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Revue d’élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux, 2015, 68 (1) 1 SYSTÈMES D’ÉLEVAGE ET FILIÈRES LIVESTOCK FARMING SYSTEMS AND VALUE CHAINS 3-18 Sécurisation des flux d’approvisionnement en matières premières et de mise en marché des produits dans le secteur avicole : cas de la filière œufs au Bénin. Securing the flows of feed ingredient supplies and commercialization of products in the poultry sector: Case of the egg value chain in Benin. Batonon-Alavo D.I., Bastianelli D., Chrysostome C.A.A.M., Duteurtre G., Lescoat P. (en français) PRODUCTIONS ANIMALES ET PRODUITS ANIMAUX ANIMAL PRODUCTION AND ANIMAL PRODUCTS 19-26 Caractérisation phénotypique de la race ovine Rembi d’Algérie. Phenotypic characterization of the Rembi sheep of Algeria. Laoun A., Harkat S., Benali R., Yabrir B., Hakem A., Ranebi D., Maftah A., Madani T., Da Silva A., Lafri M. (en français) RESSOURCES ALIMENTAIRES ET ALIMENTATION FEED RESOURCES AND FEEDING 27-31 Effet de la restriction alimentaire quantitative sur les performances de poulets de chair élevés en Tunisie. Effect of quantitative feed restrictions on the performance of broiler chickens in Tunisia. Bouallegue M., Aschi M.S. (en français) SANTÉ ANIMALE ET ÉPIDÉMIOLOGIE ANIMAL HEALTH AND EPIDEMIOLOGY 33-37 Systèmes de surveillance formel et informel : comment construire des liens ? Formal and informal surveillance systems: how to build links? Desvaux S., Figuié M. (en français) 39-44 Diversité spatio-temporelle des glossines le long du fleuve Comoé en Côte d’Ivoire. Spatial and temporal diversity of tsetse flies along Comoe River in Côte d’Ivoire. Djohan V., Kaba D., Rayaissé J.-B., Salou E., Coulibaly B., Dofini F., Kouadio K.A.M., Solano P., Menan H. (en français) 45-47 Premier atelier consultatif sur le partenariat, les progrès techniques et les stratégies de lutte contre les mouches tsé-tsé et les trypanosomoses. First PATTEC consultative workshop on strategies, technical advances and partnerships in tsetse and trypanosomosis management. Mahamat H.H. (in English) Sommaire / Contents ISSN 1951-6711 Publication du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement http://revues.cirad.fr/index.php/REMVT http://www.cirad.fr/ Directeur de la publication / Publication Director: Michel Eddi, PDG / President & CEO Rédacteurs en chef / Editors-in-Chief: Gilles Balança, Denis Bastianelli, Frédéric Stachurski Rédacteurs associés / Associate Editors: Guillaume Duteurtre, Bernard Faye, Flavie Goutard, Vincent Porphyre Coordinatrice d’édition / Publishing Coordinator: Marie-Cécile Maraval Traductrices/Translators: Marie-Cécile Maraval (anglais), Suzanne Osorio-da Cruz (espagnol) Webmestre/Webmaster: Christian Sahut Maquettiste/Layout: Alter ego communication, Aniane, France COMITÉ SCIENTIFIQUE / SCIENTIFIC ADVISORY BOARD Hassane Adakal (NER), Michel Doreau (FRA), Mohammed El Khasmi (MAR), Philippe Lescoat (FRA), Hamani Marichatou (NER), Ayao Missohou (SEN), Harentsoaniaina Rasamoelina-Andriamanivo (MDG), Jeremiah Saliki (USA, CMR), Jeewantee Sunita Santchurn (MUS), Hakim Senoussi (DZA), Taher Sraïri (MAR), Hussaini Tukur (NGA), Jean Zoundi (BFA, FRA) https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/ Cirad, Montpellier, novembre 2015

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    SYSTMES DLEVAGE ET FILIRESLIVESTOCK FARMING SYSTEMS AND VALUE CHAINS

    3-18 Scurisation des flux dapprovisionnement en matires premires et de mise en march des produits dans le secteur avicole : cas de la filire ufs au Bnin. Securing the flows of feed ingredient supplies and commercialization of products in the poultry sector: Case of the egg value chain in Benin. Batonon-Alavo D.I., Bastianelli D., Chrysostome C.A.A.M., Duteurtre G., Lescoat P. (en franais)

    PRODUCTIONS ANIMALES ET PRODUITS ANIMAUXANIMAL PRODUCTION AND ANIMAL PRODUCTS

    19-26 Caractrisation phnotypique de la race ovine Rembi dAlgrie. Phenotypic characterization of the Rembi sheep of Algeria. Laoun A., Harkat S., Benali R., Yabrir B., Hakem A., Ranebi D., Maftah A., Madani T., Da Silva A., Lafri M. (en franais)

    RESSOURCES ALIMENTAIRES ET ALIMENTATIONFEED RESOURCES AND FEEDING

    27-31 Effet de la restriction alimentaire quantitative sur les performances de poulets de chair levs en Tunisie. Effect of quantitative feed restrictions on the performance of broiler chickens in Tunisia. Bouallegue M., Aschi M.S. (en franais)

    SANT ANIMALE ET PIDMIOLOGIEANIMAL HEALTH AND EPIDEMIOLOGY

    33-37 Systmes de surveillance formel et informel : comment construire des liens ? Formal and informal surveillance systems: how to build links? Desvaux S., Figui M. (en franais)

    39-44 Diversit spatio-temporelle des glossines le long du fleuve Como en Cte dIvoire. Spatial and temporal diversity of tsetse flies along Comoe River in Cte dIvoire. Djohan V., Kaba D., Rayaiss J.-B., Salou E., Coulibaly B., Dofini F., Kouadio K.A.M., Solano P., Menan H. (en franais)

    45-47 Premier atelier consultatif sur le partenariat, les progrs techniques et les stratgies de lutte contre les mouches ts-ts et les trypanosomoses. First PATTEC consultative workshop on strategies, technical advances and partnerships in tsetse and trypanosomosis management. Mahamat H.H. (in English)

    Sommaire / Contents

    ISSN 1951-6711

    Publication duCentre de coopration internationaleen recherche agronomique pour le dveloppementhttp://revues.cirad.fr/index.php/REMVThttp://www.cirad.fr/

    Directeur de la publication / Publication Director: Michel Eddi, PDG / President & CEO

    Rdacteurs en chef / Editors-in-Chief: Gilles Balana, Denis Bastianelli, Frdric Stachurski

    Rdacteurs associs / Associate Editors: Guillaume Duteurtre, Bernard Faye, Flavie Goutard, Vincent Porphyre

    Coordinatrice ddition / Publishing Coordinator: Marie-Ccile Maraval

    Traductrices/Translators: Marie-Ccile Maraval (anglais), Suzanne Osorio-da Cruz (espagnol)

    Webmestre/Webmaster: Christian Sahut

    Maquettiste/Layout: Alter ego communication, Aniane, France

    COMIT SCIENTIFIQUE / SCIENTIFIC ADVISORY BOARD

    Hassane Adakal (NER), Michel Doreau (FRA), Mohammed El Khasmi (MAR), Philippe Lescoat (FRA), Hamani Marichatou (NER), Ayao Missohou (SEN), Harentsoaniaina Rasamoelina-Andriamanivo (MDG), Jeremiah Saliki (USA, CMR), Jeewantee Sunita Santchurn (MUS), Hakim Senoussi (DZA), Taher Srari (MAR), Hussaini Tukur (NGA), Jean Zoundi (BFA, FRA)

    https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/

    Cirad, Montpellier, novembre 2015

  • INTRODUCTION

    Dans de nombreux pays du Sud la croissance dmographique, lurbanisation ainsi que les changements dhabitudes alimentaires ont entran une augmentation de la demande en produits animaux (Rae et Ngaya, 2010). Pour satisfaire cette demande, la produc-tion avicole est en plein essor, notamment dans plusieurs pays dAfrique de lOuest. En Cte dIvoire ou au Sngal, laccent a t mis sur la filire poulets de chair : entre 2000 et 2012, la pro-duction de viande de poulet est passe de 22 000 33 800 t en Cte dIvoire et de 23 200 56 700 t au Sngal (Faostat, 2014). Ce dveloppement a notamment t facilit par la prsence de

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    Scurisation des flux dapprovisionnement en matires premires et de mise en march des produits dans le secteur avicole: cas de la filire ufs au Bnin

    Dolores I. Batonon-Alavo 1, 2 * Denis Bastianelli 3 Christophe A.A.M. Chrysostome 2 Guillaume Duteurtre 3 Philippe Lescoat 1, 4

    Rsum

    Dans un contexte daugmentation mondiale de la demande en produits avicoles et de fluctuation des prix de matires premires, il est intressant de comprendre les dynamiques de structuration dune filire avicole tropicale et les stratgies mises en place par les acteurs pour scuriser leurs approvisionnements et leurs marchs. Cette tude prsente le cas de la filire ufs bninoise. Des entretiens semi-dirigs ont t raliss auprs dleveurs de poules pondeuses et dacteurs de lamont, de laval et des structures dappui et de rgulation de la filire. Ces entretiens ont permis de mieux comprendre son organisation et son fonction-nement. Les rsultats ont montr quen amont la production dufs au Bnin est dpendante des fluctuations de prix et de la faible disponibilit des matires premires sur les marchs domestiques pour lalimentation des animaux. En aval, les leveurs et commerants sont confronts une irrgularit des besoins des consommateurs dconnecte des cycles de production. Plusieurs stratgies ont t adoptes par les diffrents acteurs en termes dapprovisionnement en animaux vivants et dcoulement des ufs via des circuits parallles ou infor-mels. Toutefois, lamlioration de la productivit ne peut tre garantie que si les dbouchs sont matriss. La cration dune centrale dachat et de distribution des ufs pourrait favoriser un approvisionnement continu et quilibr des mar-chs, mais les mcanismes sous-jacents sont dterminer. Les rsultats de cette tude soulignent lintrt des systmes dalimentation alternatifs offrant plus de souplesse dans les types dexploitations identifis.

    Pour citer cet article : Batonon-Alavo D.I., Bastianelli D., Chrysostome C.A.A.M., Duteurtre G., Lescoat P., 2015. Securing the flows of feed ingredient supplies and commercialization of products in the poultry sector: Case of the egg value chain in Benin [in French]. Rev. Elev. Med. Vet. Pays Trop., 68 (1): 3-18

    1. INRA, UR83 Recherches avicoles, 37380 Nouzilly, France.2. UAC-FSA, Laboratoire de recherches avicoles et de zoo-conomie, Abomey-Calavi, Bnin.3. Cirad, UMR Selmet, 34398 Montpellier, France.4. AgroParisTech, UMR 1048 Sadapt, 75005 Paris, France.

