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SPIRALE - Revue de Recherches en Éducation - 1996 N° 18 (139-161) Alexandre LHOTELLIER LA DÉMARCHE DE CONSULTANCE ET LA FORMATION DES CONSEILLERS Résumé : La consultance, pratique du Tenir Conseil aux différents niveaux d’interaction sociale, demande à être mieux définie et le sens de sa démarche préci- sé. Un parcours de formation des Conseillers est proposé. Mots clefs : consultance, tenir conseil, action, rythmanalyse, démarche, for- mation des Conseillers, praxéologie, autoformation. I — LE SENS DE LA CONSULTANCE On ne peut pas continuer de faire semblant de confondre le « tenir conseil » avec des modèles, d’autres pratiques apparues à des époques antérieures et construites pour des objectifs différents, comme psychothérapie ou « examen psychotechnique ». On peut préférer, selon l’actualité des modes, des termes voisins différents : entretien, aide, audit, tutorat, médiation, accompagnement, bilan, « counselling », « coaching »,…, mais l’acte de conseil traverse les âges. Même si le terme ancien « tenir conseil : délibérer pour agir » est trop souvent devenu « donner des conseils », comme si le sens fondamental ne pouvait pas être retenu, comme si le travail des sciences humaines ne l’avait pas renouvelé. Le conseil des années quatre-vingt-dix est obligé d’engager une réflexion centrale sur sa mé- thodologie. Une pratique qui n’élabore pas son langage progressivement est condamnée à vivoter dans des emprunts conceptuels, des extrapola- tions rapides et abusives. L’absence de formalisation dans ce domaine risque de figer cette pratique dans des bricolages sommaires, des dog- matismes éphémères ou des condamnations partisanes. Il est temps de se souvenir de B. de Jouvenel (L’art de la con- jecture, 1964, Éd. du Rocher) : « Bientôt on s’étonnera que la prodi-

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SPIRALE - Revue de Recherches en Éducation - 1996 N° 18 (139-161)

Alexandre LHOTELLIER

LA DÉMARCHE DE CONSULTANCE ET LA FORMATION DES CONSEILLERS

Résumé : La consultance, pratique du Tenir Conseil aux différents niveaux d’interaction sociale, demande à être mieux définie et le sens de sa démarche préci-sé. Un parcours de formation des Conseillers est proposé.

Mots clefs : consultance, tenir conseil, action, rythmanalyse, démarche, for-mation des Conseillers, praxéologie, autoformation.

I — LE SENS DE LA CONSULTANCE On ne peut pas continuer de faire semblant de confondre le

« tenir conseil » avec des modèles, d’autres pratiques apparues à des époques antérieures et construites pour des objectifs différents, comme psychothérapie ou « examen psychotechnique ».

On peut préférer, selon l’actualité des modes, des termes voisins différents : entretien, aide, audit, tutorat, médiation, accompagnement, bilan, « counselling », « coaching »,…, mais l’acte de conseil traverse les âges. Même si le terme ancien « tenir conseil : délibérer pour agir » est trop souvent devenu « donner des conseils », comme si le sens fondamental ne pouvait pas être retenu, comme si le travail des sciences humaines ne l’avait pas renouvelé. Le conseil des années quatre-vingt-dix est obligé d’engager une réflexion centrale sur sa mé-thodologie.

Une pratique qui n’élabore pas son langage progressivement est condamnée à vivoter dans des emprunts conceptuels, des extrapola-tions rapides et abusives. L’absence de formalisation dans ce domaine risque de figer cette pratique dans des bricolages sommaires, des dog-matismes éphémères ou des condamnations partisanes.

Il est temps de se souvenir de B. de Jouvenel (L’art de la con-jecture, 1964, Éd. du Rocher) : « Bientôt on s’étonnera que la prodi-

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gieuse expansion des arts de moyen (technologie) ait tant tardé à être suivie d’une expansion des « arts de conseil ». Cette dernière se pro-duira à coup sûr, dans ce qui reste du siècle. »

La division actuelle des approches oppose stérilement les prati-ciens et renforce les tendances à défendre les habitudes et les posi-tions acquises.

La consultance est l’ensemble articulé des pratiques de « tenir consei » aux différents niveaux d’interaction sociale (relation-groupe-institution-culture…). Une telle méthodologie est rendue nécessaire par l’évolution des problèmes et des nouvelles technologies des prati-ques de conseil et de communication. Cela part aussi d’un principe fondamental : on ne peut plus considérer les phénomènes à part, cons-tituer des compartiments étanches et en même temps croire traiter des problèmes sociaux.

Mais aucun des niveaux d’interaction ne peut ignorer les autres, en amont ou en aval. Une consultation d’entreprise ne peut se faire sur le mode d’une conversation habituelle. Continuer à penser cela, c’est vouloir garder un pouvoir d’analyse sans rendre l’autre capable de se comprendre lui-même dans son action collective et personnelle à la fois, ou croire faire un travail scientifique à un niveau macrosocial en gardant une analyse naïve, primaire à un niveau microsocial (ou l’inverse).

Si l’on ne travaille pas à tous les niveaux, il y a une pensée écla-tée de l’intégration sociale. On peut voir, par exemple, à l’heure ac-tuelle, des moyens technologiques ultra-sophistiqués, maniés avec un esprit de hordes sauvages. Le temps des tribus cohabite avec la bu-reautique, la télématique, la domotique.

La consultance est l’art de tenir conseil à tous les niveaux d’existence dans tous les rapports humains interactifs pouvant se dé-velopper. Il y a un esprit commun du conseil à travers tous les niveaux d’interaction. Le microcosme de la consultance doit être homothéti-que au macrocosme de l’existence.

F. Guattari peut écrire dans Les trois écologies (1989, Galilée) : « seule, une articulation éthico-politique — que je nomme écosophie — entre les trois registres écologiques, celui de l’environnement, ce-lui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine, serait susceptible d’éclairer convenablement ces questions. »

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La consultance vise à créer une écologie du développement hu-main (rien à voir avec une quelconque mode écologique récente, mais déjà indiquée dans l’ouvrage de D.-H. Blocher Developpement coun-selling (Ronald Press NY 1966 — il y a 30 ans).

C’est dans cette interaction personne-situation-temps que les fondements du développement ou non-développement humain (exclu-sion, réifications, aliénations…) sont travaillés.

