Supply Chain Magazine 79 - Dossier Immobilier Logistique · bâtiment, à mixer entre le barycentre...

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DOSSIER N°79 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2013 78 I mmobilier logistique Le choix rationnel des entrepôts XXL ©JONES LANG LASALLE ©CBRE Les bâtiments de très grande taille font beaucoup parler d’eux. Et pour cause, leur nombre croît à vitesse grand V. Les plus intéressés par ces bâtiments ? Le secteur de la distribution et certains prestataires. Sans oublier, les acteurs emblématiques du e-commerce, comme Amazon qui ne jure que par ces formats de plates-formes. A partir de quelle surface considère- t-on qu’un entrepôt est spéciale- ment grand ou de taille « XXL » ? Il n’existe pas de définition offi- cielle permettant de répondre de manière précise à cette question. En revanche, les acteurs de l’im- mobilier n’hésitent pas à communiquer des four- chettes de surface. Les professionnels évoquent en général entre 40.000 et 50.000 m 2 comme surface minimale à partir de laquelle un entrepôt est qua- lifié d’XXL. Sont-ils un phénomène de mode ou une réelle tendance de fond ? « Il y a 30 ans, nous qualifions de gros entrepôts une surface de 5.000 m 2 . Aujourd’hui, nous le faisons pour les surfaces de plus de 40.000 m 2 », indique Jean- Paul Deheeger, Directeur Industriel & Logistique chez Cushman & Wakefield. Il est incontestable de dire que les entrepôts en France grandissent au fil des années. « Dans les années 1995, il n’y Entrepôt Dachser de 60.000 m² à Savigny sur Clairis. Entrepôt Toys R Us de 51.000 m 2 à Saint Fargeau Ponthierry.

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Le choixrationnel desentrepôts

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Les bâtiments de très grande taille font beaucoup parlerd’eux. Et pour cause, leur nombre croît à vitesse grand V.Les plus intéressés par ces bâtiments ? Le secteur de la distribution et certains prestataires. Sans oublier, les acteurs emblématiques du e-commerce, commeAmazon qui ne jure que par ces formats de plates-formes.

Apartir de quelle surface considère-t-on qu’un entrepôt est spéciale-ment grand ou de taille « XXL » ?Il n’existe pas de définition offi-cielle permettant de répondre demanière précise à cette question.En revanche, les acteurs de l’im-

mobilier n’hésitent pas à communiquer des four-chettes de surface. Les professionnels évoquent engénéral entre 40.000 et 50.000 m2 comme surfaceminimale à partir de laquelle un entrepôt est qua-lifié d’XXL. Sont-ils un phénomène de mode ouune réelle tendance de fond ? « Il y a 30 ans, nousqualifions de gros entrepôts une surface de 5.000 m2. Aujourd’hui, nous le faisons pour lessurfaces de plus de 40.000 m2 », indique Jean-Paul Deheeger, Directeur Industriel & Logistiquechez Cushman & Wakefield. Il est incontestablede dire que les entrepôts en France grandissent au fil des années. « Dans les années 1995, il n’y

Entrepôt Dachser de 60.000 m² à Savigny sur Clairis.

Entrepôt Toys R Us de 51.000 m2 à Saint Fargeau Ponthierry.

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Jean-PaulDeheeger, Directeur Industriel & Logistique chez Cushman &Wakefield

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avait pratiquement aucun bâtiment de plusde 10.000 m2, ceux-ci étaient alors considéréscomme des XXL. Et puis, progressivement, nousavons vu arriver sur le marché des 20.000 puisdes 30.000, puis des 50.000 et enfin des plus de100.000 m2 ! Il y a une évolution constante dugigantisme des entrepôts depuis une quinzained’années », observe Didier Malherbe, DirecteurGénéral Adjoint – Global Logistic Services –chez CBRE. La construction de ces bâtimentss’accélère nettement depuis les deux ou troisdernières années. En revanche, force est deconstater que les bâtiments de plus de 100.000 m2

restent encore des épiphénomènes. Cette ten-dance se matérialise par des chiffres trèsconcrets. « 25 % des transactions actuelles (ennombre) concernent des entrepôts de plus de40.000 m2 contre 5 % en 2000 », constateJean-Marie Guillet, Directeur Logistique Francechez Jones Lang LaSalle. Les professionnels

associent donc cette notion de XXL à la surfacedu bâtiment. La hauteur n’est que rarement évo-quée. Le standard reste 10 et 12 m. Il est en effettrès difficile de construire au-delà de 12 m dehaut. En résumé, les entrepôts ne « grandissent »pas vraiment, ils « grossissent » !

