljetaunœilverslafemmeévanouieàterre,etpuisàsa
fille.«Qu’est-cequej’aifait?»murmura-t-il.Puisilbaissasonarme.
ChapitreVingt-deux
Trishaenvoyaunregardnoiràsonpèretandisquel’ambulancierexaminaitlaplaiedel’épaule
d’Anatoly.«Monsieur,vousdevriezalleràl’hôpitalpourvousfaireexaminer.»
« Pouvez-vous bander la plaie ici ? » Anatoly semblait tout à fait décontracté, comme s’il
discutaitdetraiterunongleincarné.
«Oui.»L’ambulancierhochalatêteetcommençaàassemblersesaffaires.«Maisilvaudrait
mieuxfaireuneradioetassurerqu’iln’yapasdedommagesinternes.»
«Jeferaiçaenrentrant.Merci.»
Trisha tint lamaind’Anatolydans lasienne.Elle lamenaverssabouche, tellementsoulagée
quesablessurenesoitpasmortelle.«Tuessûrquetuvasbien?»
«Jevaisbien.»Ilfitungesteverssonpère.
Son père était assis à la table de la cuisine, la tête entre lesmains. Samère se tenait debout
derrièrelui,unbrasautourdesesépaules.Ilsparlaientparfoisàvoixbasse,maisilsavaientétépour
laplupartsilencieux.Danslapièced’àcôté,Trishapouvaitvoirlespoliciersetlesdétectivesqueson
pèreavaitréquisitionnéschezlui.Ilss’occupaientdeBianka.Ellecriaitcommeunputoisàproposde
laplaiedesajambe.
Un des détectives entra dans la cuisine pour faire son rapport à son père. « Ils doivent
l’emmeneràl’hôpital,Capitaine.»
« D’accord, » dit-il d’une voix sourde. « Faites-la surveiller. Et prenez son passeport. Je
demandequ’unjugelaconsidèrecommeunrisquedefuite.»
«Pasdeproblème.Pour autant qu’on en sache, elle est arrivée en jet privé.On l’amis à la
fourrière.»
Anatolysemblaseréveillerenentendantça.Enfaitilavaitl’airoutré.«Sonpèren’apasdejet
privé.Pouvez-vousvérifierlepropriétaire?Jesuissûrqu’elleaintimidéundemeséquipagespour
l’amenerici.Sic’est lecas, j’aimeraisdemanderleurretourà la libertépourqu’ilspuissentrentre
chezeux.Mondeuxièmeéquipagem’attendàl’aéroportavecmonjetprincipal.»
«Vousavezdeuxjets?»Sonpèresemblaitsidéré.
« Bien sûr. » Anatoly haussa les épaules. « Je dois parfois envoyer un membre de mon
personnel quand je suis occupé ailleurs. C’est plus facile de garder un autre jet plutôt que de se
préoccuperdesvolspublics.»
«Biensûr,»raillasonpère.«Apparemment,lecrimepaiebien.»
«Vousnem’aimezpas,»ditAnatolyplatement.«Mêmesijenecomprendspaspourquoi.J’ai
protégévotrefille.J’aimêmedéviél’attentiondeBiankadevotrefemme.»
«Vousavezamenécedangersurlepasdenotreporte!»criaCopeland.
Trishacommençaàprotester,maiselleremarquaensuitelamanièredontAnatolyregardaitson
père.Enfait,sonpèreavaituncomportementétrange.Ilnecessaitdegigotersursachaiseetavait
l’airmalà l’aise. Ilne la regardaitpasdans lesyeux,et il refusaitnetde regardersamère,cequi
attiral’attentiondeTrishaverssamère,sedemandantquelsecretilstaisaient.
«Maman,qu’est-cequisepasse?»demandaTrishacalmement.«Vousnouscachezquelque
chose.»
ANATOLYREGARDALAvieillefemmesetortillernerveusement.Elletentaitàl’évidencede
protégersonmari.Anatolysavaitdéjàcequi s’étaitpassé. Il sedemandas’ildevait juste luiéviter
l’horreuragonisantedelasituation.
«Ceque tamèreessaiede tedire,»ditAnatolyàTrisha.«C’estqueBianka lesacontactés
dans les dernières vingt-quatre heures pour leur offrir une sorte de marché. Ça impliquait
certainementdesedébarrasserdemoidanstavie.Alorsilsontacceptédelarencontreraujourd’hui
pendantquetuétaisjustementhorsdelamaison.PuisBiankaestarrivée,etleschosesnesesontpas
passéesaussibienqueprévu.»AnatolylevaunsourcilverslamèredeTrisha.«J’airaison?»
