SPIRITUALITÉ « Etre Libre » N° 13 (Décembre 1945)

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    8m" anne 15 Dcembre 1945 N 13

    SPIRITUALIT{revue mensuelle de culture humaine,

    fonde en 1936, sous le titre " Etre Libre ")

    Science, Religion, PhilosophieDirecteur-Fondateur ; RAM LINSSEN (dit Iwan KHOWSKY)

    Rd actrice en chef : Ad ministration pour la PranceM argu erite BANGERTER. et ses Co lonies ;

    Correspondance et manuscrits : Librairie d Amrique et d'Orient71 ,-rue de la Victoire, Bruxelles ADRIEN-MAISONNEUVE

    Paiements au C. C. P. 6204 rue St-SulPic e. PARS 6*de l'Institut Suprieur Cheques postaux Paris : 849.1 S

    de Sciences et Philosophies R. C. Seine : 344.045a. s. b. 1. Tl. Danton 86-35

    S O M M A I R E

    Vie et Unit ..........................................................

    Qu'est-ce que l 'U n iq u e ....................................

    Peut-on dfinir le moi ? ....................................

    La vie est cratrice............................................

    La position de Mauriac ou celle de la France

    Le pacifisme et la Bhagavad-Gita ...........

    Pour une rforme spirituelle..........................

    Marcel Hennari

    Ram Linssen

    Serge Brisy

    Pierre d'AngkorJean Groffier

    H. Coreos

    A. De Zeeuw

    PRIX : 15 francs belges le numro - 120 francs l'abonnemer annuel.Prix provisoire en France ; 25 francs franais.

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    Vie et UnitLInfini se meut intensment clans son

    immuable stabilit.(Herms Trismgiste, cit dans : La Reconstruction de l Homme .)

    Si nous considrons cette science, une premire unit se prsente.Unit dordre chimique : la plupart des substances se trouvant dans lecorps se rattachent au mme cycle. En effet, les proprits absolumentspciales du carbone permettent la naissance, partir dun mme atome,dun grand nombre de molcules, souvent complexes.

    Notons quun corps trs voisin, le silicium, donne lieu des produitssemblables (hydrures, silicichloroforme, acide silicioxalique) ; mais lefait que la substance correspondant l'anhydride carbonique (1) soit un

    solide, dmontre fort bien que le silicium ne pouvait remplacer le carbonedans le corps.* *

    Une unit voisine se prsente : une des substences organiques, uneprotine, aurait la proprit de se diviser ; et chaque partie redeviendraitpareille la protine initiale. Dans le cas du virus de la mosaque, il nesagirait que du ferment de base. Mais, le bactriophage dHrelle correspondrait tout fait la molcule vivante.

    * *

    A l'tage directement suprieur, nous rencontrons la cellule, fonda

    mentalement compose dun cytoplasme et dun noyau. Le protozoaire secompose dune seule cellule ; mais quelle complexit n y rencontre-t-onpoint ? Chez l infusoire-type, les cils sont moteurs, lintrieur est lafois systme digestif et systme nerveux ; les vacuoles pulstiles sontrespiratoires. Dans le noyau, au micronuclus est affecte la fonction dereproduction ; au macronuclus, celle de rservation. Les fonctions sontmultiples, lindividu nat.

    Dans lponge et l'hydre, chaque cellule se spcialise : certaines sontdigestives, d'autres nerveuses ; dautres encore reprsentent les lmentsmles, dautres les lments femelles. Comme lexplique fort bien M. Brien,ces animaux forment chacun une rpublique. Lunit qui en ressort estune unit de vie, de destin. Toutefois, jusqu un certain point, chaquecellule dune ponge isole peut reproduire tout un organisme : les fonctions qu'elle ne remplit pas, nont t quatrophies.

    Cette facult se perd de plus en plus dans les organismes suprieurs.A la rpublique cellulaire simple succde la rpublique cellulaire complexe : le corps comporte plusieurs systmes, et chacun de ceux-ci constitueun agrgat d tissus diffrencis.

    Chose trange ! Des hormones, provenant chacune de glandes spciales, se rpandent parmi tout lorganisme, coordonnent, rgularisentses diffrentes fonctions, lui apportent chacune certaines proprits fortprcises. Lune dtermine le sexe, lautre la pression sanguine, une autrela nutrition, une quatrime la croissance. Au-dessus delles, agit l'hypo

    physe qui fait partie du systme nerveux.

    (1 ) Anhydride carbonique (C 0 2 ) , produit de combustion des composs carbon s;servant aussi la synthse de la chlorophylle.

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    L'unit qui en ressort est despce particulire : unit collective administrative. Bref! il y a homognit physiologique et htrognit anatomique (Carrel).

    Mais en plus, au sein mme du noyau, nous trouvons un facteur

    d'unit plus troublant : les chromosomes, et plus spcialement ,les gnesdterminent les caractres hrditaires de lindividu. Leur nombre, leurdisposition, leur intgrit aussi, diffrent dun animal l'autre. Certainsfacteurs extrieurs sont capables de les modifier : en particulier, lactionde la chaleur, des rayons X et gamma, sans doute aussi les rayonnementsastraux ; ces vibrations agissent sur les atomes constituants (expriencessur les Drosophiles).

    De plus, l'injection de colchicine dtermine un gigantisme anormaldes cellules.

    Telles sont, en biologie, nos connaissances concernant lUnit.Chose curieuse ! nous dcouvrons, supplmentairement, une parent

    entre les divers embranchements du rgne animal .et du rgne vgtal.Ainsi, chez les ptridophytes, on observe deux espces dindividus pourune mme plante : lun, asexue, va produire des sporophylles sporangescontenant des spores : cest lindividu vgtatif ; l'autre, n partir dunespore, se transforme en archgone contenant soit des lments mles,soit des lments femelles. Dans larchgone femelle, aprs fcondation,se forme le futur individu asexu.

    Plus tard, consquemment lvolution, tout se centralise : les sporophylles deviennent soit corporelles, soit tamines ; les spores ne quittentplus la plante-mre, mais se transforment, dans la fleur, en lmentssexus (Hauman).

    D'autre part, lembryon des vertbrs suprieurs rcapitule, dans sacroissance, les diverses tapes de Darwin : lovule unicellulaire, fcondablepar le spermatozode mobile correspond au stade protozoaire. Plus tard,sa division cre les formes blastula et gastrula (analogues lponge) ;Monsieur Brien signalait aussi une tape o le foetus est physiologiquement semblable aux animaux branchies.

    Ainsi, se rvle la grande LInit de la Vie.* *

    L U N I T E E N P S Y C H O L O G I E .Cependant, une dualit assez grave .se prsente lesprit.Nous devons reconnatre lexistence dune puissance (lAme, lEsprit)

    dont la prsence, ct du physique, pose de bien graves problmes.Tout d'abord, certains phnomnes infrieurs quon lui attribuait

    sont facilement explicables par des ractions physiques simples.Par exemple, on a pu mesurer le temps ncessaire pour que le corps,

    excit en tel point, ragisse en tel autre.En tudiant la sensibilit de la plante, Sir Jagadis Chunder Bose

    a retrouv la grande unit de la vie sensorielle. Daprs ses travaux, ct dun pristaltisme circulatoire, le vgtal possde des organes mobiles (p.ulvinus) et mme deux faisceaux nerveux.

    On avait remarqu que, par temps sec, les capitules de carlinessouvrent, alors qu'au contraire les fleurs d'anastatica se ferment. Ces

    phnomnes sont ds l'existence dun tissu. Ce tissu, qui simbibe trsfacilement, se trouve, dans le premier cas, l'intrieur de l'organe : dansle deuxime, lextrieur.

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    Chunder Bose a dmontr que de pareils phnomnes pouvaient correspondre aussi la prsence dune .substance trs oxydable; consquem-ment l'oxydation, des diffrences de potentiel se crent.

    D autres savants ont retrouv ces phnomnes chez l'homme : lappa

    reil psycho-galvanique mesure la diffrence de permabilit lectriquesuivant les modifications d'humidit de la peau, provoques par lapparition dune sensation (Ley).

    * *

    Mais o le problme se complique, cest lintervention de la facultd'abstraction.

