Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département...

26
1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) Daria Ardant* *Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Paris Malaquais. 14 rue Bonaparte 75006 Paris RÉSUMÉ: Cette recherche tente de coupler deux disciplines à l'essor croissant ces dernières années : le regain d’intérêt pour l'architecture en terre crue et l'essor des techniques de fabrications numériques. Son but est de montrer l'apport des formes ostéomorphes pour la réalisation de briques autobloquantes en BTC . La démarche consiste à étudier la composition de terre reçue pour la recherche afin d'utiliser le mélange le plus pertinent. Puis le système autobloquant lui même pour comprendre son apport possible dans un appareillage croisé classique. ABSTRACT: This study tries to combine both disciplines which is growing recent years. First the renewed interest in raw earth and, also, manufacturing technology development which facilitating the construction of complex shapes and non-standard. Its purpose is to show the osteomorphic bloc's contribution for interlocking bricks in BTC. The approach is to consider first the material received for research and the locking system itself to understand its potential contribution. MOTS CLÉS: Terre crue, système autobloquant, BTC, architecture KEY WORDS: Raw earth, interlocking, architecture 1. Introduction: Afin de mieux percevoir le placement de cette recherche vis à vis des sujets qu'elle englobe, un état de l'art sur les travaux couplant découpe robotique et assemblage hérité de la stéréotomie, et sur le retour de l'usage de la terre crue en construction est nécessaire. Délaissé avec l’essor du monolithique poussé par le Mouvement Moderne, l'art de l'assemblage et la stéréotomie revient au cœur de différentes recherches. Ceci s'explique notamment grâce à l'utilisation accrue de la robotique dans la fabrication. Jusqu'alors principalement présent dans l'industrie, l'utilisation de commande numérique dans l'architecture permet à la recherche d'avancer sur les systèmes d'assemblages.

Transcript of Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département...

Page 1: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC)

Daria Ardant*

*Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Paris Malaquais. 14 rue Bonaparte75006 Paris

RÉSUMÉ: Cette recherche tente de coupler deux disciplines à l'essor croissant ces dernièresannées : le regain d’intérêt pour l'architecture en terre crue et l'essor des techniques defabrications numériques. Son but est de montrer l'apport des formes ostéomorphes pour laréalisation de briques autobloquantes en BTC . La démarche consiste à étudier lacomposition de terre reçue pour la recherche afin d'utiliser le mélange le plus pertinent.Puis le système autobloquant lui même pour comprendre son apport possible dans unappareillage croisé classique.

ABSTRACT: This study tries to combine both disciplines which is growing recent years.First the renewed interest in raw earth and, also, manufacturing technology developmentwhich facilitating the construction of complex shapes and non-standard. Its purpose is toshow the osteomorphic bloc's contribution for interlocking bricks in BTC. The approach is toconsider first the material received for research and the locking system itself to understandits potential contribution.

MOTS CLÉS: Terre crue, système autobloquant, BTC, architectureKEY WORDS: Raw earth, interlocking, architecture

1. Introduction:

Afin de mieux percevoir le placement de cette recherche vis à vis des sujets qu'elleenglobe, un état de l'art sur les travaux couplant découpe robotique et assemblagehérité de la stéréotomie, et sur le retour de l'usage de la terre crue en construction estnécessaire.

Délaissé avec l’essor du monolithique poussé par le Mouvement Moderne, l'art de l'assemblage et la stéréotomie revient au cœur de différentes recherches. Ceci s'explique notamment grâce à l'utilisation accrue de la robotique dans la fabrication. Jusqu'alors principalement présent dans l'industrie, l'utilisation de commande numérique dans l'architecture permet à la recherche d'avancer sur les systèmes d'assemblages.

Page 2: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

2 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Giuseppe Fallacara, cofondateur du laboratoire Lithic Design de l'Université de Bari, expose dans son livre Stereotomy1, que la stéréotomie est de nouveau étudiée depuis les années 50 notamment grâce à cninq personnes emblématiques : Taton, Pérouse de Montclos, Pouillon, Heyman et Muller. Auparavant cet art n’est plus utilisé dans la construction. Ceci est du, en majeure partie , au fait que la découpe des pierres n’est plus compétitive face aux nouvelles techniques et matériaux mis enplace au XVIII et XIX. Fallacara et d’Amato remettent en avant ces techniques depuis 2001 dans le Laboratoire Lithic Design. Ce laboratoire développe des recherches mêlant savoir empirique et fabrication numérique. L’une de leur réalisation la plus édifiante est l’escalier Ridolfi réalisé en 2005 grâce à une collaboration entre le laboratoire et les Compagnons.(Fig.1) Cet escalier, entièrement taillé à la main par le Compagnon Luc Tamborino, est précontraint avecdes câbles en acier pour permettre son maintient sans mur de soutien ou colonne centrale. Chaque élément est encastré l’un dans l’autre sans mortier. C’est lors de cet ouvrage qu’une étude comparative entre découpe de pièces à la main et usinage à la CNC est réalisée ne donnant pas forcément raison à la machine. L'ouvrage L'artde la stereotomie2 ne fait toutefois pas mention des résultats, exposant que pour cet ouvrage une découpe par le compagnon était plus adéquate à la réalisation.Dans des recherches connexes, le BLOCK Research Group de l’université ETH de Zurich étudie principalement les structures des voûtes. Ainsi Matthias Rippman et Lorenz Lachauer sous la direction de Philippe Block créent RhinoVault en 2010, plugin du logiciel Rhinoceros permettant l’étude statique et la création de voûte par formfinding. Ce logiciel offre, à la fois, la possibilité de concevoir et construire des voûtes à base de matériaux standards découpés et assemblés à la main; Le joint permet d’approximer la forme initiale (Fig.2). Mais également de travailler sur des voûtes composées de modules non standard découpés à la machine à commande numérique et montés sur cintre sans joint.

