Société Française des Evaluateurs SFEVde+travail... · 2017. 3. 22. · Société Française des...
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Société Française des Evaluateurs
SFEV
GROUPE DE TRAVAIL
PRISE EN COMPTE DU RISQUE
DANS LE TAUX D’ACTUALISATION
Ce document constitue une contribution à la réflexion sur un thème d’évaluation
majeur.
Les conclusions qui sont présentées dans ce document sont celles d’un groupe de
travail et ne sauraient engager la SFEV en aucune manière.
SEPTEMBRE 2013
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 1/38
SOMMAIRE
Avant-propos
Chapitre I
Rappel des fondements théoriques de l’évaluation
1 - La pratique usuelle en matière d’évaluation
2 - Le coût du capital
3 - Le coût du capital dépend-il de la structure financière ?
Chapitre II
Les limites inhérentes au modèle actuel
1 - Le CMPC et la structure financière
2 - Une pluralité de CMPC
Chapitre III
Le risque lié à la dette, son coût et sa valeur
1 - La valeur comptable de la dette peut-elle être retenue en évaluation ?
2 - La valeur réelle de la dette
3 - La valeur réelle de la trésorerie
Chapitre IV
La prise en compte du risque spécifique
1 - Le risque spécifique : une multitude de réalités
2 - Taille, liquidité … et volatilité
3 - Le risque de faillite
4 - Le risque lié à l’absence de taille critique
5 - Le risque lié aux flux
6 - Les autres risques spécifiques
Bibliographie
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Note de travail
Septembre 2013 2/37
Composition du groupe de travail
Daniel Beaumont – Associés en Finance
Sonia Bonnet-Bernard – Ricol Lasteyrie
Thomas Bouvet – Defix
Edouard Camblain – Société Générale
Roland Clère – BMA
Jean-Pierre Colle – Grant Thornton
Alain Frydlender – BDO
Damien Le Berre – Ricol Lasteyrie
Jean-Michel Moinade – Oddo Corporate Finance
Henri Philippe – Accuracy
Jean-Florent Rérolle – KPMG
Didier Saintot - KPMG
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Septembre 2013 3/37
AVANT-PROPOS
La méthode d’évaluation par l’actualisation des flux, appelée méthode DCF
(« Discounted Cash Flows ») est devenue prédominante dans la pratique des
entreprises, que ce soit dans le cadre du choix de projets d’investissement, de
projets d’acquisition d’entreprises ou de la mise en œuvre des normes IFRS,
notamment s’agissant des tests de dépréciation. Le contexte actuel d’incertitude
économique a contribué au succès de l’approche par les flux futurs dans la mesure
où elle permet de mieux appréhender la valeur d’utilité dans une perspective à
moyen ou long terme.
Cette méthode repose sur deux piliers :
les flux de trésorerie prévisionnels ;
le coût du capital attaché aux flux d’exploitation.
L’estimation des flux de trésorerie est généralement du ressort du management de
la société qui a défini au préalable des orientations stratégiques et des objectifs
chiffrés. Le contexte d’incertitude économique doit cependant rendre prudent dans
cette estimation et les flux doivent être révisés très régulièrement. Cette question
n’est pas abordée dans le présent document.
Si la détermination du coût du capital relève de la compétence de l’évaluateur, il
n’en existe pas de mesure directe. Les seules références observables sur le marché
sont le coût des capitaux propres des sociétés cotées et le coût de leur dette. A
partir du coût des fonds propres, il est établi le modèle d’actualisation des flux
futurs attribuables aux actionnaires (« DCF to equity »). En intégrant le coût de la
dette au taux d’actualisation plutôt qu’aux flux, il est établi un second modèle
d’actualisation qui appréhende les flux futurs communs aux actionnaires et aux
créanciers (« DCF to the firm ») en les actualisant au coût moyen pondéré du
capital (CMPC), le WACC en anglais (« Weighted Average Cost of Capital »).
Le taux d’actualisation employé dans ces modèles est généralement issu du
MEDAF1. Ce dernier s’est en effet imposé comme le modèle de référence
permettant d’associer le rendement d’un investissement au risque qu’il supporte.
Néanmoins, la pratique a mis en exergue un certain nombre de limites, tant au
regard de l’hypothèse d’efficience des marchés que des difficultés de mise en
œuvre (diversification limitée, instabilité du bêta, évolution de la structure
financière…). Le MEDAF ne tenant compte que du risque systématique,
considéré comme non diversifiable, certains évaluateurs intègrent un risque
spécifique dans le taux d’actualisation en le majorant de primes spécifiques.
1 Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers ou Capital Asset Pricing Model en anglais,
initialement développé par William Sharp, John Litner et Jack Treynor, qui établit la relation
entre le risque et la rentabilité exigée par les investisseurs.
