Sur l'indépendance Et La Responsabilité Des Magistrats
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8/2/2019 Sur l'indpendance Et La Responsabilit Des Magistrats
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Sur lindpendance et la responsabilit des
magistrats
Roger ERRERA
Conseiller dEtat honoraireAncien membre du Conseil suprieur de la magistrature
Comment combiner lindpendance statutaire des magistrats avec le
degr de responsabilit que ltendue de leurs pouvoirs impose ? Le dbat
public engag ce propos est pleinement lgitime. Nul ne sy trompe : au-
del de lactualit et des polmiques du jour, il a t rendu invitable par laconjonction de quatre lments : le premier est la consolidation des garanties
de lindpendance. Le second est le suivant : linstitution judiciaire met de
plus en plus souvent en cause la responsabilit de nombre de dcideurs
publics et privs, hommes politiques, lus, chefs dentreprise, responsables
conomiques, membres des professions librales Elle ne pouvait rester
lcart de la fin proclame des immunits de droit ou de fait. Le troisime
fait est le degr dexigence accrue de lopinion envers le service public de la
justice, toutes composantes confondues. La justice est une. Enfin cette
attitude gnrale est venue sajouter une certaine perplexit, devenue
interrogation, propos non seulement de tel ou tel sinistre judiciaire
(Affaire Grgory, Outreau) mais aussi du comportement public de certains
magistrats, cdant aux tentations mentionnes avec raison par Mme
Commaret, avocat gnral la Cour de cassation et ancien inspecteur gnraladjoint des services judiciaires, celles du corporatisme, du vedettariat ou de
la dmagogie 1 Cinq ans plus tard M. Canivet, Premier prsident de la Cour
de cassation, mentionnait le constat quotidien de liberts prise avec des
obligations videntes, et des comportements dgrads 2.
1 Le Figaro, 23 octobre 1998.2 G. Canivet, La conception franaise de la dontologie des magistrats , Esprit,
novembre 2003.
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Roger ERRERA
Cette rflexion sur le couple indissociable form par les notions
dindpendance et de responsabilit possde dsormais une dimension
internationale pour plusieurs raisons : lune est dordre juridique, constitue
par linfluence dcisive de la jurisprudence de la Cour europenne des droits
de lhomme relative larticle 6-1 de la Convention europenne des droits de
lhomme (le tribunal indpendant et impartial ; le procs quitable)3.Ensuite
une raison plus gnrale, savoir les travaux et tudes effectus tant par la
Mission de recherches Justice et droit quau sein du Conseil de lEurope 4,
notamment par le Conseil consultatif de juges europens5 et la commission
europenne pour lefficacit de la justice6.
Dans cette perspective le prsent expos sefforce de combiner un
constat de ltat des lieux avec des propositions. Il comprend trois parties :- La premire se rapporte aux magistrats et sintitule Des magistrats
mieux assurs de ltendue de leur responsabilit .
- La seconde a trait linstitution judiciaire et a pour titre Une
institution judiciaire qui affirme sa dontologie et la fait respecter .
- La troisime partie sintitule Responsabilit de lEtat- garant et
responsabilit des magistrats .
I- Des magistrats mieux assurs de ltendue de leur
responsabilit.
De ce propos gnral se dduisent trois propositions :
1) Des magistrats mieux forms.
2) Des magistrats mieux informs.
3) Des magistrats mieux valus.
1) Des magistrats mieux forms.
Il sagit de la formation initiale et de la formation continue, toutes
assures par lEcole nationale de la magistrature.
3 Cf. La diffusion du modle europen du procs quitable, sous la direction de
F.Sudre et C.Picheral, La Documentation franaise, 2003.4 Conseil de lEurope, Lindpendance, lefficacit et le rle des juges,
Recommandation n R (94) 12 du 13 octobre 1994.5 Avis n 1 (2001) sur les normes relatives lindpendance et linamovibilit des
juges ; avis n 2 (2001) relatif au financement et la gestion des tribunaux au regardde lefficacit de la justice et au regard des dispositions de larticle 6 de la Convention
europenne des droits de lhomme ; avis n 3 (2002) sur les principes et les rglesrgissant les impratifs professionnels applicables aux juges et en particulier la
dontologie, les comportements et limpartialit.6 Systmes judiciaires europens. 2002. Synthse, Bulletin dinformation de la Cour
de cassation, 1er novembre 2005, p. 22.
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a) La formation initiale.
Une lecture attentive des rapports des jurys de classement, jointe
dautres lments dinformation me conduit un constat : malgr les efforts
louables entrepris, les auditeurs de justice de reoivent pas au cours de leur
scolarit, en matire dthique, de dontologie et de responsabilit, toute la
formation et linformation requises posant avec clart et fermet les principes
fondamentaux.7 Certains rapports du jury font tat de graves insuffisances.
Lobjectif tient ici en un mot : donner une armature intellectuelle, des
rfrences utilisables par la suite.
Il incombe lEcole de concevoir cette action et de se mettre en
place les moyens ncessaires. Sur ceux-ci je me bornerai sur ce point uneremarque : il me parat indispensable de faire participer cette formation, en
plus des matres de confrences et des magistrats, des personnalits
extrieures la magistrature.
b) La formation continue.
