Suzanne Wright - WordPress.com · 2018. 5. 14. · danse, des rires, des poppers, des mojitos…...

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  • SuzanneWright

    TaoLukas

    LaMeuteduPhénix–6

    Traduitdel’anglais(Grande-Bretagne)parCédricDegottex

    Milady

  • PourRhysetPaige:jevousadore,touslesdeux.

  • CHAPITREPREMIER

    S’éveillerensuantlatequilapartouslesporesn’avaitriendebienplaisant.RileyPortergrogna.Était-elleàl’articledelamort?Chaquecelluledesoncorpslafaisaitsouffrir:

    sestempeslalançaient,elleavaitl’estomacenvrac,etc’étaitcommesiunfoufurieuxarméd’unelameémousséeluipoignardaitlesyeux.Detouteévidence,elleavaitpassélaveilleàs’abandonneràl’élixirtentateur qu’était la tequila, ce qu’elle payait cematin d’une chute douloureuse dans des abîmes sansfond.

    Lebourdonnementduventilateur installéauplafond lui écorchait les tympans, telsdescrissementsd’onglessuruntableaunoir,maisellen’enappréciaitpasmoinslacaressefraîchedesonsoufflesursapeaubrûlante.Elledéglutit,lagorgesècheetlabouchesaturéedemiasmesinfects.Del’eau.Elleavaitbesoind’eau…

    Non,àbienyréfléchir,c’étaitdevomirdontelleavaitsurtoutbesoin.Malheureusement, ses jambes étaient trop engourdies pour qu’assouvir l’un ou l’autre de ces

    impératifsnesoitpasunenfer.Lesouci,c’étaitque,sessenssaturéspar l’alcool,ellenesupporteraitbientôtplusl’odeurpestilentielledelatequila.

    Des bribes de souvenirs vaporeuses s’invitèrent dans son esprit : il y avait de lamusique, de ladanse,desrires,despoppers,desmojitos…desshotsd’alcoolfort.

    Lamémoire lui revintsoudain.LameuteduPhénixavaitorganiséunefiestapour l’anniversairedel’undesesloups.

    Lorsqu’elle et deux jeunes métamorphes étaient venus se réfugier au sein de la meute six moisauparavant, Riley ne s’était pas imaginé un seul instant que les Alphas lui proposeraient une placepermanenteparmieux.Qu’ilsaientadoptéSavannahetDextern’avaitriendesurprenant,vucommecespetits étaient adorables, mais Riley n’était qu’un corbeau farouche qui avait refusé de leur expliquerpourquoiellenevivaitpasauseind’unevolée.Malgrécela,etbienqu’ellen’ait jamaisniaccepténirefuséleurpropositiondel’accueillirdéfinitivement,lesmembresdelameutelatraitaientcommel’unedesleurs.

    Laplupartd’entreeux,entoutcas…Si ses quelques fragments de souvenirs lui laissaient une franche impression d’éclate, la majeure

    partiedelanuitrestaitpourelleunmystère.Cequ’elledétestait la tequila,bordel…Celadit,aveclamoindre partie de son corps au supplice et cette impression que les portes de la mort étaient toutesproches,ellehaïssait l’universentier.Àl’exceptionduparacétamol.Oui, toutcomptefait,cedontelleavait véritablement besoin en cemonde, là, tout de suite, c’était des cachetons de paracétamol.Ou, àdéfaut,untrouprofondoùagoniser…

    Riley lutta pour ouvrir les yeux, grimaçant tandis que la lumière du soleil la poignardait en pleinvisage, amplifiéepar laporte-fenêtredubalcon,et jetaitdesombres sur lesmursdegrèscrème.Elleavaitétéfoutrementsurprisededécouvrirque lameuteduPhénixavait investiunréseau troglodytiquemodernisé qui lui donnait l’impression d’une gigantesque fourmilière regorgeant de tunnels filant surplusieursniveaux.S’ytrouvaientdesdizainesdechambres,dontcelle-ci,quitenaitd’ailleursmoinsdelachambrequedelasuitedeluxeavecsontapisfastueux,sonmobiliercontemporain,sonlitàbaldaquinetsonlingedelitaristocratique.

  • Lelingedelit…Latracenoiresurlataied’oreiller…Dumascara,àcoupsûr…End’autrestermes,sonvisagedevaitenêtrebarbouillé.Classe!D’ungestemalhabile,elletentaderécupérersontéléphonesur la tabledenuit,histoirede regarder l’heure.Ellegrimaça : ilétaitoù,merde?Dansuncaniveau,sûrement…Avecsadignité.

    Pasétonnantqu’ellesoitencorecélibataire…Leboncôtédeschoses,c’étaitquel’ivressel’avaitaidéeàdormirtoutelanuit,unluxequesabonne

    amiel’insomnieneluioffraitqu’endetrèsraresoccasions.Elletentaderemuerdoucementsurlelit,maisunedouleuraiguëluitransperçalestempes:elleallait

    devoirréussirl’impossible–selever–,siellevoulaitrécupérersesanalgésiques.Ellepritunegranderespirationpourinvoquersonentièredétermination,lorsqu’uneodeursuspecteluitiraunegrimace.Rienàvoiraveclatequila.Est-ceque…Elleseraidit.Non,cen’étaitpasvrai…Bordel!mêmepintée,ellen’auraitpasfaituneconneriepareille?

    Elleserralesdentspourréprimerunhaut-le-cœuretseretournabrusquementsurlecôté.Sanauséefutaussitôtbalayéeparlaprisedeconsciencesaisissanteque,oui,cetteconnerie,ellel’avaitbeletbienfaite.Preuveenétaitletypequipionçaitallongésurleventre,exhalantleseffluvesdeleursébatsetsonodeur,reconnaissableentremille,d’épices,depommecuiteetdefuméedebois:deuxmètresdemusclespuissants,lapeaumate,ildégageaituneénergiepurementanimale.

    TaoLukas.Premierlieutenantdelameute.Riley ferma les yeux, se maudissant intérieurement à mesure que les souvenirs lui revenaient en

    mémoire.Oui,ellese rappelait,maintenant : sonsexe imposantentreses lèvreschaudes, lesmorsuresdanssoncou,salanguecontrelasienne.Ellesesouvientaussid’unorgasmesauvage,lesonglesfichésdanssanuque,danssesépaules, tandisqu’il laprenaitavecviolence.Elleouvritunœiletgrimaçaenapercevantlesgriffuresqu’elleavaitlaisséessursapeaulisseetluisante,marquantletatouagetribalquiornaitlehautdesondos.

    OK,c’étaitlamerde…Rileyn’avaitpasd’étatsd’âmeàs’envoyerdescoupsd’unsoir–aprèstout,lesmétamorphes avaient besoin de rapports humains, sociaux et d’autres…plus physiques –,mais, sisurprenantquecesoit,ellen’enavaitpasmoinsdesprincipes,notammentqu’elleplaiseautypequ’elleramenaitdanssonlit.Taoavaiteuenvied’elle,sansnuldoute,ilsemontraitmêmepossessifàsonégard,mais,non,elleneluiplaisaitpas.Cequiécorchaitpasmalsafierté,d’ailleurs…

    Elleauraitpufairefidesonattitudesi,dèsleurpremièrerencontre,ellen’avaitpasressentipourluiuneattiranceféroceetenivrante.Lecorbeauenelleledésiraitdetoutessesforces,quandbienmêmeiln’avaitpasl’ébauched’unsentimentpourelle.Celadit,ilintriguaittropl’oiseaunoirpourqu’elles’ensoucie,etquiauraitpul’enblâmer?Taoavaittoutdel’hommed’action,duguerrier:intrépide,direct,brutal,vigoureuxetsanslamoindrepatiencepourladiplomatie.

    Nombreuxétaientceuxàréagirdefaçonépidermiqueàsafranchise,maisRileyadmiraitqu’ilrefusâtainsidecaressersesinterlocuteursdanslesensdupoil.Elleaimaitlesgensdirects,ceuxquiaffichaientleuropinionsanslouvoyer.Pourautant,seréveilleràcôtédeluiaprèsunenuitd’ébatssanslendemainn’étaitpasspécialementpourluiplaire…

    Cela étant, du point de vue deRiley, s’ils étaient tous les deux soûls comme des Polonais, ça necomptaitpasvraiment…L’honneurétaitsauf.

    Plusqu’àsavoircommentréagir,maintenant.Leplussageseraitprobablementdeleréveilleretdelerenvoyer chez lui,mais ce serait sepriverdupaysagequ’il avait à luioffrir.Quelmaly avait-il à lemater encore quelquesminutes, hein ?Ce type était sexy commepas deux avec samâchoire rasée defrais,sespommettessaillantesetsesépaulescarrées.Sansparlerdesapeau,hâlée,fineettenduesurson

  • corps musculeux… Elle découvrait même dans ses cheveux ébouriffés quelques mèches plus claires,commed’onctueuxrubansdechocolataulait.

    Endormi,ilsemblaitcalme,paisible,làoù,éveillé,ilsemontraittoujoursalerteetméfiant,commecesmolossesàl’œilsuspicieuxquidévisagentlesinconnusengrognantl’airdedire:«Joueaucon,ettuvasvoir…»

    À son arrivée, il l’avait toisée de cemême regardméfiant,mais, au bout d’unmois, leur relationavait…évolué.LamenacelatentedanslesyeuxdeTaos’étaitmuéeenunsentimenttoutautre,toutaussiintense, et qui éveillait enRiley des envies qu’elle aurait préférées dormantes. Cette tension animaleentreeuxavaitl’aussitôtincitéeàrestersursesgardes:saraisonavaitdesratésdèsqu’untypeentraitdansl’équation,etsesdécisionsenlamatières’entrouvaientd’autantplusdiscutables…

    Etvoicique,cematin,elleallaitdevoirgérerlesconséquencesdecemanquedejugement.Sesgesteslentsetaussidiscretsquepossible,elleseglissahorsdulit.Lapiècetournoyadevantsesyeux,etuneflèchededouleurluitransperçalecrâne,luiarrachantungémissementqu’ellecontintàgrand-peine.LespaupièresdeTaopapillonnèrent,etilouvritlesyeux,révélantàRileydeuxirisd’ambresombre,chacunaussilisseetluisantqu’unœil-de-tigrefinementpoli.Leursregardssecroisèrent,etilseraiditaussitôt,interdit.Mais,bientôt, il toisasoncorpsnudu regard,etelle ressuscitaaussitôtenelle,cette flamme,cettetensionchaude,électrique,purementsexuelleetanimale.

    Elle aurait probablement dû ramasser sa robe échouée sur le sol pour couvrir son corps nu,maisvolerausecoursdesadignitéluisemblaitbienfutiledésormais:elleavaitabandonnélenaviredepuisdesheures.

    Rileydéglutit,etlaissaéchapperunclaquementdelangue.—Tuferaismieuxdetecasser.Il y avait plus sympa, comme accueil, mais existait-il vraiment une façon diplomate de virer

    quelqu’undesapiaule?Ilhaussalentementunsourcilbrun,maisrestasilencieux.—Onoublieetonpasseàautrechose,OK?luiproposa-t-elle.—Onoublie?répéta-t-ild’unevoixgraveetérailléeparlesommeilquiéveillachezRileyquelques

    fourmillementsmalvenus.—Personnen’aà lesavoir.Onestgrands,non?Onpeuts’envoyeren l’airunenuitsansenfaire

    touteunehistoire.Elleavaitbienconsciencequ’ellecroiseraitTaotouslesjours,ravivantchaquefoisdanssonesprit

    lesouvenirfiévreuxdesaqueueenelle,maisellepourraitgérer.Vraiment.Elles’ensentaitcapable.Ilfronçalessourcilsetladévisageaquelquessecondes.—OK,lâcha-t-ilenfin.Onoublie.—Parfait.(Ellesepassaunemaindanslescheveux.)SavannahetDextervontarriverd’uneminuteà

    l’autre.Quandjesorsdeladouche,tun’espluslà,compris?Avantqu’ilaitpurépondrequoiquecesoit,elleseretournaetfiladanslasalledebainsenrefermant

    la porte derrière elle. Vacillante, elle manqua de s’effondrer près de la vasque : de toute évidence,marcherallaitêtrecompliquépourelle,aujourd’hui…Ilfallaitvraimentqu’elles’allonge,bordel…Pourtoujours,sipossible.

    Sonrefletdans lemiroir lui tiraunegrimace:elleavait levisagebarbouillédemascara, lesyeuxveinésdesangetsescheveuxavaientdesairssauvagesdenidd’oiseau.

    C’étaitdécidé:elleneboiraitplusjamaisdesavie.Jamais.Et,cettefois,ellelepensait.Ellefarfouilladanslemeubleàpharmacieàlarecherchedeparacétamoletenavaladeuxcomprimés

    qu’elle fit descendre avec quelques gorgées de flotte du robinet. Croisant de nouveau son reflet, elle

  • fronçalessourcils :c’étaitquoi,cesbleus?Et…non,unemarquedemorsuredanslecou?Taoétaitvraimentsiblindéqueça?Quellemerde…

    Sachantqu’àmoinsdevouloirseponcerlapeaujusqu’ausang,l’eaunesuffiraitpasàladébarrasserdu mascara, Riley récupéra une lingette démaquillante et commença à se nettoyer en se maudissantd’avoirétéaussistu…

    La porte percuta le mur avec fracas, la faisant sursauter. Elle fit volte-face, envoyant la piècetourbillonnerdeplusbelledevantsesyeux,ets’arrêtamaladroitement,àdeuxdoigtsdes’effondrer:Taosetenaitdansl’encadrementdelaporte,vêtudesonseuljeandéboutonné…

    Ils s’entre-regardèrent de longues secondes sans rien dire, Tao figé en une posture prédatriceintimidantedontsedégageaituneassuranceinébranlabledoubléed’une«badassitude»intenablepourlalibidodeRiley:lemotavaitbeaunepasexister,elletrouvaitqu’ilcollaitparfaitementàlasituation…

    Ellelecongédiad’ungestedelamain.—Dégage,yarienàvoirici,cracha-t-elle,cinglante.Les mâchoires serrées, Tao ferma la porte d’un coup de pied et vint se planter devant elle, les

    musclesroulantsoussapeaunueetlesépaulesdélicieusementtenduessursontorseciselé.—C’estbon,t’asfinidegerbertesconneries,onpeutparlersérieusement?grogna-t-ilenlaplaquant

    contre la vasque, lui enserrant les bras de ses mains puissantes. T’as aucune envie d’oublier la nuitdernière,Riley.T’asqu’uneenvie,c’estremettreça,etpasqu’uneputaindefois.Ettusaisquoi?C’estplutôtunebonnechose,parcequec’estexactementcequejeveux,moiaussi.