    * Auteur pour la correspondance E-mail : [email protected]

    https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/

    Mots-cls

    Poule pondeuse, production dufs, filire, commercialisation, association dagriculteurs, ressource alimentaire, Bnin

    Submitted: October 10, 2014; Accepted: April 4, 2015; Published: November 20, 2015

    https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr

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    couvoirs fournissant des poussins dun jour des prix raisonnables (Bastianelli, 2001). Au Bnin et au Burkina Faso, la production dufs a augment entre 2000 et 2012 pour approvisionner les marchs urbains : au Bnin, elle est passe de 7200 11 550 t, tandis quau Burkina Faso elle a augment de 39 350 59 500 t en 2012 (Onibon et Sodegla, 2006 ; Faostat, 2014).

    Cependant, il subsiste de fortes interrogations sur la capacit de llevage avicole dans ces pays rpondre une demande locale toujours croissante. En effet, laugmentation rapide de la produc-tion gnre une pousse soudaine de la demande en intrants vt-rinaires, en btiments, en poussins dun jour mais aussi et surtout en matires premires agricoles pour lalimentation des animaux. Or, les marchs de produits agricoles de base en Afrique de lOuest sont caractriss par une double instabilit intra-annuelle et inter-annuelle gnre en particulier par les niveaux de production rgionaux et les fluctuations des prix internationaux (Diallo et al., 2011 ; Soule, 2013). Ces variations peuvent atteindre des ampli-tudes qui dpassent 50 % du prix la rcolte (Soule, 2013). Depuis 2007, les prix des matires premires agricoles, notamment des crales et des sources de protines, ont largement fluctu sur les marchs internationaux (Faostat, 2014). Ces variations ont affect les prix sur les marchs domestiques en Afrique de lOuest, avec une variabilit des prix plus forte dans les pays ctiers (Bnin, Cte dIvoire, Sngal) que dans les pays continentaux, tout au moins pour le mas (Diallo et al., 2011).

    Face ces fluctuations, certains pays comme le Sngal et la Cte dIvoire ont mis en place des politiques de scurisation de leurs approvisionnements en matires premires pour lalimentation ani-male en sorientant vers une importation de crales des pays de la sous-rgion, comme le Mali ou le Burkina Faso (Diallo et al., 2011). Le Bnin pourrait jouer lui aussi un rle dans la rponse la demande locale pour lalimentation animale dans la mesure o le pays dispose de zones agrocologiques favorables la production de matires premires agricoles comme le mas et le soja (Soule, 2013). Il faut aussi bien sr compter sur la disponibilit locale en tourteaux darachide et en tourteaux de coton qui reprsentent res-pectivement 2,5 et 1 Mt pour le seul espace de lUnion conomique et montaire ouest africaine (Uemoa), ainsi que sur la disponibilit en sous-produits de crales. Enfin, la rponse la demande en pro-duits de base des fabricants daliments passe par des importations massives. Entre 1989 et 2009, par exemple, les importations ouest africaines de mas sont passes de 56 000 318 000 t (FAO, 2014).

    Au Bnin la production avicole est encore assez faible, compare celle des pays avoisinants (Burkina Faso, Sngal), et la consom-mation dufs et dovoproduits (0,80 kg/an) est bien en de de la moyenne mondiale (8,90 kg/an ; Faostat, 2014). Les perspectives de dveloppement du march sont donc importantes. Cependant, pour anticiper lavenir des filires avicoles bninoises, il convient de sinterroger sur leur comptitivit par rapport aux filires avoi-sinantes de production dufs et aux importations, notamment du Brsil ou dEurope. La comptitivit est dfinie comme la capacit de ces filires agroalimentaires maintenir et dvelopper leurs parts sur le march national ou lexport dans un environnement concurrentiel (Porter, 1990).

    Par ailleurs, les enjeux de scurit alimentaire dans les pays du Sud portent sur la production mais galement sur la distribution et laccs aux produits pour les populations faible revenu (Foley et al., 2011). Les mesures prises dans les pays ouest africains pour pallier les instabilits de prix des produits agricoles ont mis laccent sur lamont de la production avicole alors que laval de la production joue un rle aussi important pour la stabilisation des prix (Diallo et al., 2011). Les marchs agroalimentaires en Afrique sont caractriss par des problmes dincertitudes, notamment

    limportance des asymtries de pouvoir sur les marchs, lins-tabilit des prix, les problmes dquit dans la fixation des prix et la rigidit de loffre qui oblige les producteurs vendre des chances particulires (Griffon et al., 2001). Ces incertitudes semblent tre compenses par des formes de coordination sociales trs varies qui participent au fonctionnement des filires de pro-duction et garantissent leur prennit (Griffon et al., 2001). Quel est le mode de fonctionnement des exploitations avicoles au Bnin et quelle est leur capacit dadaptation un environnement qui volue ? Quelles sont les exigences et ncessits existant en termes dapprovisionnement en intrants et de commercialisation des pro-duits ? Quelles sont les stratgies mises en place par les diffrents acteurs pour scuriser les flux lamont et laval de la filire ufs afin de rpondre au mieux aux besoins du march ?

    Pour rpondre ces interrogations, le concept de filire a t uti-lis comme outil danalyse (Raikes et al., 2000 ; Rastoin et Ghersi, 2010). Dans un premier temps, les diffrents acteurs de la filire ont t caractriss et leurs modes de fonctionnement et dorgani-sation dcrits. Ensuite, les contraintes et perspectives existant au niveau des approvisionnements et de la diffusion des produits ont t prsentes. Enfin, les stratgies mises en place par les diff-rents acteurs de la filire pour assurer la scurisation des flux dap-provisionnements et de mise en march ont t discutes et des scnarios dvolution proposs.

    MATERIEL ET METHODES

    Concept de filireLa filire peut tre dfinie comme une succession dactivits troitement imbriques les unes par rapport aux autres, lies verticalement un mme produit ou des produits voisins et dont lobjectif principal, dans les filires agroalimentaires, est de rpondre aux besoins des consommateurs (Montigaud, 1989). Lapproche filire adopte dans cette tude sinscrit dans une logique danalyse des flux de produits en amont et en aval de la filire et permet de comprendre lorganisation et le fonctionnement des circuits commerciaux (Duteurtre et al., 2000 ; Raikes et al., 2000). Il sagit dune approche hrite de lconomie industrielle, trs proche de la notion anglo-saxonne de chaine de valeur (value chain) et qui permet une analyse trs fine des relations entre acteurs (Kaplinsky et Morris, 2001). La notion de filire revt une dimension non seulement technique, mais aussi conomique et territoriale (Lossouarn, 2003). La dimension conomique doit tre apprhende dans ses composantes financire (niveaux de prix et de marges), mercatique (qualit et segmentation des marchs) et organisationnelle (institutions) (Duteurtre et al., 2000). Le fonctionnement de la filire peut tre abord de lamont vers laval (en partant de la matire premire pour aboutir aux produits commercialiss et au consommateur final) ou bien de laval vers lamont (en partant du march pour remonter vers les fournisseurs de matires premires) (Raikes et al., 2000). Sappuyant sur des mthodes utilises pour analyser les filires avicoles europennes, brsiliennes (Bonaudo et al., 2011) et ouest africaines (Bastianelli, 2001 ; Djamen, 2008), ltude a t ralise en partant du systme de production dufs pour identifier en amont les circuits dapprovisionnement en intrants, et en aval les circuits de transport et de distribution des produits.

    Dlimitation de la filire avicole bninoise et des territoires associsIl existe au Bnin deux types daviculture. Dun ct, lavicul-ture rurale (parfois qualifie de traditionnelle ou de villageoise)

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    est caractrise par un levage en divagation ou en semi-divaga-tion dont les produits sont destins lautoconsommation et par-fois la vente. En aviculture rurale, les exploitations utilisent la plupart du temps des ressources gntiques locales et des aliments disponibles sur lexploitation. Dun autre ct, laviculture inten-sive urbaine ou priurbaine (parfois qualifie de moderne ou de semi-industrielle) est caractrise par un type dlevage orienta-tion commerciale utilisant des techniques plus intensives, incluant notamment des souches amliores, des btiments ferms, et des rations base daliments industriels. Au sein de ces deux types daviculture, il peut exister une grande diversit de modles tech-niques et de formes dexploitation. Par extension, nous avons uti-lis les termes filire semi-industrielle ou mme filire industrielle pour caractriser les circuits en amont et en aval dans lesquels sin-srent les exploitations semi-industrielles. La filire de production et de commercialisation dufs sest dveloppe essentiellement proximit des grands centres de consommation du sud du pays (TDH, 2010).

    La prsente tude sest intresse la filire intensive de pro-duction et de commercialisation des ufs au Bnin, qui approvi-sionne les marchs urbains, les ufs issus de laviculture rurale tant davantage destins un march cultuel. Elle a consist dans un premier temps identifier les types dacteurs impliqus sur le territoire concern. En amont de la production dufs, elle a port sur les acteurs chargs de la production et de la commercialisation de matires premires utilises dans la fabrication daliments, les fournisseurs danimaux vivants, les fournisseurs dadditifs alimen-taires, les fabricants daliments, les fournisseurs de produits vt-rinaires et les prestataires de services vtrinaires. Dans la partie en aval de la filire, elle a t consacre aux acteurs effectuant la commercialisation des divers produits issus de llevage (ufs mais aussi poules de rforme et fientes), aux acteurs de la restau-ration qui sont des acheteurs importants dufs et aux mnages consommateurs finaux. Elle a aussi port sur lanalyse des le-vages eux-mmes, et sur lanalyse des acteurs ayant des fonctions de rgulation et de gouvernance dans la filire, comme les services de llevage et les organisations professionnelles (tableau I).

    Ltude a t ralise au sud du Bnin dans les dpartements de lAtlantique, du Littoral et de lOum, o se situent 75 % des avi-culteurs, et les centres de consommation majeurs. Le sud du Bnin est caractris par un climat subquatorial qui alterne deux saisons sches (de novembre mars et de mi-juillet mi-septembre) et deux saisons des pluies (davril mi-juillet et de mi-septembre octobre). Par ailleurs, des enqutes ont t menes au nord, dans le dpartement du Borgou qui est une zone de production agricole, afin de rencontrer certains des acteurs impliqus dans lapprovi-sionnement en matires premires. Ce dpartement est caractris par un climat de type soudanien. Lanne comporte deux saisons : une saison sche de novembre dbut mai et une saison pluvieuse de mai octobre. Les caractristiques climatiques et cologiques de cette zone en ont fait une zone de production agricole o lon produit pendant la saison des pluies pour ensuite stocker et revendre pendant les priodes de raret.