Figure 1:L’escalier Ridolfi Figure 2: Voûte catalane (2010). Ouvrage mêlant construction Ouvrage mêlant taille de pierre artisanale et CAO (block.arch.ethz.ch)et précontrainte assistée par calcul numérique (www.lithicdesign.it)

1 FALLACARA G., Stereotomy, Paris, Presse des Ponts, 20122 D’AMATO C., FALLACARA G., L’art de la stéréotomie, Lyon, Librairie du compagnonnage, 2001

Page 3: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

3 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Le projet Freeform Masonry Shell3 de Rippmann en est la parfaite illustration (Fig.3). Sur les mêmes thèmes mais bien moins connus que les exemples cités précédemment, Flowing Matter, recherche développée par Stefano Andreani, Jose Luis Garcia del Castillo Lopez et Aurgho Jyoti au sein du Digital Design Group (DRG) d'Harvard, étudie la construction de mur autobloquant en terracotta (Fig.4). Leur sujet de recherche est sans doute le plus proche actuellement de la recherche développée dans ce mémoire. Chaque brique est découpée par une fourche fixée à un robot 6 axes ABB permettant rapidement l’élaboration de mur non standard.Les briques sont posées sans joints grâce à la mise en place d’un léger système autobloquant entre chaque brique rappelant la courbure sinusoïde inversée des blocsostéomorphes.4

Figure 3: Freeform Masonry Shell de Matthias Figure 4: Flowing Matter. Découpe de painRippmann.CAO, fabrication par machine d’argile crue par un fil robotisé pour réaliser un mur additive et assemblage manuel non standard (research.gsd.harvard.edu)(block.arch.ethz.ch) La redécouverte de la terre dans la construction a suivi la même temporalité que celle du développement de l’informatique dans l’architecture. Ceci s’explique que ces 2 pans se présentent comme des alternatives et des critiques au mouvement Moderne. L’autre explication de ce retour à la terre crue est la hausse du coût de l’énergie qui se répercute notamment sur le ciment et la terre cuite5. Ainsi que ce soit dans les universités, laboratoires, les architectes ou les industriels on note un retour de recherche sur ce matériau. Le laboratoire CRAterre de l’ENSA Grenoble est à voir comme un précurseur en France dans ce domaine avec des recherches autant sur le matériau même, à travers l’analyse de sa composition et son amélioration, que sur sa mise en œuvre6. Ce n’est toutefois pas le seul laboratoire enFrance ,mais surtout dans le monde, à effectuer des recherches sur la terre crue. On peut citer de façon non exhaustive l’université de Mokpo en Corée du sud

3RIPPMANN M., BLOCK P. Rethinking Structural Masonry: Unreinforced, Stone-cut ShellsProceedings of the ICE – Construction Materials ,2013.4ANDREANI S., GARCIA DEL CASTILLO LOPEZ J-L., JYOTI A., KING N., BECHTOLD M., Flowing matter: Robotic fabrication of complex ceramic systems, Article du DRG d'Harvard, 20125CRAterre, Construire en terre, Alternative collection AnArchitectures, 19836Bilan des dernières années, www.craterre.org

Page 4: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

4 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

travaillant sur les bétons d’argile autonivelants7, l'Architecture School (AA) et son partenariat avec les Grands Ateliers autour du sujet Mudbody and script8 ou encore l’ENSA Paris Malaquais avec des travaux sur des recherches de compositions et de mise en œuvre.On note également un intérêt nouveau de la part des architectes envers ce matériau, à l’instar de Martin Rauch qui réinstaure la technique du pisé en Autriche en améliorant sa mise en œuvre (Fig.5). Ou encore Diébédo Francis Kéré qui innove à travers différentes constructions en utilisant ce matériau au Burkina Fasso. Tel pour l’école primaire de Gando qui introduit l’utilisation du BTC et le retour de la voûte en Afrique (Fig.6). Ou, plus récemment, ses recherches autour de la terre coulée pour son dernier projet en cour.

Figure 5: Panneaux de pisé préfabriqué dans Figure 6: Ecole de Gando par D. F. Kéré mettant l'atelier de préfabrication monté par Martin Rauch en avant l'utilisation de la BTC en Afrique (Lehm Ton Erde Baukunst GmBH) (kéré.architecture.com)

L’un des freins majeurs à l'expansion de la construction en terre est son coût de main d’œuvre pour sa mise en œuvre et la non existence de traité(s) de construction(s) en France. Cette absence est notamment due à la faible communication des recherches au public large mais surtout à la pluralité des visions de ses connaisseurs9. Bien que la matière première soit peu coûteuse les processus de fabrication ne sont pas encore concurrentiels par rapport au béton par exemple. Cependant cette réflexion sur la production est en cours, comme le montre les murs préfabriqués de Martin Rauch dont il a montré l’utilité dans le bâtiment d’activité d’une imprimerie, composé de 160 blocs de pisé préfabriqués ou l'expansion d'usinede fabrication de BTC. Le problème principal de la construction en terre reste son image qu'elle renvoie au grand public. Déjà avec les ouvrages de François Cointeraux au 18eme siècle10, l'architecture en terre est considérée comme un architecture de paysan et donc sans valeur. Les habitants se tournent vers l'architecture en pierre puis en béton, matériau plus noble dans l'esprit général. Elle devient décriée comme une architecture de marginaux non intégrés dans la société

7ANGER R., FONTAINE L. , Bâtir en terre, Belin, 20098http://lyon.aaschool.ac.uk/9CRAterre, Construire en terre, Alternative collection AnArchitectures, 198310COINTEREAUX F., Traité sur la construction des manufactures et maisons de campagne,1791

Page 5: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

5 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

moderne comme le fût CRAterre à ses débuts. Cette différence de jugement est d'ailleurs toujours visible actuellement avec l'expansion de maisons en béton dans des pays où la terre serait bien plus adaptée grâce à sa forte inertie idéale en cas de forte chaleur. Toutefois avec la recrudescence du développement durable face aux bouleversements climatiques, l'opinion générale interroge de nouveau ces techniques pour une éventuelle alternative au béton comme nouveau matériau monolithique. La terre peu à peu quitte son image de construction d'un autre temps àtravers son industrialisation et son image.

Les recherches qui ont donné la direction finale à ce mémoires sont celles sur les systèmes autobloquants ostéomorphes. Développée en 1975 par Robson, cette formeautobloquante à double courbure a été ensuite laissée de côté car trop complexe et coûteuse à réaliser avec les outils de l’époque11. En 2001 une équipe de the University of Western Australia Arcady Dyskin,, Elena Pasternak et Yuri Estrin reprend cette forme pour tester la résistance de l’appareillage sur différents matériaux. L’équipe met en évidence son intérêt pour les matériaux fragiles à travers des tests sur le béton, la céramique cuite ou encore laglace (Fig.7 et Fig.8).

