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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N° 295 (1) 71 DRAGEONNAGE, BOMBAX COSTATUM / LE POINT SUR… Bassirou Belem 1 Joseph I. Boussim 2 Ronald Bellefontaine 3 Sita Guinko 2 1 Centre national de semences forestières Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie 01 BP 2682, Ouagadougou 01 Burkina Faso 2 Université de Ouagadougou Laboratoire de biologie et écologie végétales 03 BP 848, Ouagadougou 03 Burkina Faso 3 Cirad Bios, TA A 39/C 34398 Montpellier Cedex 5 France Stimulation du drageonnage de Bombax costatum par blessure des racines au Burkina Faso Peuplement de Bombax costatum dans un champ. Photo B. Belem. La régénération de Bombax costatum Pelegr. et Vuillet est insuffisante, d’autant que l’écimage intensif pour la cueillette des fleurs comestibles soustrait bon nombre de semences. D’après les essais réalisés dans les environs de Ouagadougou, le drageonnage est stimulé par blessure des racines au début de la saison des pluies. Cela augure d’une conservation in situ de l’espèce.

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 5 ( 1 ) 71DRAGEONNAGE, BOMBAX COSTATUM / LE POINT SUR…

Bassirou Belem1

Joseph I. Boussim2

Ronald Bellefontaine3

Sita Guinko2

1 Centre nationalde semences forestièresMinistère de l’Environnementet du Cadre de Vie 01 BP 2682, Ouagadougou 01 Burkina Faso2 Université de OuagadougouLaboratoire de biologie et écologie végétales03 BP 848, Ouagadougou 03 Burkina Faso3 Cirad Bios, TA A 39/C34398 Montpellier Cedex 5France

Stimulation du drageonnagede Bombax costatum

par blessure des racines au Burkina Faso

Peuplement de Bombax costatum dans un champ. Photo B. Belem.

La régénération de Bombax costatum Pelegr. et Vuillet estinsuffisante, d’autant que l’écimage intensif pour la cueillette des fleurs comestiblessoustrait bon nombre de semences. D’après les essais réalisés dans les environs deOuagadougou, le drageonnage est stimulé par blessure des racines au début de la saisondes pluies. Cela augure d’une conservation in situ de l’espèce.

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RÉSUMÉ

STIMULATION DU DRAGEONNAGEDE BOMBAX COSTATUM PAR BLESSURE DES RACINESAU BURKINA FASO

Sur le plateau central du Burkina Faso,la cueillette des fleurs de Bombaxcostatum, souvent menée par éci-mage presque complet, prive lesarbres d’une grande quantité desemences nécessaires à leur régéné-ration. La mise au point de techniquesafin de stimuler, de contrôler et d’opti-miser la capacité de drageonnage del’espèce peut contribuer à résoudre leproblème de sa pérennisation. Pource faire, un essai de stimulation dudrageonnage a été mis en place dansle village de Manefyam proche deOuagadougou. Pour démarrer cetessai, un comptage des jeunes plantssous la couronne et autour desoixante-treize arbres adultes a per-mis d’identifier le nombre de plan-tules et leur origine sexuée ouasexuée. Des observations du chemi-nement des racines superficiellesautour de huit autres arbres adultesont été effectuées, donnant des indi-cations sur l’extension des racines etleur profondeur. Dix autres arbres ontété choisis pour la conduite de l’essaiproprement dit : l’induction de dra-geons par blessure des racines. Lesrésultats montrent que le drageon-nage de B. costatum peut être stimulépar des blessures effectuées sur lesracines au début de la saison despluies. Le manque de graines n’estdonc pas un facteur limitant pourassurer sa régénération. Ces résultatsouvrent des perspectives pour laconservation in situ de l’espèce.

Mots-clés: Bombax costatum, conser-vation in situ, régénération, multipli-cation végétative, drageonnage,Burkina Faso.