Sonsoulagementétaitpalpable.«Commentlesaviez-vous?»
«JeconnaisBianka,»dit-ilavecirritation.«Cettefemmeestuneputemanipulatricequiaun
motifpourmeblesseretblesserTrisha.Malheureusement, j’aisous-estiméjusqu’oùelle iraitpour
accomplirsonobjectif.»
«Ellesemblaitsidouceetserviable,»répliquasamèred’unetraite.«Etelleavaitunsi joli
sourire.Personnen’auraitpuimaginerqu’ellesoitsimeurtrière!»
Trisharenifla.«Ouais,elleaungenredecôtéDrJekylletM.Hyde,maman.Maispourquoi
avez-vousfaitçadansmondos?Çameblessedepenserquevousmefassiezaussipeuconfiance.»
Trishaseretournaverssonpère.«Papa,tuasfaitlamêmechose,encoreetencoremalgrétoutesles
foisoùjet’aidemandédemelaisserfairemavie.»
Sonpèreneréponditpas.Ilavaitl’airpâleetépuisé.Étrangement,Anatolypouvaitsympathiser
avec sa situation. Ilpensait savoir cequi était lemieuxpour sa famille,mais il avait eu tort.Et ça
auraitpufairedesvictimes.Çasecouaitl’intérieurd’unhommedevoirsesmeilleursplanstourner
audésastre.
«Anatolym’a demandé enmariage, papa, » annonça Trisha. « J’ai dit oui. Je t’aime.Mais
j’aime aussi Anatoly. Et si tu ne vois pas l’homme bon qu’il est après tout ce qui s’est passé
aujourd’hui, alors tu es un idiot et j’ai pitié pour toi. Je ne veux pas vous perdre, mais si vous
n’acceptezpasmonchoix,alorsc’estvotredécision.»
L’ambulancierenavaitterminéaveclebrasd’Anatoly.
AnatolyserelevaetpassadoucementunbrasautourdeTrisha.Ilétaitprêtàyaller.«Jeramène
Trishaavecmoi.Maintenant.Aujourd’hui.Vousêteslesbienvenuscheznous.Jevousenverraiunjet
privésivouslevoulez.MaisjenevaispaslaisserTrishacontinueràêtremanipuléeouintimidéeau
nomdesaprotection.»Anatolycherchalesbonsmots.«Vousnelavoyezpascommeelleestnon
plus, jepense.C’estunefemmefortequisaitcequ’elleveut.Elleaboncœur.Ellefaitdemoiune
meilleurepersonne.Enfait,jen’aijamaisrencontréquelqu’uncommeelle,etjedoisvousremercier
pourça.»
«Çanevapasvousempêcherdenousvolernotrefille,»marmonnaCopeland.
«Papa,arrête,»priaTrisha.«Nesoispasfâché.C’estcommeçaqueçasepasse.Lesenfants
grandissentetviventleurproprevie.C’estcequejeveux.MavieestàMoscou.J’adorecetendroit.Et
j’aimeAnatoly.»
Anatoly prit sa main et l’entraîna vers la porte. Il posa un baiser sur sa paume de main.
«Allons-y,monamour.»
«Etmesaffaires?»
Ilpinçaleslèvres.«Qu’est-cequetuveuxemmener?»
Puissonvisagesedurcitdedétermination.«Rien,cenesontquedesaffaires.»
TRISHAOBSERVALAvuehorsd’undeshublotsdujetalorsqu’ilsatteignaientunealtitudede
croisièrededixmillemètres.Lemonden’étaitquecielbleuetnuagesblancs.Çasemblaitsipaisible.
Ici,ellenedevaitpassesoucierdesesparents,oudecequisepasseraitàMoscou.Ilsplanaientdans
leciel.
«Tutesensbien,monamour?»Anatolys’assitàcôtéd’elle.
Elle remonta les jambessursonsiègeet seblottitcontre lui.C’étaitmerveilleuxd’êtreàses
côtés.«Jesuissiheureusequetusoisvenumechercher.»
Il lissa quelques mèches de ses cheveux hors de son visage. « J’ai été surpris que tu sois
partie.»