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L’objet de cette contribution consiste à comprendre quel type de risque peut être
appréhendé par le CMPC et, à l’inverse, quels types de risques devraient être
appréhendés par un ajustement des flux.
Dans le contexte actuel de volatilité des valeurs, pouvant engendrer un décalage
significatif entre valeurs de marché et valeurs d’utilité, il semble aujourd’hui
important de revenir sur les fondements sous-jacents du CMPC et sur sa
détermination. Que prend-on en compte dans les modèles actuels de référence ?
(chapitre 1 : Rappel des fondements théoriques de l’évaluation).
Le modèle du MEDAF s’est imposé comme un modèle de référence dans la
théorie financière moderne, néanmoins, la pratique a mis en exergue un certain
nombre de limites, tant au regard des questions théoriques (équilibre et
inefficience des marchés, évolution de la structure financière, etc.) que des
difficultés de mise en œuvre (diversification limitée, instabilité du bêta).
Les limites du MEDAF ont conduit certains praticiens à utiliser des modèles
alternatifs, telles que les méthodes multifactorielles de type APT2 ou le modèle de
Fama-French. Il convient donc d’identifier les limites du modèle dominant
(chapitre 2 : Les limites inhérentes au modèle actuel).
Par ailleurs, la prise en compte du risque lié à l’endettement est devenue un enjeu
important de l’évaluation, tant pour calculer le coût du capital, qu’au niveau du
passage de la valeur d’entreprise à la valeur des capitaux propres. Beaucoup
d’évaluateurs utilisent des méthodes consistant à déterminer en premier lieu une
valeur d’entreprise, puis à déduire de cette valeur la dette nette. Or, dans le
contexte actuel de crise des dettes souveraines et de volatilité des spreads de
crédit, la valeur des dettes financières des entreprises fait débat. La troisième
partie de ce document traite ainsi de l’alternative entre la valeur comptable ou
contractuelle de la dette (et son taux facial), et la valeur de marché théorique de la
dette (et le taux de marché spot), (chapitre 3 : Le risque lié à la dette, son coût et
sa valeur).
L’approche du MEDAF distingue risque systématique, considéré non
diversifiable, et risque spécifique. Outre le risque lié à la dette, qui accroît le
risque systématique d’un titre et peut aussi engendrer un risque de faillite
spécifique, les risques spécifiques identifiés peuvent s’appréhender de différentes
manières. Certains évaluateurs appliquent des primes supplémentaires au coût du
capital pour tenir compte des risques spécifiques de liquidité ou de taille par
exemple. D’autres praticiens ajustent les flux futurs de la société en appliquant
des décotes ou des pondérations aux différentes prévisions de résultats. Certains
vont même jusqu’à inclure l’ensemble du risque dans le flux en raisonnant en
équivalents certains et en actualisant les flux au taux sans risque. Il convient
d’analyser cette multiplicité de pratiques en fonction des types de risques
identifiés (chapitre 4 : La prise en compte du risque spécifique).
2 Arbitrage Pricing Theory, ou modèle d’évaluation par d’arbitrage initialement développé par
Steve Ross selon lequel la rentabilité de chaque action est influencée par des facteurs
macroéconomiques.
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CHAPITRE I
RAPPELS DES FONDEMENTS THEORIQUES DE L’EVALUATION
1 - La pratique usuelle en matière d’évaluation
Il est d’usage en finance d’entreprise de distinguer deux décisions complexes
auxquelles les dirigeants d’entreprise ont à faire face :
- La décision d’investissement : « dois-je investir dans cette activité ? S’agit-il
d’un actif intéressant dans mon portefeuille ? »
- La décision de financement : « une fois ma décision d’investissement prise,
comment dois-je financer cet actif ? »
Cette distinction résulte des nombreuses difficultés que pose la question du
financement à la théorie financière :
- La structure financière a-t-elle un impact sur la valeur des actifs ?
- Quelle est la structure financière optimale ?
La théorie financière n’ayant pas apporté de réponse définitive à ces questions,
une approche simplifiée consiste à séparer la question de l’évaluation des actifs
(décision d’investissement) et la question de la structure financière (décision de
financement).
Il en ressort une démarche d’évaluation en trois étapes :
- Estimation de la valeur de marché de l’actif d’exploitation, aussi appelée
« valeur d’entreprise » (VE) ;
- Estimation de la valeur de marché de l’endettement financier net (Vd) ;
- Par soustraction, détermination de la valeur de marché des capitaux propres
V(FP).