Il s’agit donc bien d’apporter une contribution à la construction d’un milieu où des apprentissages humains soient possibles. Tout ceci est bien lié au temps de part en part : la consultance est pro-active et pas seulement ré-active.

La consultance, ce n’est pas seulement la pluralité des modes de communication, c’est surtout la pluralité des modes d’action et la construction de nouvelles subjectivités dans le sens des processus de rationalisation sociale et culturelle (en quoi consiste, selon Max We-ber, la modernisation des sociétés occidentales depuis la fin du Moyen -Âge).

La consultance n’oppose pas les modes de communication et d’interaction, mais entend au contraire les utiliser simultanément ou successivement selon l’objectif. Un conseil de groupe peut très bien compléter (ou être vécu en alternance avec) un entretien de conseil, mais aussi un entretien téléphonique, etc.

Le conseiller a nécessairement une pluralité de rapports dans une opération de consultance. Il a donc à développer sa capacité d’être présent (et de différentes manières) avec chaque interlocuteur dans différentes médiations sociales. Si ces rapports ne sont pas travaillés méthodiquement, le conseiller comme son consultant restent piégés dans des pratiques empiriques aveugles, in-sensées (non situées par rapport à l’ensemble). Il n’y a pas, par exemple, « l’examen psycho-technique » qui serait sérieux, rigoureux et tout le reste « non scienti-fique » restant dans « l’à peu près » de chacun. La faiblesse fréquente de la consultance actuelle, c’est que très peu de dimensions de son développement sont prises en compte. On ne tient pas compte de la dynamique sociale si on excepte un seul maillon.

Le principe même du conseil est que tout est actif dans la déli-bération. De plus, l’évolution collectivisante du travail des sciences humaines (du cabinet de conseil à l’équipe d’une organisation,…)

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rend désormais manifeste la nature sociale de cette relation et exige qu’il en soit tenu compte. Le conseiller ne peut plus s’enfermer dans le modèle de la relation d’aide. Tous les systèmes sociaux signifiants pour les personnes sont pris en considération. Nous cessons de penser cet ordre silencieusement (l’intériorisant malgré son hétéronomie) pour examiner ce qui le conditionne et saisir les effets de pouvoir ré-ciproque.

La consultance est polyphonique dans ses médiations et plu-rielle dans son contenu. Il s’agit bien d’aborder sur une même scène les dimensions corporelles, imaginaires, rationnelles tout autant que les dimensions culturelles, politiques, économiques. Il s’agit bien de se ré-approprier ce qui a éclaté en problèmes spécialisés pour en limi-ter les dégâts, travailler à une constante re-singularisation des trajec-toires collectives et des destins individuels.

Il y a besoin de consultance pour imaginer de nouveaux scéna-rios de situations collectives difficiles, pour préparer les décisions, pour évaluer des informations, pour aborder des actions nouvelles, pour prendre en compte les variables qualitatives des problèmes de techniques nouvelles, pour permettre des apprentissages en commun, pour créer de nouveaux modes de vie, de travail et de loisirs, pour l’aménagement de problèmes de santé (et pas seulement l’informa-tion).

La consultance contribue à la création collective, à l’expérimen-tation sociale dans la vie quotidienne, comme aux actions d’orientation, d’insertion sociale et de formation. La consultance est nécessaire pour élargir le champ des possibles, pour dépasser la passi-vité sociale, pour créer le tissu social.

Il y a — il y aura — d’autant plus nécessité de consultance qu’il y a de problèmes de société urgents. Ce ne sont pas sondages d’opi-nions qui peuvent régler ces questions, mais vraies délibérations de ci-toyens, de personnes responsables — pour une société capable de ré-fléchir et de se décider après délibération active (rapports interperson-nels, groupes, institutions, associations, collectivités territoriales…), selon une éthique de la discussion.

La consultance ne vise pas seulement des résultats externes, mais aussi le changement des comportements, la capacité d’action de chacun, et le mode de raisonnement, d’imagination, de relation, etc.

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La consultance vise un renouvellement des rapports humains, une meilleure régulation des organisations. La consultance n’a pas seulement le souci d’une efficacité sociale, mais d’un développement humain. C’est notamment se soucier d’organisations qui ne créent pas, dès l’origine, des rapports de violence, de domination, d’infé-riorisation, etc.

Avec la consultance, ce qui est en cause, c’est l’ensemble des modes de vie : que fait-on du savoir de plus qu’avec la tradition et le simple bon sens ? Si on ne répond pas à cette question, ce n’est pas la peine de s’étonner de l’irrationnel dans les pratiques humaines.

Il s’agit donc, dans la consultance, de se rendre capable d’appré-hender cette problématique entière dans l’ensemble de ses implica-tions. Il s’agit de créer une veille, une vigilance des modes de vie, comme il y a déjà une veille technologique (innovations, nuisan-ces,…), non pas dans une perspective technocratique, mais dans une articulation éthico-politique.

Il y a besoin de consultance pour sortir de la somnolence, de la marginalisation du savoir. Il y a trop d’accoutumance à la parcellisa-tion du savoir, à la dominance du bricolage. Mails il y a aussi besoin de consultance pour apprendre à construire avec d’autres (l’étranger, le différent,…) les compromis nécessaires à toute action collective (aspirations, contraintes, intérêts souvent contradictoires) pour cons-truire de nouvelles solidarités.

Ce que je fais ne concerne pas seulement mon existence indivi-duelle, mais mon existence en tant qu’individu qui participe à une so-ciété dans laquelle il n’y a pas de tranquillité historique, mais où le phénomène de son organisation, de son institution, est ouvertement posé.

Le projet est que les hommes deviennent capables de prendre en main leurs propres affaires, et le seul moyen pour qu’ils deviennent capables de le faire, c’est qu’ils les prennent en main et cela de plus en plus (cf. toute l’œuvre de Castoriadis).

Il y a nécessité de consultance parce que les individus ne sont pas situés dans un vide social. Ce cadre, trop souvent oublié, ne peut plus être négligé tant il se complexifie. On ne peut pas fonder un acte social par survol, mais le social comme ancrage (enracinement) des actes, comme point de départ et point d’arrivée des actes posés ou à

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poser. Il s’agit donc de tenir compte de tous les paliers de la réalité sociale concernée à la fois comme horizon, ancrage et apprentissage permanents.