    Cette puissance est attribue l intellect (principe de comprhension).Un autre monde est mis en jeu.Pour exemple... notre corps peut avoir d'un objet une connaissance

    assez bonne : son poids, son got, sa forme. Mais notre attention peut

    tre attire par un dtail : mettons quun porte-plume soit jaune ; lobservateur peroit cette couleur, et, grce la mmoire il la compare dautresjaunes, perus ailleurs. Ds lors, s'est cre la notion jaune . Maisil se fait que lobservateur peroit le poids du porte-plume ; par un processus de comparaison analogue, il acquiert la notion poids. Enfin, comparant les deux notions, il arrive la connaissance de diffrents aspectspurement subjectifs du mme corps ; son esprit leur donne un lien dunit,totalement en dehors de toute ralit tangible. Ce lien, cest la notion qualit . Et de l, par un travail toujours identique, il peut tirer lesides objet , tre , matire .

    On conoit que la connaissance du jaune perue par sensation est

    toute diffrente de la conception intellectuelle jaune ou mieux encore qualit .La ralit qui ne peut tre perue par connaissance directe est appele

    abstraction . C est elle qui se trouve la base de la comparaison, de lagnralisation, du jugement, du raisonnement.

    La puissance particulire, quelle met en branle, est justement laraison de la croyance philosophique lme : puissance immatrielle ,toute semblable la puissance divine.

    Il est en nous (dit-on) une conscience unique : le MOI (unit) quise perptue en gardant la mmoire de sa permanence (identit) et qui,pareil Dieu, est capable de se dterminer en actes (activit) qui peuvent

    tre indpendants de notre nature matrielle (spiritualit).Bref ! dans cette thorie, lme est Unit, mais par sa nature introduitla dualit.

    Serait-ce la seule, mais redoutable exception ?

    En tout cas, on simagine mal la relation entre le physique et 1me.De plus, certains phnomnes remettent le problme en question : 1actiondes drogues, lhypnotisme, le ddoublement, la tlpathie.

    Dans les cas d'ivresse (spcialement s'il s agit de stup fiants), lesubconscient et linconscient ne sont pas seulement atteints ; mais 1ima

    gination et aussi lintelligence sont considrablement affectes et dirigesdans des sens trs dtermins (phnomne chimique). De mme, chezlhypnotis, on croirait, comme dit Monsieur Ley, que le centre rgulateur

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    conscience claire (le MOI saffirmant) est mis hors d'action, alorsque les centres sensoriels et moteurs qui en dpendent continuent agirsous la direction dun centre conscient extrieur (phnomne vibratoire).

    Lors du ddoublement, le MOI se divise ; et chaque partie poursuitune vie apparemment indpendante; ce cas ne se prsente pas seulementchez des somnambules, mais encore chez des gens parfaitement lucides(double vie).

    De son ct, la tlpathie consiste en la mise en vibration synchronede deux personnes, parfois extrmement loignes, qui conoivent alorsune mme abstraction.

    Certains savants en ont dduit que lme, crue jadis immatrielle,se composait d'ondes mentales et sensorielles, bref ! de radiations lectromagntiques.

    En ce cas, lUnit constitutive du monde serait rtablie.

    De toute faon, lame ne doit pas se laisser confondre avec sesfacults. Lme nest pas divise en parties, parmi lesquelles Dieu saitqui fait le choix.

    Il est beaucoup plus simple dy voir lvolution dune seule nergiese trouvant devant des circonstances diffrentes et qui peut elle-mmeabstraire de soi des tendances quelle appelle arbitrairement soit volontaires, soit raisonnantes. Ces facults (intelligence, raison) sont, ensomme, les expressions dune mme ralit objective, se prsentant sousdes apparences diverses.

    Mais le fait que des abstractions introduisent dans l'esprit la notionde fa u sses ralits ne doit point exclure la floraison de moyens matriels,

    trs efficaces, mis la disposition de cette me. Ainsi, le cervelet constitue un centre coordinateur et quilibrant : lorgane de la conscience estsitu dans les hmisphres crbraux. Si lon sectionne la moelle auniveau du bulbe, lanimal perd tout contrle sur les nerfs dont les centresse trouvent un tage infrieur ; on sait aussi que la lsion de certainscentres dtermine des paralysies prcises.

    Ainsi, se retrouve l'unit de coopration avec le corps.Lme emplit une fonction parmi les autres.Toujours est-il quelle est le principe ordonnateur, nous suggrant

    la conscience et le sens de notre destin.Cette unit dorganisation se

    superpose celle des hormones.Ces units runies forment la petite Unit, quon appelle individu .

    **

    Mais il est aussi quelque chose en elles, qui nest pas spcifique,d'un seul homme.

    Tout dabord... laction des hormones, nous dit Monsieur Brtch,est en rapport trs troit avec les influences astrales. (2)

    Mais mme, les concepts et les sentiments, ternels, ragissent entreeux, divers M O I communiquent de lun lautre et avec Dieu.

    Les abstractions nous apparaissent, elles aussi, comme des formes

    cres, partir de la mme Energie. En effet, les choses sont seule-

    (2 ) Y aurait-il action slective des radiations sur les molcules ?

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    ment matire ou esprit suivant le point de vue relatif o se place l'observateur qui les analyse . (Linssen La Reconstruction de l H om m e.)

    Et voici que derrire la Forme, et la finalisant en lui, apparat le

    Purusha, l'Antaryamin qui est Dieu. (3)Comment ne pas admirer cette belle Unit de l'Esprit ?

    LA THEORIE DE LA POLARITE.

    Une polarit merveilleuse est la base de toute matire. Des protons positifs y font face aux lectrons ngatifs. Lattirance vers l'Unitdoit tre norme ; seulement, une force invincible entrane les lectronsdans une ronde ternelle qui les empche de communiquer avec le noyau.

    De plus, on a cru pouvoir y remarquer la manifestation dune tonnante expansion: Tout comme Brahm spanche dans l'Espace et Temps,la masse lectronique "ngative s'est merveilleusement dilate (ectropie).Seul, le noyau serait demeur un tat plus voisin du pralaya ou repos

    (entropie).Qui sait si les natures du proton et de llectron ne sont pointidentiques ? Et seuls, leur dynamisme et leur statisme creraient lapparence de polarit.

    Il est vident, d'ailleurs, quune puissance plus mystrieuse est enjeu : puissance vibratoire analogue aux rayons lumineux.

    Certains ont vu en elle des grains de lumire ou photons (conception anthropocentrique?); d'autre y voient l'manation dune identiquenergie (conception einstnienne).

    La matire mme ne serait, nos yeux, que la concrtisation decette force.

    Lquation est : m * m0

    V| - WIl sagit de la masse m la vitesse V ; m signifie cette masse au

    repos ; et V reprsente la vitesse de la lumire.

    Aux chelles suprieures, la polarit lectronique se voile.Dans le domaine de la chimie inorganique, les rapports sont, videm

    ment, encore visibles : l'ionisation des corps en solution correspond ladissociation des molcules en particules lectrises. Ces particules correspondent, le plus souvent, des atomes simples qui, dans le cas ducation, perdent un lectron et, dans le cas de l'anion, en acquirent un.

    Mais en chimie organique (celle qui. justement, concerne la vie),l'ionisation, semble-t-il, n'a gure voir. Il est ici question de superstructures fort ingnieuses : par le truchement de milieux approprisdes greffes se surajoutent. Mais on ne peut pas dire quil sagisse normalement dions ; chaque substance en prsence offre dailleurs, souvent tantt la mme polarit, tantt lambivalence la plus bizarre (ampholytes). Nanmoins, une oxydation ou ladjonction dun atome de chlorene se font pas au hasard ; ces phnomnes sont imputables la structurelectronique du carbone.

    (3 ) Dans la revue Signes du Temp s , M. Bauwens nous dit : L, et lseulement o notre me est spirituelle, nous ne subissons pas linfluence des astres .

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    Autre part, la dualit parait se dissoudre. Des polarits secondaires(ou plutt des apparences de polarit) peuvent natre par changementsdans lorientation de structure (isomtrie optique). Pasteur dcouvrit,le premier, ce cas chez lacide tartrique. Son acide synthtique se composait de deux substances absolument identiques, mais dont l'une dviaitla lumire du polariseur droite et lautre gauche.

    Toute illusoire que soit cette polarit, elle dterminerait les sexesdu chlamydomonas, algue trs faiblement sexue.

    La polarit sexuelle parat un peu plus conciliable avec la polaritlectronique.

    Chez lhomme, on a dcouvert ltrange parent des hormones. Cel-les-ci contiennent un squelette phnanthrne qui donne aussi lieu des cellules cancrignes.

    Cependant, la folliculine et lhormone mle ne diffrent pas seulement par la saturation des noyaux ; mais la seconde possde en plusun radical mthyle.