ABSTRACT

STIMULATION OF SUCKERING INBOMBAX COSTATUM BY WOUNDINGTHE ROOTS, BURKINA FASO

In Burkina Faso’s Central Plateau,unsustainable harvesting of Bombaxcostatum flowers is depriving thespecies of large quantities of seeds forregeneration. Sylvicultural techniquesto stimulate, control and optimize thesuckering capacity of the speciesneed to be identified and tested inorder to address the species regenera-tion problem. A suckering stimulationtest was carried out at the beginningof the rainy season in the village ofManefyam, close to Ouagadougou.Before the trial was established, anassessment of the number ofseedlings found under and around 73mother trees showed that the majorityof trees were not regenerating. Obser-vations made of superficial root pro-gression within a 14 m radius aroundthe trunks of 8 other adult trees gaveindications as to the pattern anddepth of root extension. Ten othertrees were chosen for the trial, whichconsisted of wounding roots by dig-ging. Results showed that B. costatumsuckering can be induced by injuriesto its roots at the beginning of therainy season. In the range of B. costa-tum, lack of seeds is therefore not alimiting factor for species regenera-tion. These results open up favourableprospects for in-situ conservation ofthe species.

Keywords: Bombax costatum, in-situconservation, regeneration, vegeta-tive propagation, suckering, BurkinaFaso.

RESUMEN

ESTIMULACIÓN DEL RETOÑADO DEBOMBAX COSTATUM POR HERIDASDE RAÍCES EN BURKINA FASO

En la meseta central de Burkina Faso,la recogida de flores de Bombax costa-tum, a menudo realizada por desca-bezado casi total, priva a los árbolesde una gran cantidad de semillasnecesarias para su regeneración. Lapuesta a punto de técnicas para esti-mular, controlar y optimizar la capaci-dad de retoñado radical de la especiepuede contribuir a solucionar el pro-blema de su perdurabilidad. Para ello,se estableció un ensayo de estímulodel retoñado en el pueblo deManefyam cerca de Uagadugú. Se ini-cio el ensayo con un recuento de plan-tas jóvenes situadas bajo la corona, yalrededor de la misma, de setenta ytres árboles adultos. Así se identificóel número de plántulas y su origensexual o asexual. Se efectuaron obser-vaciones del recorrido de las raícessuperficiales en torno a otros ochoárboles adultos, recogiendo datos dela extensión y profundidad de las raí-ces. Se escogieron otros diez árbolespara realizar el ensayo propiamentedicho: la inducción de retoños porherida de las raíces. Los resultadosmuestran que el retoñado de B. costa-tum puede estimularse mediante heri-das realizadas en las raíces al iniciode la temporada de lluvias. La falta desemillas no es, por tanto, un factorlimitante para garantizar su regenera-ción. Estos resultados abren perspec-tivas para la conservación in situ de laespecie.

Palabras clave: Bombax costatum,conservación in situ, regeneración,multiplicación vegetativa, retoñado,Burkina Faso.

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FOCUS / SUCKERING, BOMBAX COSTATUM

Bassirou Belem, Joseph I. Boussim,Ronald Bellefontaine, Sita Guinko

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Introduction

Dans les pays sahéliens, desactions en vue de la conservation desparcs agroforestiers et de leurs res-sources forestières peuvent se faire insitu ou ex situ (Boffa, 2000 ; Ouedra-ogo, 2001). Ces actions devraient depréférence reposer sur des stratégiesappropriées qui prennent en compteles difficultés économiques locales.

Bombax costatum, ou kapokier àfleurs rouges de la famille desBombacacées, est une espèce impor-tante pour les populations du plateaucentral du Burkina Faso (photos 1). Lescalices de ses fleurs sont récoltés (pho-tos 2) pour la préparation d’une saucedestinée à la consommation locale etpour la vente. La récolte des fleurs, quia lieu de novembre à décembre, revêtun caractère destructif, souvent parécimage presque complet du houppier(Kristensen et al., 2004 ; Belem et al.,à paraître, 2007) et prive ainsi lessemenciers adultes d’un grand poten-tiel de graines (photo 1b). SelonOuedraogo (2006), les peuplementsde kapokier présentent en zone anthro-pisée de mauvaises structures caracté-risées par une rejuvénilisation défici-taire ou nulle. Plusieurs espècesmenacées, dont le kapokier à fleursrouges, bénéficient de mesures de pro-tection prévues à l’article 21 du décretdu 4 Juillet 1935. Le gouvernement duBurkina Faso a élaboré l’arrêté n°2004-09/Mecv, du 07 juillet 2004,pour interdire l’abattage d’espècesimportantes (Mecv, 2004), telles quele kapokier. La recherche de méthodesde régénération de l’espèce se justifieainsi au sein des priorités nationalesdu pays en matière de foresterie.