«Jel’airegrettépresqueaussitôt,maisj’étaistellementfâchée.Etj’étaisinquièteparcequeje
savaisquecequeYakovavaitditétaitvrai.TudevaispasserunaccordaveclesSokolov.»
« Je pense que Yakov a été surpris quand j’ai trouvé cette alternative pour ne pas épouser
Bianka.»
Trishaplaçasamaindanscelled’Anatolyets’émerveilladelatailleetdelaforcedesesmains.
«JenepensepasqueYakovtesous-estimeraànouveausurlesujetd’obtenircequetuveux.»
«Non.Probablementpas.»
«As-tuannoncéàMotyaSokolovquesafilleétaitemprisonnéepourtentativedemeurtreaux
USA?»
«Pasencore.»Anatolysemblaitmorose.
Trishasongeaàlasignificationdesonton.«Tusemblespresquetriste.Jepensequetuaimes
bienlevieilhomme.»
«Enfait,oui.Çam’asurpris,maisonapasmaldechosesencommun.Et jen’imaginepas
voirunefillecommeBianka.»
Trisharenifla,nesouhaitantpasquelepères’ensortecommeunevictimedanscemélodrame.
«Ilsontdûêtretrèsindulgentspourqu’elledevienneaussisordide.»
« Plus que probablement, » convint-il. « Est-ce que ça veut dire que nos filles seront des
sorcièresmatérialistesquinevoudrontqueplusd’argentetderessources.»
Trisha éclata de rire.Elle s’installa sur les genoux d’Anatoly et semit àmordiller sa lèvre.
«Ellespeuventessayer.Jeleurmettraiunefessée.»
«Ahoui?»
«Oui.»
Elle l’embrassa, fondant dans ses bras comme si elle ne pouvait en avoir assez. Il réagit
presqueinstantanément.Illapritdanssesbrasetl’attiraaussiprèsquepossiblejusqu’àcequ’iln’y
aitplusd’espaceentreeux.
«Trisha,jeveuxteprendre,»murmura-t-ilavecferveur.
«Ici?»
«C’estunavionprivé.Ilsnouslaisseronttranquille.»
«Oh,c’esttrèscoquin!»Ellefrissonnaàcettepensée.
Seremettantdebout,elledéboutonnasonjeansetlefitglisserlelongdesesjambes.Puiselle
enlevasaculotte.Latournoyantsurundoigt,ellel’envoyavolersurlarangéedesiègesderrièreelle.
S’agenouillantdevantsonfuturmari,Trishadétachasonpantalon.Ellesortitsabiteentreses
mains. Il bandait déjà. Elle le masturba quelques fois et il réagit en sifflant. Elle avait un millier
d’idéessurcequ’ellevoulaitfaire.Ellepouvaitlegoûter,oulesentirjouirdanssaboucheetavaler
sasemence.Maisau final, la seulechosequicomptaitétaitdes’unirpour raffermir le lienqui les
unissait.
Ellegrimpasursesgenouxetplanajusteau-dessusdesonentre-jambe.Illaregardadansles
yeux,etellefrissonnadudésirqu’ellevitserefléterdanssesyeux.C’étaitsibondesesentirdésirée
commeça.Etquandelle sentit sabitedure tiraillerdevant son trou trempé, elle trembla.C’était si
bon. Elle mouillait d’envie de lui. Sa chatte était enflée, et sa mouille si épaisse qu’elle couvrait
l’intérieurdesescuisses.
«Prends-moi,»dit-ild’unevoixrauque.«Maintenant,Trisha.Surlechamp.»
Ellebaissalamainetl’enveloppaautourdesabite.Plaçantsonglanddevantsoutrou,ellese
baissa sur son sexed’un seul coup.La sensationd’être remplie jusqu’à éclater la fit presque jouir
instantanément.C’étaitsibon!
Sesmainsseposèrentsurseshanches.Ill’aidaàtrouversonrythme.Elleplaçalesmainssur
son épaule, évitant soigneusement son bandage. En se balançant contre lui, elle sentit sesmuscles
internes se raidir tandis qu’elle approchait de l’orgasme. Il la regardait. Ce savoir lui envoya des
bouffées de chaleur. Cet homme incroyable, beau, puissant et fortuné la désirait, elle seule. Il ne
voulait pas faire d’elle samaitresse. Il ne la voulait pas pour quelquesmois ou années jusqu’à ce
qu’elleperdesonintérêt.Ilvoulaitl’épouseretvivresavieavecelle.
