Suisse Favre

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Avant-propos C'est en voulant en savoir plus sur la ralit et la vrit de notre histoire pendant la guerre que je me suis mis lire tout ce qui me tombait sous la main: biographies, rapports commands, tmoignages, interviews etc. dont vous trouverez la liste la fin du livre. Pendant toute la dure de la polmique autour des fonds juifs, la parole a t donne essentiellement aux historiens et politiciens rvisionnistes qui ont pu largement voquer les aspects ngatifs de cette priode. Mon texte tente de montrer qu'il existe d'autres tmoignages et qu'aujourd'hui, en 2008, des historiens suisses et trangers largissent le champ de vision en nous dvoilant la complexit d'une pareille histoire, sans toutefois aller jusqu' nier les faits ngatifs. L'objectivit prend le dessus sur la subjectivit et l'interprtation, encore faut-il que l'on s'y intresse. Or cette histoire est mille fois plus intressante que ce qui en a t dit. C'est en fouillant dans un dpt de ventes d'occasions que je suis tomb sur le livre de Werner Rings La Suisse et la guerre 1933 1945. J'ai eu de la chance car ce livre, bien que non rdit, est encore le plus complet l'exception de l'Histoire de la neutralit de Edgar Bonjour. J'ai voulu en savoir plus et c'est ainsi qu' chaque passage dans un de ces dpts j'en ressortais avec un autre livre introuvable en librairie. Puis j'ai visit plusieurs bibliothques, achet quelques livres rcents pour complter mes connaissances. Sur Internet j'ai galement pu lire ou consulter quelques rapports et thses. Un jour, satur d'Histoire, je fouille un rayon de livres de poches pour y trouver un roman et je tombe surAllen Dulles "Les secrets d'une reddition" ! Il est clair que ces lectures ont largement influenc mon opinion, il ne peut en tre autrement. Si mon texte peut encourager les lecteurs lire quelques uns des livres de rfrences, j'estime alors que mon but est atteint et ce but est uniquement que la vraie histoire de la Suisse pendant la dernire guerre soit enfin connue. Les refoulements et le commerce avec l'Allemagne font partie de cette histoire tout comme la volont de rsistance, l'aide discrte de l'arme aux Allis et aux mouvements de rsistance, le travail de la Suisse en tant que puissance protectrice auprs de 43 pays, l'aide humanitaire et le travail du CICR et encore l'espionnage. Le resserrement politique au centre et le rejet des extrmes mrite aussi d'tre connu. Le contexte est important, c'est pourquoi je suis parti de la fondation de la Confdration, en passant par la Premire Guerre mondiale ainsi que par le droulement des premires attaques et annexions allemandes, sovitiques et italiennes. Tout ceci videmment trs succinctement, il ne pourrait en tre autrement, tout comme mon texte n'est pas l'Histoire de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, mais seulement quelques lignes et remarques qui pourront inciter le lecteur lire un ou plusieurs livres en rfrence. LHistoire de la Suisse pendant la Seconde guerre mondiale a t utilise des fins idologiques, en allguant que les autorits politiques et militaires taient pro nazies, la minorit politique dextrme gauche a dmontr sa force et la faiblesse de la majorit politique. Voici une intervention dans un blog qui en dit long sur ce qu t ce combat : On reconnat qu'un camp a perdu la guerre des ides quand tous ses efforts ne sont que pour rejouer indfiniment ses vieilles batailles perdues [] .

La rvision tait donc une guerre des ides et non lHistoire de la Suisse pendant la SGM, puisse ceci tre entendu

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Particularit helvtique et neutralit L'entre deux guerres Chronologie du dbut de la guerre En Suisse pendant ce temps Le Gnral Guisan et le Conseiller fdral Pilet-Golaz Les diverses relations helvtico allemandes Les relations conomiques entre la Suisse et l'Allemagne Les relations avec les Allis Les relations avec la France Les services de renseignements, l'espionnage en Suisse Les contacts avec le gnral SS Walter Schellenberg Allen Dulles, chef de l'OSS (ancienne CIA) en Europe Reddition de l'arme allemande en Italie Rfugis et interns Actions humanitaires Carl Lutz Budapest L'information Le mlange des rles, mythe et patriotisme Pourquoi la Suisse n'a-t-elle pas t attaque ? La Suisse coupable ? L'aprs guerre Rfrences

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Particularit helvtique et neutralit

Rappelons en quelques lignes comment s'est construite la Confdration suisse. Le tout dbut a t un pacte entre les habitants des valles entourant le lac des Quatre Cantons, soit Uri, Schwyz et Unterwald, cela se passait autour des annes 1300. Ces valles taient alors soumises l'autorit des Habsbourg. Aprs plusieurs batailles, les Waldstaetten, c'est ainsi que l'on dsignait les habitants de cette rgion, russirent se librer seuls de la tutelle habsbourgeoise et devenir ainsi entirement libres. Il faut ajouter qu'auparavant l'Empereur leur avait accord un franchise, laquelle en gnral concernait plutt une seigneurie qu'une communaut paysanne, mais lintrt de lempereur tait surtout de sallier une population gardienne de laxe du Gothard. Ce fait n'est pas un mythe mais bel et bien une ralit. Ces gens taient avant tout des paysans et des bergers. Par la suite, attirs par ces succs, des contres et des villes proches vinrent se joindre cette alliance, d'o les premiers conflits internes entre villes et campagne, Schwyz contre Zurich ou Zoug. Les Bernois ayant des vues sur le Pays de Vaud, manigancrent tant et si bien que les Confdrs furent amens se battre contre Charles le Tmraire qu'ils vainquirent, rcoltant du mme coup un trsor fabuleux, source de nouvelles querelles entre eux. Les consquences des guerres de Bourgogne furent bien mauvaises pour la jeunesse des cantons confdrs qui abandonna les travaux des champs pour s'engager dans les armes de tous les princes de l'Europe. Batailler tait son plaisir, piller trop souvent sa rcompense. En plus du partage du trsor de Charles le Tmraire s'ajouta la demande de Fribourg entrer dans la Confdration. Il ntait pas vident pour des Waldstaetten d'accepter un lment francophone dans leur Confdration, on peut le comprendre, ce d'autant plus que Fribourg allait renforcer le clan des villes contre celui des campagnes. On frisa la guerre civile. Le miracle eut lieu en la personne d'un ermite totalement ascte, Nicolas de Fle, qui russit mettre tout le monde d'accord en un temps record. Vu le contexte et la somme extraordinaire d'lments de dissensions on peut effectivement parler de miracle. Une telle capacit guerrire ne pouvait laisser indiffrentes les autres puissances europennes, c'est ainsi que ces dernires engagrent de nombreux Suisses en tant que mercenaires. Cette activit, somme toute malsaine, devint une vritable industrie, des officiers possdaient un rgiment de mercenaires comme un patron d'entreprise des ouvriers. Ces hommes qui partaient de leur village, dlaissaient les indispensables travaux et quand ils revenaient, s'ils revenaient, n'avaient plus aucun got au travail. On dit que le mercenariat et l'argent qu'il rapportait a t la base des banques suisses. Peut-tre. La bataille de Marignan en 1515, avec la victoire de Franois 1er, mit un terme aux interventions guerrires des Suisses 1 . Jusqu' la Rvolution franaise la Confdration n'tait pas forme de cantons ou de rgions gales en droit, en effet les cantons suisses possdaient des "colonies": Vaud et Argovie appartenaient Berne, le Bas-Valais au Haut-Valais, (cependant le Valais ne faisait pas encore partie de la Confdration), le Tessin Uri et Schwyz. De plus le pouvoir au sein de la Confdration tait en mains de familles patriciennes. La Rvolution franaise attisa la rvolte en Suisse. La Suisse doit Napolon d'avoir compris l'esprit fdratif du pays, malgr la dure insurrection de Nidwald. L'Acte de mdiation impos par Napolon construisait les bases de la nouvelle Confdration. Pour autant la Suisse avait perdu sa libert et payait un lourd tribut en argent et en hommes la France. Sa libert, la Suisse la doit l'arrive des allis, Autriche, Prusse et Russie, aussitt aprs la chute de Napolon. Ils chassrent les Franais et empchrent les cantons colonisateurs de reconqurir leurs anciens sujets. Vaud et Argovie doivent au tsar Alexandre 1er et Frdric Csar Laharpe2 le maintien de leur1 2

Les interventions des Suisses en Italie avaient pour but la dfense du Pape. Le Vaudois Frdric Csar Laharpe a t le prcepteur du Tsar Alexandre 1er, il lui insuffla un esprit de tolrance.

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indpendance vis--vis de Berne. Genve et le Valais qui avaient t purement rattach la France, devinrent cantons suisses. Le 30 mai 1814, les allis concluaient Paris un premier trait avec la France. L'article 5 du trait disait que "La Suisse, indpendante, continuera de se gouverner elle-mme", mais un article secret ajoutait qu'elle serait "neutralise et place sous la sauvegarde et la garantie des puissances". Les Suisses se runirent Zurich o ils laborrent un nouveau pacte fdral qu'ils allrent prsenter au Congrs de Vienne o se runissaient les grandes puissances. Ce congrs reconnu la neutralit de la Suisse et sa nouvelle constitution, qui fut dsigne sous le nom de Pacte fdral de 1815. La Constitution actuelle date de 1848. Ce 19 sicle c'est aussi la cration de la Croix Rouge par Henri Dunant. Cette institution donne une touche romande ce que l'on peut appeler les valeurs suisses (tout pays possde ses propres valeurs). C'est aussi l'interdiction du mercenariat en 1859, les Suisses se dbarrassaient dfinitivement de l'acte de tuer en dehors de la dfense du pays et l'on imagine bien que la Croix Rouge dveloppa l'intrieur du pays un sentiment de compassion envers les victimes des guerres. A partir de l s'est dvelopp dans l'esprit des Suisses un rejet participer une action extraterritoriale pouvant entraner des morts civils ou militaires. Mais en mme temps s'est dveloppe une extraordinaire capacit morale de dfense du pays dans laquelle la culpabilit de l'action de tuer le militaire ennemi disparat entirement. Voil enfin une attitude en concordance avec la pense du thologien Erasme3, pacifiste dclar, admettant l'existence d'une arme uniquement pour se dfendre. On remarquera d'ailleurs que les Suisses, lorsqu'ils taient la premire puissance militaire d'Europe, du temps des batailles de Grandson et de Morat, n'ont aucun moment eut une envie quelconque d'tendre leurs territoires, quelques exceptions prs, comme Berne sur le Pays de Vaud. C'est donc une attitude bien spcifique, bien particulire, qu'on appelle neutralit suisse, pouvant bien sr tre interprte autant ngativement que positivement. Au 19 sicle des rvolutionnaires vinrent en Suisse soit pour se rfugier soit pour prparer la rvolution dans leur pays, ce fut le cas pour de nombreux Russes dont le plus clbre tait Lnine. La fin de la guerre franco allemande de 1870 s'est termine par l'pisode sanglant de la Commune Paris qui a provoqu un exode de Communards en Suisse. Des mouvements anarchistes virent le jour surtout dans les Montagnes neuchteloises. Cet accueil d'un genre particulier n'tait pas pour plaire aux autorits des pays d'origine de ces futurs rvolutionnaires. Ils manifestrent plus d'une fois leur agacement vis--vis de la Suisse, qualifie de cloaque de l'Europe. Lire ce sujet: Pierre Kropotkine Autour d'une vie. Cela pour comprendre qu' la veille de la Premire Guerre mondiale, la Suisse rencontra fort peu de comprhension auprs de ses voisins pour ngocier son approvisionnement. En plus la Suisse n'y tait pas prpare. Aussitt la guerre dclenche en 1914, la Suisse fut svrement soumise toutes sortes de contrles par les belligrants qui veillaient ce que leurs fournitures ne servent l'ennemi. Des contrleurs trangers vrifiaient tout ce qu'ils pouvaient l'intrieur du pays, limitant en cela fortement notre libert. Durant cette priode ce sont les Etats-Unis qui livrrent la plus grande part de charbon. Ces difficults de livraisons entranrent des pnuries dans tous les secteurs, aggravant la situation des ouvriers. En mme temps, comme cela arrive partout et toujours en priode de guerre, des personnes profitaient et s'enrichissaient malgr l'augmentation de l'impt de guerre. Cette situation atteint son paroxysme la fin de la guerre, en octobre 1918, par le dclenchement d'une grve nationale. La rvolution ayant dj eu lieu en Russie une anne auparavant, c'tait l'occasion de marquer l'anniversaire. La mobilisation de l'arme fut importante et mit fin au conflit. Dans les annes qui suivirent, cet vnement marqua fortement les esprits, tant gauche qu' droite, par exemple droite avec le Fribourgeois et futur Conseiller fdral Jean-Marie Musy, fer de lance de l'anticommunisme3

n Rotterdam en 1466-7, europen convaincu, pacifiste, religieux mais critique et polmiste, vcu Londres, Paris et en Suisse Ble o il y mourut

