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N° ACADEMIE DE PARIS
Année 2004
MEMOIRE
Pour l’obtention du DES
d’Anesthésiologie Réanimation Chirurgicale Coordonnateur : M. le Professeur F. BONNET
Placenta praevia : à propos de 200 cas Sous la direction du Professeur Yves OZIER et du Docteur Alexandre MIGNON. Présenté et soutenu le 08 octobre 2004 par Mélanie DUPONT.
Jury : Monsieur le Professeur Dominique FLETCHER, rapporteur Monsieur le Professeur Francis BONNET Monsieur le Professeur Alexandre MEBAZAA Monsieur le Professeur Louis PUYBASSET
Sommaire
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Introduction :............................................................................................................................ 3
Sujets et Méthodes :……………………………………………………… 8
Résultats : ....................................................................................................................................... 11 1- Incidence du placenta praevia à Port-Royal de 1993 à 2003 : ..................................................................... 11 2- Techniques anesthésiques et voies d’accouchement : .................................................................................. 12 3- Caractéristiques des patientes : .................................................................................................................... 12 4- Techniques anesthésiques en fonction du placenta et des conditions de réalisation de la césarienne :........ 14 5- Devenir maternel en fonction du mode d’anesthésie : ................................................................................ 15 6- Morbimortalité néonatale :........................................................................................................................... 16
Discussion : .................................................................................................................................. 16 1- Résumé des résultats : ..........................................................................................Erreur ! Signet non défini. 2- Discussion des résultats : ............................................................................................................................. 17
Epidémiologie du placenta praevia :............................................................................................................ 17 Conséquences et complications maternofoetales du placenta praevia :....................................................... 18 Epidémiologie et prise en charge des formes graves de placenta praevia : ................................................. 19 Stratégie anesthésique : ............................................................................................................................... 20
3- Limites de l’étude : ...................................................................................................................................... 22 4- Implications cliniques : ........................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Conclusions : ............................................................................................................................ 24
Bibliographie : ...................................................................................................................... 26
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Introduction :
Quatre pour cent des femmes présentent des métrorragies au cours de leur grossesse [21]. Dans la
majorité des cas, il s’agit de saignements modérés d’origine cervicale sans conséquence particulière pour la suite
de la grossesse. Plus rarement, ces métrorragies sont en rapport avec une anomalie de l’insertion du placenta, le
placenta praevia.
Le placenta praevia se définit comme l’insertion du placenta sur toute ou partie du segment inférieur de
l’utérus. On ne parle de placenta praevia qu’à partir du troisième trimestre de la grossesse. En effet, la formation
du segment inférieur au début du troisième trimestre fait glisser les plans musculaires de l’isthme utérin aminci
les uns sur les autres. En cas d’insertion basse au deuxième trimestre, le placenta peut, par simple phénomène
mécanique, se déplacer vers le fond utérin lors de la formation du segment inférieur, s’éloignant ainsi de l’orifice
du col. L’échographie permet un diagnostic fiable et facile, même en cas de localisation postérieure grâce à la
voie trans-vaginale, systématique dans cette circonstance. Elle permet de mesurer précisément la distance
séparant le bord inférieur du placenta de l’orifice interne du col. Cette distance permet d’apprécier le risque
hémorragique. De plus, l’échographie permet de localiser le placenta sur la face antérieure ou postérieure de
l’utérus.
Trois situations peuvent être distinguées : (Figure 1)
- Le placenta recouvrant : le placenta recouvre le col en son entier, le risque hémorragique est alors le plus
important. La voie d’accouchement est nécessairement une césarienne.
- Le placenta marginal : le bord placentaire affleure l’orifice interne du col.
- Le placenta latéral : la distance entre le bord inférieur du placenta et l’orifice interne peut être mesurée.
Elle est inférieure à 2 cms.
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Figure 1 : Représentation des trois localisations possibles du placenta praevia, associé ici à une présentation du
siège (situation exceptionnelle).
L’incidence du placenta praevia varie dans la littérature de 0,28 % à 2 % des grossesses [3]. Cette
incidence est en constante augmentation dans toutes les populations [19] [13] depuis environ 20 ans, en rapport
direct avec l’augmentation du taux de césarienne observée dans tous les pays développés [3].
Parallèlement à l’augmentation de l’incidence des placentas praevia, l’incidence du placenta accreta,
increta ou percreta est aussi en accroissement [14] [13]. Ces différentes formes de placenta se caractérisent par
une adhérence anormale du placenta au myomètre du fait de l’absence de décidua qui ne s’interpose plus entre
les villosités trophoblastiques et le myomètre. On distingue différents types anatomiques en fonction de la
profondeur de l’interpénétration des villosités dans le muscle utérin. La forme accreta est la plus fréquente
(75%). Elle ne représente qu’une pénétration superficielle des villosités dans le myomètre, alors que dans la
forme increta (15%), ces dernières pénètrent dans l’épaisseur du myomètre. Enfin, dans la forme percreta
beaucoup plus rare, les villosités traversent le myomètre pour atteindre la séreuse et même les organes pelviens
de voisinage (Figure 2). L’adhérence du placenta peut siéger sur toute sa face d’implantation ou n’être localisée
qu’à un ou plusieurs cotylédons. Elle est beaucoup plus fréquente en cas de placenta praevia. Les antécédents de
cicatrices utérines multiples, secondaires à des césariennes antérieures (et d’autant plus qu’il y a eu plusieurs
césariennes) ou à toute autre chirurgie utérine avec cicatrice endométriale, sont le principal facteur de risque
reconnu des formes graves de placenta.