Graphiquement, on peut représenter la démarche de la façon suivante :
Goodwill
V(FP)
V(FP) = VE - Vd
Dette nette
Actif
d'exploitation
Capitaux
engagés
à la valeur de marchéDe la valeur comptable …
Vd
Valeur de marché
des actifs VE
Valeur de marché des
capitaux propres
Immobilisations
BFR
Capitaux
propres Valeur
comptable
des actifs
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Cette démarche appelle les commentaires suivants :
La valeur d’Entreprise qui correspond à la valeur de marché de l’actif
d’exploitation, est égale à la somme des valeurs de marché des fonds propres et
de l’endettement : VE = V(FP) + Vd :
- On s’intéresse à la valeur de « marché » de l’activité, c’est-à-dire à ses
perspectives de développement futures. Dès lors, on ne peut se reposer,
pour l’estimer, sur des valeurs comptables, qui sont représentatives du
passé, que ce soit pour l’estimation de la valeur des capitaux propres ou de
la dette3.
- Le cadre d’analyse sous-jacent est que l’on considère que l’ensemble de
ces éléments sont des actifs financiers (fonds propres, dettes, trésorerie,
couvertures, etc.) qui pourraient être échangés sur des marchés efficients.
Cette démarche en trois étapes ne doit pas masquer le fait que les questions sur
la structure financière sont irrésolues et qu’elles posent toujours des difficultés
à l’évaluateur. En particulier, la question de l’impact du levier financier sur la
valeur d’entreprise peut recevoir des réponses diverses. Depuis les travaux de
Modigliani et Miller, il existe une abondante littérature sur la question du
surcroît (ou de la destruction) de valeur qui résulte de l’existence d’un levier
d’endettement générant des intérêts financiers fiscalement déductibles4.
2 - Le coût du capital
Le Coût moyen pondéré du capital, ou CMPC, est le taux d’actualisation le plus
fréquemment utilisé dans la mise en œuvre de la méthode d’actualisation des flux
de trésorerie disponibles (ou DCF).
Il est généralement déterminé conformément au MEDAF (ou Modèle d’Equilibre
des Actifs Financiers), selon lequel l'équilibre des prix résulte de la constitution de
portefeuilles efficients, éliminant le risque diversifiable propre à chaque actif, et
où la prime attendue au-delà de la rémunération d’un actif sans risque est
directement proportionnelle au bêta5 ( de chaque titre. Le coût des fonds propres
Ke (pour K(FP)) décrit de la sorte ce qu’il est convenu d’appeler « la droite de
marché » et est égal à :
Ke = rf + x [ E(rM) – rf ]
Où E(rM) désigne l’espérance de rendement du marché, rf le rendement des actifs sans
risque, [ E(rM) – rf ] désignant la prime de risque du marché (pM).
3 La question de la valeur de marché de la dette faisant l’objet d’un développement spécifique
infra. 4 Par exemple, la prise en compte de ce surcroît de valeur (valeur du « bouclier fiscal ») conduit
à une valeur d’entreprise avec levier plus élevée que la valeur d’entreprise à dette nulle.
Certains évaluateurs ne prennent pas en compte cet éventuel surcroît de valeur, considérant
qu’il est absorbé par le risque de faillite, qui augmente avec le levier.
5 Voir infra pour la définition du bêta.
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Le MEDAF suppose l’efficience du marché : un marché suffisamment large où
l'information se répand instantanément, comme c'est théoriquement le cas pour le
marché boursier, où les opérateurs réagissent rationnellement et quasi
immédiatement aux informations, les cours reflétant à tout instant le juste prix des
actifs financiers tel qu’attendu selon la droite de marché.
Le coût du capital (fonds propres et endettement) peut se calculer de plusieurs
façons :
La méthode directe : elle consiste à calculer directement le coût du capital sur
la base du bêta de l’actif économique. Le taux de rentabilité exigé correspond
au loyer de l’argent sans risque majoré d’une prime de risque liée à l’activité
de l’entreprise mesurée par le bêta désendetté. Le taux d’actualisation issu de
cette approche ne tient pas compte d’une éventuelle interaction entre levier
d’endettement et valeur d’entreprise.
La méthode indirecte : elle consiste à reconstituer le coût du capital à partir
des exigences de rentabilité des différentes sources de financement. Le coût
du capital correspond ainsi à la moyenne pondérée par les poids respectifs des
ressources financières du coût des fonds propres et du coût de la dette. La
pondération des exigences de rendement repose sur les valeurs de marché des
différentes sources de financement et sur une structure financière normative
cohérente avec les rentabilités exigées. Dans la mesure où le bêta servant au
calcul du coût des fonds propres est généralement considéré comme affecté
par le levier d’endettement, l’approche indirecte de calcul du coût du capital
est elle aussi tributaire de la structure financière.
Méthode directe et méthode indirecte conduisent au même coût du capital pour
autant que l’on tienne compte d’un bêta de la dette pour désendetter le bêta de
l’action (ou pour endetter le bêta de l’actif) et que l’on fasse abstraction de la
valeur du bouclier fiscal.