    Hmm…disonsqu’elleauraitpuêtretoutàfaitséduiteparceprogramme,sicetypeneladétestaitpas si ouvertement le reste du temps. C’est qu’elle avait sa fierté ! Même le corbeau en elledésapprouvait,malgrésondésirdévorantpourTao.

    —Écoute,ons’estbienéclatés,mais…—On s’est bien plus qu’éclatés. (Ilmordilla soudain la lèvre inférieure pulpeuse deRiley.) J’ai

    encorelegoûtdetonsexesurlalangue,lasensationd’êtreentoi.Situcroisquejevaisclaquerlaporteetoublierteslèvresbrûlantes,tongoûtdemieletlebienqueçam’afaitdejouirentoi,tudélires,Riley.

    Elledélirait?Possible,vuquec’étaitvraimentladernièrechosequ’ellel’avaitimaginédireaprèscequis’étaitpasséentreeux…

    —T’étaiscenséregrettertanuitavecmoi…Ilgrimaça,perplexe.—Regretter?—Jepensaisquetuleregretterais,oui.—Ben,tut’esplantée.Jeregretterien,etj’aipasl’intentiond’oublierquoiquecesoit.(Duboutdu

    nez,iltaquinaceluideRiley.)Ettusaisquoi?Jetelaisseraipasl’oubliernonplus.

  • CHAPITRE2

    Taoempoignait leplateaudemarbrede la salledebains, réprimantdepeu l’enviede toucher,delaperetdeprendrecequ’ilavaitsouslesyeux.Saqueuebrûlanteétaitsidurequemarcherluifaisaitunmaldechien.Forcément : lapersonnificationde tousses fantasmesse tenaitenfacede lui, totalementnue,alléchante.Unetensionélectriquesaturaitl’airautourd’eux,unebraisedepureénergiesexuellequiconsumaitpeuàpeuetdangereusementsaraison,sibienqueseretenirdebaisserlesyeuxsurlesseinsenivrantsdesaproiemettaitsadéterminationausupplice.

    Il avait eu envie de Riley Porter au premier regard, et, depuis, il brûlait de goûter sa boucheprovocante,d’empoignersescheveuxbrunslustrésetderiverleregarddanssesyeuxd’améthystetandisqu’elle hurlait, ravagée par l’orgasme. Il avait, dès sa rencontre, voulu explorer desmains ses fessespulpeusesetsesseinsgénéreux,lesmordre…Sabouche,toutdroitsortied’unfantasme,étaitpleineetsensuelle,alléchanteelleaussi.Letruc,c’étaitjustementqu’hiersoir,ivreàn’enplustenirdebout,toutcela,ill’avaitfait…

    Iln’avaitpaslamoindreidéedecommentilsétaientarrivésdanscettepiaule,maisilsesouvenaittrèsbiend’avoirdébarrassépromptementRileydesarobe,del’avoirjetéesurlelit,delasensationdeseslèvresbrûlantesenserrantsaqueue,desesmainsquiluiagrippaientlescheveux,desesonglesacérésquilacéraientpresquesachairetdesestalonsquibattaientlerythmedeleursébatsaubasdesondos.

    Mémorable,lecadeaud’anniversaire…Rienqued’yrepenser,sonsexelelançaitàl’enfairemal.Ilavaitbeauavoirl’estomacenvrac,un

    goûtdemerdedanslaboucheetl’impressiondes’êtreprisunparpaingsurlecoindelagueule,iln’avaitqu’uneenvie:lapénétreretlaprendresauvagement.Putain…ilsuffisaitqu’ilsentesonodeurpouravoirenviedelaprendre…Elleexhalaitd’intensessenteursdefruitsrouges,delaitdecocoetdeviceteintédedentellenoirequilesattiraitcommeunaimant,sonloupetlui.

    Au début, la bête en lui avait été agacée car elle ne cessait d’éprouver sa patience, n’acceptantd’autreautoritéquelasiennepropre.Mais,aufildutemps,ellelesavaitséduitstouslesdeux,sonloupetlui:savivacitéd’esprit,sonintrépiditéetl’instinctdeprotectiondontelleavaitfaitmontreauprèsdesdeuxjeunesautresréfugiésavaienteuraisondeleursréticences.

    —T’asjamaisvudeseins,Tao?Il ne s’étaitmême pas rendu compte qu’il lesmatait depuis plusieurs secondes. Il se résolut à la

    regarderdanslesyeux.—Jamaisd’aussitendus.—Tuveuxvoirquelquechosedevraimenttendu,baisselesyeuxverstaqueue.Putain!ilnel’avaitpasvuvenir,celle-là…Rileysemassalestempes.—Écoute,onpapoteraplustard,OK?Jenesuispassûred’êtreassezfonctionnellepourça,là.Tantmieux:çaluidonnaitl’ascendantsurelle.—Non,onpapotemaintenant.Lanuitdernièren’avaitriend’uneerreur,Riley,çanouspendaitaunez

    depuisnotrerencontre.Tulesaisaussibienquemoi.(Ilcaressadupoucelatracedemorsureaucreuxdel’épauledeRiley,etsonlouplâchaungrognementdeplaisir,séduitd’avoirapposésamarquesurlapeauducorbeau.)Etlepire,Riley,c’estquet’esàdeskilomètresd’êtremongenredepoupée…

  • Vexée,ellehaussaunsourcil.—Tulespréfèresgonflables?—Non,jelespréfèremoinsdangereuses.T’asl’airinoffensive,commeça,maisjesaisreconnaître

    unniddegalèresquandj’envoisun.(Iltapotaleboutdesonnez)Ettoi,MissCorbac,t’estropbarréepourpasattirerlesemmerdes…

    Ellesourit.—Barrée?Tum’avaisjamaisrienditd’aussigentil,disdonc…Tao serra les mâchoires : rien ne semblait pouvoir la foutre en rogne. C’était plutôt une chance

    d’ailleurs,carmettreuncorbeauenpétardn’avaitriendebienjudicieux,étantdonnéquelescorbeaux,féroces et revanchards, étaient des combattants vicieux qui se plaisaient à lacérer le visage de leursadversaires.Rileysemblaitsemaîtriseràmerveille,maisTaonedoutaitpasquelejouroùelleperdraitpatience il y aurait du sang et des larmes. Il devait d’ailleurs reconnaître que son petit côté perversmouraitd’envied’assisterauspectacle…

    —Concernant les risques que je représente, par contre, rien de nouveau sous le soleil : tume lerabâchesdepuismonarrivéeici.C’estmêmepourçaquetum’astoujourstraitéecommedelamerde.

    —Jeteconcèdequej’aidumalàgérerlechangementetque,monpremierréflexefaceàuninconnu,c’estdevouloirledégager.J’enchieaussipouraccordermaconfianceauxmétamorphesrenégats,maisça,jesuisloind’êtreleseul.(Laplupartdespariasl’étaientparcequeleursAlphaslesavaientbannispouravoircommisuncrimegrave,sibienqu’ilsfinissaientparbossercommemercenairespoursefaireunpeudebléetassurerleurprotection,encombrésparleurmauvaiseréputation.)Lefaitquetunem’aiespasditpourquoitun’avaispasdeclan,çan’apasvraimentaidé.Alors,ouais,jet’aitraitéecommedelamerde,mais,dèsquej’aivuquetunevoulaispasdemalàlameute,j’ailevélepied.

    —Maistunemefaistoujourspasconfiance,pasvrai?—Pastotalement.Jeneteconnaispasencoreassezpourça.(Taodoutaitd’ailleursquequiconque

    connaisseassezRileypourluifaireconfiance:elleétaitaussiinsaisissablequeduvif-argentetgardaittoutlemondeàbonnedistancepourprévenirtouteattacheémotionnelle.)Maissoishonnêteuneseconde,bébé:lafauteàqui?T’esaussiimpénétrablequ’Alcatraz.

    Nepasconnaîtreparfaitementcettefemellequ’ildésiraittantfoutaitsonloupenrogne.—Jene suispas si secrète ; je t’ai dit avoirmenti enprétextantque j’avaisbesoindeprotection

    quandjevousaidemandéasile,non?—Tunem’asrienditàproprementparler,rétorqua-t-ilaussitôt.Tuasconfesséquej’avaisraisonen

    disantque tun’étaispasdugenreà teplanquerdequoiquecesoit. J’aidevinéque tuavaisdemandéasileàlameutepourysuivrelesgosses,histoiredet’assurerqu’ilsseraientensécurité.

    VucommeRileys’étaitmontréeprotectricevis-à-visdeSavannahetDexter,Taoétaitconvaincuque,siellel’avaitestimédangereuxpourlesenfants,ellen’auraitpasintégrélameute.

    —Gardetessermons,c’estblessant,lança-t-elled’unairhautain.Quandjepensequejemesuisfaitchieràt’offriruncadeaud’anniversaire.

    —T’auraispu t’abstenir,c’estsûr.Qu’est-ceque tuveuxquejefouted’unkitpourpréparerde lasaucepiquantemaison?

    —Delasaucepiquantemaisonàlabière,s’ilteplaît.Taoréprimaunjuron.—Putain!Porter,ilesttroptôtpourcegenredegamineriesàlacon.Beaucouptroptôt.(Ilsepassa

    unemainsurlevisage.)T’esvenuesurTerrepourmemettreàl’épreuve,toi,putain…—Oh!lepauvrebichou…TuveuxallerpleurnicherdanslesjuponsdemamieGretchen?rétorqua-

    t-elleenutilisantlesurnomqu’elledonnaitàlagrand-mèredel’Alpha,Greta.Jesuissûrquetonbiberon

  • t’attend,avecdubonlolotoutchaud.—Gaffe,Riley,murmura-t-ilenunavertissementglacial.Jetedéconseilledetropmechercher.Et,

    au cas où t’en doutes, j’ai remarqué que tu essayais de changer de sujetmais hors de question qu’onoubliecequis’estpasséhiersoir,pasplusqu’onenresteralà.

    Surcesmots,iltournalestalonsetretournadanslachambre.Riley lui emboîta le pas, récupéra son peignoir sur la porte et l’enfila, non sans fusiller Tao du

    regard.—J’aimonmotàdirelà-dedans?—Passitucontinuesàmesortirtesconneries.(IlremontasafermetureÉclair,puiss’assitsurlelit

    où il enfila chaussettes et chaussures.) Je ne te laisserai nimementir ni te cacher toi-même la véritéconcernant ce qui se passe entre nous. Je ne te laisserai pas non plus nous insulter tous les deux enprétendantqueturegrettesnotrenuitensemble.

    —Jen’aijamaisditquejeleregrettais.—Situneleregrettespas,pourquoicetteretenue,alors?C’estquoil’idée?—Mais qu’est-ce que ça peut te foutre,merde ? répliqua-t-elle, exaspérée. Tu n’éprouves pas la

    moindreoncedesympathiepourmoi.—Non:jet’aifaitcroirequejenet’appréciaispas.Tameilleuredéfensequandlessentimentss’en

    mêlent,c’estdefairebarrage.(Taoavaitdûlaconvaincrequ’ilnereprésentaitaucundangerpourelle,defaçonqu’ellebaissesagarde.)Etjen’avaisaucuneenviequetuérigesunebarricadeentrenous.

    Rileyenrestabouchebée,esoncorbeauégalement.—Tut’esjouédemoi?C’estpresquemachiavélique,commeplan.Pourtoutdire,RileyétaitaussiadmirativequerespectueusedumachiavélismedelastratégiedeTao.

    Aufonddesonâme,soncorbeaus’inclinabienbas.—Jen’auraispaseuàlefairesanscefoutubouclierquetubrandisdèsquequelqu’unt’approche.Quelquepart,Rileyn’étaitpassidifficileàcernerauxyeuxdeTao:ellen’arboraitaucunmasque

    social,semblaitassumerpleinementsesdéfautsetaffichaità l’occasionuneréellesérénité,notammentfaceàl’adversité.Enrevanche,ellen’aimaitpasparlerd’elleets’entenaitàdesconversationstoujourssuperficielles.Audébut,ilavaitcruqu’elleavaitquelquechoseàcacher,quelquechosequi,peut-être,auraitpureprésenterundangerpourlameute,maisils’étaitviterenducomptequelaréalitéétaitbienmoinscomplexe.

    —Iln’yaqu’unepoignéed’éluspouravoirledroitdet’approcher:Makenna,SavannahetDexter,pournepaslesciter.