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qui, jusqu' la fin de la Seconde guerre a cru au nazisme et au fascisme comme antidote au communisme. Nous observons donc pendant la Premire Guerre mondiale, un antagonisme prononc entre la gauche et la droite. Un autre antagonisme vint s'ajouter, en effet la Suisse tait gravement divise entre pro Allemands et pro Franais. Cette division s'aggrava lors de l'attaque de la Belgique, fort peu dplore par les Almaniques. Le Gnral Wille, form en Allemagne, tait clairement de ce ct. Malgr tout, cette situation pouvait trs bien s'expliquer puisque les causes du conflit ne concernaient pas la Suisse et qu'il n'y avait pas, comme plus tard avec le nazisme, une idologie totalitaire rejeter. Il n'y avait pas atteinte la culture franaise et allemande. La neutralit tait mal accepte par les Britanniques, Churchill en tte, qui ne pouvait concevoir cette attitude, malgr les nombreux services que la Suisse pouvait rendre, commencer par la Croix-Rouge internationale. L'exemple de la Premire Guerre mondiale montre de faon particulirement claire qu'un engagement militaire d'un ct comme de l'autre aurait aussitt entran la guerre civile en Suisse, nous n'avions pas d'autre choix que la neutralit.

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L'entre deux guerres

A la fin de la Premire Guerre mondiale voici ce que pensait le socialiste franais Aristide Briand 4 :"Comme tous les Franais, j'avais particip la liesse populaire, tout au long de cette journe inoubliable du 11 novembre 1918. Toutefois, en mme temps, je n'avais pas non plus cess d'tre le sige d'un sourd malaise. Pourquoi donc ce cur gros ? Je ne me complais pas, de faon gnrale, en dlectations moroses. Mais en regardant levs vers moi, au Palais-Bourbon, ces visages hilares, excits, enthousiastes, je pensais trangement : " S'ils savaient... " S'ils savaient quoi ? C'tait encore confus dans ma pense. Savaient que rien n'tait fini. Que l'arrt des combats n'tait encore qu'une trve, qu'un entracte. Que c'tait loin encore d'tre la paix. Que celle-ci dpendrait, pour s'tablir et se consolider, de la faon dont on allait s'y prendre maintenant avec l'Allemagne. Or ce que je voyais poindre, en cette journe de fivre ce n'tait pas une politique de paix. Ce que je voyais clater, dans cette foule en dlire, c'tait l'ivresse sans doute de la dlivrance, mais plus encore une ivresse de vengeance. Vae victis ! On va leur faire voir, aux Boches ! Sous la pression de cet appel, le vaincu serait mis terre, sous le talon. Outre ses armes on lui arracherait ses biens, ses territoires, sa propre peau. Or quelle nation moins d'tre rduite en cendres - supporterait ce traitement la longue ? Laquelle ne finirait par se jeter dans la rvolte ?" Vercors "Moi Aristide Briand"

Briand, comme Churchill mais contrairement Clemenceau, pensait qu'il tait loin d'tre sage de vouloir saigner blanc l'Allemagne dj compltement ruine. Le moins qu'on puisse dire est que l'avenir ne leur donnera pas tort. Mussolini avait la mme vision. Les Amricains, venus en renfort, avaient bien l'intention eux aussi de faire payer leur dplacement. Le Trait de Versailles imposait l'Allemagne de verser un montant de 123 milliards de DM-or et donner annuellement le 26% de ses exportations. De telles exigences ne pouvaient que ruiner encore plus le pays, ce qui arriva. Mais au lieu d'adapter le montant au potentiel de l'Allemagne, en permettant petit petit l'industrie de fonctionner, c'est une toute autre solution qui allait voir le jour. En effet des banquiers internationaux crrent en Suisse, Ble, la "Banque pour les rglements internationaux". Ce plan mis en place sous le nom de plan Young succda au plan Dawes. Ce systme tabli en 1923 permit l'Allemagne nazie de financer son rarmement, plus d'une centaine d'industries amricaines participrent4

Vercors "Moi Aristide Briand"

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ainsi en cachette au rarmement de l'Allemagne et ceci aussi durant la guerre. L'attitude des Amricains lors du Trait de Versailles est trs rvlatrice, voici ce qu'en a rapport le comte Robert Capelle. Les Belges dsiraient obtenir rapidement une rparation de guerre, voici la rponse amricaine:[] "Pourquoi ne nous soutenez-vous pas dans la mesure o vous nous avez tmoign de la sympathie pendant la guerre ? Les Amricains, me rpond-il avec franchise ou navet, sont des idalistes et des marchands: par idalisme, nous nous refusons prolonger tout espce de ressentiment n de la guerre; par mercantilisme, nous entendons tre rembourss au plus tt des milliards que nous avons dbourss, en prts et dpenses de guerre. Ce but ne peut tre atteint que par le plein travail de nos dbiteurs, les Europens, et en premier lieu les Allemands. Nous repoussons donc " priori" tout ce qui pourrait handicaper l'industrie allemande: indemnit de guerre exagres, privation de matires premires, maintien de listes noires, invasion du march allemand par les produits allis. Certains de mes compatriotes vont plus loin encore: ils voudraient que les vingt-cinq premiers milliards d'indemnit pays par l'Allemagne fussent affects au paiement de matires premires destines l'industrie allemande." Comte Robert Capelle "Versailles 1919" Histoire de notre temps 1968

Ce qu'Aristide Briand et Churchill, ainsi que d'autres, auraient voulu, c'tait une attitude responsable vis--vis de l'Allemagne, permettant ce pays de se relever conomiquement mais pas militairement. Finalement c'est l'attitude amricaine qui a prvalu savoir une aide massive. Revenons la fin de la premire guerre. Du ct allemand la signature de l'armistice est dsigne comme "coup de poignard dans le dos". La faute en sera donne aux juifs et aux bolchviques. Dans cette Allemagne en ruine nombreux taient les groupuscules nationalistes et revanchards; facile ds lors pour un tribun de se servir dans le tas. Ce tribun ce sera Adolf Hitler. Nous n'allons pas faire ici la biographie de Hitler, seulement s'interroger qu'un homme sorti d'un milieu modeste acquire un pareil pouvoir. Relevons tout de mme que Hitler, dans sa jeunesse a lu, beaucoup lu. Alors bless au gaz moutarde lors de la Premire Guerre mondiale, il perdit la vue, plusieurs de ses camarades sont tus. On le dirigea dans une clinique psychiatrique dans laquelle le docteur Forster, minent psychiatre, tait charg de redonner aux blesss le courage de retourner au front. Forster utilisa manifestement l'hypnose, toujours est-il que non seulement Hitler retrouva la vue, mais acquis en plus la persuasion d'tre le sauveur de l'Allemagne. Par la suite sous la pression de la Gestapo, Forster se suicida, mais ses notes concernant le passage de Hitler furent sauves. Entre 1919 et 1923 Hitler chercha le contact des milieux d'extrme droite, rencontrant des gens frquentant diverses socit secrtes, tel Goering la socit de Thul. Il disait croire en Dieu, oui mais son dieu c'tait Wotan, ce dieu de la mythologie germanique. De fait dj au cours de la Premire Guerre mondiale et jusqu' la fin il bnficia d'une chance inoue qui l'carta un nombre incroyable de fois des bombes et attentats ; russite inoue aussi au dbut de la Seconde Guerre mondiale, surpassant tactiquement ses gnraux. Parmi ses lectures:Houston Stewart Chamberlain, Anglais naturalis allemand, a jet les bases de l'idologie nazie. Son livre Fondations du XIX sicle dveloppe sa grande thorie: la race "aryenne", conduite par les peuples germaniques, sauvera la civilisation europenne et chrtienne de l'ennemi, le judasme. H-S Chamberlain a pous Eva, la fille de Wagner Source: Ces extravagantes surs Mitford Annick Le Floc'hmoan En 1899, c'est Houston Stewart Chamberlain, Anglais naturalis allemand et gendre de Richard Wagner, qui fait paratre La Gense du XIXe sicle, dans lequel il rve de restaurer une race suprieure. Il considre les juifs comme la race la plus corrompue et la plus dgnre, tandis que les Allemands appartiennent une lite physiquement et moralement suprieure.

