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Chapitre 1 Consommation, épargne et investissement Dans les pays en développement, la dépense de consommation représente une part très grande de la dépense privée ; aussi, comprendre ses déterminants est important pour l’analyse économique à court et à long terme. Le rôle que joue la fraction du revenu non dépensée — l’épargne — est aussi essentiel: il continue de nancer une grande part de l’investissement domestique dans la plupart des pays en développement. Comme le montre le chapitre 10, les taux d’épargne sont aussi fortement correlés aux taux de croissance économique dans le temps et dans les pays. Dans une perspective de politique économique, comprendre les structures et déterminants de la consommation, de l’épargne et de l’investissement peut être un pas crucial dans la conception des mesures destinées à accroître les niveaux de vie. La gure 1.1 montre certains faits de base des taux d’épargne et d’in- vestissement dans le monde. Les données suggèrent que dans les pays en dé- veloppement, les taux d’épargne domestique brutes sont généralement plus élevés que ceux qu’on observe dans les pays industrialisés (à l’exception du Japon). Dans les régions en développement, les taux d’épargne sont plus élevés en Asie, atteignant presque 30% du produit intérieur brut (PIB) sur la période 1992-1997. Un prol semblable s’observe pour l’investissement inté- rieur brut: alors que les taux d’investissement sont demeurés plus ou moins stables en Amérique Latine et aux Caraïbes, en Afrique et au Moyen-Orient, ils ont crû substantiellement en Asie 1 . La diérence entre l’épargne intérieure 1 La gure montre aussi qu’en Afrique, depuis le milieu des années 1970, les taux d’é- 10

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Chapitre 1

Consommation, épargne etinvestissement

Dans les pays en développement, la dépense de consommation représente unepart très grande de la dépense privée ; aussi, comprendre ses déterminantsest important pour l’analyse économique à court et à long terme. Le rôle quejoue la fraction du revenu non dépensée — l’épargne — est aussi essentiel : ilcontinue de financer une grande part de l’investissement domestique dans laplupart des pays en développement. Comme le montre le chapitre 10, les tauxd’épargne sont aussi fortement correlés aux taux de croissance économiquedans le temps et dans les pays. Dans une perspective de politique économique,comprendre les structures et déterminants de la consommation, de l’épargneet de l’investissement peut être un pas crucial dans la conception des mesuresdestinées à accroître les niveaux de vie.La figure 1.1 montre certains faits de base des taux d’épargne et d’in-

vestissement dans le monde. Les données suggèrent que dans les pays en dé-veloppement, les taux d’épargne domestique brutes sont généralement plusélevés que ceux qu’on observe dans les pays industrialisés (à l’exception duJapon). Dans les régions en développement, les taux d’épargne sont plusélevés en Asie, atteignant presque 30% du produit intérieur brut (PIB) sur lapériode 1992-1997. Un profil semblable s’observe pour l’investissement inté-rieur brut : alors que les taux d’investissement sont demeurés plus ou moinsstables en Amérique Latine et aux Caraïbes, en Afrique et au Moyen-Orient,ils ont crû substantiellement en Asie1. La différence entre l’épargne intérieure

1La figure montre aussi qu’en Afrique, depuis le milieu des années 1970, les taux d’é-

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11 Chapitre 1

et l’investissement intérieur — l’épargne extérieure — a été particulièrementgrande en Afrique.La première partie de ce chapitre se concentre sur les déterminants de la

consommation et l’épargne dans les pays en développement. Elle commencepar une revue de l’hypothèse du revenu permanent ainsi que le modèle ducycle de vie et certains de ses prologements. Elle considère ensuite les diffé-rents facteurs que les études empiriques ont identifié comme jouant un rôleimportant dans les économies en développement : le niveau du revenu etla variabilité du revenu, les relations inter-générations, les contraintes de li-quidités (qui proviennent des imperfections du marché du crédit), l’inflationet l’instabilité macro-économique, le comportement d’épargne du gouverne-ment, la charge de la dette extérieure, les systèmes de sécurité sociale et depensions, les variations des termes de l’échange, et l’effet du développementfinancier. Le résultat empirique de ces différents effets est ensuite analysé.La deuxième partie se concentre sur les déterminants de l’investissement

privé. Deux effets standards sont d’abord passés en revue : l’effet de l’accélé-rateur flexible et le coût du capital. L’accent récent mis sur le rôle de l’incer-titude et de l’irréversibilité est ensuite pris en compte. Comme dans le cas dela consommation et de l’épargne, plusieurs facteurs supplémentaires identifiésdans les études empiriques comme jouant un rôle important sont analysés :rationnement du crédit et contrainte de changes, le taux de change réel, l’in-vestissement public, l’instabilité macro-économique, et le montant total dela dette. Plusieurs études empiriques récentes sont ensuite passées en revue.

1 Consommation et épargne

L’approche la plus simple du comportement de consommation et d’épargneest l’approche dite Keynésienne, qui fait l’hypothèse que la consomma-tion courante, c, est une fonction du revenu disponible, y − T , où y est lerevenu courant et T , le niveau des taxes :

c = (1− θ)(y − T ), (1)

avec 0 < θ < 1 la propension marginale à épargner.

pargne et d’investissement ont chuté de façon brutale. Comme on l’analyse dans les cha-pitres suivants, ces phénomènes ont des implications importantes sur les taux de croissanceéconomique observés.

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Consommation, Epargne et Investissement 12

L’approche simple (et quelque peu mécanique) décrite par l’équation (1) acertains mérites. D’abord, elle peut servir de première approximation dans lesmodèles macro-économiques empiriques. Ensuite, comme indiqué plus loin,elle peut refléter le comportement des consommateurs confrontés aux cont-raintes de liquidités. Cependant, plusieurs résultats empiriques sur lesstructures de la consommation et de l’épargne dans les pays en développe-ment ont souligné le rôle des facteurs intertemporels, c’est-à-dire le rôleque jouent les choix des ménages entre le présent et le futur.

1.1 L’Hypothèse du revenu permanent

L’hypothèse du revenu permanent (HRP), comme le modèle du cycle de vieanalysé à la section 1.2, relie la consommation courante à une mesure durevenu permanent ou revenu disponible au cours de la vie. Cettehypothèse a été proposée pour la première fois par Friedman (1957). Pourillustrer ses implications, considérons un cadre simple dans lequel les ménagessont identiques et ne vivent que pendant deux périodes, 1 et 2. Par simplicité,les ménages sont dotés d’anticipations parfaites ; par conséquent, à lapériode 1, ils connaissent de façon certaine les valeurs du revenu, des prix,etc. de la période 2. Mesurée en termes nominaux, la contrainte budgétairedu ménage représentatif pour la période 1 est donnée par

p1c1 + p1A1 = p1(y1 − T1) + (1 + i0)p0A0, (2)

où c1 représente la consommation, A0 le stock initial (fin de la période précé-dente) d’actifs financiers, A1 les actifs à la fin de la période 1, y1 revenu desfacteurs (ou dotation), T1 les taxes, i0 le taux nominal des rendements desactifs détenus à la période initiale et p0 (p1) l’indice des prix à la périodeinitiale (période 1).L’équation (2) peut être réécrite de la façon suivante :

p1A1 − p0A0 = i0p0A0 + p1(y1 − T1)− p1c1.

Ce qui indique essentiellement que la variation des actifs, p1A1 − p0A0, estégale à la somme du revenu tiré des interêts et du revenu hors intérêts,i0p0A0 + p1(y1 − T1), moins les dépenses de consommation, p1c1.De façon similaire, la contrainte budgétaire pour la période 2 est donnée

par :

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13 Chapitre 1

p2c2 + p2A2 = p2(y2 − T2) + (1 + i1)p1A1, (3)

avec y2 en général différent de y1.Le ménage ne vit que pendant deux périodes et ne laisse aucune richesse

nette à ses héritiers (c’est-à-dire aucun legs). Par conséquent, A2 = 02.Supposons aussi qu’il n’y ait pas d’illusion monétaire ; les contraintesbudgétaires d’une période à l’autre des équations (2) et (3) peuvent êtreécrites en termes réels en divisant, respectivement par, p1et p2. La contraintebudgétaire de la première période devient

c1 +A1 = y1 − T1 + (1 + r0)A0, (4)

où r0 est le taux d’intérêt réel, défini par

1 + r0 = (p0p1)(1 + i0).

De façon similaire, la contrainte budgétaire à la période 2, étant donnéA2 = 0, devient

c2 = y2 − T2 + (1 + r1)A1, (5)

où maintenant3

1 + r1 = (p1p2)(1 + i1). (6)

En éliminantA1 de l’équation (4) en utilisant (5) on obtient la contraintebudgétaire au cours de la vie du consommateur :

c1 +c2

1 + r1= (1 + r0)A0 + (y1 − T1) + y2 − T2

1 + r1. (7)

Dans sa forme la plus simple, le HRP postule que l’objectif du ménageest de maintenir un sentier de consommation parfaitement stable (dans lecas présent c1 = c2) en répartissant les ressources acquises au cours de savie de façon égale entre chaque période de sa vie. La part consommée par

2Pour que la condition A2 = 0 soit optimale du point de vue du ménage, on doit fairel’hypothèse que l’utilité marginale de la consommation (comme définie à la section 1.2.1)à la deuxième période est positive.

3En prenant les logarithmes népériens de l’équation (6), il en résulte que : ln(1+ r1) =ln(1+ i1)− ln(p2/p1). En utilisant l’approximation ln(1+x) ' x, pour x petit, on obtientr1 ' i1 − ∆ ln p2 ; c’est-à-dire que le taux d’intérêt réel est approximativement égal autaux nominal de rendement moins le taux d’inflation de la période suivante.

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Consommation, Epargne et Investissement 14

le ménage dans chaque période est égale à son revenu permanent, yP , quipeut être défini comme une valeur annuité (au sens d’un paiement régulieret périodique) de la somme des actifs détenus par le ménage et la valeurprésente actualisée du revenu futur (attendu). Formellement, yP est obtenucomme le niveau de revenu qui donne au ménage la même valeur présente deses ressources acquises au cours de la vie que celle qu’implique la contraintebudgétaire intertemporelle courante, c’est-à-dire, en utilisant (7) :

yP +yP1 + r1

= (1 + r0)A0 + (y1 − T1) + y2 − T21 + r1

. (8)

Dans le cas particulier où r0 = r1 = r, le revenu permanent est

yP = (1 + r

2 + r)½(1 + r)A0 + (y1 − T1) + y2 − T2

1 + r

¾.

Si en outre, le stock initial des actifs est nul (A0 = 0) et si le taux d’intérêtest nul (r = 0), le revenu permanent devient unemoyenne exacte des revenusdisponibles présent et futur :

yP = [(y1 − T1) + (y2 − T2)]/2.

La différence entre le revenu courant et le revenu permanent est générale-ment définie comme le revenu transitoire. Comme c1 = yP , l’épargne (quidans ce cadre simplifié n’intervient qu’à la période 1) n’est rien d’autre quela composante transitoire du revenu disponible courant :

s1 = (y1 − T1)− yP . (9)

Comme on l’analys ci-dessous, dans les pays en développement, la pré-diction selon laquelle le revenu transitoire est entièrement épargné — ou plusgénéralement, que l’épargne et les emprunts sont utilisés uniquement aux finsde consommation — objectifs de lissage— a été à la base de nombreux testsempiriques de l’hypothèse HRP.

1.2 Le Modèle du cycle de vie

L’approche en termes de cycle de vie du comportement de la consommationet de l’épargne, proposée pour la première fois par Modigliani et Brumberg(1954) et Ando et Modigliani (1963) postule que les individus lissent leur

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15 Chapitre 1

consommation dans le temps en prenant en compte les variations anticipéesde leurs ressources, induites par le niveau d’instruction et l’âge, aussibien que les variations des taux de rendements (attendus) de leur épargne. Lafigure 1.2 illustre le fait stylisé du revenu, de la consommation et de l’épargneque prédit le modèle standard du cycle de vie pour un individu représentatif,sous les hypothèses des marchés de crédits parfaits. Au cours de la premièrepartie de sa vie, un individu type gagne relativement peu et consomme unepart relativement grande de biens ; en conséquence, sa consommation estsupérieure à ses revenus et donc il emprunte. Comme le revenu augmenteavec le niveau d’instruction et l’âge, l’individu atteint un point où il n’a plusbesoin d’emprunter (point A) ; au delà de ce point, l’épargne devient posi-tive. Cependant, au delà d’un certain âge, le revenu commence à baisser ; laconsommation augmentant à un taux plus faible, l’épargne continue à aug-menter pendant un moment mais commence éventuellement aussi à baisser.Une fois l’âge de la retraite atteint, le revenu baisse (de la distance BB0) àun niveau en dessous de la consommation. Si la réduction du revenu n’est pasanticipée, la consommation baisse brutalement au moment de la retraite, deC à C 0. Si au contraire, la baisse des ressources est parfaitement anticipée,la consommation commence à décliner de façon régulière avant que l’âge dela retraite ne soit atteint, sans aucune variation discrête à ce point. Danstous les cas, l’individu doit désépargner afin de maintenir sa consommationproche de ses besoins jusqu’à son décès.

Le Cadre de base

Analytiquement, les implications de l’approche en termes du cycle de viepeuvent être illustrées dans le même cadre que celui à deux périodes présentéplus haut4. Supposons, comme précédemment, que le ménage représentatifne laisse pas de legs ; en conséquence, A2 = 0. La contrainte budgétairedu cycle de vie du ménage, l’équation (7), peut être réécrite comme suit :

c1 +c2

1 + r1=W1, (10)

où W1 peut être défini comme la richesse au cours du cycle de vie.Notons que W1 dépend directement de r1 ; en particulier, une augmentationde r1 (pour y2−T2 donné), réduit la valeur présente du revenu futur et réduitdonc W1. Par conséquent, dW1/dr1 < 0.

4La présentation suivante est tirée en partie de Muellbauer (1994).

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Consommation, Epargne et Investissement 16

Supposons maintenant que les préférences du ménage sont intertempo-rellement additives, c’est-à-dire que son utilité au cours de la vie, U , estla somme de l’utilité de la consommation résultant de la période 1, u(c1),plus l’utilité de la consommation à la période 2, u(c2), actualisée au tauxsubjectif de préférence temporelle, ρ > 0. Formellement,

U = u(c1) +u(c2)

1 + ρ, (11)

où la fonction d’utilité dérivée u(·) est supposée croître avec c mais à un tauxdécroissant, c’est-à-dire, u0 > 0 et u00 < 0. La valeur de ρ mesure le degréd’impatience ; plus elle est élevée, plus faible est l’utilité qui résulte de laconsommation future.La maximisation de (11) par rapport à c1 et c2 sous la contrainte budgé-

taire du cycle de vie (10) peut être effectuée en formant l’expression La-grangienne

L = u(c1) +u(c2)

1 + ρ− λ

½c1 +

c21 + r1

−W1

¾,

où λ est lemultiplicateur de Lagrange (voir, par exemple, Chiang, 1984,pp. 372-375). Les conditions d’optimum de premier rang sont données par

u0(c1) = λ,

u0(c2)/(1 + ρ) = λ/(1 + r1).