    —Pourquoiperdretontempsavecmoi,alors?—Parcequetesdéfensesm’énervent,Riley,etquejeveuxlesfairetomber:ellessemettententre

    moietcequejeveux.Rileysentaitsoncœurtambourinercontresescôtes.—Jenecomprendstoujourspaspourquoitut’obstines.Commetuteplaisàmelerappeler,jetetape

    surlesystème.—Oui, et tu le fais sciemmentpourme tenir àdistance,objecta-t-il. (Elle avaitbeau ledéfier, le

    contredire,leprendredehaut,leprovoquer,Taoladésiraitàencrever.Ellel’enflammaitcorpsetâmecommeaucunefemelleavantelle.)Maisc’estterminé,Riley.

    Taosavaitqu’ilseplantaitdestratégie.Rileydevaitêtreapprochéecommeonapprocheuncorbeauen pleine rage de sang, en redoublant de prudence et de précaution, de la façon la moinsmenaçantepossible.Pasunesecondel’oiseaunoirnedevaitsedouterqueTaotentaitdel’emprisonner,sansquoiils’envolerait, emportant avec lui ses espoirs de chasseur. Le problème, c’était que Tao n’avait ni la

  • patiencenilasubtiliténécessaireàcegenred’approche.Quiplusest,donneràRileyletempsdeselaisseralleràsondésirpourluiétaitvouéàl’échec.Elle

    profiteraitdelatrêvepourcimenterlerempartqu’elleavaitlevéentreeuxenleprovoquantàlapremièreoccasion.Ilneluienlaisseraitpasleluxe.

    Un téléphone sonna, et ils se raidirent tous deux. Fouillant la pièce du regard, Tao finit pars’accroupirpourrécupérersouslelitletéléphonedeRiley.Unprénoms’affichaitsurl’écran.

    —Lucy, annonça-t-il dans unmurmure grondant. (Riley tendit lamain, les dents serrées, et il luirenditsontéléphone.)Tupeuxm’expliquerpourquoitureçoisuncoupdefild’unmembredetonanciennevolée?

    —Sijesavaispourquoilesgensm’appellentavantdedécrocher,jen’auraispasbesoindetéléph…Hé!attendsunpeu…commenttusaisqueLucyestdelavolée?

    Ilenfilasachemiseetesquissaunsourire.— Chérie… tu pensais vraiment que j’accepterais une inconnue dans la meute, la mienne, sans

    enquêterunpeusurelle?Découvrird’oùvenaitRileyetobtenirdesinformationssursavoléen’avaitpasétéfacile;ilavaitdû

    redoublerd’effortsetsolliciternombredesescontacts,et,mêmeaprèsdesmoisderecherches,ilrestaitencoredeszonesd’ombre.

    Rileyseraidit,méfiante.—Ettuasdécouvertquoiexactement?Illuiadressaunsourireénigmatique.—Assez.Tiensdonc…etçavoulaitdirequoi,ça,aujuste?NonqueRileycached’indiciblessecrets,mais,

    commetoutunchacun,elleavaitunoudeuxsquelettesdansleplacard.LefaitqueTaopûtêtreaucourantlamettaitmalàl’aise,larendaitvulnérable.Commes’ill’avaitprivéedesonmasque.

    —Jenefouinaispasdansteshistoirespourtemanquerderespect,etencoremoinspourteblesser,Riley.Jevoulaisjustem’assurerquelesmembresdemameuteétaientensécurité.Defait,jen’auraispaseuàlefairesi t’avaispasfaitdetonpasséunsecretinavouable.(IlposalesmainssurlesépaulesdeRiley.)Jen’airiendécouvertquetupourraisqualifierd’intime,rienquedesinformationssommairessurta volée. Les détails de ta vie, je ne veux les apprendre de la bouche de personne d’autre que toi.Compris?

    Ellenecomprenaitpasvraiment,non,parcequ’ellen’arrivaitpasàsaisircequ’ilattendaitd’elle.Ilvoulaitquoi,aujuste?Unesex-friend?Uneaventure?Secaser?

    Elledéglutit.—T’attendsquoidemoi,aujuste?Taoredessinad’undoigtlacourbedesonmenton.—Pas d’engagement, bébé, en tout cas.Avecmoi, les histoires sérieuses finissentmal. Toujours.

    (Sonpassésentimentalétaitjalonnédestressetdeconflits;pasétonnantpourunsalaudquin’avaitpaslamoindre idéedecommenton rendquelqu’unheureux.)Le truc,c’estcequ’on feraitunebellepaired’autruchessionprétendaitquenotrehistoires’arrêteici.Alorsonlaisseleschosessefaire…Cequejete demande, par contre, c’est de t’ouvrir au moins un peu à moi, parce qu’une histoire froide etimpersonnellej’enauraisclairementrienàfoutre.

    Tao l’observait sans ciller tandis qu’elle soutenait son regard, méfiante, essayant de jauger sasincérité.Çan’iraitpassansétincelles,c’estsûr,mais…

    —OK,j’accepte.Ilbattitdespaupières,incrédule.

  • —Tuacceptes?Ellehaussalesépaules.—J’aimeleculet,dupeuquejemesouviennedecettenuit,t’esplutôtdouéaupieu…Taos’étaitattenduàunescène,vuqueRileysemblaitprendreplaisiràlefairetournerenbourriqueà

    lapremièreoccasion.Pourtoutdire,elleluiétaitassezimprévisible,etilavaitsouventdumalàdevinercequiluipassaitparlatête…

    Satisfaitdesaréponse,sonloupsedétenditquelquepeu.Tao,enrevanche,l’avaitunpeumauvaise.—Jesuisnettementplusque«plutôtdoué»aupieu.—Ah?Çanem’apasfrappée,désolée.Ilserenfrogna.—Laprochainefoisquejeteprendrai,tuterendrasviteàl’év…Laportedelachambres’ouvritsoudainetdeuxgaminsdébarquèrentdanslapièce.Sitôtarrivés,ils

    seraidirentetdévisagèrentRileyetTao.Lamétamorphecorbeaus’efforçadeleuroffrirunsourirejovial.—Coucou,vousdeux!(Ellesepenchaetlesgâtachacund’unbaisersurlajoue.)Lavésethabillés,

    àcequejevois.Bravo!Savannahgrimaça.—Tusensbizarre.Ett’asdunoirtoutpartoutsurtonvisage.C’estvraiqu’ellen’avaitpasfinidenettoyersonmascara…—Tout à fait, et c’est pour ça que j’ai besoin de filer sous la douche. (Son téléphone se remit à

    sonner.)Jevousrejoinsdanslacuisinedanspaslongtemps,OK?Dexteracquiesçaàcontrecœur,etRileyébouriffasatignassedebouclesblondesavantdetournerles

    talons.Tao la suivit du regard tandis qu’elle retournait dans la salle de bains. Il aurait aimé s’attarder et

    laissertraînerl’oreille–lecoupdefill’intriguait–,maisilsecontentadeseretournerverslesgaminsquilevaientlesyeuxverslui.Savannahrivaitsurluisonregarddoréetimpavide;malgrésesquatreans,l’espiègle métamorphe serpent se montrait d’une intrépidité désarmante. De toute évidence, elleconsidéraitTaocommeunennemi,réactionlégitimevul’hostilitédontilavaitfaitpreuveàleurégardlejourdeleurarrivée.

    NonqueTaon’aimepaslesenfants,ilcraignaitsimplementquecesdeux-làs’enprennentaufilsdeTaryn et Trey, Kye, d’autant plus que Dexter, métamorphe guépard, pouvait – déjà – en partie setransformer…Pourautant,Taos’étaitrapidementattachéàeuxet,pourêtrehonnête,ils’envoulaitdelesavoirtraitésavecautantdeméfianceàleurarrivée.

    Ils’éclaircitlagorge.—Salut.Legaminguépardsortitdesapocheuncookieémiettéàdemientaméetleluitendit.Vuleshabitudes

    desurvivantqu’avaitgardéDexter,quisavaitdepuiscombiendetempslebiscuittraînaitlà.Taoleprittoutdemême,parpolitesse.

    —Merci,petitgars.Dexter,dugenretaiseux,secontentadehocherlatête.ContrairementàSavannah,duhautdesesdeux

    ans,lepetitmétamorphesemblaitapprécierdeplusenplusTao.—Pourquoi t’esdans la chambredeRiley?demandaSavannahd’unair suspect, sesdeuxpetites

    nattescaramelbondissantlorsqu’elleinclinalégèrementlatêtesurlecôté.Lagaminesemontraitprotectriceàl’excèsavecRiley.—J’avaisuntrucàluidire.Sivousalliezl’attendredanslacuisine?JesuissûrqueGraceadéjà

  • préparévotrepetitdéjeuner.(Savannahnelelâchapasdesyeux,necillamêmepas.)JenecomptepasfairedemalàRiley,OK?

    —T’asgrognésurelle.Tuluigrognestoutletempsaprès,même.(Ellegrimaça.)T’esméchant.—Ça n’arriverait pas si elle nem’y poussait pas exprès…Oh ! et puis, vous savez quoi ? peu

    importe,allezprendrevotrepetitdéj.Rileyn’enapaspourlongtemps.Tao les guidahors de la chambre et referma la porte derrière eux.Non sans avoir jeté undernier

    regardméfiantaupremierlieutenant,SavannahpritlamaindeDexteret,marchantquelquespasdevantTao,leguidajusqu’àl’échelleinstalléeauboutdutunnel.D’uneagilitédéroutante,lesgossesgravirentsans mal les échelons en métal noir. Une fois au rez-de-chaussée, les enfants empruntèrent le tunnelmenantàlacuisine,tandisqueTaos’engouffraitdansceluiquifilaitverssachambre.Commeilnecroisaaucundesescamaradesdemeute,ilenconclutqu’ilsétaientdéjàprobablementtousdanslacuisine.

    Aprèsunedoucherapideetuneprisevitaledeparacétamol, ils’habillaetpartitàsontourpourlacuisine.Sitôtentrédanslapièce,ilsentitsonestomacgronderàlavueetàl’odeurdesmetsalléchantsdisposéssur la table :œufsbrouillés,bacon,paingrillé, fruits,céréales,biscuitsetsauceà laviande,pourn’enciterquequelques-uns.Grace,lacuisinièredelameuteetauthentiquemèrepoule,s’affairaitaufourneau,tandisquelerestedelameuteétaitattablé.

    Taos’affalasurunechaiseetremplitsonassiettedenourritureenbalayantlapièceduregard.Rileyn’était pas encore arrivée. Il grimaça. Nombre de ses camarades de meute semblaient souffrir d’unegueuledeboisdetouslesdiables,etnotammentZac,lecousindeRyan.L’adon’avaiteudroitqu’àunebière,maisildonnaitl’impressiond’avoirétéarrachéàsatombe.

    Makenna,elleaussi,semblaitsouffrirpourdeux.ElleremplissaitlesassiettesdeSavannahetDexter,levisagebouffietlesyeuxcreusésdecernesprofonds.Elleconnaissaitbienlesgosses;ellebossaitaufoyerpoursans-abrioùilscréchaientavantqueRileylesescortejusqu’icipourytrouverrefuge.

    Lilah,lapetitedeGraceetRhett,applaudissait,hilare,àuneremarquedeKye,etc’étaitàpeinesitouslesconvivesattabléssupportaientseséclatseuphoriquessansgrimacerdedouleur.

    Jaimesebouchalesoreillesdesdeuxmains,presqueauborddeslarmes.—Lesonn’estquedouleur…Dantesemitàluimasserlestempes.LesBetas,quiseconnaissaientdepuisl’enfance,formaientun

    coupleextrêmementfusionnel.—Alors,cetanniversaire?Çat’aplu?demandaDanteàTao.Taoacquiesça.—Merciàtouspourlafêteetlescadeaux.Tousluiadressèrentdessouriresdouloureux,àl’exceptiondufrèredeJaime,Gabe.Latêteéchouée

    surlatable,ilréponditauxremerciementsdeTaod’ungestedemainmollasson.Voulait-illesaluerouleverlepouceensigned’acquiescement?Durdelesavoir.

    — J’espère que le gâteau queGrace etmoi t’avons préparé t’a plu, lançaHope, la compagne deGabe.

    —Ilenreste,d’ailleurs,commentaGreta.Marcusrelevaaussitôtlatête.—Ilrestedugâteau?Lelieutenantmangeaitcommeunogreet,commesacompagne,Roni,lieutenanteelleaussi,ilvénérait

    lapâtisseriepar-dessustout.—Tul’asdéjàpresquedescenduàtoitoutseul…,seplaignitLydia.MarcusadressaunsignedetêteàCam.—Ilvasecasserlagueule,là,non?

  • Soncompagnonendormiétait àcepointaffalé sur sachaisequ’ildonnait l’impressiondepouvoirtomberd’unesecondeàl’autre.Ellehaussalesépaules,l’airdedirequ’elleétaittropépuiséepouraidersonhomme.

    Tout endiscutant avec sesAlphas,TarynetTrey,Tao tendait l’oreille, guettant l’arrivéedeRiley.Lorsqu’elle arriva, vingt minutes plus tard, et se dirigea vers la table, il observa ses moindresmouvements.Iladoraitlaregardermarcher.Sonpasfluideetgracieuxdeprédatriceendisaitlongsursonassurance,sonhabiletéaucombat,etlefaitqu’ilvalaitmieuxnepasl’emmerder.

    Illaregardafixementtandisqu’elleprenaitplaceàcôtédeMakenna.Ill’avaitassezobservée–bienplusquenécessaire,àdirevrai…–poursavoirdiscernersonhumeur,maisriendansl’expressiondesonvisagenetrahissaitlaréactionqu’avaitpususciterchezellelerécentcoupdetéléphone.Avait-elleétéinformée d’unemauvaise nouvelle ?Quelqu’un avait été blessé, peut-être ? Lui avait-on demandé deréintégrerlavolée?