    Toujours est-il que cette parent chimique est suggestive.D ailleurs, dans le sexe comme partout, les phnomnes restent

    imprgns par le souvenir dune unit perdue. Celle-ci tend renatre, s e maintenir. Mais ce nest plus ladmirable unit atomique.

    Ainsi, lhermaphrodisme est un essai ; il constitue la rgle chez denombreux invertbrs. Mais il rgresse en raison inverse de lvolution.Nanmoins, on le trouve encore ltat naturel chez les batraciens, lesoiseaux ; assez souvent chez certains mammifres ; rarement, chezlhomme.

    Dans le domaine humain, dtonnantes rvlations ont pu concorder.Dans le Banquet, Platon dcrit la curieuse aventure des Androgynes. Au commencement tait lUnit : le Pre - Mre. Quand les par

    ties furent spares, un seul dsir les possda : retrouver lUnion. De son ct, Freud nous dit : Dans tout individu, soit mle, soit

    femelle, se trouvent des vestiges de lorgane du sexe oppos. Ils y sont ltat rudimentaires et privs de toute fonction, ou adapts dautres .

    Ainsi que dans latome, une ambivalence demeure latente. Non seulement, certaines qualits psychiques communment appeles soit masculines (qualits actives), soit fminines (qualits passives), mais encoredes qualits physiques, sentrepntrant singulirement. Les proportions

    dhormones dterminant le sexe paraissent, pourrait-on dire, varier d'unindividu lautre : et mme (par exemple, avec l ge) une des deuxsubstances lemporte : do certains caractres nouveaux.

    Une unit, mme en dpit de la polarit sexuelle, perdure en nous;et les savants ont pu produire des interversions relles soit par greffe(Steinach), soit mme par simple ablation (Benot).

    Bre f ! le mle et la femelle sont comme les supports, quon peutdire asexus, de deux puissances qui les apparentent (lointainement, ilest vrai) la dualit primordiale ; dualit lectronique.

    Toute existence dans la Cration prsente ces deux aspects, cetteambivalence ; une partie, en surface, parat stre fige (une unit formelle en mane); lautre est la manifestation attarde de deux forcestrangres, contradictoires (cette partie cherche se raliser parmi lesformes.

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    Mais, tout au fond, nous devons retrouver lEnergie principale,Lumire de lUnivers.

    L A V E R I T A B L E U N I T E .Le concept Unit que nous croyons tirer des faits est partout iden

    tique lui-mme ; toutefois, ainsi vu, il na encore gure de valeur, carcest une pure cration de l'esprit.

    Nous devons nous garder de toute illusion. Analogie ne veutnullement dire parfaite similitude . Les notions dUnit et de P luralit ne sont souvent que des constantes absolument abstraites, appliques des phnomnes totalement diffrents.

    Les units entrevues ntaient pas la vritable Unit.C en taient les parodies.

    Nanmoins, tous ces organismes tendent vers un but jamais atteint,Et lhomme, en dpit de tout son orgueil, parat lui-mme concrtiser un continuum rsultant chaque instant dactivits interdpendantes;et ce continuum constitue une activit parmi dautres, intgre dans ungrand Continuum qui est le reflet de l'Unique.

    Sans fin, lUnivers, fuyant lunit fondamentale qui se trouve enlui, schafaude en organismes de plus en plus compliqus. Cependant, chaque tape, se retrouve, transforme, sublime peu peu, lternelle inquitude.

    La soif de l'Unit perdue, l'obscure soif de Dieu, embrase lUnivers.Certes, mille preuves physiques ne valent pas une seule intuition

    de lme.Ce dsir, ce besoin dUnit tourmentant la Cration qui se connat spare, nous l'prouvons au plus aigu de lesprit.

    En particulier, le pote, souvent peut-tre d'une manire inconsciente, affirme que derrire tout le conflit des apparences opposes, lavie de lesprit est une. La mtaphore, cest la mtaphysique appliquede la posie. Dans sa forme la plus pure, limage, est la manifestationdun mysticisme puis des sources qui dpendent de lexprience courante . (4).

    C est en l homme que l Amour ;sest fait dchirant ; et nous errons,pareils aux fantmes que nul objet terrestre ne pourra rassasier...

    O donc est la Plnitude qui nous apporte la Paix ?Ainsi, chacune de nos chutes prlude un pas vers lAmour.Encore faut-il tendre son cur vers la seule Ralit qui ne soit

    pas fallacieuse.La vision de lhomme nest qu'une illusion cre son chelle :

    le ciel, la terre, notre maison, notre corps ne sont qu'apparences ; sinos yeux savaient voir, nous y distinguerions les mondes plantaires delatome, lunivers nergtique lumineux ; de mme, si notre consciencetait claire, le domaine sentimental et moral ferait place au combat delillusion et de Dieu.

    (4) Mmes croyances dans lInde, chez les Juifs. Eve ne fut-elle point tire d'uni:cte dAdam ?

    (5) B, Ifor Evans, La littrature anglaise.

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    Hlas ! nous n'avons quun dsir... et dans nous, dans tout lUnivers, deux forces saffrontent : l'une, centrifuge, de personnalisation ;lautre, centripte, de communion.

    Nous restons le MOI, assoiff damour.

    O donc est Dieu ?De l'Unique, nous ne voyons quun reflet. Cet Unique, nous disent

    les Initis, tait au dbut la fois Etre et Non-Etre (sat, asat).Mais un jour, la pense de Dieu se fit ; les uns lappelrent Logos,

    les autres Verbe, les sages de lInde y virent le dieu trinitaire.Et cette pense se fit acte. Comme le disent potiquement les pr

    tres de Yamato, lther se divisa en deux : sa clart devint le Ciel, sapartie lourde et obscure la Terre.

    Et ce poids, ce poids dignorance, beaucoup le sentent au plus profond de leur cur. O donc est l Unique ?

    Marcel HENNART.

    Qu'est-ce que l'Unique?La dcouverte de lunit a toujours hant lesprit des chercheurs

    d'avant-garde. Notre ami Marcel Hennart termine son. intressante tudesur le problme de lunit par une question : O donc est lUnique ?L'homme semble priori se trouver dans une position singulirementdfavorable pour donner une rponse correcte cette question. Comment pourra-t-il trouver l'unique, lui, qui dj en tant quobservateurd'un spectacle minemment multiforme, est riv au monde phnomnalo tout nest que multiplicit. La science il est vrai nous rvlequen dpit de ces apparences multiformes, lunivers est UN aux ultimesprofondeurs.

    Les varits de couleurs, de proprits, de poids de la matire sontpratiquement illimites, mais les constituants ultimes de toute la mat

    rialit de lUnivers se rsument deux lments de base : les lectronset les neutrons. Et ces derniers napparaissent qu titre de simples sin-gularisations dune seule et mme nergie. Mais tandis que les effortsde lhomme se dirigent vers les ultimes profondeurs de la matire, bienau del des systmes atomiques, pour dcouvrir l'unit dun immenseocan dondes, la direction qu'emprunte lintelligence au cours dune tellerecherche a pour tendance de lui faire totalement oublier les apparencesde surface.

    Certes, nous savons fort bien que dans ce monde de matire toutest vanescent. Nous savons, comme nous lont proclam jadis les philosophes boudhistes, que le caractre fondamental de cet univers phno

    mnal et de tout ce qui sy trouve est lIM P E R M A N E N C E . Nanmoins,si nous procdons un excs de zle inhrent tous les fanatismes, etsi cet excs de zle nous fait oublier la facette du monde, telle quil se

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    prsente dans ses apparences vanescentes de surface, nous nous garons de l'unique que nous prtendons ne dcouvrir quaux ultimes profondeurs. Et nous reposons la question : mais o donc est lUniqe ?

    Lunique n'est pas seulement la totalit des apparences de surface.Lunique nest pas seulement lessence UNE et UNIVERSELLE desprofondeurs. Si nous voulons raliser lunit, il nous faut une fois pourtoutes comprendre que lUnivers est un T O U T IN D IV IS IB L E , dontlhomme exprimente successivement diffrentes facettes. Le monde desapparences phnomnales est lune de ces facettes. Tout y a un commencement, tout y a une fin. Tout y nait, mais tout y meurt. Le mondedes ultimes profondeurs, celui de lunit d'essence est lautre facette dece T O U T indivisible.