En combinant ces deux équations, il en résulte que

u0(c1) =1 + r11 + ρ

u0(c2), (12)

expression connue sous le nom d’équation de Euler. Cette équation indiqueessentiellement que l’utilité marginale de la consommation à la période cou-rante doit être égale à l’utilité marginale de la consommation à la périodesuivante, pondérée par le ratio du taux d’intérêt du marché et du taux depréférence intertemporel subjectif5.

5La dérivée traite r1 et y2 − T2 comme des termes déterministes. Sous des hypothèsesplus générales, l’équation d’Euler continue d’avoir la forme indiquée à l’équation (12),mais avec le terme u0(c2) à la partie droite de l’équation apparaissant sous forme de valeurattendue.

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17 Chapitre 1

Dans le cas particulier où le taux de préférence intertemporelle est égaleau taux de rendement réel (ρ = r1), l’équation (12) devient u0(c1) = u0(c2),ce qui implique que

c1 = c2. (13)

Le ménage maintient donc un sentier de consommation complètementlisse sur les périodes, comme dans la forme simple de l’hypothèse HRP ana-lysée précédemment.Par exemple, avec des préférences logarithmiques, l’utilité au cours de la

vie est donnéepar :

U = ln c1 +ln c21 + ρ

,

et l’équation d’Euler est

1/c1 = (1 + r11 + ρ

)(1/c2),

ce qui entraîne encore que c1 = c2 si ρ = r1.En substituant l’équation (13) dans la contrainte budgétaire du cycle de

vie (Equation (10)), il en résulte que

c1 =W1

κ1, κ1 ≡ 1 + 1

1 + r1, (14)

où κ1 est l’inverse de la propension marginale à consommer la richesse6.Une autre spécification est le cas des préférences caractérisées par une

élasticité de substitution constante (CES), dans laquelle l’utilité aucours du cycle de vie est donnée par :

U =

(c−α1 +

c−α21 + ρ

)−1/α, (15)

où α > −1 l’élasticité de substitution entre la consommation de la période 16Comme le montre l’équation (14), κ1 dépend uniquement du taux d’intérêt réel ; en

présence de legs, la propension marginale à consommer la richesse (par exemple pour lesménages retraités) serait généralement plus petite.

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Consommation, Epargne et Investissement 18

et la période 2, σ, est donnée par7

σ =1

1 + α.

L’expression Lagrangienne devient maintenant

L =

(c−α1 +

c−α21 + ρ

)−1/α− λ

½c1 +

c21 + r1

−W1

¾.

Les conditions d’optimum de premier ordre sont maintenant données par

(c1/U)−(1+α) = λ,

(c2/U)−(1+α) = λ(1 + ρ)/(1 + r1),

expression qui peut être réagencée et donner l’équation d’Euler suivante :

c−1/σ1 =

(1 + r1)

1 + ρc−1/σ2 . (16)

En utilisant les logarithmes des deux côtés de l’équation, il en résulte que

ln(c2c1) = ln

"1 +

(c2 − c1)c1

#= σ ln(

1 + r11 + ρ

),

C’est-à-dire qu’en utilisant l’approximation ln(1 + x) ' x,on obtient :(c2 − c1)c1

' σ(r1 − ρ). (17)

L’équation (17) montre que l’élasticité de substitution mesure la sensi-bilité de la variation de la consommation entre les deux périodes aux va-riations intertemporelles des prix, c’est-à-dire au taux d’intérêt réel.Plus l’élasticité de substitution est élevée, plus grande sera la réduction dela consommation courante (relativement à la consommation future) induitepar une hausse du taux d’intérêt réel.

7De façon formelle, l’élasticité de substitution entre c1et c2 est définie comme la varia-tion proportionnelle du ratio de consommation c2/c1 associée à une unité de changementproportionnel du ratio des utilités marginales u0(c1)/u0(c2), en maintenant l’utilité totaleconstante.

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19 Chapitre 1

En élevant les deux termes de l’expression (16) à la puissance −σ , il enrésulte que :

c2 =

(1 + r11 + ρ

)σc1. (18)

En combinant ce résultat avec la contrainte budgétaire du cycle de vie,équation (10), cela donne une équation similaire à (14), c1 = W1

κ1,

mais κ1 est maintenant donné par

κ1 = 1 +

(1

1 + ρ

)σ ½1

1 + r1

¾1−σ.

Si les valeurs de ρ et r1 sont suffisamment petites, κ1 peut être approximépar8

κ1 = 1 +1

(1 + ρ)σ(1 + r1)1−σ' 1 + 1

1 + σρ+ (1− σ)r1 . (19)

Cette expression a plusieurs implications :

• Si le taux de préférence temporelle et le taux d’intérêt du marché sontégaux (ρ = r1), les variations de l’élasticité de subtitution intertempo-relle n’ont pas d’effets sur κ1 [qui est donc égale à sa valeur donnéedans l’équation (14), 1 + 1/(1 + r1)].

• Le signe de l’effet d’une augmentation de r1 sur κ1 est

sg(dκ1/dr1) = − sg(1− σ),

Ce qui montre que :

— Une variation du taux d’intérêt n’a pas d’effet sur κ1 (dκ1/dr1 = 0)si σ est égale à l’unité.

8Supposons que x = (1+ρ)σ(1+r1)1−σ−1; le deuxième terme de droite de la premièreexpression est donc 1/(1 + x). En utilisant l’approximation x ' ln(1 + x), pour x petit, ilen résulte que

x ' ln(1 + ρ)σ(1 + r1)1−σ ' σρ+ (1− σ)r1,Ceci peut être substitué dans l’expression 1/(1 + x) et donner le résultat qu’on retrouvedans le texte.

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Consommation, Epargne et Investissement 20

— En général, dκ1/dr1 est ambigu ; l’effet d’une variation du tauxd’intérêt sur l’épargne est donc en général indéterminé en raisondu conflit entre l’effet de substitution et l’effet de revenu9.

— Si σ est inférieur à l’unité, dκ1/dr1 < 0. Comme on l’a montréprécédemment, puisque dW1/dr1 est aussi négatif, une augmenta-tion du taux d’intérêt, dans ce cas, a un effet total ambigu sur laconsommation et l’épargne au cours de la première période.

— Si, au contraire, σ est supérieur à l’unité, dκ1/dr1 > 0 ; et commedκ1/dW1 < 0, une augmentation de r1 réduit sans ambiguïté laconsommation (dc1/dr1 < 0) et augmente l’épargne.

• Plus le degré de substitution intertemporelle σ est élevé, plus grand seral’effet marginal d’une variation du taux d’intérêt sur la consommationet l’épargne (∂[dκ1/dr1]/∂σ > 0).

• Si le degré de substitution intertemporelle σ est zéro et le revenu dispo-nible à la période 2 est égale au niveau du revenu de la période 1(y2 − T2 = y1 − T1), alors κ1 = 1 + 1/(1 + r1) et

c1 =W1

κ1=

(1 + r0)A01 + 1/(1 + r1)

+ (y1 − T1), (20)

Ce qui montre qu’une hausse du taux d’intérêt réel, r1, en augmentantle rendement du niveau des actifs, accroît la consommation courante.

• Si l’élasticité de substitution σ est positive et que le niveau initial desactifs est de nul (A0 = 0), et avec un revenu disponible à la période 2égale au niveau de celui de la période 1, alors :

c1 = κ−11

·(y1 − T1) + y2 − T2

1 + r1

¸,

Ce qui implique qu’une augmentation du taux d’intérêt a sans ambi-guïté un effet négatif sur la consommation. Par implication, de grandesvariations du niveau des actifs dans le temps peuvent rendent difficilesl’utilisation des techniques de séries temporelles pour détecter un effetagrégé stable du taux d’intérêt réel sur l’épargne10.

9Il est peu probable qu’avec un faible ratio actifs/revenu, l’effet global soit positif.10Comme on l’analyse plus loin, un effet faible et instable du taux d’intérêt réel est

compatible avec les résultats des pays en développement.

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21 Chapitre 1

Age et ratio de dépendance

Le modèle du cycle de vie prédit que, dans une population donnée, les jeunesépargneront relativement peu car ils anticipent des augmentations de leursrevenus futurs. Les individus d’âge intermédiaire, qui approchent le niveaumaximum de leur revenu sont ceux qui ont tendance à épargner le plus paranticipation des revenus relativement faibles qu’ils auront après leur retraite.Les personnes âgées ont tendance à avoir un taux d’épargne faible voirenégatif, bien que le désir de laisser un héritage (un legs) ou de faire faceà l’éventualité de vivre plus longtemps qu’espéré pourrait être un motif d’é-pargne même après la retraite. Par conséquent, le taux d’épargne globale ten-dra à baisser en réponse à une augmentation soit du ratio de dépendance-jeunesse (c’est-à-dire, le ratio du groupe d’âge de moins de 20 ans sur legroupe de 20 à 64 ans) ou du ratio du groupe des personnes âgées sur legroupe de population en âge de travailler.

Pour évaluer formellement l’influence de l’âge dans le modèle du cyclede vie décrit plus haut, considérons le cas où l’horizon temporel du ménageest T > 2. En plus des résultats similaires à ceux obtenus précédemment,on peut montrer que l’inverse de la propension marginale à consommer lesactifs, κ1, varie avec l’horizon temporel et donc avec l’âge (Muellbauer, 1994).Supposons que le taux d’intérêt réel est constant dans le temps, r, et que lesvaleurs de ρ et r sont suffisamment petites ; dans le cas particulier d’unefonction d’utilité CES, κ1 est donné non pas par l’équation (19) maispar :

κ1 = 1 + µ+ µ2 + ...+ µT−1 =

1− µT1− µ , (21)

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Consommation, Epargne et Investissement 22

où11

µ =1

(1 + ρ)σ(1 + r1)1−σ' 1

1 + σρ+ (1− σ)r . (22)

Si le ménage gagne le même revenu sur les deux périodes (y2 = y1), et sile taux de préférence temporelle et le taux d’intérêt sont égaux (ρ = r), laconsommation à la période 1 sera donnée par :

c1 =W1

κ1=(1 + r0)A0

κ1+ (y1 − T1).

Dans de telles conditions, l’effet de l’âge sur la consommation opéreraentièrement à travers κ1. Supposons, par exemple, que ρ = r = 0.04. Alorsde l’équation (22), µ = 1/(1 + r) = 0.96, et de l’équation (21), il en résulteque :

κ1|T=10 = 8.5, κ1|T=20 = 14.2, κ1|T=40 = 20.7.Ces résultats montrent que l’inverse de la propension marginale à consom-

mer la richesse augmente avec l’horizon temporel ; autrement dit, les jeunes,dont l’horizon temporel est plus long, ont une propension à consommer lesactifs plus faible que celle des personnes plus âgées12.

11Considérons, par exemple, le cas où T = 3. La fonction d’utilité CES, Equation. (15)peut être écrite de la façon suivante :

U =

½c−α1 +

c−α21 + ρ

+c−α3

(1 + ρ)2

¾−1/α,

et la contrainte budgétaire au cours de la vie, Equation (10) devient

c1 +c2

1 + r1+

c3(1 + r1)2

=W1.

Les conditions de premier ordre sont données par l’Equation (18)

c3 = [(1 + r1)/1 + ρ]2σc1.

En combinant ces résultats avec la contrainte budgétaire au cours de la vie ci-dessus,on obtient c1 =W1/κ1, où maintenant

κ1 = 1 + µ+ µ2,

où µ est défini dans l’équation (22). Le dernier terme de cette expression est l’approxima-tion effectuée auparavant [Voir Eq. (19)]. La généralisation des expressions ci-dessus aucas où T > 3 s’effectue simplement.12Notons que la différence entre la propension marginale à consommer des personnes

âgées et celle des jeunes augmente à mesure que le taux d’escompte moyen baisse.

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23 Chapitre 1

Ce résultat est important car il implique qu’à un niveau agrégé, la dist-ribution des actifs entre les jeunes, les personnes d’âge intermédiaire et lespersonnes âgées importe pour les profils de la consommation et de l’épargne.Ce problème est central quant à la question des effets de la croissance durevenu réel par tête sur le comportement de l’épargne agrégée. Toutes choseségales par ailleurs, plus la part de la richesse totale détenue par les ménagesd’âge intermédiaire (ceux dont le revenu est le plus élevé) dans tout paysdonné, plus grand est le taux d’épargne, et plus le taux de croissance durevenu est élevé (Voir chapitre 12). Cependant, comme on l’analyse plus bas,en présence des contraintes d’emprunts, toutes choses n’est pas égales parailleurs. En outre, les facteurs démographiques tels que la part de la popula-tion active relativement à la population des personnes retraitées expliquentprobablement uniquement les tendances à long-terme de l’épargne, mais pasles fluctuations de court-terme de la propension à épargner.

1.3 Autres déterminants

La littérature analytique et empirique du comportement de la consomma-tion et de l’épargne dans les pays en développement a souligné les différenteslimites des modèles standard du revenu permanent et du cycle de vie dé-crits dans les sections précédentes et a offert différents prolongements. Cettesection passe en revue les facteurs supplémentaires les plus importants quiont été identifiés au plan empirique comme des facteurs significatifs dans lacompréhension de la consommation et de l’épargne dans les pays en déve-loppement.

Niveaux du revenu et incertitude du revenu

La recherche empirique récente a souligné le fait qu’à des faibles niveauxou à des niveaux de revenu de subsistance, le taux d’épargne est aussi faible.Comme le montre le chapitre 10, à mesure que le niveau du revenu augmente,le taux d’épargne aussi augmente. Ce résultat a deux implications :

• Dans les pays à revenu faible, la réponse de l’épargne aux variationsdes taux d’intérêt réels est probablement faible. Une réponse significa-tive de l’épargne des ménages tend à n’apparaître qu’à des niveaux derevenu substantiellement supérieurs au niveau de subsistance (Ogaki,Ostry et Reinhart, 1996). Ce résultat a des implications importantes

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Consommation, Epargne et Investissement 24

pour les politiques destinées à stimuler l’épargne financière à travers lalibéralisation du taux d’intérêt (Voir chapitre 15).

• Les variations de la distribution du revenu, induites par exemple pardes politiques d’imposition redistributives, peuvent avoir des effets im-portants sur les taux d’épargne mesurés à un niveau agrégé.