C’est à cause des pesanteurs, des blocages de la société qu’il s’agit de s’occuper du fonctionnement social pour éviter de rendre inopérant tout « tenir conseil » — pour qu’il ne soit pas immédiate-ment récupéré par un système social qui resterait répressif, écrasant, non signifiant pour la personne.

Mais la consultance n’est pas l’étude des phénomènes sociaux, existentiels dans leur totalité, c’est la construction (l’invention de la réalité) des rapport actuels et possibles de la personne, du groupe, de l’institution avec le contexte social, retenus comme constituant la si-tuation présente (qui n’est pas l’environnement total). Chaque déci-sion est traitée comme un problème posé à un ensemble préexistant, problème qui ne peut être résolu que par la mesure de l’impact de la société globale sur cette situation et par l’intégration d’éléments nou-veaux à cet ensemble.

La consultance consiste en partie à analyser le social dans sa propre pratique qui risque de rester seulement une énorme mécanique incompréhensible. Ce social est toujours en aval et en amont. En aval, il y a toujours demande et/ou commande sociale (en écho à l’offre ef-fective ou imaginée), saisies dans un cadre institutionnel précis (avec dispositif administratif, juridique, économique,…). Mais en amont, il y a tous les aspects négligés de l’opération et de ses conséquences (coûts négatifs éventuellement, coûts en qualité comme en quantité).

« Dans une société aussi complexe que la nôtre, écrit M. Crozier, qui a de plus en plus besoin de collectif, le système de l’État, qui décide pour autrui, qui impose la décision collective, de-vient de moins en moins supportable… quand le collectif est partout, sa gestion doit être renvoyée à des autorités beaucoup plus proches de la population, non seulement à des autorités publiques, mais aussi à des corps professionnels ou à toutes sortes d’autres institutions. »

Mais si « tout système social est avant tout un système d’action, c’est-à-dire du comportement humain motivé » (Parsons), on ne cons-truit pas la société à partir d’une personne ou d’un rapport social in-tersubjectif. Ce n’est pas supprimer le primat de la conduite indivi-duelle, mais rappeler que tout système d’action implique une pluralité

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de personnes et que chaque conduite se caractérise par un ensemble de valeurs et d’attitude suscitées (ou conditionnées) par la société. La consultance entraîne à déplacer l’attention de la personne-isolat à son réseau constituant, et à respecter tous les niveaux d’interaction sociale dans leur spécificité propre et leur interconnexion (petits groupes, in-tergroupes, institution,…). Cet ensemble est à considérer pour une vé-ritable construction de conduites autonomisantes. Pour libérer l’in-dividu, il est nécessaire de situer son repérage par rapport au système social global et différencié.

Il ne s’agit pas de considérer les phénomènes collectifs comme simple résultante de conduites individuelles (ou l’inverse), mais il s’agit bien de viser une société de personnes (subjectivations et non sujétions), ce qui n’est pas atomisme individualisant, pas plus que l’autonomie n’est autarcie.

S’il n’y a pas construction de consultance, une partie du travail de conseil est rigoureuse et une autre dépend des humeurs, des idéo-logies, des opinions et des préjugés de chacun. C’est, selon la méta-phore de J.-M. Domenach, le rapport du « sauvage » et d’un ordina-teur.

On ne peut pas laisser occulté ce qui rend possible et nécessaire le conseil, c’est-à-dire le social-historique. Une totalité effective est déjà là et c’est elle qui est visée. Mais la consultance ne vise pas une société « transparente », mythique ou tyrannique avec l’illusion d’un savoir global. La consultance est une contribution à l’institution de la société en tant que telle, délibérant explicitement sur son fonctionne-ment. Il y a d’autres voies : intrigues, luttes, guerres. La consultance n’existerait pas si le monde n’était pas organisable pour le rendre via-ble, mais de même, il n’y aurait pas besoin de consultance si les trans-formations pouvaient être magiques.

La consultance vise à la fois l’action et la formation. Ou la co-formation nécessaire à la préparation et à la prise de décision suivies d’effets : la consultance demande ainsi une mutation difficile, car la connaissance ne suffit pas.

« Le pire n’est pas toujours sûr »

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II — LA DÉMARCHE DE CONSULTANCE Si, dans la consultance, l’essentiel est l’agir du consultant client

(et non pas seulement son information, son projet, la connaissance de soi, etc.), la consultance est nécessairement centrée sur cet agir (sa pertinence, sa cohérence, son efficience). Ni les modèles de diagnos-tic, de thérapie ou d’éducation ne peuvent suffire à fonder ce travail. Si agir a pour sens fondamental : commencer, entreprendre, prendre des initiatives, cet agir est déjà présent dans les modalités de travail entre le consultant et le conseiller.

Tenir conseil, c’est travailler à rendre signifiante pour l’acteur, une action efficace. Cet accent sur l’agir sensé peut seul valider, en définitive, la démarche autonomisante d’un individu responsable. C’est l’action qui est formatrice. La connaissance ne suffit pas. Dévoi-ler la réalité ne conduit pas nécessairement à la transformer.

Donner la priorité à l’acte, c’est souligner que la conduite est seulement en acte. L’action n’est pas un discours appliqué, et l’agir produit du savoir non révélé par la théorie. L’action n’est pas un terri-toire découpé par la géographie des disciplines (économie, sociologie, psychologie, histoire,…).

L’action ne peut être « décomposée » en facteurs qui seraient chacun tout seul « explicatifs » de l’agir. L’action ne peut être psycho-logisée, sociologisée, économique,… L’action est un ensemble de conduites. Et chaque action est structurée en fonction de plusieurs ni-veaux de sens :

- l’expérience vécue immédiate (moment de subjectivation à explorer, à développer),

- le comportement comme transformation de l’expérience en ob-jectivation observable, communicable,

- la praxis, reprise du sens de l’agir au travers des rapports so-ciaux et de leur transformation historique.

Ces trois moments de conduite sont en interaction permanente.

Une action devient sensée par le travail à ces trois niveaux, et pas seu-lement par un seul. Ce qui entraîne le respect d’une approche micro-sociale autant que d’une approche macrosociale.