    Encore faut-il insister sur le fait, que si nous consentons procder ces divisions entre un aspect que, pour nous faire comprendre,nous appelons aspect de surface et un autre aspect, que nous nom

    mons aspect de profondeur , ces divisions n'existent pas en elles-mmes. Elles sont mises en relief pour les commodits de lexpos.

    L'unique est donc la totalit des aspects manifests et non manifests de l'Univers. Il est lensemble des manifestations matrielles (apparentes aux manifestations corpusculaires) et des manifestations spirituelles (apparentes aux manifestations ondulatoires).

    Comment dfinir lUnique, sinon en empruntant cette dfinitionmagistrale de Carlo Suars qui nous prsente un continuum dynamique:La totalit des mouvements vers le plus et vers le moins, la totalit desmorts et des naissances d'un Univers, lensemble des fcondations etdes strilisations, se traduit toujours par un plus. Sil n'en ntait pas

    ainsi lunivers serait transform en pur nant.Ainsi, la totalit cosmique des existences se traduit par une unitdynamique, essentiellement mouvante, vivante, cratrice. Lunique auquels'accrochait toutes nos anciennes philosophies tait un unique essentiellement statique.

    Dieu nest ni plus ni moins que cette nergie. Cette nergie estest une, car elle est l'unique substance ou salimentent les mondesinnombrables. Ainsi que le disait Spinoza, la substance est UNE, maisles modes sont innombrables. Peu importe leur infinie varit. Encorefaut-il comprendre, que cette substance na rien de statique, mais quelledoit sa substantialit une continuit de jaillissement, l'acuit d'unerecration constante d'elle-mme. Cette ralit est tel point dynamiqueque le terme substance que nous sommes obligs de lui attribuer estemploy dans lunique but de faire comprendre aux chercheurs qu'ilsagit de quelque chose de rel, de vivant, de positif. Mais hlas, lesvrits de lintuition sont souvent des paradoxes pour lintellect.

    Le problme de [Unique peut tre aisment rsolu. Mais pour l'trecorrectement, nous devons le dpouiller de toutes les tendances cristalli-satrices des philosophies traditionnelles.

    Lisez tout ce que vous voulez, aimez tout ce que vous pouvez, maisdans tout ce que vous faites, soyez oublieux de vous-mme.

    Ramakrishna.

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    Peut-on dfinir le " Moi " ?

    Dfinir le moi dans sa Ralit est chose impossible. Les Sageseux-mmes ny arrivent pas.

    Tout d'abord, le mot renferme en lui dinnombrables interprtations ;de plus, celui qui n'a pas encore travers lexprience ultime de lalibration, interprte toute parole la mesure de .sa propre comprhension ; et tant quil na pas conscience du Moi Rel, il interroge le Sage travers ses limitations multiples et ne cesse de les opposer, inconsciemment, aux paroles que le Sage prononce.

    Cest pourquoi ceux-ci nous disent : Les mots ne sont que des formations de lintellect. L'intellect ne

    ne peut rien nous faire dire du vrai moi... Le silence est son vritable langage... La difficult consiste prsenter cette Ralit fondamen- taie sans en altrer la puret, ne pas la recouvrir de mots... Malgr tout, les mots crent des malentendus... ils peuvent devenir des cages.(Krishnamurti.)

    * * *

    Si le Sage ne nous dfinit pas ou peu cette Ralit ultime, fondamentale, comment la dfinirions-nous, alors que nous sommes loin encored'avoir travers lexprience qui nous lexplique, sans texte, sans matre,sans rien d'autre que notre illumination ? Nous sommes au stage onous questionnons encore et le Sage, nos questions, se contente de

    rpondre : Toute question implique la prsence de celui qui la pose, c.--d.

    de lgo, dont l'existence est la ngation mme du vritable Moi. (Maharishi.)

    Songeons nos faux moi (notre corps, nos motions passagres,nos penses variables, mme notre go qui veut se faire prendre pourle Moi Rel); voquons le sentiment de sparation que nous ressentonsdevant toute chose, sentiment d nos sens insuffisamment dvelopps. Notre go ou individualit se substitue au Moi Rel en prendlapparence, nous leurre sans cesse. Cest lui qui nuus donne la certitudedtre diffrent, distinct de notre vois n. d un objet, parce qu'il na pas

    un contact continu avec la vie qui anime n'importe quelle forme et quiest une en chaque chose. Et parce que la question surgit du centre mmede ce sentiment de sparation, le Sage nous dit encore :

    Linterrogateur suppose que lgo est le Mo! et formule ensuite la question. Et la question ayant un point de dpart faux nest jamais correctement pose. Or, si linterrogateur arrachait cette erreur ini- tiale de l'go, il ny aurait plus de question poser. (M aharishi.)

    Il ny aura't plus de question poser parce que, le Moi stantralis dans sa Ralit mme, comment lHomme Rel devrait-il encorequestionner sa ralit devenue tangiblefnent, intgralement lui-mme ?

    Nous ne questionnons que ce qui est, ou nous apparat en-dehors

    de nous, au-del de nous, tranger nous-mmes. Questionnons-nousles battements de notre cur ? Oui, lorsque la maladie apporte unerupture dquilibre dans son fonct onnement et quil nous gne, comme

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    un corps tranger nous-mmes, et nous ne le questionnons alors quepour rtablir lquilibre rompu.

    Ds que ltre comprend le sens de la Vie et est harmonis avec son

    essence il s'allge de tout ce qui lillusionne, jusqu devenir dunetransparence telle, quil n'existe plus en tant que moi spar. Canalparfait de la Vie, il ne dresse plus devant elle aucun obstacle personnel.C est ce moment qu'il est sans go , c.- -d. sans obstacle. Ayanttu en lui tout gosme, il exprime naturellement le Divin, dont il n'estplus que lexpression parfaite.

    Les Sag es ne nous expliquent donc jamais le moi, mais se contentent de nous indiquer les moyens de nous dbarrasserdenos entravespersonnelles. Ils nous dcrivent la route quils ont suivie et ne peuventfaire davantage. Car la libration, promise tous, nest pas du ressortdu Matre, quelque grand qu'il soit. Elle appartient lindividu lui-mme.

    Chacun doit briser ses limitations propres, tout comme chaque poussindoit briser, seul, la coquille de son uf, ds que cette coquille limitelexpansion de sa vie individuelle.

    Contentons-nous donc, de donner quelques dfinitions du Moi pardes Sages contemporains :

    Nous disons que ltincelle divine dans lhomme est une et iden- tique avec lEsprit Universel et que, par consquent, le Moi spirituel est en ralit omniscient, mais que les obstacles de la matire l'emp- chent de manifester sa connaissance. (H. P. Blavatsky.)

    Alors que nous sommes dj le vrai Moi, nous faisons des efforts pour le trouver. Un jour viendra o nous rirons de nos efforts. Et ce

    que nous raliserons, ce jour-l, est ds maintenant la Vrit : nous n'avons pas devenir le vrai Moi, nous le sommes. (Maharishi.) Le Divin est le Moi unique dans notre tre immuable et hors du

    temps, prsent aussi dans le monde, dans toutes les existences, dans toutes les activits, matre du silence et de la paix, matre de la puis- sance et de laction, le matre de chaque tre individuel. (Shri Auro-bindo. )

    11 ny a quun Moi, et ce Moi unique cest vous. Derrire cette petite nature que nous voyons se trouve le M oi.. . Il est la ralit de la nature. Partout o lon est deux, il y a conflit, il y a danger, il y a lutte. Quand tout est UN, il ne reste plus que lUltime Ralit.

    ( Vivekananda.) Cest lignorance qui contraint lgo percevoir la multiplicit l o seul, l'UN existe. (Swami Siddheswarananda.)

    Lgo n'est qu'une ombre, une obsession et une illusion. Toute vie'est une et cest vous-mme. (Swami Ramdas.)

    L tincelle ou ce que je voudrais appeler la vie conditionne ne peut entrer dans la flamme ternelle ou raliser la Vrit, qui est la plnitude de la vie, si elle ne devient elle-mme la flamme, ou si la vie conditionne natteint pas la plnitude de la Vie elle-mme. (Krishnamurti. )

    Serge BRISY,

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    La Vie est CratriceDieu a cr le monde, nous dit le traditionnalisme religieux. Comme

    il ny a ici aucune adquation entre la cause et leffet, entre l'Infinicrateur et les limitations de toute forme cre, on ne voit pas commentcette cration serait possible. Un hiatus formidable oppose les deuxtermes et la dualit parat irrductible puisquil ny a aucune communemesure, aucun rapport de nature, entre le Crateur et sa cration.