Méthode directe : T = actif x pM + rf
Méthode indirecte : T = (FP x pM + rf) x [
] + (rf +spread) x [
]
Avec : actif = (FP + [
] x [
]) / [ ]
Par ailleurs, peut se poser la question de la valeur des économies fiscales liées à la
déductibilité des frais financiers sur la dette.
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3 - Le coût du capital dépend-il de la structure financière ?
La question fait l’objet d’un débat théorique ancien :
1ère
hypothèse : En l’absence d’impôts, la dette est sans impact sur la valeur des
actifs (Proposition de Modigliani & Miller, 1958).
Absence d’impact du levier L sur le coût du capital (wacc ou cmpc)
Dans un univers sans impôt et avec une information parfaite, Modigliani et Miller
(1958) ont montré que le coût du capital de l’entreprise était indépendant de sa
structure financière. Il correspond simplement au coût des capitaux propres en
l’absence de dette.
2ème
hypothèse : en présence d’impôt sur les bénéfices et de déductibilité fiscale
des intérêts d’emprunt, la valeur des actifs est une fonction croissante du levier
financier (Proposition II de Modigliani & Miller, 1963).
Impact favorable du levier L sur le coût du capital
Dans une seconde proposition (1963), les mêmes auteurs ont montré qu’avec
l’existence de l’impôt sur les bénéfices, le coût moyen pondéré du capital
(CMPC) était inférieur au coût d’opportunité du capital, en raison des économies
fiscales générées par les frais financiers. Ils ont montré également que le CMPC
pouvait être calculé de deux manières distinctes :
directement à partir du coût d’opportunité du capital (méthode directe), en
ajustant ce taux à la baisse pour intégrer l’impact des économies fiscales sur
frais financiers ;
indirectement à partir du coût des capitaux propres et du coût de la dette après
impôts, en calculant une moyenne pondérée de ces deux taux (méthode
indirecte).
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Septembre 2013 9/37
3ème
hypothèse : Les coûts implicites de la dette viennent contrebalancer les
économies fiscales générées par les frais financiers.
Limitation de l’impact favorable du levier L sur le coût du capital
La dette engendre un certain nombre de coûts plus ou moins implicites : coûts de
faillite, coûts d’agence liés à la gestion des conflits d’intérêts, coûts des covenants
(options implicites cédées par l’entreprise) coûts d’opportunité liés aux projets qui
ne pourront être mis en œuvre faute de financement disponible.
Les avantages attribués à la dette sont également remis en question par l’analyse
empirique : en effet, on observe qu’un certain nombre de grandes sociétés cotées,
particulièrement rentables, sont peu endettées. A titre d’exemple, à fin juillet 2013
parmi les 100 premières capitalisations boursières, les 38 groupes mondiaux
bénéficiant d’un PBR6 supérieur à x3, témoin d’une forte création de valeur, ont
un ratio moyen « dette / EBE » de 0,14 : Apple est à – 0,4, Microsoft à -2,0,
L’Oréal est à -0,4, Coca Cola est à 1,2.
Certaines entreprises préfèrent maintenir un faible niveau d’endettement afin de
conserver la possibilité de s’endetter en cas d’opportunité ou d’imprévu. Une
entreprise peu endettée peut obtenir plus facilement et plus rapidement un
financement bancaire qu’une entreprise déjà très endettée souvent soumise à des
covenants bancaires stricts.
Un faible endettement offre donc plus de flexibilité financière et permet plus de
réactivité, notamment pour saisir des opportunités d’investissement créatrices de
valeur.
Le niveau d’endettement des entreprises est également sujet aux effets de mode :
on constate depuis le début de la crise financière une tendance au désendettement
des entreprises, le levier étant perçu comme un handicap plutôt que comme un
signe de bonne gestion et de dynamisme.
6 Price to book ratio : rapport de la capitalisation boursière aux capitaux propres consolidés part
du groupe.
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Septembre 2013 10/37
CHAPITRE II
LES LIMITES INHERENTES AU MODELE ACTUEL
Fondé sur le MEDAF, le calcul du CMPC d’apparence relativement simple, se
heurte à la complexité du monde réel et pose des problèmes d’application
pratique. En dépit du cadre conceptuel reconnu, il n’existe toujours pas de
consensus à son sujet.
Ainsi que rappelé au chapitre I ci-avant, le MEDAF repose sur une hypothèse
d'efficience et sur l’existence d’une droite de marché, hypothèses qui ont pu être
mises à mal par des tests empiriques.
La finance comportementale a montré que des erreurs cognitives et émotionnelles
collectives faussaient la formation des prix et pouvait conduire à certains
moments à des situations de krachs ou de bulles.
Les désaccords méthodologiques des évaluateurs se traduisent en pratique par la
multiplicité des CMPC observés dans les évaluations.