Au Burkina Faso, la régénérationartificielle des espèces forestières sefait notamment par voie de semis oupar plantation en saison hivernale quis’étale de juin à août. Ceci requiertl’obtention de semences, l’installationde pépinières, de nombreux achats(sachets, terre, sable…) et l’entretiendes plantules. En ce qui concerneB. costatum, son entretien en pépi-nière peut durer plus de trois mois. Les plantations s’avèrent coûteuses et

il est possible de faire appel à desméthodes alternatives de régénérationà moindre coût pour les tester sur leterrain et surtout chez l’agriculteur(Harivel et al., 2006 ; Meunier et al.,2006). Une de ces méthodes consisteà induire le drageonnage in situ.

Le drageonnage est une émis-sion d’axes foliés à partir de racines.Il peut être induit à la suite d’unstress naturel ou provoqué artificiel-lement. L’induction du drageonnagepeut être mise à profit dans les stra-tégies de conservation des espèces,

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Photos 2. Calices frais (a) et secs (b) des fleurs de Bombax pour la consommationsur place ou la commercialisation. Photos B. Belem.

Photos 1. Bombax costatum(a et b) ; fleur comestible (c). Photos a et c B. Belem ;photo b I. J. Boussim.

a b

a b

c

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surtout celles qui sont convoitées parles populations et qui produisent peude graines. L’aptitude au drageon-nage de plusieurs espèces sahé-liennes, dont B. costatum, a été déjàsignalée (Bellefontaine, 2005) :▪ La première citation dans la littéra-ture d’Afrique de l’Ouest est due àParkan et al. (1988), au Mali, qui neconstate presque aucune aptitude àla multiplication végétative, alorsque pour Cuny et al. (1997) B. costa-tum est une espèce essentiellementdrageonnante au Mali.▪ Nouvellet (1992) démontre que,cinq ans après une coupe à blanc, larégénération constatée est due pour38,9 % aux drageons et semis (nondissociés) et 61,1 % aux rejets desouches. ▪ D’autres auteurs ont également citécette caractéristique en réalisant desenquêtes auprès de villageois(Harivel et al., 2006).

Ouedraogo (2006) précise,d’une part, que les drageons repré-sentent la principale voie de recrute-ment chez B. costatum et que, d’autrepart, ses drageons ainsi que ceuxd’Afzelia africana et Boswellia dalzie-lii présentent des tiges plus robustes.Il conclut que le kapokier « semblepréférer cette voie à la reproductionsexuée ». Cependant, aucun essain’a été mené sur la multiplicationvégétative de l’espèce dans les parcsagroforestiers et les savanes dans lazone sahélo-soudanienne.

L’article présente les résultatsobtenus à la suite d’un premier essaiayant pour objectif de stimuler artifi-ciellement la capacité de drageon-nage de B. costatum en milieu pay-san dans le plateau central duBurkina Faso. Cette recherche per-mettra de contribuer à multiplier l’es-pèce sans passer par la phase pépi-nière. Sont prévus ultérieurementd’autres essais de transplantation dejeunes drageons, de bouturage deracines, de greffage, et de semis enpépinière, qui contribueront au déve-loppement d’une stratégie de conser-vation in situ et ex situ de l’espèce.

Le milieud’étude

L’induction artificielle du dra-geonnage de B. costatum est, donc,le premier essai du genre mené dansles jachères autour du village deManefyam, situé dans la province duKourwéogo sur le plateau central duBurkina Faso. Ce village est distantd’environ 25 km au nord-ouest deOuagadougou, dans la zone phyto-géographique subsahélienne décritepar Guinko (1984) (figure 1).

Le village comptait 1 382 habi-tants en 2006. La pluviométrieannuelle moyenne, relevée entre1998 et 2006, est de 675 mm. On ydistingue une saison sèche s’éten-dant d’octobre à mai et une saisonhumide allant de juin à septembre.La durée d’insolation quotidienne estcomprise entre 10 et 11 h. La figure 2présente les relevés pluviométriquesentre 1998 et 2006, tandis que lafigure 3 récapitule les pluviométriesmensuelles au cours de la période demise en place de l’essai, en 2006.

