Sur la rupture ductile basée sur l'endommagement continu dans le cas d'un acierOn the ductile...

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Mécanique & Industries 3 (2002) 45–50 Sur la rupture ductile basée sur l’endommagement continu dans le cas d’un acier On the ductile fracture based on the continuum damage in a steel case Abdellatif Imad Laboratoire d’Études des Structures, École des Hautes Études Industrielles, 13 rue de Toul, 59046 Lille cedex, France Reçu le 10 octobre 2000; accepté le 5 octobre 2001 Résumé La validation des modèles de Rousselier et Gurson–Tvergaard–Needleman (GTN), basés sur l’endommagement continu, a été effectué dans le cas de l’étude de la déchirure ductile d’un acier au nickel–chrome. La simulation numérique conduit à une description correcte des courbes de déchirure, définies par l’évolution du paramètre énergétique J en fonction de l’avancée de la fissure a. Cependant, le jeu de paramètres optimisé ne peut pas être considéré unique et ne constitue donc pas une caractéristique intrinsèque du matériau. 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Abstract In general, ductile failure is controlled by microvoid nucleation, growth and coalescence mechanisms. Based on continuum damage, Rousselier and Gurson–Tvergaard–Needleman (GTN) models have been analysed in order to obtain a describe the ductile tearing in the nickel–chrome steel case where the initial void volume fraction f 0 is small and equal to 0.001%. The global mechanical behaviour has been determined using the axisymmetric tensile specimen. The crack growth resistance curve defined by J a has been correctly simulated using the numerical calculations by adjusting the different parameters of these models in the calibration procedure. Furthermore, it is difficult to determine a unique parameter set to account for the material properties. In addition, the models used in this study are sensitive to the mesh size at the crack tip L e which may be also considered as a numerical adjustment parameter. 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots-clés : Déchirure ductile ; Approche locale ; Endommagement continu ; Simulation numérique Keywords: Ductile tearing; Local approach; Continuum damage; Numerical simulation 1. Introduction Il est bien admis qu’à l’échelle microscopique, la déchi- rure ductile se déroule en trois phases : naissance, croissance et coalescence des cavités. L’étude de ce mécanisme de rup- ture fait appel à l’utilisation des approches locales qui sont basées sur la connaissance du champ des contraintes et des déformations et la connaissance des mécanismes physiques se produisant au fond de la fissure. D’une façon générale, l’utilisation de l’approche locale est une combinaison des ré- sultats expérimentaux, qui fournissent le point d’amorçage, et des calculs numériques, qui déterminent le paramètre ca- Adresse e-mail : [email protected] (A. Imad). ractéristique du modèle étudié. Les travaux de McClintock et ceux de Rice et Tracey, basés sur la croissance des cavités, constituent un apport indéniable au développement de la mé- canique de la rupture. Ces approches considèrent que le taux de croissance des cavités est modélisé par une fonction expo- nentielle en fonction du taux de triaxialité des contraintes T , défini par le rapport σ m eq (σ m = σ kk /3 : contrainte hydro- statique, σ eq : contrainte équivalente de Von Misès) [1–4]. Depuis ces travaux, plusieurs modélisations ont été pro- posées, en particulier les modèles basés sur l’endommage- ment continu (modèles couplés) tels que les modèles de Rousselier [1], de Gurson [5–7]. Le travail présenté ici est une validation de deux modèles basés sur l’endommagement continu (Rousselier, Gurson– 1296-2139/02/$ – see front matter 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. PII:S1296-2139(01)01132-0

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Mécanique & Industries 3 (2002) 45–50

Sur la rupture ductile basée sur l’endommagement continu dans le casd’un acier

On the ductile fracture based on the continuum damage in a steel case

Abdellatif Imad

Laboratoire d’Études des Structures, École des Hautes Études Industrielles, 13 rue de Toul, 59046 Lille cedex, France

Reçu le 10 octobre 2000; accepté le 5 octobre 2001

Résumé

La validation des modèles de Rousselier et Gurson–Tvergaard–Needleman (GTN), basés sur l’endommagement continu, a été effectuédans le cas de l’étude de la déchirure ductile d’un acier au nickel–chrome. La simulation numérique conduit à une description correcte descourbes de déchirure, définies par l’évolution du paramètre énergétiqueJ en fonction de l’avancée de la fissure�a. Cependant, le jeu deparamètres optimisé ne peut pas être considéré unique et ne constitue donc pas une caractéristique intrinsèque du matériau. 2002 Éditionsscientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.