Rejetant la tête en arrière, Trisha laissa échapper un gémissement d’extase. Un orgasme
submergeasoncorps,etsoncorpssesentitfaibleaprèsavoirétécomblé.SiAnatolynel’avaitpas
tenue en place, elle se serait effondrée en arrière. Elle se pencha de tout son poids sur ses bras
puissant.Illatintenplacesursabiteavecsesmainssurseshanches.Underniercoupdereindanssa
chattetrempée,etellelesentitéjaculersasemencedanslesprofondeursdesoncorps.
«Magnifique,»murmura-t-il.«Etmienne.Tum’appartiens.»
«Oui,»convint-elle.«Tienne.»
«Prometsquetunem’abandonnerasplusjamais,»supplia-t-ildoucement.
Trishaseredressaetouvritlesyeux.Ellepritsesjouesentresesmainsetposasespoucessur
seslèvres.«Tum’appartiens.Jenevaispast’abandonner.Jetepromets.»
«Jesaisquecesontmesactionsquit’yontpoussé,»dit-ilàvoixbasse.«Jeteprometsqueje
netemanqueraijamaisplusderespectcommeça.»
Trisha sourit, et laissa échapper un petit gloussement amusé. « Je te crois. Mais si tu
recommences,jenepartiraipas.Jeteferaichierjusqu’àlafindetesjours.»
Epilogue
Deuxansplustard…
«Maman, je ne suis pas sûre d’aimer l’idée de laisser Papa etAnatoly dans lamême pièce
qu’Ana,»s’inquiétaTrisha.
Samèrebalayal’argumentdelamain.«Nesoispasbête.Cesdeuxhommesneferontjamais
rienpourtoucheràuncheveudelatêtedecebébé.»
Trishadevaitavouerquesamèreavaitsansdouteraison.Ladécisiondesesparentsdeneplus
luiparlerpourlapunird’avoirdécidéd’épouserunroidelamafiarussen’avaitduréquejusqu’àce
queTrisha tombe enceinte.Une fois la naissance de leur petite-fille, ils avaient reçu une demande
immédiatepourquelejetsoitenvoyéàClevelandpourlesemmener.Depuislors,ilsleurrendaient
visiteaumoinsquatrefoisparan.Etchaquevisiteétaitunpeumoinsinconfortable.Plutôt,sonpèreet
sonmarinesefusillaientplusduregardchacunàunboutd’unepièce.Àl’occasion,ilss’adressaient
mêmelaparole.
«Anatolysembleêtreunpapapoule,»commentasamère.
Trishahochalatêteenpréparantunplateaudejamboncoupépourledéjeunerdesonbambin.
«Oui.Ilchangelescouches,lanourritlanuitetluifaitprendresonbainaussisouventqu’illepeut.»
«Jenemerappellepasquetonpèreaitfaitceschosespourtoi,»ditsamèreenpréparantavec
nostalgielachaisehautepourlerepasdemidid’Ana.«Ilétaittoujourstellementoccupéautravail.
Lavien’étaitqu’àproposdepromotionsetdetravaildenuit.»
«Jesuisdésolée.»Trishanementaitpas.«Jenesauraispasimaginerêtreparentsansl’aide
d’Anatoly.»
Samèretouchasonépaule.«Tuaschoisiunbonmari.»
«Jepensaisquevousdétestiezcequ’ilétait.»
« Plus j’y pense, et plus jeme rends compte qu’Anatoly n’est pas très différent de tous les
policiers avec lesquels ton père travaille. Ils se font tous des faveurs, tirent des ficelles et trichent
quandlavieledemande.»
«Çaressembleàpeuprèsàlaversiond’Anatolydelamafia,»convintTrisha.«J’aitoujours
suqu’iln’étaitpascommelesautres.»
« Je supposequ’onaurait dû faire confiance à ton jugement, » avoua samère.Puis elleprit
Trishadanssesbrasetlaserracontreelle.«Jesuistrèsfièredetoi,mapetitefille.»
«Çaveutdirebeaucoupdetel’entendredire,»avouaTrisha.
«Tonpèrel’estaussi,»assurasamère.«Parfois,ilajusteplusdemalàledire.»
«Peut-être.»
Samèresepinçaleslèvres,pensive.«Jevaisappelerlesgarçonsetleurdirequeledéjeuner
estprêt.»