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En 1886, Edouard Drumont crit La France juive, une somme sur l'antismitisme qui sera un bestseller de la fin du sicle : "Les principaux signes auxquels on peut reconnatre un juif restent donc : ce fameux nez recourb, les yeux clignotants, les dents serres, les oreilles saillantes, les ongles carrs, le torse trop long, le pied plat, les genoux ronds, la cheville extraordinairement en dehors, la main moelleuse et fondante de l'hypocrite et du tratre." A cette description s'ajoutent des rfrences l'antijudasme chrtien (voir le dicide*) et l'antismitisme conomique (voir l'argent* et les juifs). L'Affaire Dreyfus* le conforte dans ses opinions que le juif n'est qu'un tratre Source: http://www.cicad.ch/index.php?id=95

Le passage dans la clinique du docteur Forster transforme le caporal-peintre Hitler en Fhrer du III Reich avec le projet de rendre l'Allemagne et les Allemands matres du monde pour mille ans. On se passera du capitalisme comme du communisme pour mettre en place un systme somme tout vieux comme le monde avec d'un ct des seigneurs et de l'autre des esclaves. Le critre diffrenciant l'un de l'autre tant purement racial. Il fallait encore un bouc missaire sur qui passer sa rage et ce ft une fois de plus les juifs. En attendant le caporalpeintre reconverti avait trouv, comme on l'a vu, des arrangements avec la haute finance internationale. Normal, il fallait bien s'arranger avec les capitalistes tant qu'ils taient encore au pouvoir. Je simplifie, Hitler n'tait pas lui-mme directement impliqu dans ce systme. Mais l'argent seul ne suffisait pas la construction du Reich, il fallait aussi des matires premires et une possibilit de mettre sur pied la plus puissante arme. On en parle peu, mais bien avant le pacte de non-agression germano-sovitique de 1939, l'Allemagne et l'URSS avaient sign en 1922, un accord conomique Rapallo en Italie. Cet accord avait dsagrablement surpris les Anglo-Saxons qui lorgnaient du ct des marchs de l'Est. Le Trait de Versailles imposait l'Allemagne vaincue une arme ne dpassant pas 100'000 hommes, ce qui, on en conviendra est un contingent un peu faible en vue de devenir l'arme la plus puissante du monde. Pour contourner cette rgle les Allemands envoyrent des centaines de milliers d'hommes en URSS afin d'acqurir une formation militaire dont profitrent galement les Sovitiques. Mais les changes ne s'arrtaient pas l, plus de la moiti des matires premires sovitiques furent exportes en Allemagne. La Socit pour l'exploitation d'entreprises industrielles dont un sige tait Berlin et l'autre Moscou, traitait directement avec le gouvernement sovitique pour la fourniture d'armements. C'est le gnral von Seeckt, chef de la Reichswehr aprs la guerre 14-18 qui a t l'initiateur de la collaboration germanosovitique. Pour Seekt, faire de la politique active, ce n'tait rien d'autre que de prparer la lutte. La lutte contre la France et la Pologne pour la destruction du trait de Versailles, avec l'aide de la Russie dont l'arme rouge lui tait un alli dsir, et qu'il s'efforait avec zle de renforcer. Il a dvelopp secrtement une industrie d'armement trs moderne, qui, dans son esprit, devait tre utile aux deux armes, l'allemande et la russe. La pense que la Russie y aiderait d'une manire ou d'une autre tait dj si enracine que le ministre de la guerre de 1937, le gnral von Blomberg, continua pendant les annes qui suivirent la prise de pouvoir par Hitler, entretenir des relations amicales avec l'Arme rouge, en dpit de toutes les proclamations antibolchviques de la propagande nationale-socialiste.5 Jusqu' la rupture du pacte, en 1941, l'Allemagne nazie et l'URSS stalinienne collaborrent troitement. Hitler et Staline avaient galement des raisons de s'entendre, tant tous deux partisans de l'limination physique de leurs adversaires respectifs. Du ct de Staline on notera effectivement l'limination des cadres qui le gnaient, la dportation massive dans les goulags, ainsi qu'une famine en Ukraine avec plusieurs millions de victimes. Hitler de son ct avait galement limin ses opposants dans "La nuit des longs couteaux", il avait commenc perscuter les juifs aprs "La nuit de cristal" et les camps de concentration se remplissaient d'opposants. Fin fvrier 33, une vague d'arrestations submerge l'Allemagne,5

Gerhard Ritter "Echec au dictateur" Histoire de la Rsistance Allemande

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frappant les communistes, les libraux, les sociaux-dmocrates, les nationaux-allemands. Elimination physique galement des handicaps. Aucun de ces deux tyrans n'allait donc mettre un quelconque reproche sur ces questions, bien au contraire. La monte en puissance des idologies fascistes et nazies n'est pas le fruit du hasard, il s'agit bel et bien d'une raction violente une idologie tout aussi violente savoir le communisme appliqu en Russie par Lnine et Staline que l'on a appel le bolchevisme. De nombreux Suisses avaient fait leur vie en Russie, la Rvolution ils perdirent tous leurs biens et rentrrent dans leur pays d'origine totalement dmunis. A l'exemple de l'artiste fribourgeois Franois Birbaum, qui fut le premier Matre du joaillier Faberg St Petersbourg. A son retour en Suisse Birbaum ne possdait strictement plus rien sauf son talent de peintre qui lui permit de subvenir au minimum. Dans le livre qui lui est consacr on peut galement lire qu'en 1920 7000 Isralites (sic) russes vinrent se rfugier Zurich ! Il y a donc lieu de comprendre que les exactions commises par les bolcheviques tentrent forcment des politiciens adopter une contre idologie. Birbaum excrait toutes les trois idologies communistes, fascistes et nazies.

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Chronologie du dbut de la guerre en Europe

Le 30 janvier 1933, le chef du parti national-socialiste, Adolf Hitler, devint chancelier du Reich. Vu de Suisse cette nouvelle ne suscita que peu d'intrt, surtout que le nouveau gouvernement ne comportait que deux nationaux-socialistes. Les conservateurs allemands ne s'inquitrent pas plus, ils pensaient avoir des allis pour combattre la gauche. Pourtant le mme jour le cabinet d'Hitler dcida de dissoudre le parlement et d'organiser de nouvelles lections. On s'y attendait galement. Ds le soir 25'000 hommes des sections d'assaut, les SA, dfilrent en uniforme avec leur tendard croix gamme. Puis ce fut le licenciement de centaines de fonctionnaires aussitt remplacs par des nazis, l'interdiction de certains journaux dont plusieurs suisses qui avaient vu leur vente considrablement augmenter, des assembles lectorales interrompues et 51 assassinats en quelques jours. Le 27 fvrier le palais du Reichstag tait en feu 18 juin1935 la Grande-Bretagne conclut un accord naval avec l'Allemagne6, ce qui dmontre la totale passivit de la communaut internationale face au nazisme. Selon Hitler, cet accord naval signifiait premirement que la Grande-Bretagne, en contradiction avec le trait de Versailles, reconnaissait officiellement le rarmement allemand et que, deuximement, les questions concernant un dsarmement et un systme collectif perdaient de leur importance Automne 1935 l'Italie attaque l'Ethiopie (anciennement Abyssinie). Mussolini voulait avoir galement sa part de colonies comme les autres grands pays europens. Utilisation des gaz moutarde sur la population. Rcit dans le livre du Dr Marcel Junod Le troisime combattant. Condamnation quasi gnrale l'exception de l'Allemagne et bien sr de lEspagne. Le 7 mars 1936 Hitler occupe la rgion dmilitarise de la Rhnanie, violant ainsi le Trait de Versailles quil avait dnonc le 16 mars 1935. Pas de raction de la communaut internationale. Anecdote : les soldats allemands navaient pas de munitions ! Le 14 novembre 1937 visite de lord Halifax Hitler sur l'Obersaltzberg. Halifax dclara que la Grande-Bretagne ne gnerait pas l'Allemagne dans sa politique vis--vis de l'Autriche.6

Gerhard Ritter "Echec au dictateur" Histoire de la Rsistance Allemande P.67 Henrik Eberle "Le dossier Hitler" p44

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Dclaration d'Hitler: " J'ai toujours dit que les Anglais seraient de mon ct, car leur politique est guide par le mme principe que le mien: la priorit, c'est la destruction du bolchevisme". Entente cordiale entre les deux hommes ! Le 12 mars 1938 Hitler pntra en Autriche, son pays natal. LAutriche devenait partie intgrante du Reich suite aux pressions et menaces exerces l'encontre du Chancelier autrichien Schuschnigg qui stait alors dplac Berchtesgarden, le nid dAigle dHitler en Bavire. Auparavant Schuschnigg avait mis sur une politique dapaisement avec les nazis en les nommant des postes importants ainsi quen en librant dautres des prisons. Aussitt lAnschluss accompli toute la population juive fut menace et perscute. Un rfrendum populaire approuva le rattachement de lAutriche au Reich allemand. Une publication allemande claironnait : " L'Autriche a fait l'exprience de ce que l'on pourrait nommer une Verschweizern, une suissisation, c'est--dire le drame funeste d'un peuple qui l'on fait accroire qu'il constitue une nation alors qu'il n'est, en ralit, qu'un lment seulement d'une communaut parlant la mme langue ". En Suisse l'parpillement des pouvoirs n'aurait pas autoris un seul homme signer le rattachement du pays un autre. Au parlement, Berne, une dclaration allant dans le sens de la volont de rsister sans reddition contre tout agresseur fut approuve l'unanimit l'exception de deux communistes et du seul nazi. Les Allemands vivant en Tchcoslovaquie, pays constitu au lendemain de la Premire Guerre mondiale, taient au nombre de 3,5 millions. Depuis 1933 les tensions s'taient accrues entre cette minorit allemande, les Sudtes et l'Etat tchcoslovaque. En plus il y avait aussi des minorits polonaises, hongroises, et ukrainiennes, toutes soutenues par leurs pays dorigine, ajoutez cela la msentente entre Tchques et Slovaques et vous comprendrez pourquoi ce pays na pas pu utiliser pleinement sa puissance militaire en raction aux prtentions germano-sudtes. Fort de cet argument les Allemands revendiqurent lannexion de cette partie de la Tchcoslovaquie. Le premier ministre britannique Neville Chamberlain le 15 septembre 1938 promit Hitler de le soutenir dans cette revendication. La France adopta la mme position. Le 30 septembre 1938 Munich Chamberlain et Daladier confirmrent leur accord. Ds lors Hitler senhardit, le 1er novembre les troupes allemandes commencrent l'occupation des Sudtes et la crise mondiale se prcisa. Les EU annoncrent quils resteraient neutres. Hitler exigea alors du prsident tchcoslovaque Bens la rtrocession de 85'000 km2. Bens accepta et un gouvernement pro allemand fut mit en place dans tout le pays. Les Accords de Munich sont considrs comme une terrible trahison du monde occidental vis--vis de la Tchcoslovaquie, pourtant le monde entier clbrait les accords de Munich avec ses promesses de paix. Daladier fut acclam non seulement Paris mais galement Munich. Il me semble cependant que lon devrait aussi parler du fait quil nexistait pas dunion sacre en Tchcoslovaquie. Du ct franais cest le ministre Georges Mandel et du ct britannique Churchill qui manifestrent leur dsapprobation. Remarque de Hewel, un responsable nazi de l'entourage d'Hitler:- Le Fhrer et Ribbentrop savent comment il faut traiter les Anglais. Ils montent la barre de plus en plus haut, et Chamberlain est oblig de mettre la main toujours plus profond dans sa poche. Mais la morale, a n'intresse pas la City, il n'y a qu'une chose qui intresse la City, ce sont les affaires. Ces nobles gentlemen sont les premiers savoir parfaitement qu'ils sont des requins.