Dans les pays en développement, les revenus de nombreux ménages pro-viennent de l’agricultture ; mais dans ce secteur, les revenus peuvent êtresujets à des fluctuations relativement fortes résultant des variations des condi-tions climatiques ou des variations des prix domestiques et internationaux desproduits agricoles. Ces sources d’incertitude du revenu sont souvent ag-gravées par l’instabilité macro-économique et la vulnérabilité aux chocsextérieurs13. En général, l’incertitude accrue en ce qui concerne le revenu fu-tur accroîtra le motif d’épargne de précaution (Voir l’appendice de cechapitre, Caballero, 1990 et Deaton, 1992), bien que dans un environnementmacro-économique très instable, l’incertitude accrue peut réduire l’épargnepar l’intermédiaire de son effet sur la variabilité des taux de rendement.

Liens intergénérationnels

Certains auteurs comme Gersovitz (1988), ont affirmé que la grande impor-tance des relations de la famille élargie peut impliquer que les liens inter-générationels soient probablement forts dans les pays en développement. Il ya deux canaux par lesquels de tels liens peuvent affecter le comportement deconsommation et d’épargne.

• Ils peuvent affecter les préférences des ménages en affectant, parexemple, le degré auquel l’utilité marginale de la consommation décroîtavec le niveau de consommation, ou en accroissant le taux de préférencetemporelle.

• Ils peuvent allonger l’horizon effectif de planning sur lequel lesménages prennent leurs décisions de consommation et d’épargne.

13Les taux d’épargne plus élevés enregistrés dans les pays à faible inflation en Asie parexemple, montre l’importance d’un environnement macro-économique stable.

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25 Chapitre 1

Contraintes de liquidités

Le lissage intertemporel de la consommation requiert un bon fonctionnementdes marchés financiers afin de permettre aux agents d’emprunter et de prêterdans le temps. Cependant, dans de nombreux pays en développement, lesmarchés financiers bien développés soit n’existent pas ou lorsqu’ils existent,ils ne fonctionnent pas très bien. En particulier, les ménages ont souvent unaccès limité aux marchés du crédit, et le rationnement du crédit peut êtretrès répandu (voir Chapitre 2). L’existence des contraintes de liquiditéaffecte la capacité des ménages à transférer les ressources dans le tempsaussi bien que dans des situations d’incertitude du revenu. En conséquence,comme on l’a précédemment indiqué, la consommation (et donc l’épargne)tend à être très correlée avec le revenu courant, plutôt qu’avec le revenupermanent ou richesse au cours du cycle de vie. Les résultats empiriques deVeidyanathan (1993) et Rossi (1988) suggèrent en effet que l’incidence descontraintes de liquidités peut être plutôt significatif dans de nombreux paysen développement.Formellement, les contraintes de liquidités peuvent être introduites dans

le modèle simple à deux périodes présenté précédemment (dans lequel A2 =0) en réquérrant que les actifs financiers réels en période 1 ne soient pasnégatifs :

A1 ≥ 0.En outre, en faisant l’hypothèse que les ménages sont relativement impa-

tients (c’est-à-dire que le taux de préférence temporelle est plus grand que letaux d’intérêt réel), et donc veulent consommer aujourd’hui, Deaton (1992)a montré qu’il y a deux résultats possibles en période 1 :

• Le ménage veut emprunter mais ne le peut pas ; dans ce cas, la consom-mation est la somme des avoirs courants et du revenu courant ; il n’y apas d’épargne, et l’utilité marginale n’est pas égalisée sur les périodes.

• Le ménage ne veut pas emprunter ; dans ce cas, la consommationest moins élevée que la somme des actifs et du revenu ; l’épargne estpositive, et l’utilité marginale est égalisée sur les périodes - comme l’aprédit l’équation d’Euler, Equation (12).

Comme Deaton (1992) l’a aussi montré, la forme exacte de la relationentre la consommation et les ressources courantes (actifs et revenu) dépend

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Consommation, Epargne et Investissement 26

des paramètres (moyenne et variance) qui caractérisent la distribution durevenu, aussi bien que de la structure des préférences du consommateur. A debas niveaux de ressources, les contraintes de liquidités sont saturées, et toutesles ressources sont dépensées. Au delà d’un certain niveau de ressources (quidépend, en particulier, des paramètres du processus qui entraîne le revenu, lescontraintes de liquidités cessent d’être des obstacles, la propension marginaleà consommer commence à baisser, et l’épargne devient positive en raison desmotifs de précaution (comme on l’a souligné précédemment).En présence des contraintes de liquidités, la libéralisation financière

peut avoir un effet défavorable sur les taux d’épargne. Dans la mesure où ledésir des ménages de lisser leur consommation dans le temps est contraintpar un accès limité aux marchés du crédit, un accès accru à ces marchéspermettra aux individus d’accroître leur consommation (et donc de réduireleur épargne) au cours de leur vie active, au moyen d’un emprunt accru. Parexemple, la disponibilité plus grande des prêts pour les achats de logementset de biens de consommation durables peut pallier le besoin des ménagesd’épargner en préparation des paiements initiaux importants qu’ils doiventeffectuer pour de tels achats.

Inflation et stabilité macro-économique

La consommation et l’épargne peuvent aussi réagir aux variations du tauxd’inflation. Si les ménages sont des créditeurs nets, une augmentation du tauxd’inflation par exemple peut réduire la valeur réelle de leur richesse, même sielle est suivie d’une hausse proportionnelle du taux d’intérêt nominal. Pourcompenser cet effet de richesse négatif, les ménages peuvent augmenter leurtaux d’épargne. La variabilité de l’inflation, qui est souvent utilisée commeune variable proxy de la stabilité macro-économique, peut aussi affecter l’é-pargne, dans un sens opposé.

• Dans la mesure où il augmente l’incertitude en ce qui concerne le revenufutur, un degré élevé de la variabilité des prix peut conduire à uneaugmentation du taux d’épargne, conséquence dumotif de l’épargnede précaution analysé précédemment.

• Mais dans la mesure où un taux d’inflation très variable est associé àune plus grande incertitude du taux d’intérêt réel (ou le rendement del’épargne), il peut avoir un effet dépressif sur la propension à épargner.

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27 Chapitre 1

Epargne publique

Une caractéristique clef du modèle du cycle de vie est que le comportement del’épargne est directement influencé par les évaluations des ménages de leursprofils futurs de revenu et de consommation. Une variable clé qui affecte cesévaluations est la politique du gouvernement, en particulier l’épargne ou ladésépargne publique.La mesure dans laquelle les variations de l’épargne publique induisent

des variations compensatrices de l’épargne privée a été une question cent-rale d’une grande partie de la littérature moderne en macro-économie et enéconomie publique. Trois interprétations majeures de cette relation ont étéavancées dans la littérature :

• Le point de vue conventionnel fait l’hypothèse qu’une baisse del’épargne publique (provenant d’une réduction d’impôts ou d’une aug-mentation du financement par émission de titres de la dépense publiquetendra à accroître la consommation et à réduire l’épargne des ménagesmyopes (c’est-à-dire les ménages qui ne se soucient que du présent),en déplaçant la charge de l’impôt des générations présentes vers lesgénérations futures. En conséquence, une baisse de l’épargne publiqueentraînera une baisse de l’épargne nationale14.

• Le point de vue Keynesien suggère qu’une désépargne publique tem-poraire plus élevée augmentera la consommation et le revenu, en pré-sence de capacités de productions sous-utilisées, proportionnellement àl’inverse de la propension marginale à épargner, comme le prédit l’effetmultiplicateur standard. A son tour, le revenu plus élevé augmenteral’épargne privée. Le fait que cette augmentation de l’épargne privéeest ou non suffisamment grande pour compenser la baisse initiale del’épargne publique (et donc entraîner une augmentation de l’épargnenationale) est a priori ambigu15.

14La réduction de l’épargne privée peut être atténuée par une hausse du taux d’intérêtréel, bien que, comme on le verra, cet effet peut être relativement faible. Dans une économieouverte, la hausse du taux d’intérêt domestique peut aussi attirer les capitaux extérieurset conduire à une augmentation de l’épargne étrangère.15Si la baisse de l’épargne publique était supposée permanente plutôt que temporaire,

l’effet sur l’épargne privée serait semblable à celui que prédit le point de vue conventionnelsi les ménages sont myopes.

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Consommation, Epargne et Investissement 28

• Le point de vue Ricardien affirme que dans la mesure où les indivi-dus sont rationnels et prévoyants, ils se rendront compte qu’une haussepermanente de la dépense publique aujourd’hui (ou, de façon équiva-lente, une augmentation de la désépargne publique) doit être financéetôt ou tard. Par conséquent, ils augmenteront leur épargne d’un mon-tant équivalent - d’où le terme d’équivalence Ricardienne (Barro,1974, 1989).

De façon similaire, le point de vue Ricardien prédit qu’une augmenta-tion du déficit budgétaire (désépargne) provenant d’une réduction des impôtsn’aura pas d’effet sur le taux d’épargne national car l’épargne privée aug-mentera d’un montant équivalent par anticipation des engagements d’impôtsfuturs16. Autrement dit, pour une valeur présente donnée des dépenses pu-bliques, le moment choisi des impôts n’influence pas le comportement deconsommation des ménages.Le point de vue ricardien a fait l’objet de nombreuses critiques, à la fois

aux niveaux analytique et empirique. Du point de vue analytique, il reposesur quatre hypothèses strictes irrélalistes :

• les consommateurs sont prévoyants ;• les générations succesives sont liées par des legs motivés par des considé-rations altruistes;

• les consommateurs ne sont pas confrontés aux contraintes de liquidités ;et

• les impôts ne sont pas distortionnaires.

Les résultats empiriques en faveur de l’hypothèse d’équivalence ricar-dienne totale semblent être partagés dans les pays industrialisés (voir Seater,1993). Pour les pays en développement, en revanche, la plus grande partiedes résultats empiriques sont contraires à l’équivalence ricardienne. Une rai-son centrale à cette observation est que bien que les individus dans ces payspeuvent effectuer, de façon systématique, des anticipations de leurs enga-gements d’impôts futurs, les contraintes de liquidités (qui jouent un rôle

16Par conséquent, prise dans sa forme extrême, l’approche ricardienne implique que lechoix entre financement par la dette ou par les impôts des déficits budgétaires n’est pasimportant.

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29 Chapitre 1

pervers dans ces pays, comme on l’a vu précédemment) peuvent les empêcherd’agir sur ces anticipations en ajustant leur comportement de consommation- épargne comme l’aurait prédit la proposition d’équivalence ricardienne.

La charge de la dette et l’imposition

Le comportement d’épargne et de désépargne du gouvernement peut aussiaffecter l’épargne privée indirectement par le biais des variations des antici-pations des impôts futurs. Par exemple, dans une situation où la charge dela dette extérieure du secteur public se dégrade soudainement (résultat parexemple d’une augmentation du service de la dette provenant d’une haussedes taux d’intérêt internationaux), le secteur privé peut anticiper une haussesignificative de l’imposition dans le futur. L’effet de substitution associéà de telles anticipations tendra à favoriser la consommation courante auxdépens de l’épargne, alors que l’effet de revenu devrait tendre à réduire laconsommation sur toutes les périodes. Par conséquent, un niveau élevé de ladette peut réduire le taux d’épargne nationale17.

1.4 Sécurité sociale, pensions et assurance

Comme le montre le chapitre 15, la disponibilité des plans formels de pen-sion publique et de sécurité sociale s’est significativement accrue dans denombreux pays en développement. Comme le modèle du cycle de vie l’im-plique, l’effet potentiel de ces plans peut être de réduire le taux d’épargneprivée à travers trois canaux :

• en redistribuant le revenu en faveur des personnes âgées ;• en réduisant le besoin d’épargner pour la retraite (à moins que l’int-roduction de ces plans soit accompagnée d’une réduction de l’âge à laretraite) ;

• en freinant le besoin d’épargne de précaution pour couvrir l’éventualitéde vivre plus longtemps qu’espéré.

L’impact des bénéfices accrus de la sécurité sociale sur l’épargne natio-nale peut donc dépendre de l’effet que de tels changements peuvent avoir sur

17Voir le chapitre 16 pour une analyse des effets à plus long terme de l’endettementétranger sur l’épargne et l’investissement.

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Consommation, Epargne et Investissement 30

l’épargne publique 18. Dans la mesure où le système de sécurité sociale estun système de répartition, l’épargne publique n’augmentera pas directementpour compenser une quelconque baisse induite de l’épargne privée. Dans lalignée de l’argumentation ricardienne développée plus haut, on pourrait af-firmer que, dans ce cas, les agents privés ne réduiraient pas leur épargnecourante car ils anticiperaient une augmentation éventuelle des impôts pourfinancer les dépenses futures de pensions. Néanmoins le résultat empiriquesuggère que des augmentations des pensions publiques entraînent une baissede l’épargne privée et nationale, bien que cette baisse soit moins élevée quela hausse totale des bénéfices des pensions (Mackenzie, Gerson, et Cuervas,1997).Les plans de pension privée ont aussi été développés, au cours des années

récentes, dans plusieurs pays en développement. En principe, les individusdevraient voir leurs contributions aux fonds de pension privés comme unparfait substitut aux autres formes d’épargne. Mais, en pratique, les indivi-dus ne semblent pas prendre totalement en compte leurs contributions auxpensions dans la détermination de leur comportement d’épargne. Le résultatest que l’introduction des fonds de pension privés est souvent accompagnéed’une augmentation des taux d’épargne nationaux. Ceci est par exemple laconclusion à laquelle aboutit Holzmann (1997) dans le cas du Chili (voirchapitre15).Enfin, la disponibilité accrue des différentes formes d’assurance, telles

que les assurances de santé, de responsabilité civile, de chômage, de faillitepersonnelle, peut aussi influencer le comportement d’épargne. Dans la mesureoù les plans d’assurance limitent les dépenses attendues pour des contingenceset des urgences, ils tendent à réduire l’incertitude du revenu et donc le besoind’une épargne de précaution.

Variation des termes de l’échange

Un autre facteur qui affecte l’épargne dans une économie ouverte sont lestermes de l’échange, c’est-à-dire, les variations importantes du prix relatifdes exportations d’un pays en termes de ses importations. Un canal clé par le-quel de tels chocs semblent opérer est l’effetHarberger-Laursen-Metlzer

18En des termes absolus, comme l’a souligné Edwards (1996c, p. 25), ce qui importe estla relation entre les contributions et les bénéfices futurs attendus de la sécurité sociale.Cependant, le fait que l’épargne globale augmente dépendra de ce que devient l’épargnepublique une fois que la réforme de sécurité sociale est appliquée.