Et ce n’est pas sombrer dans la pseudo maîtrise d’un acteur sup-posé transparent ou calculateur omniscient, mais c’est prendre en

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considération la construction d’une rationalité pratique en se souve-nant d’Habermas : « La rationalité n’a pas trait à la possession d’un savoir, mais à la façon dont les sujets, doués de parole et d’action, acquièrent et emploient un savoir. »

Si l’action est prioritaire ou à développer, la situation de l’action l’est nécessairement.

S’il est impossible, dans un court article, de résumer correcte-

ment, sans trop le déformer, un travail plus long, on peut cependant en indiquer les axes majeurs. Il y a besoin de penser une conception radi-cale du conseil qui présente une démarche concrète et opérationnelle (laquelle peut être vérifiée, rectifiée, complétée : c’est une œuvre ou-verte).

Pour faire face à toutes les contradictions, contraintes, obstacles de sa tâche, le conseiller a besoin d’une démarche pouvant intégrer les multiples dimensions et moments de la situation. Une démarche, c’est une voie, un cheminement, pas un modèle arrêté — une histoire, pas un cadre statique. Une démarche ne peut pas être morcelée. Chaque moment se trouve intégré à l’ensemble et tire son sens de cette réfé-rence à l’ensemble. C’est la nécessité de l’ensemble qui s’impose à chaque détail. Il y a besoin de démarche parce que tenir conseil n’est pas un travail en miettes, un saupoudrage d’informations ou une jux-taposition d’opérations non coordonnées. La démarche est un fil d’Ariane, un fil rouge qui nous guide à travers la complexité d’une si-tuation, qui garantit la pertinence et la cohérence de l’ensemble du travail et suffisamment souple pour pouvoir évoluer. La consultance n’a de sens que par l’unité et la simplicité de cette démarche qui fonde des pratiques en situation.

La démarche active se définit par trois axes : 1. une visée de valeurs et une vision globale, 2. une écoute des processus en cours, 3. un rythme continue d’opérations, de méthodes, de procédu-

res, d’instrumentations, cohérent avec la visée et les processus. 1. La visée de valeurs et d’images symboliques fondatrices pré-

cise un esprit et une éthique. C’est l’orientation du sens et de la straté-gie de l’agir. Ce qui est visé, c’est l’auto-activation de l’agir sensé. Il

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s’agit d’être aussi performant dans la signification (recherche et tra-vail du sens) que dans la réalisation de l’acte (efficacité du résultat).

2. Par son écoute continue des processus en cours (éveil —

veille — vigilance), pour éviter de figer des mouvements, pour éviter une perspective statique, mécanique en coupant les processus de leurs conditions d’émergence (l’état naissant), pour suivre le développe-ment ininterrompu des événements. C’est l’écoute des flux, des noeuds, des crises, des blocages, des résistances au changement. Cha-cun des processus est une histoire se faisant et se défaisant. Le temps est rapport fondamental qui traverse toute réalité, non pas comme une donnée en plus, mais comme une construction permanente. Les pro-cessus sont trop souvent cassés, car ignorés, banalisés, arrêtés ou en-fermés dans des cadres étrangers (découpage à priori).

Mais c’est dans la rareté du temps, son coût, qu’intervient tout le travail de rythmanalyse. L’écoute des processus vise la flexibilité des actes et leur rigueur (résilience) contre la rigidité des routines.

3. Un rythme d’opérations, de méthodes, de procédures,

d’instrumentation en cohérence, en implication avec la visée de valeur et la vision globale, et avec l’écoute des processus implicites.

Le temps n’est pas donné, il est construit par les personnes, par les groupes, par les institutions, par les cultures,… Et c’est la multi-plicité des temps vécus qui est à chaque fois considérée : une lutte des temps institués et des temps instituants.

Et il y a en plus les temps différents des méthodes, des procédu-res, des instruments. Par exemple, la lourdeur de tel ou tel outil peut créer un retard ou un gaspillage de temps, ou au contraire la perti-nence d’un outil peut accélérer une conscientisation. Bachelard le rappelait dans Le nouvel esprit scientifique : « Les instruments ne sont que des théories matérialisées. » Il s’agit donc de concevoir des outils suffisamment sensibles.

La rythmanalyse est l’apprentissage continu de l’appropriation des temps multiples différents pour créer un rythme. C’est la maîtrise des « dialectiques de la durée », « la continuité psychique est, non pas une donnée, mais une œuvre » (Bachelard).

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La limitation de temps (le temps comme rareté) exige encore plus la construction d’un rythme personnalisé d’opérations (il s’agit bien plus que de gestion du temps). La perspective rythmanalytique souligne la construction d’une histoire unique à chaque fois, d’une histoire se faisant avec des vitesses différentes.

C’est l’articulation de ces trois dimensions (visée de valeur,

écoute des processus et rythme) qui donne à la démarche sa force d’action, car la consultance doit lutter souvent avec le dispositif (orga-nisation d’un système de travail) provoqué, institué par le contexte socio-historique du moment et le cadre institutionnel. La pratique du conseil est liée à toute une série d’institutions, de règlements adminis-tratifs, de contraintes économiques, d’urgences politiques, de régula-tion sociale qui manifeste l’enchevêtrement des effets de pouvoir et de savoir.

Présenter une telle démarche de consultance, c’est s’inscrire à la suite des travaux de K. Lewin à Argyris et Schon, de Rogers aux ap-proches québécoises (Pelletier et l’Activation du Développement vo-cationnel et personnel, mais aussi C. Lecomte, Y. Saint-Arnaud, Li-moges), mais aussi Egan, sans ignorer des approches françaises (Cro-zier, Touraine, Mendel, Dubost, Enriquez,…). Mais c’est aussi tenir compte des approches de G.H. Mead, de Goffman, de Garfinkel et l’ethnométhodologie. Et les nouvelles sociologies (Boltanski, Théve-not, sans oublier Weber, Elias,…). Et c’est même écouter des philo-sophes comme Bachelard, Ricoeur, Haberma, Deleuze, Foucault (ce qui n’est pas déchoir, C. Lecomte n’écrivait-il pas : « Etant donné les défis des prochaines années, le counselling et l’orientation ont un be-soin urgent de penseurs. » ?)

Cette démarche est animée par des principes établis pour orien-ter le travail commun. Ils permettent de baliser un cheminement ou-vert, dans « la résilience », avec rigueur et flexibilité.