    Echantillonnage et collecte des donnesUne dmarche en deux tapes a t adopte : la premire a privi-lgi la conduite dentretiens individuels semi-dirigs auprs de diffrents types dacteurs afin de mieux cerner et apprhender les contraintes et potentialits des diffrents acteurs du systme. La seconde tape sest attache conduire des enqutes plus syst-matiques auprs des leveurs afin de conduire un diagnostic tech-nique des exploitations avicoles. Ltude a t ralise de mars septembre 2012.

    Quatre-vingts enqutes individuelles ont t conduites auprs de tous les acteurs impliqus dans la filire dans le but de la caract-riser, de dcrire les fonctions des diffrents acteurs, de dcrire les flux de matires premires et produits, et de comprendre les rela-tions entre ces diffrents acteurs (tableau I). Lchantillonnage des acteurs impliqus dans cette phase a t ralis en collaboration avec lUnion nationale des aviculteurs professionnels du Bnin (UNAP-Bnin) et de manire concerte avec les responsables des diverses associations dacteurs. Plusieurs niveaux dinvestigation ont t privilgis et adapts pour chaque type dacteurs : la des-cription des activits menes (par exemple activit de production, transformation, pratiques dalimentation), la description des flux de matires et produits (circuits dapprovisionnement et de com-mercialisation), les relations avec les autres acteurs de la filire (type dacteurs et nature des relations), les logiques individuelles et collectives des acteurs (comportements face une crise, alter-natives lvolution de la demande), et les difficults rencontres et solutions envisages. Afin de comprendre le fonctionnement du systme productif et de caractriser ses performances techniques et conomiques, des visites hebdomadaires avec collecte des donnes de performances de production des poules pondeuses ont t ra-lises auprs de quelques exploitations. Ces exploitations taient localises dans le sud du Bnin. Les donnes ont t collectes laide de questionnaires structurs portant sur la conduite des ani-maux (matriel supplmentaire S1).

    Acteurs enquts Effectifs Dpartements

    Acteurs transversaux Structures du gouvernement 3 LittoralOrganisations professionnelles 5 Atlantique, Littoral

    Acteurs en amont de la productionProducteurs de matires premires 6 BorgouUsines de transformations 2 Littoral de matires premires agricolesCommerants de matires premires 6 Atlantique, Littoral, Oum, BorgouCouvoirs et importateurs de poussins 3 AtlantiqueFournisseurs dadditifs 1 LittoralFabricants daliments 4 Atlantique, LittoralImportateurs de produits vtrinaires 2 LittoralPrestataires de services vtrinaires 2 Atlantique, Littoral

    Eleveurs de poules pondeuses 30 Atlantique, Littoral, Oum

    Acteurs en aval de la productionCommerants ufs 4 Littoral, OumCommerants poules 2 LittoralRestaurants - caftrias 2 LittoralSuperettes - ptisseries 2 LittoralConsommateurs 6 Littoral, Oum

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    mises en place alors quil nexistait pas encore dunits indus-trielles de fabrication daliments : Au moment o jai install mon exploitation, il ny avait pas de fabricants daliments spcia-listes. Ceux qui se disaient fabricants daliments navaient aucune formation et mlangeaient juste des matires premires (Ele-veur n 4). Les aliments taient galement fabriqus par des le-veurs qui jugeaient que les aliments disponibles dans le commerce taient de qualit moindre : Jai utilis une fois laliment fabri-qu par le plus grand fabricant daliments mais jai eu des pertes normes et jai dcid de recommencer formuler et fabriquer moi-mme laliment (Eleveur n 2) ; On veut savoir ce quils mettent exactement dans laliment et pas juste les teneurs en nutri-ments (Eleveur n 23).

    Les autres leveurs (16 levages) achetaient laliment auprs des fabricants daliments. Ils avaient galement pour habitude de fabri-quer leurs aliments il y a quelques annes mais ont choisi den acheter suite aux difficults dachat et de transport des matires premires Cest trop pnible de passer de march en march ou dun commerant un autre pour trouver une matire premire qui manque (Eleveur n 1) ou une volont damlioration du niveau technique de leurs exploitations On ne peut pas tre la fois leveur et fabricant daliments (Eleveur n 3).

    Deux fabricants daliments produisaient des aliments commer-ciaux pour poules pondeuses sur le territoire. Le premier (Groupe Vto Services) produisait 250 tonnes daliments pour pondeuses par semaine tandis que le second en fournissait huit tonnes par semaine. Ce dernier assurait galement la commercialisation de matires premires protiques (tourteau de soja et tourteau de coton) et dadditifs nutritionnels (acides amins de synthse, pr-mix). Le plus grand fabricant daliments produisait galement des aliments pour lapins, poulets de chair et ruminants (bovins, ovins, caprins) et assurait la revente de matires premires agro-industrielles achetes auprs des usines locales. Les aliments pour ruminants taient exports vers divers pays de la sous-rgion. Les autres fournisseurs daliments taient en ralit des reven-deurs daliments produits par le plus grand fabricant daliments. Ils disposaient galement dateliers de mouture et de mlange de matires premires pour la fabrication daliments destination des leveurs. Pour limiter limpact des fortes fluctuations des prix des matires premires, certains leveurs et fabricants daliments planifiaient des approvisionnements consquents en priode de bas prix et stockaient ces rserves dans leurs entrepts. Les petits producteurs qui navaient pas les moyens de faire des rserves res-taient dpendants des fluctuations des prix sur le march.

    Les produits vtrinaires taient imports de plusieurs pays par des oprateurs privs. LEtat assurait la distribution exclusive des vaccins. Les additifs alimentaires taient imports de divers pays et commercialiss par le plus grand fabricant daliments. Il les revendait ensuite aux ateliers de mouture daliments ou aux le-veurs. Cet acteur assurait galement en partie limportation et la distribution de petits matriels avicoles (mangeoires, abreuvoirs). Les services vtrinaires taient fournis par des techniciens en sant animale disposant rarement dautorisation dexercer ou par des cabinets vtrinaires plus spcialiss dans la prescription de mdicaments. Ces cabinets vtrinaires fournissaient galement des conseils dans la gestion et le suivi de lexploitation, les pra-tiques dalimentation et le calcul des formules de rations dali-ments pour les leveurs qui faisaient eux-mmes le mlange des matires premires. Avec laugmentation de la production dufs, ces derniers avaient pour fonction la rdaction dun business plan en cas dinstallation de nouveaux leveurs ou dagrandissement de lexploitation. Ils assuraient galement le suivi des performances techniques dans les levages sous contrat avec eux. Lusine de fabrication daliments (Groupe Vto Services) a dvelopp un

    Traitement des donnesUne analyse du fonctionnement de la filire a t ralise en caractrisant les flux mis en uvre par chaque famille dacteurs et en rendant compte des stratgies dveloppes, des relations spcifiques qui stablissent dans la filire et conditionnent son dveloppement. Les facteurs de changements et les diffrentes contraintes qui ont contribu lvolution de la filire ont t identifis.

    Pour caractriser les systmes dlevage, toutes les variables issues des enqutes systmatiques ont t pralablement codifies et les donnes soumises une analyse factorielle de correspondances multiples (AFCM) sous R version 3.0.2 (R Core Team, 2013). Sur les 30 leveurs enquts, 29 questionnaires taient exploitables. Une analyse prliminaire a montr quun leveur se distinguait de tous les autres en raison de la taille et du fonctionnement de son exploitation. Une seconde AFCM a donc t ralise en cartant cet individu du groupe afin de mieux comprendre les dynamiques au sein des 28 leveurs restants. Au terme de cette AFCM, une classification ascendante hirarchique (CAH) a t ralise per-mettant daboutir une typologie (Husson et al., 2009).

    RESULTATS

    Les informations apportes dans cette section sont issues des enqutes, sauf indication contraire.

    Filire de production dufs au BninLa notion dleveur est dfinie dans cette filire comme tant les chefs dexploitation, propritaires de leurs animaux. Les le-veurs de poules pondeuses sapprovisionnaient en divers intrants auprs dacteurs situs pour une partie hors de la zone dtude. Ils ralisaient les oprations techniques suivantes : levage de poulettes, suivi des pondeuses, alimentation et soins aux poules, ramassage des ufs. La vente des ufs se faisait soit directe-ment du producteur au consommateur, soit par lintermdiaire dun ensemble dacteurs spcialiss. La figure 1 montre les dif-frentes familles dacteurs intervenant diffrentes tapes de la filire ufs. Elle mentionne trois types dlevage (type 1, type 2 et type 3) et un leveur industriel , qui sont dcrits plus bas. Les diffrents circuits de commercialisation des autres produits de llevage, poules de rformes et fientes sont prsents dans la figure 2.

    Acteurs de lamont de la filireLes leveurs achetaient les poussins soit auprs dun couvoir qui importait des ufs couver dEurope (Belgique, Pays-Bas), soit auprs de prestataires de services vtrinaires ayant une activit dimportation de poussins dun jour en provenance de pays voi-sins (Cte dIvoire, Ghana, Nigeria) ou dEurope. Deux grands levages (plus de 3000 poules) importaient eux-mmes leurs poussins dEurope. Certains leveurs sapprovisionnaient gale-ment en poulettes prtes pondre (16 semaines). Le march de poules de 16 semaines est apparu rcemment avec la production de poulettes destination de petits leveurs par le plus grand le-vage du pays.

    Treize des levages enquts assuraient eux-mmes la fabrication daliments. Ces leveurs achetaient les matires premires auprs de commerants grossistes ou dtaillants et les transformaient dans des units adaptes cette opration. La production daliments la ferme sobservait dans les levages installs depuis plusieurs annes (avant 2000). Ces units de production daliments ont t

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    si ncessaire. Dautres leveurs plus anciens dans le domaine mais sans formation relle en mdecine vtrinaire exeraient gale-ment cette activit de services auprs de leurs collgues.

    service daccompagnement et dappui technique destination de ses clients leveurs. Ceci lui permettait galement de collecter des informations sur lefficacit des aliments vendus et de les adapter

    Commerants matires premires

    Fabricants daliments

    Usines

    Cultivateurs

    Eleveurs pondeuses

    Prestataires services

    vtrinaires

    Importateurs produits

    vtrinairesLaboratoires

    pharmaceutiques

    Consommateurs

    Grossistes

    RestaurateursDtaillants

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    Types dlevage 1 et 3

    Elevage de type industriel Type dlevage 2

    Circuits de commercialisation ufs

    Fabricants aliments

    Grossistes MP

    Cultivateurs

    Fournisseurs additifs

    Fournisseurs additifs

    CouvoirsEleveurs pondeuses

    Couvoirs Slectionneurs

    Fournisseurs poussins

    Consommateurs

    Grossistes

    Restaurateurs Ptisseries

    A

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    Entreprise

    Type dlevage 2 Importations

    Figure 1: organisation de la filire uf au Bnin montrant les circuits dapprovisionnement en matires premires (MP) et de commercialisation des ufs.