Le diagnostic des formes graves de placenta est le plus souvent porté au moment de l’accouchement lors
de la survenue de complications hémorragiques redoutables, associées à l’impossibilité de décoller le placenta
dans sa totalité. Plus rarement, il sera diagnostiqué lors d’une absence de décollement placentaire au cours d’une
tentative de délivrance artificielle sans hémorragie associée [15].
Le placenta accreta est souvent asymptomatique jusqu’à la délivrance, d’où un intérêt théorique, mais
limité d’investigations paracliniques précoces en cas de suspicion. L’échographie conventionnelle mettant en
évidence une échogénicité du placenta différente de celle du myomètre permet de distinguer ses limites grâce au
contraste du liquide amniotique [10]. Ainsi, on peut faire le diagnostic dans 78 à 100 % des cas pendant le
troisième trimestre [20]. Le Doppler couleur pourrait mieux visualiser la pénétration des vaisseaux placentaires
dans le myomètre. L’IRM a également été proposée. Aucune étude prospective n’a évalué la valeur prédictive
positive ou négative de ces examens.
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Figure 2 : Représentation des formes graves de placenta (accreta, increta, percreta).
La conduite à tenir obstétricale en cas de placenta praevia est relativement bien codifiée en ce qui
concerne l’indication de la voie d’accouchement. En cas de placenta recouvrant, une césarienne est programmée
vers la 38ème semaine d’aménorrhée. Dans les autres cas, et si les métrorragies sont absentes ou peu abondantes,
l’accouchement par les voies naturelles est envisagé, mais la décision de césarienne en urgence au cours du
travail reste possible, en particulier en cas de survenue de complications hémorragiques.
En cas de placenta praevia devant être césarisé, la technique d’anesthésie dépend du contexte
programmé ou urgent de la césarienne, et si la césarienne intervient en cours de travail ou avant ce dernier.
Classiquement, si la césarienne intervient en cours de travail en urgence, l’analgésie péridurale déjà installée et
fonctionnant correctement (dans cette situation, elle est fortement conseillée) est étendue et utilisée pour
l’anesthésie chirurgicale puis l’analgésie post-opératoire. En cas de césarienne programmée, ce sont la
rachianesthésie ou l’anesthésie générale (AG) qui sont utilisées, avec une controverse persistante dans la
littérature comme dans les différentes équipes d’anesthésie obstétricale. En effet, il y a peu de temps encore,
l’anesthésie générale était proposée systématiquement pour la réalisation d’une césarienne pour placenta praevia.
Néanmoins, les indications de l’anesthésie locorégionale (ALR), principalement la rachianesthésie, se sont
élargies progressivement pour la césarienne tout venant comme pour celles réalisées pour placenta praevia.
En effet, la technique anesthésique de choix pour la césarienne programmée est devenue la
rachianesthésie depuis 10 ans, et ce pour de nombreuses raisons. Elle est utilisée pour 85% des césariennes
électives dans notre maternité.
- L’introduction des pointes crayon et des aiguilles de très petit diamètre a fait quasiment
complètement disparaître les céphalées post-rachi si invalidantes il y a encore quelques années,
- La diminution des doses d’anesthésiques locaux (grâce à l’adjonction de morphiniques), limite la
survenue d’une hypotension artérielle potentiellement délétère pour le fœtus, hypotension de mieux
en mieux prévenue ou contrôlée par l’utilisation précoce de vasoconstricteurs,
5
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- L’utilisation des morphiniques lipo- et hydro-solubles (sufentanil et morphine) procure un confort
de la patiente durant l’intervention associé une analgésie post-opératoire de longue durée et de bien
meilleure qualité que celle obtenue après anesthésie générale,
- De plus, un nombre réduit de complications thrombo-emboliques et une diminution du saignement
chirurgical a été régulièrement rattaché à l’anesthésie loco-régionale au cours de la chirurgie
pelvienne (hystéroscopie opératoire, résection endoscopique de prostate) et au cours de la
césarienne,
- Enfin, l’ALR s’avère une alternative raisonnable à l’anesthésie générale, dont il convient de
rappeler qu’elle est associée à une surmortalité (X16), très discutable, en contexte obstétrical
compte-tenu des difficultés à contrôler les voies aériennes et des risques accrus d’inhalation.
Ces arguments doivent néanmoins être tempérés en cas de placenta praevia et à fortiori de placenta
accreta, deux situations à risque hémorragique important, voire majeur. En effet, la gestion d’une césarienne qui
commence à saigner sous ALR peut devenir problématique, compte-tenu du bloc sympathique limitant
l’adaptation réactionnelle à l’hypovolémie (vasoconstriction et tachycardie), et de la nécessité de convertir
rapidement en anesthésie générale, parfois dans de très mauvaises conditions. Ainsi, certains anesthésistes
continuent-ils de pratiquer une anesthésie générale de principe dans le contexte du placenta praevia, avec
quelques exceptions toutefois (placenta d’insertion postérieur, sans suspicion de forme accreta, n’ayant pas
saigné avant l’accouchement).
Le but de notre travail a donc été de revoir nos pratiques en cas de placenta praevia sur une période de
10 ans entre 1993 et 2003 à l’hôpital Cochin dans la maternité de Port-Royal. Nous avons évalué l’incidence du
placenta praevia dans notre population, décrit les techniques anesthésiques utilisées (AG versus ALR) et la
morbidité observée, estimé le volume de saignement, rapporté la pratique transfusionnelle et le devenir maternel
et fœtal.