Figure 7 et 8 : Test d'indentation sur des blocs ostéomorphes en glace et en céramique cuite. (Estrin, Dyskin, Pasternak)

En effet les matériaux de la catégorie des céramiques sont peu tolérants aux chocs et, considérés comme fragiles, possèdent une forte propagation des fissures. Dans cesens plus les échantillons de cette famille sont grands plus leur résistance diminue. Ceci explique pourquoi la fragmentation d'un mur monolithique en une multitude deblocs augmente sa plasticité et in fine sa résistance globale. Par ailleurs le développement d'une forme autobloquante sur les 3 axes, comme l'est le bloc ostéomorphe, permet de conserver une structure stable dans son ensemble sans ajoutde matière pour occuper cette fonction de liant. Ainsi cette forme couple gains apportés par l'assemblage, permettant une meilleure résistance sous contrainte hors plan, et par le système autobloquant tridimensionnel, empêchant les blocs de se séparer facilement sous ce type de contrainte. Avec une seule courbure répétée

11KRAUSE T., MOLOTNIKOV A., CARLESO M., RENTE J., REZWAN K., ESTRIN Y., KOCH D. Mechanical Properties of topologically interlocked structures with elements produced by freese gelation of ceramic slurries, Engineering Materials 2012, 14 n°5, 2012

Page 6: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

6 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

l'agencement des blocs autobloquants sur 3 axes est simplifié et la face de contact entre les blocs est semblable à chaque niveau. Cette simplification laisse la possibilité d'avoir des blocs manquants sans porter atteinte au système global. La courbure sinusoïdale sur laquelle se base le bloc ostéomorphe permet également de créer des appareillages croisés renforçant les murs sous une même contrainte. (Fig.9)

Figure 9: Différents agencement possible avec l'ostéomorphe.

En 2008 un autre chercheur, Brugger, simplifie la forme ostéomorphe à double courbure en un ostéomorphe réglée permettant une plus grande facilité de fabrication tout en conservant son caractère autobloquant12. Les blocs ostéomorphes double courbure ou à portion de cercle sont difficile à fabriquer. Pour des pièces standard la difficulté est moindre car elle consiste en la fabrication d'un moule, qui par contre pour sa part ne peut être conçu que par fabrication additive ou (impression 3D) ou suppressive (milling). Le problème est bien plus conséquent pour des matériaux sculptés où chaque pièce doit être fabriquée par ces outils. Le passage en surface réglée permet d'une part de faciliter la fabrication, la courbure suivant dans ce cas une droite directrice, mais également de ne perdre qu'une très faible quantité de matière. En effet la forme et la contre-forme possédant la même courbure, en découpant une pièce son négatif peut également servir de bloc. Démarche impossible pour une fabrication à la fraiseuse qui détruit ce négatif en mettant en poussière la matière en trop. (Fig.10)

Figure 10: Milling sur blocs ostéomorphes en pierre (Giuseppe Fallacarra)

12BRUGGER C. . Mecanique des materiaux a topologie autobloquante : experiences et simulations par la methode deselements discrets. PhD thesis, Grenoble INP, 2008.

Page 7: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

7 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Dans sa thèse en 2013, Magali Dugué de l’Université de Grenoble prend la continuité des travail de Brugger et référence les différentes recherches effectuées jusqu'alors sur cette forme13. Elle effectue également différentes recherches mettant en avant des propriétés propres à ces systèmes autobloquant: -raideur en indentation-ténacité-absorption acoustique-Dissipation d’énergie-Restitution d’énergie-Tolérance à l'endommagement . En parallèle, elle applique et complète sa recherche de simulation par éléments discrets de cet appareillage. Cette avancé lui permet ainsi de coupler ses tests physiques avec une simulation à élément discret sur le logiciel Avaqus confirmant les résultats obtenus(Fig. 11).

Figure 11: Géométries réalisées sous Avaqus pour la simulation à élément discret (Magali Dugué)

Afin que ces travaux soient poursuivis par d’autres étudiants elle détaille ses différents résultats, recherches sur Avaqus et protocoles dans une série d’annexe. Sathèse est par ailleurs disponible gratuitement sur HALarchives-ouvertes.fr. En 2014 Fallacara publie un ouvrage Stereotomic Design où sont montrés des travaux issus d’une collaboration avec Eskin sur la mise en oeuvre de structure autobloquante ostéomorphe en pierre. Les blocs sont découpés à la fraiseuse numérique et assemblé suivant les variations cités précédemment(Fig.12). Le système est exposé comme intéressant pour l’élaboration de mur permettant une stabilité évidente sans joint de connexion. Cependant il nécessite une précision de fabrication importante, tout décalage dans le système autobloquant diminuant les faces en contact et ainsi la cohésion globale. Pour des formes moulées ce décalage est quasi inexistant, l'ensemble des pièces étant conçues dans un même moule consciencieusement fabriqué. Pour des formes fabriquées à la fraiseuse il reste utopique de penser que la marge d'erreur d'une pièce à l'autre est inexistante, un jeu

13DUGUE M., Experiences et simulations de materiaux autobloquants, Thèse, Université de Grenoble, 2013

Page 8: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

8 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

de tolérance même au millième existe et empêche une jonction parfaite. Cette tolérance peut par la suite être palliée en mettant un lit de sable ou un joint de contact entre les pièces afin d'harmoniser les faces de contact (Fig.13).