Le XXL : du 100 % clef en mainFaute de stock disponible adapté, ces nouveauxdéveloppements sont pour la plupart des comptespropres. « L’intégralité des opérations de plus de30.000 m2 sont des clefs en main donc des bâti-ments futurs. A l’inverse, la presque totalité desopérations de moins de 30.000 m2 sont des loca-tions traditionnelles, résume Jean-Paul Deheeger.Et d’alerter à propos de la disponibilité du fon-cier : La création de nouveaux fonciers pour desgrandes opérations a en effet pris beaucoup deretard. Depuis 2006/2007, il n’y a quasimentplus eu de création de très grandes ZAC dédiées à

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l’industrie et à la logistique. Les choses recom-mencent à bouger un peu mais avec les délais delatence pour recréer une ZAC, nous pourrionsmanquer de foncier sur les axes stratégiques pourla construction de ces bâtiments XXL. » A proposde la localisation de ces bâtiments, rien de trèsnouveau… Il s’agit toujours d’un des critères dechoix des utilisateurs. « Le raisonnement pure-ment logistique consiste, pour positionner sonbâtiment, à mixer entre le barycentre de distribu-tion et le barycentre d’approvisionnement. Der-rière, il y a la réalité immobilière qui obligeparfois l’utilisateur à opter pour un entrepôt situéà quelques dizaines ou centaines de km de sonbarycentre idéal. Les autres aspects importantsdans le choix d’un bâtiment sont sa connectivité(accès routiers en particulier) et le bassin d’em-plois », explique Vincent Gourlin, Directeur deDéveloppement chez Gazeley France. A propos de la connectivité, Edouard Staniczek, SeniorManager chez Elyka Consulting, commente : « Lagrande distribution favorise des emplacements surdes axes routiers. Les prestataires logistiques sontégalement très attachés au réseau autoroutier ».On remarque néanmoins que les distributeurs quiimportent des conteneurs disposent de surfaces àproximité des ports de Marseille-Fos et du Havre.

La distribution en quête de ces bâtiments…Entre chargeurs ou prestataires, qui est le plus inté-ressé par ces entrepôts XXL ? Les deux y trouventleur intérêt mais dans des proportions légèrementdifférentes. « La tendance est plus orientée côtéchargeur. La répartition est d’environ 30 % auniveau des prestataires et 70 % des chargeurs »,estime Jean-Marie Guillet. Du côté des chargeurs,les acteurs de la grande distribution et de la distri-bution spécialisée sont incontestablement trèsconsommateurs de surfaces importantes, avec parmiles projets emblématiques en cours ou à venir :

Auchan (52.000 m2 à Trappes), C&A (32.000 m2 auPays de Meaux), Carrefour (42.000 m2 sur le Parcdes Bréguières), Castorama (113.000 m2 à Saint-Martin-de-Crau, voir page 88), Darty (60.000 m2 àPusignan), Gifi (72.000 m2 à Sin-le-Noble), Inter-marché (36.000 m2 + 30.000 m2 à Villeneuve-les-Béziers), Leclerc (45.000 m2 à Recy-Saint-Martin),Lidl (41.000 m2 à La Chapelle d’Armentières), Oxy-lane (57.000 m2 en deux entrepôts près de Valen-cienne), Toys R Us (48.000 m2 à Saint-Fargeau-Ponthierry, voir page 90), etc. Les distributeursrepositionnent actuellement leurs plates-formesavec une tendance marquée à la concentration.Moins d’entrepôts et par conséquent de plusgrande taille ! En général, ces plates-formes ontpour vocation d’assurer la distribution nationaleou régionale. Dans la grande distribution, il s’agitsouvent de plates-formes régionales ou multirégionales mais les volumes justifient les taillesXXL. Cette tendance ne se confirme en généralpas pour la distribution alimentaire dont l’orga-nisation repose sur une distribution régionale. « Le marché du développement des entrepôts XXLse fait essentiellement par les chargeurs désireuxde prendre la main sur leur immobilier et à larecherche d’un outil pour accompagner leur stra-tégie. Ils recherchent des bâtiments plus adaptésà leur activité. Vouloir un grand bâtiment forceles chargeurs à prendre la main sur le bâtimentcar il est très difficile de trouver sur le marché unoutil correspondant à la taille qu’ils cherchent »,analyse Vincent Gourlin.

