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Le livre

Dans quelques jours, Finn aura seize ans et il devra partirpour la forteresse de Lur, où les Vénérables Maîtres lui apprendront la sorcellerie. Car Finn est le fils bâtard deMiricaï, le plus grand et le plus mystérieux de tous les sorciers. Il n’a jamais vu son père, mais il est sûr d’avoir hérité de ses dons. D’ailleurs, personne n’en doute. Maispour l’instant, c’est une fête qui attend Finn, le«Wexeliendfui’unfodemthhglyigframftieth », dit le Wex, la Fête du Mot Imprononçable…

Ce livre est le premier tome de la série Sorcier ! qui en comptehuit.

L’auteure

Moka est née en 1958 au Havre. Elle est diplômée de

l’Université de Cambridge. Très jeune, elle connaît un

grand succès avec son premier roman, Escalier C, dont elle

écrit elle-même les dialogues pour le cinéma. Elle a publié

quatre romans pour adultes, et se consacre à la littérature

pour la jeunesse depuis 1989. Ses domaines de prédilec-

tion : le fantastique et l’angoisse. Elle n’écrit pas pour exor-

ciser ses peurs puisqu’elle n’en a pas ! C’est le goût pour la

construction des énigmes, du suspense, pour le surnaturel

qui l’ont poussée à explorer ce terrain. Mais les livres de

Moka ne sont pas tous habités par des forces maléfiques et

ne dégagent pas tous des relents de soufre… elle écrit aussi

pour les petits et met en scène les bonheurs et les malheurs

de la vie des enfants !

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Moka

Sorcier !1. Menteurs, charlatans et soudards

Neuf l’école des loisirs

11, rue de Sèvres, Paris 6e

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Chapitre 1Finn le fainéant

Finn chercha le fil de coton blanc dans son panier. Iln’y en avait plus beaucoup. Finn en fut fort contra-rié. Il avait commencé une série de petits lapins sursa nouvelle broderie. Il tint le carré de toile à boutde bras pour juger de l’effet. Peut-être serait-il judi-cieux de mettre des fleurs à la place d’un des lapins ?Il se décida en faveur d’un bouquet de carottes, plu-tôt. Il garderait le motif floral pour l’encadrement.

Finn reposa la broderie puis s’étira. Il faisait bonà l’ombre du grand saule pleureur. Le ruisseau étaitpresque asséché par la chaleur. Ce devait être inte-nable dans l’école. Finn se mit à ricaner. Lui n’yallait pas ! Pourquoi s’enfermer dans une salle pous-siéreuse quand il fait beau ? Pour apprendre à lire ?Aucun intérêt.

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Le meunier du village passa sur le sentier entirant un âne rétif. Eh oui… Les autres travaillaientdur. Finn ne faisait rien. Enfin si : de la broderie.Quand il en avait assez de flemmarder dans la nature,il rentrait à la maison et se faisait servir par sa mère.Et il ressortait à la nuit tombante pour aller draguerles filles. C’était probablement le seul moment où ilse fatiguait un peu. Les filles, il fallait leur parler. MaisFinn était doué à ce jeu-là ! Demain aurait lieu leWexeliendfui’unfodemthhglyigframftieth. Tout le mondedisait «Wex » parce que le mot était imprononçable.C’était fait exprès : c’était la fête du Mot impronon-çable. On se perdait en conjectures sur le sens. Cha-cun avait sa petite explication. On admettaitgénéralement qu’il s’agissait d’un très ancien termede sorcellerie. Cela n’avait aucune importance, detoute façon. On s’amusait, on dansait, on chantait,on mangeait, on buvait… Et on finissait à l’aubedans un coin discret avec une ou deux filles.

Donc, dans l’ensemble, la vie de Finn n’était pasdésagréable.

Finn regarda au-delà des haies de viorne obier etde sureau noir. Les collines au doux arrondi étaientbleutées à l’horizon. Qu’y avait-il derrière ? Aunord, s’étendaient de profondes forêts aussi redou-

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tables que redoutées. Au sud, certains prétendaientqu’on trouvait un aride désert sans fin. Très loin versl’est, la terre rencontrait la mer dont la réputationégalait celle des forêts septentrionales : dangereuse,imprévisible, effroyable. Le pire cependant était àl’ouest. Là, croyait-on, était le Royaume du Malabsolu. Finn n’avait pas l’intention d’aller le vérifier.