LEcole a entrepris une action quil convient de saluer, de
poursuivre et de systmatiser. Latelier dirig par Mme lavocat gnral
Commaret en 1998-1999 sur la responsabilit du juge est lorigine dune
tude de trs grande qualit8. Un tel atelier devrait tre permanent. Les
problmes de responsabilit et de dontologie doivent avoir une place
particulire dans les sessions destines aux nouveaux chefs de cour,
dsormais habilits engager des poursuites disciplinaires devant le CSM ,etde juridiction, placs au premier rang.
2) Des magistrats mieux informs.
La connaissance approprie, par les magistrats, de ltendue de leur
responsabilit suppose, entre autres, lexistence et la mise la disposition de
tous dun recueil contenant, outre les textes pertinents, les lments
dinformation suivants :
7 Cf. G. Canivet et J. Holy-Hurard, La dontologie des magistrats, Dalloz, 2004 ;
Lthique du juge : une approche europenne et internationale, sous la direction deH.Epineuse et D. Salas, prface de G.Azibert, Dalloz, 2003.8 Voir, du mme auteur, A propos de la loi n95-884 du 3 aot 1995 ou rflexions
sur lhonneur du magistrat , D.1996.197 ; Une juste distance ou rflexions sur
limpartialit du magistrat , D. 1998.262 ; Responsabilit. Les multiples sensdun terme , Les Annonces de la Seine, 12 aot 1999 ; Les responsabilits
dontologiques des magistrats la lumire de la jurisprudence du Conseil suprieur dela magistrature , in Juger les juges. Du Moyen Age au Conseil suprieur de lamagistrature , La Documentation franaise, 2001, p.201.
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. la jurisprudence et la pratique disciplinaires nationales : dcisions et
avis du CSM ; dcisions du ministre de la justice ; dcisions du Conseil
dEtat.
. la jurisprudence relative lapplication de larticle L. 781-1 du code de
lorganisation judiciaire sur la responsabilit de lEtat pour
fonctionnement dfectueux de la justice.
. la jurisprudence pertinente de la Cour europenne des droits de
lhomme sur l indpendance et limpartialit du juge et la notion de
procs quitable.
Le vrai code dontologie est l, non ailleurs. Il existe dans linstitution
judiciaire une forte demande de dontologie. Il faut savoir lcouter et
semployer lui fournir des instruments de rfrence. Quen a-t-il t jusquici ? Le bilan est maigre. Ce nest que depuis 1995, date de la
publication du premier rapport annuel du CSM institu par larticle 20 de la
loi organique du 5 fvrier 1994 prise en application de la rforme
constitutionnelle de 1993 quun rapport public officiel mentionne laction
disciplinaire et ses rsultats. Et ce nest que depuis 20009 que le rapport
annuel du CSM reproduit les dcisions disciplinaires. Un recueil contenant
uniquement la jurisprudence du CSM a t labor par le ministre de la
justice en 199510, puis en 2002 et adress aux chefs de cour. 11 Lensemble des
magistrats la-t-il reu ? Je ne le pense pas. Pourquoi ? La publication, dans le
rapport annuel public du CSM, des dcisions et avis disciplinaires a t une
innovation bienvenue. Le CSM ds 1999, puis rcemment la commission
prside par M. Cabanne12 ont suggr la mise au point dun tel recueil, sans
mentionner toutefois la jurisprudence relative lapplication de larticle L.781-1 COJ et celle de la Cour europenne des droits de lhomme. Ce recueil
a enfin t labor par le CSM avec le concours de la Cour de cassation. Il
comble une lacune fcheuse et il faut sen fliciter (CSM, Recueil desdcisions disciplinaire , 1959-2005, 2006). Il faut prsent quil soit, tous
les niveaux, utilis comme il convient.
Ncessaire, un tel recueil ne saurait suffire tout. Sil est vrai que
linsuffisance des connaissances peut engendrer, tous les niveaux, une
conscience ingale des enjeux et le retard tirer les consquences dune
situation donne, linformation ne saurait sarrter lexistence dun tel
document. Pour se transformer en connaissance vivante et en conscience
claire, il devrait faire lobjet de dbats appropris, dont le fruit pourrait tre
publi. Un exemple rcent en a t la publication des actes de la confrence
de consensus sur lthique judiciaire organise loccasion de la runion
9 Rapport 1999 du CSM10 Cf.Justice, n144, mars 1995, p. 4 etLe Monde, 28 mars 1995.11 Par courrier lectronique. Allocution de M.Gariazzo, alors directeur des services
judiciaires, aux chefs de cour, Bulletin dinformation de la Cour de cassation, 15
fvrier 2002, p. 34.12 Commission de rflexion sur lthique dans la magistrature, novembre 2003 et avril
2005
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des premiers prsidents de cour dappel la Cour de cassation le 28 juin
200513.On lira en particulier les rapports consacrs au respect du justiciable,
au cas des magistrats dont le comportement est affect par une maladie, au
pouvoir disciplinaire des premiers prsidents de cour dappel, ainsi que
lanalyse dtaille des manquements des magistrats sanctionns par linstance
disciplinaire.