Les sols sont argilo-sableux ouargilo-limoneux, peu profonds et peufertiles. La végétation caractéristiqueest une savane arbustive dégradéeou arborée avec un tapis herbacé à

Loudetia togoensis. La zone estconstituée de jachères interrompuespar des cultures de sorgho (Sorghumbicolor) et petit mil (Pennisetumamericanum). Les principaux arbrescomposant les parcs agroforestierssont Vitellaria paradoxa, Bombaxcostatum, Anogeissus leiocarpus,Sclerocarya birrea, Lannea micro-carpa. La région, habitée par desMossis sédentarisés, est fortementanthropisée avec 50 habitants aukm2 (Igb, 1996).

Gardés durant la saison despluies afin d’éviter les dégâts auxcultures, les animaux domestiquesdivaguent librement pendant la sai-son sèche et la végétation naturelleet les jeunes plants non protégéssont systématiquement broutés parle bétail.

Le to, ou pâte de mil, accompa-gné de sauces préparées avec desfeuilles ou des fleurs, est l’alimenta-tion de base de la population. Enfonction des saisons, les feuilles uti-lisées proviennent principalementdes espèces suivantes : niébé (Vignaungiculata), oseille de Guinée (Hibis-cus sabdariffa), baobab (Adansoniadigitata). Quant à Bombax costatum,ce sont les fleurs qui sont utilisées unpeu partout sur le plateau central duBurkina Faso.

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FOCUS / SUCKERING, BOMBAX COSTATUM

Figure 1. Localisation du site d’étude dans le village de Manefyam, près de Ouagadougou.

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Méthodologie

Avant de mettre en place l’essaide stimulation du drageonnage, lenombre et le type de régénération aété identifié sous 73 arbres rencon-trés dans les jachères autour deManefyam en s’assurant que les plan-tules étaient soient des semis, soientdes rejets de racines. Après cette pre-mière phase, il s’agissait d’obtenirdes indications sur le mode d’enraci-nement de l’espèce et l’extension desracines. Cela a permis de déterminerla profondeur des trous à creusersous les semenciers, afin de pouvoircorrectement blesser les racines etd’obtenir ainsi les informationsnécessaires à la mise en place de l’es-sai d’induction du drageonnage.

L’évaluation de l’état de régénération naturelle

sous 73 arbres

En juin 2006, avant la mise enplace de l’essai d’induction du dra-geonnage, l’état de régénération deB. costatum a été quantifié sous la

couronne et autour de 73 piedsadultes. Ces arbres, répartis sur unesurface d’environ 5 km2, ont été prisuniquement dans les jachères, afin dene pas perturber les cultures dans leschamps. Cet inventaire avait pourobjectifs de déterminer l’origine exactedes plantules (semis ou drageons demoins d’un mètre de hauteur), de lescompter dans un rayon de 14 m autourdu tronc de chaque arbre. La naturedes plantules a été déterminée parsimple observation du système raci-naire : pivotant et de faible diamètrepour les semis, superficiel et connectéà la racine mère pour les drageons.

La détermination de l’extension des racinessuperficielles dans le sol

Dans un premier temps, le par-cours et la profondeur des racinessuperficielles ont été observés parcreusement superficiel sous huitarbres, choisis au hasard (mais tou-jours dans les jachères), distants les

uns des autres d’au moins 50 m afind’éviter les croisements des racinesde plusieurs arbres (photo 3). Cela apermis de déterminer la profondeur àlaquelle il fallait creuser pour rencon-trer une racine à une distance don-née du tronc. La largeur et la profon-deur des trous à creuser pourl’induction ont ainsi été fixées.

L’essai d’induction du drageonnage

sous 10 arbres

Pour cet essai, dix autres arbresadultes de B. costatum, distants lesuns des autres d’au moins 50 m, ontété sélectionnés et numérotés dans lesjachères (photo 4). Environ 100 trousde 30 cm de profondeur et autant dediamètre sous huit semenciers et120 trous sous les arbres nos 9 et 10ont été creusés (photo 5), le dépasse-ment du nombre de trous sous lesdeux derniers arbres étant dû à unmauvais comptage par les ouvriers,sans conséquence majeure. Ils ont étécreusés systématiquement sur septcercles concentriques au pied dechaque arbre à raison de 25, 22, 18,14, 11, 7 et 4 trous, sur les périmètressitués respectivement à 14, 12, 10, 8,6, 4 et 2 m de l’arbre mère.