Sur le chemin du retour, Finn croisa Duratte, lemaître d’école. Celui-ci fronça les sourcils et caressasa longue barbe grise d’un air mécontent.

– Pas venu encore aujourd’hui, fainéant ! lança-t-il.

– Vous ne devriez pas vous adresser à moi sur ceton, répondit Finn.

– Parce que tu t’imagines que tu me fais peur,freluquet ?

Finn agita la main comme pour s’éventer. C’étaitune façon de signifier : «Cause toujours, vieuxdébris ! » Duratte haussa les épaules et continua saroute en marmonnant. Finn se retourna et le regardas’éloigner. Il avait bien entendu. Duratte avait dit :« Tu riras moins dans une semaine. » Or, dans trèsexactement six jours, Finn aurait l’âge de seize ans.Il fronça les sourcils puis décida que Duratte n’étaitqu’un vieillard débile.

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Une légère fumée blanche s’élevait au-dessus desa maison. Loudana, sa mère, préparait le dîner. Tantmieux, il commençait à avoir faim. Un fumet depoisson grillé parvint à ses narines. Il grogna enpoussant la porte.

– Encore ! protesta-t-il. J’ai envie d’une bellepoularde rôtie !

Loudana épluchait des panais, assise à la table.Elle paraissait toujours jeune et fraîche malgré unembonpoint qui menaçait de se transformer en obé-sité. Son visage, autrefois joli, était malheureusementaussi grassouillet que le reste. Les yeux res taientremarquables, cependant, d’un étonnant bleu grisdont avait hérité son fils. Hélas, son regard étaitd’une telle stupidité qu’il gâchait tout.

– Mais ça coûte un demi-boisseau d’épeautre !répliqua-t-elle.

– Je ne vois pas où est le problème. Le fermiert’en donnera une !

– Il ne veut plus, avoua Loudana honteu se -ment.

– Comment ? tempêta Finn. Est-ce qu’il a oubliéqui j’étais ?

– Ben… il dit que, pour le moment, tu n’es pasgrand-chose…

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Finn laissa tomber sa mâchoire inférieure etparut soudain aussi stupide que sa mère.

– Mais ce n’est pas grave ! s’empressa d’ajouterLoudana. Le pêcheur m’a fait cadeau de ces…

– Je ne suis pas grand-chose ! hurla Finn. Moi ?Moi ?

– Je t’en prie, ne crie pas, implora Loudana. Iln’a pas le moral, le pauvre homme. Avec sa femmemalade et ses huit enfants… Et puis les furets lui ontcroqué quelques poules.

– En quoi ça me concerne ? fulmina Finn. Jevais lui apprendre le respect, à ce paysan !

– Voyons, mon garçon… Il faut faire preuved’un peu de compassion envers le commun desmortels.

À ces mots, Finn se tourna instinctivement versle morceau de miroir accroché sur le mur. Il souriten contemplant son reflet. Il n’était en rien compa-rable avec le « commun des mortels ». D’abord, ilétait beau. Peut-être ni tout à fait assez grand niassez musclé. Il avait tout de même fière allure. Maisson physique, en dehors du fait qu’il en était satis-fait, n’était pas le plus important. Finn était un êtred’exception. Du côté paternel. Parce que, du côtématernel, ça laissait à désirer…

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Loudana était fille mère. Autrement dit, Finnétait un bâtard. Mais pas le bâtard de n’importe qui.Celui de Miricaï le Grand. Le plus grand de tous lessorciers. Le plus mystérieux aussi. Finn s’était sou-vent demandé comment un tel personnage avait puêtre séduit par Loudana. Parce qu’il fallait bien lereconnaître : elle était d’une bêtise affligeante. Sansdoute, quelque seize années auparavant, Loudanaavait eu pour elle la jeunesse et la beauté. Miricaïn’avait pas dû perdre son temps à lui faire la conver-sation. Et puis il ne s’était pas attardé dans les envi-rons, c’était peu de le dire… Miricaï s’était volatilisé.Totalement. Absolument. Définitivement, peut-être… Même les Vénérables Maîtres Sorciersn’avaient aucune idée de ce qui lui était arrivé. Celane semblait pourtant pas les surprendre. Miricaï avaittoujours été un solitaire, un esprit libre et indépen-dant, un brin rebelle sur les bords. Il n’écoutait per-sonne, les Vénérables Maîtres Sorciers encore moinsque les autres. Ces derniers lui en gardaient une cer-taine rancune. Ils évitaient d’exprimer leurs griefscar, même disparu et introuvable, Miricaï était craintpar ses pairs. Quant aux autres, rien que l’évocationde son nom suffisait à les terroriser. Ainsi, depuisqu’il était né, Finn bénéficiait de la protection