    Les questions affluaient toujours plus nombreuses dans son esprit, sachant qu’il ne lui en poseraitaucunedevantlameute.Etpuisc’étaitàellededécidersiellevoulaitpartagerounoncetteinformation.S’ilconnaissaitRileyautantqu’illepensait,d’ailleurs,autantnerienattendred’elle…

    Riley se versa un café et croisa le regard scrutateur deTao, assis à l’autre bout de la table. Elle

    l’avaitsentiqui luibrûlait lapeaucommeuntisonsitôtqu’elleétaitentréedans lapièce.D’unregardinflexible, elle l’avaitdéfiédeparlerducoupde téléphonedeLucy– il le ferait tôtou tard,de toutefaçon –, mais elle savait qu’interdire quoi que ce soit à Tao Lukas était peine perdue : le premierlieutenantn’avaitbesoindel’avaldepersonnepouragircommebonluisemblait.

    —Jeneboiraiplusjamaisdemavie,lâchaTaryn,lesyeuxfermés.Malgrésapetitetaille,iln’yavaitpasplusalphaquelajeunefemmeblonde,etlecorbeaudeRiley

    respectaitauplushautpointl’autoritéetladominancequ’elledégageaitenpermanence.—Jemesuis jurélamêmechoseilyavingtminutes,renchéritRiley,refusantd’unmouvementde

    têtelepaingrilléoffertparMakenna.(Sonestomacdésapprouvaitactivementl’idéedetouteingestiondenourriture.)Jesuisjalousedetevoiraussienforme,lança-t-elleàlaseulefemmelieutenantdelameute.

    Ronibeurraitsatartine.—J’aisimplementbumoinsquevous.—T’étaistropoccupéeaveclegâteau,commentaJaime.Ronigrimaça.— Je suis la compagne deMarcus, je te rappelle. Si tu n’apprends pas à te jeter très vite sur le

    gâteau,tun’enavalespasunemiette.Marcussourit,lesyeuxrieurs.Jaimelevaunemain.— Les filles, je propose que nous concluions un pacte ici même : promettons de ne plus jamais

    toucherdenotrevieunebouteilledetequila.Makennaacquiesça.—Çanepourranousfairequedubien.Ryan grogna son accord à sa compagne. Tout dumoins, c’est l’interprétation que fit Riley de son

    borborygme. Ryan ne parlait quasi jamais à l’exception de quelques grondements que seuleMakennasemblaitcapabled’interpréter.

    —Rassurez-moi, intervintTrey.Vousn’êtespasnaïvesaupointdecroirequevousne le romprezjamais,votrepacte?

    Contrairement à sa femelle, Trey était un colosse. Pour autant, si différents qu’ils fussentphysiquement,Rileylestrouvaittouslesdeuxaussicinglés…

  • —Dexter,c’estinterdit!piaillaKye.Rileysetournaverslepetitguépardetgrogna.Ilgavaitsespochesdenourriture.—Dexter, s’il teplaît,arrêteça, tuveux? (Il remit lebaconsur la table,etelle le remerciad’un

    sourire.)Merci.Bienentendu,ellesedoutaitqu’illeremettraitdanssapochesitôtqu’elletourneraitlatête.Zacreculasachaiseetseleva.—L’odeurdebouffevametuer.Ilmefautuntroubiennoiretsilencieuxpouragoniserenpaix,là.Surleseuil,ilcroisalaroutedePatrick–unautrelieutenantplusfouille-merdeencorequeRiley–,

    etilséchangèrentungestedesalutation.Tricks’assitàtable,balayal’assembléeduregardetesquissaunrictusmoqueur.—Lagaleriedetronches…OndiraitlalogedesfigurantsdeL’Arméedesmorts.Tarynlefusilladuregard.—Pasdegueuledebois,toi?Trickhaussalesépaules.—C’estpaslegenredelamaison.—Ben,t’esunputaindeveinard…,lâchaRileyensepassantunemaindanslescheveux.J’aimerais

    pouvoirdirequejevaismieuxquej’enail’air,perso.—T’assurtoutl’aircanon,lacomplimentaDominicavecunsourireespiègle.Canoncommeunmenu

    defast-foodTuviensdansmacaisse,quejetelèchelesnuggets?Jaimegloussa,Taogronda,etlesautresgrognèrent.Dominicsespécialisaitdansdesrépliquesaussisalacesquecrétinesqu’ilservaitdepréférenceaux

    femellescaséesouqui le seraientbientôt.Sesmétaphoresavaient tendanceà taper sur le systèmedesmâles concernés, les métamorphes étant connus pour leur possessivité proverbiale. Pourtant, Rileytrouvaitlelieutenantblondplutôtamusant.Etmignon.

    LorsqueDominicouvritlabouchepoursurenchérir,Taol’interrompitd’ungrognement.—Dom,assez.SurpriseparlavéhémenceaffichéeparTao,Rileyledéfiaduregard.— Hé ! détends-toi, Maugrim, le provoqua-t-elle, usant sciemment de ce surnom qu’il détestait,

    directementinspiréduloupdeNarnia.LeregardcoléreuxdeTaoexcitasoncorbeaucommejamais.—Tumecassessérieusementlescouilles,Porter,gronda-t-il.Rileyluiréponditparunsourire.—Tunedevraispastolérercegenredeprovocation,Tao,protestaGreta.La vieille n’aimait pas Riley pour deux raisons. En plus d’être un corbeau, elle n’avait pas de

    compagnon.Gretanevoyaitpasd’unbonœilque les femelles seules traînentautourde sesgarçons–Trey,Dante,Taoet lesquatrelieutenantsmâles–etfaisaitchaquefoissonpossiblepourleseffrayer,dansl’espoirdelesvoirdéposerlesarmes.CommeTao,PatricketDominicn’avaientpasdefemelle,ellebrûlaitdevoirRileydisparaître.

    —Uncorbeaun’arienàfaireici,seplaignitGreta.Elleestaussigrossièreetirrespectueusequecestroisdévergondées,ajouta-t-elleendésignantTaryn,JaimeetMakenna.

    Ellen’étaitpasmoinsdureaveccesdernièresquelorsqu’ellesn’avaientpasencoredemâle.Roni,elle, avait réussi à s’attirer malicieusement l’affection de Greta, ce qu’une bonne partie de la meutetrouvaitàsetapersurlescuisses.

    Rileysirotauneautregorgéedecafé.— Je pensais que vous être trouvé vous-même un petit copain vous aurait rendu de meilleure

  • humeur…Gretaouvritgrandlabouche.—Allenn’est pasmon…petit copain, contesta-t-elle enbalbutiant.Nous aimonspasserdu temps

    ensemble,voilàtout.—Entendu,acquiesçaRileyd’unevoixtraînanteenluiadressantunclind’œilinsolent.Allenétait l’oncledeCamet,pourdes raisonsquiéchappaientàRiley, iln’avaitd’yeuxquepour

    Greta.Rileynecomprenaitpascommentquiconquepouvaitêtreattiréparcettedernière,mais,aprèstout,chacunsesgoûts.

    Leslèvrespincées,Gretafronçalessourcils.—Jenesuispas idioteaupointd’oublierquec’est toiqui, lapremière, l’aspousséàm’inviterà

    dîner…Rileyesquissaunnouveausourire.—Commejeleluiaidit,maseulemotivation,c’estquevoussoyezheureuse…Cequ’elledésirait,àlavérité,c’étaitfairepayeràGretasoncomportementabjectavecSavannah.La

    petitel’avaitmordue,unefois–uneseuleetuniquefois!–ausang,et,depuis,Gretan’avaitdecessedes’enplaindrepour lafaireculpabiliser.Gretaétaitgênéeaupossiblepar lesélansmanifestesd’Allen,quitentaitsanscessedelaséduire,sibienqu’elleviraitchaquefoisàl’écarlate.Lafauteàsapruderiecrasse,probablement.

    —Tut’esjouéedelui,certes,maismoijevoisclairdanstonjeu,rétorquaGreta,méprisante.Tun’esqu’unefouteusedemerde!

    Rileyposasatasse.—Écoutez,Gretchen…—Greta!—Peuimporte.Gretas’apprêtaitàfulminer,quandMakennasepenchaàl’oreilledeRiley.—Tucomptesl’appelerparsonvraiprénomunjour?—C’estpeuprobable,réponditRiley.Ellen’allait pas sepriverdumeilleurmoyenqu’elle avait trouvéde rendre encoreplus chèvre la

    vieillebique.Savannahsiffladefaçonmenaçanteàl’attentiondeGreta,etlesautresgosseséclatèrentderire.D’ungestethéâtral,GretaplaqualapaumesursoncouetsetournaversRiley.—N’as-tudoncaucuneautoritésurcettegamine?C’estunpoison,riendemoins.Rileysoupira.—Vousvoulezvraimentqu’onremettelecouvert?—Celadit, avec toi pour seulemodèle, je nedevraispas être étonnéequ’elle se comporte ainsi,

    l’assaillitGreta, incisive.Regarde-toi,bonsang!Tuescenséet’occuperd’eux,et tu t’enivres toutelanuitcommesitun’avaisderesponsabilitésquevis-à-visdetoi-même.

    Rileylâchaunpetitrire.—Mesexcuses,madame,mais jen’aipasde leçonà recevoirdequelqu’undont lespoilsdenez

    dépassent.Tarynmanquad’avalersadernièrebouchéede travers,etGretavomitsonamertumesur lafemelle

    alpha,latraitantdetouslesnoms.—Bienenvoyé,souritMakenna.Maisçanesuffirapaspourqu’elletedétesteplusquemoi.—T’essûre?Merdealors…(LorsqueTaoselevaetquittalapièce,Rileysepenchaàl’oreillede

    Makenna.)Tupensespouvoirt’occuperdesenfantsquelquesheures?J’aideuxoutroistrucsàfaire.

  • Ellesegardad’ajouterqu’ellecomptaitquitterleterritoiredelameute.Makennaauraitinsistépourqu’onl’escorte,etellevoulaitserendreseuleàsonrendez-vous.

    —Biensûr,réponditMakennad’untondécontracté.J’adorepasserdutempsaveceux,etilsadorentseservirdeRyancommed’unmurd’escalade.

    Etlelieutenantnebronchaitjamais.Non,ilrestaitlà,silencieux,imperturbable…Égalàlui-même,ensomme.

    Lorsqu’elleeutterminésonpetitdéjeuneretaprèsavoirdemandéauxenfantsdeménagerMakennaetRyan,Rileys’aventuradansledédaledetunnelsducomplexe.Unefoisàl’airlibre,elledescenditlesmarchesqui,creuséesàflancdemontagne,menaientjusquesurleparking.Làétaientgarésdesvéhiculesdelameute,enlibreaccèspourchacundesesmembres.RileysedirigeaversleSUVleplusproche…auquelétaitadosséTao.

    Illuiouvritlaportièrecôtépassager.—Alors,onvaoù?Ellesoupira.—Jen’auraipasbesoindetesservices,merci.— Tu ne peux pas y aller seule, Riley. Ce n’est plus possible ; pour aucun d’entre nous. Les

    groupusculesanti-métamorphessefontdeplusenplushostiles.Aucasoùtul’auraisoublié,ilsvoulaientlatêtedeDexterilyaquelquesmoisàpeine.

    Comment aurait-elle pu l’oublier ? Le gosse de deux ans survivait alors seul dans les rues, senourrissantd’ordures.Combiende tempsavait-ilvécuainsi avantqu’on ledécouvre?Personnene lesavait.Iln’avaitexistéauxyeuxdesservicessociauxqu’aprèsqu’unevidéodeluiàdemimétamorphoséavaitétépostéesurYouTube.Leclipn’avaitpaséchappéauxgroupementsanti-métamorphes,quiavaientappelé la population à l’abattre comme un chien enragé. Heureusement, les services sociaux avaientréussiàleconfieràunrefugedemétamorphessolitaires.

    —N’essaiepasdemedissuader.Tusaisquec’estpeineperdue.—Écoute,jenesuispasentraindefaireuncaprice.Lucynem’apasditpourquoiellevoulaitme

    voir.Sic’estpersonnel,ellenemedirarienentaprésence.—Peut-être,maissafrustrationm’importemoinsquetasécurité.Taonebronchaitpas,auréoléd’unedéterminationfarouche.Rileylâchaunnouveausoupir.—Jeveuxbienquetuviennes,maisseulementsituacceptesderesterdanslavoiture.Commeça,je

    pourrailuiparlerenprivé,ettoitupourrast’assurerquejevaisbien.Toutlemondeestgagnant.Ilesquissaunrictuspensif,pesantlepouretlecontre.—D’accord,j’attendraidansleSUV.Rileysedirigeaverslevéhicule,nonsansadresseràTaounregardsuspect.—Tuescoopératif…C’estlouche.Çaneteressemblepas.—Oh!jesaismefairecoopératif…quandçamepermetd’arriveràmesfins.Or,pourl’heure,toutcequesouhaitaitTao,c’étaits’installersurlesiègepassager.Enrésumé,pourlui,toutallaitpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.

  • CHAPITRE3

    Nichée dans un box aménagé près de la fenêtre, Riley scrutait les alentours à travers la vitre enpianotantnerveusementsurleplateauégratignédelatable.D’ici,elleavaitunevuedégagéesurlarueetle parkingdu resto.Pour l’heure, elle n’avait pas perçu lemoindre signede celle avecqui elle avaitconvenud’unrendez-vous.

    Peut-être auraient-elles dû opter pour un autre endroit, songeait-elle en semassant les tempes. Lacountryhurlante,lesgrésillementsdesburgerssurlegriletlevacarmedescouvertsrendaientsamigraineplusinsupportableencore.Pourlecoup,ellel’avaitbiencherché.