    Eleveurs pondeuses

    Cultivateurs Collecteurs

    Fientes

    Consommateurs

    Dtaillants

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    B Types dlevage 1, 2 et 3

    Elevage de type industriel

    Circuits de commercialisation poules de rforme

    Eleveurs pondeuses

    Grossistes

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    B Groupe agroalimentaire

    Poules

    Consommateurs

    Grossistes

    RestaurateursDtaillants

    Fientes

    Figure 2: organisation de la filire uf au Bnin montrant les circuits de commercialisation des poules de rforme et des fientes.

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    chacun des types identifis est prsente dans les tableaux II et III, ainsi que les donnes concernant llevage industriel.Eleveur 1, type industriel

    Ce type concernait le plus grand levage de pondeuses du pays (150 000 poules pondeuses) et tait install en zone priurbaine proximit des grandes villes du sud du pays. Cet levage importait

    Description des types dlevage identifisLanalyse des rsultats denqutes laide dune analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) a fait ressortir trois types dlevage qui se sont distingus principalement par les pratiques dalimentation et les stratgies dapprovisionnement en matires premires adoptes et en poussins (figure 3). La caractrisation de

    Figure 3: analyse factorielle de correspondances multiples (AFCM) combinant toutes les variables du systme de production et les trois types dlevage au Bnin distingus par la classification ascendante hirarchique.

    Eleveur Type 1 Type 2 Type 3 industriel (nb. leveurs) (nb. leveurs) (nb. leveurs)

    Nombre dleveurs total 1 16 5 7

    Origine capital Fonds propres Fonds propres (14) Fonds propres (5) Fonds propres (6) Emprunt Emprunt (3) Emprunt (2) Emprunt (1)

    Main duvre Salarie Salarie (11) Salarie (5) Salarie (5) Familiale (6) Familiale (2) Familiale (3)

    Nombre de bandes 5 1,751 2,201 1,40

    Taille moyenne Petite (< 2000) 470300 (9) 500 (1) 550260 (6)dune bande Moyenne (20008000) 26001000 (6) 25002350 (4) 1500 (1)dans les levages Grande ( 30 000) 30 000 7500 (1)

    Age larrive des animaux 1 jour 1 j (15) 1 jour 1 jour (6) 16 semaines (2) 16 semaines (2)

    Age la rforme 80 semaines > 72 semaines > 72 semaines > 72 semaines

    Souche Isabrown Isabrown (16) Isabrown (5) Isabrown (7) Harco (3) Harco (1) Harco (1)

    Mode dlevage Batterie Sol (14) Sol Sol Batterie (2)

    Distribution aliment et eau Automatise Manuelle Manuelle Manuelle

    Tableau II

    Caractristiques techniques des types dlevage identifis dans la filire ufs de la zone tudie au Bnin

    Les types dleveurs ont t dfinis par une classification ascendante hirarchique (CAH) base sur lensemble des donnes collectes en enqute.

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    taient situs en zone urbaine et ne disposaient que de cette acti-vit comme source de revenu. Lapprovisionnement en poussins se faisait via des intermdiaires locaux qui informaient trs peu les leveurs de la provenance des animaux. Ils taient imports dEu-rope ou des pays voisins (Ghana, Cte dIvoire, Nigeria) et levs au sol de la phase de dmarrage jusqu la rforme. Deux leveurs de ce groupe sapprovisionnaient en poulettes prtes pondre plu-tt quen poussins dun jour. Ceci permettait dviter la phase de croissance des animaux (016 semaines) qui ncessite des investis-sements importants en termes de produits vtrinaires : Avec la fourniture de poulettes 16 semaines, cet acteur sapproprie une partie du march des vtrinaires, la phase de croissance tant celle o les vtrinaires sont le plus sollicits dans les exploitations (Eleveur industriel). Cela favoriserait par ailleurs lobtention plus rapide de ressources financires : certains investisseurs ont achet les poulettes et vendu les ufs tout de suite (Eleveur n 7). Les aliments destins aux diffrentes phases dlevage et de produc-tion taient achets auprs du plus grand fabricant daliments local. Les produits issus de llevage (ufs, poule de rforme et fientes) taient vendus une clientle pas forcment fidle (particuliers, dtaillants, grossistes, cultivateurs). Ce type dleveurs disposait dune trs faible marge de flexibilit en priode de mvente. Type 2 (cinq levages)

    Ces levages taient de taille moyenne et produisaient leur propre aliment. Les animaux taient levs au sol sur litire en zone priur-baine. Les leveurs de ce groupe avaient llevage de volailles pour

    directement ses poussins de souche industrielle de France. Les pou-lettes taient nourries pendant toute la phase de dmarrage avec des miettes importes dEurope. Il disposait en outre dune usine dali-ments pour la fabrication des aliments destins la phase de crois-sance et de production. Pour assurer un approvisionnement continu de son usine, 30 % du mas tait produit sur place et le reste tait achet directement auprs de collecteurs/grossistes dans le nord du pays. Les autres matires premires taient achetes dans des usines (son de bl, tourteaux de soja et de coton) ou auprs dimportateurs locaux (additifs alimentaires, coquille dhutres). Les ufs taient commercialiss via un rseau de distribution mis en place au moyen des entreprises de son groupe agroalimentaire. Ils taient vendus en gros (10 plateaux de 30 ufs minimum par achat) des grossistes sous contrats, des ptisseries ou au dtail (plateaux de 30, 12 ou 6 ufs) des particuliers (figure 1). Les poules de rforme taient pour partie abattues sur lexploitation et surgeles pour une vente directe en dtail au consommateur, lide tant dtaler la commercialisation pour favoriser laccs ce produit toute lanne (figure 2). Lautre partie tait commercialise en vif auprs des grossistes venant majo-ritairement de Cotonou. Les fientes taient destines principalement la fertilisation des sols sur lexploitation et les surplus taient ven-dus aux marachers et producteurs vivriers de la commune. Type 1 (seize levages)

    Ces levages avaient recours une alimentation de type commer-cial. Ils taient principalement de petite taille (neuf leveurs avaient moins de 2000 poules). Installs pour la plupart avant lan 2000, ils

    Eleveur Type 1 Type 2 Type 3 industriel (nb. leveurs) (nb. leveurs) (nb. leveurs)

    Nombre dleveurs 1 16 5 7

    Taille cheptel Petite (< 2000) 9 1 6 Moyenne (20008000) 6 4 1 Grande ( 30000) 1 1

    Localisation Priurbaine Urbaine (8) Priurbaine Priurbaine (6)

    Domaine principal dactivit Agroalimentaire Aviculture (13) Elevage Aviculture (6) Tertiaire (3) Tertiaire

    Origine des animaux France Intermdiaire (7) Europe (intermdiaire) Europe (3) Diverse (7) Local (2) Couvoir (2) Groupe (2)

    Stratgie dalimentation Import / usine daliment Achat aliment Ateliers de mouture Ateliers de mouture

    Approvisionnement matires premires Production / grossistes Grossistes / importateurs Dtaillants

    Clients ufs Circuit de distribution Tous Grossistes Tous

    Clients poules Grossistes / Grossistes / Grossistes Grossistes / circuit de distribution particuliers Particuliers (1) particuliers

    Mode de commercialisation poules Vif / surgel Vif Vif Vif

    Commercialisation fientes Cultivateurs / pandage Cultivateurs (14) Grossistes / cultivateurs Grossistes / Epandage (2) cultivateurs

    Perspectives dvolution Augmentation Augmentation (8) Augmentation (2) Augmentation (5) Autonomie alimentaire Relocalisation (8) Relocalisation (2) Relocalisation (2)

    Tableau III

    Circuits dapprovisionnement en intrants et de commercialisation des produits dans les types dlevage de la filire ufs de la zone tudie au Bnin

    Les types dleveurs ont t dfinis par une classification ascendante hirarchique (CAH) base sur lensemble des donnes collectes en enqute.

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    activit principale, mais aussi dautres ateliers (porcs). Lappro-visionnement en animaux vivants se faisait via des intermdiaires important les poussins dEurope. Les animaux taient nourris pen-dant toutes les phases de production avec un aliment fabriqu par lleveur ou par des prestataires de services vtrinaires. Pour composer laliment, les matires premires taient achetes en grandes quantits auprs de grossistes et stockes sur une dure dtermine nexcdant pas quelques semaines. Les leveurs de ce groupe commercialisaient les ufs auprs des grossistes (10 plateaux de 30 ufs au minimum chaque achat). Les leveurs taient assu-rs de la fidlit de leurs clients. Les poules taient vendues en vif en gros des commerants qui les revendaient sur les marchs des grandes villes ou des particuliers qui en faisaient la demande. Les fientes taient vendues des cultivateurs de la commune ou des collecteurs qui les revendaient leur tour des producteurs mara-chers ou vivriers (tableaux II et III).

    Type 3 (sept levages)

    Ces levages taient de petite taille et produisaient leur propre ali-ment. Six des leveurs de ce groupe avaient pour activit principale llevage de volaille. Lautre leveur tait informaticien de formation et disposait de cette activit avicole comme source de revenu com-plmentaire. Les poussins taient imports dEurope via un interm-diaire (trois levages concerns) ou achets auprs dun fournisseur local ne renseignant par forcment sur la provenance des animaux (deux levages). Les deux autres leveurs sassociaient dautres collgues leveurs pour importer directement les poussins dEu-rope. Laliment utilis sur lexploitation tait fabriqu par lleveur lui-mme. Ne disposant pas de moyens de stockage et ayant de plus petits cheptels (< 2000 poules), les leveurs du type 3 achetaient les matires premires au fur et mesure de leurs besoins auprs de dtaillants situs proximit de leurs exploitations. En cas de pnurie, ils achetaient plusieurs sacs quils stockaient dans les ate-liers dans lesquels ils faisaient la mouture de leurs ingrdients. Ces leveurs vendaient les ufs des grossistes mais galement des particuliers situs prs de lexploitation, des ptisseries et des res-taurateurs (figure 1). La vente des ptisseries et des restaurateurs assurait un dbouch rgulier et lcoulement dufs casss/fissurs. Les poules taient vendues en vif des grossistes ou des particu-liers. Les fientes taient vendues des cultivateurs de la commune ou des collecteurs qui les revendaient des producteurs marachers ou vivriers (figure 2).