Il a t rcemment propos de crer un organe spcial de conseil et
davis en matire dontologique. Le conseil consultatif de juges europens,
dans lavis dj cit sur les normes de conduite et la responsabilit des juges,
a dclar encourager la mise en place, au sein du corps judiciaire, dun ou
des organes ou dune ou des personnes ayant un rle consultatif ou de conseil
auxquels les juges puissent sadresser chaque fois quils auront une hsitationsur la compatibilit dune activit prive avec la fonction de juge .La
commission prside par M. Cabanne et le CSM ont propos, en 2003 et en
2005,14 de crer, au sein du CSM ou sur dsignation de celui-ci, un organe
spcial de conseil et davis en matire dontologique. Il pourrait tre saisi
pour avis soit par le ministre de la justice, soit par des magistrats confronts
un problme dthique, et rendrait des avis ou des recommandations. Il serait
compos doit de trois membres du CSM soit de membres dsigns par lui en
dehors de son sein.
A la rflexion une telle cration me parat inutile, voire constituer une
source de difficults. Pourquoi ? Le Garde des sceaux peut dj saisir le CSM
dune demande davis en matire dontologique. Il la fait dans le pass.
Quant la cration dun tel organe supplmentaire, sorte de conseil des
sages de lthique judiciaire, il convient de sinterroger tant sur le principeque sur les modalits. Le principe repose sur lide dun besoin ressenti par
des nombreux magistrats, insuffisamment au fait des principes et de leur
application concrte. A supposer que tel soit le cas, la rponse rside dune
part dans le recueil dj cit, dautre part dans les contacts et les changes
que les magistrats sont mme davoir avec leurs collgues, les chefs de cour
et de juridiction et les groupements professionnels . En outre, la cration dun
organisme supplmentaire, mme purement consultatif, ne sera pas, quoi
quon veuille, sans consquences sur le fonctionnement des autres institutions
comptentes dans ce domaine et risque de brouiller les cartes. Ses promoteurs
y ont-ils song ? Si lon passe aux modalits, les objections ne manquent
pas : sil est compos de membres du CSM, ceux-ci ne pourront siger, en
matire de nomination ou de discipline, dans tous les cas possdant un lien
avec le magistrat qui aura saisi cette nouvelle instance. Do un dsquilibreau sein des deux formations du CSM comptentes pour le sige et le parquet,
dont la composition deviendra ainsi gomtrie variable, en mconnaissance
des textes rgissant le CSM. On en entrevoit aussi les consquences
contentieuses : la prsence dune telle formation au sein du CSM risque de
13Bulletin dinformation de la Cour de cassation, 15 octobre 2005.14 CSM, avis du 20 mai 2005.
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crer une inscurit au sujet des avis, dcisions et propositions du Conseil.
En outre, si les avis de cet organe sont rendus publics et si le CSM ou le
ministre de la justice sen dissocient, quelle sera son autorit ? Si cet organe
est compos de personnalits extrieures au CSM, quelle sera sa lgitimit ?
Jai relev dans lavis n 3 du Conseil consultatif de juges europens
sur les normes de conduite et la responsabilit des juges, mis en 2002, la
recommandation suivante :
Les principes de dontologie devraient tre lmanation des juges
eux-mmes. Ils devraient tre conus comme un instrument dauto-
contrle du corps, gnr par lui-mme, qui permet au pouvoirjudiciaire dacqurir une lgitimit par lexercice de fonctions dans le
cadre de standards thiques gnralement admis.
On peut redouter que cette conception de lauto-gestion et, plus, delauto-normativit du corps, en matire dontologique notamment,
nappartienne une poque heureusement rvolue, si tant est quelle ait
jamais exist. Elle va directement lencontre de la lgitimit invoque.
3) Des magistrats mieux valus.
Jemploie ici le terme dvaluation tant au sens juridique troit quau
sens gnral, et formulerai deux remarques.
a) Sagissant de lvaluation au sens juridique etstatutaire du mot, jestime quelle devrait possder une dimension
dontologique, indpendamment de la cration, souhaitable, dune nouvelle
rubrique, propose par la commission Cabanne. Cette dimension fait trop
souvent dfaut dans les dossiers, mme quand tout indique quelle y serait
approprie. Elle suppose, de la part des chefs de juridiction et de cour une
pleine conscience de limportance permanente de cette dimension, ainsi
quune bonne connaissance de la situation au sein de la juridiction. Ces deux
conditions sont-elles toujours runies ? Instrument capital de gestion, une
valuation pertinente a pour but de guider tous les dcideurs Chancellerie,
commission davancement, CSM dans leurs apprciations et dcisions. Au-
del, elle a aussi pour objet dclairer le magistrat sur sa situation, sa pratique
professionnelle et la faon dont elle est perue, enfin le cours de sa carrire.
Tche lourde, tche ncessaire lvaluation nest
ni un don inn, ni un art , ni une activit discrtionnaire. Est-il excessif
davancer que la prise de conscience de la responsabilit des valuateurs,
tous les niveaux, pourrait bnficier de sessions de formation approprie ? Je
ne crois pas15.
b) En dehors de cet exercice et dans la viequotidienne des juridictions, il faut souligner le rle capital de ceux qui sont
15 Le Rapport 2003-2004 du CSM contient une rflexion sur lvaluation des
magistrats et des informations sur la pratique de pays trangers.