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Sujets et Méthodes :
Nous avons mené une étude rétrospective sur 306 cas de placenta praevia colligés sur une période de 10
ans du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2003. Nous avons repris les items de la base de données informatisée mise en place en 1993 par le Professeur
Papiernick à Port-Royal. Celle-ci regroupe 550 items collectés sur chaque dossier de parturiente suivie à la
maternité Port-Royal, ce qui représente des données sur plus de 31 000 accouchements depuis 1993. La saisie
des dossiers et la réalisation des contrôles d’exhaustivité et de qualité du recueil justifient l’emploi d’une sage-
femme à temps plein. Les items relevés concernent les antécédents médicaux, chirurgicaux et gynéco-
obstétricaux de la patiente, ainsi que le déroulement de la grossesse et les éventuelles complications associées
(menace d’accouchement prématuré, pré-éclampsie, HELLP, infection maternelle ou materno-fœtale…). On y
trouve également des informations sur l’accouchement (voie, type d’anesthésie, manœuvres instrumentales
éventuelles), ses complications (notamment hémorragie du péri-partum et son abondance, recours à la
transfusion, contexte infectieux…), et les suites de couche (anémie, transfusion, infection, transfert éventuel en
réanimation…). Plusieurs items concernent le nouveau-né (terme, prise en charge initiale, biométrie, évolution à
court et moyen terme).
Toutes ces données issues de la base obstétricale ont été revalidées par une nouvelle analyse exhaustive
des dossiers colligés dans une nouvelle base de données spécifique à l’anesthésie, qui continue le recueil
prospectivement de tous les nouveaux cas pris en charge.
Plusieurs définitions méritent d’être précisées.
L’anémie est listée en dessous de 10g/dl d’hémoglobine. Les pathologies de la grossesse répertoriées regroupent
la menace d’accouchement prématuré (
-
mg de bupivacaine hyperbare associés à 5 mcg de sufentanil et 100 mcg de morphine) et l’anesthésie péridurale
avec de la lidocaine 2% adrénalinée associée à 5 à 10 mcg de sufentanil.
Les paramètres colligés sur les 200 dossiers de placenta praevia sont les suivants :
- Démographie : nom, âge, taille et poids, ethnie et niveau socio-économique,
- Antécédents médicaux significatifs, dont les troubles de l’hémostase, les antécédents obstétricaux (gestité,
parité) et de chirurgie utérine telles que les fausses couches spontanées, les interruptions volontaires de
grossesse, les curetages et les césariennes antérieures,
- Suivi des évènements survenus pendant la grossesse : hospitalisation, pathologies gravidiques dont les menaces
d’accouchement prématuré, les métrorragies, la transfusion et supplémentation en fer,
- Type et insertion du placenta,
- Technique d’anesthésie en cas de césarienne : anesthésie générale ou loco-régionale, contexte d’urgence ou
césarienne programmée,
- Complications per-opératoires : transfusion, ligatures vasculaires, hystérectomie, embolisation,
- Devenir maternel : nécessité de réanimation ou de transfusion, mortalité,
- Devenir fœtal : poids, âge gestationnel, score d’Apgar et pH à la naissance, nécessité de réanimation, mortalité.
La feuille de recueil des données est la suivante :
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Le volume de saignement a été estimé par un calcul classique, validé dans la littérature obstétricale,
dont voici la formule :
Volume de Saignement = 85 ml x poids x (Hte (J-1)-Hte J+2) / Hte (J-1), en considérant qu’en cas de
transfusion, un concentré globulaire contient 250 ml de sang à 60% d’hématocrite, et que ce volume est
additionné au volume de saignement.
L’analyse statistique à été descriptive : les résultats sont retranscrits en moyenne ± écart-type ; les tests
statistiques utilisés sont le Chi2 ou le test exact de Fisher pour les éléments qualitatifs, et le test t de Student pour
les éléments quantitatifs. p
-
2- Techniques anesthésiques et voies d’accouchement :
La Figure 3 détaille les voies d’accouchement et le mode d’anesthésie utilisé en fonction du contexte.
Parmi les 306 patientes présentant un placenta praevia, 70 accouchent par voie basse. La majorité des autres
patientes, soit 236 femmes, est donc césarisée.
En cas de césarienne en cours de travail, l’anesthésie générale est le choix le plus fréquent, dans 19 cas
contre 13 cas sous ALR (principalement péridurale), dans un contexte le plus souvent hémorragique.
Dans la majorité des cas, la césarienne est réalisée de manière élective avant le travail et la technique
d’anesthésie choisie reste le plus fréquemment l’anesthésie générale : 140 anesthésies générales versus 64
anesthésies locorégionales.
Figure 3 : Voies d’accouchement et Techniques d’anesthésie :
Placenta Praevia n = 306
3- Caractéristiques des patientes :
Les caractéristiques de la population sont présentées dans le Tableau 1.