Plusieurs clients dans un même entrepôtSans oublier les acteurs du e-commerce, pour les-quels le nombre de références est en général trèsélevé. Force est de reconnaître qu’Amazon en estl’illustration emblématique, en raison de sa taillecritique. Après Saran près d'Orléans en 2007(70.000 m2), Montélimar en 2010 (36.000 m2),

Didier Malherbe,Directeur Général Adjoint - Global LogisticServices – chez CBRE

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Jean-Marie Guillet,Directeur Logistique Francechez Jones Lang LaSalle

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Entrepôt au Coudray Monceaux.

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Chalon-sur-Saône en juin 2012 (40.000 m2), Ama-zon a ouvert il y a quelques semaines son quatrièmeentrepôt sur le territoire français : 90.000 m2 à Lau-win-Planque. En dehors de ce cas, il existe peud’autres exemples de plate-forme XXL louée pardes « pure players » du e-commerce. D’une manièregénérale, un unique entrepôt national XXL a dusens pour les activités ayant une très grandenomenclature. C’est ce qui explique qu’au départ,il y a une dizaine d’années, ces bâtiments ont inté-ressé en premier lieu les activités de pièces derechange (automobile, etc.), avec un grand nom-bre de références à faible rotation. Les prestataireslogistiques ne sont pas en reste. Certains d’entreeux ont un gros appétit pour les grands bâtimentsleur permettant ainsi d’exploiter des plates-formesmulti-clients. Le mot d’ordre est la mutualisation.C’est le cas de Norbert Dentressangle (voir page 86),FM Logistic et ID Logistics. « Nous avons livré il ya trois ans un premier bâtiment de 85.000 m2 àNorbert Dentressangle [ndlr : développé par leGroupe Panhard] situé au Coudray Montceaux(ZAC des Haies Blanches). Nous avons par ailleurslivré les deux premières tranches du deuxième bâti-ment (parallèle au premier, séparé par la voiriemais dans un même parc), soit 52.400 m2 sur les80.000 m2 possibles. A terme, Norbert Dentres-sangle devrait donc disposer d’un parc multi-clientsde 165.000 m2 », illustre Jean-Claude Le Lan, Fondateur et Président du Conseil de Surveillanced'Argan.

Rationaliser ses coûts !Une étude portant sur l’immobilier logistiquepubliée par Xerfi relève à propos des grands entre-pôts que « la notion de hub est ainsi avancée parles logisticiens en quête d’économies d’échelles.Massifier les flux pour baisser les coûts de revient

et offrir des services toujours plus nombreux à destarifs compétitifs sont devenus les maîtres mots deleur stratégie d’implantation. Rationaliser, optimi-ser et mutualiser font également partie de lalogique adoptée par la grande distribution ». Le motclef, vous l’aurez compris, est la rationalisation.D’où cet engouement pour les bâtiments XXL etles parcs constitués de plusieurs bâtiments. « Lesnouvelles constructions ne répondent pas à unaccroissement de volumes, sauf exception. Ellesrépondent à un souci de rationalisation. Souvent,cela passe par la fermeture d’entrepôts existants,vieillissants et pas au bon format », affirme Jean-Claude Le Lan. Regrouper l’ensemble des activitésde plusieurs entrepôts dans une unique plate-formeXXL permet de diminuer le volume de stock et par conséquent, les coûts financiers relatifs austockage. La surface totale d’exploitation en estégalement réduite. Améliorer la productivité, réa-liser des économies d’échelle (ressources humaines,matérielles, etc.) en favorisant les synergies etdiminuer les coûts (en particulier au niveau dutransport), tels sont les leitmotivs qui poussent leschargeurs à se lancer dans le XXL. « Pour les logis-ticiens, la notion de flexibilité est un paramètreimportant de choix. Les bâtiments XXL leur per-mettent d’y réunir plusieurs clients. Cela diversifiele risque et leur fait également réaliser des écono-mies d’échelle », complète Didier Malherbe. Et sur-tout, cela favorise le pooling pour des clients dontles activités sont homogènes. « Nous louons uneplate-forme de 95.000 m2 à FM Logistic à LongueilSainte Marie. FM Logistic y abrite les activités deplusieurs clients en lien avec l’alimentaire et dontles points de livraison (supermarchés) sont simi-laires. Le prestataire mutualise le transport desproduits de ces clients permettant ainsi la consti-tution de camions complets. Chaque client est