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placs leur tte dans la prvention et la dtection des incidents ou des
dfaillances relatifs la responsabilit des magistrats. Depuis des annes
toutes les tudes insistent sur leur rle de sensibilisation, de conseil, de
soutien, dcoute, dalerte, en un mot de veille dontologique. Cette
fonction est-elle suffisamment assure ? La raret relative des avertissements
ayant prcd des saisines disciplinaires dans des cas o les faits taient
connus depuis longtemps suscite la perplexit. Lorsque le CSM, dans sa
contribution de 2003, parle de certaines dfaillances de linstitution
judiciaire (soulign par nous) dans la prvention, la dtection et le traitement
des situations risques et des insuffisances professionnelles , o donc
porter le regard ? Aussi le rapport de lInspection gnrale des services
judiciaires pour 1999 - 2000 soulignait, propos des chefs de cour, outre leur
connaissance du terrain et leur proximit avec les magistrats du ressort, leurspouvoirs propres dinspection et de contrle, noncs larticle R. 213-29 du
code de lorganisation judiciaire. Le droit de saisir dsormais le CSM accrot
limportance des remarques qui prcdent.
II- Une institution judiciaire affirmant et faisant respecter la
dontologie
Par institution judiciaire jentends ici lensemble des composantes
du service public de la justice : Garde des sceaux, services du ministre de la
justice, Conseil suprieur de la magistrature, commission davancement, les
magistrats, les responsables des personnels administratifs et ceux-ci.
Pour affirmer et faire respecter la dontologie, quatre instrumentsexistent. Deux dentre eux ont dj t examins : un recueil complet des
textes et des dcisions, ainsi que le rle propre des chefs de cour et de
juridiction. Il reste en tudier deux autres : un traitement systmatique des
rclamations et une politique disciplinaire cohrente.
1) Le traitement systmatique des rclamations concernant lefonctionnement de la justice.
Un constat. Une leon. Une proposition.
a) Un constat.
Il nexiste pas aujourdhui de rgles gnrales publiques concernantle traitement systmatique de ces rclamations et les consquences en tirer,
que ce soit au niveau des juridictions ou au niveau national (accus de
rception, enqute, rsultats, dcisions prises).Les tudes publies sont trs
rares : on peut citer le rapport de M.Costes, sous-directeur de la magistrature
la direction des services judiciaires du ministre de la justice, prsent en
mars 2000 lors de la runion des premiers prsidents de cour dappel la
Cour de cassation et intitul Plaintes des justiciables et fautes disciplinaires
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traitement la Chancellerie).126 des 309 rclamations estimes cohrentes
mettaient en cause juste titre le fonctionnement des juridictions : retards de
dlibr ; retards de procdure ; dysfonctionnement du greffe. La procdure
suivie est dcrite en dtail, ainsi que les suites donnes : classement, rponse,
communication au chef de juridiction ou au magistrat concern. Sur 350
plaintes, 16% taient justifies par la faute dun juge professionnel.5 juges,
toujours les mmes, taient lorigine de 54 dnonciations de retards de
dlibr. La conclusion de ce rapport tait double et mrite dtre mdite :
Ce sont les insuffisances professionnelles involontaires (incapacit
dcider, utiliser ses connaissances juridiques, sorganiser dans son activit, faire face une masse importante de travail) qui
soulvent en ralit difficultIl existe une pratique consistant taire
les dfauts constats pour pouvoir plus facilement se dfaire, aubesoin en avancement, dun magistrat inefficace. Cest la techniquedite du coup de pied ascensionnel. Seules des attitudes harmonises
permettront de mettre fin ces abus. Pour parvenir un traitement systmatique et utile des rclamations,
il conviendrait de crer une commission nationale compose de magistrats et
de non-magistrats qui ferait la synthse des rapports et enqutes tablis au
niveau des cours dappel dans un rapport public annuel adress au ministre de
la justice, au CSM, la commission davancement et aux chefs de cour et de
juridiction. Une telle rforme devra tre explique et les esprits dment
prpars, en un temps o les pressions sur la justice et sur les magistrats ne
manquent pas et o des campagnes intresses sont organises, suscitant une
attitude de repli, et une demande de protection accrue. Dans leur rapport sur
Le respect du justiciable , prsent en 2005 lors de la confrence deconsensus su lthique judiciaire dj cite, Mmes Nocquet, Colin et Menotti
crivent ce sujet : Les cours dappel se sont montres trs divises et
souvent rticentes sur certaines ides, comme la transmission systmatique
aux chefs de juridiction et de cour des lettres de plainte .
2) Une politique disciplinaire cohrente
Une politique disciplinaire cohrente est autre chose que la simple
addition des actions intentes et de leur rsultat, ou des omissions dagir,
supposer quon puisse en dresser la liste. Elle suppose, pour lautorit qui
intente la poursuite comme pour celle qui statue, une apprciation
densemble de la situation et une apprhension prcise et totalement informe
du cas du magistrat en cause.Sagissant de lautorit habilite dclencher laction disciplinaire,
la rforme de 2001 donnant ce pouvoir aux chefs de cour est bienvenue un
double titre : elle met fin au monopole malsain du Garde des sceaux .Elle met
en lumire les responsabilits propres des chefs de cour, dj voques.
