Le retour d'Avalon ou L'Apocalypse selon le roi...

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LE R E T O U R D'AVALON

OU L'APOCALYPSE

SELON LE ROI ARTHUR

Éditions Charles Corlet, 1993 ISBN : 2-85480-584-4

Gilles NADIN

LE RETOUR D'AVALON

OU

EDITIONS

CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

Ouvrages sur la légende arthurienne :

La légende arthurienne et la Normandie, ouvrage collectif sous la direction de Jean-Charles Payen.

Les romans de la Table Ronde, la Normandie et au-delà, ouvrage collectif.

Guide des chevaliers de la Table Ronde, par Georges Bertin. Rites et sabbats en Normandie, par Georges Bertin. Promenades en Normandie avec Lancelot du Lac, par Georges

Bertin, Claude et Léon Gaignebet.

Ésotérisme, religion, histoire parallèle, folklore :

Sur la route des Templiers en Normandie, par Michel Le Bossé.

Les apparitions religieuses à la lumière des faits de Dozulé, par Daniel Reyt.

Les possédées de Louviers, par Roger Dubos. Légendes de Basse-Normandie, par Édouard Colin. Le clos du Cotentin, par Monique Léon et René Lepelley.

Le masque de Fer, c'est la faute à Voltaire, par Michel Le Bossé.

Les services secrets normands au Moyen Age, par Jean Deuve.

Littérature fantastique :

Le Sablé d'Asnelles et autres nouvelles étranges, par Henri Maisongrande.

Pour Henri Maisongrande, inspirateur d'une grande partie de ce livre, ce message d'amitié

Pour Charles Corlet, qui donne vie à ce texte, mes sincères remerciements

DU MÊME AUTEUR

Chez le même éditeur :

La pêcheuse de Lune Cerisy-Belle-Étoile des origines à nos jours

Aux Éditions Équilibres Aujourd'hui :

Les plantes du père Hébert

Comme homme, je vivrai éternellement dans l'homme et pour cette raison je n'ai pas besoin d'offrandes sur ma tombe ni d'immortalité pour mon nom.

Mika Waltari, Sinouhé l'Égyptien Traduit du finnois par Jean-Louis Perret

Éditions Olivier Orban, 1977

L ' i n c u n a b l e des derniers j o u r s

La fin de notre cycle d'humanité approche. Les visionnaires nous assurent que le monde doit se consum- mer dans un brasier purificateur, et chacun vit dans l 'appréhension de ce jour terrible. Aussi, nous employons-nous à ordonner nos annales. Moi, Sharam de Bélicie qui burine cette histoire sur les marbres du temple d'Arthuria la Belle, je mesure la vanité de mon entreprise. Pourquoi laisser témoignage de notre passage aux siècles futurs s'il n'y a plus de siècles ?

Nous autres Celtes avons dû nous plier aux exigences de cet âge de fer. Jadis, nous méprisions les signes. Seuls les sorciers suppliaient Ogmios, le dieu aux liens, de leur révéler le sens des ogams. Ces idéogrammes, tracés maladroitement, fixaient sur le bois les formules incan- tatoires des malédictions. La terreur superstitieuse atta- chée aux ogams engendrait bien des maux irréparables. Celui qui trouvait clouée sur sa hutte une écorce de bouleau revêtue de ces lettres ne pouvait plus désormais prétendre à la joie. Certains affirment que la mort même ne délivrait pas l'envoûté ; son esprit errait dans les bas- fonds de l'enfer sans espoir de rémission.

Les mythes s'affaiblissent à force d'être rebattus. Les symboles se voilent, la lettre tue l'esprit. C'est la raison pour laquelle les scribes surveillent l'enseignement de la calligraphie. Car l'alphabet s'est substitué à la parole, empêchant nos traditions de se vivifier. Rien, jamais, ne remplacera la puissance du Verbe, grâce à laquelle des générations d'hommes se sont transmis la vérité. Aujour- d'hui, hélas, nous gravons nos lois, nos coutumes, nos poèmes, sur des tablettes d'argile ou sur des pages de pierre. L'essentiel se solidifie.