A — PRINCIPES ORGANISATEURS DE LA DÉMARCHE 1 — Principe éthique Visée de valeurs 2 — Principe dialogique Partir de l’autre — Confrontation — Coopération 3 — Principe systémique

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Environnement — Situation — Personne 4 — Principe rythmanalytique L’écoute des processus, des temps, des blocages - construction des rythmes 5 — Principe méthodologique Ensemble d’opérations articulées entre elles 6 — Principe praxéologique Connaître par l’action 7 — Principe évaluatif Rétro-action — Autorégulation B — DÉROULEMENT DE LA DÉMARCHE Cette démarche travaille autant le contenant que le contenu des

actions, les raisonnements pratiques (Garfinkel parlerait des « ethno-méthodes »), que les résultats des actes. Un profil global peut être simplement indiqué ici — sans parler des méthodes, procédures, ins-trument utilisés — et ceci à des niveaux différents d’interaction so-ciale (entretiens, groupes, communication institutionnelle, communi-cation à distance, etc.).

COMMUNICATION

- Accueil — Présence — Écoute de la demande — commande - Explication du travail commun - Création d’une relation dialogique

- I - - L’écoute de la situation problème

- Le travail du sens - Le discernement du sens

- II - - Le travail fondamental de projet

- Le travail méthodique de projet - La construction de scénarios de projets (Objectifs)

- III - - La prise de décision

- La mise en oeuvre de l’agir - L’intégration de l’acte (le suivi et la mesure de la conséquence des actes)

- L’évaluation et la rétro-action

(de toutes les phases de consultance et de l’efficacité des actions)

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C — LA COMMUNICATION DE LA DÉMARCHE Depuis l’apparition de la cybernétique il y a près de 50 ans, la

communication est en crise avec l’idée d’une régulation sociale qui s’opérerait de façon rationnelle par des réseaux de machines commu-nicantes. Parler de société de communication est d’un certain point de vue une redondance car, de tous temps, les hommes ont échangé des informations. Mais l’usage massif des techniques dans ce domaine (ordinateur, médias,…) change le mode des rapports quotidiens.

La communication du conseil, considérée comme évidente ou subordonnée à des modèles anciens (psychotechnique ou clinique) demande à être repensée dans sa totalité.

Après son « explosion », la communication sociale risque de devenir une « utopie » : la grande illusion d’une société transparente.

Selon Varela (Connaître, p. 115) : « L’acte de communiquer ne se traduit pas par un transfert d’informations depuis l’expéditeur vers le destinataire, mais plutôt par le modelage mutuel d’un monde com-mun au moyen d’une action conjuguée : c’est notre réalisation so-ciale, par l’acte de langage, qui prête vie à notre monde… La vérita-ble trame sur laquelle se dessine notre identité. »

Ou encore : « Ce que l’on feint d’ignorer, c’est l’opposition en-tre information et savoir, c’est-à-dire le fait que l’information a ten-dance à supplanter le savoir et à promouvoir une nouvelle forme d’existence particulièrement superficielle… Le savoir véritable sup-pose que l’on ait compris, l’information demande qu’on la croie » (Watzlawick Les cheveux du Baron de Munchhausen, p. 234, 1991).

Il ne s’agit pas d’opposer communication à information, mais de comprendre comment la seconde peut rester captive de la première. L’information ne remplace pas l’expérience directe.

Si, un moment, le modèle de la communication de qualité a été l’entretien chaleureux, il ne peut plus être le seul recours pour l’activi-té de conseil. On ne peut pas réduire du social à de l’intersubjectif, mais pas davantage réduire l’entretien à une discussion rationnelle. Le conflit, les contradictions, la domination, la soumission, la hiérarchi-sation, l’argent, les règlements sont autant de facteurs à intégrer dans cette relation.

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Et a contrario, aujourd’hui, si les hommes sont faiblement « rencontrants » mais fortement « communiquants », il s’agit d’inté-grer la médiation des logiciels, la communication à distance.

La communication reste une lutte pour le sens. Tant qu’une in-formation n’est pas signifiante pour la personne (ou le groupe ou l’institution), elle reste problématique, inutilisée ou refusée ou consi-dérée comme agressive. Il se trouve que le mot sens a trois sens : la sensibilité, la signification et la direction. Nous recevons d’autant mieux un message qu’il nous parvient dans ces trois dimensions.

Si, pour Bateson, « communiquer, c’est entrer dans l’orches-tre », on peut remarquer que beaucoup de personnes sont exclues de l’orchestre. Et en ce sens, le travail de groupe est aussi un apprentis-sage nécessaire.

L’éthique implicite de communication demande à être sans cesse vérifiée. L’impératif existentiel de communiquer ne crée ni une transparence sociale, ni une rationalité évidente des conduites. Com-munication n’est pas consommation ou communion. Par exemple, dia-logique n’a jamais signifié consensus. Dès lors que l’on cesse de prendre une représentation superficielle du dialogue comme modèle de la communication sociale, elle apparaît un peu mieux dans sa com-plexité. Par exemple, justement, parce que le social ne se réduit pas à l’intersubjectif.

La communication, c’est aussi le lieu où « ça communique », c’est-à-dire une institution sociale, et ce lieu n’est pas indifférent. L’insti-tution change à la fois le mode de travail et le type de discours (cf. ANPE, AFPA, Missions Locales, Centre Interinstitutionnel de Bi-lan de Compétences, CIO, etc.)

Comme écrivait M. de Certeau, « le discours scientifique qui ne parle pas de sa relation au « corps » social ne saurait articuler une pratique. » Ce travail est de plus en plus organisé en équipes, par la médiation de crédits provisoires ou permanents, la magistrature uni-versitaire plus ou moins forte.

La création d’un espace public (Habermas) caractérise la com-munication publique. Il s’agit de mieux travailler l’axe de communi-cation, et cela dans trois directions :

1- Reprendre la « nouvelle communication » (école de Palo Al-to) sans la réduire à la double contrainte et au paradoxe, en pensant

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même que Watzlawick a évolué depuis près de 30 ans jusqu’au cons-tructivisme. Et déjà, la traduction en français du livre Pragmatics of Human Communication par Une logique de la communication peut donner à réfléchir.

2- Élaborer un modèle praxéologique de la communication (cf. L’agir communicationnel d’Habermas, mais aussi G.H. Mead, Quere).