    Systme de production dufsLes chefs dexploitation taient pour la plupart des professionnels dautres secteurs dactivit (fonctionnaires, informaticiens, retraits) en reconversion dactivit (12 leveurs) ou pluriactifs (12 leveurs). Ils ne soccupaient pas toujours de llevage et de la conduite des animaux mais employaient de la main duvre familiale ou sala-rie pour soccuper de lexploitation (tableau II). Les autres leveurs (cinq leveurs) taient fils dagriculteurs ou avaient fond lexploi-tation pour exercer leur mtier (formation professionnelle en avicul-ture). Les fonctions des chefs dexploitation se rsumaient la ges-tion des approvisionnements en intrants et la commercialisation des produits.

    Le financement des investissements et des avances de trsorerie pro-venaient de capitaux propres. Seulement sept leveurs avaient eu par-tiellement recours un emprunt auprs dinstitutions de financement communal (Caisse locale de crdit agricole mutuel) pour dmarrer leurs activits de production. Les banques taient souvent juges rti-centes lide de financer des activits agricoles ou dlevage par nature relativement risques : Jai obtenu mon premier emprunt aprs 10 ans dactivit car jai pu montrer que a fait longtemps que je suis dans le domaine (Eleveur n 5). Par ailleurs, linsolvabilit

    de certains leveurs avait amen les institutions de financement durcir les conditions daccs, exigeant parfois des garanties que les plus petits leveurs ne pouvaient pas fournir (titre de proprit, entreprises cautionnaires) : Les institutions de microfinance avaient commenc financer notre activit mais ils ont augment les conditions de financement parce que certains collgues nont pas pu solder leurs emprunts (Eleveur n 6). Les difficults de finance-ment taient juges par les chefs dexploitation comme des limites importantes aux investissements et un frein au dveloppement de la filire : Je peux investir mes fonds personnels pour agrandir lex-ploitation mais sil ny a pas, en 2015, de financement extrieur, je serai oblig de limiter mon effectif 25 000 ttes (Eleveur n 5).

    Les techniques dlevage employes taient globalement les mmes dans les diffrents types dlevage la diffrence des btiments dlevage. Les animaux (150 000) taient levs en batterie dans llevage de type industriel et au sol pour la majorit des autres types. Ces techniques peuvent tre dfinies comme intensives en ce sens que les animaux taient levs en claustration et recevaient une alimentation industrielle, leur permettant dexprimer leur potentiel de production. Deux souches industrielles danimaux taient utilises dans les exploitations : Isabrown et Harco. Alors que la souche de pondeuses Isabrown tait lune des plus utilises (30 levages), la poule Harco tait reconnue par les utilisateurs comme tant lune des souches de ponte les plus rustiques et pouvant se garder pen-dant deux ans de ponte (Eleveurs n 10 et 14). Llevage se faisait souvent par bande mais la dfinition dune bande dpend du type dexploitation considr et surtout de la taille du cheptel. Llevage de type industriel constituait souvent des bandes de 30 000 poules alors que la taille pouvait largement varier dans les autres types dlevage. Dans le type 3, la taille moyenne tait de 1500 poules pour les levages moyens (cheptel de moins de 8000 animaux) alors que dans le type 1, elle tait de 2600 poules. Pour llevage de type industriel, lalimentation tait distribue automatiquement via des silos dalimentation et des chanes de distribution, et leau tait apporte automatiquement en continu toute la journe. Pour les autres types dlevage, laliment et leau taient distribus manuel-lement, exigeant une forte prsence de lleveur ou du salari sur lexploitation.

    Lge de rforme des animaux dpendait des mthodes commer-ciales de chaque levage, de son niveau de performances et de son niveau technique. Certains leveurs procdaient la rforme de leurs animaux aprs une priode de production de 52 64 semaines (cas de lleveur industriel et dun leveur du type 1). Les autres pour-suivaient lexploitation des animaux plus ou moins longtemps en fonction de la priode de vente cible et de la trsorerie disponible : Etant donn quelles se vendent mal en dehors des ftes de fin danne, je continue parfois les lever mme lorsquelles ont atteint lge prvu de rforme (Eleveur n 2) ; On nourrit les animaux grce aux recettes issues de la vente des ufs. Ds quon se rend compte que ce nest plus rentable, on vend les animaux (Eleveur n 10). Le tableau II rsume les principales caractristiques tech-niques et conomiques des trois types dlevage identifis.

    Acteurs de laval de la filireLa chane de commercialisation des ufs et des poules de rforme se faisait soit par la vente directe aux consommateurs, soit par la vente plusieurs maillons intermdiaires. Ces derniers taient spcialiss (grossistes ufs, grossistes poules) ou exeraient plusieurs activits en dehors de la filire (ptisseries, restaurateurs, dtaillants).

    Les grossistes taient dfinis par les acteurs de la filire comme des revendeurs qui achetaient au moins 10 plateaux dufs ou au moins 50 poules de rforme par achat. Les grossistes ufs sapprovision-naient auprs des diffrents types dleveurs, indpendamment de la

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    taille du cheptel de ceux-ci ou de la localisation de leurs exploita-tions. Ces revendeurs faisaient souvent le tour de plusieurs levages afin de disposer dune quantit dufs suffisante pour rentabiliser leur dplacement. Deux collecteurs dufs ont t identifis dans la zone dtude. Ils achetaient au minimum 500 plateaux dufs par leveur et les revendaient des grossistes de taille moins importante. Les grossistes revendaient des dtaillants, des restaurateurs et des ptissiers. Les dtaillants taient des revendeurs dont la commerciali-sation dufs ntait pas lactivit principale. Il sagissait dpiceries, de revendeuses de produits alimentaires au march (lgumes) ou de vendeurs itinrants. Ils revendaient exclusivement des consomma-teurs. Les restaurateurs et les ptisseries achetaient les ufs auprs des grossistes ou des leveurs, les transformaient et les vendaient galement des consommateurs finaux.

    Les poules de rforme reprsentaient une source de revenu compl-mentaire la vente des ufs. Elles taient destines la consomma-tion humaine et vendues en vif par des dtaillantes ou les leveurs eux-mmes pendant les priodes de ftes religieuses. Elles taient galement transformes par des restaurateurs et vendues des consommateurs finaux. Il nexistait aucun abattoir destin la filire avicole. Les poules taient abattues au march par des intermdiaires souvent connus des revendeuses.

    Voies damlioration des niveaux de productionIl ressort de ce qui prcde que la production dufs au Bnin est fortement tributaire de lapprovisionnement en matires premires pour lalimentation des animaux, de lorganisation des acteurs de la filire et de la commercialisation des produits. Lanalyse de la dyna-mique de la filire a permis de distinguer trois phases qui dcrivent son tat et ses facteurs de changement : a) une premire phase de stagnation de la production, b) une phase de dveloppement et c) une proposition de scnarios dvolution au regard des forces motrices et opportunits prsentes (figure 4).Disponibilit en matires premires pour lalimentation

    Les leveurs et les fabricants daliments enquts taient confronts la variation intersaisonnire des flux et des prix de matires pre-mires utilises en alimentation avicole (figure 5). Le mas consti-tuait en effet la base nergtique de laliment. Il tait achet principa-lement auprs de cultivateurs situs dans le nord du Bnin. Ctait la matire premire dont les cours ont le plus fluctu au cours de lan-ne (en 2011, de 183 /t en novembre 260 /t en aot Parakou dans le nord du Bnin, alors quau march international de Dantokpa dans le sud, ce prix a vari de 305 /t en novembre 427 /t en aot). Les prix taient aussi diffrents dune zone gographique une autre (183 /t au nord et 305 /t dans le sud en novembre). Lors de la crise du mas en 2003, les leveurs avaient galement t confron-ts une augmentation des prix de vente et une indisponibilit du mas. La proximit avec les pays voisins a favoris la vente de cette matire premire des commerants venant du Nigeria et proposant de meilleurs prix. Cette situation a entran une pnurie sur le mar-ch intrieur du Bnin. Lenvole des prix des crales associe des niveaux de volatilit levs et persistants a contraint les acteurs concerns revoir leurs stratgies dapprovisionnement, prsentes dans la section suivante.

    Les protines dans laliment taient principalement apportes par des tourteaux de soja produits localement et achets auprs des usines de trituration locales (huileries). Laugmentation de la demande tant sur le march intrieur que dans les pays voisins (Burkina Faso, Togo) a favoris une augmentation du prix du soja (figure 5b). Des diff-rences de prix de cette matire premire ont galement t obser-ves en 2011 : en janvier, elle tait vendue 440 /t dans le sud et 400 /t dans le nord alors quen octobre les prix ont presque doubl dans le sud en passant 710 /t alors quelle tait vendue au mme

    moment dans le nord 450 /t. De plus, les leveurs taient initiale-ment rticents une substitution du tourteau de soja dans laliment par du tourteau de coton ou du tourteau de palmiste, car peu infor-ms sur la qualit de ces ressources alimentaires et les performances animales qui pouvaient en dcouler. Certains se sont orients vers lapprovisionnement auprs de petits ateliers de trituration de soja. Nanmoins, le cot lev du tourteau de soja et lloignement des points dapprovisionnements secondaires ont progressivement favo-ris lutilisation des matires premires alternatives comme le tour-teau de coton ou de palmiste : En cas dindisponibilit ou de chert du tourteau de soja, la formule alimentaire est radapte en fonction des matires premires disponibles. Le tourteau de soja est remplac par exemple par le tourteau de coton ou des graines de soja torr-fies (Eleveur n 7) ; en gnral il y a souvent rupture de stock pour le tourteau de soja et le son de bl. Dans ces cas, on les rem-place par du tourteau de coton ou on incorpore du tourteau de karit, du tourteau darachide, de la farine de manioc ou du son de mas (Eleveur n 11). Les autres leveurs moins informs adoptaient le paquet classique mas/soja quel que soit le cot investi.