Abstract

In general, ductile failure is controlled by microvoid nucleation, growth and coalescence mechanisms. Based on continuum damage,Rousselier and Gurson–Tvergaard–Needleman (GTN) models have been analysed in order to obtain a describe the ductile tearing in thenickel–chrome steel case where the initial void volume fractionf0 is small and equal to 0.001%. The global mechanical behaviour has beendetermined using the axisymmetric tensile specimen. The crack growth resistance curve defined byJ–�a has been correctly simulated usingthe numerical calculations by adjusting the different parameters of these models in the calibration procedure. Furthermore, it is difficult todetermine a unique parameter set to account for the material properties. In addition, the models used in this study are sensitive to the meshsize at the crack tipLe which may be also considered as a numerical adjustment parameter. 2002 Éditions scientifiques et médicalesElsevier SAS. All rights reserved.

Mots-clés :Déchirure ductile ; Approche locale ; Endommagement continu ; Simulation numérique

Keywords:Ductile tearing; Local approach; Continuum damage; Numerical simulation

1. Introduction

Il est bien admis qu’à l’échelle microscopique, la déchi-rure ductile se déroule en trois phases : naissance, croissanceet coalescence des cavités. L’étude de ce mécanisme de rup-ture fait appel à l’utilisation des approches locales qui sontbasées sur la connaissance du champ des contraintes et desdéformations et la connaissance des mécanismes physiquesse produisant au fond de la fissure. D’une façon générale,l’utilisation de l’approche locale est une combinaison des ré-sultats expérimentaux, qui fournissent le point d’amorçage,et des calculs numériques, qui déterminent le paramètre ca-

Adresse e-mail :[email protected] (A. Imad).

ractéristique du modèle étudié. Les travaux de McClintock etceux de Rice et Tracey, basés sur la croissance des cavités,constituent un apport indéniable au développement de la mé-canique de la rupture. Ces approches considèrent que le tauxde croissance des cavités est modélisé par une fonction expo-nentielle en fonction du taux de triaxialité des contraintesT ,défini par le rapportσm/σeq (σm = σkk/3 : contrainte hydro-statique,σeq : contrainte équivalente de Von Misès) [1–4].

Depuis ces travaux, plusieurs modélisations ont été pro-posées, en particulier les modèles basés sur l’endommage-ment continu (modèles couplés) tels que les modèles deRousselier [1], de Gurson [5–7].

Le travail présenté ici est une validation de deux modèlesbasés sur l’endommagement continu (Rousselier, Gurson–

1296-2139/02/$ – see front matter 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.PII: S1296-2139(01 )01132-0

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Tvergaard–Needleman GTN) en vue de simuler la déchi-rure ductile d’un acier au nickel–chrome 12NC6, choisipour sa faible teneur inclusionnaire (la fraction volumiqued’inclusions est estimée àf0 = 0,001%). L’identificationdes paramètres des modèles a été réalisée à partir de deuxtypes d’essais mécaniques : traction sur éprouvettes axisy-métriques entaillées (AE) et déchirure ductile sur éprou-vettes du type CT.

2. Modélisation de la déchirure ductile basée surl’endommagement continu

Dans cette partie, nous exposons sommairement deuxmodèles basés sur l’endommagement qui sont utilisés danscette investigation : modèle de Rousselier et modèle deGurson modifié par Tvergaard et Needleman.

2.1. Le modèle de Rousselier [1]

Pour décrire le comportement ductile d’un matériau en-dommagé, l’auteur préconise la combinaison d’un potentielplastiqueFp et d’un potentiel thermodynamiqueFd :

Fp = σeq

ρ− R(p) et Fd = DB(β)exp

(σm

ρσ1

)(1)

avecσeq la contrainte équivalente de Von Misès,ρ la densitérelative du matériau (rapport de la densité du matériau enétat endommagé sur la densité à l’état initial),β la variableinterne d’endommagement,R(p) la loi d’écrouissage etB(β) le travail conjugué à la variable de dommageβ , D estune constante.

Dans le cas d’une cavité sphérique de rayonR dans unematrice incompressibleB(β) etρ(β) s’écrivent :

B(β) = σ1f0 exp(β)ρ(β)

et

ρ(β) = 1

1− f0 + f0 exp(β)

avec

β = ln

[f (1− f0)

f0(1− f )

]

f et f0 sont les valeurs de la fraction volumique de cavitésactuelle et initiale respectivement,σ1 la résistance de lamatrice à la déchirure ductile.