Figure 12 et 13: Blocs en pierre usinés et joint mit entre chaque bloc au moment de l'assemblage pour favoriser le contact

Ce travail s’inscrit par ailleurs dans une certaine continuité avec deux travaux antérieurs effectués à l'ENSAPM. A savoir tout d'abord un article de recherche analysant le potentiel de l'impression béton à grande échelle actuel. Cet article concluait sur la difficulté à amener un robot de grande envergure directement sur le chantier. L'alternative possible à cette expansion se trouvant vraisemblablement dans l'usage de ces machines dans des ateliers de préfabrication ou en assistance d'artisans travaillant en atelier. Ces lieux étant moins chaotique pour le bon fonctionnement de machines à commande numérique, encore sensibles aux aléas.Ce mémoire vient surtout dans la continuité d'un travail de projet réalisé en 2014 avec trois autres étudiants de master 1 à l'ENSAPM : Estelle Glinel, Miguel Martin et Julia Schults. Ce projet, assez proche de Flowing Matters du DRG, avait pour butde réaliser une découpe de BTC avec une fourche sur un robot ABB 6 axes pour créer des systèmes autobloquants. La réalisation de ces briques n'a pas été possible àcause de la densité trop élevée de la BTC nécessitant une découpe avec un fil rotatif.(Fig 13')

Figure 13': Tentative de découpe au fil (Le flash code renvoit à une vidéo de découpe)

Page 9: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

9 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

La découpe d'adobe, bien plus argileuse et humide, est par quant à elle envisageable avec cette technique. Nous n'avons toutefois pas pousser cette recherche plus loin pour l'instant, choisissant de finaliser une arche en BTC autobloquant. Ces blocs ontété par conséquent conçus dans des moules découpés à la scie à ruban.(Fig 13'')

Figure 13'': Système autobloquant développé en P7 et arche finale réalisée. Celle ci tient sans joint. Elle a toutefois nécessité un cintre pour être montée.

Toutefois elle m'aura permis d'en apprendre plus sur l'architecture en terre, les système autobloquants et la robotique orientant ainsi plus précisément ce mémoire.

Ainsi en premier lieu avant de réfléchir sur la fabrication même il me faut tout d'abord analyser la composition du matériau exploité afin d'avoir une composition suffisamment exploitable pour cette recherche. Par la suite il me faut définir la courbure la plus adapté à ce matériau qui n'est ni coulé ni sculpté mais compacté, entraînant une non homogénéité de la densité globale et ainsi des points plus fragilesen certains endroits. Enfin, et après cela seulement, la pertinence du système dans un un mur appareillé peut être testé.

2. La ressource

La terre utilisée pour cette recherche l'a déjà été l'an passée par deux étudiants del'ENSAPM: Morgane Perrin et François Chantier pour des travaux sur des enduits.Les autres recherches sur la terre en cours ce semestre l'utilise également. Ainsigrâce à ces expérimentations passées, la granulométrie et la détermination deslimites d'Atterberg sont déjà connues.L'analyse granulométrique est obligatoire avant l'exploitation d'un sol. En effet unsol argileux ou sableux n'aura pas la même utilisation. Une terre argileuse sera pluspropice pour de la terre moulée,telle l'adobe, nécessitant ainsi de beaucoup d'eaupour la liaison des feuillets d'argiles. Une terre sableuse sera elle plus propice pourde la terre compactée, tel le pisé ou la BTC, nécessitant de peu d'eau car celle ciempêche un compactage adéquat. (Fig.14)

Page 10: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

10 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Figure 14: Fuseau granulométrique des terres constructibles. Référent comparatif pour notre matériau(maison-durable)

Si on compare les résultats obtenus par les étudiants au Laboratoire de Recherchesdes Monuments Historique (LRMH) (Fig.15 et Fig.16) avec le schéma ci dessus, onse rend compte que la terre utilisée pour nos recherches est propice à laconstruction.

Figure 15 et 16: Résultats de l'étude granulométrique sur la terre utilisée par sédimentation et tamisage.(Morgane Perrin et François Chantier. Séminairematériaux.wordpress.com )

En effet une terre exploitable doit avoir une granulométrie continue et la pluslinéaire possible, allant d'un taux plus important de gros grains à un plus faible degrain d'argile. Si le spectre contient des «trous», la terre doit être complétée aurisque d'avoir une résistance fortement amoindrie. Comme pour les formulation debéton, la composition d'une construction en terre augmente la cohésion entre sesdifférents grains en diminuant les espaces vides entre ceux-ci. Cela est d'autant plus

Page 11: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

11 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

valable pour les terres compactées nécessitant peu d'eau et donc possédant plus d'airentre les grains si la granulométrie n'est pas adéquate. Cette granulométrie permetd'augmenter la compacité granulaire globale.L'analyse granulométrique permet également de catégoriser cette terre commesableuse. En effet toujours en la comparant au schéma de référence elle suit lesmêmes proportions de grains que les terres propices au compactage et doncsableuses. Cette terre est donc parfaitement exploitable pour une recherche sur la BTC.

La deuxième expérience effectuée précédemment est la recherche des limitesd'Atterberg. Cette expérience permet de caractériser le comportement mécaniquedes argiles et ainsi de la classifier. Afin de conserver un système autobloquant performant il faut donc que cette terrepossède une argile avec des feuillets se séparant difficilement pour éviter ungonflement non voulu. Les limites d'Atterberg nous permet de connaître les limitesde plasticités et de liquidité en fonction de la teneur en eau et l'indice de plasticité.D'après les calculs effectués, la limite de plasticité est égale à 21,94%, la limité deliquidité à 36,16% et l'indice de plasticité à 15,53 (SU). Ainsi si on compare cesdonnées aux tableaux ci dessous (Fig.17 et Fig.18) donnant l'abaque de plasticité deCasagrande et le placement des famille d'argiles suivant leurs résultats, on constateque l'argile utilisée ici fait partie de la famille des Illites et qu'il s'agit d'une argilepeu plastique. Illite est considérée comme une argile non gonflante et donc peu sujetau retrait.