L’induction a consisté à blesserla racine rencontrée lors du creuse-ment (photo 6). Les trous n’ont pasété bouchés et les racines entailléessont restées à l’air libre et à la lumièredurant les premiers jours. Elles ontété par la suite partiellement recou-vertes de terre par les pluies (photo7). Le dénombrement des drageons aété effectué le 20 août et le 30 sep-tembre 2006, soit respectivementdeux mois et un peu plus de troismois après cette stimulation. Lestrous, bien que partiellement com-blés par des sédiments, sont encorebien visibles en septembre, ce qui apermis de compter les drageonsinduits directement par la blessure etceux qui se sont individualisésailleurs sur la racine (hors des trous).

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Figure 2. Pluviométrie annuelle de Boussé (station la plus proche) entre 1998 et 2006. Source : Direction générale de la météorologie du Burkina Faso (2006).

Figure 3. Pluviométrie mensuelle de Boussé (station la plus proche) au cours de l’année 2006. Source : Direction générale de la météorologie du Burkina Faso (2006).

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Résultats

Régénération naturelleavant l ’ induction

sous les 73 arbres

Le comptage de tous les jeunesplants en vie sous les 73 kapokiersdans les jachères a montré qu’environ66 % des pieds-mères ne se régéné-raient pas. Ceux qui ont de 1 à 6 dra-geons (en violet, tableau I) représen-tent 22 % des arbres adultes, tandisque 12 % en ont de 9 à 60 autour ousous leur couronne (en noir, tableau I).

Racines superficielles et régénération par semis

ou drageons sous huitautres arbres

Beaucoup de racines restentsuperficielles sur plus de 14 m à par-tir du tronc (photo 3). Leur longueurréelle est supérieure, car elles ne sui-vent pas une ligne droite. À proximitéimmédiate du tronc dans le premiercercle (à 2 m), certaines peuventaffleurer et d’autres être enfouies àune profondeur de 10 à 20 cm. Cellessituées à 6 m sur le rayon peuventêtre recouvertes de 16 à 20, voire30 cm de sol et leur diamètre peutatteindre de 1 à 5 cm. À 12 m et plusdu tronc, la profondeur varie de 10 à25 cm et leur diamètre entre 0,5 et4,5 cm. L’âge de l’arbre, sa conforma-tion, la pente et la nature du sol sem-blent influer sur la profondeur del’enracinement, le diamètre et la lon-gueur de la racine.

L’excavation de la base desplantules rencontrées sur le parcoursdes racines montre que toutes lesplantules sont des drageons. Aucunsemis, ni aucun rejet de souche n’aété décelé.

Induction du drageonnagesous les dix arbres

sélectionnés

Une seule plantule (sous l’arbren° 2) avait été repérée avant l’essai d’in-duction tenté sur les dix arbres. Sixarbres ont émis des drageons à la datedu 20 août, soit deux mois après l’in-duction. Après un peu plus de 3 mois, le30 septembre, tous les arbres avaientdrageonné (figure 4, photos 8 et 9). À cette date, la régénération induiteétait constituée par 170 drageons. Lenombre de drageons par arbre varie de1 à 74 (tableau II).

La majorité des drageons, 67 %(113 sur 170), sont localisés à l’em-placement des blessures (dans lestrous) et 33 % (57 sur 170) sontapparus sur les racines, nettementen amont ou en aval, mais en dehorsde la zone blessée (entre les trous).

Trois mois après la stimulation, lahauteur des drageons est compriseentre 10 et 60 cm et leur diamètre à labase entre 0,35 et 1,37 cm. À cettedate, un peu plus de 18 % des dra-geons (31) ont été broutés (photo 10).Sans protection des jeunes plants, leursurvie et leur croissance sont donccompromises pendant la saison sèche.

Photo 3. Suivi du parcours des racinessuperficielles. Photo B. Belem.

Photos 6 et 7. Racine superficielle typique et racine blessée.Photos B. Belem.

Photo 4. Arbre numéroté à Manefyam. Photo B. Belem.

Photo 5. Des trous ont été creusés pour l’induction du drageonnage. Photo B. Belem.