    Des organisations professionnelles en mergence

    La filire de production et de commercialisation des ufs est carac-trise par un faible niveau dorganisation professionnelle des diff-rents acteurs. En 2000, trois associations dleveurs existaient et se faisaient concurrence sur le terrain. Daprs les leveurs interrogs, on dplorait cette priode un manque dchanges et de dialogue formel entre les diffrents acteurs de la filire, notamment la faible rponse technique apporte par les associations daviculteurs face la crise du mas de 2003. Ces difficults ont t lorigine de lmer-gence dorganisations professionnelles et de cadres de concertation entre les diffrents acteurs grce une dynamique insuffle par la Direction de llevage, structure dcentralise du ministre de lAgri-culture, de lElevage et de la Pche. Les organisations nes en 2008 sont : lUnion nationale des aviculteurs professionnels du Bnin (UNAP-Bnin), lAssociation nationale des fabricants daliments du Bnin (Anfab), les Fournisseurs de poussins dun jour (FPJ), lAsso-ciation des importateurs de produits vtrinaires (AIPV), lAssocia-tion des prestataires de services vtrinaires en aviculture moderne (Apsvam) et lAssociation des vendeurs de volailles (AVV). Malgr la rcente cration de ces organisations professionnelles, des difficul-ts subsistent encore quant la rglementation de linstallation des leveurs, la professionnalisation de chaque activit pour une stan-dardisation des normes de production et un meilleur coulement des produits avicoles.

    Des circuits de commercialisation des produits trs fluctuants

    Les circuits de commercialisation des produits avicoles taient mul-tiples et dpendaient du type dlevage. La commercialisation se faisait de faon trs informelle, non soumise des rgles strictes et officielles : lleveur produisait des ufs et les vendait l o le besoin sexprimait sans aucun contrle pralable des services sani-taires, comme cela aurait pu tre observ dans dautres contextes. La commercialisation laissait apparatre des priodes de dficit ou au contraire de surproduction. Pendant la saison des pluies, les ufs se vendaient rapidement et la demande avait tendance surpas-ser loffre : Pendant la saison des pluies, je vends plus dufs ; parfois mme, on narrive pas satisfaire la demande des clients revendeurs (Grossiste ufs n 1). Inversement, pendant les saisons sches, les restaurateurs vendaient moins de produits base dufs, ce qui crait une saturation du march : Quand il fait chaud, les caftrias ne vendent pas donc je suis oblig de rduire mes prix de vente pour que les grossistes puissent macheter les ufs (Eleveur n 10).

    Cette variation intra-annuelle de la consommation dufs rapporte par les leveurs et les acteurs laval de la filire serait lie des

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    a) Etat de la filire

    Statut foncier

    Politique damnagement du territoire

    Financement de l'activit

    Type dleveurs

    Niveau de

    Stagnation

    2005

    Elevages en zones de campagne

    Installation anarchique des leveurs

    Fonds propres issus dautres activits

    Eleveurs indpendants, investisseurs dautres

    secteurs

    Faible professionnalismeNiveau de professionnalisme

    Structuration de la filire

    Approvisionnement en animaux vivants

    Matires premires agricoles

    Pratiques dalimentation

    March

    Faible professionnalisme

    Filire non organise, 3 associations dleveurs

    Faible capacit de production de poussins en quantit et qualit

    Indisponibilit, fluctuation des prix

    Fabrication daliments par les leveurs

    Difficults dcoulement

    Dveloppement Scnarios pour futur

    2005 2012

    Quelques levages en zones urbaines

    Zones de production agricoles

    Installation peu contrle

    Installation trs rglemente

    Faible financement bancaire

    Banques agricoles

    De plus en plus dinvestisseurs privs

    Eleveurs indpendants Sous contrats

    Pratiques dlevage Elaboration de normes

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    Pratiques dlevage amliores

    Elaboration de normes de production

    Dbut de structuration de la filire

    Filire(s) trs structure(s)

    1 seul couvoir fonctionnel, poulettes

    16 semaines

    Importation exclusiveSystme intgr

    Peu disponible, fluctuation des prix Autosuffisance mas/soja

    2 fabricants daliments / fabrication par leveurs

    Plusieurs fabricants daliments professionnels

    Crise de mvente saisonnire Centrale dachat

    b) Facteurs de changement

    Statut foncier

    Politique damnagement du territoire

    Financement de l'activit

    Type dleveurs

    Niveau de

    Pression foncire, migration populations vers zones de

    production

    Agrment dinstallation dexploitation

    Conditions daccs financement de plus en plus

    lourdes

    Absence de prts la cration

    Stagnation

    2005

    Niveau de professionnalisme

    Structuration de la filire

    Approvisionnement en animaux vivants

    Matires premires agricoles

    Pratiques dalimentation

    March

    Formations professionnelles

    Cration de plusieurs OP et de l'IAB

    Faible satisfaction des leveurs vis--vis des couvoirs

    locaux

    Quota pour soja, fluctuation des prix

    Achat de l'aliment consommer

    Faible matrise des circuits de distribution

    Pression foncire, migration populations vers zones de

    productionPlan damnagement agricole

    installation dexploitation

    Textes dinstallation dexploitations et des

    populations

    accs au financement de plus en plus

    lourdesConditions daccs acceptables

    Absence de prts la cration Difficults de financement

    Harmonisation des pratiques

    Scnarios pour futurDveloppement

    2005 2012

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    Formations professionnelles Harmonisation des pratiques

    Cration de plusieurs OP et IAB

    Plan de dveloppement de la filire soutenu par les OP

    Faible satisfaction des vis des couvoirs

    locaux

    Couvoir local efficace ou dfectueux

    Quota pour soja, fluctuation des prix

    Renforcement liens filires vgtales et animales

    aliment prt consommer

    Spcialisation des diffrents acteurs

    Faible matrise des circuits de distribution

    Meilleur quilibre du march

    Figure 4 : tat de la filire de production dufs et transitions (a); facteurs de changement et perspectives dvolution de la filire (b); OP: organisations professionnelles; IAB: Interprofession avicole du Bnin.

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    habitudes alimentaires diffrentes selon les saisons : les ufs sont consomms durs (bouillis) ou en omelette. Pendant la saison sche, les consommateurs sorientaient plus vers la consommation de grillades dans les bars plutt que vers une consommation de plats base dufs (UNAP-Bnin). Pour faire face cette varia-tion de la demande, les ufs taient alors vendus des grossistes ou des dtaillants crdit : la vente de la marchandise couvrait ainsi les dettes contractes auprs du fournisseur. Certains leveurs ou commerants situs prs des frontires avec le Nigeria vendaient les ufs dans ce pays alors que dautres taient obligs de jeter les ufs, faute de moyens de transformation et/ou de conservation. Les leveurs avec de plus petits effectifs se contentaient dune clientle de proximit et vendaient l o sexprimait le besoin. Cette faible matrise de lcoulement des ufs tmoignait donc dune absence de structures adquates pour un approvisionnement quilibr des marchs ou dune faible adaptation des cycles de ponte aux besoins du march.

    La commercialisation des poules de rforme tait davantage ma-trise puisque les leveurs sarrangeaient pour rformer les poules pendant les ftes de fin danne, les ftes chrtiennes et musul-manes. La demande en viande de volailles tait paralllement satisfaite par la filire traditionnelle de production de poulets, la filire poulets de chair et la filire abats de volaille imports de divers pays dEurope. Cependant, il apparat que le Bnin ser-vait de corridor de transport de la viande de volaille surgele en Afrique de lOuest. Bien qutant un important importateur de viande de volaille, la majeure partie des importations de volaille au Bnin tait destine au march nigrian. La viande tait trans-porte clandestinement vers les grands centres de consommation nigrians (USDA, 2014). Laugmentation de la demande en viande de volaille pendant les ftes crait donc un march presque certain pour lcoulement des poules de rforme. Toutefois, la vente se faisait majoritairement en vif en raison de labsence de chane de froid, et du climat chaud et humide.

    Stratgies de scurisation des flux mises en place par les diffrents acteurs Organisation de la filire

    La filire de production dufs a connu diverses crises : en 2003, lindisponibilit et laugmentation des prix des matires premires, et en 2006 lpidmie dinfluenza aviaire. Suite ces diffrentes pressions, la filire a connu un dbut de structuration lchelle des territoires concerns. Des organisations professionnelles (OP)

    ont t cres au niveau de tous les maillons afin de mieux contri-buer la promotion et lmergence de la filire, par la matrise de la production, la transformation et la distribution.

    Ces cadres de concertation ont abouti en 2011 la cration de lInterprofession avicole du Bnin (IAB), charge de coordonner les actions lchelle de toutes les organisations professionnelles de la filire et dtre leur porte-parole tous les niveaux. Ainsi, de nombreuses actions ont t menes par cette interprofession conjointement avec les diffrents services gouvernementaux. Pour scuriser les flux de matires premires, lIAB a convenu avec les usines de trituration locales dun approvisionnement permanent en tourteaux de soja et de coton. Depuis 2009, au dbut de chaque anne, une estimation des besoins en ces matires premires est communique aux usines qui se sont engages fournir les quan-tits requises. Dautres ngociations taient en cours pour fixer un prix maximum de vente afin de rduire la dpendance des leveurs et des fabricants daliments vis--vis des fluctuations de prix. De plus, lUNAP est membre du consortium pour le dveloppement des filires locales de production de soja et de mas, pour un ren-forcement des liens entre filires avicole et vgtale.

    Des politiques dappui la professionnalisation des leveurs ont t labores par le ministre de lAgriculture, de lElevage et de la Pche, et lIAB. Des ateliers de formation ont ainsi t organiss pour sensibiliser les diffrents acteurs aux notions de bioscurit, techniques et pratiques dlevage. Des textes rglementaires ont t galement mis en place pour rguler linstallation des leveurs dans des zones ddies la production agricole. Il faut mentionner quavec les pressions enregistres sur le foncier et lurbanisation grandissante, des levages autrefois en campagne se sont retrou-vs en pleine zone urbaine. Un moratoire de quelques annes a t accord aux exploitations situes dans les centres urbains pour se dplacer vers des zones que les maires et autorits locales ont dfi-nies comme agricoles.

    Au plan international, des relations ont t cres entre les asso-ciations bninoises et celles des pays voisins ou encore avec des partenaires financiers de lUemoa. Des changes sont organiss chaque anne travers les journes techniques de laviculture afin de rflchir aux enjeux rgionaux et de promouvoir le com-merce intrargional.