Jean-Claude Le Lan, Fondateur et Président du Conseil de Surveillanced'Argan

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Sylvain Cerise, Directeur commercial chez SSI Schaefer

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ELEYEntrepôt John Lewis de 62.000 m2 à Milton Keynes

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gagnant. Le pooling requiert un grand entrepôt »,évoque Jean-Claude Le Lan. La massification dutransport fonctionne également dans un parc avecdes bâtiments à proximité les uns des autres.

Favoriser les géométries compactesAu niveau de leur conception, ces mastodontesrequièrent quelques spécificités. « Plus l’entrepôtest grand, plus l’idéal est de se rapprocher d’ungrand carré composé de rectangles (les cellules de6.000 m2) en lui donnant par exemple la formed’un « H ». Il s’agit d’une forme bien adaptée pourdes opérations de pooling : les opérations d’expé-ditions dans le barreau central de liaison, lesréceptions et le stockage dans les grandes ailes.La géométrie générale du bâtiment doit être la pluscompacte possible. On peut également imaginerdes géométries en « U », l’essentiel étant de ne pasconcevoir le bâtiment uniquement en longueurafin de limiter les km parcourus par les chariotset les opérateurs. Par ailleurs, les bureaux doiventêtre disposés à différents endroits si le bâtimentest multi-clients. Idem pour les locaux sociaux »,détaille Jean-Claude Le Lan. Outre les bureaux, ilest essentiel que le bâtiment dispose de portes delivraison en nombre suffisant… L’aménagementde l’intérieur de l’entrepôt dépend quant à lui duprocessus du client. Mais comme le rappellentsystématiquement les investisseurs, le bâtimentdoit rester le plus standard possible, convenantainsi au plus grand nombre d’utilisateurs, pourassurer sa deuxième vie. La rationalisation desflux et l’optimisation de la circulation interne dubâtiment (des biens et des personnes) sont despoints clefs afin de limiter les temps de déplace-ments. « Plus les distances sont grandes, plus lestrajets parcourus par les produits sont importants.La mécanisation du transport interne est alors trèsutile. Par ailleurs, qui dit grand entrepôt dit sou-vent nombre important de références. La mécani-sation est aussi une réponse à cette probléma-tique. L’objectif est de minimiser le déplacementou même de l’annuler complètement. Pour cefaire, nous recommandons plusieurs façons demécaniser : préparation des commandes par lot(logiciel), mécanisation du transport (convoyage et

système de préparation à gares, système de goodsto man) », explique Sylvain Cerise, Directeur com-mercial chez SSI Schaefer. Toujours à propos de cesdéperditions de déplacements, Edouard Staniczekmentionne l’ilotage : « L’idée est de constituer deszones par activité (familles de produits, etc.) afind’y concentrer les références qui ont le même pro-fil. On peut également essayer de centraliser d’uncôté les activités nécessitant des opérationshumaines et de l’autre, celles qui requièrent uneintervention mécanique afin de faciliter le mana-gement et d’améliorer la productivité ». Outre lestrajets, les stocks doivent avant tout être extrême-ment bien rangés grâce aux outils informatiquesadéquats. La voirie, les aires de circulation et lesplaces de parking (PL et VP) doivent être dimen-sionnées proportionnellement à la taille de la plate-forme. S’agissant des risques de ce type debâtiment, le principal est d’ordre social. En cas degrève, les conséquences de l’arrêt de son uniqueentrepôt peuvent-être désastreuses.

Edouard Staniczek, Senior Managerchez ElykaConsulting

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AmauryGariel,Managing Director EMEAIndustrial & Logistics chez CBRE

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Entrepôt Oxylane de 57.000 m2 à Rouvignies.