3- Développer un sens expérientiel direct critique et créatif de la communication pour enfin dépasser la confusion créée autour de ce terme et ses effets pervers.

III — LA FORMATION DES CONSEILLERS D’ORIENTATION ET DES CONSEILLERS D’EMPLOI… 1 — Sens de la Formation Toute réflexion sur la formation des conseillers oblige à s’inter-

roger sur le genre de conseillers souhaité et sur leur professionnalisa-tion-formation. Si le conseiller n’est pas un inspecteur, un examina-teur, un contrôleur, un inquisiteur, il n’est pas davantage un gourou, un guide, un maître de vérité, un directeur spirituel. Mais on ne peut plus le prendre comme un simple facilitateur un peu naïf des rouages sociaux, situé dans un isolement paisible. Il n’est pas une belle âme, un apôtre de bons sentiments dans un milieu barbare. S’il n’est pas un expert de la pensée unique ou le guérisseur de sociétés, il est au cœur des contradictions, des conflits, des contraintes de cette société, com-me il est à l’écoute des violences et des souffrances.

Face à tout cela, il est de plus en plus amené à remplir de multi-ples tâches à différents niveaux d’interaction sociale (famille, groupe, institutions, culture…). Il devient à la fois écoutant, méthodologue, animateur, formateur, entraîneur, éveilleur, concepteur, innovateur, etc. Ce qui ne facilite pas la construction de son identité. Des repré-sentations anciennes (type gourou, devin) et modernes (type techno-crate) obscurcissent son action.

Le professionnel relève tout autant de compétences (savoir faire) que de connaissances (savoir acquis) et d’attitudes personnelles (le fameux savoir être). La formation n’a jamais complètement pris au

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sérieux, à égalité, les trois pôles de développement d’une profession. L’insistance sur les compétences semble aujourd’hui urgente.

Le conseiller a de plus en plus à travailler non seulement avec des personnes de tout âge, mais aussi avec des groupes, des institu-tions, des associations.

La profession de conseiller est atomisée, parcellisée ou étouffée selon les structures d’appartenance. Telle institution sera libérale, telle autre non. Dans telle institution, les conseillers peuvent se réunir pour perfectionner leur pratique, pour d’autres, c’est jugé inutile ou dange-reux.

Le praticien consultant n’est pas plus un chercheur qu’un expert ni un enseignant, mais pas davantage un simple applicateur ou un « exécutant ». Et devant toute nouvelle pratique, on ne peut pas tou-jours répondre qu’il est nécessaire de faire de nouvelles recherches. La pratique ne peut pas attendre.

Des milliers de conseillers exercent ce métier dans un embarras confus. Le diplôme éventuel (et combien de diplômes différents auto-risent cette pratique !) ne suffit pas à fonder une pratique, n’est pas équivalent à une compétence. L’embarras réside surtout dans une ab-sence de caractérisation forte de cette pratique.

Toute profession est à un moment historique une lutte sociale : tension entre position acquise de haute lutte et pression du devenir so-cial. La pratique est en avance sur ce qui est enseigné et en même temps réclame plus de savoir faire.

Le risque, à vouloir exclure naturellement les charlatans, les ap-prentis sorciers, est de figer le devenir de la profession à un moment donné, de la lier à des normes d’un passé dépassé, de créer une bu-reaucratie rigide qui décourage les innovations (ne plus oser faire quelque chose pour la première fois, c’est écarter Freud, Rogers, etc.).

L’éclatement de la fonction de consultance oblige à s’interroger de plus en plus sur les compétences nécessaires à ce travail. Quelles que soient les formations d’origine, il y a nécessité d’une formation spécifique à tenir conseil. Plus les conseillers ont des tâches dans la tyrannie de l’urgence (le mythe du conseil minute), plus ils ont besoin d’être préparés. La maturation ne s’improvise pas.

Malgré la perte de l’illusion d’une compétence acquise qui se-rait perpétuelle, la formation des conseillers se développe peu (même

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quand elle est offerte par les Institutions). Peut-être par manque de projet global enthousiasmant, par peur du coût économique, par résis-tance des services eu égard au temps consommé, mais aussi, peut-être, par la difficulté de partage avec des pairs (image négative de soi), par la peur de se remettre en question, de devoir changer, etc.

Si la formation n’est pas une panacée, c’est une nécessité. C’est une voie étroite qui naturellement révèle les faiblesses d’un métier, tout autant que celles des institutions. Il s’agit bien de visée prospec-tive à travers la diversité des ancrages institutionnels (cf. CIO, ANPE, AFPA, PAIO, CIBC,…).

On ne peut préciser ici le détail de toute une formation, mais on

peut proposer quelques réflexions. Une formation n’est pas un endoctrinement ni un endormisse-

ment laxiste. Entre ces deux pôles extrêmes, il s’agit bien de créer un éveil, un entraînement continu pour un état de veille.

Ni discours seulement, ni recettes. Pas davantage obéissance à des normes, mais formation expérientielle : un espace de formation rend possible l’expression de dilemmes, de confusions, d’impatiences, de peurs, de sentiments négatifs, de découvertes, de création, afin que tout cela soit situé dans un devenir formatif.

Et donc, surtout, construction de méthode, de pratique de soi dans les domaines nécessaires.

Comme une formation ne saurait être ni encyclopédique (super-ficielle, stérile et vite dépassée), ni éclectique (amas hétérogène qui autorise des bricolages changeants et non vérifiables), il s’agit bien de lui donner une centration qui permette par la suite, des acquisitions complémentaires. Cette centration choisie ici est la démarche même du conseiller, la démarche pratique.

Plus il y a de disciplines existantes pour contribuer à cette for-mation, plus est nécessaire la construction d’une démarche unifiante, axiale de ce travail spécifique du conseil qui ne peut être un travail en miettes. Le conseiller n’est pas situé comme identité spécifique quand il traverse ces disciplines (ou la dominance à sens unique d’une seule discipline). L’addition inerte de disciplines ne donne pas le sens du conseil.