Voie Basse n = 70
AG n = 19 ALR n = 13
Pendant travail n = 32
AG n = 140 ALR n = 64
Avant travail n = 204
Césariennes n = 236
Les éléments les plus remarquables sont les suivants :
- L’âge maternel moyen (± SD) des patientes ayant un placenta praevia est de 33,7 ± 4,9 ans. Il est
significativement plus important que dans le reste de la population de Port-Royal (28,2 ± 2,1 ans),
et que dans la population des femmes césarisées (31,1 ± 3,1 ans),
- 75% des patientes sont au moins deuxième geste, et plus de la moitié est multipare (54%), ce qui
correspond à un taux significativement plus élevé que la multiparité de la population générale de
Port-Royal (45%),
- Les antécédents de césariennes (22%) sont de manière très significative plus fréquents que dans la
population « ordinaire » de la maternité (8%), en particulier les antécédents de césariennes
multiples, ainsi que les antécédents de chirurgie utérine. 43% des patientes ont subi un curetage ou
un autre type de chirurgie utérine (myomectomie). L’ensemble de ces constatations soulignent
l’importance du caractère cicatriciel des utérus de nos placentas praevias,
12
-
- L’âge gestationnel moyen ( ± SD) au moment de l’accouchement est de 35 ± 3 semaines
d’aménorrhée, correspondant à un terme moyen prématuré,
- La majorité des femmes (79%) présente des métrorragies au troisième trimestre, occasionnant une
augmentation de la durée de séjour à la maternité, principalement en grossesse pathologique avant
l’accouchement. La durée d’hospitalisation est de 13 jours environ avant la césarienne, et de 19
jours au total contre 6 jours en moyenne pour une césarienne simple.
13
-
Caractéristiques Maternelles Placenta praevia (n=200) %
Age (ans)
33,7 ± 4,9
Gestité
1 51 25 2 42 21 3 40 20 4 29 14
> 5 38 19
Parité
Nullipare 92 46 Multipare 108 54
ATCD Césarienne
45
22 ATCD chir. utérine 87 43
Curetage/IVG 75 Autre (myomectomie) 12
Age Gestationnel (SA)
35,3 ± 3,6
Métrorragies 3e trimestre 158 79 Durée de séjour (jours avant césar) 13 ± 29 Durée de séjour (jours) 19 ± 17
Mortalité
0
Tableau 1 : Caractéristiques des patientes présentant un placenta praevia césarisées. SA : semaines d’aménorrhée. 4- Techniques anesthésiques en fonction du type de placenta et des conditions de réalisation de la césarienne :
L’anesthésie générale est plus fréquemment utilisée dans les conditions les plus à risque d’hémorragie :
les placentas d’insertion antérieure, ce d’autant qu’une incision trans-placentaire est réalisée, et les formes à
haute suspicion d’être accreta.
De manière intéressante, la proportion d’anesthésie loco-régionale augmente au cours du temps, restant
toutefois réservée aux formes « simples » de placenta praevia : les localisations postérieures, n’ayant pas saigné
avant l’accouchement principalement.
Ces résultats permettent d’insister sur le fait que notre travail ne constitue pas un travail randomisé, et
que les résultats suivants sur la différence entre anesthésie générale et locorégionale est très probablement en
grande partie biaisé. Nous y reviendrons.
14
-
ALR (APD + Rachi)
AG
Placenta Postérieur
43 (%)
62 (%)
Placenta Antérieur
17 (%)
78 (%)
Placenta accreta Placenta percreta
3 (%)
28 (%)
Urgence
27 (%)
75 (%)
Incision trans-placentaire
4 (%)
14 (%)
1993-1998 1999-2003
21 (%) 39 (%)
72 (%) 68 (%)
Tableau 2 : Techniques d’anesthésies en fonction du placenta et des conditions de réalisation de la césarienne:
5- Devenir maternel en fonction du mode d’anesthésie :
Les pertes sanguines estimées par la formule définie plus haut sont significativement plus importantes
dans le groupe AG que dans le groupe ALR : 1215 ± 1086 ml versus 481 ± 399 ml. Les formes graves de
placenta praevia, accreta ou percreta, sont plus nombreuses dans le groupe AG (28 versus 3).
L’hémoglobine postopératoire (J+2) est significativement plus basse dans le groupe AG, tandis que les
patientes sont plus transfusées (20% versus 4%).
L’utilisation de sulprostone (Nalador®) en cas d’hémorragie pour atonie utérine ou insertion accreta est
plus fréquente dans le groupe AG, ainsi que le recours à l’hystérectomie d’hémostase, nécessaire chez 8
patientes dans le groupe AG contre une seule dans le groupe ALR.
Le transfert maternel en réanimation est aussi plus fréquent dans le groupe AG.
Aucune complication thrombo-embolique n’est observée après la césarienne.
Enfin, aucun décès maternel n’est observé.
ALR (n=60) AG (n=140)
Perte sanguine estimée (ml)
481 ± 399
1215 ± 1086 *
15
-
Placenta Accreta / Percreta (n) 3 28
Hb Post-op J+2 (g/dl)
10,3 ± 1
9,3 ± 1,2 *
Transfusion (%)
4
20
Utilisation de Sulprostone (Nalador®)
(n)
7
26
Hystérectomie / Embolisation (n)
1/1
8/6
Transfert maternel en Réa (%)
16
39 *
Tableau 3 : Devenir maternel en fonction du mode d’anesthésie : * p < 0,05
6- Morbi-mortalité néonatale :
Dix nouveaux-nés de mères césarisées pour placenta praevia décèdent au cours des dix années étudiées.
Il s’agit de grands prématurés, d’âge gestationnel moyen de 28,3 ± 1,9 semaines d’aménorrhée, de poids moyen
à la naissance de 940 ± 300 grammes, de score Apgar à la cinquième minute à 2,3 ± 2,6 et de pH artériel
ombilical acide à 7,12 ± 0,2.