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Discussion

Les entailles ont donc stimulé ledrageonnage de B. costatum, tant auniveau des parties blessées (trous)qu’entre les trous (stress de l’induc-tion). Dans ce domaine d’étude, lesrésultats sont très rares. Récemment,une étude en Ouganda a montré pourSpathodea campanulata que les dra-geons induits sont exclusivement dis-taux (à savoir : sur les segments deracines déconnectés de la racine mère,en principe vouée au dépérissementdans le sol) et pour Melia azedarach,des drageons proximaux (émis sur laracine encore connectée à l’arbre)

(Meunier et al., 2007). Au Niger, untest d’induction du drageonnage deMaerua crassifolia (Diatta et al., 2007)a montré que les drageons émis res-tent liés soit au pied mère, soit à uneracine sectionnée. Mais cette conclu-sion ne semble pas définitive car l’éva-luation des résultats a eu lieu 56 joursaprès l’induction. Le plus intéressantest l’aptitude qu’auraient les drageonsde certaines espèces à s’affranchir dela racine mère pour produire rapide-ment leur propre réseau radiculaire.C’est le cas avec Detarium microcar-pum et Miconia calvescens dans lesrégions tropicales, avec Quercus gemi-nata, Q. ilex, et Ailanthus glandulosa

dans les régions méditerranéennes ettempérées, où l’affranchissement seproduit naturellement par dégénéres-cence de l’axe-mère (Bellefontaine etal., 2005). Cependant, cet affranchis-sement des drageons prend souventdu temps, allant de quelques mois àquelques années.

Tableau I. Nombre de plantules autour et sous les couronnesde 73 arbres mères(dans les jachères).

Nombre de Nombre Pourcentage plantules d’arbres d’arbres (%)

0 48 66

1 5 7

2 3 4

3 2 3

4 2 3

5 2 3

6 2 3

9 1 1

10 1 1

12 2 3

13 3 4

33 1 1

60 1 1

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Figure 4. Nombre de drageons par arbre, deux et trois mois après l’induction du drageonnage.

Tableau II. Nombre de drageons avant et après induction.

25/06/ 20/08/ 30/09/ Accroissement Drageons dans Drageons entre Drageons20061 2006 2006 en trois mois les trous (n) les trous (n) broutés (n)

Arbre 1 0 1 2 2 2 0 0

Arbre 2 1 1 4 3 3 0 0

Arbre 3 0 1 10 10 7 3 3

Arbre 4 0 3 31 31 20 11 12

Arbre 5 0 0 28 28 24 4 9

Arbre 6 0 4 1 1 1 0 0

Arbre 7 0 4 74 74 36 38 7

Arbre 8 0 0 6 6 5 1 0

Arbre 9 0 0 9 9 9 0 0

Arbre 10 0 0 6 6 6 0 0

Total 1 14 171 170 113 57 31

1 Avant la mise en place de l’essai.

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Après trois mois, dans le cas decet essai, le drageon le plus grandmesure 60 cm. Une telle croissanceest rarement atteinte en pépinièreaprès trois mois par les semis lesplus vigoureux, ce qui prouverait lesobservations de Meunier et al.(2006), à savoir que les drageons ontun accroissement aérien juvénileplus rapide que les semis. Cet avan-tage permettrait d’écourter la duréede mise en défens des jeunes plantsainsi produits et de réduire les fraisde surveillance des troupeaux.

Le nombre de drageons pararbre varie de 1 à 74. Les arbres nos

4, 5 et 7 drageonnent plus que lesautres, de 20 à 36 drageons, alorsque l’arbre n° 6 n’en a produit qu’unseul. Cette variabilité de réaction estsans doute d’origine génétique, carla saison d’induction ainsi que lesméthodes utilisées étaient iden-tiques pour tous les arbres. Les solssont homogènes et il n’y a pas unegrande variation quant à la nature dusol sous les arbres testés. En particu-lier, en comparant les arbres nos 6 et7, l’hypothèse d’une influence géné-tique sur le drageonnage est plau-sible, tout en considérant qued’autres facteurs, par exemple liés àla physiologie des arbres, peuventêtre envisagés.

Les résultats obtenus au coursde cet essai et ceux qui suivrontcontribueront à la conservation effec-tive de B. costatum. Ils seront vulgari-sés sous forme de fiches techniquessimples en français et traduites enlangues locales du Burkina Faso.L’expérience sera poursuivie et com-plétée dans d’autres localités de lazone sahélo-soudanienne. Des pos-ters illustrés de photos seront pré-sentés aux séminaires au BurkinaFaso, afin de sensibiliser les déci-deurs et les agents de développe-ment aux possibilités d’applicationen milieu paysan de ces techniquesde régénération à très faible coût etplus faciles à conduire par rapportaux plantations.