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d’un… absent.Les avantages étaient multiples. Finn faisait tout

ce qu’il voulait. Les villageois et les paysans les nour-rissaient, lui et sa mère, sans qu’ils aient besoin depayer ou de travailler. On les respectait, par peur.L’ombre menaçante de Miricaï y était pour beau-coup, mais ce n’était pas la seule raison. Finn lui-même était destiné à devenir un sorcier. Et quipouvait affirmer qu’il ne deviendrait pas plus puis-sant encore que son père ? Son hérédité était déjàune garantie. Pour le reste, les Vénérables MaîtresSorciers s’en chargeraient. Finn, à l’âge d’homme,irait apprendre tous les secrets, toutes les formules,toutes les potions auprès d’eux. Or Finn serait unhomme à ses seize ans. Ça, c’était l’inconvénient…Il devrait aller à l’école ! Mais l’école des MaîtresSorciers, ce n’était quand même pas pareil que cellede Duratte. D’ailleurs, Finn ne doutait pas uneseconde qu’il était formidablement doué pour lamagie. Il ne lui manquait que quelques enseigne-ments et un bon grimoire. En attendant, Finn étaitbien décidé à profiter de ses six derniers joursd’insouciance et de plaisir.

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L’occasion de se distraire ne tarda pas à se pré-senter avec la fête du Wex. Les habitants du comtéd’Anabé se retrouvaient tous au village de Gobar-don pendant un jour et une nuit. Chacun apportaitquelque chose, victuailles, boissons et instruments demusique. Finn et Loudana venaient les mains videset profitaient de tout.

La journée était essentiellement dédiée à se rem-plir la panse et à s’humecter le gosier. Les moins pré-voyants ou les plus mauvais danseurs roulaient sous latable avant le coucher du soleil. Les autres s’ingé-niaient à trouver un équilibre satisfaisant entre man-ger et boire beaucoup et rester suffisamment fraispour danser et flirter la nuit venue.

Finn ne dédaignait pas la bonne chère. Il seméfiait davantage de la mauvaise bière trop alcoo -lisée qui vous flanquait généralement la coliqueavant de vous soûler. Installé sous le charme de laplace, Finn se délectait d’une grosse et bien grassecuisse de poularde. Il observait avec amusement lemanège de l’insolent Quintus à quatre pattes sous lestables. De là, Quintus soulevait les jupons des fillesqui servaient les plats. Il finit par être débusqué parla jolie Malgosia, qui le chassa à grands cris. Malgréses protestations sévères, Malgosia ne pouvait

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s’empêcher de rire. Quintus détala pour mieuxrevenir taquiner ces demoiselles en dénouant lesnœuds de leurs tabliers blancs.

Finn bâilla en regardant le soleil décliner. Bizar-rement, il se mit à penser à ce qu’il y avait (peut-être) dans ces contrées lointaines de l’Ouest. C’étaitquoi, au juste, le Royaume du Mal absolu ? Per-sonne n’en parlait vraiment. À peine l’évoquait-onpour effrayer les gamins désobéissants. Mais cen’était que pour décrire des créatures maléfiques etprobablement imaginaires, dont le seul but dansl’existence était de dévorer les vilains enfants. Peucrédible, en somme… Finn se demanda si les Véné-rables savaient quelque chose à ce sujet. Il ressentitsoudain une grande excitation. Oui, il allait sansdoute apprendre de terribles secrets. Les sorciersétaient des voyageurs. Ils parcouraient le monde desannées durant. Certains rejoignaient ensuite l’écoledes Maîtres dans l’impressionnante forteresse de Lur.De toute évidence, ils rapportaient de précieusesinformations de leurs périples. Quant aux autres…D’étranges histoires circulaient sur ces magiciens quirefusaient de se plier aux règles. Le petit peuple lesappelait les Renégats. Il y avait aussi, semblait-il, desmoines sorciers.

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On aimait se raconter, au coin du feu, les Chro-

niques de Lur, qui relataient les aventures de sorciersmythiques. Les Vénérables, comme par hasard,avaient toujours le beau rôle.