Discussion :
1- Les principaux résultats de ce travail sont :
- L’incidence du placenta praevia est de 0,98 % sur une période de 10 ans à la maternité de Port-
Royal,
- La majorité des patientes présentant un placenta praevia est césarisée,
- La majorité des césariennes reste réalisée sous anesthésie générale,
- Les patientes sont plus âgées (33 ans) que dans la population habituelle,
16
-
- Il s’agit de grandes multipares, qui présentent de nombreux antécédents de césarienne (22%) et de
chirurgie utérine,
- 79% d’entre elles présentent des métrorragies au cours du 3ème trimestre, à l’origine d’une
hospitalisation pré et post-partum prolongée,
- L’anesthésie générale demeure plus fréquente que l’anesthésie loco-régionale, principalement dans
le contexte urgent ou potentiellement très hémorragique (placenta accreta, incision trans-
placentaire),
- Cependant, on note une tendance à l’augmentation récente du recours à l’anesthésie locorégionale,
principalement la rachianesthésie, pour les « formes simples » de placenta praevia, sans
complications majeures,
- On constate dans le groupe AG par rapport au groupe ALR plus de « formes graves » de placenta
praevia, et sans surprises une perte sanguine significativement plus importante, une hémoglobine
postopératoire significativement plus basse, un recours plus fréquent au sulprostone (Nalador®)
pour le contrôle de l’hémorragie, et plus d’hystérectomies d’hémostase et de transfert en
réanimation,
- Enfin, une importante morbidité et mortalité néo-natale sont observées dans un contexte de grande
prématurité.
2- Discussion des résultats :
Epidémiologie du placenta praevia :
Notre étude rétrospective qui porte sur la période 1993-2003 dans une maternité de type III retrouve une
incidence du placenta praevia de 0,98 %. Cette incidence est supérieure à celle rapportée dans la littérature.
Ainsi, Frederiksen [13] décrit une incidence de placenta praevia de 0,6 % sur une période de 22 ans (1976 à
1997) dans l’Illinois et retrouve une augmentation du nombre de cas de placenta praevia et accreta, ainsi que du
nombre de recours à l’hystérectomie d’hémostase. De même, un travail de Iyasu [17] conduit en Géorgie observe
une incidence de 0,48 % sur une période similaire de 1979 à 1987. Enfin, une méta-analyse publiée en 1997
décrit une incidence variable dans la littérature entre 0,28 et 2% [3], confirmant cependant une incidence
croissante au cours du temps de 0,36 % entre 1966 et 1974 à plus de 0,5 % à partir de 1985.
Cette variation d’incidence, en particulier l’incidence assez importante à Port-Royal, peut
s’expliquer par :
- La définition du placenta praevia dans les différentes études (placenta praevia clinique ou
histologique) [3],
- Des différences ethniques [17],
- L’essor considérable de l’échographie obstétricale, diagnostiquant des anomalies d’insertion
placentaire autrefois ignorées,
- L’age maternel croissant de manière constante dans nos pays industrialisés,
- L’augmentation constante du taux d’utérus cicatriciel, liée à l’augmentation du nombre de
césariennes dans les pays riches principalement,
17
-
- Enfin, un biais de recrutement dans les maternités de type III, car l’insertion anormale du placenta
expose à la prématurité et le recours au transfert in utero mieux organisé en France depuis la mise
en place du plan péri-natalité.
Les facteurs de risque de placenta praevia dans notre travail sont conformes à ceux rapportés dans les
différentes études de la littérature. Pour Iyasu [17] comme pour Ananth [2], une femme enceinte de plus de 35
ans est plus à risque qu’une femme de moins de 20 ans, et ce de manière indépendante en analyse multivariée.
En effet, l’age croissant est aussi associé à la multiparité qui constitue aussi un facteur de risque indépendant du
placenta praevia.
Un facteur de risque majeur à considérer pour la forme praevia du placenta, mais encore plus pour ses
formes graves accreta ou percreta est l’existence de cicatrices utérines. La méta-analyse de 1997 [3] montre bien
que le risque de placenta praevia augmente exponentiellement avec le nombre de césariennes de la patiente, mais
aussi avec les antécédents de curetage et la chirurgie utérine de type myomectomie ou cure de synéchies. En
effet, les cicatrices utérines de l’endomètre et du myomètre, surtout sur la face antérieure en cas de césarienne, et
d’autant que les césariennes ont été multiples, prédisposent à une implantation basse et profonde du placenta.
D’autres facteurs de risque mineurs sont aussi retrouvés dans la littérature, comme la consommation
régulière de tabac [2], les antécédents de placenta praevia [3], ou les conditions socio-économiques défavorables,
par exemple des minorités raciales [17].
Conséquences et complications materno-foetales du placenta praevia :
Le placenta praevia, dans la littérature comme dans notre travail, génère une lourde morbidité
maternelle et fœtale. Ceci est d’ailleurs à l’origine d’une réflexion « organisationnelle » au sein de la spécialité
gynéco-obstétricale pour proposer, dans la prochaine recommandation de bonne pratique clinique sur les
hémorragies de la délivrance (RPC sous presse), que tout placenta praevia soit pris en charge dans une structure
disposant d’un plateau technique adapté à la gestion du très haut risque hémorragique comme de la grande
prématurité, par exemple dans une maternité de type III.
Le placenta praevia augmente le recours à la césarienne, élective (65 % des cas contre 21 % tout venant
dans notre maternité), ou en cours de travail (31 % en cas de placenta praevia contre 15 % tout venant). Il est
responsable d’une augmentation de la durée d’hospitalisation avant l’accouchement, en particulier avant la
césarienne (13 jours ± 29) et de la durée totale d’hospitalisation (19 jours ± 17), alors que la durée
d’hospitalisation pour une césarienne simple dans notre institution n’est que de 6 jours en moyenne. Il est la
cause principale des métrorragies du III ème trimestre, retrouvées dans 79% des cas dans notre série, et dans 68
et 78 % des cas des séries de Crane [11] et Dola [12]. Enfin, il est responsable de complications hémorragiques
parfois dramatiques, 31 cas de placenta accreta (15 %), 24 cas de transfusion (12 %), 9 hystérectomies
d’hémostase (4,5 %), 7 embolisations (3,5 %) et 55 transferts en réanimation (27,5%). Aucune mort maternelle
n’est retrouvée.