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31 Chapitre 1

(HLM) qui prédit une relation positive entre les variations (transitoires) destermes de l’échange et l’épargne, par le biais de leur effet positif sur la richesseet le revenu19. Plus spécifiquement, l’effet HLM prédit qu’une variation ad-verse transitoire des termes de l’échange entraînera une baisse du niveau durevenu courant plus grande que la baisse de son revenu permanent, causant,comme on l’a indiqué plus tôt, une baisse de l’épargne. Au contraire, unedétérioration permanente des termes de l’échange, dans la mesure où elleconduit à une réduction concommitante à la fois du revenu courant et durevenu permanent, n’aura aucun effet sur l’épargne.L’effet de lissage de la consommation mis en relief par l’effet conven-

tionnel HLM peut être partiellement compenser par deux types d’effets desubstitution : un effet de substitution intertemporelle (ou inclinaison dela consommation) et un effet de substitution intratemporelle. Pour com-prendre comment ces deux effets opèrent, notons d’abord que l’effet conven-tionnel HLM est habituellement analysé dans un cadre statique dans lequell’économie domestique et le reste du monde produisent le même bien échan-geable. Considérons, au contraire, une petite économie ouverte dans laquelleles ménages consomment des biens à la fois importés et non-échangeables.Supposons pour le moment que ces deux catégories de biens sont des sub-

stituts parfaits, de sorte que leur prix relatif est constant. Des variations destermes de l’échange peuvent néanmoins induire de larges variations du pro-fil temporel de la consommation. Par exemple, une détérioration temporairedes termes de l’échange (induite par exemple par une hausse du prix desbiens importés) entraîne une augmentation du coût de la vie, c’est-à-direle prix de la consommation courante par rapport au prix des importationsfutures et de la consommation future. L’augmentation du niveau global duprix entraîne une hausse du taux d’intérêt de la consommation (c’est-à-diredu taux d’intérêt réel mesuré en termes du prix du panier de consommation),augmentant par ce biais le coût de la consommation courante par rapport àla consommation future et entraînant les agents à différer la consommationdans le futur et à épargner plus aujourd’hui. Ceci est l’effet d’inclinaison dela consommation. Plus l’élasticité de consommation intertemporelle(définie comme précédemment) est grande, plus grande sera l’augmentation

19La formulation initiale de l’argument de Harberger (1950) et Laursen et Meltzer (1950)repose sur un cadre de type Keynésien d’économe ouverte. Des prolongements dans uncadre intertemporel ont été remarquablement fournis par Obstfeld (1982) et Svensson etRazin (1983). Ces contributions ont aussi éclairées la distinction entre des chocs perma-nents et transitoires.

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Consommation, Epargne et Investissement 32

l’épargne courante.Supposons maintenant que les biens importés et non-échangés ne sont

pas des substituts parfaits, comme le suggèrent les analyses empiriques. Lesvariations de leurs prix relatifs induites par les variations des termes de l’é-change affecteront donc aussi les décisions d’épargne. La raison est que, dansune économie où les ménages consomment à la fois des biens domestiqueset des biens importés, les variations des prix relatifs affectent le coût de lavie et donc le taux d’intérêt de la consommation. Il en résulte un effet desubstitution intratemporel associé au choc des termes de l’échange ; ceteffet peut être suffisamment large pour compenser l’effet conventionnel asso-cié aux considérations de lissage de la consommation. Par exemple, dans lamesure où un choc défavorable transitoire des termes de l’échange entraîneune hausse temporaire du prix relatif des biens importés, le déplacement versles biens non-échangés augmentera leur prix relatif et le taux d’intérêt de laconsommation, la dépense totale va baisser et l’épargne tendra à s’accroître.Cet effet peut être suffisamment large pour compenser la baisse de l’épargneprivée induite par des considérations de lissage de la consommation.Par conséquent, au total, l’effet net des chocs des termes de l’échange sur

l’épargne est théoriquement ambigu. L’importance de l’effet de lissage de laconsommation par rapport aux deux types d’effets identifiés plus haut nepeut être évaluée qu’empiriquement.

Approfondissement financier

Le développement financier peut affecter l’épargne directement et indirecte-ment. Dans la mesure où l’amélioration de l’intermédiation financière entraîneune réduction du coût de l’intermédiation, elle augmentera le rendement del’épargne. Dans le même temps, dans la mesure où l’efficacité accrue du pro-cessus d’intermédiation financière entraîne une expansion de l’investissementet stimule le taux de croissance économique (voir chapitre 12), l’augmenta-tion du revenu se traduira aussi par une augmentation de l’épargne. La figure1.3 montre, pour un groupe d’environ 30 pays en développement sur la pé-riode 1980-95, la corrélation entre les taux d’épargne domestique brute et unindicateur d’approfondissement financier, le ratio quasi-monnaie (épargne etdépôts à terme) sur le stock de monnaie au sens large — la somme de la mon-naie au sens strict (monnaie et dépôts à vue) — plus la quasi-monnaie. Lafigure suggère bien une relation positive entre ces deux variables. Cependant,comme on l’a noté précédemment, dans des cas où la libéralisation financière

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33 Chapitre 1

entraîne une hausse de l’offre de crédits en faveur des ménages qui étaientauparavant confrontés aux contraintes de crédits, l’épargne privée peut bais-ser.

Epargne des ménages et épargne des entreprises

Enfin, on devrait noter que la discussion en cours s’est focalisée uniquementsur l’épargne des ménages. Cet intérêt exclusif porté à l’épargne des ménagesest justifié dans plusieurs pays en développement où les taux d’épargne privéesont essentillement déterminés par le comportement des ménages. Cependantdans d’autres pays, l’épargne des entreprises (dans la forme, par exemple, desbénéfices non distribués peut aussi être significatif et peut répondre à des va-riables différentes de celles qui affectent les décisions des ménages. Le fait quecete distinction soit ou non importante pour la compréhension des variationsdu taux d’épargne privée agrégée dépend des réponses des ménages aux ni-veaux plus élevés de l’épargne des entreprises : si les entreprises conserventplus de gains, les ménages peuvent épargner moins d’un montant correspon-dant. Dans de telles conditions, les ménages voient à travers la structuredes entreprises et le comportement de l’épargne privée agrégée reflétera lar-gement le comportement des ménages. L’étude de López-Mejía et Ortega(1998) a trouvé en effet qu’en Colombie (comme l’a montré lafigure 1.4) despériodes de hauts (faibles) taux d’épargne des entreprises étaient suivies depériodes de bas (hauts) taux d’épargne des ménages. Les variations des di-videndes n’ont aucun effet sur la consommation privée (c’est-à-dire, qu’ellesn’affectent que l’épargne) car les agents réalisent que les variations de leurrevenu sont compensées par une baisse du même montant de la valeur desfirmes qu’ils détiennent.

1.5 Résultats empiriques

Il est important de noter dès le départ que les insuffisances des donnéesrendent difficiles l’analyse empirique des déterminants du comportement dela consommation et de l’épargne dans les pays en développement. En pra-tique, l’épargne est mesurée comme un résidu et est confrontée aux pro-blèmes de classification, d’évaluation et de mesure. Par exemple, les donnéesde l’épargne publique incluent celles des entreprises publiques ; dans d’autrespays, l’épargne des entreprises publiques est incluse dans celle du secteur

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Consommation, Epargne et Investissement 34

privé. Néanmoins, les données suggèrent plusieurs régularités. En particulier,les taux d’épargne varient considérablement dans les régions du monde endéveloppement. Les données compilées par Edwards (1996c) indiquent que,sur la période 1983-92, le taux d’épargne privé était de 15,6% en Afrique,20,2% en Asie et 13,8% en Amérique Latine. Sur la période que Edwardsconsidère, le taux d’épargne était de 21,3% pour les pays industrialisés.Comme on l’a noté précédemment, une implication importante de l’hypo-

thèse HRP est que les variations du revenu transitoire sont (dés-) épargnéeset les variations permanentes consommées. Comme Agénor et Montiel (1999,Chapitre 3) le montrent, il y a certaines indications en faveur de cette hypo-thèse. Plusieurs études empiriques ont montré que la propension à consommerle revenu permanent est supérieure à la propension à consommer le revenucourant. Ceci est compatible avec l’hypothèse HRP. Cependant, dans le mêmetemps, l’élasticité de la consommation par rapport au revenu permanent n’estpas égale à l’unité, la propension à consommer le revenu transitoire n’est pasnon plus égale à zéro. L’étude plus récente de Loayza, Schmidt-Hebbel etServén (1999) a confirmé ces résultats. Singulièrement, les résultats pour lespays industrialisés et les pays en développement suggèrent qu’il existe unecorrélation très forte entre le revenu courant et la consommation ; la formestricte de l’hypothèse HRP ne peut pas expliquer cette relation.Outre l’étude de Loayza, Schmidt-Hebbel et Servén (1999), d’autres études

récentes des déterminants de l’épargne dans les pays en développement ontété effectuées : Masson et al. (1995), Hadjimichael et Ghura (1995), Edwards(1996), et Dayal-Gulati et Thimann (1997).L’etude de Masson, Bayoumi et Samiei (1995) a porté sur 64 pays en

développement sur la période 1970-93. Leurs résultats indiquent que :

• une augmentation de l’épargne publique tend à être associée à uneépargne nationale plus élevée, suggérant la validité de l’équivalence ri-cardienne ;

• une baisse du ratio de dépendance augmente substantiellement l’é-pargne privée ;

• des augmentations du revenu par tête accroissent le taux d’épargneprivée ;

• des variations des taux d’intérêt réels n’ont aucun effet significatif surl’épargne privée ou nationale ;

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35 Chapitre 1

• des augmentations de l’épargne étrangère (mesurée par le déficit ducompte courant) affectent négativement l’épargne nationale ; cepen-dant, la compensation n’est que partielle (estimée entre 40 à 50%),suggérant qu’une disponibilité accrue du financement extérieure favo-rise à la fois une consommation et un investissement plus élevés ;

• les fluctuations des termes de l’échange ont un effet positif, mais tran-sitoire, sur l’épargne nationale.

Hadjimichael et Ghura (1995) ont utilisé un panel de 41 pays d’AfriqueSub-saharienne sur la période 1986-92 pour examiner l’efficacité des poli-tiques publiques de stimulation de l’épargne privée et de l’investissement.Ils ont trouvé que des politiques qui maintenaient l’inflation à un niveaubas, réduisaient l’incertitude macro-économique, promouvaient le développe-ment financier et augmentaient significativement l’épargne publique se tra-duisaient par une augmentation des taux d’épargne nationale. Ils ont aussitrouvé qu’une réduction significative de la charge de la dette extérieureaugmentait l’épargne nationale - certainement à cause de la réduction desanticipations de futurs impôts, comme on l’a souligné plus haut.Edwards (1996c) a étudié les déterminants de l’épargne sur un groupe de

25 pays en développement et 11 pays industrialisés sur la période 1970-92.Ses résultats montrent un effet significatif des variables suivantes sur les tauxd’épargne privée :

• le taux de croissance du revenu par tête ;• le ratio de monétisation, qui est semblable à l’indicateur d’appro-fondissement financier défini plus haut ;

• l’épargne étrangère (mesurée encore par le déficit du compte courant),avec un coefficient négatif inférieur à l’unité - suggérant que l’effet d’é-viction de l’épargne extérieure n’est pas totale ;

• l’épargne publique, avec un effet négatif qui n’est pas total, contraire àl’hypothèse d’équivalence ricardienne ;

• la sécurité sociale (mesurée par le ratio des dépenses publiques de sécu-rité sociale et de prestations sociales sur les dépenses publiques totales),avec un coefficient négatif significatif.

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Consommation, Epargne et Investissement 36

Le taux d’intérêt réel (approximé par le taux réel de dépôt bancaire ex-post), la structure de l’économie (mesurée par la part de l’industrie manu-facturière, les mines et l’agriculture dans la production) et la variabilité del’inflation n’étaient pas significatifs. Le ratio de dépendance était aussi nonsignificatif pour les pays en développement pris comme groupe, mais les résul-tats de l’Amérique Latine suggéraient qu’il avait un effet négatif significatifsur l’épargne20. Au total, les variables les plus importantes sont le taux decroissance du revenu par tête, l’épargne publique et le ratio de monétisation.Dayal-Gulati et Thimann (1997) ont étudié les déterminants de l’épargne

privée (desménages et des entreprises) sur un groupe de cinq pays d’Asie duSud-Est - Indonésie, Malaysie, Philippines, Singapour et Thaïlande — et neufpays d’Amérique Latine — Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Mexique, Para-guay, Perou, Uruguay et Venezuela, sur la période 1975-95. Ils trouvent queles chocs des termes de l’échange ont un effet positif sur l’épargne. L’épargnepublique n’évince que partiellement l’épargne privée, rejetant encore la formestricte de la proposition d’équivalence ricardienne. Les dépenses de sécuritésociale sont associées à un taux d’épargne privée plus faible et les plansde pension ont un effet positif. La stabilité macro-économique (mesurée parl’écart de l’inflation par rapport à une moyenne mobile sous-jacente) et l’ap-profondissement financier (mesurée par le ratio de la monnaie au sens largesur la production) affectent aussi positivement l’épargne privée et jouent unrôle important dans l’explication des différences des structures de l’épargneentre les deux régions. Le revenu par tête a aussi un effet positif.L’étude de Loayza, Schmidt-Hebbel et Servén (1999) a utilisé une large

base de données en coupes pour examiner les déterminants des taux d’é-pargne. Une nouveauté de leur analyse est aussi une tentative de distinctionentre déterminants à court terme et déterminants à long terme des tauxd’épargne, une distinction qui apparaît très significative dans leurs résultatsempiriques. Leur analyse a montré, en particulier, que l’incertitude macro-économique (mesurée par la variance de l’inflation) a un effet positif sur lestaux d’épargne privée en accord avec le motif de précaution développéplus tôt. L’épargne du secteur public a un effet négatif mais moins que pro-portionnel sur l’épargne privée, suggérant encore une fois que l’équivalencericardienne ne s’applique pas de façon stricte. Les taux d’intérêt réels n’ontpas d’effet significatif sur l’épargne, alors que les améliorations des termes de

20Cárdenas et Escobar (1998) ont aussi trouvé, dans le cas de la Colombie, une corréla-tion négative entre l’épargne et le ratio de dépendance.