Miricaï jouissait d’un statut particulier. D’un côté,les Maîtres semblaient le considérer comme l’un desleurs. D’un autre, ils lui déniaient sa place parmi eux.Qu’était-il au juste ? Tout ce que Finn avait puentendre sur son père tenait plus de l’affabulation quede la réalité. Quoique… Personne n’en était sûr. Qui,dans le comté, était allé vérifier si Miricaï avait occisun monstre marin ou affronté des dragons du désert ?Qui avait seulement vu un dragon ?

– Tu es curieusement sage, aujourd’hui ! dit unevoix moqueuse.

Finn sursauta. Malgosia le regardait en souriant,un pichet de bière à la main.

– Je me réserve pour cette nuit, répondit mali-cieusement Finn. M’accorderas-tu la première danse ?

– Je l’ai déjà promise à quinze ou vingt jeunesgens plus beaux que toi !

– Plus beaux ? Impossible !– Quel insupportable prétentieux tu fais !Mais les yeux de Malgosia riaient. Finn se garda

de dire que ce n’était pas la première danse qui

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l’intéressait. Plutôt la dernière… celle où il pourraitentraîner Malgosia derrière les bosquets d’alisierspour l’embrasser.

– Le voilà ! Le voilà !La foule s’agita aux cris enthousiastes des guet-

teurs. Instinctivement, les femmes réajustèrent leursvêtements et lissèrent leurs cheveux. Les hommes seredressèrent en essayant, vainement pour certains,d’avoir l’air digne. Les enfants sautèrent des arbresd’où ils guettaient l’arrivée du Vénérable Dystar, leGrand Maître de Lur.

Finn se leva. On n’accueillait pas un tel person-nage en restant affalé sous un arbre. D’autant qu’ilespérait bien faire bonne impression.

Les notables du comté se pressèrent pour l’ac -cueillir. Il s’ensuivit une bousculade, chacun voulaitêtre le premier à saluer le sorcier. Finn hocha latête : c’en était fait de la dignité ! Mais il n’y avaitguère mieux à espérer de tous ces bouseux. MaîtreDystar ne semblait pas s’en formaliser. Il y avaitmême l’ombre d’un sourire dans sa longue barbeblanche. On lui offrit un siège à la place d’honneur,sous l’immense chêne emblématique de Gobardon.Olri, le vacher, lui tendit un verre de bière dont ilrenversa une partie. Olri était fin soûl. Les notables

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prirent un air consterné. Dystar, stoïquement, essuyasa robe pourpre et refusa poliment la boisson.

Finn se fraya un chemin à travers la foule. Il restacependant à l’écart, presque humblement. Les nota blesfaisaient la conversation, et c’était pathétique.

– Il fait beau, n’est-ce pas ? Prenez un peu decette délicieuse limonade. Vous avez marché si long-temps, vous devez être assoiffé ! C’est ma femme quil’a faite ! Y en a pas de meilleure ! Heu… et la santé,ça va ?

Dystar répondait d’un mot ou deux, toujours ami-cal. Finn se demandait comment il pouvait supporterles bavardages de tous ces pauvres imbéciles. Brusque-ment, le regard du Vénérable se posa sur lui. Finn eutsoudain un coup de chaud. En dépit de son apparentebonhomie, Dystar n’était pas un tendre. On ne deve-nait pas le Grand Maître de Lur à force de gentillesse.La rumeur prétendait même que Dystar avait éliminéses opposants en leur jetant un sort. Finn n’y croyaitpas mais il était persuadé que le Vénérable n’était pasqu’un maître en sorcellerie. C’était aussi un subtil stra-tège qui avait su trouver des alliés influents au seindu conseil de Lur. Des ennemis, il en avait sûrement.Seulement personne n’osait l’affronter en face.

Le sorcier fit signe à Finn de s’approcher. Tout le

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monde retint son souffle. Et dans le silence, Olrientonna un chant paillard qui finit brutalement enun rot monstrueux. Un des notables venait de luiasséner un coup sur la tête avec son pichet de bière.Olri s’effondra par terre.

Dystar continua comme s’il ne s’était aperçu derien.

– Te voilà presque un homme, si je ne m’abuse…– Dans cinq jours, Vénérable, répondit Finn en

pensant « bientôt quatre » car le soleil disparaissait àl’horizon.

Le Grand Maître se leva et ne parut plus s’inté-resser à lui. Il n’était pas venu jusque-là pour par -ticiper aux beuveries. La fête du Wex démarraittraditionnellement le cycle d’été. Dystar avait ledevoir de lancer quelques incantations magiques augré du vent. Le vent les emporterait pour ensemen-cer les champs. Les récoltes étaient ainsi protégéesdes maladies et des parasites.