1 - Le CMPC et la structure financière
Comme évoqué dans le chapitre I, la mise en œuvre du MEDAF nécessite que soit
déterminée la structure financière de la société pour autant que le CMPC soit
affecté par le levier d’endettement. Si le débat théorique concernant l’impact de
l’endettement sur le coût du capital oppose encore aujourd’hui les praticiens, force
est de constater que le MEDAF, modèle mono-périodique, n’est pas conçu pour
appréhender des changements de structure financière sur la durée d’un plan
d’affaires.
Invariabilité dans le temps de la structure financière dans le modèle MEDAF
La méthode indirecte permettant de calculer le coût du capital nécessite de
déterminer au préalable la structure financière de l’entreprise. En effet, le calcul
du bêta endetté, et donc celui du coût des fonds propres, puis du coût moyen
pondéré du capital repose sur un levier d’endettement unique.
Pour cette raison, le levier d’endettement instantané de l’entreprise ne sera retenu
qu’en l’absence d’hypothèse de changement de structure bilancielle dans le plan
d’affaires. Le calcul de la structure financière reposant sur des valeurs réelles et
non des valeurs comptables, il est possible en pratique d’avoir recours à des
formules itératives permettant de déterminer le CMPC et la valeur des capitaux
propres liée7.
7 En effet, la valeur des fonds propres dépend d’un taux d’actualisation qui repose sur un levier
d’endettement calculé à partir de la valeur des fonds propres résultant de ce même calcul. Ceci
implique de répéter le calcul jusqu’à ce que ce dernier converge vers une valeur des fonds
propres d’équilibre et donc un seul levier d’endettement cible.
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Septembre 2013 11/37
Dans le cas d’un changement prévisible de la structure financière actuelle, et dans
le cas le plus général qui consiste à retenir une valeur terminale par calcul d’une
rente à l’infini, le levier d’endettement à privilégier serait, par approximation, le
levier cible de cette rente à l’infini.
La détermination de la structure cible pose deux problèmes :
- elle peut être significativement éloignée de la structure actuelle. Dans ce cas,
il pourrait être tenu compte sur la période de convergence du levier le plus
prudent, en retenant le coût moyen pondéré du capital le plus élevé entre la
valeur instantanée et la valeur du calcul de rente. Il est également
envisageable d’opter pour l’utilisation d’un taux d’actualisation évolutif sur
l’horizon de prévisions en fonction du levier attendu ;
- il peut être difficile pour certaines sociétés de maintenir une structure
d’endettement figée dans le temps et donc de définir une structure cible
unique. Celle-ci peut être relativement erratique en fonction de déterminants
propres à l’activité, ou en raison de l’existence de cycles d’investissement.
Dans de tels cas, le levier cible retenu pour le calcul de la valeur terminale
pourrait refléter une situation normative de milieu de cycle.
Il est toujours nécessaire de s’assurer de :
- la cohérence de la structure financière cible retenue avec l’évolution des flux
sur la période du plan d’affaires. L’évolution de l’investissement doit
notamment être rapprochée de celle de l’endettement et, tout particulièrement,
pour la valeur terminale ;
- la cohérence du coût des capitaux propres et du coût de la dette avec la
structure cible. Il convient de rappeler que le coût des capitaux propres et de
l’endettement varient en fonction de la structure financière. Les praticiens ne
doivent donc pas tomber dans l’écueil des formules prédéfinies en modifiant
le niveau d’endettement d’une société sans modifier parallèlement les niveaux
de coût de la dette et de coût des fonds propres.
Pour les sociétés importantes, il convient de se référer à l’objectif de rating
d’agence, lui-même lié à la probabilité de défaut.
Pour les sociétés « non notées » il est toujours possible d’examiner la structure
financière des sociétés d’activité et de taille comparables hors opérations
exceptionnelles (croissance externe, cession, rachats d’action significatifs …).
L’alternative pour pallier ces difficultés pourrait être d’opter pour la méthode dite
« directe » consistant à déterminer le CMPC sans poser d’hypothèses sur les
exigences de rentabilité des différentes sources de financement. Cette approche
suppose toutefois que la valeur éventuelle d’un bouclier fiscal (cf. supra) ne soit
pas prise en considération, ou estimée séparément de la valeur des actifs (méthode
dite de l’APV, Adjusted Present Value).
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Septembre 2013 12/37
2 - Une pluralité de CMPC
En l’absence de consensus sur les modalités de calcul du coût du capital, des
niveaux de CMPC très divers peuvent être observés en pratique.
Les modalités d’estimation de la prime de marché et du coefficient bêta sont les
principaux responsables de la grande dispersion des CMPC observés dans la
pratique.
Nous présentons ici pour les principaux déterminants du CMPC, les alternatives
qui se présentent aux praticiens.