    La sagesse sotrique nous enseigne au contraire depuis un tempsimmmorial que lEternel et lphmre, l'Etre et ses manifestations cycliques ou priodiques sont pareillement des aspects opposs d'une seuleet mme Ralit.

    La vie et le mouvement de lexistence universelle reprsentent donccette manifestation dynamique de l'Un statique et cest cette vie universelle qui recle la puissance cratrice de lInfini divin. Jai montrdans un prcdent article (1) qu'autre chose est la Vie en nous, autrechose la conscience que nous en avons. La Vie est ternelle et, pourelle, la mort nexiste pas. La vie doit donc tre distingue de ses instruments de conscience, les tres particuliers, qui naissent, croissent, voluent. puis s'usent, dclinent et meurent, pour renatre plus tard sousdes formes nouvelles. Voil pourquoi liconographie ancienne reprsentait la Vie sous la forme symbolique du petit enfant sur les genouxde sa Mre-Nature, image de cette perptuelle jeunesse de ltre renaissant en des formes toujours nouvelles.

    La Vie est cratrice, disons-nous, et la cration est luvre de1intelligence. Il semble vident en effet que lordre et lharmonie dumonde, que la formation et la progression des tres sur limmense chellevolutrice, ne peuvent tre le fait du hasard aveugle. D autre part, prexistant sur notre globe et bien avant quun cerveau humain ft l pourles constater ou les admirer, ces faits reprsentaient une ralit objective, donc indpendante de lhomme.

    Pourtant, cette question la nature est-elle intelligente , desrponses contradictoires nous sont donnes. Pour les uns, la nature estune puissance insensible et aveugle, crant et dtruisant inconsciemmentles tres phmres quelle produit. Pour les autres, au contraire, lordreet l'harmonie du monde supposent ncessairement une Intelligence direc

    trice et ordonnatrice. On sait que cest l largument classique de lathologie pour conclure lexistence dune Divinit extra-cosmique.

    Sans doute lordre et lharmonie du monde ne peuvent tre le fruitdu hasard, mais impliquent-ils ncessairement lintelligence ? Ne pcur-raient-ils tre comme lquilibre naturel de ce grand corps quest lunivers, vivant mais pas ncessairement intelligent ? Le fruit dune harmonieinterne de lme du monde se traduisant au dehors par un ordre, uneharmonie extrieure ? Pourquoi ny aurait-il pas pour lunivers pris dansson ensemble, comme pour chaque tre particulier, une entit psychique,cette me du monde dont nous parle Platon 1 Celle-ci nimpliquerait pasncessairement lintelligence contrairement ce qu'affirme le vieux

    philosophe qui la qualifie danimal raisonnable mais serait alors com-

    (1 ) Spiritualt du 15 octobre 1945.

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    parable une me animale, capable de rparer automatiquement letrouble et le dsordre introduit dans le monde par des causes secondes.Nanmoins si cette Nature vivante, cette me du monde, cre lintelli

    gence, c'est--dire informe et dveloppe des tres intelligents, commentalors lui refuser potentiellement tout au moins, cette intelligence elle-mme ? Il ne peut y avoir moins dans la cause cratrice que dans l'effetcr. Lintelligence des tres crs, loin dtre distincte, apparat donccomme la manifestation fragmente de celle de la nature. L me dumonde, si elle existe, est donc intelligente. Mais, existe-t-elle ? Elle existencessairement, peut-on rpondre, si la puissance cratrice qui agit danstous les tres vivants reprsente en eux un pouvoir suprieur leurpropres facults d'instinct ou dintelligence : car, dans ce cas, et si nousfaisons momentanment abstraction de lhypothse thologique dun Dieusurnaturel, o pourrions nous trouver ce crateur sinon dans une puissance

    qui est au del de ces deux facults et qui ne pourra tre ds lors quecette me de la Nature, cette Vie cosmique, immanente et transcendante,cache au trfonds de tous les tres ? Sans doute, envisage dans sonaction sur notre plan physique, la Nature nous apparat plutt commeune puissance fatale et inintelligente, une martre, insensible aux destructions quelle opre. Mais ce nest videmment pas du point de vuedes formes dtruites qu'il convient de juger quitablement des intentionsde la Nature, si elle en a, ni du but suprieur qu'elle poursuit, si ellea un but.

    La question qui se pose est donc de savoir si la Nature est intelligente ou non. Si nous nous en rapportons aux constatations tires de lexprience et de lobservation, la rponse cette question n'est pas douteuse.Sous certaines rserves que nous dirons, la Vie cosmique nous apparatcomme un crateur suprieurement intelligent. Ce sont principalement lesprogrs de la biologie qui ont donn le coup de grce la doctrinemcaniciste de la cration et rvl cette intelligence suprieure de laNature. Un minent biologiste franais, Lucien Cunot, le constatait ilny a pas si longtemps : Un outil humain , dcarait-il dans une interview (1 ), a pour cause lide que lhomme sest faite avant sa fabrication... ; de mme il est inconcevable que la gense d'un outil animalsoit le rsultat des hasards. Il faut, quil y ait eu avant sa gense unplan, un dessein. Or, ce nest pas lanimal qui a pu avoir le dessein enquestion: il faut donc que celle-ci soit en dehors de lanimal, transcendant

    lui, suivant lexpression des philosophes... , ainsi, concluait-il, lebiologiste ne peut fa:re autrement que de pntrer dans le palais interditde la mtaphysique .

    Oui, peut-on rpendre au savant, mais nest-il pas absurde de supposer le crateur, extrieur l'animal et entirement tranger sa nature ?Transcendant l'individu videmment, mais immanent nanmoins sonespce. Cest donc sur le plan transcendant du gnie de lespce quilimporte de le chercher. De toute v'dence, ce nest pas dans la petitecervelle de labeille quil faut chercher la gense du plan compliqu dela ruche : c est dans lme collective ou le gnie de lespce, lequel setraduit ensuite en chaque individu sous la forme dun instinct aveugle,

    imprieux et strictement l'mit sa fonction. On voit aussi que cest

    (1 ) Nouvelles Littraires du 17 juin 1933.

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    tout le problme de la transcendance et de l'immanence qui est ici pos,mme dans le cas de lanimal.

    . Naturellement et a fortiori en est-il de mme pour lhomme. O est

    le crateur en l'homme ? Est-ce son intelligence ? ou son instinct particulier ? Ni lun ni lautre. Sans doute cette merveilleuse puissance de laVie cratrice en nous se sert de notre intelligence et de notre instinct,mais elle demeure, de toute vidence, comme en retrait de ces deuxfacults. Il semble quon puisse dire que, tandis que dans le rgne animal,lintelligence cratrice se trouve localise dans une sorte dme-groupecontenant un nombre d'individus, dailleurs extrmement variable suivantle rang quoccupe ce groupe dans la hirarchie animale ou vgtale (unefamille de chiens par exemple compare une fourmilire), dans le rgnehumain au contraire cette intelligence cratrice sindividualise progressivement en chaque individu, se rflchissant en chaque cerveau humaincomme intelligence rflchie, soi-conscience, raison, intuition, etc. La puissance cratrice en nous demeure toutefois toujours transcendante nosfacults conscientes.

    Si lon tudie en effet ce que reprsentent dans les tres vivants cesdeux facults de lintelligence et de linstinct, on s'aperoit que, si ellesparaissent sopposer lune lautre, ainsi que le remarque le philosopheBergson en ce qui concerne le plan de notre existence- consciente ellessemblent ^u contraire se conjuger. et culminer en une puissance suprieuresur un plan transcendant notre conscience, cest--dire transconscient ousupraconscient. Qu elle se traduise en effet sur toute l'chelle hirarchiquedes tres soit sous forme dinstinct aveugle, irraisonn, soit, comme chezlhomme, sous forme d'ides claires, logiques, rflchis, suprmement

    intelligente nous apparat toujours cette puissance de la Vie cratrice qui,par del le seuil de notre conscience, prside la croissance de notrecorps, ladaptation de nos organes, la lente laboration de notre moipsychologique. Cette mystrieuse activit cratrice, adaptatrice, transformatrice, sans cesse luvre au fond de nous-mme, ne doit donc pastre confondue ni avec linstinct aveugle ni avec notre intelligence.

    Bien qu'elle puisse sexprimer partiellement par leur intermdiaire etsen servir comme instruments dexcution car laction cratrice dumental en nous est incontestable la puissance cratrice demeure nanmoins larrire-plan de nos facults conscientes.