Convient-il dattribuer galement un tel pouvoir aux chefs de juridiction ? La
question mrite discussion.
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En ce qui concerne le ministre de la justice, il devrait disposer dun
vritable service spcialis et toff, dot des moyens humains et matriels
adquats permettant llaboration dune vritable politique disciplinaire et
une qualit juridique approprie des saisines.
Le CSM, quant lui, devrait tre destinataire, de faon gnrale, des
rapports de linspection gnrale des services judiciaires, en dehors mme
des ceux qui concernent le magistrat poursuivi, ainsi que des dcisions
statuant sur les actions en responsabilit intentes contre lEtat sur la base de
larticle L. 781-1 du code de lorganisation judiciaire Leur utilisation
permettrait une meilleure connaissance de la situation relle des juridictions
et une perception moins parcellaire des ralits.
III- Responsabilit de lEtat garant et responsabilits des magistrats
La justice est un service public. Quel rgime de responsabilit tablir
en cas de faute ? Alors que la jurisprudence du Conseil dEtat crait de
toutes pices, partir de la fin du XIXe sicle, un rgime autonome de
responsabilit administrative, le dogme de lirresponsabilit de lEtat du fait
du fonctionnement de la justice a trs longtemps t accept, quelques
rgimes particuliers institus par la loi mis part : lantique prise partie ; la
responsabilit de lEtat pour faute dans le fonctionnement de la tutelle,
institue en 1964 (Art. 473 du code civil) ; la responsabilit en cas de
rvision dune condamnation pnale (Art. 626 du code de procdure pnale) ;
enfin la responsabilit en cas de dtention provisoire non suivie de
condamnation (Art. 149 du mme code).Tel nest plus le cas aujourdhui, du fait de rformes lgislatives et
davances de la jurisprudence. Cest la signification de cette volution quil
convient dexaminer en tudiant lapplication de larticle L. 781-1 du code de
lorganisation judiciaire, puis en comparant ce rgime avec celui de
lindemnisation pour dtention provisoire non suivie de condamnation, enfin
en voquant dautres rgimes de responsabilit de lEtat lies au
fonctionnement de la justice.
1 ) Larticle L. 781 - 1 : essai de bilan.
Prs de 34 ans aprs la loi du 1er juillet 1972, un bilan est possible, et
mme instructif.
Et dabord qui devons larticle L.781-1 du code de lorganisationjudiciaire ? Au gouvernement ? Non. Son projet proposait, non sans paresse,
de conserver lantique rgime de la prise partie, en croyant pouvoir
lamliorer. Linitiative est venue de deux parlementaires juristes, MM.
Foyer et Mazeaud, que la commission des lois suivit : le moment est venu,
dclara son rapport, dappliquer la responsabilit de lEtat raison du
service public de la justice le droit commun de la responsabilit publique.
Linnovation tait double : un rgime gnral de responsabilit tait cr. De
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plus il sappliquait lensemble du service public de la justice. En dautres
termes, au-del du comportement dune personne, cest le fonctionnement
dfectueux du service public,pris comme un tout, qui allait dsormais devoir
tre pris en compte. Cette audace, relle, tait assortie de conditions
dapplication prudentes, voire strictes : la responsabilit de lEtat ne pouvait
tre mise en cause quen cas de dni de justice ou de faute lourde.
La mise en place fut lente. La premire condamnation de lEtat date
de 1990. Depuis, en quinze ans, la jurisprudence a accompli une uvre
considrable, o on peut voir un signe de temps nouveaux. Ds 1994 le
tribunal de grande instance de Paris affirme quil faut entendre par dni de
justice susceptible dengager la responsabilit de lEtat, plus largement tout
manquement de lEtat son devoir de protection juridictionnelle de
lindividu, qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prtentions dans un dlai raisonnable17. La Cour de cassation jugera en
2001 : Constitue une faute lourde toute dficience caractrise par un fait
ou une srie de faits traduisant linaptitude du service public de la justice
remplir la mission dont il est investi .18 Les deux verrous poss en 1972
avaient vcu. On tait la limite de la faute simple, contenue du reste, au
mme moment, dans un projet de loi. Comme le notait le CSM en 2000 : A
labsence justifie daction directe de la victime contre le magistrat auteur
dune faute personnelledoit correspondre un largissement des conditions
de mise en uvre de la responsabilit de lEtat .19
Aprs un long dlai, la jurisprudence du Conseil d Etat suivit,
comme le montre la dcision Ministre de la justice c/M. Magiera20. Sonintrt est double et se rapporte la fois son fondement et au rgime de
responsabilit tabli. La dcision se fonde la fois sur la conventioneuropenne des droits de lhomme (articles 6-1 et 13) et sur un nouveau
principe gnral du droit. Sur le fond, cest bien un rgime de faute simple
qui est cr.
Dans les deux jurisprudences, judiciaire et administrative,
linfluence de la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme
est visible, comme le montre la lecture du rapport de Mme Collomp et les
conclusions de M . de Gouttes dans laffaire Bolle - Roche. La France a t
condamne de trs nombreuses reprises pour dpassement du dlai
raisonnable.