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37 Chapitre 1

l’échange sont associées positivement aux taux d’épargne privée et nationalebien que l’effet soit faible.Plusieurs autres études ont corroboré et complété les découvertes dé-

crites plus haut. Par exemple, Ostry et Reinhart (1992) montrent que bienque la substitution intratemporelle entre biens non-échangeables et biens im-portables peut être un canal significatif par lequel les chocs des termes del’échange affectent l’épargne, au total, les résultats empiriques sont favorablesà l’idée que les variations défavorables transitoires des termes de l’échangeentraînent une réduction de l’épargne privée - comme le prédit l’effet del’hypothèse HLM. En outre,Ghosh et Ostry (1994) trouvent une corrélationpositive entre la variabilité des termes de l’échange et l’épargne. Ogaki, Ostryet Reinhart (1996), dans une étude détaillée couvrant un grand nombre depays développés et en développement, trouvent que les taux d’épargne ten-dent à augmenter avec les niveaux de revenu par tête, notamment au coursde la transition des niveaux bas de revenu (où les besoins de subsistance pré-dominent) vers les niveaux de revenu intermédiaires. Plus spécifiquement, lesrésultats obtenus suggéraient que les taux d’épargne tendaient à augmenteravec le niveau de revenu par tête et à plafonner (voire même à baisser) à desniveaux élevés de revenu - comme les expériences du Canada, du Royaume-Uni et des Etats-Unis l’ont remarquablement illustré. Ce schéma d’une formeen U renversé a été aussi analysé dans d’autres études. Enfin, Ogaki, Ostry,et Reinhart ont aussi trouvé que l’élasticité de substitution intertempo-relle, même dans les pays à revenu intermédiaire, était relativement faible -moins de 1 dans la plupart des cas. Pour la Tanzanie, par exemple, l’élasticitéestimée était de 0,2 et pour le Chili et le Brésil, il atteignait 0,6. Ces résul-tats impliquent, comme on l’a montré précédemment, qu’une augmentationdes taux d’intérêt aura généralement un effet ambigu (voire négatif) sur laconsommation et l’épargne - atténuant ainsi les bénéfices de la libéralisationfinancière (voir chapitre 15).Cependant dans le même temps, il y a plusieurs questions qui sont soit

inadéquatement abordées dans la littérature actuelle ou demeurent non ré-solues. Un problème, par exemple, est le résultat empirique de l’effet de l’é-pargne étrangère (mesurée par le déficit du compte courant) sur les tauxd’épargne domestique. Comme on l’a indiqué plus haut, les études de Mas-son et al. (1995) et Edwards (1996) ont toutes deux trouvé que cet effet étaittrès significativement négatif, avec un coefficient inférieur à l’unité, un résul-tat qui suggère que l’épargne étrangère est un substitut, quoique imparfait, del’épargne domestique. Cependant, dans les données que la plupart des cher-

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Consommation, Epargne et Investissement 38

cheurs utilisent, l’épargne privée est calculée de façon résiduelle comme l’in-vestissement domestique plus le surplus du compte courant moins l’épargnepublique - une identité centrale des comptes nationaux qui sera explicitementdéveloppée au Chapitre 8. Cependant, l’implication est que l’utilisation dela balance des comptes courants et de l’épargne publique comme variablesexplicatives rendent l’équation de la régression presque sur-identifiée : les ni-veaux significativement élevés de la balance des comptes courants pourraientdès lors n’être rien d’autre qu’un artifice statistique.Un autre problème important est l’absence d’un résultat empirique ro-

buste de l’effet des taux d’intérêt sur l’épargne. Comme on l’a indiqué plushaut, l’effet d’une variation du taux d’intérêt réel sur l’épargne est théo-riquement ambigu en raison du conflit entre les effets de revenu et desubstitution. Le résultat (ou l’absence de résultat) peut donc être en ac-cord avec l’idée que ces effets tendent à se compenser, ce qui implique quel’effet net est faible et souvent ne peut pas être détecté de façon adéquatepar les données. Ce que ceci implique, comme indiqué plus tôt, est que l’effetdirect des politiques destinées à augmenter les taux de rendements offertsaux épargnants peuvent être largement inefficaces. Cependant, on devraitnoter que plusieurs études ont utilisé des échantillons de périodes au coursdesquelles des taux d’intérêt réglementés, avec de faibles variations, étaienten place. Un autre problème est que l’effet des taux d’intérêt sur l’épargnepeut être non-linéaire : non seulement cet effet dépend du niveau du re-venu, comme l’ont montré Ogaki et al. (1996), il peut aussi être plus fortà des taux d’intérêt réels positifs qu’à des taux réels négatifs qu’on observesouvent quand les taux d’intérêt nominaux font l’objet de contrôles gouverne-mentaux (voir chapitre 2). De la même façon, il serait utile d’explorer dansquelle mesure les chocs des termes de l’échange tendent à avoir des effetsasymétriques sur les taux d’épargne agrégée, conséquence par exemple de latendance des gouvernements à augmenter excessivement les dépenses dansdes situations de conjoncture favorable (voir chapitre 3).

2 L’investissement

Typiquement, l’investissement représente une compsante bien plus petite dela demande globale que la cosommation. Mais comme il détermine le tauxauquel le capital physique est accumulé, il joue un rôle essentiel dans l’expan-

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39 Chapitre 1

sion de la capacité de production de l’économie (voir les Chapitres 11 et 12).Cette section passe en revue différents modèles du comportement de l’inves-tissement, fondés à la fois sur les variables de prix relatifs et d’échelle. Ellecommence par décrire le modèle de base d’accélérateur flexible le prolongeensuite pour prendre en compte le coût du capital. Une grande partie dela recherche analytique et empirique récente des déterminants de l’investisse-ment s’est concentrée sur le rôle de l’incertitude et de l’irréversibilité ; cesquestions sont analysées dans la troisième partie. La quatrième partie discuteles différents autres facteurs qui ont été identifiés comme affectant l’investis-sement dans les pays en développement21. La dernière partie fait une revuede certains résultats empiriques récents des déterminants de l’investissementprivé dans ces pays.

2.1 L’accélérateur flexible

Dans sa forme la plus simple, le modèle d’accélérateur flexible de l’inves-tissementdécoule de l’hypothèse que la technologie de production dans une écono-

mie est caractérisée par une relation fixe entre le stock de capital désiré etle niveau de la production. Formellement, supposons que le stock désiré decapital, K̃, est proportionnel à la production attendue, ya :

K̃ = αya, α > 0. (23)

Supposons que (parce que cela prend du temps de construire, planifieret installer un nouvel équipement), le stock courant de capital s’ajuste à ladifférence entre le stock désiré à la période courante et le stock courant à lapériode précédente :

∆K = κ(K̃ −K−1), 0 < κ < 1. (24)

Par définition, l’investissement privé brut, Ip, est donné par

Ip = ∆K + δK−1, 0 < δ < 1, (25)

21La q-théorie de l’investissement, qui fait de l’investissement une fonction croissante duratio de la valeur de la firme au coût d’achat des équipements de la firme et autres biensde capital, n’est pas développée ici car elle n’a eu que très peu de succès au plan empiriquedans les pays en développement.

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Consommation, Epargne et Investissement 40

où δ est le taux de dépréciation. En utilisant l’opérateur retard L (définipar Lx = x−1), cette équation peut être réécrite comme suit :

Ip = [1− (1− δ)L]K, (26)

Ce qui implique aussi queK−1 = Ip−1/[1−(1−δ)L]. En combinant ce résultat

avec les équations (23) à (26), il en résulte que

Ip = ακ[1− (1− δ)L]ya + (1− κ)Ip−1. (27)

Dans le cas prticulier où δ = 0, κ = 1, et la production attendue estapproximée par la production courante, la fonction d’investissement devient

Ip = α∆y. (28)

L’équation (28) a une forme particulièrement simple : elle lie l’investis-sement linéairement aux variations de la prodution courante. Les variablestelles que la profitabilité, l’incertitude et le coût du capital ne jouent aucunrôle. Cependant, en dépit de sa simplicité (ou peut être à cause de cette sim-plicité), l’équation (28) continue d’être utilisée dans les applications pratiques(voir Chapitre 9).

2.2 Le coût du capital

Une approche alternative est de voir l’investissement comme dépendant in-versement du coût d’usage du capital, cK , ou de façon équivalente du fluxde prix des services de capital, qui consiste en trois composantes :

• un coût d’opportunité, qui est mesuré par l’intérêt que la firme rece-vrait si elle vendait son capital et investissait les gains. Si i désigne letaux d’intérêt et PK le prix d’une unité de capital (c’est-à-dire le prixnominal du marché d’une unité de biens de capital), ce coût est iPK ;

• le coût résultant d’une dépréciation du bien de capital ; avec δ désignantle taux de dépréciation du capital, ce coût (par unité de temps) estdonné par δPK ;

• la perte de capital (ou gain) résultant du fait que le prix du capital peutbaisser (augmenter), ce qui impliquerait que la firme obtiendrait moins(plus) si elle attendait avant de vendre le capital ; ceci est mesuré parunité de temps par −∆PK .

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41 Chapitre 1

Donc le coût du capital est donné par :

cK = PK

½i+ δ − ∆PK

PK

¾, (29)

où la quantité i−∆PK/PK peut être vu comme un taux d’intérêt réel mesuréen termes de prix des biens de capital.Dans des applications pratiques, le coût du capital est souvent combiné

avec le modèle d’accélérateur flexible décrit plus haut. Une manière simplede le faire est d’écrire le stock de capital désiré non pas comme l’équation(23), mais comme une fonction inverse de cK de la forme

K̃ = αya/cK . (30)

L’utilisation de cette spécification conduit simplement à remplacer ya

par ya/cK dans l’équation (27), impliquant donc que l’investissement estmaintenant inversement relié au coût des services du capital. Cependant cemodèle élargi continue de souffrir d’une limite majeure : il ne prend pas encompte l’impact de l’incertitude sur la décision d’investir.

2.3 Incertitude et irréversibilité

Un point important de la littérature récente sur l’investissement est qu’ensituation d’incertitude, les décisions d’investissement privé peuvent être af-fectées significativement par des effets d’irréversibilité (Dixit and Pindyck,1994). De tels effets proviennent essentiellement du fait que l’investissementspécifique d’une firme implique des coûts irréversibles qui ne peuvent êtrerécupérés que partiellement à cause du rabais (généralement important) au-quel les firmes doivent faire face en valorisant un équipement de secondemain. Si le résultat d’un investissement irréversible devient plus négatif quecelui attendu, les firmes peuvent être confrontées à des excès de capitaux ouà des rendements faibles, alors que si les perspectives s’améliorent de nou-velles firmes entrant dans la branche peuvent, par leur concurrence, déplacerune partie des gains. Comme le risque de perte peut augmenter sans unecorrespondance possible d’augmentation du gain, l’attente a une valeur dansla mesure où elle donne à la firme l’opportunité de traiter de nouvelles infor-mations avant de prendre la décision effective d’investir.Pour examiner de façon plus formelle les effets d’incertitude et d’irréver-

sibilité sur l’investissement, considérons l’exemple simple suivant de Servén

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Consommation, Epargne et Investissement 42

(1997). Supposons que la firme à risque neutre doit décider si elle investitdans un projet dont le coût initial est complètement irréversible au coûtd’acquisition PK au début de la période t0 = 022. Cela entraîne un rende-ment connu de R0 à la fin de cette période. Mais la demande future du biengénérée par le projet est incertaine ; par conséquent, le taux de rendementdu projet à la période t = 1 et au delà, noté R, est aussi incertain.Etant donné l’information disponible à la période 0, la valeur attendue

du rendement futur est E0R. La valeur actuelle nette du flux de rendementanticipé des cash-flows associée au projet, V0, est donc

V0 ≡ −PK + R01 + i

+·1

1 + i

¸2 ∞Xh=0

(1 + ρ)−hE0R, (31)

où i est le taux d’escompte, pris comme étant égale au taux de rendementd’un investissement alternatif, telles que les obligations d’Etat sans risque.Le troisième terme de l’expression peut être réécrite comme suit :

E0R

(1 + i)2

∞Xh=0

(1 + i)−h =E0R

(1 + i)2

"1 +

1

1 + i+

1

(1 + i)2+ ...

#

=E0R

(1 + i)2

"1

1− 1/(1 + i)#=

E0R

i(1 + i).

En utilisant ce résultat, l’équation (31) peut être réécrite comme étant

V0 ≡ −PK + R0 +E0R/i1 + i

. (32)

Le critère conventionnel de la valeur actuelle nette suggère que l’in-vestissement est profitable et donc qu’il devrait être réalisé tant que V0 > 0.En utilisant l’équation (32) et en réarrangeant les termes, on obtient

R0 − iPK + E0R− iPKi

> 0, (33)

où le terme iPK peut être interprété comme le coût d’usage du capital dansle cas où le taux de dépréciation est égale à zéro [voir Equation (29)]. Avec

22Dans ce contexte, la neutralité du risque signifie que l’utilité est linéaire par rap-port aux profits réalisés ; la maximisation de l’utilité et la maximisation des profits sontfondamentalement la même chose.

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43 Chapitre 1

une réversibilité totale de l’investissement, l’avenir n’importerait pas ; larègle de décision optimale serait donc d’investir aujourd’hui tant que

R0 − iPK > 0, (34)

C’est-à-dire tant que le rendement courant est supérieur au coût d’usage ducapital. La présence de l’irréversibilité requiert de prendre en compte à lafois la différence entre le rendement attendu et le coût d’usage du capital,comme l’indique le dernier terme de l’équation (33).Mais bien que l’équation (33) doit s’appliquer ex-ante, elle peut ne pas

l’être ex-post; la raison est qu’il y a une probabilité non-nulle qu’à unecertaine période t du futur l’inégalité (34) s’inverse, c’est-à-dire, R−ρPK < 0.La firme peut donc être “enfermée” dans un investissement non profitable.Il y a donc une incitation à différer l’investissement afin de mieux connaîtreles facteurs qui affectent le rendement futur - dans le cas présent, connaîtrel’état de la demande du marché du bien que produit la firme.Pour déterminer comment l’incertitude affecte la règle de décision (33),

considérons d’abord le cas où la firme sait de façon certaine que l’incerti-tude disparaîtra complètement à la période t = 1 et que les rendements duprojet pour t = 2, ...∞ resteront constants au niveau réalisé à la période 1.Supposons ensuite que la firme décide de ne pas du tout investir aujourd’huiet d’investir à la période suivante si et seulement si le rendement réalisé estsupérieur au coût d’usage du capital ; dans ce cas, la valeur nette présentedu flux anticipé des cash-flows, V1, sera donnée par :

V1 ≡ Pr(R > iPK)(−Pk1 + i

+·1

1 + i

¸2 ∞Xh=0

(1 + i)−hE0(R | R > iPK)),

• Pr(R > iPK) est la probabilité que le rendement du projet excède lecoût du capital ;

• E0(R | R > iPK) est la valeur attendue de R, conditionnelle au faitque le rendement du projet excède le coût du capital.