    N'est-il pas vident en effet que ce n'est ni linstinct dnu de

    raison, ni le mental conscient des individus qui, dans la nourriture, slectionne avec tant de sagesse les principes ncessaires la subsistancedu corps, qui fait voluer les tres de faon progressive et ascendantedans les diffrents rgnes de la Nature, qui adapte leurs formes organiques aux milieux changeants et aux conditions varies de lexistence,qui cre en eux les organes appropris de dfense, de nutrition, de reproduction, etc ? Attribuer toutes ces merveiljes un instinct aveugle implique contradiction. Les attribuer cette fonction mentale que l'on nommel'inelligence consciente, cest exprimer une contre-vrit manifeste. L'activit cratrice de la Nature, sans cesse luvre chez tous les vivants estdonc apparemment fonction dune intelligence suprieure, d'un Principe

    hyperconscient, puisque notre mental conscient ny atteint pas encore etsemble nen tre lui-mme quun reflet, une expression infrieure et limite.Il est intressant, ce propos, de constater quel point l'vidence

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    des faits oblige petit petit nos hommes de science, mme les plus rfrac-taires au mysticisme et toute mtaphysique, modifier cet gard leurspositions et leurs conclusions. Cest ainsi que lon a pu lire dans la RevueScientifique et sous la plume dun positiviste comme Gustave Le Bon, leslignes suivantes : Les forces directrices qui prsident au fonctionnementde nos organes sont compltement inconnues. Nous savons seulementquelles interviennent sans cesse pour adapter lorganisme des ncessitsconstamment variables, comme si elles taient doues dune intelligencefort suprieure la ntre. Il en existe pour toutes les fonctions : circulation,respiration, dfense contre les agents extrieurs, etc. Aucun chimiste n'estassez savant pour dire, par exemple, comment les forces organiquesfabriquent du lait avec le sang, comment le rein sait extraire de lorganisme les produits toxiques que lusure des organes y introduit constamment, comment les cellules crbrales utilisent les lments fournis parles sens pour fabriquer des penses, etc. Les oprations diverses dont

    lensemble constitue la vie sembleraient indiquer quil existe dans lorganisme toute une srie de centres directeurs transcendants mais limits,chacun, une fonction spciale .

    Il serait videmment absurde de supposer quun Dieu extrieur ettout-puissant intervient ainsi constamment dans ces oprations obscuresde la Vie universelle, soit directement, soit mme indirectement par deslois gnrales et qui ne pourraient sadapter linnombrable diffrenciation des cas particuliers. Mais que veut dire Gustave Le Bon en parlantde ces centres directeurs transcendants, limits chacun une fonctionspciale ? Quels quils puissent tre, il semble que ces centres ne peuventtre indpendants les uns des autres, mais quil faut les supposer associs

    et relis entre eux dans une entit mtaphysique qui apparat alors, soitcomme le Dieu extrieur et surnaturel de la religion hypothse absurde,nous le verrons, et que notre auteur re jette soit comme un Principeimmanent en nous mme, mais transcendant nanmoins, par rapport notre conscience actuelle et aux limitations de notre moi. On pourraitdonc conclure quignor de notre intelligence proprement dite, qui n enest que le reflet crbral, le Pouvoir crateur en nous est une puissanceanimique qui agit au del du seuil de notre conscience comme Intelligencesuprieure, cratrice, slectrice, organisatrice, transformatrice, etc.

    Il semble bien ds lors quelle ne fasse qu'un avec la Vie cosmique,l lntelligence mme de la Nature, droulant en son sein limmense fleuve

    des vivants, ceux-ci se subdivisant en rgnes, espces, genres, familleset individus. Et Voil ce qui explique les tendances panthistiques de tantde mystiques qui voient Dieu ou la Vie cratrice dans la Nature mmeet non en dehors delle, au Centre cach de 1Univers et non dans uneextriorit inimaginable, ainsi que le proclament les thologies. Car, ainsique l'exprime le plus haute sagesse de lInde :

    Lunivers est rel en tant que Brahman :ii est irrel en tant que distinct de Brahman.

    Shankaracharya.

    Mais pourquoi , objectera-t-on peut-tre. 1hypothse thologique du Dieu surnaturel, extrieur et tranger au monde, serait-elle absurde ? Tout dabord parce que lide mme de ce Dieu est impensable,implique contradiction. Comment notre cerveau en effet pourrait-il penser,

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    imaginer, quoique ce soit, tre ou chose, en dehors du Tout universel ?Notre pense fait ncessairement partie de ce Tout : ni elle, ni son objet,ne peuvent en tre exclus. Le surnaturel ne pe'ut-tre que la Natureelle-mme dans son aspect transcendant, invisible, inconnu (1). Une

    proposition contraire implique contradiction. Imaginer Dieu comme endehors du Tout invisible et visible est un non-sens. Ce qui serait endehors de lexistence universelle ne pourrait tre quinexistant. Ce Dieuextrieur, sil tait possible, nous ne pourrions rien en savoir, ni le connatre.

    Ensuite, comme je lai dit en commenant, si le Tout dont nousfaisons partie nest pas une Unit, si Dieu et le monde, ou lEtre ternelqui est, et lternel Devenir de ses manifestations priodiques, ne sontpas deux aspects opposs mais complmentaires de cette Unit mais aucontraire deux natures essentiellement distinctes, absolument opposes ettrangres lune l'autre, alors on ne conoit pas que lune puisse agir

    sur lautre, crer lautre, puisquune irrductibilit absolue les spare jamais !Enfin il faut reconnatre que ce Dieu crateur de la thologie ne

    cadre nullement avec les faits dobservation. Il est de fait en effet quenous vivons dans un monde imparfait, plein de lacunes et derreurs etqui ne peut donc tre luvre d'un crateur tout-puissant et parfait.Lhistoire de la cration depuis les origines le dmontre. La Vie cratriceessaie, ttonne, hsite, se reprend, se corrige, cre des bauches dtres,parfois des monstres, avant de russir des formes harmonieuses et parfaites. En somme la Vie nest toute-puissante, ternelle, infinie, qu'en-visage en soi, dans sa nature abstraite en quelque sorte, abstraite de

    ses possibilits infinies, de ses manifestations univerelles dans le tempset lespace. Concrtement considre comme me cratrice des universsuccessifs, Elle est au contraire limite, chaque fois, par la naturemme des matriaux dont Elle dispose et des conditions o Elle agit,matrieaux et conditions tant eux-mmes le fruit dexpriences qui sesuccdent et se renouvellent, toujours changeantes et toujours diffrentes.

    Remarquons dailleurs que daucun de ces deux points de vue, nousnavons affaire ici au Dieu surnaturel de la thologie. Du point de vueabsolu, lUn chappe toutes nos catgories, est inexprimable, indfi-nisable. Du point de vue relatif, cest--dire en tant que Vie cratriceet animatrice dun univers, le Principe suprme nous apparat au contraire

    comme limit, emprisonn dans les cadres et les lois de cet univers, ceux-ci conditionns et prdtermins par des volutions antrieures. Il nesagit donc pas ici d'un crateur parfait et tout-puissant, mais duncrateur limit par les possibilits de sa cration mme.

    Une dernire question se pose nous. Cette vie cratrice, expressionpriodique dans lespace et le temps de lEtre infini et ternel, est-elleune Intelligence consciente de soi ? A premire vue, il semblerait quilfaille rpondre par laffirmative puisquElle cre des tres intelligentset soi-conscients. Pourtant rien n'indique quil en soit ainsi. Bien aucontraire, nous savons que toute cration dbute, sur notre plan physiquetout au moins, dans linconscience de la nbuleuse primitive, dans le jeu

    aveugle des forces et des quilibres atomiques, et que ce nest que plus

    (1 ) La nature est surnaturelle , nous dit le pote R . Browning.