17 C et A de Jaeger c. Agent judiciaire du Trsor public, Gazette du Palais,
1994.II.589, note Petit18 Cass. Pln. 23 fvrier 2001, Consorts Bolle-Roche c. Agent judiciaire du Trsor,
concl. M. de Gouttes, rapport Mme Collomp, Bulletin dinformation de la Cour decassation, 1er avril 2001, p. 9 ; AJDA, 2001.788, note Petit ; JCP.2001.II.10583, note
Menuret.19 Rapport 1999, p. 116.20 28 juin 2002, p. 247, conclusions Lamy ;RFDA.2002.756 ; Gazette du Palais,13-15
octobre 2002, p.21, note Guillaumont ; AJDA, 200.598 ;D.2003.23, note Holderbach-
Martin..
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Luvre ainsi accomplie est considrable et il convient den prendre
toute la mesure. Plusieurs questions restent en suspens. La premire est celle
de lexploitation systmatique, par le ministre de la justice comme par le
CSM , des jugements faisant application de larticle L. 781-1 du code de
lorganisation judiciaire, ce qui suppose quils leur soient communiqus.
Nous nen sommes pas encore l. Pourquoi ?21
La deuxime question se rapporte lautorit de la chose juge.
Constitue-telle un obstacle la mise en cause de la responsabilit de lEtat
lorsque le contenu mme de la dcision est en jeu ? La loi de 1972 est muette.
Le Conseil dEtat, dans larrt Darmont22, a rpondu par la ngative : Lautorit qui sattache la chose juge soppose la mise au jour de cette
responsabilit dans le cas o la faute lourde allgue rsulterait du contenu
mme de la dcision juridictionnelle et o cette dcision serait dfinitive .La Cour de cassation na pas pris position sur ce sujet. Il est arriv que des
juridictions reconnaissent la responsabilit de lEtat alors que des dcisions
juridictionnelles dfinitives taient en cause. Tel a t le cas dans laffaire LeLay, du fait de la combinaison dune ordonnance du juge aux affaires
familiales confiant aux deux parents lexercice conjoint de lautorit
parentale et fixant chez la mre le lieu de la rsidence habituelle de lenfant,
le juge ayant omis de vrifier les dires de la mre, demandeur, et de
lomission, pour le parquet, dinformer ledit juge du rapport du prsident du
conseil gnral relatif ltat de la mre. Celle-ci, peu aprs, a tu sa fille. 23
Dans le jugement relatif laffaire Esnaultle tribunal de grande instance de
Rennes a affirm : Une dcision juridictionnelle peut donner lieu une
mise en uvre de la responsabilit de lEtat si les conditions dans lesquelles
elle a t rendue font apparatre lexistence dun manquement grave dumagistrat ses devoirs 24.
Longtemps dogme reu, lirresponsabilit de lEtat en matire
judiciaire nexiste plus aujourdhui. Quen sera-t-il, en matire de
responsabilit, de lautorit de la chose juge ?
21 Le CSM a fait la proposition suivante : toute dcision dfinitive ayant condamn
lEtat pour fonctionnement dfectueux du service de la justice devrait tre
communique au garde des sceaux et aux chefs de cour intresss, de manire permettre lintroduction dune procdure disciplinaire si elle rvlait de la part dun
magistrat un manquement ses obligations professionnelles , Rapport 1999,p.141 .La loi organique du 5 mars 2000 a ralis cette rforme ( Art. 48-1 du statut de
la magistrature). M. Magendie, prsident du tribunal de grande instance de Paris critavec raison : Laction en responsabilit de lEtat peut tre vue comme un lieu
dobservation de la ralit des dysfonctionnements de la justice , La responsabilitdes magistrats. Contribution une rflexion apaise , D. 2005.2418 ; voir aussi, du
mme auteur, La responsabilit des magistrats , id. 2003.1177.22Darmont27 dcembre 1978, p. 542 ; D.1979. 279, note Vasseur ; AJDA 1979, n
11. 579 ;RDP.1979.1742, note Auby.23 Cour dappel de Paris, 25 octobre 2000 ;D. 2001.580, note Lienhard.24 Tribunal de grande instance de Rennes, 27 novembre 2000.
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Sur lindpendance et la responsabilit des magistrats
La responsabilit sans faute de lEtat du fait de la loi ou du trait
existe devant la juridiction administrative, mme si elle ny est
quexceptionnellement admise. Lautorit de la chose juge est-elle voue
tre ici dans tous les cas une limite infranchissable ? Je ne pense pas. La
rdaction du jugement relatif laffaire Esnault indique peut-tre une voie25.
2) Rflexions sur deux rgimes de responsabilit : de larticle L. 781-1du code de lorganisation judiciaire larticle 149 du code de
procdure pnale.
La responsabilit de lEtat du fait du fonctionnement dfectueux du
service public de la justice peut tre rapproche dun autre contentieux : celui
du droit indemnisation raison dune dtention provisoire suivie par unnon-lieu, une relaxe ou un acquittement, sous rserve de certaines exceptions.