De ce fait, le modèle de Rousselier fait intervenir troisparamètres qui sont : la fraction volumique initialef0 quiest soit mesurée à l’aide des observations microscopiquesou soit calculée en utilisant la formule de Franklin àpartir de la composition chimique, le paramètreD estgénéralement fixé à 2 (D n’est pas à confondre avec lecumul de dommage utilisé usuellement dans la littérature)et la résistance de la matrice à la déchirure ductileσ1 qui estun paramètre ajustable. Selon l’auteur, ce dernier paramètreest étroitement lié à la limite d’élasticité du matériauσy ,

qui préconise la valeur de(2/3)σy [1]. Mais, au vu desdifférents travaux de la littérature, la résistance de la matriceà la déchirure peut prendre des valeurs variant entre 0,6 et1,2σy [3,4].

2.2. Le modèle de Gurson modifié [5–7]

Le modèle de Gurson [5] propose un potentiel plastiqueappliqué à un solide poreux. Pour tenir compte de lacoalescence des cavités, Tvergaard et Needleman [6] ontmodifié ce modèle en introduisant la fonction seuil suivante(modèle GTN) :

Φ = σ 2eq

σ 2y

+ 2f ∗q1 cosh

(3

2q2

σm

σy

)− (

1+ q3(f ∗)2) = 0

avecq1, q2, q3 sont des paramètres constitutifs (avecq3 =(q1)

2).f ∗ représente la fraction volumique modifiée du vide qui

est une fonction de f définie par :

f ∗ ={

f pourf ≤ fcfc + δ(f − fc) pourf > fc

avecδ = f ∗u − fc

fF − fc

où f ∗u est la valeur ultime def ∗ = 1/q1, fF la fraction

volumique de vide lors de la rupture finale etfc fractionvolumique critique du vide.

La fraction volumique de videf se décompose en unterme de nucléation de nouvelles cavitésfnucléation et unsecond termefcroissancecorrespondant à la croissance decavités déjà existantes. L’évolution de la fraction volumiquede cavités est donnée par l’expression suivante :

df = dfnucléation+ dfcroissance

avec

dfcroissance= (1− f )dεpkk et dfnucléation= a dε

peq

où εpkk est la somme des composantes normales de la défor-

mation plastique,εpeq la déformation plastique équivalente.

Le paramètre de germinationa, qui est choisi dansl’hypothèse où la nucléation des vides suit une distributionnormale, dépend de la déformation plastique équivalente.

Pour calculer une structure fissurée en utilisant le modèleGTN, plusieurs paramètres sont nécessaires :

• Généralement, les paramètres constitutifs sont fixés àq1 = 1,5, q2 = 1 etq3 = (q1)

2. Dans une étude récente,Perrin et Leblond [7] ont mis en évidence l’existenced’une corrélation entre le paramètreq1 et la porositéfainsi pour une porosité tendant vers zéroq1 prend lavaleur 1,47 environ. Dans sa thèse, Wilsius [4], qui aréalisé une large étude bibliographique concernant lesparamètres du modèle GTN, montre queq1 prend desvaleurs entre 1,1 et 1,5.

• f0, porosité initiale, est un paramètre lié au matériau.

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Fig. 1. Logiciel Visiotrac : mesure de la contraction diamétrale par analysed’images.

• δ, qui représente la pente d’accélération de la croissancede porosité eta le paramètre de germination continue,peuvent être fixés arbitrairement ou considérés desparamètres ajustables.

• fc, qui correspond au début de la coalescence, est unparamètre ajustable lors de la simulation numérique.

Pour les deux modèles présentés ici, il faut souligner lasensibilité des résultats à la taille des maillesLe situées aufond de la fissure. Cette remarque est valable pour tous lesmodèles basés sur les approches locales de la mécanique dela rupture. Pour contourner cette difficulté, il est judicieux deconsidérerLe comme un paramètre ajustable des modèles.

3. Données expérimentales

Le matériau utilisé dans cette étude est un acier aunickel–chrome du type 12NC6 dont les caractéristiquesmécaniques usuelles, déterminées à partir des essais detraction monotone réalisés sur des éprouvettes cylindriques,sont : Re = 340 MPa limite d’élasticité à 0,2 %,Rm =489 MPa résistance maximale à la traction,n = 0,45exposant d’écrouissage etk = 544 MPa coefficient de la loide Ramberg–Osgood.