    Apparition de nouveaux acteurs

    En dehors des crises saisonnires dcoulement des produits et de disponibilit de matires premires, la filire a t confronte entre 2000 et 2004 une augmentation des importations en ufs

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    Figure 5 : dynamique dvolution des prix du mas (a) et du tourteau de soja (b) sur les marchs de Dantopka au sud et de Parakou au nord du Bnin en 2010 et 2011. (Source: Office national dappui la scurit alimentaire, Bnin, 2012)

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    rfrigrs de pays occidentaux, vendus des cots plus faibles que les ufs produits localement. A chaque crise, des leveurs ont t limins du processus de production, laissant place dautres leveurs plus comptitifs avec des tailles de cheptels plus impor-tantes. Ainsi, limportation des ufs rfrigrs entre 2000 et 2004 au Bnin a entran la fermeture de 13 % des exploitations avicoles du fait des difficults dcoulement de leurs productions (Onibon et Sodegla, 2006). Un accord darrt (convention vo-que par tous les acteurs mais laquelle nous navons pu avoir accs) des importations dufs rfrigrs conclu en 2005 entre les leveurs, la Direction de llevage et les principaux importa-teurs a t un moteur de dveloppement de la production dufs. Cet accord a contribu laugmentation des cheptels aviaires et lexpansion gographique des exploitations avicoles, ins-talles prs dautres grandes villes, notamment dans le nord. Le cheptel national de poules pondeuses est pass de 275 000 ttes en 2006, dont 96 % des levages taient situs dans le sud du Bnin, plus de 500 000 en 2009, dont 87 % dans le sud (TDH, 2010).

    Laugmentation de la taille des levages a cr des besoins en intrants avicoles (poussins dun jour, aliments, produits sanitaires) peu satisfaits par les acteurs. Les couvoirs locaux et les fournis-seurs de poussins ne disposaient pas dune capacit de produc-tion pouvant suffire la demande en poussins ; les vendeurs de matires premires avaient des difficults pour approvisionner tous les leveurs. Ainsi, pour rpondre la demande leve en intrants et services techniques des levages, sont apparus de nouveaux acteurs spcialiss en fourniture danimaux vivants, fabrication daliments, importation de produits sanitaires et additifs alimen-taires et prestataires de services techniques. Un approvisionne-ment de poulettes prtes pondre ges de 16 semaines a t mis en place par lleveur de type industriel. Ce nouveau systme pr-sentait lavantage de permettre aux petits leveurs des types 2 et 4 de limiter les difficults financires et techniques lies lalimen-tation des animaux pendant la phase dlevage (016 semaines) et de disposer dune source de revenu immdiate. Cinq leveurs sapprovisionnaient en poulettes plutt quen poussins dun jour. Cependant, les vtrinaires, qui ralisaient les meilleurs bnfices pendant cette phase dlevage, taient moins rceptifs lappa-rition de ce service. Ils taient le plus sollicits dans les levages pendant la phase de croissance des poulettes.

    Dans la mme dynamique et pour pallier les difficults dapprovi-sionnement et les fluctuations de prix de matires premires que subissaient les leveurs, une usine de fabrication daliments pour pondeuses a t cre par le plus grand importateur dadditifs ali-mentaires de la filire. Pour garantir un approvisionnement continu de son usine en soja, ce dernier en produit une partie, lautre partie tant achete auprs des usines locales. Le mas est achet direc-tement auprs de producteurs ou de grossistes dans tout le pays : On achte le mas l o on en trouve. En gnral, on arrive dans une zone de production et on ramasse dans les hameaux ce quil y a de disponible (Groupe Vto Services). Cette entreprise a embauch temps plein une ancienne commerante de matires premires qui est base dans le nord du Bnin et dont les activits taient exclusivement la collecte et lachat de matires premires pour le groupe.Partenariats et rapports de force entre acteurs

    Les pratiques de contractualisation en amont et en aval taient quasi inexistantes. Les approvisionnements en matires pre-mires auprs des grossistes taient contractualiss orale-ment. Nanmoins, ces contrats, quoique moraux, revtaient une grande importance dans le fonctionnement de la filire. Les plus gros leveurs (types dlevage 1 et 3) qui faisaient des achats importants en matires premires avaient lassurance dtre

    approvisionns selon leurs besoins sans avoir prospecter le mar-ch la recherche de nouveaux fournisseurs. Les quantits ache-tes par ces types dexploitation facilitaient un paiement de la facture uniquement la rception de la marchandise. En change, les grossistes sengageaient leur livrer en priorit les quantits ncessaires, mme en cas dindisponibilit sur le march. Pour assurer leurs engagements auprs de gros clients fidles , ces derniers collectaient la matire premire demande auprs des plus petits cultivateurs dans diffrentes rgions du Bnin ou de la sous-rgion. Le paiement au comptant de la marchandise auprs des producteurs de matires premires leur garantissait en permanence laccessibilit plusieurs sites de production. Ces grossistes vendeurs de matires premires nacceptaient de fournir de nouveaux clients que si ceux-ci taient recomman-ds par danciens clients, se portant garants de la solvabilit de ces derniers.

    Les petits leveurs du type 3 sapprovisionnaient auprs de dtail-lants. Labsence de moyens de stockage et la taille de leurs chep-tels ne leur permettaient pas dacheter en grandes quantits les matires premires. Il sagissait donc dapprovisionnements ponc-tuels qui se faisaient auprs de dtaillants disposant de la matire premire au moindre cot. Les transactions marchandes se fai-saient au comptant. Les leveurs habitus un dtaillant pouvaient toutefois avancer de largent afin dtre srs dtre livrs en cas de pnurie de matire premire.

    Par ailleurs, les pratiques de fidlisation laval de la filire existaient notamment pour la commercialisation des ufs. Les leveurs du type 2 entretenaient une relation de fidlit avec leurs clients grossistes qui ils vendaient de faon prioritaire en cas daugmentation de la demande ou paiement diffr en cas de mvente. Cette contractualisation reposait sur le fait que les gros-sistes constituaient la base financire et le centre dinformation de la filire. Dans une conomie o laccs au crdit et aux liquidits tait difficile, les ressources montaires du grossiste ufs taient fondamentales pour la prennit de lexploitation. Ainsi le gros-siste, conscient de cet avantage, utilisait les informations prove-nant des aires dapprovisionnement : ton collgue leveur ma vendu les ufs un prix plus faible (Eleveur n 16) et des dif-frents marchs on narrive pas vendre au march (Eleveur n 14) pour fixer le prix des ufs. Cette pratique de marchandage des prix dachat se retrouvait davantage au niveau des petits le-veurs des types 2 et 4. Les grossistes se permettaient parfois de refuser la marchandise pour faire baisser les prix. A linverse, ces petits leveurs avaient lavantage de vendre les ufs une clientle diversifie (ptisseries, restaurateurs) et de proximit. Certains privilgiaient la vente des dtaillants et des particu-liers qui taient plus fidles.

    Lleveur de type industriel avait un rseau de revente assez diversifi lui permettant de scuriser la prennit de son exploita-tion. Les grossistes pralablement inscrits sur une liste et connus des agents commerciaux sengageaient un achat minimal cha-cun de leur passage et la frquence qui leur convenait. Un chan-gement dhabitude ou de frquence dapprovisionnement pendant les priodes de mvente donnait lieu un refus de vente lors des prochaines commandes. Sachant que les ufs de son exploitation taient trs demands dans la ville de Cotonou grce plusieurs campagnes publicitaires (ufs Agrisatch ), ce rapport de force existant avec les grossistes lui confrait une capacit daccroisse-ment de sa production. Les grossistes sapprovisionnant rguli-rement chez lui avaient ensuite t incits former une associa-tion dont les membres pouvaient visiter ses installations avicoles, les ventes se faisant dans un lieu amnag. De plus, des cadeaux clients taient offerts ces derniers pour maintenir de bonnes rela-tions et prenniser les affaires.

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    DISCUSSION

    Filire base sur une articulation formel-informelUne des caractristiques de la filire ufs au Bnin est la pr-sence de pratiques informelles ctoyant des activits formelles. Lexportation illgale des matires premires vgtales vers le Nigeria ou encore la commercialisation des ufs au niveau des frontires bnino-nigrianes tmoignent de la prsence dun sec-teur informel qui pourrait fragiliser lorganisation amont et aval de la filire. Il existe toutefois galement des circuits informels de commercialisation des ufs sur le territoire tudi. La vente dufs ne se fait pas toujours dans un cadre lgal et rglementaire. Ceci pourrait poser de graves problmes de sant dans la mesure o il nexiste ni normes rgissant la production (bioscurit, rgles dhygine, usage de produits vtrinaires, etc.), ni moyens de contrle sanitaires des ufs, ni systmes facilitant une traabilit des produits en cas de crise sanitaire. De mme, les circuits dap-provisionnement en mas bnficient du dynamisme du secteur informel du commerce des produits vgtaux.

    Par ailleurs, la prescription de produits vtrinaires par des agents non autoriss le faire ou non inscrits lordre des mdecins vtrinaires (techniciens en sant animale, leveurs) et la dli-vrance de conseils techniques (formulation daliments, sugges-tion ditinraires techniques) par ces mmes personnes sont des exemples dexistence dun secteur informel qui permet aux acteurs de sadapter aux difficults dapprovisionnement en intrants. A loppos, les approvisionnements en produits vtrinaires et addi-tifs alimentaires sont matriss et assurs par les services tatiques (vaccins et autres produits biologiques) ou par des entreprises ins-crites au registre de commerce (additifs). Le positionnement des acteurs par rapport au secteur formel reste nanmoins ambigu : un leveur peut sapprovisionner en intrants auprs de services dcla-rs et donc tre prsent dans le secteur formel, et peut revendre ses produits via des circuits peu formels si aucun autre choix ne soffre lui.

    Il apparat toutefois que les activits informelles ne sont pas ncessairement ralises avec lintention dlibre de se soustraire au paiement des impts ou des cotisations de scurit sociale, ou denfreindre la lgislation du travail, dautres lgislations ou dautres dispositions administratives (BIT, 1993). Lexistence de ces circuits dapprovisionnement et de commercialisation paral-lles rvle plutt labsence de rglementations clairement dfi-nies ou une incapacit de lEtat faire appliquer ses propres lois. Il sagit selon Charmes (1990) dune question dinadaptation, dim-puissance et mme dabsence de volont de rgulation lgard de ces emplois spontanment crs dans un contexte de chmage et de sous-emploi levs. Il savrerait enfin important didentifier les conditions ncessaires au changement ou au maintien du ratio formel sur informel existant et den hirarchiser les avantages et les inconvnients dans le cadre du dveloppement de la filire.