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Un phénomène européenCette tendance XXL se confirme-t-elle ailleurs enEurope ? « Il s’agit d’un phénomène mondial. EnEurope, entre 2010 et 2013, le secteur du retailreprésente 67 % de la demande placée sur lesentrepôts de plus de 50.000 m2, les prestataires 22 %,et les secteurs liés à l’automobile le reste. Au total,17 % de la demande placée est liée à de la logis-tique de sites Web », nous confie Amaury Gariel,Managing Director EMEA Industrial & Logisticschez CBRE. Au niveau européen, la tendance estcommune à tous les pays mais avec des niveauxde maturité différents. La logique des schémasdirecteurs industriels visant à rationaliser et opti-miser les coûts, avec une conséquence directe surl’immobilier, n’est pas spécifique à la France. « Lesplus matures sur la question sont par ordredécroissant : l’Allemagne, l’Angleterre, la Francepuis la Hollande. Cela s’explique, entre autres, parla possibilité de réaliser une telle opération (dispo-nibilité foncière, connexion du site aux réseauxlogistiques, présence d'un bassin d'emploi) maissurtout par l’ampleur du phénomène internetsachant que la proportion des ventes en ligne est laplus élevée en Angleterre puis dans les pays Nor-diques et en Allemagne », précise Amaury Gariel.Amazon multiplie les plates-formes géantes unpeut partout en Europe. Au-delà du périmètreeuropéen, la tendance est mondiale, les Etats-Uniset une partie de l’Asie (voir encadré ci-contre)constatent le même phénomène. En attendant leXXXL ? ■ BRUNO SIGUICHE

Chine, une tendance également aux grandes tailles

Les entrepôts XXL ont aussi la cote en Chine. Une importanteproportion de la demande placée s’exprime, de la même

manière qu’en Europe, sur des bâtiments de grande taille. Uneétude CBRE, publiée en juin dernier, souligne que de plus en plusd’acteurs du e-commerce manifestent le souhait de construiredes bâtiments en compte propre. De grandes entreprises ducommerce électronique telles qu’Amazon, JD.com ou Alibaba lan-cent la construction d’entrepôts ou acquièrent des bâtimentsclefs en main de façon à mieux contrôler leurs coûts et à optimiser leurs opérations. Amazon fait incontestablement par-ler de lui dans la sphère de l’immobilier logistique. Les 170.000 m2 d’entrepôts construits sur mesure pour le pureplayer dans le sud de la Chine (dans la région de Canton) ont étélivrés au cours du deuxième trimestre 2013. Toujours à proposde la poussée du e-commerce en Chine, Jones Lang LaSalle révèleégalement, dans une étude datant de septembre, que la plupartdes grands développeurs d’immobilier comptent au moins ungrand nom du e-commerce parmi leurs locataires : Yihaodian estle plus grand locataire de Prologis avec 100.000 m2, Vipshop coo-père avec Goodman à Tianjin, et Amazon a des projets avec e-Shang et Global Logistics Propriétés (GLP). GLP (développeurd’entrepôts, notamment en Chine) estime dans ses rapportsannuels que la part du e-commerce par rapport à sa superficietotale louée en Chine continentale est passée de 14 % au milieude 2011 à 20 % à la fin 2012. Les opérations XXL sont légion enChine. Gazeley développe actuellement un « Magna Park » àBaodi (district de la municipalité de Tianjin, à environ une cen-taine de km de Pékin). La première phase de cette opération,dont la fin de la construction est en théorie prévue pour la fin del’année, mesurera 64.000 m2. Sur le modèle de ce qui se passeactuellement en France, il s’agit d’un bâtiment clefs en main pourun acteur international de la distribution. Cette plate-forme aurapour vocation d’approvisionner le nord de la Chine. La vague du XXL n’épargne donc pas la Chine ! ■ BS

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Interview de Stéphane Point,Directeur Général France pour la logistique chez Norbert Dentressangle« L’entrepôt de grande taille favorise la complémentarité

entre les dossiers »Les entrepôts XXL ont également le vent en poupe chez les prestataires logistiques. Norbert Dentressangle revient sur les raisons de son engouement pour ces bâtiments.

Supply Chain Magazine : Quelles raisons vouspoussent à opter pour des bâtiments XXL ?Stéphane Point : Avant tout, répondre auxbesoins de nos clients ! Nos clients expriment deplus en plus ce besoin, et ce pour plusieurs raisons.Tout d’abord, celle liée à la concentration des mar-chés et des entreprises. Certains groupes sont à larecherche de synergies entre leurs différentes « business units » et canaux de distribution. En outre, le marché des externalisations estaujourd’hui plus mature. Les clients perçoiventmieux les avantages à rejoindre un site de grandetaille ou multi-clients. Ces configurations offrentdavantage de flexibilité à la fois en termes de sur-face, mais également de main d’œuvre. Sansoublier, les gains liés au transport (amont et aval),en particulier pour les clients dont les flux ne sontpas constitués de camions complets. De plus, cesentrepôts de grande capacité nous permettent ausside répondre aux besoins logistiques des PME.