    _ 17 ~

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    tard, au cours dune volution lente et progressive, que la vie organiquesurgit et dveloppe les pouvoirs de la conscience dans la srie hirarchiquedes tres vivants. Comme elle est potentielle seulement chez le petitenfant qui vient de natre, l'intelligence est donc aussi potentielle seulement dans lunivers ses dbuts. Dire que la vie cratrice dun mondeest soi-consciente depuis ses dbuts, puisqu'elle produit un stadeultrieur de son dveloppement des tres soi-conscients, c'est affirmeraussi bien que lintelligence du petit enfant est identique celle delhomme adulte, puisquelle produit cette dernire. C est nier tout leprocessus de l'volution graduelle. De mme donc que cest en grandissant que lenfant devient conscient de lui-mme et de son dveloppement. de mme la Vie-une d'un monde ne dveloppe que graduellementet successivement ses pouvoirs d'intelligence et de conscience au traversdes rgnes infrieurs d'abord, pour s'panouir ensuite dans lhomme etraliser en lui sa premire exprience de conscience de soi ( 1) . Maispeut-elle s'arrter ce simple dbut' ? Non videmment. Le but finalde l'volution, cest de crer des Dieux, cest--dire des tres capablesde reflter en eux, non plus leur petite soi-conscience personnelle, maischacun selon sa nuance propre, la soi-conscience universelle, cest--direavec lomniscience, la consciene divine de lunit du Tout.

    De ce que, dans leur succession ternelle, chaque monde procdeainsi de linconscience originelle jusqu l'panouissement splendide deses Dieux, ce serait nanmoins une erreur de conclure que cest uneforce aveugle, une volont inconsciente, qui prside cette volutionmme. Ce que nous nous avons dit prcdemment des merveilles de laVie cratrice controuverait une conclusion aussi hasardeuse. Non ; notre

    monde est issu d'un monde prcdent, dont il est comme le Fils, etdont la sagesse collective le Pre, lEsprit gnrateur < est devenupour lui comme une sorte darchtype, pouvant et devant lui servir demodle transcendantal dinspiration ou de plan idal. C'est ce quePlaton,en interprte de lenseignement occulte, nous exprimait quand, parlantdu dmiurge (l'me du monde), il nous disait qu'il contemple danslIntelligence divine les formes exemplaires quil appelle ides (1).Il serait donc erron de comparer notre monde son origine un enfantabandonn sa naissance. L'enfant hrite des vertus de sa race ; ilgrandit sous la surveillance de son pre, mais se dveloppe par sespropres forces internes. Ainsi en est-il exactement d'un monde. Il grandit

    sous la surveillance de son Pre cleste, mais volue en vertu de sapropre vie divine immanente. Le microcosme est comme le macrocosmeet la Loi est une, nous dit la Sagesse hermtique. Les univers se transmettent successivement leurs vertus acquises, mais chacun se dveloppede faon autonome et sans que l'activit libre et cratrice de sa Vieimmanente puisse jamais se rpter, chacun voluant sa propre conscience,sa propre sagesse divine.

    Il apparat aussi, comme conclussion, que la Vie divine de notremonde n'est pas distincte de l'ensemble des tres particuliers par lesquelsElle se manifeste graduellement et que ce nest que dans et par ces

    (1) Lanimal na pas conscience de soi. Il est goste inconsciemment. Lhommeest goste consciemment.

    (1 ) La phi losophie du Moyen-ge, par Emile Brhier, p. 159. (Collection Berr,Albin Michel.)

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    tres particuliers, sur toute lchelle de la cration invisible et visible,que peut se manifester la Conscience divine Elle-mme, c'est--dire laConscience de lunit du Tout, la Conscience universelle.

    Mais une: contre-partie de cette gloire existe malheureusement. Touteentreprise dvolution comporte des risques. Lhypothse ne peut treexclue, hlas, dun chec de notre monde. Nul Dieu extrieur nous-mmes ne rgle notre destin. Je ne sais quel savant anglais disait rcemment que si la guerre atomique devait clater quelque jour, laccroissement de radioactivit qui en rsulterait rendrait la plante inhabitable etentranerait ipso facto la fin tragique de notre humanit. Puissent limminence dun tel pril et cette perspective effroyable nous faire rflchiret provoquer durgence les ractions ncessaires. Les fausses lites dupass, bases ou sur la naissance, ou sur largent, ou la force aveugledu nombre, nous ont mens sur des voies funestes. Puissent tous les

    vrais fils de lesprit, do quils viennent, quelque famille spirituellequils appartiennent, se runir, spauler et, par del leurs divergencesde pense, rassembler leurs efforts pour nous orienter dans une meilleuredirection et sauver le monde de la perdition. Ensemble, ils forment llitevritable, celle du cur et de lintelligence qui doit nous faire viterle gouffre bant, ouvert sous nos pas, et faire luire nos yeux notrevraie destine.

    P I E R R E D AN G K O R .

    La position de Mauriacou celle de la France

    par JEAN GROFFIERsecrtaire-gnral de la Fdration de la Presse Priodique.

    Le visage de Mauriac a la finesse des personnages de Watteau. Ilincarne dans ses moindres gestes la France dautrefois et ce quil ditdune voix teinte est trs simple, lucide et de toute ternit.

    Le choix, nous lavions fait avant les hostilits. Nous avions faitla distinction entre ce qui tait juste et ce qui ne ltait pas. Vritable attitude de lintelligence qui, avant mme le conflit, dsig

    nait le bandit du doigt. Qui nest pas avec moi est contre moi disait le Christ. Mauriac,

    quiapparat plus chrtien que catholique a compris quen cet axiomersidait tout le drame et la vrit. Il ny a aucune quivoque possible ;!e spiritualiste ne peut la fois tre sincre et servir la dictature, quellequelle soit.

    Mauriac a prcis. Les vrais rsistants sont ceux qui ont combattule nazisme ds son apparition.

    A ct de De Gaulle, Mauriac est de ceux qui situent le rle dela France daujourdhui et de demain : une prsence spirituelle tantaux Anglo-Saxons ce que les Grecs taient aux Romains.

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    Le Pacifisme et la Bhagavad-Gitapar HENRY CORCOS

    Il est utile, avant dtudier lattitude de la Bhagavad-Gt face auproblme de la guerre, de rappeler brivement quelle est celle des groupements politiques, sociaux et religieux de lOccident.

    Je regrette d'avoir traiter des partis politiques ; je le fais avecle sentiment que lon prouverait en parlant d'une maladie grave, imprudemment rpandue.

    Les partis politiques qui condamnaient la guerre, avant celle de1939, taient ceux appels de gauche. Voyons les deux principaux:

    Le parti SOCIALISTE a toujours t thoriquement contre laguerre, mme d fe n s iv e c tait un point essentiel de son programme

    et cest pourquoi, jusqu 1936, il ne votait pas les budgets de guerre.Mais c tait l une abstention purement platonique ; nayant pas

    la majorit, il ne risquait en rien de faire chec aux demandes de crditspour la Dfense Nationale des gouvernements successifs, et cet acteressemblait s'y mprendre une simple manuvre d'habilet lectorale.

    Sans tre svre, on peut dire que ce parti eut pu trouver dautresmodes daction plus efficaces contre la guerre, s'il lavait vraiment voulu.

    D'ailleurs, les faits ont montr qu'il ne prenait pas lui-mme lachose au srieux : en effet, lorsque les socialistes sont arrivs au pouvoiren 1936, ils ont agi exactement comme les gouvernements bourgeois lesayant prcds. Ils se dclarrent alors pour la prparation militaire et

    y ont uvr... avec la mme incomptence et veulerie que leurs prdcesseurs.Quant au parti CO M M U N IS T E , il procdait de la mme doctrine : Les ouvriers ne possdant rien, n'ont pas de Patrie, et, par suite,

    rien dfendre. Nous avons pu amrement et pleinement apprcier combien ces

    paroles de Karl M A R X et E N G E LS taient creuses et nenvisageaientquun bien petit ct matriel de la question.

    Le patriotisme ne peut tre le fait de ceux-l seuls qui possdentun lopin de terre. Cela le rduirait une lutte dgosmes privs etravalerait lide de Patrie une conception troitement matrialiste, qui

    ne correspond en rien avec la ralit.Sous le joug allemand, nous avons rapidement appris que, mme

    ne possdant aucune exploitation agricole, industrie ou immeuble, nouspouvions encore perdre bien des choses essentielles, ayant autrementdimportance que des pierres ou de la terre.

    Nous avons perdu notre libert de parler, nos possibilits dinformations, notre droit de vaquer o bon nous semblait nos affaires,notre facult de choisir notre gagne-pain (et mme den avoir un), nosmoyens d'lire un gouvernement : la famille a t dissmine, avilie,pitme. La dignit humaine a t foule aux pieds.

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    (1) Pour rpondre au dsir de M. H. Corcros, qui nous envoie cet article duMidi de la France, o il rside, nous faisons remarquer que cette tude sadresse desFranais. Mais les observations quelle contient sont si gnrales quelles gardent leurvaleur par del les frontires.