Par conséqent, dans le cas particulier où Pr(R > iPK) = 0, on a aussiV1 = 0. La comparaison de la stratégie ci-dessus au cas précédent peut êtrefaite en calculant

V1 − V0 = ( 1

1 + i)

(Pr(R ≤ iPK)E0(iPK −R | R ≤ iPK)

i− (R0 − iPK)

),

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Consommation, Epargne et Investissement 44

une expression qui est obtenue en utilisant le résultat suivant des statistiquesélémentaires :

E0R = Pr(R > iPK)E0(R | R > iPK) + Pr(R ≤ iPK)E0(R | R ≤ iPK).La firme se porte mieux en investissant aujourd’hui si

V1 − V0 < 0,une condition qui peut être réécrite comme suit

R0 − iPK > Pr(R ≤ iPK)E0(iPK −R | R ≤ iPK)i

. (35)

La condition (35) compare deux expressions :

• le coût de l’attente, donné par le rendement net attendu à la période0 en n’investissant pas, R0 − iPK ;

• la valeur de l’attente, donnée par l’erreur irréversible qui serait ré-velée demain si les rendements futurs baissaient en dessous du coût ducapital (R ≤ iPK). La valeur présente attendue d’une telle erreur estmesurée par la partie droite de l’équation (35) :

— l’erreur est commise avec une probabilité Pr(R ≤ iPK) ;— sa valeur attendue par période, étant donné l’information dispo-nible aujourd’hui, est

E0(iPK −R | R ≤ iPK),

— Comme elle s’accroît chaque période jusqu’à un futur indéfini, elledoit être multipliée par 1/i pour être transformée en des termesde valeur présente.

Par conséquent, la condition (35) indique qu’il est profitable d’investirimmédiatement si seulement le rendement de la première période est supé-rieur au coût du capital (mesuré de façon conventionnelle ) d’une marge quiest suffisamment grande pour compenser la possibilité d’une erreur irréver-sible - c’est-à-dire, si le coût de l’attente l’emporte sur la valeur de l’attente.Une implication importante de l’équation (35) est que la possibilité que

dans le futur R peut être supérieur à iPK n’a pas d’effet sur le seuil de

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45 Chapitre 1

l’investissement et donc pas d’effet sur la décision d’investir aujourd’hui.Intuitivement, la raison de cette asymétrie est que l’option d’attendre n’apas de valeur dans des situations favorables dans lesquelles investir auraitété, de toutes façons, la bonne décision ; elle n’a de valeur que dans dessituations où investir aujourd’hui aurait été, ex-post, une mauvaise décisison.Cette valeur de l’option d’attendre, δ, est donnée par

δ = max (V1 − V0, 0) .

Si V1 − V0 < 0, l’option n’a pas de valeur, et la décision optimale estd’investir aujourd’hui (à la période 0). Cependant, en général, la valeur del’option d’attendre peut être grande, notamment dans un environnementtrès incertain. Par conséquent, l’incertitude peut devenir un puissant effetde disuasion de l’investissement même dans une situation de neutralité durisque23. Une telle incertitude peut provenir de différentes sources domes-tiques ou extérieures : un degré élevé de volatilité de la demande globale, delarges fluctuations des termes de l’échange et des prix relatifs et une crédibi-lité incomplète des politiques d’ajustement (voir Chapitre 5)24.Dans l’exemple simple considéré ici, une augmentation du spread de la

distribution des futurs rendements — résultat par exemple, d’une volatilitémacro-économique accrue, qui accroît la vraisemblance de “mauvais” ré-sultats (c’est-à-dire, R ≤ iPK) — augmentera le seuil critique que la producti-vité marginale du capital doit atteindre, et donc tendra à diminuer l’investis-sement. Cependant, ce résultat, ne vaut pas toujours. Si le coût d’opportunitéde l’attente, R0, est incertain plutôt que connu — comme ce serait le cas pourles projets d’investissement soumis aux retards d’achèvement — et que la firmepeut abandonner le projet au coût du futur (c’est-à-dire que l’investissementest partiellement réversible), alors une incertitude plus grande pourraitaccélérer l’investissement, en rendant les réalisations favorables extrêmes deR0 plus probables, même si au même moment les réalisations défavorables

23Il est important de souligner que ces résultats ne dépendent pas de l’existence de firmesadverses au risque ou des restrictions sur le degré de diversification des risques. Même siles firmes sont neutres au risque, et même si les risques sont totalement diversifiables,l’investissement dépendra encore du degré de perception de l’incertitude.24Comme l’a indiqué par exemple Aizenman et Marion (1999), la volatilité et l’incer-

titude sont en principe deux phénomènes différents. La volatilité (ou variabilité) existequand une variable tend à fluctuer dans le temps, alors que l’incertitude existe quandquand ces fluctuations sont imprévisibles. Cependant, en pratique, les variables volatilessont souvent aussi imprévisibles.

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Consommation, Epargne et Investissement 46

extrêmes deviennent aussi plus probables. La raison est que la firme peutmaintenant éviter l’impact des résultats négatifs sur la profitabilité en aban-donnant le projet (Bar-Ilan et Strange, 1996). Par conséquent, bien que lavaleur et le coût de l’attente augmentent avec l’incertitude accrue, le coûtaugmente d’un montant plus grand.Néanmoins, le cadre ci-dessus implique que plus le degré d’irréversibilité

est élevé (c’est-à-dire, plus le degré d’asymétrie des coûts d’ajustement del’investissement est élevé), plus il est probable que l’incertitude aura un effetdéfavorable sur la formation du capital. La recherche récente sur la relationentre incertitude et investissement a, cependant, souligné le rôle de différentsautres facteurs, tels que la structure du marché, le degré d’aversion au risqueet les imperfections des marchés de capitaux. Comme l’a montré Caballero(1991), en présence des coûts d’ajustement asymétriques de l’investissementet de neutralité du risque, l’incertitude et l’investissement tendent à êtrepositivement reliés en situation de concurrence parfaite et de rendementsd’échelle constants, alors qu’ils tendent à être négativement reliés en situationde concurrence imparfaite et de rendements d’échelle décroissants25. Zeira(1990) a aussi montré qu’avec des agents économiques adverses au risque,l’incertitude a un impact ambigu sur l’investissement. Plus le degré d’aversionau risque est élevé, plus grande est la probabilité que l’incertitude réduisel’investissement. Enfin, comme l’ont montré Aizenman et Marion (1999), unerelation négative entre l’incertitude (ou la volatilité) et l’investissement peutprovenir de l’existence d’un plafonnement du crédit (voir plus bas l’exposéde ce point). Un tel plafonnement peut conduire à une non-linéarité de lacontrainte budgétaire intertemporelle de l’investisseur. Il peut donc empêcherl’expansion de l’investissement à des moments favorables (c’est-à-dire, dessituations dans lesquelles la firme est confrontée à une demande élevée etcroissante de ses produits) sans empêcher la baisse pendant les momentsdéfavorables. Cette asymétrie peut entraîner une situation dans laquelle lavolatilité accrue réduit le taux moyen de l’investissement.L’importance de l’analyse précédente est donc que, au plan strictement

théorique, l’effet de l’incertitude sur l’investissement privé est en général am-bigu. Fondamentalement ceci est dû au fait que l’incertitude affecte l’investis-

25Pour une définition des termes rendement d’échelle cosntants, croissants et décrois-sants, voir Chapitre 11. Les résultats de Caballero éclairent une contribution antérieurede Abel (1983), qui a montré qu’en l’absence d’irréversibilité et sous l’hypothèse de neut-ralité du risque, une augmentation de l’incertitude (à la suite du comportement des prixde production) tend à croître le stock de capital désiré et donc l’investissement.

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47 Chapitre 1

sement par le biais de différents canaux et, de façon particulière, en fonctiondu degré d’aversion pour le risque, de la structure du marché et de la naturedes coûts d’ajustement, la relation entre ces variables peut être soit positiveou négative. Les résultats empiriques (voir plus bas) sont donc nécessairespour évaluer dans quel sens l’effet net opère.

2.4 Autres déterminants de l’investissement

En plus des variables considérées précédemment, il est montré que dans lespays en développement, la décision d’investissement dépend d’une variétéd’autres facteurs. Parmi ces facteurs les plus remarquables sont le degré durationnement du crédit, la disponibilité des devises, les fluctuations du tauxde change réel, le niveau de l’investissement public, le degré de volatilitémacro-économique et l’existence d’une large dette extérieure26.

Rationnement du crédit

Comme on le developpe en détails au chapitre 2, l’absence de développementdes marchés de capitaux propres rend les firmes très dépendantes du créditbancaire non seulement pour des besoins de capital circulant (associé parexemple, au besoin de payer les travailleurs et d’acheter du matériel brut)mais aussi pour le financement à long terme de l’accumulation du capital.Comme on le discute au chapitre 2, dans les pays où les taux d’intérêt sonttrès réglémentés ( de sorte que les taux d’intérêt réels sont négatifs), l’excèsde demande de crédits existera, obligeant les banques à rationner leurs prêts.Le fait que les banques soient imparfaitement informées au sujet de la qualitédes projets dans lesquels les firmes planifient leurs investissements peut aussientraîner un rationnement (endogène) du crédit. Les deux cas suggèrent quela quantité de crédit, plutôt que son prix (le taux d’intérêt) devrait êtreconsidérée comme un déterminant de l’investissement.

26La distribution du revenu qu’on n’aborde pas ici peut aussi affecter les décisions d’in-vestissement par le biais de son effet sur le taux de profit, le niveau de la demande globaleet l’instabilité sociale et politique. Les chapitres 13 et 14 discutent les effets à plus longterme de l’inégalité de revenu.

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Consommation, Epargne et Investissement 48

Contrainte de devises extérieures

Dans les pays en développement, les biens de capital tels que les machines etles équipements doivent souvent être importés. Dans un pays comme l’Argen-tine, par exemple, au milieu des années 1990, plus de 40% de importationsde marchandises consistaient en des biens de capital et des pièces détachéesde ces biens. Puisque les devises étrangères nécessaires au paiement des tellesimportations peuvent ne pas être disponibles - à cause par exemple des dif-ficultés de balance des paiements ou à cause des besoins prioritaires plusimportants, tels que le service de la dette extérieure - l’investissement peutêtre soumis à la contrainte de devises étrangères.Le taux de change réel (mesuré comme le prix des biens non-échangés par

rapport au prix des biens échangés) affecte l’investissement privé à travers lecanal de la demande et le canal de l’offre :

• Du côté de la demande, une dépréciation du taux de change réel prove-nant d’une dépréciation nominale réduit la richesse réelle et la dépensedu secteur privé par son effet sur les prix domestiques ; la chute del’absorption domestique peut entraîner les firmes à réviser leurs antici-pations de la demande future et réduire les dépenses d’investissement,par le biais de l’effet de l’accélérateur.

• Du côté de l’offre, comme une dépréciation du taux de change réelaugmente le prix des biens échangés (mesuré en termes de monnaiedomestique) par rapport au prix des biens domestiques, elle peut sti-muler l’investissement dans le secteur des biens échangeables et réduirela formation du capital dans le secteur des biens non-échangeables.

En général, si le prix des facteurs de production domestiques (salaires etprix des biens de capital) augmente moins que proportionnellement au prix enmonnaie domestique de la production finale, une dépréciation stimulera l’offreglobale et augmentera l’investissement privé. Cependant, dans la mesure oùune dépréciation réelle accroît le coût réel des biens de capital importés(un résultat probable si le pays est dépendant des biens de capital importésnon-compétitifs et des biens intermédiaires), elle aura un effet défavorablesur l’investissement privé en augmentant le coût d’usage du capital (Buffie,1986) ou en atténuant les anticipations de production future par l’effet del’accélérateur.

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49 Chapitre 1

Investissement public

L’investissement public a, en général, un effet ambigu sur l’investissementprivé, en raison de deux effets opposés :

• En augmentant le déficit budgétaire, l’investissement public peut évin-cer la formation de capital privé en réduisant le crédit disponible ausecteur privé ou en augmentant les taux d’intérêt.

• Dans le même temps, l’investissement public dans des projets d’infra-structures (telles que les dépenses en capital en énergie, télécommu-nication, transport, santé et éducation) peut être complémentaire àl’investissement privé.

Lafigure 1.5, qui retrace les données compilées par Aizenman et Marion(1999), montre la corrélation entre la part moyenne de l’investissement privédans la production et la part moyenne de l’investissement public dans la pro-duction sur la période 1970-92 pour un grand groupe de pays en développe-ment. La figure ne montre aucune corrélation claire entre les deux variables,comme la théorie le suggère. Cependant, comme on le discute plus bas, desétudes économétriques plus formelles (qui contrôlent les autres déterminantsde l’investissement privé) sont plus concluantes.

Instabilité macro-économique

Comme on l’a montré plus tôt, en présence d’irréversibilité et d’asymétriedes coûts d’ajustement, l’instabilité macro-économique peut avoir de larges(et peut être négatifs) effets sur la formation de capital privé. Il y a plusieursautres canaux par lesquels l’instabilité macro-économique peut affecter l’in-vestissement privé :

• Un environnement macro-économique instable est souvent caractérisépar un niveau élevé de l’inflation ; à son tour, un taux élevé d’inflationpeut réduire l’investissement en déformant les signaux de prix et lecontenu de l’information sur les variations des prix relatifs.

• L’instabilité macro-économique se traduit aussi par une forte variabilitéde l’inflation, à son tour, un taux d’inflation fortement variable peutavoir un effet défavorable sur la profitabilité attendue. Si les firmesont une aversion au risque, le niveau de leur investissement baissera.

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Consommation, Epargne et Investissement 50

Plus généralement, une augmentation de l’incertitude politique peut ent-raîner les firmes qui ont une aversion au risque à réallouer les ressources enles déplaçant loin des activités risquées, réduisant, par conséquent, le stockdésiré du capital27. Par le biais de l’effet de l’accélérateur identifié plus haut,cette baisse peut se traduire par une réduction de l’investissement privé.

L’Effet de la charge de la dette

Un ratio élevé de la dette étrangère rapportée à la production peut avoir uneffet défavorable sur l’investissement privé à travers différents canaux :

• Les ressources utilisées pour le paiement du service de la dette publiquepeuvent évincer les investissements publics dans les domaines où descomplémentarités importantes existent entre les dépenses publiques etprivées en capital (comme analysé plus haut) ; ceci pourrait tendre àréduire l’investissement privé.

• Un ratio dette/production élevé (et de façon concommittante un ra-tio service de la dette élevé) peut entraîner les agents domestiques àtransférer les fonds à l’étranger plutôt que d’épargner domestiquementen raison de la crainte des engagements d’impôts futurs pour financer leservice de la dette ; ceci est semblable à l’effet auquel on a fait allusionprécédemment dans le contexte d’épargne. Il tend à réduire l’inves-tissement privé directement et indirectement, dans le dernier cas, enaugmentant le coût domestique des biens de capital28.