SCMag : Dans quelles régions sont localisés vosbâtiments XXL et quelle est leur vocation ?S. P. : La notion de gros site est double. Nous dis-posons de grands bâtiments ainsi que de zones « campus » (plusieurs sites de plusieurs dizaines demilliers de m2 sur une même zone géographique).Nous avons développé ces grands bâtiments et ceszones campus en Ile-de-France, dans la régionOrléanaise et dans la région Lyonnaise. La raisond’être d’un projet de ce type est liée soit à l’acqui-sition d’un nouveau gros dossier nécessitant unegrande surface, soit à la concentration de plusieurssites existants. Ces grands bâtiments jouent à lafois le rôle de plate-forme de distribution nationaleet/ou régionale. Il y a 10 ans, ces entrepôts repré-sentaient 10-15 % de notre surface globale, plusd’un tiers à présent, et à terme, la moitié.

SCMag : Pouvez-vous nous donner des exemplesconcrets de synergie ?S. P. : L’entrepôt de grande taille favorise la com-plémentarité entre les dossiers. On peut par exem-ple avoir dans un même entrepôt des dossiersavec beaucoup de références très consommatricesen emplacements picking au sol mais peu enstockage en hauteur, et à l’inverse, des dossierstrès consommateurs en emplacements de stockagemais peu en emplacements picking. Il s’agit d’uncas concret de synergies d’espace. Idem pour lamain d’œuvre. Cela nous permet en effet demieux faire face à la variation des volumes et auxpics d’activité. Les bâtiments de grande taille nousoffrent aussi la possibilité de réaliser des synergiesde structure : management, ingénierie, QHSE,administratives, etc.

SCMag : Y-a-t-il des précautions particulières àprendre lors de la conception du bâtiment ?S. P. : On raisonne à court terme mais aussi àmoyen-long terme, tant dans l’intérêt du bailleurque du locataire. Il faut anticiper l’évolution desbesoins futurs et des dossiers et donc garder de laflexibilité, par exemple, aux niveaux des locauxsociaux, des bureaux ou des salles de charges.C’est quelque chose que nous intégrons dès laconception. L’intérêt du constructeur/investisseurest de construire des locaux suffisamment stan-dardisés pour être utilisables pour des activitésdifférentes. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE

StéphanePoint,Directeur Général Francepour la logistiquechez NorbertDentressangle

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Bâtiment Norbert Dentressangle©NORBERTDENTRESSANGLE

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Interview de Pierre Coustenoble,Directeur Logistique et multi-canal de Castorama

« Mettre sous un seul toit les activités des quatre bâtiments existants »

113.000 m2, telle est la surface de la nouvelle plate-forme développée pour le compte deCastorama. Un chiffre à vous donner le tournis ! Le top départ de la construction a été lancéil y a quelques semaines. Pierre Coustenoble, Directeur Logistique de Castorama, revient surles raisons d’être de ce bâtiment.

Supply Chain Magazine : Comment allez-vous faireconstruire votre future plate-forme de 113.000 m2 ?Pierre Coustenoble : Cette plate-forme est dévelop-pée (par PRD et AG Real Estate France) en deux phases :une première de 66.000 m2, qui devrait être opération-nelle en septembre 2014, et une deuxième de 47.000 m2,prévue pour 2015. Nous occupons aujourd’hui 72.000 m2,sur trois bâtiments (dont un assez ancien), à Saint Mar-tin de Crau ainsi que 20.000 m2 à Miramas [ndlr : àune vingtaine de km de Saint Martin de Crau]. Le pro-jet consiste donc à mettre sous un seul toit les activi-tés des quatre bâtiments existants.