Les aspects relevant du coût de la dette étant principalement abordés dans le
chapitre III, nous étudions ci-après les différentes sources de divergences dans la
détermination du coût des fonds propres, à savoir :
- le taux sans risque ;
- la prime de risque du marché actions ;
- le calcul du bêta.
Il doit être rappelé que la prime de risque du marché actions représente l’écart
entre le rendement attendu du marché E(rm) et le taux sans risque de référence.
Selon les observateurs de marché et selon les périodes de référence, le taux de
rendement attendu du marché actions s’établit entre 8 et 10%. Taux sans risque et
prime de marché doivent ainsi être déterminés de manière cohérente, leur somme
s’inscrivant, dans la généralité des cas, dans la fourchette évoquée ci-dessus.
2.1 La détermination du taux sans risque
La plupart des modèles financiers comme le MEDAF prennent en compte
l’existence d’un actif sans risque, c’est-à-dire d’un actif dont la rentabilité
effective est toujours égale à la rentabilité espérée et donc non corrélée au marché.
Dans cette approche théorique, l’actif sans risque est le bon du Trésor à trois mois,
qui allie certitude sur le revenu espéré et garantie de valeur par remboursement au
pair à échéance courte. Il présente toutefois l’inconvénient de refléter un taux
« administré » par la Banque Centrale.
S’agissant de l’actualisation de flux dont l’échéance est supérieure à 3 mois, il
semble fondé de retenir comme taux sans risque, un taux figurant sur la courbe
des taux zéro coupon des emprunts d’Etat.
Dans la pratique, on utilisait jusqu’à récemment comme approximation de cette
rentabilité, le taux des obligations d’Etat à dix ans du fait de leur grande liquidité,
d’autant que ce taux n’était pas alors administré par les Banques Centrales. En
outre, c’est sur la base de ce taux à 10 ans que sont calculées les primes de marché
actions dans la plupart des études. On assure ainsi la cohérence entre taux sans
risque et prime de marché évoquée plus haut.
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Septembre 2013 13/37
La dégradation de la note des Etats-Unis par Standard & Poor’s en août 2011 et
celle de pays européens comme la France en janvier 2012 a relancé un débat
parmi les auditeurs et les évaluateurs sur la question de savoir si le taux des
obligations à long terme des Etats (taux spot ou moyenne courte) pouvait encore
être utilisé dans le calcul du coût du capital. La question est d’autant plus cruciale
pour les pays qui ont vu leurs taux d’intérêt s’envoler avec la crise des dettes
souveraines, en particulier la Grèce dont le taux d’intérêt sur les obligations à long
terme a dépassé 15% ou l’Espagne, l’Italie ou le Portugal dont les taux à 10 ans
ont dépassé le seuil critique des 6%, ou pour les pays les mieux notés (Allemagne,
France) qui inversement ont bénéficié du mouvement dit de « flight to quality ».
Dans ces conditions, quel taux sans risque prendre en compte dans le calcul du
coût du capital ? Le sujet est d’importance pour les entreprises qui évaluent des
opportunités d’acquisition ou qui effectuent des tests de dépréciation d’activités
situées dans des pays mal notés. Il est très sensible pour les entreprises dont les
opportunités de croissance dans ces pays constituent une part essentielle de la
valeur.
Afin de déterminer le taux sans risque, les évaluateurs ont aujourd’hui recours au :
- taux de rendement des obligations long terme des Etats notés triple A, tels que
le Bund 10 ans, largement utilisé en Europe ; il évolue entre 1,2% et 1,8% au
cours des derniers mois. Dans les pays émergents, on estime en général que la
signature de l'Etat est ce qui se rapproche le plus d'un taux sans risque ;
- taux de rentabilité exigé sur un actif considéré sans risque dans le pays
d’origine s’il n’intègre pas de risque de défaut. Il peut être ajusté par le
différentiel d’inflation anticipée avec le pays investisseur en appliquant la
formule de la parité des pouvoirs d'achat ;
- taux des obligations de l’Etat étranger après retraitement de la prime de défaut
qu’il comporte sur la base du spread correspondant à ce risque. Ce spread peut
être déterminé soit sur la base des spreads observés sur les obligations d’Etat
classées par notation, soit de ceux observés sur le marché des CDS ;
- taux d’emprunt de grandes entreprises locales qui empruntent à un taux plus
faible que l’Etat. Dans ce cas, et si leur business model est éprouvé et que leur
levier est raisonnable, certains n’hésitent pas à utiliser ces taux, voire à les
réduire de quelques points pour approcher un taux sans risque (Damodaran
conseille 0,5% mais n’apporte pas de véritables justifications).
Notons qu’il est difficile de s’affranchir de l’horizon sur lequel est calculée la
prime de risque des actions pour déterminer la période pertinente pour
l’observation de taux sans risque qui a lui-même servi à la détermination de
la-dite prime de risque.