Pour déterminer expérimentalement le point d’amorçage,des essais de traction ont été réalisés sur trois types d’éprou-vettes axisymétriques entaillées (AE) : AE2, AE4 et AE10(le chiffre correspond au rayon d’entaille exprimé en mm).Ce type d’éprouvettes a l’avantage de vérifier l’influencedu taux de triaxialité des contraintesT . Le suivi de l’évo-lution de la contraction diamétrale�Φ, en fonction de lacharge appliquée, est mesurée à l’aide d’une chaîne d’ana-lyses d’images (Fig. 1). La Fig. 2 illustre les courbes charge–contraction diamétrale pour les trois types d’éprouvettes AE.Ces courbes mettent en évidence la valeur critique(�Φ)cdéfinissant le point d’amorçage. Cette valeur permet de cal-culer la déformation à la ruptureεr qui est nécessaire pourles calculs numériques [3,4]. Dans notre cas, il est à noterque la valeur de la déformation à la rupture est sensible au

Fig. 2. Courbes charge–variation de diamètre.

Fig. 3. Déformation moyenne à rupture, en fonction du taux de triaxialitédes contraintes.

taux de triaxialié des contraintesT . En effet, quandT aug-menteεr diminue (Fig. 3).

Par ailleurs, les essais de déchirure ont conduit à établirl’évolution deJ en fonction de�a à partir de l’aire sous lacourbe charge–déplacement selon les recommandations dela norme ASTM en utilisant plusieurs éprouvettes du typeCT [3]. L’avancée de la fissure�a est déterminée à l’aide dela technique de compliance à partir des décharges partielles.

À partir de cette courbe, les paramètres caractéristiquesde la déchirure ont été évalués :

• la ténacité à l’amorçageJ0,2 est égale à 210 kJ·m−2,valeur importante qui peut être expliquée par la faibleteneur inclusionnaire du matériau ;

• la phase de déchirement est correctement décrite par unefonction puissance de la forme :J = 529 · (�a)0,89,le coefficient donne la valeur deJ correspondant àune avancée de la fissure égale à 1 mm notéJ1,0 (iciJ1,0 = 529 kJ·m−2).

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Fig. 4. Maillage de la moitié de l’éprouvette AE2.

4. Modélisation numérique

L’analyse par éléments finis de la déchirure ductile a étéréalisée à l’aide du code de calcul SYSTUS [4]. Le maillagedes éprouvettes est constitué de mailles quadratiques à huitnœuds sous-intégrés (triangulaires à six nœuds).

Les calculs ont été effectués en utilisant deux typesd’éprouvettes : (1) éprouvettes AE et (2) éprouvette CT. Lespremiers calculs permettent un calage des paramètres desmodèles et les seconds calculs conduisent à la validation deces paramètres.

Le maillage en pointe de fissure est particulièrementaffiné en utilisant des mailles carrées de 0,5 mm pour leséprouvettes AE et de 0,2 mm de côté pour l’éprouvetteCT. Vu la symétrie géométrique des éprouvettes, seulela modélisation d’un quart des AE et d’une moitié del’éprouvette CT suffisent normalement. Cette remarque n’estpas bien adaptée dans le cas de l’utilisation des modèlesbasés sur l’endommagement continu [3,4] : dans ce cas il estnécessaire de prendre en compte la moitié d’une éprouvetteAE (Fig. 4) et l’éprouvette entière dans le cas de la CT(Fig. 5).

Les différents calculs ont été effectués sous les hypo-thèses de déformations planes et de grandes déformations.

La loi de comportement est de type élastoplastique avecécrouissage isotrope basé sur le critère de Von Misès et in-troduite point par point dans le code de calcul.

Dans le cas de l’éprouvette CT, l’avancée de la fissure estréalisée par effondrement automatique de la maille situéeau fond actuel de la fissure ce qui permet de matérialiserl’endommagement de cette zone. Cette étape signifie que lafissure s’est propagée d’une longueur égale à la taille de lamaille (0,2 mm).

4.1. Validation du modèle de Rousselier

Concernant le modèle de Rousselier, nous avons fixé arbi-trairement le paramètreD à 2 comme préconisé par l’auteur.Le paramètreσ1 a été déterminé par ajustement des courbescharge–contraction diamétrale mesurée expérimentalementà partir d’essais de traction sur des éprouvettes axisymé-triques entaillées. Les valeurs ainsi obtenues sont :

• σ1 = 420 MPa (C = σ1/σy = 1,235) pour l’éprouvetteAE2,

• σ1 = 450 MPa (C = σ1/σy = 1,324) pour l’éprouvetteAE4,

• σ1 = 480 MPa (C = σ1/σy = 1,412) pour l’éprouvetteAE10.