    Fidèle à sa promesse,Tao attendait dans le SUV.Comme toute femelle dominante,Riley avait étéquelque peu agacée qu’il ait insisté pour l’accompagner et assurer sa protection,mais elle savait quec’était plus sage ainsi. Aucun groupe anti-métamorphe ne semblait rôder dans les parages, mais lesradicaux humains ne se baladaient pas tous bannière au vent en scandant leurs conneries. Certainsfaisaient profil bas,même si la plupart d’entre eux semontraient ouvertement violents et destructeurs.Leurs revendications étaient extrêmes : que les métamorphes soient interdits de séjour hors de leurterritoire,pucés,interditsdes’uniràdeshumains,limitésàunenfantparcoupleetlistésdansunregistrecommeautantd’agresseurssexuels.Certainsn’hésitaientpasàbombardermeutes,troupesetvoléesdansledesseinavouéd’enlimiterlapopulation.

    Les métamorphes avaient contre-attaqué en fondant le Mouvement, une milice qui chassait lesextrémistesetcombattaitlefeuparlefeu.Ilsavaientdéjàéradiquénombred’entreeuxetforçaientlesautresàseterrerdansl’ombre.Leshumainslescraignaientàjustetitre,mais,commecesabrutisbourrésdepréjugésétaienttropstupidespourdéposerlesarmes,leconflitperdurait.

    LetéléphonedeRileysonna,etellelerécupéradanssapoche:unmessagedeJaimequ’ellen’ouvritpas.Elleleliraitquandell…

    La clochette de la porte d’entrée carillonna, et elle leva aussitôt la tête. Trois corbeaux de sesconnaissances entraient dans le café-resto, laissant entendre quelques secondes le vacarme de la rue.Cellequiouvrait lamarchebalayarapidementlasalleduregardet, lorsqu’elleaperçutRiley,souritetfiladroitverssonbox.Rileyeutàpeineletempsdeseleverquel’autrelaserraitdéjàfortdanssesbras.

    —T’essacrémentcostaudpourunetelleminus,commentaRiley.Lucysedétachad’elledansunpetitrire.—Quelplaisirdetevoir…Cen’estvraimentpaslamêmechoseavecSkype.Lucy avait des yeux en amande, les pommettes hautes et des cheveux noirs et raides, des

    caractéristiquesphysiquesqu’elleavaithéritéesdesesancêtresamérindiens.Elle fit un geste aux deux balèzes qui la talonnaient. Comme ceux deRiley et elle, leurs cheveux

    avaientcelustrebleunuittypiquedescorbeaux.—HughetDuncansontmesgardesducorpsattitrés,aujourd’hui,annonçaLucy.FilledesAlphasdelavoléeExodus,ellenesedéplaçaitjamaissansprotection.RileysouritauBetaetàsonfils,quilasaluèrentchacund’unebrèveaccolade.—Commentçava,vousdeux?demanda-t-elleenseredressant.—Bien,merci,réponditHughenluiposantunemainsurl’épaule.Mêmesionestfurieuxcontretoi

    quetunousaiesquittéspendantquatreans.

  • Duncaneutunrictusanxieux.—Çairamieuxquandonseraaubercail.(Iln’avaitjamaisaiméquittersonterritoire.)Maisjesuis

    contentdetevoir,Riley.—Moiaussi,jesuisheureusedevousvoir.Soncorbeauaussiétaitheureuxdelesvoir.Lavoléeluimanquait,etLucysurtout,sonamiedepuis

    l’enfance.RileyserassitsurlabanquetteetinvitaLucyàfairedemêmed’ungestedelamain.—Sivouspouvieznouslaisserunpeud’intimité,lançaLucyàHughetDuncan.Lesmâles s’installèrentàcontrecœurdansunautrebox, tropéloignépourqu’ilspuissententendre

    leurconversation.UneserveuseapparutprèsdeRiley,avantmêmequ’elleaiteuletempsd’ouvrirlabouche.—Mesdames?—Justeuncafé,s’ilvousplaît,réponditRiley.D’ordinaire, elle se serait laissée tenterpar la tartemeringuéequi lanarguaitdepuis sa clochede

    verre,mais les joyeux effets secondaires de la tequila avaientmué l’appétence des odeurs de viandegrilléeetd’oignonsfritseneffluvesémétiques.

    —Lamêmechose,ditLucy.La serveuse tourna les talons dans un hochement de tête et s’éloigna, ses semelles couinant sur le

    damierducarrelage.—Alors…lavieparmilesloups,çadonnequoi?—Cen’estpassimal,pourtoutdire.Jesuissûrequetulesapprécierais.Cesontdesgensbien.—Maistuvasrentrerunjouroul’autre,pasvrai?Merde!Riley,désolée,j’aipromisàmamanet

    papaquejenetemettraispaslapression…Jet’assure!jenesuispaslàpourtepousseràrentrer.Bon,jenevaispastementir,sij’avaiseuunechancedepouvoirteconvaincre,jel’auraisfait,maist’estêtuecomme unemule. Essayer de temettre la pression, c’est peine perdue. (Lucy posa les coudes sur latable.)Jesupposequetulesais,maistesonclesfêtentbientôtl’anniversairedeleurunion.

    Rileyacquiesça.Elleleuravaitdéjàachetéuncadeauetunecartedevœux,etavaitlafermeintentiondelesposterdanslesjoursàvenir.

    —Mes parents leur ont organisé une fête surprise de dernièreminute pour célébrer ça.Ce seraitgénialquetuviennes.Tesonclesseraientfousdejoie.

    Rileyseraidit,sesentantsoudainpriseaupiège.Commesiellel’avaitperçu,Lucyseredressapourluilaisserunpeud’air.—Tuleurmanques,Riley.—Ilsmemanquent,euxaussi.Rileyaimait tendrementEthanetMaxPorter.Ethan, le frèredesamère,s’étaituniàMaxavant la

    naissancedeRiley.Lorsquesesparentsétaientmorts,sesonclesavaientprissoind’éduqueraumieuxlapetitedequatreans.Elleétaitrestéeencontactaveceuxdepuissondépartdelavolée.Ils«skypaient»souventetsevoyaientmêmeàl’occasion,maisellen’avaitpasdûlesrencontrerenpersonnedepuisdixmoisaumoins.Ilsmanquaientàsoncorbeauautantqu’àelle.

    —C’estunesuperidée,lafiestasurprise.Jesuissûrequ’ilsvontadorer.(Lucysourit,manifestementconvaincuequeRiley allait accepterdevenir.)Mais… jene suispas sûrequem’y inviter soit une sibonneidée.

    Lucyperditsonsourire.—Pourquoiça?—Unefête,c’estcenséêtrejoyeux,pleindevie…Fairelabringuelà-bas,çavaréveillerdevieux

    souvenirs.

  • —Biensûr,maisrienquiviendragâcher lafête.Tunousmanquesà tous.Quandlavolée teverraarriver,ceseral’explosiondejoie.

    Rileyluidécochaunregardsceptique.—Jemanqueà…toutlemonde?Tuessûredeça?—Écoute,ilyaquatreans,lavoléeétaitàcran,etunepoignéedegenstetenaientresponsabledece

    quis’étaitpassé…Enfin, ilsvoulaientque tuensoisresponsable,en toutcas ; ilsavaientbesoind’unbouc émissaire.Mais l’eau a coulé sous les ponts, et ils ont compris qu’ils s’étaient plantés. Certes,Shirley t’envoudraprobablement toutesavie,maisc’estparcequeçadédouanesonfilsdecequ’ilafait.Aufond,jepensequ’ellesaitpertinemmentquetun’yespourrien.

    Rileysepermitd’endouter.—Ladeuxièmepersonnequinesemontrerapasforcémentaccueillante,c’estCynthia.Vousn’avez

    jamais pu vous blairer, et elle craindra peut-être que tu sois de retour pour lui piquer Sawyer. (Lucypouffa.)N’importequoi!Mais,bref,tut’enfousd’eux.Lesseulsquidevraientcompterdansl’équation,cesonttesoncles.

    Laserveusereparutavecleurscaféset,coupdechancebienvenu,l’odeurneretournapasl’estomacdeRiley.

    Lorsqu’ellesseretrouvèrentdenouveauseules,Lucylevasatasse.—Viensàlafête,Riley.Vienspasserleweek-endavecnous,aunomdecequinouslie.Soishonnête

    avectoi-même:ontemanque,j’ensuissûre.Et,plusencore,lacouvéetemanque.Tonfoyer.Riley soupira en agitant nerveusement une bûchette de sucre. Comme à son corbeau, la volée lui

    manquait.Sedonaaussi;leterritoiredelavoléeavaitétélongtempssonsanctuaire,sonrefuge…jusqu’àlacrise,entoutcas.

    —Justeletempsd’unweek-end.Ensuitetupourrasretournervivrechezlesloups,sic’estcequetusouhaites.

    Rileyversalesucredanssatasseetlemélangeaàsoncafé.—Jenesaispas,Luce.—J’aiparléavecSawyer.Jeluiaiditquej’avaisrendez-vousavectoi,aujourd’hui.—Et?—Ilm’aditquequelqu’unfiniraitbienpart’inviter,etque,sic’étaitmoi,jenedevraisaccepterrien

    d’autrequ’unoui.Ça,c’étaitunesurprise…—Tuluiasrappeléqueçaneplairaitpasspécialementàsacopine?—Jen’iraispasjusqu’àdirequeCynthiaestsacopine…Sivousvousêtestournésautour,tousles

    deux,c’estparcequevousétiezlescorbeauxcélibataireslesplusdominantsdelavolée.Entonabsence,c’estCynthia,ladeuxièmeplusdominante,quiapristaplace,maisjecroisquec’estbienlaseulechosequiattireSawyerchezelle.Cynthialuiamislegrappindessusparcequ’ellesaitqu’ilestenpassededevenirbetaetqu’elleatoujoursvouluêtrelafemelled’unBeta.

    Rileysoufflasursoncafé.—Ellesaitquetuesici?—Danssesrêves!Sielleétaitaucourant,ellefileraitledireàtesonclespourruinerlafête,histoire

    dejouerlesgarcesjusqu’aubout.Pourtoutdire,jen’enaipasparléàgrandmonde,depeurquel’infofuiteetquetesoncless’accrochenttropàl’espoirdetevoirdébarquer.J’aifaitpromettreàSawyerdene rien dire, et je sais qu’il tiendra parole. (Lucy reposa sa tasse.) Tu comptais ne jamais rentrer àSedona?

    —Biensûrquenon.

  • —Danscecas,situavaisl’intentionderevenirunjour,quellemeilleureoccasionpourlefairequel’anniversairedetesoncles?Çaleurferaittellementplaisir!Çafaitquatreansquetuasquittélavolée,Riley.C’estbien trop long…(Lesimilicuircollantde labanquettecouina tandisqueLucysepenchaitpourenserrerdoucementlepoignetdeRiley.)Viens,s’ilteplaît.

    Laclochettedelaportesonnadenouveau.Rileylevalesyeuxetseraiditendécouvrantquivenaitd’entrercommeunefleurdanslasalle.Tao.

    L’enfoiré!Après avoir toisé brièvement Hugh et Duncan du regard, ce con se dirigea droit vers elle. Sans

    prononcerlemoindremot,ilsepencha,pritlementondeRileydanssapaume…etl’embrassa.L’enfoiré,l’enfoiré…Interdite,ellen’eutmêmepaslaprésenced’espritdelerepousser.Ellerestalà,immobile.Lorsquela

    surprisecédalepasàlacolère,ellesedétachadelui,prêteàlefusillerd’uncommentaireacerbe…maisl’avertissementpalpabledansleregardbrûlantdeTaol’endissuada.Taofoutraitlamerdedanslerestosanslemoindrescrupule.HughetDuncaninterviendraient,etilsenviendraientprobablementauxmains.

    —Hé!bébé,lasaluaTaoens’asseyantàcôtéd’ellesurlabanquette.Jepassaisdanslecoin,etjet’aivueàlafenêtre.(IlbutunegorgéeducafédeRileyetlevalesyeuxversLucy.)Toutvabien,touteslesdeux?

    Riley dut invoquer son entière détermination pour ne pas lui renverser la boisson brûlante sur lecrâne.

    —Oui.Sentantsonirritation,Taoeutl’enviesoudainedeluisourirepourl’apaiser,mais,aulieudecela,il

    jaugeaduregard lafemelleassiseenfaced’eux.Ilavaitépié leurconversationà travers lafenêtreet,devantl’airpréoccupédeRileyetcelui,suppliant,deLucy,ilavaitcraintquecettedernièresoitentraindel’inciteràs’enretournerparmilessiens.L’idéenel’enchantaitpasvraiment.

    Iln’avaitpasspécialementappréciénonplusquedeuxcorbeauxmâlesaientposélesmainssurelle,aussi avait-il ressenti le besoin de leurmontrer clairement qu’elle lui appartenait. Techniquement, cen’étaitpasvraimentlecas,maisilpréféraitfairecomprendreclairementàtouslesautresmâlesqueRileyn’étaitpasdisponible.

    —Tunousprésentes,Riley?Lesdentsserrées,RileytentadesedétacherquelquepeudeTao,maisilluiagrippalacuisse.C’est

    sapropreréactionphysiquequilasurpritleplus:lanaissanceaucreuxdesescuissesd’unechaleurtropintense.

    —Tao, je teprésentemameilleureamie,Lucy.Lucy,voiciTao,premier lieutenantde lameuteduPhénix.

    —Ah!tueslafilledesAlphas.Rileym’aparlédetoi.(Lemensongefranchitseslèvressanseffort,etRileyeutunfrissond’agacement.)Ellem’aditquevousétiezamiesdelonguedate.