Sitt aprs les accords de Munich le prsident Bens dmissionna, Hacha le remplaa. Fort de ce premier succs, Hitler ne voulait pas en rester l, le 11 octobre le gnral Keitel tlgraphia Hitler que la conqute pouvait tre paracheve vu les signes manifestes de faiblesse de la rsistance tchque. Cest ce qui devait saccomplir quelques mois plus tard. Plutt que de se solidariser avec la Bohme et la Moravie, la Slovaquie, devenue autonome,

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se dressa contre Prague faisant ainsi le jeu d'Hitler. Il en fut de mme avec la Pologne et la Hongrie. Notons tout de mme que la Tchcoslovaquie disposait dune arme impressionnante, certainement la plus puissante en Europe aprs lAllemagne, mais cest le manque dunion nationale qui lui manqua. Dans toute cette affaire on doit parler de lattitude sovitique. Staline avait cherch former un bloc avec la France et lAngleterre pour sopposer aux prtentions allemandes sur la Tchcoslovaquie, mais ni la France ni lAngleterre ne rpondirent cet appel, ce que dplora Churchill. Pourtant il est facile de comprendre le dilemme, sallier avec Staline ctait sallier avec un dictateur peu enclin comprendre les tats dme des dmocraties occidentales, quil dtestait. A ce moment lURSS avait concentr 45 divisions sur ses frontires occidentales. Noublions pas non plus que, plus ou moins officiellement, les Occidentaux, en tout cas le monde conomico financier, avaient financ le rarmement allemand par lintermdiaire de la BRI Ble et quils nallaient donc pas si facilement changer de clan et jouer Staline contre Hitler. Le 7 novembre 1938 Paris un jeune juif, pour venger ses parents dports, tua le conseiller de lambassade allemande (antinazi malheureusement ), ce qui dclencha aussitt en Allemagne le pogrom de la "Nuit de cristal" pendant laquelle des synagogues et des magasins juifs furent incendis, des dizaines de juifs tus et 30000 dports dans des camps de concentrations. Le 14 mars 1939 Hitler convoqua le prsident Hacha Berlin et l'obligea, sous la contrainte, signer le document en vue de l'envahissement de la Tchcoslovaquie. Hacha ordonna l'arme de dposer les armes. Le 15 mars Prague fut occupe sans mobilisation pralable: trente-huit divisions armes de matriel moderne et sept cents avions tombrent aux mains de la Wehrmacht. En raction le Conseiller fdral Obrecht dclara que jamais un homme d'Etat suisse n'irait en plerinage en Allemagne comme l'Autrichien Schuschnigg et le Tchque Hacha. Il est frappant de constater quel point, autant du ct des Anglais et des Franais, que du ct des Allemands, l'exception de Hitler et un ou deux gnraux, personne ne dsirait la guerre. Tous les gnraux allemands y taient opposs. Du ct des Allis on notera tout de mme une meilleure clairvoyance du ct franais que du ct britannique, Daladier avait beaucoup mieux compris les risques de guerre. Le 23 aot 1939 sur l'initiative de Staline, signature du pacte dassistance mutuelle entre lUnion sovitique et lAllemagne. Le parti communiste suisse ainsi que les partis socialistes vaudois et genevois approuvrent le pacte, ce qui revenait cautionner la dictature nazie. A ce propos Lon Blum, chef du parti socialiste franais, stigmatisa l'attitude du gouvernement sovitique, qui n'hsita pas s'associer avec l'agresseur de la Pologne, envahir son territoire pour toucher sans risque le prix de la trahison la plus vile que l'Histoire ait enregistre. Il dnona ensuite l'attitude des dirigeants du parti communiste franais qui ne voulurent pas se dgager d'une ignoble complicit Le 28 aot 1939 le Conseil fdral ordonna la mobilisation des troupes frontires : plus de 80'000 hommes. Le 29 lAssemble fdrale nomma Henri Guisan comme gnral. Le Conseil fdral reut des pouvoirs extraordinaires. La mobilisation gnrale sen suivit.

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Le 1er septembre 39 Hitler dclencha la Seconde guerre mondiale en envahissant la Pologne. Comme en Tchcoslovaquie, la Pologne comptait une forte minorit allemande qui elle aussi avait des griefs contre la majorit. Des questions territoriales furent galement en cause, particulirement celle du couloir reliant lAllemagne la Prusse-Orientale, partie intgrante du Reich, ce couloir ayant t attribu la Pologne lors du Trait de Versailles. Enfin le port et la grande ville de Dantzig, presque purement allemand formaient une " Ville libre " sous le contrle de la Socit des Nations (SDN). Les Polonais se battirent avec courage mais larme tait mal prpare, pour la premire fois le monde ft tmoin de la tactique de la Blitzkrieg, la guerre clair. Le 2 octobre les troupes allemandes pntrent dans Varsovie, la Pologne capitule. Les Polonais attendaient lentre en guerre leur ct, de la France et de la GrandeBretagne. Ds le dbut, les Polonais furent crass par les armes ennemies prcdes par les divisions blindes et appuyes par une aviation matresse du ciel. Malgr des efforts hroques et des tentatives dsespres, tout rtablissement durable fut impossible et aprs deux jours de bataille, les Allemands poussaient vers Varsovie pour encercler leur adversaire. Le 14 septembre, les deux groupes d'armes faisaient leur jonction l'est de la capitale. Le 1er septembre la Suisse dcrta la mobilisation gnrale. Le 3 septembre lAngleterre et la France dclarrent la guerre lAllemagne mais sans lattaquer. Le 5 septembre les EU proclamrent officiellement leur neutralit Le 17 septembre, invasion de la Pologne par lUnion sovitique, fin septembre, partage de la Pologne entre lAllemagne et lUnion sovitique. Le prtexte avanc par l'URSS tait de protger des minorits ukrainiennes et blancrussiennes vivant en Pologne orientale, ainsi que de sauvegarder ses propres intrts. La Pologne subit l'occupation de deux tats cruels et totalitaires. L'URSS s'tait empare du 50% du territoire polonais. Elle incorpora ces territoires aux rpubliques d'Ukraine et de Bilorussie, imposant la citoyennet sovitique la population. Les occupants assassinrent les dirigeants polonais ou les exterminrent en prison, ils arrtrent des centaines de milliers de personnes et les envoyrent dans des camps. Plus de 1'500'000 personnes furent dportes dont une grande partie mourut d'puisement et de faim. En 1940 les Sovitiques assassinrent 15'000 personnalits et officiers polonais. Pour Staline il s'agissait de liquider l'lite polonaise. Quant aux Allemands ils considrrent les Polonais comme des esclaves et les envoyrent ainsi dans des camps de travail. Cette main-d'uvre fut exploite de faon inhumaine. Des centaines de milliers de personnes y furent assassines, prirent de faim ou d'puisement. Toute l'conomie tait pille par les Allemands. Trois millions de Juifs polonais furent extermins. Finalement, c'est au total 6'500'000 Polonais qui prirent au cours de la guerre, victimes la fois des deux idologies d'extrme gauche et d'extrme droite qui se ressemblent dans la rpression et la terreur comme deux gouttes d'eau. Le 30 novembre lUnion sovitique dclara la guerre la Finlande sous prtexte damliorer la scurit de Leningrad soit disant menace par des troupes finlandaises qui se tenaient la

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frontire. Le 26 octobre les Sovitiques provoqurent un incident la frontire7, comme le firent galement les Allemands avec la Pologne. Larme finlandaise possdait 100 avions et 60 vieux blinds. Elle rsista lassaut russe durant trois mois et demi, tint en chec dix divisions lourdes, en dfit deux et constitua 2000 prisonniers. Le combat men par la Finlande pour sa libert enthousiasma le peuple suisse, lui inspira des manifestations spontanes de sympathie ainsi que lorganisation dune collecte qui rapporta plus de 4 millions de francs. Lefficacit du tir de prcision8 par les soldats finlandais dmontrait la relle dimension de cette pratique. Le 13 mars 1940 la paix fut signe, la Finlande dut cder des territoires lURSS. Jusquen avril 1940, malgr la dclaration de guerre, les armes occidentales restaient en attente, cette priode a t appele la drle de guerre. En fait Hitler avait ordonn une attaque l'ouest pour novembre dj mais aprs bien des crises de rage, ses gnraux parvinrent lui faire comprendre que d'abord l'arme n'tait pas prte et qu'ensuite ils taient srs de s'enliser dans la boue et de se perdre dans le brouillard quelque part dans les Flandres. Cette priode d'attente profita pleinement l'arme allemande qui sut rapidement se renforcer l'ouest et prparer le terrain, par exemple en Hollande o la cinquime colonne tait particulirement active. Les Allemands observaient galement l'arme franaise qui, elle, tait particulirement inactive dans les forteresses de la ligne Maginot. Le 9 avril 1940 lAllemagne attaqua la Norvge et le Danemark. La Norvge occupa une situation importante pour lapprovisionnement de lAllemagne en fer sudois. Pour lAllemagne, il tait capital que la Norvge ne tombt pas en main allie. Les Allis, France et Angleterre, se portrent au secours des Norvgiens mais les Allemands allaient sortir vainqueurs. Ils occuprent rapidement le pays avec le concours du gouvernement de collaboration de Quisling. Le roi Haakon et le gouvernement se rfugirent Londres. Le Danemark fut trs rapidement occup, son arme peu consquente et mal quipe ne rsista pas Le 10 mai 1940, dbut de loffensive allemande louest. Violation de la neutralit de la Belgique et de la Hollande en raison, selon Hitler, de lopinion dfavorable de ces Etats lencontre de lAllemagne. Engagement de troupes britanniques et franaises. Le 14 mai la Hollande capitula. Le 16 mai le gnral Gamelin ordonna le retrait des troupes franaises de Belgique. Le mme jour, la 7 division de Rommel fit une perce de 80 km en France ; dans la soire les divisions blindes de Guderian taient 90 km lest de Sedan mais au lieu de continuer sur Paris elles partirent vers le nord-ouest. Contre-offensive de la 4 division blinde du colonel de Gaulle, considre comme un succs, mais qui narrta pas Guderian. De Gaulle fut nomm gnral. Aprs avoir atteint la mer, les Allemands encerclrent 45 divisions allies dans les Flandres. Le 18 mai le gnral Giraud et ses troupes furent faits prisonniers. Le 25 mai les Allis se replirent sur Dunkerque. Le commandant belge informa ses allis que la situation tait critique, on demanda au roi Lopold III de quitter le pays comme lavait fait la reine de Hollande, mais le roi refusa. Le 28 mai la Belgique capitula.Le 26 novembre 1939, les Sovitiques montent de toutes pices lincident de Mainila : lartillerie de lArme rouge pilonne ce village russe proche de la frontire, tuant plusieurs soldats. Moscou accuse aussitt les canonniers finlandais dtre responsables de cette attaque et exige des excuses de la part dHelsinki. Source : La dernire guerre n2, p.65 ; Yann Mah 8 LArme finlandaise fait un usage massif des tireurs dlite ; le plus connu dentre eux, Simo Hyh, terminera le conflit avec 542 soldats russes abattusp. 67 ; Yann Mah7