Tout semble pourtant les sparer : la responsabilit dicte par larticle
L.781-1 COJ repose sur lexistence dune faute lourde ou dun dni de
justice, alors que la rparation prvue par larticle 149 CPP repose, ds
lorigine, sur un rgime de responsabilit sans faute, aujourdhui automatique
ds que les conditions poses par la loi sont runies et quune demande
existe. A la vrit, le parallle nest pas indu, pour trois raisons.
A ) Ces deux rformes, adoptes presque au mme moment (1970 et
1972 ; mais larticle 149 CPP a t modifi substantiellement en 1996 puis en
2000) ont t appliques de faon concomitante par les juridictions civiles
dans un sens libral. A la libralisation progressive de la jurisprudence
relative larticle L.781-1 COJ a correspondu, en 1996 (loi du 30 dcembre)et en 2000 (loi du 15 juin), la transformation radicale des articles L. 149 et
suivants CPP par le lgislateur .Je la rsume : au dpart (1970) une juridiction
civile rendant des dcisions non motives, non susceptibles dappel et en
chambre du conseil, triple incongruit ; une facult dindemnisation, et non
un droit , en cas de prjudice manifestement anormal et dune particulire
gravit. Do un contentieux implicite de linnocence, contraire la
prsomption du mme nom. Un an avant la rforme le tribunal de grande
instance de Paris, dans laffaire Ouaoukorri, rejetait la demandedindemnisation au motif que lintress napportait pas la preuve de son
innocence 26. Qui crirait cela aujourdhui ? Dans une tude publie en 1985
25 Sur larticle L.781-1 COJ et son application voir M. Lombard, La responsabilit
du fait du service public de la justice. Trente ans aprs la loi du 5 juillet 1972 ,Mlanges Waline, Dalloz, 2002, p.657 ; les rapports dactivit du CSM 1999, p. 109
et 2000,p.109 ;O.Renard-Payen et Y. Robineau, La responsabilit de lEtat pourfaute du fait du fonctionnement dfectueux du service public de la justice judiciaire et
administrative , Cour de cassation, Rapport 2002, p. 59 ; Justice et responsabilit delEtat, sous la direction de M. Deguergue, prface de Ph. Ardant, Presses
universitaires de France, 2002.26 Ouaoukorri c Agent judiciaire du Trsor, 1- octobre 2003,JCP.1970.II.16153, note
Batigne.
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Roger ERRERA
M. Azibert notait que la commission nationale accordait une indemnisation
en cas dinnocence manifeste . Aujourdhui, un droit la rparation
intgrale du prjudice matriel et moral caus par la dtention provisoire.
Lexpertise contradictoire du prjudice est de droit sur demande de
lintress. Ce droit rparation peut se conjuguer avec lapplication de
larticle L. 781-1 COJ. La rparation est alloue en premire instance par le
premier prsident de la cour d appel ; dont les dcisions dindemnisation
sont excutoires par provision et qui statue en audience publique, sauf
opposition du requrant. Un recours existe devant une commission nationale
place auprs de la Cour de cassation. Lexistence de la procdure
dindemnisation et des conditions de saisine des organes comptents doivent
tre ports la connaissance des intresss.
La manire dont les dcisions prise sont relates, au fil du temps,dans le Rapport annuel de la Cour de cassation est aussi une illustration de
lvolution. Le premier rapport qui mentionne le sujet est celui de lanne
judiciaire 1971- 1972.La page qui lui est consacre reproduit les textes
applicables .On lit ensuite : Cette absence de motivation et de publicit
exclut que les dcisions rendues puissent tre commentes ou analyses .
Ctait pousser trs loin la logique du texte, et ajouter indment le silence au
silence. Cest dans le Rapport 1999 que lon trouve, pour la premire fois,
une rflexion gnrale sur le mcanisme institu. On en retiendra la phrase
suivante, qui reste dactualit : Parce quelle constitue une atteinte
essentielle au droit fondamental daller et de venir, parce quelle a aussi des
consquences sur lemploi, les revenus, les liens familiaux et lhonneur, la
privation de libert qui se rvle injustifie constitue lune des formes les
plus graves de cette rupture dgalit (devant les charges publiques)prjudiciable. Il convient, autant quil est possible, den rparer les effets
conomiques et moraux dvastateurs . Les rapports annuels les plus rcents
donnent des prcisions sur le nombre des saisines et des admissions, le
montant des indemnits alloues, les modalits de calcul du prjudice, y
compris les facteurs inhrents aux conditions de dtention - occasion dun
regard nouveau et bienvenu du juge sur la prison -. La publication du
sommaire des principales dcisions de la Commission dans le Bulletin
dinformation de la Cour de cassation ne peut quamliorer la connaissance
de cette jurisprudence. Il est permis de souhaiter une publication des
principales dcisions des premiers prsidents de cour dappel et, de faon
gnrale, celle des montants allous27.
B) La seconde raison est la suivante : ltude de ces deuxdomaines de responsabilit conduit sinterroger sur trois questions
juridiques dimportance :
27 Sur lapplication de la rforme due la loi du 15 juin 2000 voir G. Gillet et
M.Thuillier, La mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000 par la commissionnationale de rparation des dtentions , Courrier juridique des finances et delindustrie, n 30, novembre- dcembre 2000.