    Lucyouvritgrandlesyeux.—C’estvrai. Je suisnavrée,parcontre,maisellenem’a jamaisparléde toi. J’avouequeçame

    déçoitassez…(ElletournaleregardversRiley.)Jesupposequetun’aspasnonplusparlédeluiàtesoncles,parcequejedoutequ’ilsauraientomisdemeconfierce…détail.

    —CommentvontEthanetMax,d’ailleurs?demandaTao.Jesuissûrqu’ilss’ennuient,maintenantqu’ilsontraccrochédeleurpostedelieutenants.

    —Ilsontl’airderouillerunpeu,oui,réponditLucydansunsourire.Sortisdelà,ilsvontbien.MêmesiRileyleurmanqueàencrever.

    —Ilsl’ontélevée,aprèstout.Cen’estpassisurprenant.

  • Riley se tourna vers lui, les yeux écarquillés. Il lui avait dit ne connaître de sa vie que quelquesbribeséparses,mais,detouteévidence,ilconnaissaitsondossierdanslesdétails.

    TaoreposalatassedeRiley.—VousêtesloindeSedona,d’ailleurs.— Je suis venue inviterRiley à la fête surprise que nous organisons pour célébrer l’anniversaire

    d’uniondesesoncles.Tudevraisvenir,toiaussi.—Merci.Jeseraitrèsheureuxdel’accompagner.Rileyouvritlabouche–probablementpourprotester–,maisTaoluiserralacuissed’unemainpour

    l’endissuader.Commeelleseravisa,illagâtad’unecaressesurlajambe.—Extra.(LucytapotalamaindeRiley.)Tesonclesvontêtreauxangesquandilsapprendrontquetu

    asrencontréquelqu’un,mêmesicen’estpasuncorbeau.—Lucy…,lâchaRileyd’unevoixtraînante.—Oh!trèsbien,tupréfèresleleurannoncertoi-même.(Ellepritunelonguegorgéedecafé,puisse

    leva.)J’essaieraidenepasleurenparler,mais,situnevienspasàlafête,ilsepourraitquejefasseunebourde.

    —Ça,c’estmesquin.—Pourvousservir.(Lucyquittalebox.)Lafête,c’estvendredi,donctuasunpeudetempspoury

    réfléchir.Cequiseraitcool,c’estquetuarriveslejourmême,pourquelasurprisesoittotale.Ensuite,tupourraisresterpourleweek-end.Riley,jetelerépète,ilsseraientfousdejoiedetevoir.Ceseraitlemeilleurmomentdel’année.(ElletournalatêteversTao.)Raviedet’avoirrencontré.Prendssoind’ellepourmoi.

    HughetDuncandirentaurevoiràRiley,avantd’emboîter lepasàLucyqu’ilsescortèrenthorsdusnack, n’accordant à Tao qu’un regard aussi incrédule qu’inamical. Riley jeta la tête en arrière etcommençaàmassersonfrontendolori.

    —Vusonenthousiasmeàl’idéedet’inviteràunesoiréesurleterritoiredelavolée,jedevinequetun’aspasétébannie.(Taos’endoutaitdepuislongtemps,maisiln’avaitjamaiseudequois’enassurer.)Tondépartdelavolée,c’étaitunedécisionofficielle?

    Partirquelquetemps,c’étaitunechose,devenirunemétamorphesansclanenétaituneautre.—Occupe-toidetesfesses,Tao.Çaneteregardeenrien.Illuisourit.—Hé!c’étaitqu’unequestionanodine…—Vucequetusemblessavoirdemavie,jesuissurprisequetuaiesencoredesquestionsàposer.—Jen’aipasàm’excuserd’avoirenquêtésurtonpassé.Jel’aifaitpourm’assurerquetoietlereste

    denotremeuteétiezensécurité.—Detameute,tuveuxdire.Ilgrogna.Pasunesecondeilnecroyaitaufaitqu’ellelesquitteraitunjour.Elleavaittrouvéunrefuge

    rassurantauseindelameute,etelles’étaitbientropattachéeàSavannahetDexter.—Meprendspaspouruncon,Riley.Mêmeavantqu’onteproposederejoindrelameute,tun’avais

    pluslamoindreintentionderetournerdanstavolée.Siçaavaitétélecas,tuneteseraispaspointéeaurefugede sans-abri, tu n’aurais pas demandé àMakennade t’aider à trouver un job et un appart pourmieuxt’intégrerauxhumains…Alors,situveuxbienarrêterdemecroasseràlagueule,j’apprécieraisquetumedisessimplementsi,ouiounon,tondépartdelavoléeaétéofficialisé.

    Ellecéda,sachantqu’ilnelalâcheraitpas.—Non.—Qu’est-ilarrivéàtesparents?luidemanda-t-ilavecautantdeprévenancequ’ilenétaitcapable.

  • (Iln’avaitjamaisréussiàdécouvrircommentilsétaientmorts.)Commejevaisveniravectoiàcettefête,autantquejelesa…

    Elletournaaussitôtlatêteverslui.—Tuneviendraspasàcettefête.—J’aiétéinvité.Jeseraistrèsheureuxderencontrertafamille.—Tudétestestousceuxquineviennentpasdetameute.—C’estfaux.C’estjustequejen’aipasdetempsàleurconsacrer.Ilsnem’intéressentpas.Toi,par

    contre,si.Etpuis,hé!tunevasquandmêmepasm’obligeràyallertoutseul,non?—Tun’iraspas!gronda-t-elle.Lesujetestclos.—Letruccon,c’estquejenesuispasdugenreàlâcherfacilement…—Tudevrais,pourtant.Monpassén’estpasaussi intéressantquetusembleslecroire.Etmoinon

    plus.Tao enroula autour de son doigt une boucle des superbes cheveux de Riley. Ce qu’il les adorait,

    bordel…—Jepenselecontraire,etjen’aurailefinmotdel’histoirequequandtuaurasacceptédebaisserta

    garde.(Ilsepenchaàsonoreille.)Cerempartentretoietmoi,jevaislefranchir.Jetepréviens,histoirequetunesoispassurprise,quandtumetrouverasdel’autrecôté…

    —Si tu comptes le franchir en saut à la perche, ne te sers pas de ta queue ou tu vasmanger dumoellon…

    Taopenchalatêtesurlecôté.—Tusaisquoi?Jemesenstoutdrôle…Engénéral,quandjeparleavecquelqu’un,c’estmoiqui

    suisenpétard.—Tuesvraimentledernierdesconnards.—Bingo.(Ilfouilladanssapoche,enressortitdel’argentqu’ildéposasurla table,puisseleva.)

    Allez,viens,ons’arracheavantquetatêteimplose.Elleselevaàlahâte,impatiented’échapperauxodeursetauxbruitstortionnairesduresto.Ellene

    pritmêmepas lapeinedeseplaindre lorsque,ausortirde l’établissement,Taoglissa lamaindans lasienne.Etpuis,detoutefaçon,iln’auraitpaslâchéprise…

    Une fois dehors, il la guida à travers le parking. Lorsqu’ils arrivèrent près du SUV, les portièresd’uneLexusnoiregaréejusteàcôtécoulissèrent,etquatrehumains–descolossesencostard–sortirentduvéhicule,leregardmauvais.Ilsdégageaientquelquechosed’inquiétantquipoussalecorbeaudeRileyàlâcheruncroassementgraveetguttural.

    Taos’arrêtanet,nimbésoudaind’uneauraanimaleetmenaçante.—Unproblème?grogna-t-ild’unevoixcaverneuse,sonloupgrondasoussonépiderme,méfiantet

    prêtàendécoudre.Àsagrandesurprise,leplusgrandetleplussveltedestypesluiadressaunsourirecharmeur.—Dutout.RamónVeloz,enchanté.VousêtesTaoLukas,premierlieutenantdelameuteduPhénix,et

    vous…(ilposasonregardd’unnoirmétalliquesurRiley)RileyPorter.Depuisquelquetemps,j’investistoutemonénergieàenapprendreautantquepossiblesurvotremeute,expliqua-t-il,avantdesetournerdenouveauversTao.J’aimeraisrencontrervosAlphas.

    Letondel’inconnulaissaitsupposerqu’ils’attendaitàunesoumissiondefait,etleloupdeTaos’entrouvapour lemoins irrité.Avec soncostardnoir aux rayures fines et ses chaussures en cuir brillant,l’humainauraittoutaussibienpusebaladeravecuneenseigneaunéon«MAFIA»au-dessusdelatête.

    —Passûrdevoirenquoiçapourraitm’intéresser.Ramónpritunairsévère.

  • —Etpourtant,cetterencontrerevêtuneextrêmeimportance.—MesAlphasnerépondrontpasàl’invitationsansraisonvalable.Sanscompterqu’avantmêmedesepenchersurlaquestionilsvoudrontdavantaged’informationsur

    l’identitéetlepassédeVeloz.—Jen’appartienspasauxgroupusculesextrémistes,sic’estcequivousinquiète,annonçaRamónen

    lissantd’unemainsacravate.Pourtoutdire,j’aiunepropositionàfaireàvotrefemellealpha,etjesuissûrequ’elleseraraviedel’accepter.

    Tao devait se rendre à l’évidence, cette rencontre l’intriguait. Bien entendu, il n’en laissa rienparaître.

    —Quelleproposition?—Mon frère, Dion, est malade. Très malade. Les médecins ne peuvent plus rien pour lui, aussi

    j’aurais besoin des services d’un soigneur. Or j’ai entendu dire que votre femelle alpha était uneguérisseused’unegrandepuissance.Celavasansdire,elleseraitgrassementrémunérée.

    —Dequelgenredemaladieonparle?—D’unetumeurcérébraleinopérable,réponditRamónsuruntonétrangementdétaché.Lesmédecins

    neluidonnentplusquequatremoisàvivre.—Jesuisnavréde l’apprendre, réagitTao,maismonAlphanepeut rienpour lui.Ellesoigne les

    blessures,paslesmaladiesincurables.—Cen’estpascequ’onm’adit.Tao n’avait pas lamoindre idée de ce à quoi le type faisait référence. À sa connaissance, Taryn

    n’avaitjamaissoignéquelquemaladiequecesoit.RamónsortitdesapocheunecartedevisitereluisanteetlatenditàTao.— Ma carte. Transmettez-la à vos Alphas et expliquez-leur la situation. (Il prit un air grave.)

    Convainquez-lesde l’importancede lasituation,monsieurLukas.Jecomptesurvous.Jepeuxcomptersurvous,n’est-cepas?

    Taopritlacarte.—Vousn’êtespasdemameute,doncnon.Ramónsourit.—Vousmeplaisezdéjà,monsieurLukas,affirma-t-il,avantdese retourneretdes’installersur la

    banquettearrièredesavoiture.J’aihâted’avoirdesnouvellesdevotreAlpha.—Ellenepeutrienfairepourvotrefrère,luirépétaTao.—Nousverronsbien.Surcesmots, l’undesautreshumains referma laportièredeRamón,puis tous remontèrentdans le

    véhicule.—OK,ça,c’étaittroublant…Ilsétaienttousarmés,tuasvu?luifitremarquerRileyenregardantla

    Lexuss’éloigner.—Ouais.—Jen’aimepasplussonairarrogantquesacondescendance.Ils’attendsanslemoindredouteàce

    queTarynagissecommeill’entendetsansposerdequestions.Tupensesqu’ellevaaccepter?Riley,elle,endoutait.—Çam’étonneraitbeaucoup.Yaplusqu’àallers’enassurer.Il suffit à Taryn de croiser leur regard pour comprendre qu’un truc couvait. Assise sur l’élément

    inclinableducanapémodulable,elleseredressa,lessourcilsfroncés.—Unproblème?

  • D’autres membres de la meute étaient éparpillés dans le salon, certains assis sur le volumineuxcanapé, d’autres dans des fauteuils. Comme leur femelle alpha, ils passèrent du relâchement à lavigilanceextrêmeenunedemi-seconde.

    Taovintseplanteraumilieudelapièce,heureuxqueRileyseposteprèsdelui,plutôtqued’allers’isolerdansunfauteuil.

    —OnsortaitduMo’sDinerquandunhumainnousaaccostés.RamónVeloz.Treyéteignitlatélé.—Quiça?—RamónVeloz,répétaTao.Taryneutunrictuspensifetgrave.—Jamaisentenduparler.—Ehbien,luiaentenduparlerdetoi.Ellehaussalessourcils.—Demoi?—Sonfrèrecrèved’unetumeurcérébrale,expliquaTao.Ramónveutquetul’enguérisses.Ilestprêt

    àtepayer.AssisesurlesgenouxdeDante,JaimesetournaversTaryn.—Tupeuxfaireuntrucpareil?—Passansypassermoi-même,réponditTaryn.—Même si tu en étais capable, je te le déconseillerais, intervintRhett, qui pianotait sur sonordi

    portable.J’aientenduparlerd’uneguérisseusequiaidaitleshumainscontrepaiement,etellenemanquaitpasdepatients.Çal’auraitrenduerichesiçanel’avaitpastotalementdiminuéephysiquement…aupointd’en devenir elle-mêmemalade.Ce qui n’a pas empêché les humains de continuer à la harceler pourprofiterdesesdons.

    —Tuluiasditquoi,Tao?lançaTrey.—Qu’ellenepourraitrienfairepourlui,maisilnem’apascru.Quelqu’unluiauraitditqueTaryn

    pouvaitl’aider,etl’informateurmystèresemblaitplusconvaincantquemoiàsesyeux.Ilattendtonappel.TaotenditlacartedevisitedeRamónàDante,quilafitpasseràTrey.—Jevaisl’appeler,commençacedernier.Jevaisluidirequ’onnepeutrienpourlui.—Bordel…,sifflaRhett.Treygrimaça.—Quoi?—CeRamónVeloz…, réponditRhett, les yeux sur son écrand’ordi.C’est unbaronde la drogue

    notoire.Ilestaussisoupçonnédedonnerdansletraficd’armes,latraitehumaineetleproxénétisme,maislesflicsn’ontjamaisrienpuprouver.(Ilpianotaquelquessecondesensilence.)Sonfrère,Dion,bossepourlui,etilestsuspectédeplusieurshomicides.