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Les armes franaises reculrent sur tous les fronts. A Dunkerque 350000 soldats attendirent sur les plages le salut qui viendrait de la mer. Au final 338000 soldats allis russirent embarquer pour lAngleterre, mais ce pays allait y laisser le plus gros de tout son armement. Le processus d'vacuation fut favoris par un ordre d'Hitler donn le 24 mai 1940, avisant les divisions blindes allemandes qui se trouvaient 18 km de Dunkerque d'interrompre leur avance. A ce moment Hitler prouvait une certaine admiration pour les Britanniques qu'il aurait aim avoir comme allis. Le 17 juin le marchal Ptain, nouveau prsident du conseil franais sadressa la nation Le 18 juin le gnral de Gaulle, de Londres, lana son fameux appel Le 22 juin signature de larmistice Le 17 juin les blinds de Guderian se trouvrent Pontarlier afin dencercler, avec la 7 arme, le 45 corps darme du gnral Daille. Le gnral Daille demanda linternement de ses troupes en Suisse. Le gros des troupes passa la frontire dans la nuit du 19 au 20 juin. Il comprenait 16000 Franais, 12000 Polonais, 5800 chevaux, 1600 vhicules. Avec 12000 militaires dj interns, le nombre dsormais allait slever 42772 le 1er aot Il faut savoir que ces succs foudroyants de l'arme allemande mirent mal, en Allemagne mme, l'espoir de l'opposition de dclencher un coup d'tat. Cette opposition comptait de nombreux hauts responsables dans l'arme. Dcembre 1940 la Grande-Bretagne dclara la guerre la Hongrie qui s'tait range du ct de l'Axe Le 22 juin 1941 sur ordre dHitler, larme allemande et les forces roumaines passrent lattaque de lUnion sovitique. Fort curieusement toutes les dfenses sovitiques avaient t enleves comme pour une attaque contraire, cest--dire lURSS contre lAllemagne. Cest un sujet de controverses encore mal lucid. Un livre a t crit ce sujet par Viktor Suvorov Le Brise glace (cest--dire Hitler). Dans ses mmoires le gnral Grigorenko dit ne pas comprendre pourquoi le systme de dfense avait t supprim, il tait lui-mme spcialiste en fortifications. Les deux monstres devaient se dvorer ! Le 25 juin la Finlande et la Hongrie se joignirent lAllemagne contre lURSS. Nous arrterons l cette chronologie. Nous comprenons ds lors toute la peur que cela a pu incontestablement provoquer. Nous tions le seul pays dEurope centrale encore pargn. Nous pouvons aussi nous demander comment a pu tre possible le fait que les Allis de 14-18, ceux-l mme qui avaient sign le Trait de Versailles, aient pu laisser agir Hitler, lequel a viol plusieurs fois non seulement ce Trait, par exemple en roccupant la Rhnanie, mais aussi et surtout en violant continuellement les Droits de lHomme. Malgr toutes ces exactions, les occupations de cinq pays, lAutriche, la Tchcoslovaquie, la Pologne, la Norvge et le Danemark, cest encore lAllemagne qui a, en premier, attaqu les Allis de 1418. Il faut y voir surtout les squelles du traumatisme de la grande guerre, on connat le slogan " plus jamais a !", vingt ans cest court et lEurope ne voulait pas subir une nouvelle guerre.

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En Suisse pendant ce temps

En Suisse, nous avions aussi un visionnaire en la personne dun brillant historien : Karl Meyer.

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La menace des nazis et le pangermanisme que ceux-ci professent ont t vite reconnus et redouts par les intellectuels de Suisse almanique et ont entran chez certains d'entre eux un sursaut de nationalisme, forme de rsistance spirituelle. Karl Meyer avait pressenti le danger avant mme l'arrive d'Hitler au pouvoir : ds 1927, il soulignait le sens politique de la tradition de libration des Suisses face des pouvoirs totalitaires au nord, et les vnements ne purent qu'aiguiser sa conviction

Jean-Franois Bergier " Guillaume Tell " Cette vision est extrmement importante car elle marque la distance entre les Almaniques et les Allemands contrairement ce qui se passa au cours de la guerre 14-18. Les Almaniques rejetaient Hitler et le nazisme mais pas les Allemands. Cette attitude permit la Suisse douvrir les yeux face aux crimes nazis et de se prparer ainsi spirituellement ou psychologiquement aux futurs vnements. Et de fait, seuls les Almaniques, parmi les germanophones, rejetrent clairement le nazisme, je parle de la majorit bien entendu, laquelle se situait plus de 90%. Un espion allemand dclara: "Il n'y a que cinq pour cent de Suisses au plus qui sont avec nous. Nonante pour cent de la population nous dtestent et sont pour les Allis". Il est facile de comprendre que le nazisme salissait la culture allemande laquelle les Almaniques taient autant attachs que les Romands la culture franaise, c'est pourquoi le rejet du nazisme fut si fort en Suisse allemande. Cette attitude engendra ce que lon appela " La dfense spirituelle " dont lide revenait au Conseiller fdral Philippe Etter, catholique conservateur. La dfense spirituelle avait pour but daffermir le sentiment patriotique, de rassembler les Suisses, de leur insuffler lesprit de rsistance face au nazisme mais aussi, disons-le, face au bolchevisme, ce dernier aspect engendra la division de la gauche au cours de la guerre. Pour dfendre la culture suisse le Conseil fdral cra, le 5 avril 1939, la fondation indpendante de droit priv " Pro Helvetia ". La radio et les journaux jourent galement un rle important dans la dfense spirituelle. Retenons particulirement cette phrase de Philippe Etter : " Cest parce que nous rejetons les concepts de race ou dascendance commune comme fondement dun tat ou comme critre dtablissement des frontires que nous acqurons la libert et la force de rester conscients de nos liens culturels avec ces trois grandes civilisations. Le sentiment national suisse ne repose pas sur une race ou des facteurs biologiques ; il est fond sur un choix mtaphysique. " Comme cela est loin du nazisme ! Tout le ct mystique de la dfense spirituelle, lengagement dune personnalit tel que lcrivain fribourgeois Gonzague de Reynold, fils de familles patriciennes fribourgeoise et almanique, tout cet aspect et tout le contexte de lpoque furent utiliss pour la rvision de l'histoire. Cependant l'historien Daniel Sebastiani, dans sa thse sur le Conseiller fdral Jean-Marie Musy, a su vraiment bien saisir ce contexte qui tait lattaque des dmocraties par deux idologies totalitaires, le communisme et le nazisme ainsi que par le fascisme galement totalitaire mais reposant moins sur une idologie que sur la personnalit et le charisme d'un tribun hors pair, Mussolini. En fait d'idologie le fascisme louvoyait de gauche droite. Le ct raciste et haineux du nazisme annihile totalement une quelconque dfense de cette idologie. Le communisme tait clairement antidmocratique mais la suprmatie raciale tait remplace par la dictature proltarienne qui avait l'avantage, pour ses dfenseurs, d'argumenter une certaine justice: vous les riches avez assez profit, place aux dmunis ! L'idologie est une chose, les moyens pour l'instaurer une autre et ce que l'on voyait se passer en URSS ne pouvait que choquer le dmocrate europen, ft-il de gauche. Henri Guillemin racontant Lnine (archives de la TSR) signale qu'aux derniers moments de sa vie Lnine tait effar des rsultats de la rvolution ! "L'appareil d'Etat sovitique n'est en somme que l'appareil tsariste peine repeint. Les choses chez nous avec l'appareil d'Etat tel qu'il est sont tristespour ne pas dire rpugnantes."Lnine

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Les communistes suisses recevaient les ordres directement de Moscou et ces ordres taient clairement de faire la guerre la dmocratie. " Nous sommes radicalement opposs l'arme bourgeoise. Ce qu'on appelle notre arme est une partie de l'appareil de domination et d'Etat de la bourgeoisie, une partie de la guerre imprialiste. Notre but est de lui nuire, de la dsagrger, de la dtruire. Nous sommes des antimilitaristes rvolutionnaires et communistes " Phrase tire de la propagande communiste suisse en 1940. L'immense chance de la Suisse fut que chaque bord politique rejeta clairement ses extrmits, la droite le nazisme et la gauche le communisme stalinien, le bolchevisme. Aprs guerre et jusqu' maintenant on a abondamment exploit le ct patriotique de la dfense spirituelle en le comparant au nazisme ou au ptainisme qui tous deux faisaient galement rfrences aux valeurs de base de la socit, principalement la paysannerie. C'est bien sr facile de railler une attitude en sortant, une fois de plus, du contexte. Par exemple en critiquant un repli sur soi de la Suisse de l'poque alors que tout bouillonnait l'extrieur et que plus de la moiti des pays europens taient antidmocratiques. Un politicien radical dclara: "Nous sommes donc seuls, nous dpendons de nous-mmes, comme nos anctres". Il y a une nuance tout de mme entre faire rfrence des valeurs suisses, reprsentes entre autre par la dfense arme, l'entente entre cultures et religions diffrentes, sans notion de race et des idologies extrmes prnant le pouvoir par limination des opposants et de peuples entiers. C'est l'crivain Max Frisch qui le premier, aprs sa visite l'Exposition Nationale de Zurich en 1939, la Landi, lana les premires pierres. Posez-vous donc la question: qu'auraient donc d faire d'autre les autorits? Conclure une alliance ? Avec qui ? Il faut noter qu'aucune rponse n'a t donne jusqu' maintenant, en tout cas pas ma connaissance. On retiendra tout de mme que la gauche modre de l'poque ne s'y trompa pas et qu'elle adhra, elle, la dfense du pays, contrairement aux extrmes de gauche et de droite. Le fait que ces deux extrmes, le nazisme du ct de la droite et le communisme du ct de la gauche, taient toutes deux antichrtiennes, ne pouvait que les rassembler. Il est d'ailleurs pour le moins rvlateur qu' l'poque de la dfense spirituelle les critiques les plus violentes venaient du ct des extrmistes. On notera encore l'entente entre syndicats et patrons qui aboutit "la Paix du travail" en 1937. Arme et Foyer allait devenir un peu plus tard la branche militaire de Pro Helvtia. Dans cette nouvelle institution le capitaine Hausamann ralisa un film militaire. Un autre film ralis par Lindtberg Le Fusillier Wipf (1938) connut un grand succs. La Suisse sut tirer les leons de 14-18, de son imprparation et de sa totale et humiliante dpendance conomique face aux pays qui lentouraient ; pour elle, il ntait pas question de revivre cet tat en cas de nouveau conflit. Le conseiller fdral Hermann Obrecht (1935-1940) fut particulirement actif dans cette prparation conomique. Il mit en place toute une organisation regroupant industriels et fonctionnaires et comprenant de nombreux spcialistes de lconomie. Sachant les difficults dapprovisionnement, la Suisse conclut des conventions avec des armateurs de pays qui, avait-elle estim, resteraient probablement neutres pour la dure de la guerre. La Suisse stait assure lusage de quinze navires, elle couvrait ainsi le tiers de ses besoins. Elle passa aussi des conventions pour le trafic par rail et par route. Le 5 avril 1939 le Conseil fdral enjoignit la population faire des provisions pour environ deux mois. De nombreuses rserves furent faites notamment en semences. Toutefois la Suisse devait sattendre aux mmes difficults quen 14-18 car il faut bien remarquer quaucun ressortissant dun pays en guerre ne tient la neutralit pour une chose justemme si la plupart des pays qui allaient en faire reproche la Suisse, staient dclars neutres avant la guerre, en premier les Etats-Unis (EU). Cest ce qui se produisit et au cours des hostilits, la Suisse subit le blocus des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne et le contre blocus de lAllemagne. Soulignons pourtant un fait particulirement intressant ce sujet. La Suisse ne voulant pas renouveler la situation de 14-18 refusa tout contrle sur son sol, ce qui namliora

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pas ses relations avec les Allis. Ceux-ci pourtant, particulirement la France et la GrandeBretagne taient de bons clients de la Suisse en matire darmements. Vu la situation, la Suisse avait interdit en avril 1939 ses exportations darmes ce qui narrangeaient pas ces deux pays qui avaient command de nombreux canons Oerlikon. La Grande-Bretagne avait une commande en cours de 1520 canons Oerlikon avec 2'260'00 obus. Ils firent valoir la Suisse que la Convention de La Haye autorisait les neutres vendre des armes condition que ce soit toutes les parties. La Suisse accepta de discuter, mais la stricte neutralit exigea quelle demande lAllemagne ce quelle en pensait. A la surprise gnrale, lAllemagne ne fit pas de difficults. Elle nexprima pas mme de rserves au sujet du maintien des relations commerciales avec les puissances occidentales. Huit jours aprs louverture des hostilits, les choses en taient l : personne ntait empch dacheter des armes suisses. Linterdiction dexporter avait t leve. Signalons que jusqu'au 20 mars 1940, la France et la GrandeBretagne avaient command pour 264 millions de francs de matriel de guerre alors que les commandes allemandes se montaient 149 000 francs. On doit tout de mme penser que les ngociateurs qui signrent le Trait de la Haye en 1907, dans lequel il tait fait mention de l'autorisation des neutres commercer avec les pays en guerre - condition de ne pas favoriser l'une des parties - n'avaient certainement pas envisag le cas d'un neutre entirement entour par l'une des parties en guerre. Le principe du secret bancaire, tabli dans lActe bancaire suisse de 1934, fut une rponse la pression des nazis pour obtenir les noms des dtenteurs de comptes. Je laisse le soin un journaliste du Monde de dcrire son origine. Article paru en fvrier 2008 et sign Jean-Franois Mabut[] La polmique la fin des annes 1990, sur les 50'000 comptes suisses en dshrence a ignor le rle des banques suisses dans l'apport d'une scurit financire aux juifs et autres opprims par le rgime nazi, suffisamment chanceux pour y chapper. En 1934, le principe du secret bancaire a t une rponse la pression des nazis pour obtenir les noms des dtenteurs de comptes. Maintenant que l'Allemagne inflige des amendes aux possesseurs de comptes au Liechtenstein, on peut difficilement expliquer qu'une telle loi tait inutile."