Ces résultats sont très proches de ceux de la littérature ; en effet, Dola [12] rapporte 18 % de
transfusion, 9 % de formes accreta, 15 % d’hystérectomie et aucune mort maternelle. De manière similaire,
Crane [11] rapporte 15% de transfusion et 5 % d’hystérectomie, ainsi qu’aucune mort maternelle. Ces auteurs ne
mentionnent pas la place de l’embolisation, cette technique étant d’introduction très récente, en particulier dans
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la prise en charge conservatrice des placenta accreta ou percreta. Enfin, un travail rétrospectif publié en 2001
[23] s’intéressant à la mortalité maternelle sur une période de 13 ans (1984 à 1997) aux USA dans l’Ohio
retrouve un taux de mortalité maternelle de 1,5 % rapporté au placenta praevia hémorragique.
Les complications fœtales que nous avons colligées sont principalement secondaires à la prématurité :
l’âge gestationnel moyen est de 35,3 ± 3,6 semaines d’aménorrhée et plus de 10 % des nouveaux-nés sont âgés
de moins de 32 SA. Le taux de mortalité néonatale dans ce contexte est très élevé, avec ici 10 décès en contexte
de grande prématurité et hypotrophie. L’effet du placenta praevia sur la morbi-mortalité néonatale a fait l’objet
d’une grande étude rétrospective en 2003 [1] : Il y est rapporté que la mortalité néonatale est supérieure à 1 %
en cas de placenta praevia chez la mère, ce qui représente un taux 4 fois plus élevé que dans la population
générale. De même, 44 % des naissances sont prématurées (9 % dans la population contrôle), et le retard de
croissance présent chez 28 % des nouveaux-nés.
Epidémiologie et prise en charge des formes graves de placenta praevia :
Nous avons retrouvé une incidence très rare du placenta accreta ou percreta sur l’ensemble des patientes
suivies à Port-Royal (0,09 %). En revanche, le nombre de placentas accreta/percreta diagnostiqués est de 31 sur
306 placentas praevia, ce qui correspond à 10 % des placentas praevias et plus de 15 % des placentas praevia
césarisés. Ceci est cohérent avec les données de la littérature [18][9][22], à l’exception d’une étude. En effet,
Gielchinsky [14] a étudié 310 cas de placenta accreta sur 10 ans en Israël de façon rétrospective, ce qui constitue
une série exceptionnelle. Il retrouve une incidence de 0,9% (10 fois plus que dans notre expérience), mais en
utilisant une méthode diagnostique histologique et clinique très discutable. Par contre, cette incidence, comme
celle des praevia, est aussi en augmentation constante au cours du temps, secondairement à l’augmentation du
taux de césarienne dans cette institution. L’incidence des placenta accreta, tout comme celle de placenta praevia,
dépend de la définition utilisée. Dans notre étude, c’est l’analyse de la pièce histologique qui a permis d’établir
le diagnostic des cas invasifs.
Dans notre série, 10 hystérectomies d’hémostase sont nécessaires dans un contexte hémorragique
sévère, ainsi qu’un taux de transfert en réanimation et de transfusion très significatif. La mortalité maternelle est
nulle. De manière intéressante, le facteur de risque principal retrouvé dans ces formes graves de placenta est
essentiellement le nombre de cicatrices utérines, particulièrement de césariennes. Les facteurs de risque des
placentas accreta ou percreta sont étudiés par d’autres auteurs [18] [9], plus récemment par l’équipe de Miller
[22]. Ainsi, ce dernier rapporte en 1997 une incidence est de 1/2510 sur une définition uniquement histologique.
Pour les parturientes atteintes de forme praevia, l’incidence est de 10 % [22]. Les facteurs de risque indépendants
retrouvés par cet auteur sont l’âge maternel supérieur à 35 ans et les antécédents de césarienne.
L’existence de tels facteurs doit conduire à la réalisation d’examens complémentaires d’imagerie
malheureusement de faible valeur prédictive. Dans notre expérience, une IRM réalisée proche du terme a permis
d’aider au diagnostic de forme infiltrante de placenta dans seulement dans 10 cas sur 31. Aucune étude
prospective n’a permis à ce jour l’établissement de la valeur prédictive des examens complémentaires
radiologiques. Les conséquences d’une telle rentabilité (médiocre) des examens complémentaires doit donc
surtout inciter à l’établissement d’une stratégie d’anticipation d’un risque hémorragique majeur en cas de
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cicatrices utérines multiples (surtout de césariennes), privilégiant la réalisation d’une anesthésie générale dans
les conditions optimales, on en reparlera.
Stratégie anesthésique :
La principale raison pour avoir entrepris ce travail est l’existence d’une controverse au sujet de « la
bonne technique d’anesthésie » à utiliser en cas de césarienne sur placenta praevia. En effet, quelques
anesthésistes et obstétriciens expérimentés restent dubitatifs, parfois hostiles, sur la tendance qu’ont leurs
collègues, parfois plus jeunes, à étendre les indications de l’anesthésie loco-régionale, principalement la
rachianesthésie, dans cette indication.