    Tarynhaussaunsourcil.—Bon,ehbien,aumoins,jeneculpabilisepasdenerienpouvoirfairepourlui.DantetapotaitdesdoigtssurlacuissedeJaime.—Si ceRamón venait à semontrer insistant, il pourrait devenir un vrai problème pour nous.Ce

    genredepersonnesn’appréciepasvraimentqu’onleurdisenon.—J’enaicopieusementrienàbattredesescaprices, lâchaTrey, l’airmauvais.Tarynnepeutrien

    pourlui.Pointfinal.JaimeregardaTao,puisRiley.—Qu’est-ce que vous foutiez auMo’sDiner, au fait ? Rencard entre amoureux ? Dites-moi que

  • c’étaitunrencard…Rileyrouladesyeux,désespéréeparlaremarquedel’entremetteusedudimanche.—J’avaisrendez-vousavecquelqu’undemavolée.Lesmembresdelameutes’échangèrentensilencedesregardsintrigués.—Detonanciennevolée,tuveuxdire?commentaTrey.— Je ne l’ai jamais vraiment quittée. Pas plus que je ne vous ai laissé entendre le contraire,

    d’ailleurs,luirappelaRiley.Aprèsquelquessecondesdesilence,Treyrelevalesyeuxverselle.—C’estvrai.Tuviensdequellevolée?—Unevoléedel’Arizona.Exodus.—J’enaientenduparler.Tucomptesyretourner?—Justepourleweek-end.LesAlphasorganisentunefêtepourl’anniversaired’uniondemesoncles.

    J’aimeraisenêtre.—L’affectionestpalpabledanstavoixquandtuparlesdetavolée,intervintDante.Pourquoitune

    visplusaveceux?Riley hésita. Elle n’avait aucune envie de raviver de vieux souvenirs, mais ces gens l’avaient

    accueillieàbrasouverts.Lorsque,pendantdesmois,elleavaitrefusédeparlerdesonpassé,ilss’étaientmontréspatientsavecelle.Plusimportantencore,ilsétaientbienveillantsavecSavannahetDexter.Oui,ellepouvait leurdire lavérité.Etpuisce seraitd’autantplus facilequeGreta,Zacet lespetitsne setrouvaientpasdans lapièce.Greta l’aurait fusilléedecommentaires acerbes, et le récit aurait troubléinutilementlesplusjeunes.

    —Jem’entendaisplutôtbienavectous lesgossesde lavolée,mais j’avaisdeuxvéritablesamis :LucyetWade.(Rileysepassalalanguesurleslèvres.)Malheureusement,Wadecomptaitparmisesgensà qui la vie assène blessure émotionnelle sur blessure émotionnelle. C’était un garçon sensible àl’extrêmequiressentaittoutdefaçonexacerbée.Maigrelet,trèsintroverti,ilafiniparfairedescrisesdephobie sociale. Pour couronner le tout, c’était le corbeau le plus soumis de la volée, d’une sujétionpresquehorsnormepourunmâle.Toutçafaisaitdeluilacibleidéaledesquolibets.Aufinal,j’aipasséleplus clair demonenfance et demonadolescence à le défendredes railleries, et notammentde soncousin,Alec.

    —Ilyavaitungamincommeçadansmonanciennemeute,intervintTaryn.Lesautresloupsontfaitdesavieunvéritableenfer.

    —C’estexactementcequ’ontfaitàWadelaplupartdesgaminsdelavolée,acquiesçaRiley.Ilnes’estpasendurciengrandissant,ils’estisolédeplusenplus,jusqu’àcequ’ilnenousparlemêmeplus,àLucyetàmoi.Ilnesortaitplusdechezluioupresque,seréfugiaitdanslesjeuxvidéo.Pournous,ilavaitsombrédans ladépression, alorson en aparlé à samère,mais elle abalayénos avertissementsd’unhaussementd’épaules.

    »Ças’estpassé le soirde la fêteorganiséepour levingtetunièmeanniversaired’Alec.Tous lescorbeauxdenotreâgeoupresqueétaientlà.Pasdeparents,pasdeBetasnid’Alphas,pasdelieutenants,justeungroupedegossesfêtantcedroitqueleurdonnaitlamajoritédesepinterlégalement.JedevaisyvoirLucy,maisimpossibledelatrouverdanslamaison.Commelamusiqueétaitassourdissante,jemesuisisoléedanslacuisinepourl’appelersursontéléphone.J’avaisdéjàcomposésonnuméroquandjel’aientendu…

    —Entenduqui?Quoi?demandaJaime.—Lecoupdefeu.(Rileyavalasasalive.)Jenesuistoujourspassûredesavoiroùilatrouvéson

    arme,mais,cequejesais,c’estqu’ilatuétoutlemonde,cesoir-là.Touscesgossesdevingtans.Ça

  • s’estpassésivite…J’auraisdûmemétamorphoseretfiler,maisj’aientenduquelqu’unhurlerlenomdeWade,j’aicruqu’ils’étaitpointéàlafêteet,paniquéeàl’idéedecequipourraitluiarriver,jemesuisdemandécommentnoussortirdelà,luietmoi.Pasunesecondejenemesuisditquecepouvaitêtreluiqui nous tirait comme des pigeons. Et puis il est arrivé dans la cuisine…Son regard… il était froidcommelamort,désincarné.Niragenisoifdeviolence,rien.Jevousjure,çam’aglacélessangs…

    Rileys’interrompit,surprise,ensentantTaoluiprendrelamainenungestedesoutien.—J’aiessayédeleconvaincredeposersonarme,luiaidemandédenepastirer.Ilm’adévisagée

    commesij’étaisladernièredesidiotes,incrédule,m’aditqu’ilnemeferaitjamaislemoindremal,etpuis,justecommeça…ilestsortiparlaportedederrière.Dessecourssontarrivés,maisils’étaitdéjàmétamorphoséetenfuidanslesmontagnes.

    —Ilsl’onttraqué?demandaTrickensepenchantenavant.—LeBeta,Hugh, a retrouvé son cadavre quelques jours plus tard.D’après lui, il seraitmort de

    déshydratation.Ilauraitpusurvivres’ilavaitgardésaformeaviaire,maisjepensequ’ilvoulaitenfinir.Makennapassasesbrasautourdesataille.—C’estaffreux…—Mais ce n’est pas le finmot de l’histoire, pressentit Tao. Je peux comprendre que tu aies pu

    vouloir fuirun territoire imprégnédesouvenirsencore tropdouloureux,Riley,maispasque tuensoisrestéeéloignéependantquatreans.Ilyaforcémentautrechose.

    Rileysemassalanuqueavecnervosité.—Denombreusespersonnesportaientledeuil,quidesafille,quidesonfils,etilsavaientbeauêtre

    heureuxquej’aiesurvécu…—Ilst’envoulaientd’êtreencorelà,terminaMakennapourelle.Rileyeutunpetithaussementd’épaules.—Commentlesenblâmer?Ilsauraientpréféréquecesoit leurgossequis’ensorte,etc’estbien

    normal.Jeneleurenaipasvoulu.LamèredeWade,parcontre,Shirley…ellen’ajamaisvouluregarderenface la réalitéde l’horreurcommiseparsonfils.Etvoussavezquoi?Elleaussi, je lacomprends.Maiselleestalléetroploin:ellem’aaccusédel’avoirpousséaumeurtre.Elleaavancéquej’avaisprisavantagedesonétatdépressifpourlepousseràagircontresongré.

    Jaimeétaitbouchebée.—C’estdingue!—Ellearéussiàconvaincrepasmaldemonde,pourtant.Aprèstout,j’étaislaseulesurvivantedu

    massacre.Pourquoiavoirtuétouslesautresetpasmoi?Elleaditquejeluiavaismontélatête,quejel’avais regardé abattre tout lemonde, puis que je l’avais aidé à s’enfuir. Certaines familles en deuilétaientassezbriséesetfurieusespourvouloirlacroire.Jesuisdevenuelajustificationmétaphysiqueàleurdétresse,uneincarnationdumalquilesrongeait.Lescorbeauxsonttrèsprotecteursavecleurspetits,c’estdansnosgènes.Lamortdecesjeunesasecouélavoléeentière,lesparentsconcernéssepersuadantqu’ilsn’avaientpassuprotégerleursenfants.Illeurfallaitunboucémissaire,quelqu’unquisouffriraitdeleurculpabilitéàleurplace.

    »J’avaistellementpeurquecertainespersonnesfinissentparsepersuaderquelaversiondeShirleyétait vraie, que certains tiennent des propos quime blesseraient sans espoir de guérison, que je suispartie. (Sans compter qu’elle avait besoin de solitude pour porter son propre deuil.) Et puis j’avaistoujoursvouluvoyager,detoutefaçon…Commetouslescorbeaux,d’ailleurs.

    Dominicinclinalatête.—Pourquoiest-cequetun’esjamaisrentréecheztoi?C’étaitétrangedenepaslevoirparédesonéternelsourireespiègle.

  • —Chaquefoisquejel’envisageais,jepaniquaisàl’idéequeçasepassemal.—Forcément,acquiesçaTaryn.Leterritoired’unmétamorpheestsonrefuge,sonsanctuaire,etcet

    événement l’a souillé à tes yeux. Tu t’es sentie trahie par ceux qui auraient dû te soutenir de façonindéfectible.Moinonplus,àtaplace,jeneseraispaspresséederentrer.(Ellelâchaunsoupir.)Tuessûred’êtreprêteàyretourner?Mêmesicen’estqueletempsd’unweek-end?

    Rileyhochalatête.—Jecroisquelemomentestvenu,oui.Aprèsquelquessecondesdesilence,Tarynrepritlaparole.—Quanddois-tupartir?—Vendredi.Makennacilla.—Samedi,ceseraitmieux,non?Rileyesquissaunrictusperplexe,troubléeparl’airinquietdeMakenna.—Pourquoi?—Voyagerlevendredi,çaportemalheur,répondit-elle,commesic’étaitl’évidencemême.Ryanfermalesyeuxetsoupira.Makenna,d’unesuperstitionextrême,voyaitdessignespartout.Ryan,

    d’unpragmatismeproverbial,nevoyaitenlasuperstitionqu’unramassisdecroyancesillogiques.—Navré,maisjenepeuxpas,ditRileyenréprimantunsourire.Lafêteauralieuvendredi.—Jevaisenvoyerun textoàShayapoursavoirsi tupeuxemprunter le jetprivédupotedeNick,

    annonçaTaryn,évoquantlesAlphasdelameuteMercure.(Lesdeuxgroupesétaientd’autantplusprochesque,RonivenantdelameuteMercure,ilspartageaientdésormaisRonietMarcus.)Ilnousl’adéjàprêtéunefoisoudeux.OùvitlavoléeenArizona?

    —ÀSedona.Treysemassalementon.—Laquestion,c’est…avecquicomptes-tupartirpourSedona?Rileyserenfrogna.—Jen’aipasbesoindequiquecesoit.—Aucundenousnesedéplaceseul,Riley,rétorquaTrey.Tulesaisaussibienquemoi.—J’aiétéinvité,annonçaTao.Lucym’aproposéd’yaller.—Ah!danscecas,ceseraitlogiquequetut’yrendes,eneffet,commentaTaryn.Rileyfit«non»delatête.—Jen’aipasbesoindegardeducorps,vraiment.— Comme Trey vient de le rappeler, on ne se déplace pas seul, insista Dante. Je doute que les

    corbeauxapprécientqu’unloupinconnurôdesurleurterritoire,maisTaoestnotrepremierlieutenant:c’estungradequiimpressionneetquiendissuaderaplusd’undeluichercherlamerde.

    —EtKyedanstoutça?demandaRiley.Taoestcenséêtresongardeducorps.—Etjeprendsmafonctiontrèsausérieux,répliquaTao.Maisonpeuttrèsbienmeremplacerpour

    unjouroudeux.Tunepeuxpasaller là-bassansprotection,et tusais trèsbienque,si tuquittesnotreterritoire, je ne vais pas rester là à t’attendre en me tournant les pouces, alors pourquoi on perd dutemps?

    Ellesetournaversluietcroisalesbras.—Lucyt’ainvitée,trèsbien,maispasmoi.Taohaussalesépaules.Detouteévidence,iln’enavaitstrictementrienàsecouer.—Çanechangerienaufaitquejet’accompagne.—Soishonnêtedeuxminutes:qu’est-cequetusaisdemonpassé,exactement?

  • —Presque tout, réponditTao. Jene savaispasque tu étais présentependant la fusilladeni qu’onavaiteuleculotdetemettreçasurledos,maisjesavaisquelatuerieavaiteulieu.

    PatricklançaàTaounregardnoir.—Tulesavais…ettunenousasriendit?Nouveauhaussementd’épaules.—C’étaitàRileydeprendrecettedécision.Dominichaussaunsourcil.—Etçat’apasposédeproblèmedegarderpourtoiuntrucqu’onignorait?—J’aifaitdesrecherchessurRileyparcequejevoulaism’assurerquesonpassénemettaitpasen

    danger lesmembres de lameute, elle y compris. Je n’avais aucune envie de faire de son histoire ladernière rumeur à la mode. Elle mérite mieux que ça. (Il se tourna vers Riley.) Quelqu’un doitt’accompagner,etjeveuxquecesoitmoi.Sivraimentçatedérange,jeneviendraipas.