Figure 17 et 18 : Abasque de Casagrande sur des terres de références. Avec un indice plastique égale à15,53 et une limite de liquidité égale à 36,16 % la terre utilisée pour notre recherche est considéréecomme une illite (figure 17) et une argile peu plastique (figure 18). (CRATerre)

Comme l'expose Henri Van Damme dans son article La terre: un béton d'argile14,les argiles sont des phyllosilicates. Ceci signifie qu'elles sont constituées d'unempilement de feuillets. Suivant les types d'argiles, ces feuillets se séparent plus oumoins facilement. Ainsi plus l'argile absorbe de l'eau entre ses feuillets plus elle estconsidérée comme gonflante. Une argile gonflante aura par conséquent un taux de

14VAN DAMME H., La terre, un béton d'argile, Pour la science, n°423, Janv 2013

Page 12: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

12 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

retrait plus important, amenant fissures et déformations du bloc créé. Par exemple lakaolinite et la smectite sont des argiles aux propriétés différentes. Avec une mêmeconcentration d'eau, la kaolinite est liquide alors que la smectite est plastique. Lasmectite absorbe donc plus d'eau que la kaolinite qui est dans cette expériencesaturée15. Bien que nous savons avec l'abaque de plasticité que notre argile, l'illite,ne fait pas partie des argiles gonflante, un test de retrait est intéressant à effectuer encomplément pour quantifier de combien la terre se déformera au séchage.Même sicela est minime. Sachant en plus que cette terre est sableuse, le taux de retrait seraencore moins important vu que seule l'argile produit cette réaction. Le protocole du test de retrait consiste à mettre la terre dans des casiers en boisbakélisé de dimensions définies. Ici ces casiers feront 10cm*5cm*2cm. Puis demettre les échantillons à sécher au soleil et de les mesurer après séchage. Lavariation de dimension entre les échantillons humide et sec permettront de définir lepourcentage de retrait. Ne connaissant pas encore la teneur en haut optimaleplusieurs échantillons seront donc comparés allant de 6% d'eau à 14%.(Fig.19).

Figure 19: Contenant pour les échantillons test de retrait.

Nous comparerons après si l'optimal du retrait minimal est en corrélation avecl'optimal Proctor. Si ce n'est pas le cas une composition acceptable pour les deuxtests sera choisie. Par ailleurs Morgane Perrin et François Chantier travaillant sur des enduits ils n'ontpas traité d'autres caractéristiques nécessaire pour de la terre structurelle, commec'est le cas de la BTC. Avant toute mise en œuvre il fallait donc effectuer ces testsmanquants afin de concevoir des briques de composition optimale. La série de testssuivants a été effectuée avec l'étudiante Julia Schults, celle ci travaillant égalementsur la BTC.

15ANGER R., FONTAINE L. , Bâtir en terre, Belin, 2009

Page 13: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

13 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Le premier test réalisé est l'essai Proctor. Ce test, issue de la mécanique des solspermet de trouver la teneur optimal en eau pour obtenir la densité sèche maximaled'un sol. L'essai consiste à tasser un échantillon de façon régulière avec un poidsconstant nommé dame. Au bout d'un nombre de coup déterminé on pèsel’échantillon d'un volume défini et constant. Le protocole est le suivant.(Fig. 20)

Figure 20: Résumé du protocole expérimental de l'essai Proctor. (essais-laboratoire.blogpost.fr)

L'essai normalisé n'est pas suivi ici, n'ayant pas le matériel adéquat à l'ENSAPM.Toutefois afin d'exploiter les résultats à titre comparatif pour notre échantillon, danschaque test un seul paramètre est changé. Dans le protocole suivant, le volume constant pesé est de 141,3 cm³, contenu dansun cylindre de circonférence égale à 4,5cm et de hauteur égale à 10cm. La dame estlancée à une hauteur de 30 cm pendant 3 sessions de 25 coups(Fig.21 et Fig.22). Lesteneurs en eau testées sont 6%, 8%, 10% , 12% et 14%.

Figure 21: Ensemble du matériel pour le protocole

Page 14: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

14 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Figure 22 : Mesure de la masse après damage. Le tube vide avec son socle on une masse de 90g

Par ailleurs les chercheurs Gallipoli, Bruno, Perlot et Salmon expose dans leurarticle Raw earth construction : is there a rôle for unsaturated soil mechanics?16 ,que l'optimal proctor se décale suivant la contrainte exercée. Plus la contrainte estélevée et moins la teneur en eau l'est. Ainsi afin de comprendre ce phénomène ilsemblait pertinent de faire varier la masse de la dame pour constater cetteobservation. Le premier test s'effectue donc avec une dame de 250g. La pressionexercée à chaque coup ce calcule avec la formule suivante.

P=FS

Ici F= 2,5 N et S= r².π= 0,1413 m² donc P= 393 PaAinsi la dame exerce une pression de 17,7 Pa à chaque coup sur l’échantillon.Le deuxième test se fait avec une dame de 500g exerçant une pression de 786 Pa. Letroisième avec une dame de 750g exerçant une pression de 1179 Pa.Les résultats sont les suivant (Fig.23)

Figure 23: Courbes des optimums proctor. L'axe x représentante le % en eau du mélange et l'axe y ladensité sèche obtenue après damage.

16GALLIPOLI D., BRUNO A. W., PERLOT C., SALMON N., Raw earth construction : is there a rôle for unsaturated soil mechanics ?, Laboratoire SIAME, Anglet, 2014

Page 15: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

15 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

On observe que le taux optimal en eau varie suivant la masse de la dame. Lepremier test montre un optimal a 14% d'eau, le deuxième à 10% et le troisième à12%. Conformément à ce qui était supposé un compactage plus fort permet unediminution du pourcentage en eau dans le mélange. Toutefois on constate que si lecompactage est plus élevé la teneur en eau est plus importante. Ce décalage dans ledernier test peut s'expliquer par le fait que la dame de 750g a certain moment avaitune chute moins rapide que les deux autres dames, faussant ainsi la pression répétéeexercée. L'autre explication possible est qu'au delà d'une certaine compression letaux en eau devienne plus importante. Cette possibilité viendrait se coupler avec lesrecherches couplant taux de compression et résistance à la rupture. Ces recherchesmettaient en évidence qu'un compactage trop élevé fragilisait la brique au lieu de larendre encore plus résistante. Toutefois en vu de la force exercée pour ce troisièmeessais (vingt-cinq fois 393 Pa) cette seconde explication semble peu viable sachantque les pressions exercées pour la fabrication de la BTC vont jusqu'à 15MPa.Afin de vérifier les résultats du 3eme essais, un nouveau test avec un damedifférente de 750g sera réalisée.