En effet, la rachianesthésie est devenue en moins de 5 ans la technique anesthésique préférentielle en
cas de césarienne élective en France [enquête 3 jours] comme dans notre institution (85 %). Elle est aussi
devenue une alternative à l’anesthésie générale en cas de césarienne survenant au cours du travail chez une
patiente n’ayant pas bénéficié d’une analgésie péridurale préalable.
La rachianesthésie permet d’éviter le recours à l’anesthésie générale chez la femme enceinte, à risque
d’intubation difficile et d’inhalation du contenu gastrique acide. Rappelons ici l’étude princeps de Joy Hawkins
rapportant une surmortalité d’un facteur 16 de l’AG par rapport à l’ALR en contexte obstétrical [16]. Elle permet
aussi de limiter les conséquences du passage trans-placentaire des hypnotiques chez le nouveau-né.
Par ailleurs, d’autres raisons de l’essor de la rachianesthésie pour césarienne sont résumées sur la Figure
7, associées à un saignement chirurgical réduit (ceci a été démontré mais de manière discutable dans certains
types de chirurgie du petit bassin []), et un risque moindre de survenue de complications thrombo-emboliques en
post-opératoire.
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En cas de césarienne, à fortiori césarienne pour placenta praevia, quelques études semblent indiquer les
mêmes tendances, à savoir une réduction des pertes sanguines per-opératoires et un recours moindre à la
transfusion. Ces études sont néanmoins des études rétrospectives non randomisées. Une étude expérimentale est
aussi à mentionner.
La première publication est celle d’Arcario en 1988 [5]. Cette étude porte sur 180 cas de patientes
atteintes de placenta praevia, et conclut que l’anesthésie locorégionale n’est pas contre-indiquée dans ce contexte
(pour l’époque, c’était révolutionnaire), et que cette technique permet de réduire les pertes sanguines (d’après un
calcul proche de celui utilisé dans notre travail) sans majoration de l’incidence des hypotensions artérielles.
Cependant, ce travail n’a été présenté qu’en résumé, manque de détails, et ne distingue pas les césariennes
électives des césariennes en urgence.
L’effet du type d’anesthésie sur la perte sanguine lors d’une césarienne programmée a été étudié par
Andrews en 1992 en se basant sur l’hématocrite et dans une étude de faible niveau méthodologique [4]. Le
groupe « anesthésie générale » présente une perte sanguine plus importante, à la limite de la significativité. Les
patientes sous anesthésie locorégionale reçoivent plus de volume dans la période péri-opératoire, hémodilution
qui aurait donc théoriquement du diminuer l’hématocrite post opératoire, mais qui en fait semble permettre une
moindre perte sanguine.
Enfin, un travail plus récent, toujours rétrospectif, va dans le même sens [24]. Sur un groupe de 350
patientes avec placenta praevia césarisées, les auteurs ne distinguent pas de différence significative en terme de
morbidité entre les groupes ALR et AG. De plus, une analyse multivariée retrouve la rachianesthésie comme un
facteur pronostic indépendant d’une perte sanguine et d’un recours moindres à la transfusion par rapport à l’AG.
Ici encore, un énorme biais persiste du fait de l’absence de randomisation.
Une étude expérimentale chez le chien a montré que lorsque ces animaux sont saignés sous anesthésie
générale ou sous anesthésie générale associée à une anesthésie péridurale thoracique haute, il y a plus de
survivants dans ce dernier groupe que dans le groupe « anesthésie générale seule » [25]. Les chiens du
groupe « péridurale » ont une fréquence cardiaque plus lente, de meilleurs volumes de remplissage cardiaque, un
pH artériel et des bicarbonates supérieurs, moins de catécholamines circulantes et moins de lactates que dans le
groupe contrôle. Il y aurait des effets protecteurs de l’anesthésie péridurale, qui en atténuant l’augmentation des
résistances vasculaires utérines associées à l’hémorragie, limiteraient le volume de saignement [28].
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Les trois études cliniques sus-citées sont très controversées, car en regard d’effets bénéfiques sur le
saignement (discutables) doivent être mis en balance les risques de survenue d’une hémorragie en cours de
césarienne, soit en cas d’incision trans-placentaire, soit en cas d’atonie utérine plus fréquente dans ce contexte,
soit encore en cas de découverte fortuite d’un placenta accreta ou percreta. Dans ces situations, la poursuite de la
procédure chirurgicale pourrait s’avérer délicate sous ALR :
- La réponse sympathique réactionnelle à l’hypovolémie (tachycardie, vasoconstriction et
augmentation de la contractilité) s’avérerait inhibée et induirait une mauvaise adaptation
hémodynamique à l’hypovolémie brutalement crée,
- Dans ce contexte, une hypotension pourrait induire des troubles de conscience et la perte de
protection des voies aériennes, rendant l’intubation nécessaire dans de mauvaises conditions
opératoires,
- La procédure chirurgicale pourrait s’avérer plus longue (ligatures, hystérectomie) et nécessiter une
anesthésie de complément,
- Enfin, une situation hémorragique dramatique demanderait à l’anesthésiste de réaliser des gestes
rapidement (voies veineuses, transfusion, etc …) difficilement compatibles avec la surveillance
d’une patiente instable et toujours plus ou moins consciente.
Ainsi, un questionnaire de pratique a été réalisé en Angleterre en 1995 [6] : les auteurs demandaient la
conduite à tenir en cas de césarienne pour placenta praevia en fonction du type et de la localisation de placenta,
ainsi qu’en fonction du degré d’urgence. Les résultats étaient les suivants : l’anesthésie locorégionale était la
technique de choix dans le contexte d’une césarienne élective et/ou peu hémorragique prévisible, tandis que
l’anesthésie générale était préférée dans les cas hémorragiques, urgents, et/ou lorsque le placenta était antérieur.