Comme quoi on peut trouver la fois deux aspects totalement contradictoires dans le secret bancaire, l'un bienfaisant, puisque protgeant manifestement les biens que les nazis volaient aux juifs et l'autre malfaisant si l'on songe aux biens des peuples spolis par leur dictateur.Quand bien mme le secret bancaire n'a pas t institu pour protger les biens des Juifs allemands dposs dans les banques suisses, il n'en reste pas moins que le fait, comme l'a soulign le journaliste du Monde, de protger les avoirs des Juifs allemands constituait sans aucun doute un acte de rsistance au nazisme.

Staline appliquait les recettes de Sun-Zu, le fameux stratge chinois presque contemporain de Bouddha et de Pricls, dont les crits taient une sorte de catchisme pour les services secrets sovitiques. L'art suprme de la guerre, pour Sun-Zu, est de conqurir pays ou cits sans avoir livrer bataille, mais en les affaiblissant de l'intrieur en diminuant leurs ressources et en les minant moralement, jusqu' ce qu'ils soient dans l'incapacit de se dfendre et qu'on puisse alors les cueillir, comme des fruits dj pourrissants. Les nazis firent de mme. Partout o ils le pouvaient ils talaient leur doctrine et leur propagande. En Suisse les nazis allemands se runissaient et sorganisaient et bien entendu cette idologie attira galement des Suisses. On parlait de la "cinquime colonne" en rfrence la guerre d'Espagne (le gnral Miaja dfendait Madrid qui tait attaque des quatre cts, il nomma les habitants ennemis de Madrid la " Cinquime colonne "). On compta quelque 1400 arrestations despions allemands oprant en Suisse. Mais il ny avait pas que le nazisme, partir de 1920 dj le fascisme italien attira galement du monde en Suisse. On dsigna sous le nom de frontiste les personnes qui adoptrent lune ou lautre de ces deux doctrines. Avec trois

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doctrines totalitaires, l'hitlrisme ou nazisme, le stalinisme ou bolchevisme et le fascisme mussolinien, il ntait pas facile de rester impassible, ce dautant plus que lun ou lautre des partis dmocrates pouvait avoir une attirance pour lune ou lautre de ces doctrines. En 1935 un nazi, Robert Tobler fut lu au Parlement, ce fut le seul. Le New York Times crivit :Le dclin de lhitlrisme en Suisse peut tre imput deux causes principales. Tout dabord, on a assist un renouveau du patriotisme suisse comme consquence des erreurs psychologiques de la propagande de lAllemagne nazie. De plus les Suisses se rendent compte que le mouvement nazi peut tout moment menacer son indpendance.

Malgr leur tapage, les frontistes neurent que peu de succs auprs de la population, de plus des mesures furent prises leur encontre : Le 12 mai 1933 le Conseil fdral interdit le port de luniforme et des insignes nazis, plus tard le 18 fvrier 1936 il ordonna la suppression de toutes les organisations nazies. Il en fut pareil avec le parti communiste ainsi que des partis socialistes genevois et vaudois lorsquils approuvrent le pacte germanosovitique. Le stalinisme ne pouvait tre accept et il ny avait pas que la droite rejeter cette dictature. Le Parlement vota une loi qui priverait de leur citoyennet suisse des trangers naturaliss qui ne renonceraient pas leur contact politique avec leur patrie dorigine. Les gardes locales civiles jourent un rle majeur dans la dnonciation des frontistes. La gauche suisse tait divise car le parti socialiste se rangea derrire larme et Guisan. Un journaliste bernois, le socialiste Otto Pnter prit une part active contre le fascisme entre autre en infiltrant des groupuscules avec la collaboration de la police. Pnter devint un important agent de renseignement pendant la guerre, il crivit Guerre secrte en pays neutre. Un pisode montre que les autorits suisses firent preuve la fois de dtermination et de faiblesse face aux nazis. La Gestapo nhsitait pas oprer en Suisse mme lencontre des ressortissants allemands antinazis, en violant lintgrit et la souverainet de la Suisse. Le 9 mars 1935 un crivain et journaliste nomm Berthold Salomon, alias Jacob fut enlev Ble pour tre conduit en Allemagne. Jacob tait un adversaire du nazisme et avait rvl le rarmement secret de lAllemagne. Suite la dnonciation de lenlvement par un journaliste de Strasbourg, ami de Jacob, la police criminelle ouvrit une enqute qui aboutit des arrestations dont Hans Wesenmann agent de la gestapo Londres. Le ministre suisse Berlin, Paul Dinichert, entreprit des dmarches auprs des autorits allemandes, il insista sur la gravit des faits et exigea une enqute ce sujet. En rponse les Allemands affirmrent que Jacob tait un dangereux criminel et quil tait revenu en Allemagne de son propre chef. La Suisse soumit au Reich trois exigences, premirement restituer Jacob, deuximement punir les coupables, troisimement donner lassurance que de tels faits ne se reproduiraient pas. Berlin nia les faits, ds lors la Suisse menaa de porter laffaire auprs du tribunal international. Sr de son affaire Berlin accepta, la Suisse alors joignit au mmoire de la plainte 73 documents dmontrant les faits. Berlin ne sattendait pas cela. La Suisse possdait des preuves sans failles ce qui finit par dcider Berlin den finir avec cette affaire et daccepter toutes les conditions suisses. Ctait une victoire, un succs inou, mais alors que la Suisse devait rester ferme, ce fut le contraire qui arriva, le Conseiller fdral Guiseppe Motta, chef du dpartement politique, depuis 1912 dans le gouvernement, fit machine arrire et proposa au ministre dAllemagne un compromis honorable pour le Troisime Reich. Au ministre allemand berlu, il expliqua quil navait jamais voulu dramatiser laffaire, ni jeter le blme sur le gouvernement allemand, tout ce quil dsirait ctait la restitution de Jabob. Finalement ce dernier fut rendu la Suisse, puis extrad en France selon les exigences allemandes. LAllemagne obtint galement que laffaire fut traite discrtement dans la presse. Que penser de tout cela ? Dabord il faut savoir que lAllemagne agissait pareillement dans dautres pays comme en Angleterre, aux Pays Bas et au Danemark et il eut t extrmement dsagrable que ces agissements fussent rendus publics lors dun procs devant un tribunal suisse. Cette 18

affaire suscita de nombreux dbats et interprtations parmi les historiens. Gardons de cet pisode deux constats : le premier que la Suisse fit dabord preuve de courage et de dtermination et que cela paya mais que dans un second temps, face au puissant Reich, elle ne voulut pas exercer sur ce dernier une pression quelle nosait pas assumer. Source : Werner Rings La Suisse et la guerre

5.

Le Gnral Guisan et le Conseiller fdral Pilet-Golaz

Henri Guisan naquit le 21 octobre 1874, Mzires dans le canton de Vaud. Son pre mdecin fut dcor en 1871 de la Croix de bronze du secours volontaire sur les champs de bataille, par les ministres de la guerre et de la marine de France. En 1875 sa mre dcda et ce fut sa tante qui lleva. Dure et svre mais dvoue, elle exera une influence dterminante sur son neveu. Entre une tante austre et un pre absorb par son travail, Henri fit lapprentissage de la solitude ; celui qui commande doit savoir tre seul et porter lunique responsabilit de ses dcisions. Henri obtint son baccalaurat en latin-grec puis rentra luniversit; il fut reu dans la socit dtudiants Zofingue dans laquelle il noua de nombreuses amitis quil gardera tout au long de sa vie. Mais luniversit ntait pas sa voie et son intrt pour la campagne lui fit changer compltement dorientation, il voulut tre paysan. Pour cela il sinscrivit dans une cole dagriculture tout en suivant galement des cours dhistoire. Il se perfectionna lEcole vtrinaire de Lyon, puis dans une autre, lEcole dagriculture de Hohenheim, dans le Wurtemberg en Allemagne. A la ferme dOberDiessbach, chez les von Wattenwyl, il sinitia aux travaux pratiques et acquit une parfaite connaissance du dialecte almanique. En 1896 il acheta un domaine Chesalles-sur-Oron. Protestant, Guisan noua Chesalles dexcellents contacts avec les proches catholiques fribourgeois, la meilleure entente existait entre le cur du village de St Martin et lui. Depuis le 15 dcembre 1894 il devint lieutenant dartillerie. En 1897 il pousa son amie denfance, Mary Doelker qui habitait dans la proprit de Verte-Rive Pully. En 1902 Henri Guisan, de plus en plus attir par larme, remit la grance de son domaine son matre valet. Suite la mort de son beau-pre, le couple sinstalla Verte-Rive, il eut deux enfants, Myriam et Henri. Paralllement sa carrire militaire Henri Guisan consacra aussi son temps au sport, il fut membre du comit olympique et de diverses associations. Guisan ntait pas un politologue ni mme un politicien, refusant de sinscrire au parti radical vaudois, les autorits lempchrent de prendre le commandement de la division 1, ce fut alors la division 2 jurassienne qui leut comme commandant. Nous passerons sur les chelons qui lamenrent devenir commandant de corps le 1er juillet 1932, dernier grade avant le titre de Gnral. Guisan effectua de nombreuses visites et voyages ltranger o il put comparer les tactiques et les armements. Retenons cette remarque du gnral franais Debeney : Le tir ajust, tel que vous le pratiquez en Suisse, est une supriorit que vous envient les autres armes. Dans la dfense, il constitue llment dcisif. Un soldat sr de ses coups aux courtes distances est invincible . Il visita galement les fortifications en Belgique, voici une remarque ce sujet sur le forum Livres de guerre :Seul le Gnral Suisse Guisan, lors d'une visite avant guerre fit remarquer que le glacis du fort tait non seulement trs utile pour la pratique du football, mais constituait galement une belle piste d'atterrissage. Il ne fut malheureusement pas cout. La brche ouverte sur le canal Albert, conjugu la prise de fort d'Eben-Emael, l'un et l'autre rputs comme quasi infranchissables, fut une catastrophe pour les tats-majors allis. Toutes les tentatives de contre-attaque par la 7e DI belge ayant chou, le commandement belge dcida d'employer les quelques avions rescaps des bombardements du 10 mai.