2.2 La prime attendue par les investisseurs du marché actions
La prime de risque des actions représente l’écart de rentabilité entre le rendement
attendu d’un placement en actions et le rendement d’un placement sans risque.
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Note de travail
Septembre 2013 14/37
Bien qu’il y ait consensus sur la définition de la prime de risque, on note une forte
hétérogénéité dans les approches et modes de calcul retenus. Cette hétérogénéité
s’est accentuée avec la hausse significative depuis 2008 de cette prime, en raison
d’une plus forte aversion pour le risque (et donc une plus forte exigence de
rentabilité attendue sur les actions).
On rencontre deux approches de détermination de la prime de marché :
la prime de risque historique : cette prime de risque est parfois retenue sans
ajustement, considérant que la période écoulée est révélatrice de la prime de
risque anticipée ou prospective. Dans d’autres cas, certains ajustements sont
réalisés par exemple afin de tenir compte d’un changement de contexte
économique et d’une plus grande exigence de rémunération pour les actifs à
risque comme les actions. Cette prime peut varier selon les sources (Ibbotson,
Barra, Elroy Dimson et al., Aswath Damodaran...)
la prime de risque prospective : cette approche est théoriquement la plus
pertinente dans la mesure où elle est censée refléter les anticipations des agents
économiques. Le niveau de cette prime est déterminé à partir du taux
nécessaire (TRI) pour que la valeur actualisée des flux futurs perçus par
l’actionnaire à moyen et long terme (dividendes, rachats d’actions …) soit
égale au cours actuel de chaque société. L’ensemble de ces TRI est ensuite
agrégé pour déterminer le TRI du marché, la prime de risque de marché
s’obtenant en lui retranchant un taux sans risque. La difficulté de cette
approche tient à l’absence de consensus (hypothèses centrale dans le MEDAF)
et donc à la dispersion de son niveau d’un fournisseur à un autre.
2.3 Le calcul du bêta
Afin de prendre en compte le risque de la société évaluée, la prime de risque du
marché est affectée d’un coefficient bêta, . Ce coefficient permet de traduire le
risque systématique, non diversifiable, de chaque société. En effet, le niveau de
risque n’est pas le même pour toutes les sociétés du marché (sociétés plus ou
moins cycliques, bien installées ou sensibles aux crises, aux taux de change, aux
taux d’intérêt, etc.). L'investisseur n'en attend donc pas la même rémunération, et
exige une prime de risque supérieure pour les titres qu'il juge plus risqués.
Le coefficient bêta d’une action mesure la sensibilité de son cours à l’évolution du
marché en général. Il correspond au rapport i) entre la prime de risque de la
société évaluée (surcroît de rendement attendu sur ce titre par les investisseurs par
rapport à un placement sans risque) et ii) la prime de risque du marché (surcroît de
rendement attendu du marché de référence).
Détermination du bêta d’une société cotée sur une base historique
Le bêta peut être calculé sur la base des cours historiques de la société,
considérant qu’il conserve une certaine stabilité dans le temps et qu’il constitue
une bonne approximation du bêta anticipé par les agents économiques.
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 15/37
Le bêta est calculé à partir des rentabilités boursières (retraitées des coefficients
d’ajustement et des distributions de dividendes) selon un pas (quotidien,
hebdomadaire, mensuel) sur des périodes telles que l’on dispose d’un nombre
suffisant d’observations, par exemple une cinquantaine d’observations.
Le coefficient historique est obtenu arithmétiquement par la régression des taux
de rentabilité de l’action contre les taux de rentabilité du marché :
Taux de rentabilité de l’action = constante + ß x taux de rentabilité du marché +
Dès lors, le est égal à la covariance des rentabilités de l’action et du marché
divisé par la variance de la rentabilité du marché8 9.
Il n’existe pas de consensus sur l’indice de référence mesurant le « marché ».
Ainsi, il est généralement représenté par un indice large de type Eurostoxx 600.
Parfois, certains retiennent un indice small caps correctement diversifié pour le
calcul du bêta de sociétés small caps10
.
Plutôt que résulter d’un calcul mécanique fondé sur les variations de cours
relevées sur une période donnée, le bêta doit être fixé après une analyse fine de
l’historique du cours de la société (et de celles du secteur) ainsi que de sa
situation. Pour cela, il convient d’analyser les bêtas constatés sur des périodes
historiques différentes (1 an, 2 ans, 3 ans, …) afin de détecter les éventuelles
anomalies des cours de bourse historiques.
Les paramètres propres à la société susceptibles d’influer sur le niveau du bêta
sont notamment :
le levier opérationnel qui résulte des charges fixes et des marges sur coûts
variables ;
la sensibilité des marges au cycle économique ;
le levier financier qui accroît les frais fixes de l’entreprise.