SCMag : Pourquoi rester à Saint Martin de Crau ?P. C. : Outre l’entrepôt futur à Saint Martin de Crau,nous avons un site de 77.000 m2 en région parisienne,à Châtres (77), ainsi que des surfaces plus modestesdans le Nord. Disposer de ces deux grands entrepôtsnous offrira la possibilité de réaliser des flux croisés et d’organiser des transports aller/retour. Deux raisons

justifient l’em-p l a c e m e n t àSaint Martin deCrau : la proxi-mité avec le portde Fos sur Mer et le fait que lestransports à laremontée (vers lar é g i o n p a r i -s i e n n e ) s o n tmoins chers pro-

portionnellement que les transports à la descente. Lemaintien du même prestataire et du personnel est aussiun facteur de stabilité.

SCMag : Quel sera le rôle de cette plate-forme ?P. C. : Elle a plusieurs vocations. Une nationale puisquepour certaines typologies de produits, elle délivreral’ensemble de nos magasins français. Pour d’autres pro-duits, stockés à la fois en région parisienne et dans leSud, elle approvisionnera les magasins de la moitié sudde la France. Elle sera également utilisée pour des opé-rations de cross-docking afin de desservir une ving-taine de magasins en régions PACA et Languedoc-Roussillon. L’e-commerce est traité à part, dans unentrepôt à Saint-Quentin-Fallavier.

SCMag : Pourquoi avoir opté pour un bâtiment decette taille ?P. C. : Nous utilisons déjà beaucoup de surface aujour-d’hui en raison de la nature de nos produits (menuiserie,portail, gros sanitaire, mobiliers de jardin, etc.) souventtrès encombrants. Par ailleurs, la plupart de nos produitsstockés en entrepôt sont approvisionnés depuis des des-tinations lointaines. Nos rotations de stocks tiennentdonc compte des délais d’approvisionnement qui peu-vent être de plusieurs mois. Un stock de trois mois surdes produits volumineux requiert donc de la place ! Nousavons souhaité réunir les quatre bâtiments existants dansun unique entrepôt pour mutualiser et faciliter la ges-tion de l’organisation des équipes et des stocks, notam-ment pour nos références à faible rotation. Un mêmeentrepôt permet de mieux gérer la saisonnalité de cha-cune des activités. L’autre grande motivation était l’or-ganisation du transport. Avec ce type de bâtiment, onréalise beaucoup plus facilement un camion complet àdestination d’un magasin qu’au départ de plusieursentrepôts. Sans compter, les économies sur les coûts detransport. Au regard du prix croissant du transport, cettemotivation est même la première justification.

SCMag : Quels sont les besoins spécifiques à votre activitéà prendre en compte dans la conception du bâtiment ?P. C. : Les portes de quai doivent être en nombre suffi-sant pour favoriser la flexibilité de l’organisation des fluxentrée et sortie. Cela nous donne une capacité d’accélé-ration soit en réception, par exemple en entrée de saison,soit en expédition.

SCMag : Le risque social est exacerbé dans un bâtimentde grande taille. L’avez-vous anticipé ?P. C. : Le risque existe si un mouvement social paralysele site. Mais ce risque ne pèse pas lourd à côté des économies de transport réalisables. De plus, notredeuxième entrepôt en région parisienne nous permet-trait, en cas de problème social, d’y basculer une partie de nos flux. Par ailleurs, contrairement à desproduits alimentaires, nous disposons pour certainsarticles de 90 jours de stocks en magasin. Je vois unautre point d’attention pour un grand entrepôt, celuilié aux temps de déplacement dans l’entrepôt qui peu-vent être très importants. Mais le matériel actuel nouspermettra de palier ces difficultés. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE

Pierre Coustenoble,Directeur logistique et multicanal de Castorama

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Toys R UsUn terrain de jeu XXL !

Toys R Us se lance dans le format XXL. Les activités logistiques de ses trois bâtiments actuelsy seront regroupées. Baisse des coûts fixes, gains de transport, etc. Les motivations ne manquent pas. Ce centre de distribution nationale de 48.000 m2 ouvrira ses portes en 2015.