Conclusion

Le drageonnage de Bombaxcostatum peut être stimulé par desblessures effectuées sur les racinesau début de la saison des pluies.Dans les zones où le kapokier à fleursrouges est présent, le manque degraines n’est donc plus un facteurlimitant pour mener à bien sa régéné-ration. La conservation in situ de l’es-pèce et son rajeunissement sont pos-sibles grâce à cette méthode demultiplication végétative, mais celle-cin’assure pas à long terme le maintiende la diversité génétique, qui relèvede la seule reproduction sexuée.

Le suivi de ce premier essai jus-qu’au retour des prochaines pluiespermettra de préciser :▪ Le nombre total de drageons obte-nus par induction artificielle après12 mois (s’il y a plus d’un drageonpar blessure). ▪ Leur hauteur, leur survie (en fonc-tion des sites de blessure, desracines porteuses, des arbres), leurvigueur de croissance et leur réparti-tion sous ou en dehors du houppier.▪ Leur affranchissement éventuel parrapport à la racine mère.▪ Le développement de nouvellesradicelles sous la partie aérienne desdrageons en vie.

Dans cet essai, tous les arbresn’ont pas la même aptitude à émettredes drageons et, même si la crois-sance d’un drageon de kapokieratteint 60 cm en trois mois, cettevigueur juvénile restera à confirmeravec le recul du temps. Cette rapiditéde croissance, une fois vérifiée, per-mettra de réduire la période de miseen défens des drageons vis-à-vis dubétail errant et le taux de réussite pré-visible après quelques années serasupérieur à celui d’une plantation.

Parmi les avantages de cetteméthode, il est aussi important deconstater qu’elle ne requiert aucunetechnologie sophistiquée et qu’ellepeut être rapidement vulgarisée auprèsdes paysans, car non seulement elleest aisée à mener sur le terrain maisson coût est très nettement inférieur auprix des plantations classiques.

Photo 8. Le drageonnage se poursuit trois moisaprès l’induction. Photo B. Belem.

Photo 9. Drageon ayant poussé sur une racinesuperficielle légèrement blessée. Photo B. Belem.

Photo 10. Drageons broutés. Photo B. Belem.

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FOCUS / SUCKERING, BOMBAX COSTATUM

Page 9: Stimulation du drageonnage 1 2 de Bombax costatum 2 3 par ... · PDF filevations made of superficial root pro-gression within a 14 m radius around the trunks of 8 other adult trees

Ces premiers résultats promet-teurs ouvrent des perspectives inté-ressantes pour la conservation in situde B. costatum sur le plateau centraldu Burkina Faso. Diverses étudesdevront encore être menées. Lapériode optimale de la stimulationdu drageonnage mériterait d’être pré-cisée lors d’études couvrant uneannée complète. La variation dunombre de plantules en fonction dela distance au pied-mère, le recrute-ment dans et entre les trous et laréponse des arbres en fonction deleur âge et taille devraient être analy-sés. Une donnée essentielle seral’estimation des coûts comparatifsde la régénération obtenue parinduction du drageonnage, par semiset par plantation classique. Enfin, àtitre exploratoire, des recherchescomplémentaires pourront concernerle sevrage, après transplantation dejeunes drageons en début de saisondes pluies et l’évaluation de leur sur-vie en fin de saison sèche, mais cettetechnique sylvicole risque de s’avé-rer aussi coûteuse et aléatoire qu’uneplantation classique. L’origine del’aptitude au drageonnage qui pour-rait être génétique ou physiologiquemériterait d’être élucidée dans lemoyen ou long terme.

RemerciementsLes auteurs remercient ClaudineSong-Zabre, Adama Diallo, AdamaOuédraogo, Gingri Korogho, BenjaminSawadogo et Victor Ouédraogo duCentre national de semences fores-tières (Cnsf) pour l’aide précieuseapportée en pépinière, lors de laconduite des essais sur le terrain etdu recensement des plantules. Lesremerciements vont également à lapopulation de Manefyam.

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