• Une lourde charge de la dette extérieure pourrait décourager l’investis-sement direct étranger en augmentant la probabilité que le gouverne-ment recourt à l’imposition de restrictions sur les obligations de paie-ments extérieurs - paiements courants sur les revenus de l’investisse-ment. Dans la mesure où l’investissement direct étranger est complé-mentaire à l’investissement privé domestique, ce dernier baissera aussi.

• Quand les firmes détiennent un large stock d’obligations en monnaieétrangère, elles deviennent très vulnérables aux variations du taux

27Le rationnement du crédit peut aussi s’intensifier dans la mesure où l’incertitudes’accroît.28Dans ce sens, un lourd fardeau de la dette extérieur constitue une source additionnelle

d’incertitude macro-économique.

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51 Chapitre 1

de change. Une dépréciation nominale, par exemple, augmente auto-matiquement la charge de la dette et réduit la richesse nette de lafirme. L’augmentation résultante du risque de défaut peut entraînerles banques domestiques à renforcer les restrictions de crédits (commeindiqué plus haut) et peut réduire l’investissement.

Lafigure 1.6 montre la corrélation entre la charge de la dette, mesuréepar le ratio du paiement du service de la dette au PIB, et la part de l’inves-tissement dans le PIB pour un groupe de pays pauvres très endettés sur lapériode 1982-95 (voir chapitre 16). Lafigure montre en effet une corrélationnégative entre la charge de la dette et la formation du capital privé29.

2.5 Résultats empiriques

La discussion en cours suggère une formulation empirique générale d’unefonction d’investissement privé qui rassemble plusieurs des spécifications em-piriques utilisées dans les études effectuées ces années récentes dans les paysen développement. Avec Ip/y désignant le ratio de l’investissement privé àla production, cette spécification peut être réécrite comme suit :

Ip

y= H(∆y, cK ,

Lp

P,R∗, IIG, I

OG , z,σz,π,σπ,

D∗

y). (36)

Cette spécification inclut :

• l’effet de l’accélérateur du revenu, capté par les variations de laproductiont, ∆y ;

• le coût d’usage du capital, cK , défini dans l’équation (29) ;• le rationnement du crédit, capté par le stock réel du crédit bancaireau secteur privé, Lp/P ;

• la contrainte en devises étrangères, mesurée par le niveau (moyen)des réserves de change (réserves en devises) du pays, R∗ ;

29Dans plusieurs études, le ratio service de la dette est un meilleur indicateur que leratio dette/production de l’impact défavorable du fardeau de la dette extérieure sur l’in-vestissement privé. Ceci est le cas dans l’étude d’Oshikoya (1994) qui est développée plusloin.

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Consommation, Epargne et Investissement 52

• l’investissement public, qui consiste en investissement en infrastruc-ture, IIG, et autres investissements, I

OG . On s’attend à ce que la première

variable ait un effet positif et la seconde un effet ambigu ;

• Le taux de change réel, z, qui a en général un effet ambigu ;• l’instabilité macro-économique, captée par la variabilité du taux dechange réel, σz, le niveau de l’inflation, π, et la variabilité de l’inflation,σπ ;

• Le ratio de la dette extérieure rapportée à la production, me-suré par D∗/y.

Un aperçu détaillé des premiers travaux de la littérature empirique surl’investissement dans les pays en développement a été fourni par Rama (1993).Rama a passé en revue 31 études de l’investissement couvrant la période desannées 1960 jusqu’au milieu des années 1980. Dans plusieurs cas, les effetsdynamiques ont été captés en spécifiant un processus d’ajustement partiel dutype de l’Equation (24). Cependant un tel processus ne prend pas bien encompte les différents retards qui surviennent en pratique entre le moment oùla décision d’investir est prise et l’investissement courant - tels que les délaisqu’impliquent le choix, la réception et l’installation de nouveaux biens de ca-pital. Plus important, la plupart de ces études étaient affectées par un biaisde spécification et par des corrélations fallacieuses ; les propriétés desséries temporelles des variables endogènes et exogènes n’étaient pas souventcorrectement évaluées avant l’estimation (voir l’appendice du Chapitre 2).Deux études plus récentes sont celles de Oshikoya (1994) et Hadjimichael

et Ghura (1995) effectuées pour l’Afrique Subsaharienne. L’étude d’Oshikoyafournit une analyse détaillée des déterminants de l’investissement privé danshuit pays africains au cours des années 1970 et 1980 : quatre pays à re-venu intermédiaire (Cameroun, Maroc, Maurice, et Tunisie) et quatre paysà revenu faible (Malawi, Tanzanie, Zimbabwe, et Kenya). Pour l’ensemble del’Afrique sub-Saharienne, le PIB réel par tête s’est accru de seulement 0,4%en moyenne par an au cours de la période 1973-80 et a chuté de 1,2% par ansur la période 1980-89. L’investissement a aussi baissé substantiellement aucous de cette période ; le ratio de l’investissement domestique total rapportéau PIB a baissé de 20,8% par an sur la période 1973-80 à 16,1% au cours de lapériode 1980-89. Dans l’échantillon de pays que Oshikoya considère, le ratiod’investissement privé a chuté au début des années 1980 mais s’est accru à

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53 Chapitre 1

la fin des années 1980 dans les pays à revenu intermédiaire ; ce ratio a chutétout au long des années 1980 dans les pays à faible revenu. La part de l’inves-tissement privé dans l’investissement total a aussi baissé pour l’ensemble dugroupe de 53% entre 1970-79 à 51,4% entre 1984-88. Cependant, ce résultatglobal reflète essentiellement la forte augmentation du taux d’investissementpublic dans les pays à revenu faible ; les pays à revenu intermédiaire ont puaccroître la part de l’investissement privé dans l’investissement total à la findes années 80.Oshikoya a estimé des équations d’investissement séparées (avec la va-

riable dépendante retardée utilisée comme régresseur) sur des données depooling sur la période 1970-88. Singulièrement, ses résultats indiquent lespoints suivants :

• Les variations de la production réelle (qui captent l’effet d’accélérateur)ont un impact positif et significatif sur l’investissement privé unique-ment dans les pays à faible revenu.

• L’investissement public est positivement lié à l’investissement privédans les deux groupes de pays, avec un effet de complémentarité plusfort dans le groupe des pays à revenu intermédiaire.

• Les impacts du taux de change réel et de l’inflation diffèrent signifi-cativement entre les deux groupes de pays. Le taux de change réel aun effet positif significatif dans les pays à revenu intermédiaire, maisun effet négatif (quoique statistiquement insignifiant) dans les pays àfaible revenu. Le taux d’inflation a un impact négatif fort et non am-bigu dans les pays à faible revenu mais un effet positif et significatifdans les pays à revenu intermédiaire.

• Le ratio du service de la dette a un effet négatif fort sur l’investissementprivé dans les deux groupes de pays.

• Les variables de mesure de l’incertitude et l’instabilité macro-économique(les coefficients de variation de la croissance de la production réelle etdu taux de change réel) ont un effet négatif sur l’investissement aucours des années 1980.

Les coefficients de régression standardisés, qui sont sans unité etqui mesurent l’importance relative des variables indépendantes dans le taux

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Consommation, Epargne et Investissement 54

d’investissement privé, suggèrent que le ratio du service de la dette, l’inflationdomestique, le taux d’investissement public et le taux de change réel ontl’effet le plus important sur l’investissement privé dans les pays à revenuintermédiaire. Le crédit au secteur privé, l’inflation domestique, le taux decroissance de la production et le ratio du service de la dette ont un effetimportant sur l’investissement dans les pays à revenu faible. L’importance del’effet de l’accélérateur dans le dernier groupe de pays (pays à revenu faible)peut être due aux anticipations myopes des investisseurs ou au caractèrecourt de leur horizon temporel.Une autre étude empirique qui s’est focalisée sur l’Afrique Sub-Saharienne

effectuée par Hadjimichael et Ghura (1995) aboutit à des conclusions trèssemblables :

• L’investissement public et privé paraissent être complémentaires.• Les politiques destinées à renforcer la stabilité macro-économique (ré-duction de l’inflation et de la variabilité du taux de change réel) tendentà promouvoir l’investissement privé.

• Une lourde charge de la dette (mesurée par le ratio de la dette extérieureaux exportations) a un effet défavorable sur l’investissement.

Quatre études récentes effectuées par Servén (1997, 1998), Pattillo (1998)et Aizenman et Marion (1999), fournissent plus de preuves des effets défa-vorables de l’incertitude sur l’investissement privé. Servén (1997) trouve quel’incertitude et la volatilité macro-économique sont les facteurs clés expli-catifs des bas niveaux d’investissement observés en Afrique Sub-Sahariennedans les années 1980 et 1990. Pattillo (1998) signale le même phénomènepour expliquer le comportement de l’investissement au Ghana.Dans une étude ultérieure, Servén (1998) s’est focalisé sur une vaste sé-

rie de données couvrant 94 pays en développement sur la période 1970-95.Il souligne d’abord que les mesures simples de la volatilité (telles que lesécart-types de l’inflation ou des taux de change réels) ne peuvent capterque partiellement l’impact de l’incertitude politique et donc rendre plutôtdifficile le test empirique de son impact sur la formation du capital. Parconséquent, il a construit une mesure alternative de l’incertitude basée surla dispersion des innovations des variables macro-économiques - c’est-à-dire les écart-types des résidus d’une équation de prévision autorégressivede chaque variable. Spécifiquement, cinq variables macro-économiques sont

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55 Chapitre 1

considérées dans l’étude de Servén : trois sont liées à la profitabilité globaledu capital (croissance de la production, inflation et prix relatif des biensd’investissement, cette dernière étant une variable proxy du coût d’usage ducapital) et deux (variables) plus liées à la profitabilité relative des différentssecteurs économiques (les termes de l’échange et le taux de change réel). Cesvariables sont intégrées dans les régressions individuellement puis sous uneforme composite. Il contrôle certains des autres déterminants de l’investisse-ment développés pécédemment — tels que les variations de la production, lecoût du capital (capté par le prix relatif du capital), le taux d’intérêt réel etle crédit au secteur privé — et il utilise des procédures économétriques alter-natives pour permettre la simultanéité, les effets spécifiques à chaque pays etl’hétérogénéité des pays. Les résultats indiquent un effet négatif robuste del’incertitude macro-économique sur l’investissement, notamment quand unetelle incertitude est mesurée par le taux de change réel.

Enfin, Aizenman et Marion (1999) ont aussi considéré un vaste échantil-lon de pays en développement (au total 46 pays) sur la période 1970-92. Ilsmesurent la volatilité macro-économique de plusieurs manières — y compriscomme l’a fait Servén (1998) — une spécification fondée sur les innovationsd’un échantillon de variables aggrégées (part de la consommation publiquedans la production, croissance du stock nominal de monnaie et taux de changeréel). La figure 1.7 montre, sur leur échantillon, un nuage de points reliant lavolatilité de l’offre de monnaie et l’investissement privé et suggère en effet unerelation négative. Les méthodes économétriques plus formelles que Aizenmanet Marion ont utilisé confirment l’existence d’une corrélation négative signi-ficative entre les mesures de volatilité alternatives qu’ils ont construites etl’investissement privé, même après l’utilisation des différentes variables decontrôle que suggère la littérature empirique récente sur la croissance écono-mique (voir chapitre 13)30.

Au total, les études les plus récentes fournisent des résultats significatifsd’un lien négatif entre l’incertitude et l’investissement privé dans les pays endéveloppement — réflétant peut être, comme on l’a noté précédemment — lerôle des facteurs d’irréversibilité.

30On devrait noter que Aizenman et Marion ont aussi trouvé que la volatilité affectaitnégativement le taux de croissance économique ; cette relation fournit un canal indirect(opérant via l’effet d’accélérateur) par lequel l’incertitude peut affecter l’investissementprivé. Cependant, ils n’ont pas inclus la croissance de la production comme régresseurdans leurs équations d’investissement.

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Consommation, Epargne et Investissement 56

3 Résumé

• A cause de leurs effets importants sur la croissance, comprendre les pro-fils et les déterminants de la consommation, de l’épargne et de l’inves-tissement est un pas crucial dans la conception des politiques destinéesà accroître les niveaux de vie.

• L’hypothèse du revenu permanent postule que les individus éga-lisent leur consommation à leur revenu permanent, défini comme lavaleur annuelle de la somme des actifs et de la valeur présente actualiséedu revenu disponible futur. Une implication importante de cette hypo-thèse est que les variations du revenu transitoire sont (dés) épargnéeset les variations permanentes sont consommées.

• L’approche en termes de cycle de vie de la consommation et del’épargne fait l’hypothèse que les individus ont un horizon temporelfini et tentent de lisser leur sentier de consommation sur la base de leurrichesse (attendue) au cours du cycle de vie ou du revenu anticipé aucours de leur vie. L’épargne est considérée comme servant à la retraiteet varie systématiquement au cours de la vie de l’individu.

• Singulièrement, le modèle du cycle de vie prédit que le taux d’épargnedevrait baisser à mesure que la proportion des personnes à la retraitedans la population totale augmente ; ce résultat s’étend aussi à ceuxqui sont en dessous de l’âge de travailler. Par conséquent, plus le ratiode dépendance est élevé, plus le taux d’épargne sera faible.

Des études empiriques ont identifié différents autres facteurs qui affectentla consommation et l’épargne dans les pays en développement :

• Niveaux de revenu et variabilité du revenu : à des niveaux basde revenu, les taux d’épargne sont bas. Les variations de la distribu-tion du revenu affectent donc les taux d’épargne globaux. La fortevariabilité du revenu tend à augmenter l’épargne, ceci dû au motif deprécaution.

• Liens intergénérationnels, qui affectent l’horizon de plannificationeffective des décisions de consommation d’épargne et les préférences desménages.

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57 Chapitre 1

• Les contraintes de liquidités, ou l’accès limité aux marchés de capi-taux qui limitent les opportunités d’emprunts et de prêts des ménageset donc leur capacité à lisser la consommation dans le temps.

• L’inflation qui peut exercer des effets de richesse négatifs et l’instabilitémacro-économique (captée par la variabilité de l’inflation), qui peutsoit augmenter l’épargne (si elle augmente l’incertitude du revenu) oula réduire (si elle accroît l’incertitude sur le taux de rendement).

• Le comportement de l’épargne publique, qui peut avoir un effet am-bigu sur l’épargne privé. L’équivalence ricardienne, en particulier,postule que les déficits ou les impôts sont équivalents quant à leur ef-fet sur la consommation privée. Cependant, cette thèse est l’objet denombreuses critiques au plan analytique et n’est pas confirmée au planempirique dans les pays en développement.

• La charge de la dette : un niveau élevé de la dette peut, à traversles anticipations de futurs impôts, réduire les taux d’épargne.