Toutefois comme l'expose une thèse menée par P'kla, de l'INSA Lyon en 200217 , letest Proctor n'est pas aussi fiable qu'un test de compactage statique pour la BTC(Fig.23'). Afin d'avoir un comparatif avec l'essai Proctor, ce test décrit dans cetarticle sera donc étudié en complément. Ces tests encore en cours pendant larédaction de ce mémoire seront en partie présentés à l'oral. Actuellement deux testsont été effectué permettant d'avoir les résultats suivant. (Fig.23'')

Figure 23' et 23'': Protocole et résultats des compactages statiques pour deux pressions différentes. Onremarque comme pour proctor un décalage de l'optimal de la teneur en eau.

17P'KLA A., Caractérisation en compression simple des blocs de terre comprimée (BTC) :application aux maçonneries « BTC-Mortier de terre », Thèse INSAL, 2002

Page 16: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

16 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Contrairement à l'essai Proctor qui est un essais dynamique, l'essai statique permetde compacter les échantillons d'une manière semblable au compactage des BTC.Ces deux valeurs permettent d'envisager que pour notre valeur de compression(entre 2 et 15 MPa suivant les types de presse) la teneur en eau optimal sera entre8% et 7,5%. Toutefois le décalage de cette teneur en eau n'étant pas forcémentlinéaire, d'autres valeurs sont nécessaire pour affiner cette intuition. Du moins lavaleur pour un compactage à 15MPa.

Un dernier essais était nécessaire pour avoir toutes les données en main pourcommencer nos expérimentations personnelles: la rupture en compression. Ce test,nécessitant un temps de séchage important, a été commencé en parallèle des tests deteneur en eau. Par conséquent les mélanges sont réalisés avec 6%,8%,10% et 12%d'eau. Les échantillons normés sont contenus dans un cube de 10x10x10cm pourune masse totale de 2kg et donc une densité de 2.(Fig.24) Les échantillons sontcompactés à la main puis à la presse et laissés séchés trois mois avant d'être testésur un banc d'essais de compression 1 point. Ce test permettra par ailleurs deconfirmer les résultats des essais en teneur en eau. En effet logiquement la briquerésistant le mieux à la contrainte aura donc la teneur en eau optimal pour lecompactage.

Figure 24: Éprouvettes pour l'essai de résistance à la compression en cours de séchage.

Les échantillons sont en cours de séchage au moment de l'écriture de ce mémoire,les résultats seront donc communiqués à la rentrée.

Pour les recherches suivantes le taux d'eau choisi sera pour le moment 8%. Cettevaleur évoluera une fois les données sur le matériaux finie. Pour l'instant, pour lestests de courbure, un changement de pourcentage d'eau n'a que peu d'incidence.

Page 17: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

17 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

3. Le choix du degré de courbure

Reprenant la courbure développée par l’équipe d'Estrin, il ne semblait pas àpremière vue avoir de recherches à faire sur le sujet. Toutefois le choix d'unmatériau compacté et non pas moulé entraîne une fragilité en certains points. Lasurface à double courbure exploitée par les chercheurs résulte de l'équation suivante:

f (x )=2a−4∗(x ²−a ²)²−1

Avec a= amplitude

Cette surface se termine à chaque jonction avec une face droite perpendiculaire parune sinusoïde. Ainsi elle est réalisable assez facilement sous logiciel demodélisation 3D maîtrisant les NURBS tel Rhinocéros. Un outil permetd'approximer une surface par un réseau de meshs fines à partir de ces contours.Connaissant ces contours, vu qu'il s'agit d'une courbe sinusoïde identique defréquence et amplitude donnée, la surface peut être créée.Toutefois il faut utiliser cetoutil pour une base carré, si celui ci est appliqué directement à la pièce finale,composée d'une jonction de 2 carré symétrique, l'approximation est faussée. Enrésulte l'impossibilité de croiser les blocs à 90° ce qui n'est pas pertinent pour uneforme aussi adaptable que l'ostéomorphe (Fig.25).

En ayant pris les rapports entre les dimensions des blocs des autres recherches, lesblocs obtenus sont les suivants, symbolisant une brique échelle 1/3 (Fig.26).

Figure 27: Dimension des blocs ostéomorphes conçus(en mm)

Auparavant d'autres échelles ont été testé. L’échelle 1/2 avec des blocs de 100mmde long. Dans ce cas la quantité de terre était trop importante et l'ensemble desstocks disponibles auraient été nécessaire pour la fabrication d'un mur, chaquebrique faisant 1 kg (NB : les briques échelle 1/3 pèsent 300g). L’échelle 1/4 aégalement été testée mais cette fois à l'inverse les briques étaient trop petites,nécessitant un tamisage plus poussée et donc une perte de matière in fine quasiéquivalente à l’échelle 1/2.(Figure 27)

Page 18: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

18 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Pour la fabrication des briques en BTC, il fallait donc concevoir des moules decompactage. Ces moules sont par la suite introduit dans un coffrage en bois bakéliséde hauteur égale aux hauteurs des moules plus celle de la brique. Il fallait que cesmoules de compactage soient suffisamment résistant pour une compression souspresse hydraulique. En vu de la forme complexe à réaliser (une double courbure),ces moules sont conçus par impression 3D, en PLA. Afin d'avoir une résistancesuffisante la pièce est à 25% de remplissage avec 5 shells pour le contour et un filextrudé de 0,25mm d'épaisseur. Si il s'agissait d'une pièce pour moulage lesparamètres auraient été les suivant: 10% de remplissage, 2 shells, 0,32mmd'épaisseur de fil. L'ensemble des deux pièces de compactage nécessite 6h 30d'impression. Le sujet sera abordé plus tard, mais le temps d'impression d'un mouleétant relativement long, cette technique de fabrication n'est viable que pour lafabrication de moule standard. Pour la conception de moule non standard oustandard varié, l'impression 3D et surtout la double courbure ne sont plusintéressantes pour la fabrication. Une fois les moules de compactage imprimés,les faces à double en courbure sontponcées pour limiter le plus possible le marquage des strates d'impression. Celles-ciaugmentant l'adhérence entre les blocs et faussant les résultats du systèmeautobloquant même (Fig.28).

Figure 28: Moules en PLA pour le compactage. Même avec un ponçage fin quelques stries sont encorevisible. Ceci s'explique par l'impossibilité de trop poncer au risque de transformer de façon tropimportante la courbure et ainsi fausser le système autobloquant.