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Sur lindpendance et la responsabilit des magistrats
- le rle respectif de la jurisprudence, nationale et internationale, de
la loi et de la doctrine dans la cration du droit et son volution,
- la place de la responsabilit pour faute et sans faute de lEtat, dunefaon gnrale et ici, dans le domaine de la justice.
- Enfin lutilisation par les juridictions judiciaires de notions issues dudroit public : la distinction entre la faute personnelle ou la faute de service ,
la rupture de lgalit devant les charges publiques. Ds 1956 la Cour de
cassation avait ouvert la voie dans larrt Giry. Les vrais auteurs de larticle
L.781-1 COJ, MM. Foyer et Mazeaud, citent ces principes dans le rapport de
la commission des lois dj mentionn.
C) La troisime raison est peut-tre aussi une leon.
Dans lun et lautre cas la juridiction judiciaire est amene examiner les consquences, du point de vue de la rparation dun prjudice,
du fonctionnement du service public de la justice soit dans son ensemble ,
tous personnels et services confondus ( article L. 781-1 COJ), soit propos
de la dtention provisoire ( Article 149 CPP).Celle-ci est subie, faut-il le
rappeler, dans une administration qui dpend du ministre de la justice, sur
dcision des juridictions dinstruction et dans les conditions prvues par le
code de procdure pnale ( partie D, ce qui est une anomalie juridique
remarquable, sagissant des conditions dans lesquelles la privation de libert
est applique).Le regard du Premier prsident de la cour dappel et de la
commission nationale et lapprciation qui en rsulte sinscrivent la suite de
celui quont port, il y a peu, sur nos institutions pnitentiaires tant la
commission prside par M. Canivet28 et deux commissions denqute
parlementaires29. De quoi sagit-il, la vrit sinon dapprcier, en
application de textes et de procdures tablis par la loi, la qualit de la
justice, proccupation qui se gnralise et devient exigence, et den tirer lesconsquences juridiques en matire dindemnisation ? Cest en cela que les
rformes de 1970 et de 1972, et la jurisprudence qui a suivi sont porteuses
dune novation profonde que le lgislateur ne souponnait probablement pas.
Cela arrive parfois.
Un autre aspect de lEtat garant peut tre mentionn. Les actions en
responsabilit intentes devant les tribunaux judiciaires peuvent tre
rapproches de celles qui se droulent devant les juridictions administratives
lorsque des mineurs placs par le juge des enfants agissant soit au titre de
larticle 375 du code civil soit titre pnal causent un prjudice. Il sagit dun
rgime de responsabilit sans faute Son fondement a t modifi par une
jurisprudence rcente qui a remplac la vieille thorie du risque spcial par
28Amlioration du contrle extrieur des tablissements pnitentiaires. Rapport de la
commission prside par M. Canivet, 2 vol., La Documentation franaise, 2000.29La France face ses prisons. Rapport de la commission denqute sur la situation
dans les prisons franaises, A.N., n B2521, 2000 ; Prisons : une humiliation pourla Rpublique. Rapport de la commission denqute sur les conditions de dtentiondans les tablissements pnitentiaires en France, Snat, n 449, 2000.
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Roger ERRERA
celle qui sinspire des principes poss par larticle 1384 ; 1er alina, du code
civil.30
Qualit de la justice : lapprofondissement du contenu de cette
notion et les modalits de son application font lobjet de nombreux travaux.31
Elle va devenir progressivement une exigence si toutes les possibilits
offertes par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er aot
2001 sont pleinement utilises32.
A cette nouvelle dimension de la responsabilit de linstitution et de
tous ses responsables, lindpendance des magistrats na rien perdre, au
contraire.
30 Conseil dEtat, GIEAxa Courtage, 11 fvrier 2005.31The Challenge of Change for Judicial Systems. Developing a Public Administration
Perspective, sous la direction de M. Fabri et Ph.M. Langbroek, IOS Press, Amsterdam
et autres villes, 2000 ; Comit denqute sur le cot et le rendement des servicespublics, La mise en place dindicateurs de rsultats dans trois ministres,La
Documentation franaise, 2001M.L.Cavrois, H. Dalle et J.P.Jean, La qualit de lajustice, La Documentation franaise, 2002 ; J.C. Magendie, Clrit et qualit de la
justice. La gestion du temps dans la procdure, La Documentation franaise, 2004 ;Ladministration de la justice en Europe et lvaluation de sa qualit, sous la
direction de M.Fabri, Ph.M. Lanbroek et H. Pauliat, coordonn par N. Rivero-Cabouat, Montchrestien, 2005 ; J.P. Jean et H. Pauliat, Ladministration de la justice
en Europe et lvaluation de sa qualit , D.2005.598. On lira aussi les remarques duCSM sur les normes de qualit, Rapport 2003-2004, p. 83.32 Cf. dans Culture et droit, n 5, janvier - fvrier 2006, les tudes consacres cette
question : E. Vaillant, Si la LOLF mtait compte , p. 45 ; C.Mazodier et H.
Epineuse, Une bonne gouvernance de la justice en dbat. Une belle ide plutt malpartie , p. 49 ; S.Trosa, La LOLF et la question des indicateurs , p. 54 ; H.Dalle,
La LOLF et la justice : une occasion manque , p. 58.