Finn écouta attentivement les mots incompré-hensibles que marmonnait le Grand Maître. Cela nedura que quelques instants. Puis Dystar salua lesnotables qui le remerciaient pour sa précieuse pro-tection. Il n’avait pas l’intention de s’attarder pluslongtemps. La route était longue jusqu’à Lur, mais il

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la ferait dans la douceur de la nuit naissante.– Alors, à bientôt, Finn, fils de Miricaï, dit le

Vénérable sans daigner le regarder.Il se mit en marche, s’appuyant légèrement sur le

long bâton sculpté, symbole de son rang et de sacharge. L’obscurité le fit disparaître. Olri commença àgeindre en se frottant le crâne. Ce fut le signal : on seremit à boire et à manger. Puis les musiciens s’accor-dèrent et les couples se formèrent pour la danse.

Plus tard, bien plus tard, Finn et Malgosia setrouvèrent un bon coin pour s’embrasser en toutetranquillité.

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Chapitre 2Derniers jours de liberté

Le lendemain de la fête du Wex, Finn le passa à dor-mir. À cause de la bière ou de la nourriture trop riche,son sommeil n’était pas des meilleurs. Il ne cauche-mardait pas réellement mais il se sentait troublé. En finde journée, il se leva, exaspéré par la chaleur moite quirégnait dans sa chambre. Le ciel était chargé et lourdd’un orage qui n’arrivait pas à éclater.

Finn sortit dans l’espoir de trouver un peu defraîcheur sous les alisiers blancs. Il fut surpris d’aper-cevoir Malgosia sur le chemin. Elle sembla hésiterpuis, brusquement, marcha vers lui d’un pas décidé.Finn flaira les ennuis. Il était trop tard pour se réfu-gier dans la maison.

– Te voilà enfin ! dit Malgosia.– Enfin ? s’étonna Finn. Quoi ? Tu m’attends

depuis longtemps ?

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– Pas du tout ! se récria-t-elle.Finn n’en crut pas un mot et la regarda, gogue-

nard. Cela ne fut pas du goût de la jeune fille.– Oh, ne va pas t’imaginer que je me languissais

de toi, prétentieux ! Je voulais simplement que nousayons une conversation sérieuse.

– Ben, « sérieux », ce n’est pas trop dans mescordes, répliqua Finn, redoutant la suite.

– Je ne te demande pas de m’épouser. Je ne suispas folle à ce point !

Elle s’assit à ses côtés et contempla un momentle bout de ses mules tressées.

– Je veux juste savoir si tu tiens un peu à moi,finit-elle par dire d’une voix plaintive.

Finn retint un soupir qui risquait d’être malinterprété. Ou trop bien…

– Tu es la seule dans mon cœur, répondit-il pru-demment.

– Menteur ! Si ? C’est vrai ?– Les autres filles ne comptent pas ! affirma Finn,

car ça ne l’engageait pas à grand-chose.– Alors, pourquoi tu veux me quitter ?– D’où te vient une idée pareille ?– Tu vas partir et me laisser pendant… pendant

des mois, des années peut-être !

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Du même auteur à l’école des loisirs

Collection NEUF

Sorcier ! 2. Le Frélampier

3. Le premier temps du chaos4. L’Honorable et le Monarque

5. L’Étoile6. Les quatre Dragons7. Secrets et confiture8. La fin du monde

La chose qui ne pouvait pas existerWilliams et nous

Un ange avec des basketsVilaine fille

Un sale moment à passerL’esprit de la forêt

Jusqu’au bout de la peur

Collection MÉDIUM

Ailleurs rien n’est tout blanc ou tout noirLe puits d’amour

Un phare dans le cielL’enfant des ombresLa marque du diable

Derrière la porteL’écolier assassin

CelaLe petit cœur brisé

La chambre du penduJeu mortelPourquoi ?

C’est l’aventure (recueil de nouvelles collectif)Ailleurs

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© 2009, l’école des loisirs, Paris, pour l’édition papier© 2014, l’école des loisirs, Paris, pour l’édition numérique

Loi n° 49.956 du 16 juillet 1949 sur les publicationsdestinées à la jeunesse : septembre 2009

ISBN 978-2-211-21848-1 978-2-211-21928-0