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Une formation implique une éthique de responsabilité, un travail sur soi (un entraînement constant), un apprentissage de compétences, une évaluation de son travail, ainsi qu’une appropriation de l’ensem-ble. La formation est la construction d’une démarche pour transformer en expérience signifiante les événements quotidiens (généralement subis) dans l’horizon d’un projet personnel et/ou collectif. La forma-tion est entraînement méthodique permanent de la conscientisation et de l’actualisation de toutes les dimensions socio-existentielles d’une personne, d’un ensemble de personnes, de partenaires d’une institu-tion (dans l’horizon d’un projet collectif et personnel). La formation est ainsi un processus qui va d’une expérience à son élucidation, d’un comportement à sa vérification/réalisation, d’une praxis à sa critique.

La formation est une nécessité incontournable pour l’efficacité et la reconnaissance d’une profession. Se fera-t-elle ? Rien n’est moins sûr. Cela dérange tellement de conforts établis, cela implique un coût temporel et budgétaire. Mais le faire au rabais, ou faire sem-blant par saupoudrage, serait pire encore. Alors, on peut rêver, il y a tellement de réalisme autour de nous. Mais cela ne se fera pas sans un sursaut de l’ensemble des praticiens, dépassant les autocensures habi-tuelles face aux systèmes établis.

2 — Le Parcours de Formation • Formation initiale Plus il y a d’exigence professionnelle, plus le vieux débat

genre : faut-il former des psychologues ou enseigner la psychologie (que dire alors si nous ajoutons sociologie, économie ?), demeure pré-sent.

La difficulté paraît être le point de départ : comment exposer le champ des théories, des méthodologies, des pratiques, en sachant que les modèles proposés sont provisoires, et sans créer une dépendance excessive à l’égard d’un seul modèle ? Faut-il se contenter de majorer celui pour lequel on a une préférence ou une compétence ?

Tout un travail d’Habermas dans The Past as future sur « What theories can accomplish and what they can’t ».

Si la visée de compétence est dominante (et non pas le stockage de connaissances), on ne peut pas, dans une formation, se contenter de « démonstrations » rapides. Conduire un entretien, animer un groupe,

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écouter une situation d’entreprise sur le terrain, réaliser un projet de changement dans une organisation, ne s’apprend pas dans les livres, mais pas davantage à la sauvette. Il s’agit donc d’en tirer des consé-quences.

Le rapport au temps est primordial dans cette formation, mais autant dans sa qualité que dans sa quantité. L’étalement des heures ou leur regroupement, la continuité ou la discontinité des temps d’ap-prentissage créent des effets différents (cf. B. Schwartz « Formulation d’objectifs et gestion du temps » dans Éducation Permanente).

Un paradigme autre que scolaire paraît nécessaire, même si les contenus peuvent varier (cf. A. Lhotellier La Formation à la consul-tance — Document ronéoté Université de Nantes — 50 pages, 1995).

De nombreux points seraient à questionner : - Quelle forme de stage ? Quelle durée ? - Quelle supervision ou quel accompagnement ? Est-ce le même

travail ? - Quel mémoire ou quels mémoires ? Un mémoire de recherche

et/ou un mémoire de pratique (il s’agit de formation professionnelle) ? - Quels exercices, quels entraînements : globaux, focalisés - Quelles activités sur le terrain ? - Quelle instrumentation ? (méthodes, outils) Apprendre à construire sa propre démarche n’est pas subir les

normes d’un supposé cheminement idéal. • Pour la formation continue, qui est essentielle, il serait d’abord

nécessaire que les conseillers en soient eux-mêmes convaincus, car elle a plus de sens volontaire, recherché, inventé qu’imposé par une hiérarchie. Il s’agit bien de dépasser la négligence, l’indifférence, les réticences, les résistances à la Formation. Il s’agit bien de créer pour chacun, un véritable « practicum de Formation », c’est-à-dire un par-cours de formation, de recherche-action étendue sur la durée de l’exis-tence professionnelle, mais un practicum qui ait du sens pour cha-que conseiller.

Elle prend encore plus de sens par un développement volontaire en réseaux de groupes continus, plus que par des stages centrés sur des perfectionnements nécessaires. Créer des centres de ressource-

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ment, des lieux de paroles et de créations qui se gèrent eux-mêmes pourrait apporter encore une plus value à des initiatives spontanées.

3. Auto-Formation et Atelier de Praxéologie On se souvient du mot de Taylor : « Vous n’avez pas à penser,

d’autres feront cela pour vous. » Et s’il s’agissait au contraire de « penser son action » et de « réfléchir dans l’agir » ? L’auto-formation n’est pas le dernier gadget à la mode, l’auto-formation est le fonde-ment même de toute formation. L’auto-formation, c’est la construc-tion permanente de l’acte sensé dans des situations concrètes, c’est-à-dire rendre formative l’existence (et pas seulement les temps de for-mation).

« Tout être humain a besoin de devenir compétent dans son ac-tion et simultanément dans la réflexion sur son action de façon à ap-prendre à partir d’elle. »

Les professionnels compétents en savent ordinairement plus qu’ils ne peuvent en dire. Ils manifestent un savoir dans l’action dont la plus grande partie est implicite, tacite. Et si l’on ajoute la « LOI » d’Argyris et Schon : « Dans une situation difficile, il y a un écart sys-tématique entre la théorie professée par le praticien pour expliquer son comportement et la théorie qu’il pratique à son insu telle qu’on peut l’inférer à partir d’un dialogue réel » (cf. Saint-Arnaud — Connaître par l’action, p. 53).

La démarche praxéologique n’est pas un simple récit de pratique dont la spontanéité fonderait l’évidence. Face à l’attitude naïve du sens commun, face aux langages de mode plaqués, face aux savoirs dominants en miettes, il s’agit bien de reconquérir sa propre parole, encombrée de préjugés, faussée par des représentations dépassées, aliénée à des conditionnements réifiants, coincée dans des discours multiples.

Une formation à la démarche praxéologique ne peut naturelle-ment se développer que par cette démarche en construction continue pour chacun. C’est une formation-action à partir de situations réelles.