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En 1934 il rencontra Mussolini lors des grandes manuvres italiennes. Particulirement cordial ce dernier dclara. Aujourdhui la situation politique et militaire de la Suisse est de tout premier ordre. Elle la doit entirement sa volont de se dfendre ellemme et par ses propres moyens. Aussi longtemps quelle sera dans ces dispositions, elle naura rien redouter des puissances qui lentourent. Au passage signalons que Mussolini connaissait bien la Suisse pour y avoir pass quelques annes en compagnie de rvolutionnaires de tous poils et pour y avoir t emprisonn et expuls pour une incitation la grve Berne. En 1934 Mussolini, bien que leader fasciste, tait encore antinazi, ce qui pouvait lui donner quelque crditEn fait le monde entier admirait Mussolini, y compris Churchill. Noublions pas aussi que la Suisse, dans sa situation gographique et dans la situation politique de lpoque, ne pouvait et ne devait ngliger ou snober le chef de lEtat italien. On verra quau cours de la guerre, une partie de lapprovisionnement du pays dpendra du port de Gnes. En 1937, donnant suite linvitation du marchal Ptain, Guisan assista aux manuvres franaises dautomne. Et propos de Ptain on relvera que Guisan ne retint de ce dernier que sa gloire Verdun mais par la suite montra peu dempressement critique face aux drives de Ptain, particulirement sur ce qui concerne les lois antijuives dictes par le gouvernement de Vichy. Des historiens suisses, sappuyant sur une lettre de Guisan, dans laquelle il demandait des prcisions sur des cinastes juifs, ont relev chez lui un antijudasme. Cette accusation est totalement contredite par le fait que Guisan nomma plusieurs officiers juifs, jusquau grade de commandant de corps. Le major Andr Mayer sera son premier adjudant 9 Derrire la nomination de Guisan en tant que Gnral se trouvait le Conseiller fdral bernois Rudolf Minger, agriculteur de formation et responsable du dpartement militaire. Cest lui qui ressentit le trs grand charisme de Guisan, qui comprit que ctait lhomme capable dunir le pays et cest lui qui fit tout, bien avant son lection, pour qu Henri Guisan devienne Gnral. Le systme suisse lit un gnral uniquement en cas de mobilisation. Llection se fait par lAssemble fdrale, cest--dire par la runion de la chambre du peuple, le Conseil national avec la chambre des cantons, le Conseil des Etats. Guisan fut lu le 30 aot 1939 par la grande majorit. Juste aprs la prestation de serment le nouveau gnral se tenait devant le palais fdral avec le Conseil fdral et aussitt une nombreuse foule entama lhymne national et ovationna son gnral, dmonstration rare en Suisse. Ds lors le courant fut tabli, un courant de confiance qui nallait jamais saffaiblir. Pourquoi la majorit almanique accepta-t-elle si facilement llection dun Romand ? Il faut remonter 14-18 pour le comprendre, on ne voulait pas renouveler la mme situation avec un gnral pro Allemand qui aurait t totalement rejet par les Romands. Disons aussi que Guisan avait de tels atouts, son charisme, sa matrise du dialecte almanique, sa prestance, quaucun autre candidat narrivait son niveau. Guisan tait populaire et cultivait sa popularit. Tout au long de la guerre, il se montra auprs de la population, de larme ainsi quauprs du monde ouvrier. Il fut aim comme peu, si ce nest comme aucun Suisse ne le fut. Tout le monde lui crivait, des enfants aux adultes. Il accordait une priorit absolue au maintien du moral du peuple et pour cela il consacra normment de temps, trop bien sr pour ceux qui le critiquent. En 1939 larme fonctionnait dans un pur style prussien, pas cadenc, pratique du staccato , manire de sannoncer un suprieur dans une position rigoureusement raide, le regard fixe et inexpressif et en aboyant son nom en dtachant nettement chaque syllabe. Le responsable de linstruction tait le colonel Wille, fils du gnral en 14-18. Wille avait t lui9

Frank Bridel Pour en finir avec le Rapport Bergier

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mme form lcole allemande. Guisan tait farouchement contre ce style, contre les humiliations, contre larrogance inutile; il seffora, pendant toute la mobilisation de contrer les officiers partisans du drill et de ce style prussien. Sitt aprs son lection, il cra son Etat-major personnel avec sa tte lcrivain Bernard Barbey. Ce dernier a crit PC du Gnral un excellent livre plein d'analyses et danecdotes. Il a aussi crit Aller et retour o il rend compte en dtail les ngociations secrtes quavaient entreprises Guisan avec les autorits militaires franaises et dont il avait t charg. En effet Guisan, en prvoyant une attaque allemande contre la France, avait retenu lhypothse dun contournement de la ligne Maginot par la Suisse, prs de Ble. Il ntait pas le seul, Churchill galement tait venu visiter ces dfenses et prvoyait aussi cette possibilit. Ds lors Guisan noua des contacts avec le lieutenant-colonel franais Garteiser afin de rgler la question dune ventuelle assistance franaise en cas dattaque allemande prs de Ble. Tout cela se fit linsu du monde politique, ce qui dclencha forcment de nombreuses polmiques, dautant plus que par malheur, la plupart des documents, qui auraient d rester secrets, furent dcouverts par les Allemands, en France la Charit-sur-Loire le 16 juin 1940. Etait-ce une erreur de la part de Guisan ? Impossible de le dire. Il manqua un accord pralable entre la Belgique neutre et la France, ce qui nuisit considrablement la coordination de la dfense. La dcouverte de ces documents par les Allemands fut un coup dur pour Guisan. Guisan tait conscient que cette dcouverte reprsentait une bombe retardement donnant l'Allemagne un srieux argument prouvant la non neutralit de la Suisse. Ceci poussa Guisan dans une action douteuse l'amenant crire au Conseiller fdral Minger pour lui suggrer des discussions avec lAllemagne, mais Minger fort heureusement, ne donna pas suite et ne communiqua pas sa demande ses collgues. Il faut comprendre que Guisan tait pleinement conscient que la dcouverte des documents par les Allemands reprsentait une terrible pe de Damocls sur la Suisse et qu'il en portait une lourde responsabilit. Le colonel Wille, adversaire de Guisan et pro Allemands, avait t mis au courant de l'existence de ces documents par ses relations en Allemagne, il essaya de destituer Guisan en mettant le Conseil fdral au courant de cette affaire. Mais c'est Guisan qui eut le dessus et qui destitua Wille.En 1947, Hans B. Gisevius dclara qu'il n'y eut plus de confrence aux chelons suprieurs de la hirarchie o l'on ne discutt pas en premire ligne la question de savoir comment utiliser le plus efficacement ce dossier. La Suisse, poursuivait-il, a pass par une phase extraordinairement critique durant ces "annes brunes". Edgar Bonjour "Histoire de la neutralit suisse" vol V Hans B. Gisevius tait vice consul au consulat allemand Zurich, il avait de nombreux contacts avec Allen Dulles et les rsistants allemands.

Ce fut probablement en partie cette affaire qui amena Guisan accepter de rencontrer le gnral SS Schellenberg comme nous le verrons. La grande force de Guisan fut toujours son absence demportement, de panique et dans toutes les situations que connut la Suisse, il sut communiquer cette force rassurante son entourage. Son chef dtat major le colonel Huber avait cette mme aptitude. Mais Guisan navait pas que des amis. D'abord au sein mme de l'arme existait encore des courants antagonistes qui rappelaient ceux de 14-18, en effet certains officiers de haut grade affichaient des sympathies pro allemandes et ces officiers manifestaient ouvertement leur dsaccord pour ne pas dire plus, envers Guisan. Cela alla tellement loin que Guisan n'eut pas d'autre alternative que de les carter, tel fut le cas pour les colonels Wille, chef de l'instruction et Dniker commandant de corps. Ajoutons cela qu'il y eut une vaste campagne au sein de l'arme l'encontre d'une faible minorit d'officiers frontistes, cette campagne finit par crer un climat malsain de dlation, mais eut tout de mme l'avantage de mettre les choses au point, elle fut ncessaire. 21

Les relations de Guisan avec certains politiciens ne furent pas faciles, particulirement avec le chef du dpartement politique, le Conseiller fdral Marcel Pilet-Golaz, Vaudois lui aussi. Il y a des raisons cela. Notre systme politique, comme on le sait, est un systme plusieurs pouvoirs, quand bien mme le Conseil fdral acquit des pouvoirs tendus au dbut de la guerre. En Angleterre, on institua au dbut de la guerre L'emergency power act qui remettait carrment toute la nation et tous les biens la gestion de la guerre. En plus Churchill tait la fois politicien et militaire, immense avantage. On peut dire que pendant la guerre la Suisse fut dirige par deux pouvoirs trs distincts et parfois mme antagonistes. Pourquoi cela? Tout d'abord parce que chacun de ces pouvoirs avait un rle trs diffrent. L'arme d'abord avait pour mission de dfendre le pays, mais cette mission ne la rendit pas aveugle au point de ne pas reconnatre d'o venait le danger. Ce qui fit que, d'une manire la plus discrte, l'arme rompit en partie la neutralit en faveur des Allis. En partie puisqu'elle affirmait toujours sa volont de se battre contre n'importe quel envahisseur. Cela se manifesta d'abord, comme on l'a vu, par les accords pralables avec la France, mais aussi et surtout par son performant Service de Renseignements qui rendit service aux Allis. Ces services staient dj manifests avant le dbut de la guerre puisque ils avaient annonc la date de l'attaque allemande aux chancelleries des pays concerns. Malheureusement aucun de ces pays ne tint compte de ces renseignements. Pour les politiciens, les donnes taient entirement diffrentes, d'abord ils devaient assurer l'approvisionnement de la Suisse, mission loin d'tre facile tant donn que les Allis avaient dcrt le blocus contre les neutres et que le pouvoir de l'Allemagne qui encerclait la Suisse, avait, lui, dcrt un contre-blocus destin empcher la Suisse de commercer avec les Allis. De ce fait l'Allemagne devenant pratiquement le seul partenaire commercial possible, il tait hors de question pour les politiciens de ngliger les contacts commerciaux avec elle, il en allait de la survie mme de la Suisse. On comprend ds lors qu'aux yeux de la population il tait plus agrable d'ovationner Guisan que Pilet-Golaz, ce dernier ayant dans cette affaire le rle du collabo, rle qui lui est encore attribu de nos jours. Malgr cela Pilet-Golaz fut reconnu comme l'homme le plus capable et le plus intelligent des dirigeants politiques suisses par les Anglo-amricains qui ont regrett son dpart en 1944. Le principal sujet de msentente entre Guisan et le Conseil fdral provenait d'abord du degr de mobilisation, chaque partie n'ayant pas le mme point de vue concernant le danger d'une attaque allemande et il tait clair que chaque mobilisation entranait la dmobilisation des travailleurs, donc une perte pour l'conomie. Tout compte fait, ces dsaccords n'taient pas si graves et finalement presque normaux compte tenu, comme on l'a vu, des rles diffrents. Tout de mme il est arriv que Guisan s'emporte. Lorsque les Allemands demandrent la Suisse de pouvoir livrer des armes l'Italie travers le Gothard, Guisan menaa de faire sauter le tunnel et de dmissionner ce qui mit un terme cette demande. Nous pouvons ds lors mieux comprendre maintenant le fameux discours de PiletGolaz, chef du dpartement politique, qui suivit la dfaite franaise et le discours de Guisan un mois aprs sur la prairie du Grtli. Le discours de Pilet-Golaz ressemblait trop celui de Ptain, il sentait la rsignation de s'adapter l'ordre nouveau, la nouvelle Europe. En plus, n'ayant pas fait rfrence ni la rsistance arme ni la dfense spirituelle, il dcouragea plus d'un citoyen militaire ou civil. Il ne dit pas un mot concernant la rsistance et l'engagement britannique. C'est son style qui ne plut pas, pourtant il dit ce qu'il avait dire, savoir que pour survivre la Suisse devait bel et bien collaborer commercialement avec l'ordre nouveau, c'est--dire avec l'Allemagne, mais il prit des formes pour l'expliquer et cela ne fut pas vraiment compris. Il parla de la ncessit d'une adaptation de la politique suisse au nouvel ordre europen issu de la victoire allemande et encore de l'invitation accepter des sacrifices douloureux. En fait dans un premier temps ce discours fut plutt bien accept par la presse ce ne fut que par la suite que les critiques se firent entendre. Il faut aussi souligner que ce