La célèbre enseigne de jouets, Toys R Us, opte pourun nouvel entrepôt de taille. Plus précisément, pourla construction d’un « campus », développé par

Gazeley. Comprenez, un site de 13,5 ha à Saint-Fargeau-Ponthierry (77) qui se composera d’un centre de distri-bution d’une surface de 48.000 m2 (avec une capacitéd’extension de 12.000 m2) et d’un siège social de 3.000 m2. Ce projet d’immobilier logistique consiste àpasser de trois bâtiments à un seul. « Notre site actuel setrouve à Evry (ainsi que le siège social). Nous disposonsd’un autre site au sud de la France (sous-traité) et d’untroisième situé à Lieusaint (à environ une quinzaine dekm d’Evry) utilisé pour nos activités e-commerce. Nousallons regrouper les activités de ces trois bâtiments danscelui de Saint-Fargeau-Ponthierry », détaille PhilipGreenfield, International Director Supply Chain de ToysR Us. Le bâtiment XXL de Saint-Fargeau-Ponthierryjouera le rôle de plate-forme nationale avec pour voca-tion de livrer l’ensemble des magasins français ainsi queles commandes e-commerce.

Une localisation bien penséeLe choix de Saint-Fargeau-Ponthierry ne doit rien auhasard. « Nous avons réalisé une étude de réseau, il y adeux ans, pour déterminer le barycentre en France entenant compte à la fois des consommations actuelles etdes projections futures. Ces simulations nous ont permisde comprendre que nous devions réunir l’ensemble de nosactivités logistiques dans un seul entrepôt. Notre barycen-tre se trouvait sensiblement plus au Sud et à l’Est qu’àSaint-Fargeau-Ponthierry mais nous avons intégré l’as-pect humain et la disponibilité des terrains dans la déci-sion. Nous avons donc identifié le site de Saint-Fargeau-Ponthierry, à l’issue de notre étude, qui présente l’immenseavantage d’être proche de notre site actuel », justifie Phi-lip Greenfield. Cette solution permet en théorie la repriseintégrale du personnel d’Evry et de Lieusaint.

Pourquoi XXL ?Pourquoi le choix d’un bâtiment d’une telle taille ? « Il ya deux aspects à souligner : la taille et la forme du bâti-ment en « T ». Nous avons pris en compte plusieurs élé-ments au moment du choix : le stock, le niveau de service

pour le client final et pour le magasin, ainsi que le coûtde la main d’œuvre. Ce nouveau bâtiment nous donneral’opportunité de créer un environnement plus productifavec du matériel moderne (système de convoyage auto-matisé et trieur) tout en améliorant le confort de nosemployés », explique Philip Greenfield. A propos de lataille, précisions que ce nouvel entrepôt occupera en réa-lité une surface réduite, par rapport à la situation actuelleavec les trois entrepôts et les débords. Par ailleurs, ToysR Us utilisera davantage la hauteur, six niveaux destockage (12 m de hauteur libre) contre quatre niveaux destockage auparavant. « Au total, nous optimisons notreespace de stockage de 50 % », illustre Philip Greenfield.

Un bâtiment en forme de « T »La forme du bâtiment en « T » a été mûrement réfléchie.« Le bâtiment est construit autour du process logistiquede Toys R Us. Il est constitué d’un convoyeur qui dessertdeux zones d’activité. Cette organisation donne au bâti-ment une forme de « T » avec une zone de cross-dockdédiée aux flux entrée/sortie et une zone de stockagegrande hauteur destinée au stockage de masse. Cetteorganisation permet à Toys R Us une gestion optimiséedes flux logistiques et offre des gains opérationnelsimportants », commente Vincent Gourlin, Directeur deDéveloppement chez Gazeley France. Cette forme en « T »devrait donc contribuer à rendre le bâtiment plus per-formant et à palier ainsi les difficultés liées à la com-plexité de gestion des flux propres à sa grande taille. « Cet entrepôt sera plus performant, diminuant ainsi nos coûts fixes », complète Philip Greenfield. Sansoublier… le transport ! Comme toujours, le coût du trans-port est une des motivations clefs pour cet utilisateur de bâtiment XXL.

Un démarrage prévu pour mi-2015Les travaux de construction démarreront au deuxièmetrimestre 2014 pour une livraison prévue en avril 2015.« Nous prévoyons ensuite un mois ou deux pour regrou-per nos trois sites dans le nouveau bâtiment de Saint-Fargeau-Ponthierry et par conséquent, d’y démarrer lesactivités en juin-juillet 2015 », précise Philip Greenfield.RDV est pris pour dans 18 mois ! ■ BRUNO SIGUICHE

Philip Greenfield, InternationalDirector Supply Chain de Toys R Us

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Vincent Gourlin,Directeur deDéveloppementchez GazeleyFrance

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Futur CampusLogistique et Tertiaire de Toys R Us.

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