J'ai passé ma jeunesse dans les classes du temple, sans

vraiment goûter aux plaisirs. Là, j'ai assimilé avec ferveur le savoir de notre nation. Mon zèle et mon inclination pour l'étude m'ont élevé dans la hiérarchie des scribes. J'ai été choisi par le sacré-collège afin d'immortaliser l'épopée du roi. Je dois narrer comment, à la fin du monde qui a précédé le nôtre, Arthur revint d'Avalon accomplir sa promesse : celle d'anéantir les démons de l'Apocalypse. C'est la raison pour laquelle nous l'avons déifié. Arthur est notre dieu, et Merlin est son prophète.

L'attente du jugement céleste plonge nos concitoyens dans une apathie bouleversante. Les sacrifices se multi- plient, les prières collectives jouissent d'une influence sans précédent. Demain, notre peuple assistera à la célébration de l'inceste sacré. Cette fête commémore la faute d'Arthur — qui coucha sans le savoir avec sa sœur Morgane. Je crois nécessaire de m'arrêter sur ses fastes, non pour la justifier devant la moquerie des Barbares, mais pour en laisser témoignage aux improbables générations futures. Nos illustres familles se disputent l'honneur d'y présenter leurs enfants. Choisis par le conseil des bardes, le frère et la sœur s'unissent sur le palier du sanctuaire, devant l'assemblée des fidèles.

Le mariage du couple primordial ne symbolise-t-il pas la création du monde ? Deux personnes du même sang parfont l'unité et rétablissent l'équilibre entre le ciel et la terre. Cependant, l'ambivalence de la manifestation exige son tribut. Le positif au regard de Dieu peut se révéler négatif à l'analyse de l'homme. L'histoire d'Arthur offre là un modèle exemplaire. De son union, naquit Mordred le traître. Le fruit malheureux de cet instant d'abandon doit être considéré comme une nécessité, un instrument du destin. Les événements l'ont prouvé.

Profitant d'une absence de son père, Mordred s'allia avec les Saxons pour s'emparer de la Bretagne. Il décima la fine fleur de la chevalerie à la bataille de Salisbury, avant de trépasser sous les coups de son père. Mortel- lement blessé lui aussi, le roi partit en Avalon — où Morgane le soigna. Vous trouverez ces récits dans les romans de la Table Ronde, conservés par messires Gau- thier Map, Robert de Boron, Thomas Mallory, Chrétien de Troyes et bien d'autres estimables lettrés.

le parchemin et le calame. Je suis la lettre enluminée du manuscrit, son sens et sa signification. Je suis la dédicace, l'introduction et la préface, le chapitre et son titre. Je suis la partie, la note et la notule, l'annexe et la table. Je suis la marge et la ligne, la grammaire, la syntaxe, le point et la virgule. Je suis la traduction et la langue vernacu- laire. Je suis le mythe et la légende. Je suis l'épître et le psaume, le synoptique et le rouleau de la Règle. Je suis le bréviaire et le sermon, l'homélie et la vision, la confession et la satire. Je suis la méditation et l'antipho- naire, le phylactère et le guide des égarés, la contradiction et le pamphlet. Je suis le codex et la glose, le dialogue et le commentaire, le canon et la décrétale. Je suis la défense et l'illustration, l'apologie et la réfutation.

Je suis l'exégèse et l'histoire, le témoignage et l'apo- cryphe. Je suis le vers et la prose, la laisse et le proverbe, le chant et la malédiction, l'épopée et l'évangile. Je suis le verset et la sourate, le palimpseste et la tablette, l'index et le colophon.

Je suis le doute, la certitude et l'émotion, l'espoir et le songe. Je suis le texte et la lecture, mais je suis l'Écriture.

Je suis l'Alpha et l'Oméga. Je suis le Verbe muet. Moi, Sharam de Bélicie, je suis l'incunable des der-

niers jours.

Achevé d'Imprimer par Corlet, Imprimeur, S.A. 14110 Condé-sur-Noireau (France)

N° d'Imprimeur : 9261/11 8 - Dépôt légal : mai 1 993 Composition-mise en pages : Reprotyp - 14110 Condé-sur-Noireau

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