Le coffrage en bakélisé est quant à lui renforcé par un exosquelette en bastaingassemblé par des vis de 8 cm, sans lequel il ne résisterait pas à la pression exercéeau cours du compactage sous presse (Fig.29).

Figure 29: Coffrage et exosquelette assemblés et dissociés. Les deux éléments sont indépendants

Page 19: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

19 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Une fois le matériel nécessaire réuni, la réalisation d'un ensemble de brique estréalisé pour voir plusieurs paramètres. A savoir :-la résistance de face double courbure au démoulage-la résistance du système autobloquant Si la courbure actuelle, celle utilisée pour les blocs ostéomorphes moulés, présentedes faiblesses sur ces points; l'amplitude de la courbure sera diminuer. In fine troisamplitudes seront testées:-A1= 1/2 L (avec L= longueur d'une période, donc longueur du bloc)-A2 = 1/3 L-A3 = 1/4 LA1 étant la courbure des ostéomorphes moulés.(Fig.30)

Figure 30: Briques formées avec les courbures A1 A2 et A3. Les pièces sont identiques par ligne. Allantde la courbure la plus prononcée en haut à la moins prononcée en bas.

Pour cette observation 6 blocs sont créés afin d'avoir un panel suffisamment largepour voir des faiblesses propres à la courbure et non seulement à un défaut defabrication. A1: on note une fragilité élevée au niveau des points hauts de la courbure. Toutefoisle système autobloquant ne semble réellement altéré que pour les cassuresimportantes (Fig.31)

Figure 31: Briques A1. On remarque les cassures des pointes, notamment sur le deuxième appareillage

Page 20: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

20 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

A2: Les points hauts résistent mieux et si ils cassent, c'est sur une section beaucoupmoins importante. Le système autobloquant fonctionne toujours et est équivalent àA1. (Fig.32)

Figure 32: Courbure A2. Les angles sont peu cassés. Les blocs ne glissent pas

A3: Aucune cassure des points hauts. Toutefois le système autobloquant n'est paspertinent car la courbure est beaucoup trop légère. (Fig.33)

Figure 33: Le système autobloquant fonctionne mal. Le deuxième appareillage n'est pas pertinent.

Pour l’expérimentation finale de cette recherche c'est donc la courbure A2 qui serachoisie.

Ces expériences ont permis de mettre en avant la principale différence entre lesblocs moulés de l’équipe d'Estrin et les blocs compactés de cette recherche:l'hétérogénéité de la densité globale. Pour des blocs moulés la composition esthomogène car mélangée auparavant et équitablement répartie dans le moule. Lecompactage a une influence sur la matière et notamment s'il s'exerce sur dessurfaces non planes. Contrairement au compactage de BTC classique, doncparallélépipède rectangle, il est impossible de réaliser un compactage en une seulefois. Cette forme nécessite, comme pour le pisé, un compactage par strate afin dediminuer cette variation de densité entre les points hauts et les points bas de labrique (Fig.34). Cependant même avec cette technique les points les plus hautsrestent plus fragile que les points les plus bas de la courbure, expliquant la cassepour les briques A1. Il serait pas conséquent pertinent de quantifier cette variationde densité entre les volumes contenant le plus de matière et ceux en contenant lemoins. Pour rester dans un schéma semblable à celui des briques en BTC, ce test sefait sur un nouvelle brique simplifié en une face extrudée sur l'ensemble de lalargeur. Le protocole du fabrication de la brique suivra ensuite le même que pourune brique classique. Cette brique test est par la suite tronquée régulièrement sur la

Page 21: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

21 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

longueur mais également sur la hauteur. Chaque nouveau volume créé est alors peséafin d'obtenir la densité de chaque zone (Fig.35).

Figure 34 et 35: Les échantillons sont de mêmes dimensions que les briques. Les parties découpés sont devolume connu. En venant peser ces tronçons la variation de densité dans l'ensemble de la brique pourraêtre quantifié permettant ainsi d'évaluer la perte de résistance entre les volumes les plus compactés et ceuxqui le sont moins.

Cette expérience, faisant suite à plusieurs échecs pour trouver un protocole adéquat,vient seulement d'être amorcée. Les résultats ne seront donc pas retranscris ici.

4. L'assemblage

Le matériaux optimal ainsi que la courbure la plus appropriée étant choisis, il estmaintenant possible de se pencher sur l'appareillage pour le test de flexion horsplan. Ce test permet de mettre au mieux en évidence la pertinence du systèmeautobloquant. Pour l'effectuer le mur assemblé est placé dans un chainage quiempèche aux jointures de s'écarter. Une fois assemblé, l'ensemble est placé sous unepresse hydraulique, de façon à exercer un travail en flexion. Initialement il était prévu que cette recherche les protocoles développés par l'équiped'Estrin. Toutefois ceux ci ont déjà mis en avant la pertinence du système pour desmatériaux fragiles, par rapport à des murs monolithique. Il semblait donc plusintéressant de mettre en avant l'apport des blocs ostéomorphes dans un appareillage.Par conséquent au lieu d'effectuer une flexion hors plan sur un mur mono-couche, letest sera sur un appareillage croisé comme on l'observe pour les murs de BTCclassique. La comparaison avec un appareillage de BTC parallélépipède rectanglesera donc plus evidente. Dans ce sens les murs comparés ici seront les suivants :

Page 22: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

22 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

-un mur appareillé avec des BTC classique avec joint-un mur appareillé avec des BTC ostéomorphes-un mur monolithique de même composition-un mur appareillé avec des BTC ostéomorphes réglées Le choix de ce dernier mur sera exposé plus loin, il me paraissait nécessaire aétudier pour des recherches futurs. Chaque mur a les mêmes dimensions et le même nombre de brique pour ceuxappareillés. Ces tests seront effectués à la rentrée. Le protocole pouvant évoluer, il sera plusdétaillé à ce moment.

Toutefois afin d'avoir une ébauche pour vérifier si le système autobloquant etudiéest pertinent, une simplification de ce test a été mené. Quatre briques sont placés enbarre sur deux socles, de façon à ce que deux des quatre ne soient soutenus par rien.Ce test est réalisé avec les briques ostéomorphes des trois courbures étudiées dans lapartie précédente (A1, A2, A3) afin de confirmer ou non les conclusionsprécédentes, ainsi qu'avec des briques parrallèpipède rectangle avec et sans joints. Avant de réaliser ce test sur 4 briques, il le sera sur 3 briques. Si les briques nechutent pas sous leur poids propre, une charge quantifiée sera ajoutée au fur et àmesure.-Brique rectangulaire sans joint: (Fig.36)

Figure 36: Chute lorsqu'une brique seulement est dans le vide.