    —Vraiment?—Non.Jemesuisjusteditquelaformuleavaitdelagueule.Ellefitdesonmieuxpourréprimerunsourire,maisellen’ensentitpasmoinsseslèvrestressaillir.—Bon,lesujetestclosdemonpointdevue.(Ellepourraitendébattreavecluitoutelajournée,le

    loup,têtucommeunemule,nechangeraitpasd’avis.)Oùsontlesenfants?—IlspréparentdescookiesavecGraceetLydia,l’informaMakenna.Ilssesontlassésdemoi.Elle adressa unemoue boudeuse àRiley, qui partit d’un petit rire. Tous lesmembres de lameute

    appréciaientdes’occuperdesenfants,maisMakennaétaitdeloinlaplusvolontaire.Rileyquittalesalon,puisfiladansledédaledetunnelsjusqu’àlavastecuisineaustylemoderne.Savannahrelevalatêteetluisourit,lesmainscouvertesdepâte.—Riley,regarde!onfaitdescookies!—Extra!Allez,jevousfileuncoupdemain!Rileypassalerestedelajournéeaveceuxàcuiredescookies,dessineretjouerprèsdelarivière.Le soir venu, elle les mena à leur petite chambre, souriant aux parfums mêlés de talc, de draps

    propres et de craie grasse. L’ancienne chambre d’amis impersonnelle était devenue une pétillantechambred’enfants,avecsesmursdécorésdepostersquifiguraient teloutelhérosdedessinanimé, lanichecreuséeàmêmelarochedelacaverneaujourd’huigarniedelivres,etlepetitbureauquicroulaitsouslesfeuilles,lescrayonsetleslivresdecoloriage.

    Commeà l’accoutumée,elle lesaidaàenfiler leurpyjama,alluma la lumièrede lapenderieet enlaissalaporteentrouverte.Savannahs’emparad’unloupenpelucheperdudanslecoffreàjouetspleinàrasbord,Dexterd’unepetitevoiturerouge,etilsseglissèrentchacundansleurlitétroit.

    Rileytirasureuxleurédredonduveteux,puiss’agenouillasurletapisentrelesdeuxlits.—Vendredi,jedevraim’absenterpourquelquesjours.Mieux valait le leur dire maintenant, avant qu’ils l’apprennent de quelqu’un d’autre. C’était la

    première fois qu’elle serait séparée d’eux depuis leur rencontre au foyer, et elle ne doutait pas quel’expérienceleurseraitdifficileàtouslestrois.

    Savannahserracontreelleleloupenpeluche.—Tuvaspartir?—Pourleweek-end,c’esttout.Ceneserapastrèslong.—Pourquoi?demandaDexterd’unevoixfragileetinquiète.—Jevaisrendrevisiteàmesoncles,leurexpliquaRiley.Desamisorganisentunefêtepourleurfaire

    plaisir,etj’aimeraisyparticiper.—J’aimebienlesfêtes,moi,déclaraSavannah.Jepeuxvenir?

  • Rileyluiadressaunsouriredésolé.—Pascettefois,mapuce.Savannahfitlamoue.—T’yvaspastouteseule,pasvrai?Tarynditqu’ilfautpasqu’onailleàdesendroitstoutseuls.—Taovientavecmoi.Unegrimacefroissal’adorablevisagedeSavannah.—Maisilestméchantavectoi.—Etmoiaveclui.Savannahgloussa.—Moiaussi.—Tuvasrevenir?demandaDexterenjouantavecsavoiture.Rileyluiadressaunhochementdetêteassuré.—Oui.Lepetitguépardsoutintsonregard.—Tupromets?Rileysentitsoncœurseserreràsontonsuppliant.—Oui,c’estpromis,jura-t-elle.L’échangeréponditaussitôtdanssonespritàlaquestiondesavoirsi,ouiounon,sonéventueldépart

    définitifdelameuteduPhénixseraitdifficilepoureux:ilsnelesupporteraientpas.Elleétaittombéeamoureusedesgossesàl’instantmêmeoùDexterluiavaitoffertuncookierassis,

    pendantqueSavannahcaressaitsescheveux,méduséepar leurcouleur.Lesgensavaient tendanceàsemontrerméfiantsvis-à-visdescorbeaux,maislesenfantsnes’étaientpasmontréssuspicieuxpourunsou,simplement curieux. Et puis cette solitude qu’ils dégageaient tous deux, elle s’y reconnaissait, si bienqu’elles’étaitattachéeàeuxcommeàpersonneàl’exceptiondesesoncles.

    Bientôt,ellelesabandonnaàleurnuitdesommeiletrefermadiscrètementlaportedeleurchambrepourallerretrouverlasienne.Bonsang!cequ’elleétaitlessivée…Claquée,vraiment.Mais,pourelle,ilexistaitunedifférencedetailleentreêtreclaquéeetêtresurlepointdes’endormir.Ellepouvaitêtreéreintée,soncorpslasuppliantderechargersesbatteries,çanel’aidaitpaspourautantàsombrerdanslesommeil.Ellepouvait resterdesheuresàdévisager leplafonddesachambre,priantpours’endormir,sansréussiràfermerl’œil.

    Rileyétait rodéeàcette insomnie idiopathiquedontelle souffraitdepuis l’enfance,mais le troublen’en était pas moins pour elle un emmerdement quotidien… Pour l’heure, elle sentait le sommeiltellementhorsdeportéequ’ellenepritmêmepas lapeinedesemettreau lit.Au lieudecela,ellesedéshabillaetsortitsursonbalcon.Là,elleécartalesbrasetsemétamorphosadansunesériedecliquetisetdecraquementsosseux,soncorpsrapetissantpourlaissersoncorbeaus’incarner.

    Elles’ébroua,ajustantsonplumage,puisdéployalesailesets’envola.

  • CHAPITRE4

    Lorsque,levendredi,Taosortitdesachambresonsacsurl’épaule,cefutpourtrouverDantedevantsaporte.IlrefermalebattantetsalualeBetad’unbrefgestedementon.

    —Hé!—Jeteconduisàl’aéroport,annonçaDante.Tao le remerciad’unhochementde tête.Comme l’amideNickutilisait son jetprivé,TaoetRiley

    allaientdevoirprendreunvolcommercial.—JevaischercherRiley,leprévintTao.Onseretrouveenbas.—Tusaisquoi?Tudevraisprofiterdeceweek-endpouressayerdefairetombersesremparts…Et

    n’essaiepasdemeservirjenesaisquelbobard,jesaisqu’elleteplaît.Tupourrasteperdretantquetuveuxenjustificationsàlacon,latensionentrevous,c’estunecomposantedevotreattractionréciproque;unesortedeparadedeséduction.Honnêtement,ç’aétécomiqueaupossibledevousvoirvoustournerautour comme deux prédateurs aux aguets. Tu veux que je te dise la vérité ? J’aimême l’impressionqu’elleferaitunebonnefemellepourtoi…etinversement.

    VuqueleBetalouaitparticulièrementl’autoritéetlerespectdesonrang,sonaffectionmanifestepourRileysurpritpourlemoinsTao.Rileyn’obéissaitqu’àsespropresloisetmontraitlemajeuràquiconquesemontraitdominateuràsonencontre.

    —Jenepensaispasquetul’apprécierais.—Pourquoiça?—Elleestimpulsive,réfractaireàtouteformed’autorité,etsoncorbeaupassesontempsàchiersur

    Greta.UnairamuséfitscintillerleregarddeDante.—Lescorbeauxontlavengeancedanslesang,etGretaluicherchelamerdeàlamoindreoccasion.

    Rileynefaitqueluirendrelapolitesse.Taopouffa.—Bref…rendez-voussurleparking,conclut-ilavantd’empoignerlasangledesonsacentoileetde

    disparaîtredanslesgaleries.Aufinal,iln’avaitpasvuRileytantqueçacesderniersjours.Ils’étaitchargédespatrouillesdenuit,

    surveillant le périmètre du territoire, si bien qu’ils ne s’étaient croisés qu’aux dîners.Chaque fois, ils’étaitappliquéàs’asseoiràcôtéd’elle,plaquantsacuissecontrelasienneetjouantàl’occasionavecunemèchedesescheveux,ungestepossessifquin’avaitéchappéàpersonne.

    UnefoisdevantlachambredeRiley,iltoquaàlaporte,etelleluiouvrit,l’airfatiguée.Celanelesurpritpas,ill’avaitentenduparlerdesoninsomnieàMakenna.

    —Prêteàfiler?—Ouais.Jechopemonsacet…Hé!qu’est-cequetufous?lâcha-t-elle,renfrognée,enlevoyant

    entrerdanssachambreetrefermerlaportedupied.—Onvaclarifierdeux-troistrucsavantdepartir.Premièrechose:jesaisquetupréféreraisyaller

    seule.Letruc,c’estquesebaladerseuloùquecesoitc’estunemauvaiseidée.Tucomprendrasd’autantmieuxmaprésenceauprèsdetoiquetun’accepteraispasquejeparteenvadrouillesansprotection.

    —Ça,c’esttoiquiledis.

  • —Bref…lemieux,c’estquetutefassesuneraison.C’estcommeça.Soucie-toiseulementdefairedeceweek-endunbonmomentpourtoietpourtesoncles.

    Elleenfonçaleboutdesalangueàl’intérieurdesajoue.—Çameva.—Bien.Deuxièmechose:oùestmamontre?Jel’avaishiermatin.Ellehaussaunsourcilenunrictusaussiorgueilleuxqu’offensé.—Oh!jevois.Auprétextequelescorbeauxaimentcequibrille,jel’auraisvolée?—Non,jepensequetul’asprise,parcequetuvoulaismefairetournerenbourrique.Ceneseraitpas

    lapremièrefoisquetumepiquesdestrucs,rétorqua-t-ilendésignantl’iPadposésurlacommodepourétayersonargument.

    —Jenetevolejamaisrien,je…t’emprunteparfoisdestrucs.—Sansmapermission.Chezmoi,onappelleçaduvol.—Toutdesuitelesgrandsmots…Ils’approchad’elle,saposturemenaçante.—T’esvraimentobligéedemecasserlescouillesàlongueurdejournée?—Vafalloirapprendreàcontrôlertesémotions,monvieux.Tusavaisquequatre-vingtspourcentdes

    hommescolériquesfinissaientavecdel’hypertension?Çadiminueleurespérancedevie.—C’estfaux.—Disonsquecen’estpastoujoursvrai.Ilfermalesyeuxpourmieuxsecontrôler.Elleavaitcettefoutuehabituded’inventerdesstatistiquesà

    lacontouteslescinqminutes.Pourquoi?Iln’enavaitpaslamoindreidée,pasplusqu’ilsavaitpourquoiellepersistaitàluipiquersesputaind’affaires…Elleétaitcommeça,pointbarre.

    —Onarrêtelà.Jevaispéteruncâblesioncontinuecettediscussion.(Taorouvritlesyeux,etsonregardtombasurlamarquequ’ilavaitlaisséedanslecoudeRiley.)Elles’esteffacéevite.

    Voilàquineplaisaitpasdutoutàsonloupet,pourtoutdire,àTaononplus.—J’aitoujoursguérivite.LeloupdeTaogrondaendécelantlapointedesuffisancedanslavoixdeRiley.—Ahoui?Vraiment?(Taolafitreculercontrelemur.)Vafalloirremédieràça,entoutcas.Sachantexactementcequ’ils’apprêtaitàfaire,Rileyleretintparlesbras.—T’aspasintérêtà…Taoplaqualabouchecontrelasienneetlapaseslèvresjointes.Ellerésista…troissecondes,mais,

    incapablederésisteraudésird’uneintensitédéroutantequinaissaitentresescuisses,soncorpspritlepassursaraison.

    TaoenfonçalalangueentreleslèvresdeRiley,grognantensavourantlasaveurexotiquedel’accèsdecolèrequi l’électrisait toutentier.La sensation,vertigineuse,était aussiaddictivequ’unedrogue. Iln’avait jamaisassezdeRileyPorter…Incapabledes’arrêter, il l’embrassaavecfougue,se repaissantd’ellecommeunebêtesauvage.

    Taoglissalesmainsdanssesfabuleuxcheveuxnoirsetsoyeux,lesagrippasansretenue,etellegémit,fichantsesonglessiprofondémentdanssesbrasqu’ilcrutsentirlesserresdesoncorbeau.Ilauraitaimélécher lecoudeRiley, lemordre,maisabandonnersabouche luiétait impossible.Dansson jean, sonsexelelançaitetréclamaitsondû:Riley.Taoplaquacontreelletoutelalongueurdesonérection,etellegémitencore,siaffolantequ’ilauraitpujouirlà,deboutcontreelle.

    Danslestréfondsdel’espritdeRileycrépitauneétincelledepanique.Ils’étaitcomportéexactementde lamêmemanière durant leur soirée d’ivresse, comporté exactement comme elle s’y était attenduechaquefoisqu’elle l’avait imaginécéderà la tensionsexuellepresquedouloureusequi lesattirait l’un

  • versl’autre.Ilavaitprislescommandes;ill’avaitprise,elle,commesielleluirevenaitdedroit.Chaquecaressede la languedeTao,chaquefoisqu’il tiraitsursescheveuxoumordillaitsapeau,

    débordait depossessivité à l’en effrayer.Mais la peur cédait le pas devant le désir qui l’envahissait,embrasait ses veines et noyait sa raison. La bouche de Tao était envoûtante, d’une expertise presquesurnaturelle:dominatrice,ellelaconsumaittoutentièreaupointqu’ellesecambra,femelleenvieuseetbrûlante,pourmieuxsefrottercontresaqueue.

    Soudain,Taogronda,dézippalafermetureÉclairdeRiley,plongealamaindanssaculotteetglissaundoigte