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    Lhomme est devenu un esclave muet et affam, sans vtements,sans linge, sans chaussures, sans chauffage, sans savon, sans hygine,sans soins mme (lorsquil tait malade).

    Des millions d'tres ont t enferms dans des camps de concentration ou incarcrs, comme prisonniers de guerre ou prisonniers politiques, alors que dautres subissaient les horreurs sadiques de la gestapoet quenfin d'innombrables victimes finissaient misrablement leur existence, froidement excuts, parce quils avaient commis le crime dtrens juifs, dtre communistes (ou rputs comme tels) ou parce quilspersistaient, contre tout espoir, penser et agir en Franais.

    Lhomme a t plac bien au-dessous des animaux sauvages et taitdevenu un jouet martyris et pitoyable, aux mains des tratres quiloppressaient, par ordre des envahisseurs teutons.

    En prsence de la triste ralit qu'est un pays pill et rduit

    lesclavage, nous avons pu mesurer combien Karl MARX et ENGELStaient passs loin de tout ce que pouvaient perdre les ouvriers, mmenon propritaires (et plus particulirement les communistes, qui figuraient parmi les vedettes de la rpression). Nous avons ainsi pu apprcier quel point les crivains, prtendus rvolutionnaires avaient vupetitement.

    Il est trop souvent tragique de constater quelle responsabilit peuvent ainsi imprudemment assumer des thoriciens politiques.

    Mais, nous venons de parler du communisme thorique. Il reste dire quelques mots des dirigeants communistes avant 1939, qui onttoujours jou double jeu, jusqu' la guerre. Ils taient contre la guerre,

    et la prdisaient cependant dans tous leurs crits, sans rien faire d'autrecontre elle que daccuser les gros capitalistes d'y travailler (non sansraison, comme nous le verrons) et pourtant ils se rjouissaient entreeux de cette perspective, parce qu'ils espraient qu la faveur de cesmassacres immenses (et de laffaiblissement qui en rsulterait) la rvolution, dite sociale pourrait se faire plus aisment.

    Faut-il enfin rappeler leur odieuse attitude au moment o Moscoupoursuivant des buts non encore lucids), faisait son alliance hideuse,mensongre et prcaire avec lhitlrisme, facilitant lAllemagne, parce geste, son entre en guerre contre la France et lAngleterre (1).

    Quelle stupeur de lire alors les manchettes de lHumanit (orchestre par Moscou) et approuvant grands cris lacte russe, accusant parsurcroit la pauvre France (proche victime dHitler) d'avoir tort de nepas tendre la gorge, pour se laisser sacrifier.

    Et que navons-nous pas vu dans cette guerre ?

    ( suivre.)

    * * *

    (1) Si lon suppose quil sagissait pour la Russie de gagner du temps, ctaitdabord un calcul criminellement goste, puisque ce rpit tait obtenu au prix de la

    mise sac dautres nations. Ce mme dlai eut pu tre gagn en ne salliant pas Hitler, qui ainsi, ayant une menace lEst et lOuest, aurait manuvr encore etne serait pas entr en guerre en 1939.

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    Pour une rforme spirituelleIl faut moins rechercher ce qui manque

    pour l'ap port er , qu e ce qu i existe , pourV enrich ir.

    D CH. GILLOUN.

    Tout dernirement, lInstitut Suprieur de Science et de Philosophie,qui sexprime par la prsente revue, runissait quelques uns de sesmembres autour de la ^table verte afin dtudier certains principes nouveaux, tendant rformer Spirituellement lindividu.

    1945 est une re de rformes. Cependant, la plupart de ces rformesont, jusqu prsent, t entreprises sur le plan politique, administratifou militaire. Quune rforme simpose, cel est indniable ; il faut releveret transformer les ruines spirituelles causes par la guerre. Chaque hommedsireux de construire un monde meilleur comme devoir d'arracherlindividu l'emprise exclusive du matrialisme.

    Comme le reconnaissait Sir Stafford Cripps dans un de ses derniersdiscours : Le problme actuel est, avant tout, un problme Spirituel .

    En effet, le problme est des plus urgents, tant du point de vuepolitique que social et religieux.

    Notre gnration ne mesure pas toujours la tragique gravit de larvolution accomplir. Les peuples exotiques, eux, ne sont pas indiffrents cette profonde transformation. Plus que jamais les races de couleur, aussi bien en Afrique quen Asie, et surtout en Amrique, tentent

    de se dbarasser de linfluence du blanc devenu trop matrialiste.Lhgmonie blanche est prs de prendre fin. Nous, Europens, sentons mal combien notre suprmatie est devenue prcaire. Comme le disaitNietzsche, nous vivons dangereusement .

    Il n'y a plus, comme c'tait le cas il y a une quarantaine dannesencore, unit de direction de la race blanche, de la civilisation Occidentale, sous l'gide de notre continent. Il est vident que, de plus en plus,ce sont les Etats Unis qui constituent le centre dattraction Spirituelle.Tout nous dmontre que nous assistons, selon lexpression dun crivainAmricain, une mare montante des races de couleur qui pourraitbien, un jour, monter l'assaut de la vieille Europe.

    En Afrique cependant, la suprmatie Europenne est susceptible dedurer longtemps encore, mais en Asie ses jours sont compts. Dsormaisla direction blanche est conteste matriellement et moralement. Seul unrelvement Spirituel peut sauver son prestige.

    Trop longtemps, l'Occident a cru, non sans naivet, quil reprsentait dans le monde LA Spiritualit ; les Anglais et les Amricains ensont encore largement persuads. Il faut pourtant oser avouer aujourd'hui que lOrient et lExtrme-Orient se sont fait de nous une autreimage. LEurope, pour la conqute du monde, a montr plus dnergiemaiciielle que Spirituelle.

    Aujourd'hui, les yeux se tournent vers ce Continent qui se trouve

    par del Atlantique et que nous appelons le Nouveau Monde .Cependant, l'Amricanisme, en dpit de son incontestable ralisme,exprime compltement la iiature de cet apport : sa notion du progrs, si

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    troitement lie l'efficacit et au bien-tre, n'est pas. au fond, Spirituelle.

    Notre Civilisation tend, en fait, l'organisation meilleure de la vie,en fonction des buts matriels. C est par cette seule volont de noushausser sans cesse, matriellement et socialement, au dessus de nous-mmes, que nous nous distinguons de lOrient rsign. Cette union dunmatrialisme forcen et d'un idalisme humain allant parfois jusquausacrifice, marque tout ensemble la grandeur et la misre de notre oeuvredans le monde.

    La culture Occidentale a cess d'envisager la vie sous un angleSpirituel. Nous croyons, comme Nietzsche, comme Cou, comme Pelman,que le seul effort physique et intellectuel est suffisant pour se sauver soi-mme et rorganiser lordre social pour notre plus grand bien dansce monde.

    Nous savons ce que vaut la doctrine. L'croulement du nazismedans cette guerre donne un flagrant dmenti ceux qui croient que,par son raisonnement seul, lhomme est capable de mettre de l'ordredans les affaires.

    Dans le drame qui se joue, et dont l'action est si rapide, le Spirituelet le temporel savrent troitement enchevtrs. Il faut, une fois pourtoute, que l'Humanit entire rejette une religion simplement rituelle etsociale, pour enfin sadonner cette religion Spirituelle dont Christ nousfait part dans son Evangile.

    La reconstruction matrielle et morale de lEurope et du monde n'estvraiment possible que par une puissante et profonde action Spirituelle.Donc, la condition de base pour construire une Cit de Justice et de Paixsera : INT EN SIFIER CH EZ L ' IND IVIDU LA VIE E T LE SEN TIM E N T D U N E V I E S P I R I T U E L L E .

    A . D E Z E E U W .

    Nous avons reu :

    VIA MUNDI , la route du monde, de Mr. L.-Flix Bou.(Les fondations de la socit bonheur et malheur lintrt et

    la justice droits et devoirs les religions et la morale moralesociale de l'avenir psychologie.)

    Cet ouvrage intressant a t vers la bibliothque de l'instituto il peut tre consult par les membres.

    Pour acqurir la Spiritualit il faut sy exercer sans relche ; mesure que lme fait des progrs dans cette voie elle y trouve plusdintrt.

    Quel que soit le chemin que vous suiviez, lessentiel est de porteren vous un ardent dsir de vrit.

    Ramakrishna.

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    et Philosophies, 71, rue de la Victoire, Bruxelles.

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