-Brique rectangulaire avec joint (Fig.37, 38, 39 et 39')

Page 23: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

23 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

Figure 37: Trois Briques: Résiste à son poids propre Figure 38: Quatre brique sans chaînage: Chute sous poids propre Figure 39: Quatre brique avec chaînage: Résiste sous 300gFigure 39':Quatre brique avec chaînage: Chute sous 400g

-Brique ostéomorphe courbure A3 (Fig. 40,41,41',42)

Figure 40: Trois Briques: Résiste à son poids propre Figure 41: Quatre brique sans chaînage: Résiste sous 350g Figure 41': Quatre brique avec chaînage: Chute sous 500gFigure 42:Quatre brique avec chaînage: Résiste sous 2000 g

-Brique ostéomorphe courbure A2 (Fig. 43,44,44',45)

Figure 43: Trois Briques: Résiste à son poids propre Figure 44: Quatre brique sans chaînage: Résiste sous 450gFigure 44'': Quatre brique avec chaînage: Chute sous 600gFigure 45 :Quatre brique avec chaînage: Résiste sous 2000 g

Page 24: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

24 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

-Brique ostéomorphe courbure A1(46, 47, 47', 48)

Figure 46: Trois Briques: Résiste à son poids propre Figure 47: Quatre brique sans chaînage: Résiste sous 700g Figure 47'': Quatre brique avec chaînage: Chute sous 850gFigure 48:Quatre brique avec chaînage: Résiste sous 2000 g

On note également qu'aucune brique ostéomorphe n'a subit de dommage lors de lachute. Toutefois la hauteur n'est pas importante.

Ces résultats s'expliquent pas plus plusieurs points:-Sans chaînage le système autobloquant est moins performant -Le joint rajoute du poids à la brique initiale en BTC, ne faisant ainsi pasqu'améliorer son maintient-Le joint est plus fragile que la BTC-La BTC a des surfaces non rugueuse avec son compactage dans bakelisé (ou mouleen acier), comme pour l'enduit, le joint s'accroche mal jouant pas réellement son rôlede cohésion.Ces tests préliminaires montrent bien l’intérêt d'un système autobloquant sous unecontrainte en flexion. Intérêt accentué par la mise en place d'un chaînage. Lesystème autobloquant ne s'écarte alors plus du tout. Pour les essais sans chaînage onobserve une ouverture brusque, puis une stagnation et une ouverture finale brusquesignalant la chute imminente.

6. Conclusion

Réponse au R9

7. Ouverture

- Reflexion sur la brique reglée pour réaliser des formes non standard - Application sur une voûte cintrée.

Page 25: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

25 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

8. Bibliography

ANDREANI S., GARCIA DEL CASTILLO LOPEZ J-L., JYOTI A., KING N.,BECHTOLD M., Flowing matter: Robotic fabrication of complex ceramic systems,Article du DRG d'Harvard, 2012

ANGER R., FONTAINE L. , Bâtir en terre, Belin, 2009

CRAterre, Construire en terre,Alternative collection AnArchitectures,1983

D’AMATO C., FALLACARA G., L’art de la stéréotomie, Lyon, Librairie du compagnonnage, 2001

DUGUE M., Experiences et simulations de materiaux autobloquants, Thèse, Université de Grenoble, 2013.

FALLACARA G. Stereotomic Design,Edizioni Gioffreda, 2014

FALLACARA G., Stereotomy, Paris, Presse des Ponts, 2012

GALLIPOLI D., BRUNO A. W., PERLOT C., SALMON N., Raw earth construction : is there a rôle for unsaturated soil mechanics ?, Laboratoire SIAME, Anglet, 2014

KAPFINGER O., RAUCH M., Rammed Earth, Birkhauser, 2002

KERE D.F.,Construire la communauté: de nouvelles traditions, Conférence à la Cité de l’architecture, 23 Sept 2014

KRAUSE T., MOLOTNIKOV A., CARLESO M., RENTE J., REZWAN K., ESTRIN Y., KOCH D. Mechanical Properties of topologically interlocked structures with elements produced by freese gelation of ceramicslurries, Engineering Materials 2012, 14 n°5, 2012

MESBAH A., OLIVIER M., Le matériau terre: essai de compactage statique pour la fabrication de briques de terre compressées, Recherche ENTPE, Ref 3070, 1986

MESBAH A., PICCON L., Construire un bâtiment public en pisé en France démarche innovante et pédagogique pour un matériau millénaire, Cigos, Paris, 2015

P'KLA A., Caractérisation en compression simple des blocs de terre comprimée(BTC) : application aux maçonneries « BTC-Mortier de terre », Thèse INSAL,2002

Page 26: Système autobloquant ostéomorphe en brique de terre crue (BTC) · 1 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015 Système autobloquant ostéomorphe

26 ENSAPM – Département Transitions – Séminaire de recherche – Année 2014-2015

PERRIN M., Enduit en terre stabilisé par un liant d'origine animale, Mémoire dudépartement AMC2, ENSAPM, 2014

SHU J-A, WILSON A., Production matérielle, Conférence à l'ENSAPM, Didactiques, 2014

VAN DAMME H., La terre, un béton d'argile, Pour la science, n°423, Janv 2013

Acknowledgements

La terre utilisée pour ce mémoire a été fournie par M. Daniel Simitambe de l'Ifstarr.Sans cette contribution cette recherche n'aurait pas pu être menée et je l'en remercieprofondément.

L'analyse granulométrique et la détermination de la limite d'Atterbeg ont étéeffectué par Morgane Perrin et François Chantier, au cours de leur mémoire en

2013 dans le département AMC2 sous la direction de Robert Leroy. Ces expériencesont été réalisées au Laboratoire de Recherche des Monuments Historique (LRMH)avec l'aide d'Ann Bourgès , ingénieur de recherche spécialisée dans la conservationde la pierre et de la terre crue au LRMH.