Il n’est pas question de développer ici complètement une conception d’atelier de praxéologie On peut cependant souligner les objectifs et quelques aspects. Il s’agit bien de viser l’accomplissement de l’agir (son efficacité, son efficience et son sens), d’augmenter le

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pouvoir d’exister, de réconcilier le savoir et le pouvoir d’entreprendre, de créer. Et pour cela :

- travailler à la découverte, à l’exploration, à la compréhension du modèle implicite global de l’acteur, travail commencé par un auto-questionnement (différent d’un questionnaire à réponses préétablies) et approfondi par un entretien (ou une série d’entretiens),

- travailler à partir de récits de pratiques décrivant des séquen-ces brèves d’action (comme des incidents critiques),

- travailler l’épreuve personnelle d’efficacité (cf. Saint-Arnaud — Connaître par l’action, Chap. 2, 1992 — Éd. Université de Mon-tréal),

- travailler plus longuement à un parcours entier d’action (de l’écoute de situation, de l’élaboration de projets, de décision, action jusqu’à l’intégration de l’action et la mesure de ses conséquences).

Mais les situations en cours ne sont pas les seules, on peut aussi

travailler à des situations passées ou à venir, à des situations sponta-nées ou organisées avec tout un protocole d’exploration. Et ici, de nombreux moyens peuvent être utilisés : le journal d’itinérance, le corpus des documents d’action, le reportage psychosocial, les métho-dologies de l’imaginaire et de l’anticipation, les histoires de vie, les jeux de rôle, le vidéo-feedback.

Un Atelier de Praxéologie part des interventions et des besoins des acteurs réunis pour s’entraider. Cela suppose un projet clair pour les partenaires volontaires, avec un contrat de base, supposant une implication réelle personnelle et une communication dialogique et des modes d’évaluation du suivi et de son accompagnement. La démarche praxéologique n’est pas réservée aux situations difficiles de la prati-que. C’est une approche formative de toute situation concrète.

De plus, nous avons besoin d’expression praticienne forte — par exemple, une écriture différente de celle des théoriciens et des chercheurs, pour qu’il y ait une vraie communication entre ces diffé-rents points de vue sur l’action. Il paraît indispensable qu’il y ait non seulement une rencontre réelle de l’information de terrain, mais la remontée de production de savoir par les conseillers eux-mêmes et une réelle prise en considération de ces travaux.

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CONCLUSION Le travail de consultance n’a pas pour idéal une société des ex-

perts dans laquelle on se tourne vers le spécialiste pour se décharger des décisions pratiques. La consultance travaille dans l’ambivalence constitutive de la modernité : d’un côté, l’affirmation de la rationalité et ses promesses d’émancipation et, de l’autre, les effets dévastateurs liés aux processus de rationalisation incessante des formes du vécu quotidien.

La consultance est confrontation continue à la contingence bru-tale, à l’urgence des situations difficiles, où les abstractions ne peu-vent servir d’alibi. Aussi la consultance n’est-elle pas un idéalisme de bonne volonté pour traiter ce qui reste quand on a tout décidé par ail-leurs. La dérision du conseil serait sa banalisation dans l’impuissance.

Mais le conseil est inéluctable, nécessaire, indispensable à la construction d’une société. Tenir conseil, c’est contribuer à l’écologie du développement humain.

Il s’agit bien de montrer le rôle clef du conseil dans les années à venir, de le sortir de son apparente faiblesse. Le fonctionnement mé-diocre du conseil ne peut qu’aider à vivoter des dysfonctionnements, non pas à construire des actions sensées.

Par exemple, plus on parlera d’échec social de l’orientation, plus il y aura à reprendre plus fortement le travail de conseil (je dirais même le « devoir » de tenir conseil) car les décisions ne sont pas ma-giques. Il ne s’agit pas de faire plus du même. Il s‘agit d’un change-ment d’optique qui permette de déconditionner des pratiques en-gluées.

La vigueur du conseil — et non pas son ronronnement conforta-ble — peut produire un savoir nouveau issu de la pratique. Mais tant qu’on continuera à faire comme si le conseil n’existe pas en soi, mais n’est que l’annexe de pratiques nobles et le conseiller, le supplétif obligé de la dernière mesure gouvernementale, il ne faudra pas s’éton-ner du manque de force de cette pratique.

Il s’agit donc de raviver l’intérêt du conseil, l’importance de ses enjeux. Peu à peu, une langue de la pratique se construit. Mais trop de chapelles, d’ignorances réciproques demeurent pour avancer en force. Il n’y a jamais de vrai débat autour du conseil, encore moins de ré-unions régulières. On parle beaucoup plus d’aide, de thérapie, d’ac-

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com-pagnement des mourants, d’expertise, alors que des milliers de conseillers travaillent avec difficulté tous les jours.

Une mise à plat complète des pratiques paraît de plus en plus urgente pour clarifier les langages différents, les statuts et les rôles de tous les conseillers, pour éviter les gaspillages de vie humaine. Une mise à plat pour permettre à la consultance de croître, de se renouve-ler, c’est-à-dire de redéfinir ses structures fondamentales pour s’adapter à un environnement sans cesse fluctuant. Une mise à plat pour une vraie discussion ouverte où serait entendu le sens de chacun dans sa différence. Rien ne se fera sans une approche dialogique pour permettre l’écoute des silences, des autocensures, des rapports pou-voir-savoir.

Le tragique, c’est d’empêcher de vivre pleinement tous les jours face aux enjeux fondamentaux de la consultance qui, comme la science, est « un modèle de la solidarité humaine » (Rorty).

Alexandre LHOTELLIER

ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

1 - A. LHOTELLIER — « Des outils peut-être, une démarche théori-que et pratique sûrement » Actes du Congrès « Orient’Ac-tion », Niort 1992.

2 - A. LHOTELLIER — « Action, Praxéologie et autoformation » — Éducation Permanente, n° 122, p. 233-243, « L’autoforma-tion en chantier ».

3 - A. LHOTELLIER et Y. SAINT-ARNAUD — « Pour une démar-che praxéologique » — Nouvelles Pratiques Sociales Vol. 7, n° 2, automne 1994, p. 93-111.

4 - A. LHOTELLIER- « Autoformation et praxéologie » — Éducation n° 2, février mars 1995, p. 42.

5 - A. LHOTELLIER- Bilan du conseil. Vers la consultance des an-nées 1990. La Documentation Française, 1996, à paraître.

6 - A. LHOTELLIER- L’Atelier de Praxéologie (document Université de Nantes), 1995

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7 - A. LHOTELLIER — « Pour une formation générale nécessaire » — Revue de Carrièrologie, vol. 4, n° 1, 1989

8 - A. LHOTELLIER- La consultance. Méthodologie du « Tenir Conseil », 350 pages (à paraître 1996)