Dans notre étude rétrospective, nous avons effectivement observé une augmentation du recours à
l’anesthésie locorégionale pour césarienne sur placenta praevia au cours du temps. Cependant, l’anesthésie
générale est restée pratiquée dans la majorité des cas, d’autant plus pour les localisations placentaires antérieures,
en cas d’incision trans-placentaire, dans le contexte de l’urgence et dans les formes graves hémorragiques
suspectées (placenta accreta et percreta).
Effectivement, les pertes sanguines estimées sont significativement plus importantes sous AG que sous
rachianesthésie (1215 ml ± 1086 versus 481ml ± 399). Les femmes sous AG ont été plus souvent transfusées
(NS) et les suites opératoires plus souvent compliquées, nécessitant un transfert en réanimation.
3- Limites de l’étude :
Lors du recueil de données, certains dossiers se sont révélés incomplets, parfois inexistants : ils ont
donc été exclus de cette étude. Ainsi, 36 dossiers de patientes césarisées pour placenta praevia ne sont pas pris en
compte dans l’analyse, créant un biais indiscutable. Ces dossiers ne correspondent pas aux formes graves de
placenta praevia. Ils manquent probablement pour soutenir statistiquement la possibilité de réaliser sans trop de
risque une rachianesthésie dans les « formes simples » de placenta praevia.
D’autre part, l’incidence du placenta praevia estimée à Port-Royal est probablement surestimée en
raison du biais de recrutement dû à notre activité de maternité de type III.
22
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Enfin, notre travail est de type rétrospectif non randomisé. Un biais très important existe donc, mais
comme dans toutes les autres études sur le sujet [][], puisque les césariennes des « formes dites graves » du
placenta accreta sont le plus souvent, voire toujours, gérées sous anesthésie générale. La seule façon de répondre
à la controverse ou au débat sur la possibilité d’entreprendre une ALR en cas de placenta praevia serait de
conduire une étude prospective randomisée très difficilement envisageable tant sur le plan pratique qu’éthique.
La définition « d’end-points » pertinents, un nombre important de patientes à inclure alors que la pathologie est
très rare, ainsi que les voix de la raison, rendent, de notre point de vue, une telle étude pratiquement irréalisable.
23
-
Conclusions : Le placenta praevia se définit comme l’insertion anormale du placenta sur le segment inférieur de l’utérus
au troisième trimestre de la grossesse.
Son incidence, ainsi que celle des formes graves dites accreta et/ou percreta, sont en augmentation au
cours du temps, ceci en rapport avec l’accroissement du taux de césarienne dans les pays industrialisés.
Les conséquences, surtout hémorragiques, du placenta praevia, nécessitent une prise en charge
spécifique dans une structure possédant un plateau technique complet pour la prise de la charge de la mère et du
fœtus.
Nous avons colligé les dossiers de 200 césariennes pour placenta praevia de 1993 à 2003 dans notre
maternité de type III à Port-Royal. Le but de notre travail rétrospectif était d’évaluer l’incidence, les techniques
d’anesthésie, la pratique transfusionnelle ainsi que le devenir materno-foetal de ces 200 cas.
L’incidence du placenta praevia dans notre institution est de 1 %. La majorité de ces patientes sont
césarisées, et la technique d’anesthésie la plus fréquente reste l’anesthésie générale, même si une tendance forte
à l’emploi de la rachianesthésie dans les formes simples de placenta praevia est observée au cours des dernières
années.
L’anesthésie générale est plus fréquemment utilisée dans le contexte urgent ou potentiellement
hémorragiques (placenta accreta, incision trans-placentaire). Dans ces situations, on note une perte sanguine
significativement plus importante, une hémoglobine postopératoire plus basse, un recours plus fréquent au
sulprostone (Nalador®) et aux hystérectomies d’hémostase, ainsi qu’un plus grand nombre de transferts en
réanimation.
Dix nouveau-nés décèdent dans un contexte de grande prématurité (28 SA) et de retard de croissance.
Nos conclusions et recommandations concernant la stratégie anesthésique en cas de placenta praevia
sont les suivantes :
- La rachianesthésie semble constituer une technique d’anesthésie sûre pour les césariennes électives
en cas de placenta praevia de localisation postérieure, n’ayant pas saigné au cours du troisième
trimestre, en l’absence de cicatrices utérines multiples, et d’aspects échographiques suspects,
- L’anesthésie générale doit être préférée dans les contextes hémorragiques, urgents, pour les
localisations placentaires antérieures, en cas de cicatrices utérines ou d’images suspectes de forme
accreta ou percreta. Dans ces situations, l’hémorragie peut survenir de manière rapide et inopinée,
engageant le pronostic vital. Associée alors à l’anesthésie générale doivent être anticipés la
possibilité d’une transfusion massive, et éventuellement un monitorage plus agressif.
24
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Introduction :Résultats :1- Incidence du placenta praevia à Port-Royal de 1993 à 20032- Techniques anesthésiques et voies d’accouchement :3- Caractéristiques des patientes :4- Techniques anesthésiques en fonction du type de placenta 5- Devenir maternel en fonction du mode d’anesthésie :6- Morbi-mortalité néonatale :
Discussion :Les principaux résultats de ce travail sont :2- Discussion des résultats :Epidémiologie du placenta praevia :Conséquences et complications materno-foetales du placenta pEpidémiologie et prise en charge des formes graves de placenStratégie anesthésique :
3- Limites de l’étude :
Conclusions :Bibliographie :