• Sécurité sociale, systèmes de retraite et assurance : le désir d’ac-cumuler des actifs pour la retraite ou pour des legs dépend des varia-tions anticipées du revenu et de la richesse et de la disponibilité desretraites. Le besoin d’épargner pour des contingences dépend de l’é-tendue de la couverture d’assurance.

• Les chocs des termes de l’échange : l’effet Harberger-Laursen-Metlzer prédit une relation négative entre des variations défavorablestransitoires des termes de l’échange et l’épargne. Cependant, si les mé-nages consomment des biens non-échangeables et des biens importables,les variations des prix relatifs induites par les chocs des termes de l’é-change affecteront aussi les décisions d’épargne à travers l’effet de sub-stitution intratemporel, qui peut compenser l’effet conventionnelHLM.

• Le degré du développement financier : le besoin d’épargner pourdes achats importants des biens de consommation dépend de la mesureà laquelle les ménages peuvent ou non emprunter à ces fins. Il y a aussiun effet indirect à travers le revenu, dans la mesure où l’efficacité accruedu processus d’intermédiation financière augmente l’investissement etle taux de croissance économique.

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Consommation, Epargne et Investissement 58

Les études empiriques récentes soulignent l’importance de l’épargne pu-blique, du ratio de dépendance (comme le prédit le modèle du cycle de vie),le niveau du revenu par tête et l’épargne étrangère. Elles montrent aussi quel’épargne des ménages réagit aux variations des taux d’intérêt seulement àdes niveaux de revenu supérieurs au niveau de subsistance. La prédictionde l’hypothèse du revenu permanent selon laquelle les variations du revenutransitoire sont entièrement épargnées n’est que partiellement vérifiée au planempirique dans les pays en développement.L’investissement joue un rôle macroéconomique important car il déter-

mine le taux de croissance du stock de capital physique et par la suite letaux de croissance de la production. Les modèles du comportement de l’in-vestissement soulignent à la fois les variables de quantité et de prix relatifs :

• L’accélérateur flexible postule l’existence d’une relation fixe entre lestock de capital désiré et le niveau de la production. Dans sa forme laplus simple, il montre une relation positive entre l’investissement et lesvariations de la production courante.

• Le coût d’usage du capital qui consiste en un coût d’opportunité,une mesure du taux de dépréciation du capital et de la perte de capital(ou gain) induite par les variations du prix du capital à un effet adversesur l’investissement.

• L’incertitude et l’irréversibilité affectent les décisions d’investisse-ment car :

— la plupart des investissements en capital fixe sont partiellementou complètement irréversibles ; ils ne peuvent pas être totalementrecouvrés en vendant les biens de capitaux achetés une fois qu’ilsont été mis en place, et ils ne peuvent pas être utilisés dans uneactivité différente sans encourir un coût substantiel.

— Les décisions d’investissement sont confrontées à l’incertitude àpropos de leurs rendements futurs. Les investisseurs doivent considé-rer différents résultats possibles et leur attacher des probabilités.

• Comme les investisseurs peuvent contrôler le moment choisi pour inves-tir, ils peuvent le différer pour acquérir plus d’informations sur l’avenir.

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59 Chapitre 1

• L’investissement peut donc être considéré comme une option d’achatd’un actif à différents moments du temps. La perte de cette option,qui est une part (partie) du coût d’opportunité de l’investissement estignorée dans les calculs de la valeur présente nette conventionnelle.

• La politique d’investissement optimale est d’équilibrer la valeur del’attente pour une nouvelle information au coût du diffèremmentde l’investissement en termes de rendements prévus.

• La règle standard de la valeur nette présente de l’investissement (inves-tir quand le rendement anticipé du capital additionnel égale à son coûtd’achat et d’installation) doit donc être modifiée : le rendement anti-cipé doit être supérieur au coût d’achat et d’installation d’un montantégal à la valeur de conserver cette possibilité d’option.

• L’environnement économique volatile qui caractérise la plupart des paysen développement implique que l’incertitude peut avoir un effet fort surl’investissement global.

D’autres variables qui ont été recensées comme affectant l’investissementdans les pays en développement sont :

• Le degré du rationnement du crédit, qui résulte du fait qu’avec unfinancement par actions limité ou en l’absence totale d’un tel finance-ment les firmes sont très dépendantes du crédit bancaire non seulementpour leurs besoins de capital circulant mais aussi pour le financementà plus long-terme de leurs dépenses en capital.

• Les contraintes en devises étrangères car les biens de capital sontsouvent importés.

• Le taux de change réel, qui affecte l’investissement privé du côté dela demande (résultant des effets de richesse et de revenu) et du côté del’offre (notamment à travers son effet sur le prix domestique des biensde capital importés).

• L’investissement public, qui peut soit évincer la formation du ca-pital privé (en réduisant le crédit disponible au secteur privé) ou l’aug-menter s’il a une nature complémentaire, tel que l’investissement dansdes projets d’infrastructures. La composition de l’investissement publicest donc importante.

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Consommation, Epargne et Investissement 60

• L’instabilité macro-économique, mesurée par un taux d’inflationélevé et variable, réduit l’investissement a) en déformant les signaux deprix et le contenu de l’information sur les variations des prix relatifs,et b) en réduisant la profitabilité attendue.

• La charge de la dette, qui réduit la formation du capital privé en ré-duisant l’investissement complémentaire, en augmentant la crainte defuturs impôts pour couvrir les paiements du service de la dette et endécourageant l’investissement étranger direct complémentaire.

• Les études empiriques récentes suggèrent qu’en Afrique Sub-Saharienneen particulier, l’investissement public et privé sont complémentaires,que les politiques destinées à renforcer la stabilité macro-économique(réduire l’inflation et la variabilité du taux de change réel) tendent àpromouvoir l’investissement privé et qu’une charge lourde de la detteà un effet défavorable sur l’investissement.

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61 Chapitre 1

AppendiceIncertitude de Revenu et Epargne de Précaution

Les effets de l’incertitude du revenu sur l’épargne peuvent être illustréspar un cadre simple31. Considérons le cas d’une économie dans laquelle leménage représentatif vit sur deux périodes et est confronté aux contraintesbudgétaires suivantes, en l’absence des impôts (T1 = T2 = 0) :

c1 = y1 − s1, c2 = y2 + (1 + r)s1, (A1)

où ch, yh désignent respectivement la consommation et le revenu à la périodeh, s1 l’épargne (à la période1), et r est le taux d’intérêt réel. Pour des soucisde simplicité, le ménage ne dispose pas de dotation initiale. Le revenu à laseconde période, y2, est supposée être stochastique ; spécifiquement, il estdonné par

y2 = (1 + ε)y1, (A2)

où ε est un choc aléatoire de moyenne nulle et de variance constante.Le ménage détermine l’épargne en maximisant la fonction d’utilité inter-

temporelle additive suivante :

U = u(y1 − s1) +E(u[(1 + ε)y1 + (1 + r)s1]

1 + ρ

), (A3)

où ρ est le taux de préférence temporelle, et l’équation (A2) est utilisée pourremplacer y2. E est l’opérateur mathématique des anticipationsPosons r = ρ ; on peut établir que l’épargne est proportionnelle à la

variance du choc, ε:

s1 =y12 + r

φσ2ε, φ ≡ −u000(y1)y12u00(y1)

. (A4)

L’expression ci-dessus implique que l’épargne est positivement liée à l’in-cetitude du revenu si seulement φ est positif. A son tour, comme u00 < 0, φ siseulement u000 > 0, c’est-à-dire si seulement l’aversion absolue au risquedécroissante prévaut. En général, pour une fonction d’utilité u(·), le degréd’aversion absolue au risque, θ, est mesuré par (moins) le ratio de la dérivée

31Les résultats de base de cet appendice proviennent de Joshua Aizenman.

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Consommation, Epargne et Investissement 62

seconde à la dérivée première, c’est-à-dire, −u00/u0 (voir Varian, 1992, pp.177-178). Une aversion absolue au risque décroissante requiert que θ baissequand la consommation augmente, et ceci requiert en effet que la dérivéede troisième ordre u000 soit positive. Le terme φ peut s’interpréter comme (lamoitié de l’élasticité mesurant la prudence du consommateur ; des valeurspositives et plus élevées de cette élasticité impliquent qu’une augmentationde l’incertitude accroît l’utilité marginale attendue, conduisant les consom-mateurs à différer la consommation, et donc à augmenter l’épargne (voirLeland, 1968 ; Sandmo, 1970).Pour établir le résultat ci-dessus, notons que la condition de premier ordre

de l’équation (A3) entraîne que

u0(y1 − s1) = E {u0[y1 + εy1 + (1 + r)s1]} .On peut noter que

u0(y1 − s1) ' u0(y1)− su00(y1),et que

u0[y1+εy1+(1+r)s1] ' u0(y1)+u00(y1)[εy1+(1+r)s1]+u000(y1)2

[εy1+(1+r)s1]2,

Ce qui implique que

E {u0[y1 + εy1 + (1 + r)s1]} ' u0(y1) + u00(y1)(1 + r)s1 + u000(y1)2

E(εy1)2.

En utilisant ces résultats, il en résulte que

−s1u00(y1) ' u00(y1)(1 + r)s1 + u000(y1)2

E(ε)2y21,

Ce qui implique que

s1(2 + r) ' σ2εy212(u000

−u00 ).Cette expression est simplement l’équation (A4), étant donné la définition

de φ. Une implication de ce résultat est que l’élasticité de l’épargne parrapport au taux d’intérêt (brut) est négative et approximativement égale à-0.5.

d ln s1d ln(1 + r)

= −1 + r2 + r

' −0.5.

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Etats-Unis

Européenne

Union

Japon

Pays enDéveloppement

Afrique

Asie

Moyen-Orientet Europe

Amerique Latineet Caraïbes

35 30 25 20 15 10 5 0

Epargne intérieure brute (S) Investissement intérieur brut (I )

0 5 10 15 20 25 30 35

1976-83 1984-91 1992-97

Figure 1.1Taux d'Epargne et d'Investissement,

1976-97 (en % du PIB)

S-I

-0,9-2,2-1,5

0,2 0,3 0,5

0,6 2,8 2,4

-0,8-1,9-1,9

-4,6-3,0-4,4

0,5-1,7-1,3

3,4-4,4-1,6

-3,1-0,4-2,6

Source: Fonds Monétaire International.

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Figure 1.2Revenu, Consommation et Epargne

dans le modèle du cycle de vie

Age

A

Revenu

Retraite Décès

Consommation

Emprunt

Rev

enu,

con

som

mat

ion

et é

parg

ne

Epargne

Désépargne

Source: Adapté de Deaton (1999, p. 42).

Revenu à la retraite

Consommation

B

B'

C

C'Désépargne

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Figure 1.3Approfondissement Financier et Taux d'Epargne

(Moyennes sur 1980-95)R

atio

qua

si m

onna

ie/ m

asse

mon

etai

re a

u se

ns la

rge

Epargne intérieure brute (% du PIB)

0 5 10 15 20 25 30 35 4010

20

30

40

50

60

70

80

90

Source: Banque Mondiale.

Ghana

Malaisie

Algérie

Corée

Indonésie

Thaïlande

Bangladesh

Vénézuéla Costa Rica

Chili

Brésil

Tunisie

Panama

Pérou

Inde

Nigéria

Zimbabwé

Côte d'IvoirePakistan

Népal

Jamaïque

Bolivie

Philippines

Maroc

Colombie

Zambie

Tanzanie

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1950

1952

1954

1956

1958

1960

1962

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

0

0.05

0.1

0.15

0.2

Source : López-Mejía et Ortega (1998).

Epargne des ménagesEpargne des entreprises

Epargne privée totale

Figure 1.4Colombie : Composantes de l'épargne privée, 1950-93

(en % du PNB)

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Figure 1.5Parts de l'investissement privé et public

(en % du PIB)

Source : Aizenman et Marion (1999, pp. 173-74).

Note : Les pays non identifiés dans la figure sont le Pérou, le Paraguay, le Bangladesh, le Costa Rica, le Népal, la Colombie,l'Iran, le Zimbabwé, le Vénézuela, l'Equateur, le Kenya, le Sri Lanka et le Mali.

0 5 10 15 20 250

5

10

15

20

Part

de l'

inve

stis

sem

ent p

ublic

Panama

Uruguay

ThaïlandeCorée

Maroc

Tunisie

Brésil

Côte d'Ivoire

IndonésiePakistanInde

PhilippinesChili

TurquieTanzanie

Ghana

Argentine

Nigéria

Part de l'investissement privé

Guatémala

République Dominicaine

Maurice

Malaisie

Papouasie Nouvelle Guinée

Fiji

Bolivie

Madagascar

Malawi

Egypte

Guyane

Paraguay

MexiqueHaïti

Salvador

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Investissement Privé (en % du PIB)

0 5 10 15 20 250

5

10

15

20

Source : Banque Mondiale.

Rép.Centrafricaine

Sierra Leone

Madagascar

Niger

Burundi Ethiopie

Tchad

Ghana

Bolivie

Zambie

Ouganda

Nigéria

Guinée

Côte d'Ivoire

Burkina Faso

Cameroun

Kenya

Mauritanie

Angola

Mali

Rwanda

Nicaragua

SénégalMozambique

Honduras

VietnamYémen

Sao Tome et Principe

Togo

Soudan

Guinée-BissauBénin

Figure 1.6Pays pauvres très endettés :

Service de la dette totale et Investissement privé(en % ,1982-1995)

Serv

ice

de la

det

te to

tale

( en

% d

u PI

B)

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Figure 1.7Part de l'investissement privé et Volatilité de la croissance de la masse monétaire

Source : Aizenman et Marion (1999).

Note : Les pays non identifiés sur le graphique sont : le Bangladesh, le Guatémala, le Népal et le Sri Lanka.1/ La volatilité de la croissance de la masse monétaire est définie comme l'écart-type des résidus d'un processus autorégressif d'ordre 1 du taux de croissance de la masse monétaire au sens étroit.

0 5 10 15 20 250.005

0.01

0.015

0.02

0.025

0.03

0.035

Vol

atilit

é de

la c

rois

sanc

e de

la m

asse

mon

étai

re 1

/

Panama

Malaisie

Thaïlande

Corée

Fiji

Mexique

Côte d'Ivoire

Indonésie

Pakistan

Inde

Népal

Rep. DominicaineChili

Costa Rica

Colombie

Salvador

Tanzanie

Ghana

Vénézuela

Nigéria

Part de l' investissement privé (en % du PIB)

Haïti

PérouMali

MarocIran

Egypte

Madagascar

Bolivie

Turquie

Equateur

Uruguay

MalawiPapouasie Nouvelle Guinée

Philippines

Brésil

ArgentineMaurice

Paraguay

KenyaZimbabwe