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discours fut approuv par les membres du Conseil fdral et qu'en plus il fut diffus en Allemand et en Italien. La traduction en Allemand ne fut cependant pas trs heureuse, pouvant prter confusion. Mais en fait, si l'on veut bien se replacer dans le contexte et dans la situation de Pilet on est forc d'admettre que s'il avait fait un discours la Churchill, dsignant clairement l'ennemi, il aurait alors engag la Suisse dans une situation de tous les dangers qui aurait alors dchan des critiques encore plus violentes. Pilet disait que faute d'tre lion il serait renard, ce qu'il fut dans le sens qu'il fut malin et intelligent, se sacrifiant souvent par son silence, sachant parfaitement que les polmiques internes servaient ceux qui poussaient la Suisse s'aligner sur l'Allemagne. N'oublions pas qu'alors la Suisse devait ngocier et mendier son approvisionnement. Le peuple n'avait aucun got travailler pour l'Allemagne nazie quand bien mme il n'avait gure d'autre possibilit. Voici ce que dit le fils de Pilet-Golaz sur son pre:"Une extrme sensibilit allie un sens intuitif pouss, ce qui pour un homme politique constituait la fois une force et un handicap. Il s'en protgeait en gardant ses distances et se dfendait par l'ironie et en faisant jouer sa supriorit intellectuelle. Certains lui en ont gard rancune" [] M. Pilet-Golaz, chef du Dpartement politique pendant la Seconde guerre mondiale, qui a t si vivement calomni, vaut mieux que sa rputation. A sa manire, il a contribu conduire le pays indemne au travers des dangers, mais lorsque le danger fut cart, il a servi de bouc missaire beaucoup de gens qui, eux-mmes, avaient t bien prudents envers Hitler et Mussolini. Jean-R. de Salis "La Suisse diverse et paradoxale"

Le professeur de Salis a enseign l'histoire l'Ecole polytechnique de Zurich[]Lui qui avait t jusqu' accepter de s'entretenir confidentiellement avec des frontistes indiscrets, tenait maintenant distance, en se donnant l'air d'un homme suprieur et inapprochable, ceux qui dsiraient lui faire part de leurs critiques. Il prenait plaisir s'entendre appeler l'nigmatique . Ses collgues, des parlementaires et des journalistes se plaignaient toujours plus du secret dont il s'entourait, disant qu'il n'avait pas de contact avec eux et qu'il ludait autant que possible leurs questions. Mme lorsqu'il tait en mesure de faire part d'un succs personnel, comme dans le cas de son intervention de l't 1944 en faveur des juifs en Hongrie, il ne tenait pas pour ncessaire d'en parler. C'est en vain que le prsident de la commission des affaires trangres lui recommanda de rechercher un contact plus troit avec le peuple et ses mandataires ". Pilet ne donnait aucune suite.

Edgar Bonjour 432

Histoire de la neutralit suisse pendant la seconde guerre vol. V p.

Autant il est facile de comprendre Guisan autant il est difficile d'en faire de mme avec Pilet-Golaz. Quel dmocrate tait-il ? C'tait probablement un Europen rticent la puissance ou la main mise anglo-amricaine. On ne peut gure en dire plus si ce n'est qu'il est bien trange qu'aucun historien n'ait rdig une biographie d'un personnage ayant jou un rle aussi important durant la guerre. Et ce manque autorise toutes les interprtations sur son action politique.Le gnral amricain Reilly qui sjourna Berne durant l'hiver 1940-1941, eut, lui aussi, l'impression qu'au palais fdral on ne souhaitait pas l'entre en guerre des EU et qu'on prfrerait une politique de compromis. Ses conversations avec Guisan lui montrrent, en revanche, que le commandement de l'arme tait anim d'un esprit de rsistance inconditionnelle. Considrant que l'arme incarnait sous sa forme la plus pure l'esprit de rsistance du peuple suisse, il accordait une importance dcisive au rapport du Rtli et l'allocution prononce par le Gnral lors de l'anniversaire de la bataille de Morgarten. Il avait la ferme assurance que le peuple suisse saurait au besoin, se dfendre Edgar Bonjour "Histoire de la neutralit suisse" vol V p. 353

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Reilly avait donc la mme apprciation que Churchill lorsqu'on l'interrogea sur la volont de se dfendre de la Suisse, il rpondit: si les Suisses se dfendraient ? Et comment ! A la suite du discours de Pilet, des intellectuels de tous bords crrent un mouvement de rsistance morale, La Ligue du Gothard. Ce mouvement atteignit le nombre de 8000 adhrents. C'est donc la suite de ce discours et sur une ide du capitaine Hans Bracher, l'un des officiers de l'Etat major particulier du Gnral, que prit forme le rassemblement des officiers sur la prairie mythique du Grtli, c'tait aussi pour expliquer l'ide du Rduit. Le rassemblement eut lieu et le discours de Guisan redonna le moral la fois au peuple et l'arme. Comme il fallait s'y attendre le discours rassura les Allis sur les intentions de la Suisse et au contraire provoqua la colre des Allemands. Cette colre des Allemands incita Guisan une rencontre avec eux, proposition sans suite comme on l'a vu. Le rassemblement du Grtli eut lieu le 25 juillet 1940, soit un mois aprs le discours de Pilet-Golaz. Mais le rassemblement du Grtli avait aussi comme but d'expliquer aux officiers la nouvelle stratgie du Rduit. Quelle tait cette stratgie ? Somme tout quelque chose d'assez lmentaire au vu des circonstances. L'ide est qu'en dfense une arme doit pouvoir se replier, si ncessaire, dans un lieu le plus difficilement attaquable c'est--dire dans les Alpes. Si l'on prend l'exemple de la dfense yougoslave, cette dernire se fit en rpartissant l'arme tout au long de sa frontire, ce fut ds lors facile aux Allemands de se concentrer sur un point pour franchir la frontire et se rpandre dans le pays. Dans le cas du Rduit, on tait sr que l'arme pouvait tenir trs longtemps tout en attaquant rgulirement les troupes d'occupation. Le Rduit c'tait en quelque sorte l'arme de dfense massive de la Suisse avec le tir de prcision. Avec cette stratgie les Allemands auraient pu pntrer en Suisse mais ils auraient eu toutes les difficults occuper vraiment le pays. On a dit bien sr que dans un pareil cas on laissait la population civile la merci de l'occupant mais en disant cela on a aussi dit que de toute faon l'arme suisse n'aurait pas tenu longtemps face aux troupes allemandes, tant celles-ci taient mieux armes. Les civils auraient de toute faon t agresss, ce d'autant plus que parmi eux, nombreux taient ceux qui possdaient une arme et s'en seraient servis. Lors de l'attaque de la Hollande, Hitler nhsita pas bombarder le centre de Rotterdam faisant plus de 25'000 victimes civiles. Guisan avait institu en 1940 un service de gardes locales impliquant les personnes civiles capables de tirer, plus de 100'000 hommes jeunes et vieux s'y inscrirent. De nombreuses femmes s'exeraient galement au tir. Les Suisses avaient dcid de ne jamais se rendre, cette dcision date d'ailleurs du 19ime sicle dj si je ne fais erreur. On est all jusqu' vouloir dnoncer la Convention internationale sur le devoir des neutres afin de rendre possible l'engagement des civils en cas d'attaque. Le major norvgien Quisling, qui collabora tout de suite avec les nazis, tait devenu le symbole de la bassesse et de la trahison. Quoi qu'on en dise cette attitude, cette dtermination impressionna les Allemands. Cela nous amne parler de la conjuration des officiers. Certains officiers, des jeunes particulirement, n'avaient pas confiance dans l'attitude des politiciens, ils redoutaient que ces derniers prennent le dessus et ne livrent la Suisse au IIIme Reich, le discours de Pilet-Golaz dclencha certainement toute l'affaire. Cette mfiance incita donc ces officiers jurer de faire en sorte que l'arme s'oppose toute reddition. Ils s'organisrent donc afin de mettre dans le coup des responsables occupants des positions stratgiques. L'initiateur de cette conjuration tait le major Ernst, chef du bureau "Allemagne" des services de renseignements. Il prit contact avec le colonel Dniker avec qui il avait eu avant guerre une discussion dans ce sens. Mais il apparut trs vite Ernst que Dniker ne partageait pas du tout son point de vue, Dniker ne croyait pas une dfense arme, mais bien plutt un arrangement avec l'Allemagne, il tait d'ailleurs carrment pro Allemands, tout le contraire des vues du major Ernst ! Fcheux tout de mme d'avoir divulgu ses ides un pareil personnage dont Guisan allait se dbarrasser. Mais Dniker ne les dnona pas. Cela n'arrta pas Ernst et ses amis dont

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les officiers de renseignements Hausamman et Waibel, ainsi qu'Auguste Lindt, ami de Ernst. Quatre semaines aprs le discours de Pilet-Golaz du 25 juin 40, les conjurs ne comprenaient pas pourquoi, au vu du danger aux frontires, la Suisse ne mobilisait pas le maximum de troupes, ils dcidrent donc de s'organiser en vue d'un renversement de pouvoir politique. Ils russirent obtenir la collaboration du chef de l'metteur radio ainsi que d'une petite troupe destine matriser le Conseil fdral, les conversations tlphoniques entre le palais fdral et la lgation d'Allemagne Berne taient dj surveilles, d'autres units de troupes auraient t actives. Un grain de sable vint mettre fin l'aventure, un message confi un courrier tomba aux mains d'une tierce personne qui avisa la police militaire. Cen tait fini, les conjurs furent arrts. Au final, cette conjuration se termina par de trs lgres sanctions, Guisan, qui, bien que tenu l'cart, partageait leur opinion, c'est--dire la rsistance toute action de reddition, leur infligea quelques jours d'arrt de rigueur. Ces hommes taient trop prcieux aux Service de renseignements pour pouvoir s'en passer. A partir de cet instant ces conjurs, qui occupaient des places importantes au sein des Services de renseignements acquirent une pleine confiance envers Guisan, confiance amplement partage. Ces hommes s'attachrent tout au long de la guerre collaborer discrtement avec les Allis, telle fut leur rponse aux manigances, hlas ncessaires, des politiciens.Guisan ne leur