    Gestion des approvisionnements et des ventesLa filire avicole moderne bninoise est dans une dynamique de progression et de structuration forte linstar dautres filires africaines (Bastianelli, 2001). La cration des organisations pro-fessionnelles et de linterprofession a permis de limiter plusieurs contraintes lies la disponibilit des matires premires. La production a augment ces dernires annes et les perspectives dvolution des types dexploitation identifis correspondent prin-cipalement laugmentation de la taille du cheptel. La demande semble donc pouvoir progresser limage du modle push/pull dfini par Jensen et al. (2010) selon lesquels les fournisseurs de matires premires exercent une pression sur la filire (push) et les

    leveurs produisent pour rpondre la traction venant du march (pull). Cependant, des interrogations subsistent sur la gestion des approvisionnements en poussins et les variations intersaisonnires et gographiques des prix des matires premires. La filire est aujourdhui majoritairement dpendante de limportation en pous-sins dun jour (25 des aviculteurs enquts) et le seul couvoir fonc-tionnel importe les ufs couver. Il y a lieu de sinterroger sur la prennit dune telle filire sachant que lapprovisionnement peut tre compromis par des arrts dimportation, notamment dans le cadre de crises sanitaires. Les importations de poussins dun jour du Nigeria ont dailleurs t interdites par le gouvernement depuis lpidmie de grippe aviaire en 2006 pour viter une dissmination en cas de pathologies. Mais ces importations sont-elles toujours contrles dans un environnement socio-conomique et politique favorisant le libre-change des biens et des personnes ?

    En outre, les variations intersaisonnires et gographiques du prix des matires premires agricoles constituent une caractristique structurelle des marchs des produits agricoles en Afrique (Diallo et al., 2011). Sachant que laliment reprsente le poste de dpenses le plus lev en levage avicole (Bastianelli, 2001), de telles varia-tions de prix rduisent la capacit de rsilience des exploitations. Il transparat par exemple du discours de lleveur du type industriel quil souhaite acqurir une certaine autonomie en termes dappro-visionnement en matires premires pour pallier ces difficults et rduire ses cots de production. Au regard des diffrents types dlevage identifis, quelles sont les alternatives dont disposent les plus petits leveurs de la filire face de telles difficults dappro-visionnement ? Lanalyse a montr quil existe une faible connais-sance des paquets techniques alternatifs au couple mas / tourteau de soja habituellement appliqu dans les levages. En labsence dune dynamique motrice, certains leveurs montraient parfois des rticences sorienter vers dautres matires premires en cas de raret du mas ou du tourteau de soja. Dans les pays voisins ga-lement, il existe une faible substitution entre les crales dont les prix varient le plus (mas, riz) et les crales sches locales (mil, sorgho) (Diallo et al., 2011).

    Nos enqutes ont montr que les prix de vente du mil ou du sorgho rouge variaient trs peu au cours de lanne. En 2011, ces matires premires taient vendues 269 9,2 /t et 556 22,9 /t, res-pectivement sur les marchs de Parakou (Nord Bnin) et de Dan-tokpa (Sud Bnin). Sous lhypothse dun avantage comparable en termes de rapport qualit nutritionnelle / prix dachat, lutilisa-tion de ces matires premires en priodes de chert du mas peut donc constituer une alternative pour les fabricants daliments et pour les leveurs. Des tudes ont montr que le millet et le sor-gho pouvaient tre utiliss en alimentation animale (Baurhoo et al., 2011 ; Torres et al., 2013) et peuvent ainsi offrir une protection par rapport aux fluctuations de prix du mas sur les marchs domes-tiques et internationaux. Une amlioration de lapprovisionnement en matires premires et une meilleure connaissance des avantages lis une utilisation de matires premires disponibles localement semblent donc tre indispensables lamlioration des perfor-mances des animaux.

    Par ailleurs, une autre caractristique de la filire est la faible orga-nisation et matrise des circuits de distribution des ufs. LUNAP a envisag la possibilit de crer une centrale dachat et de distri-bution des ufs qui aurait en charge la collecte des ufs auprs des leveurs avec une garantie de commercialisation de leurs produits. Une telle organisation exige nanmoins un contrle de la qualit des produits et la mise en place de politiques dindem-nisation en cas de problmes sanitaires ou de conservation. Ceci souligne a) la ncessit de mcanismes dassurance de llevage avicole encore inexistants dans la filire et b) une meilleure pro-fessionnalisation des leveurs avec des pratiques dlevage et des

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    modes de conduites matriss et connus. Le plus grand levage de la filire (type industriel) qui approvisionne dj certaines exploi-tations en poulettes 16 semaines dge envisage de crer un sys-tme intgr de la production. Il fournirait les animaux, laliment, les soins vtrinaires, un cahier des charges dfinissant les condi-tions de production et soccuperait ensuite de la distribution des produits.

    Il ressort de tout ceci quil existe une volont daide la pro-fessionnalisation des acteurs et duniformisation des pratiques manant de lleveur de type industriel, mais galement de lUNAP. Cet leveur, prsident de lUNAP, avait un poids cono-mique lui permettant dinvestir dans des outils techniques propices la dynamisation de la filire. Cette approche de professionnali-sation est de plus en plus cite comme tant le moyen damlio-rer lenvironnement commercial des produits alimentaires et de favoriser le commerce entre les diffrents pays de lUemoa (Nyoro et al., 2007). Lharmonisation des pratiques ou des normes peut prsenter des avantages, mais galement des cots importants. Le respect des normes ou des pratiques peut gnrer des cots sup-plmentaires lis des exigences dinspection, limitant ainsi la comptitivit de ces produits alimentaires. Les petits leveurs pourraient galement tre limins du systme en raison de normes trop leves pour les dbouchs dont ils disposent (Keyser, 2012). Il convient alors didentifier le systme le plus appropri pour le dveloppement et la prennit de la filire, sachant quune harmo-nisation ou standardisation peut se dcliner de diffrentes faons et sadapter aux contextes socio-conomiques de chaque pays (Key-ser, 2012).

    Limites de la mthode qualitativeLe dveloppement de la filire ufs autour des grandes villes bninoises est assez rcent. Il rpond une augmentation de la demande urbaine en lien avec la croissance dmographique et laugmentation des revenus. Dans cette tude lorganisation de la filire a t dcrite, les stratgies des acteurs ont t interro-ges, les contraintes au commerce des ufs ont t identifies et caractrises. Nanmoins, lanalyse reste qualitative et conserve une part de subjectivit sachant quelle transmet les ressentis de chaque acteur et leurs souhaits dvolution. Elle illustre lintrt que portent les acteurs la filire et son fonctionnement. Elle reprend trs peu dlments quantitatifs sur la gestion des flux dans la filire et lanalyse conomique des circuits commerciaux associs, par manque daccessibilit voire dexistence de ces don-nes. Une analyse comptable aurait t pertinente, permettant ainsi dvaluer les marges des acteurs commerciaux aux diffrents che-lons. Par consquent, labsence de relevs de prix et des quantits produites au niveau de chaque maillon est une faiblesse identifie dans cette filire. Une tude conomique dtaille permettrait de simuler linfluence de divers paramtres techniques sur la valeur ajoute des exploitations avicoles et la rpartition de cette valeur ajoute au niveau des autres acteurs de la filire.

    Perspectives dvolution de la filireLaccord darrt des importations de volaille en 2005 a marqu le dbut de structuration de la filire et le dveloppement de la pro-duction locale dufs. Les trois phases identifies (stagnation, dveloppement et scnarios pour le futur) dcrivent son tat et mettent en perspective les facteurs de changement.

    Des volutions ont t observes tant du point de vue de la caract-risation de la filire que des pratiques dlevage. Les exploitations avicoles taient installes dans des zones de campagne autour des grandes villes. Ces zones ntaient pas dfinies suivant un plan damnagement destin la production avicole ; elles taient

    le fruit de stratgies individuelles des acteurs et de leurs moyens financiers. Face lurbanisation croissante, la pression foncire et linstallation des populations la priphrie des villes, cer-taines exploitations se sont retrouves en zones urbaines et taient donc considres comme sources de pollution environnementale : Quand je me suis installe ici il y a 20 ans, il ny avait personne. Jai lectrifi la zone et aujourdhui lEtat me demande de dpla-cer mon exploitation parce que je suis en zone urbaine (Eleveur n 3).

    Avec la mise en place dun texte de rglementation par lEtat en concertation avec lUNAP, linstallation des exploitations est un peu plus contrle. Ce texte stipule que la construction de bti-ments dlevage dans une zone doit tre soumise laccord des autorits communales et doit tre ralise dans des zones affectes lagriculture . Il accorde galement un dlai de cinq ans aux leveurs ayant des constructions en zones urbaines pour dmna-ger dans des zones plus appropries. Il semble qu lavenir les nouvelles installations seront plus rglementes et que llevage priurbain se dveloppera dans des zones qui lui seront destines.

    Nanmoins, les difficults daccs au financement pour la cra-tion et le dveloppement des exploitations avicoles a conduit la ncessit dinvestir des capitaux propres dans lactivit et a limit linstallation des plus jeunes. La cration de lAssurance mutuelle agricole du Bnin (AMAB), issue de la volont de lEtat et de lengagement des producteurs mettre en place des mcanismes dassurance appropris pour le secteur agricole, reprsente un facteur de changement pouvant conduire lassouplissement des conditions de financement ou la cration de banques (agricoles) moins rfractaires linvestissement dans ce secteur.

    Par ailleurs, labsence de formations professionnelles adquates a longtemps caractris le faible professionnalisme des acteurs de la filire (mlange de matires premires pour la fabrication de laliment pour animaux mme le sol, absence de prophylaxie car juge inutile). La cration des diffrentes organisations profession-nelles et la mise en place de programmes de formation financs par le gouvernement et destination de tous les acteurs ont contribu lamlioration des pratiques dlevage et dalimentation. Laliment est aujourdhui achet par certains leveurs, et la fourniture de poulettes a limit les difficults techniques et financires qui pou-vaient exister pendant la phase dlevage des animaux. Un scna-rio possible dvolution de la filire serait llaboration de normes de production bninoises ou luniformisation des pratiques permet-tant damliorer les niveaux de productivit, mais mettre en lien avec les surcots ventuels qui pourraient tre engendrs.

    CONCLUSION

    La filire de production dufs bninoise est en pleine expansion et compose de plusieurs acteurs en relation au sein du territoire tudi. Laccord darrt (convention nationale) des importations dufs de 2005 qui a favoris linstallation de nouvelles exploi-tations et lapparition de nouveaux acteurs a t lune des forces motrices de cette filire. Cette tude a permis didentifier des obs-tacles au dveloppement de la filire et les stratgies adoptes par les diffrents acteurs pour les surmonter. Des organisations pro-fessionnelles ont t cres au niveau de tous les maillons pour scuriser les flux de matires premires et mieux contribuer la matrise de la production. Des accords ont t conclus entre les usines de trituration dolagineux sur le territoire pour garantir un approvisionnement minimum de tourteaux de soja et de coton. Un consortium existe pour le dveloppement et le renforcement des liens entre acteurs des filires locales de production de soja et de mas, et acteurs de la filire avicole.

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