Il faut noter ici une légère dépendance deσ1 vis-à-visdu taux de triaxialité des contraintes (Fig. 6). En effet,quand le taux de triaxialitéT augmente le rapportC =σ1/σy diminue. La valeur deσ1 qui est retenue pour lescalculs correspond à une moyenne soit 450 MPa. La Fig. 7montre que cette valeur conduit à une description correctede la courbeJ–�a avecD = 2. Cette même figure met enévidence une simulation correcte de cette courbe en prenantσ1 = 350 MPa etD = 1,5. Cette démarche montre que lemodèle de Rousselier permet de simuler correctement lapropagation d’une fissure mais souligne la non unicité dela solution. Cette constatation pose un réel problème quandil s’agit de généraliser ce modèle en vue de calculer desstructures.

4.2. Validation du modèle GTN

Pour les calculs, utilisant le code de calcul SYSTUS,les paramètres du modèle GTN sont définis de la façonsuivante :

• q : interaction entre les cavités (q = q1 etq2 = 1),• f0 : fraction volumique de vide initial (= 0,001%),• δ : facteur d’accélération de la coalescence (fixé arbi-

trairement à 3),• a : paramètre de germination continue (fixé arbitraire-

ment à 0,001),• fc : fraction volumique de vide critique ou porosité

critique (paramètre ajustable).

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Fig. 5. Maillage de l’éprouvette CT25 : (a) vue générale et (b) détail de la zone en pointe de fissure (Le = 0,2 mm).

Fig. 6. Évolution du rapportC = σ1/σy en fonction du taux de triaxialitédes contraintes (modèle de Rousselier).

Fig. 7. Évolution du paramètrefc en fonction du taux de triaxialité descontraintes (modèle GTN).

Le paramètrefc a été déterminé à partir des courbesP–�Φ déterminées expérimentalement à partir des essaisde traction effectués sur des éprouvettes axisymétriques en-taillées. Le paramètrefc est identifié en reproduisant de ma-nière numérique les courbes expérimentales correspondantaux trois types des éprouvettes AE.

Fig. 8. Comparaison des courbesJ–�a expérimentale et numériques(modèle de Rousselier) avecf0 = 0,001%.

Ces résultats montrent que le paramètrefc dépend dutaux de triaxialité des contraintesT : lorsque σm/σeqaugmente, le paramètrefc diminue (Fig. 8). Ce résultat esten bon accord avec celui déterminé par Zhang et al. [8]confirmant quefc ne peut pas être considéré comme unparamètre intrinsèque au matériau. Cette constatation n’estpas partagée par d’autres travaux issus de la littérature. Pournos différents calculs, nous avons pris la valeur moyenne defc = 0,004. La Fig. 9 montre une simulation numérique del’avancée de la fissure et montre que le jeu de paramètresretenu ne décrit pas correctement la courbe expérimentale.Pour y parvenir, nous avons baissé la valeur du facteurd’accélération de la coalescenceδ de 3 à 2. Cette démarchea permis de corriger la simulation conduisant ainsi à unedescription correcte de la courbe de la déchirure. Mais, ilfaut souligner ici que le calage des courbes conduit à unjeu de paramètres qui n’a pas de signification physique ;il a pour unique mérite de montrer que le modèle permetde reproduire numériquement la courbe de la déchirure. Làaussi, la solution préconisée ne constitue pas une unicitépuisqu’il peut exister un autre jeu de paramètres capable dereproduire une simulation correcte.

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Fig. 9. Comparaison des courbesJ–�a expérimentale et numériques(modèle GTN) avecf0 = 0,001% etfc = 0,004.

5. Conclusion

Cette étude a permis de mettre en évidence les apportsde l’approche locale en mécanique de la rupture et en parti-culier les modèles basés sur l’endommagement continu. Lesmodèles de Rousselier et de Gurson modifié par Tvergaardet Needelman (GTN) permettent de décrire correctement ladéchirure ductile par effondrement automatique des mailles.Cette technique d’avancée de la fissure nécessite la modéli-sation de l’éprouvette entière même en cas de symétrie carsi seule une demi-éprouvette est considérée alors la zone en-dommagée est doublée artificiellement. Il est possible d’uti-liser la moitié de l’éprouvette en réduisant de moitié la tailledes mailles situées au fond de la fissure.

Par ailleurs, ce travail a montré la non-unicité de lasolution issue des deux modèles ce qui signifie que lesparamètres issus de la simulation ne correspondent pas àune description physique du mécanisme de la déchirureductile. La suite de cette investigation s’oriente vers unerecherche de corrélation des caractéristiques physiques etmécaniques du matériau avec les paramètres de simulationliés aux modèles.

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