«Merci,maman.»Trisha regarda samèrequitter lacuisine, soulagéequ’elles s’entendentà
nouveaubien.Elleespéraitseulementpouvoirsentirquesonpèreacceptaitvraimentsonchoix.
ANATOLYENAVAIT un peumarre des regards noirs constants de son beau-père. Jonathan
Copeland donnait la douche à sa petite-fille Ana avec beaucoup d’amour et d’attention, tout en
fusillantAnatolyduregarddèsqu’illepouvait.
«Voussavez,»raillaAnatoly.«Cebébéacinquantepourcentsdemoienelle.»
«C’estlafilledemafille,»argumentalevieilhommetêtu.
Anatolyneselaissapasfaire.«C’estaussimafille.»
«J’auraisaiméquecesoitdifférent.»
«Alorselleneseraitpasquielleest,»fitremarquerAnatoly.
Anasouritdesonsouriredebébéédentéàsongrand-pèreet luicrevapresquelesyeuxavec
sespetitsdoigts.Anatolyaimaitsafemme,maisiln’avaitjamaiséprouvéquelquechosedeplusfort
quecequ’ilressentaitpourAna.Çaluiavaitdonnéunautreaperçuduvieilânedel’autrecôtédela
pièce.
«Jevouspardonne,voussavez,»ditAnatolycalmement.
«Pourquoi?»
«Pourvotrestupiditédenousavoirmis,Trishaetmoi,àrisqueeninvitantBiankadansvotre
maison.»Copelands’étaitmisàpostillonner,doncAnatolycontinuaàparler.«VousaimezTrisha
toutcommej’aimeAna.J’auraisfaitpareiletpluspourcontrer lesmenacesquipesaientsur lavie
d’Ana.Jenepeuxplusvousenvouloir.Mais jepeuxvousrappelerquesivousaimezvotrepetite-
fille,vousdevriezvraimentréparerlefosséquivousséparedesamère.»
«Quelfossé?»grondalevieilhomme.
«Celuiquilafaitparfoispleurerlanuit.»
AnatolyputvoirlemomentoùsesmotstouchèrentlecœurdeCopeland.Deslarmesperlèrent
auxyeuxduvieilhomme.Ilpoussaunsoupiretsereleva,portantlapetiteAnad’unanetdemicontre
sapoitrine.
Copelandinspirademanièresaccadée.«Vousêtesunbonpèreetvousvousoccupezbiende
votre famille. Je n’approuve pas ce que vous faites,mais je respecte un homme qui sait comment
gagnerdel’argentetprendresoindesafamille.»
«Merci.»Anatolyenavaitterminésurcesujet.
IlregardaCopelandporterlebébéjusqu’àlacuisineetlesuivit.Ilposalebébédanslachaise
hauteetpuistouchadoucementl’épauledesafille.Trishaseretourna,surprise.
«Qu’est-cequinevapas,papa?»
Copelands’éclaircitlagorge.«Jevoulaistedirequetut’esbiendébrouillée,petite.»
«Quoi?»
«Jedisquetuasfaitdebonchoix.Tuasunmariquit’aimeàlafolieetlapetitefillelaplus
adorable sur la planète. »Copeland avança pour prendreTrisha dans ses bras. « Et je suis désolé
d’êtresigrognon.»
«Papa,»ditTrishaavecleslarmesauxyeux.«Jemefichequetusoisunvieuxronchon.C’est
toutcequejevoulaist’entendredire.»
«Alorstupeuxl’entendremaintenant.»
Trishabalayalacuisineduregardjusqu’àleposersurAnatoly.Ellesouriaittellementqueson
cœurenflad’amour.Illuifitunclind’œiletfitunpetitgesteencourageantdesmains.
Elle se racla la gorge. Samère venait de revenir dans la cuisine, et elle se tourna vers ses
parents.«Jevoulaisvousdirequenousattendionsunautrebébé.»
« Quoi ? » Sa mère commença à sauter d’excitation. « Quelle bonne nouvelle ! C’est
merveilleux!»
CopelandseretournaetdonnaàAnatolyunhochementdetêted’approbation.«Félicitations…
fils.»
C’était unpeuétrange,mais c’était bon.Anatolyn’aurait jamaispu imaginerune telle chose
danssavie.Maisilétaitplusheureuxmaintenantqu’ilnel’auraitjamaiscrupossible.
Oui.Lavieétaitbelle.
LAFIN
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