Cette approche implique une part de subjectivité qui n’est pas absente non plus
des autres travaux d’évaluation tels que la détermination de la marge
opérationnelle normative ou encore la formulation d’une hypothèse de croissance
perpétuelle pour le calcul d’une valeur terminale.
Le calcul d’un bêta peut être affiné en suivant une approche segmentée par
branche d’activité (le bêta de la société étant alors la moyenne pondérée des bêtas
des branches qui la composent, ces derniers étant déterminés sur des échantillons
de sociétés comparables).
8 On retient généralement les logarithmes népériens des variations de cours plutôt que les
variations elles-mêmes. 9 S’agissant de calcul statistique, un coefficient de corrélation d’au moins 40% est en principe
nécessaire pour considérer le résultat obtenu comme satisfaisant. Ce seuil n’est pas pertinent
pour certains secteurs où le bêta est particulièrement faible (induisant un coefficient très
faible), tel que celui des foncières. 10
Il s’agit dans ce cas d’une adaptation du MEDAF afin de tenir compte du déphasage souvent
observé entre indices small caps et indices généraux qui, du fait du poids des principales
sociétés, reflètent principalement les cours des grandes entreprises.
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 16/37
Détermination du bêta sur une base analogique
Le bêta d’une société cotée ou non, peut être déterminé par analogie, sur la base
d’un échantillon de sociétés cotées comparables représentatives du secteur. De
même que pour les approches analogiques de valorisation, il est important
d’analyser les sociétés de l’échantillon retenu (qui peut être différent de celui
retenu pour le calcul des multiples boursiers) au regard des paramètres détaillés
ci-après, afin de maintenir une certaine homogénéité des coefficients.
Comme indiqué ci-avant, un coefficient de corrélation d’au moins 40 % est en
principe nécessaire pour considérer le résultat obtenu comme satisfaisant.
Toutefois, en pratique, il est courant que les sociétés cotées comparables
représentatives du secteur affichent des coefficients de corrélation inférieurs à
40%. Dès lors, dans certains secteurs où les bêtas sont faibles, l’évaluateur peut
être conduit à abaisser ce seuil, quitte à privilégier dans l’échantillon retenu les
bêtas dont les coefficients de détermination sont les plus élevés.
Plusieurs paramètres conditionnent les niveaux de bêta :
- Le secteur : les coefficients bêta peuvent fortement varier selon les secteurs
en fonction de leur caractère cyclique, capitalistique, leurs « drivers » ou la
visibilité de l’activité.
Certains secteurs sont plus cycliques et démultiplient structurellement les
variations de l’activité économique générale comme le transport ou le BTP
qui enregistrent des coefficients élevés. D’autres secteurs, tels que la
distribution de gaz et d’électricité ou l’immobilier de bureaux dont les cash
flows sont relativement récurrents, les atténuent et affichent de ce fait des
bêtas faibles.
- La taille : au sein d’un même secteur, l’effet taille peut réduire la sensibilité à
la conjoncture et donc le coefficient bêta. Les petites capitalisations
pourraient présenter des bêtas plus élevés que les plus grands acteurs du
secteur, sauf effet de la liquidité des titres sur les bêtas (cf. infra).
- La structure des coûts, entre coûts fixes et coûts variables. Plus les coûts fixes
sont élevés, plus les marges de l’entreprise sont sensibles à la conjoncture et
plus son devrait être élevé.
- La liquidité : le manque de liquidité qui se traduit par un faible nombre
d’échanges conduit à un cours moins représentatif qui réagira beaucoup
moins aux variations de marché. Ceci peut conduire à des bêtas indûment
faibles avec des coefficients de détermination r² peu significatifs.
- Le taux de croissance des résultats : plus le taux de croissance des résultats
est élevé, plus le bêta sera élevé. En effet, dans ce cas, l’essentiel de la valeur
de l’entreprise s’explique par des flux éloignés dans le temps, donc très
sensibles à toute variation du marché.
- L’endettement : d’une part, les frais financiers sont assimilés à des coûts
fixes, d’autre part, la dette fait peser un risque supérieur pour l’investisseur.
S’il n’existe pas de formule théorique mathématique pour modéliser les effets des
cinq premiers paramètres évoqués, de nombreux experts ont proposé des formules
associant le bêta et les niveaux de dette.
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Note de travail
Septembre 2013 17/37
Impact de la dette sur le bêta
Le bêta d’une société endettée étant supérieur à celui d’une société non endettée,
il convient de « désendetter » le bêta de l’action pour déterminer celui de l’activité
sous-jacente. A titre d’illustration, nous reprenons ici deux formules parmi celles
fréquemment rencontrées.
Formule de Robert Hamada
La pratique a consacré la formule simplifiée d’Hamada qui permet de
« désendetter » les bêtas des sociétés comparables puis de « réendetter » le bêta
médian ou moyen de l’échantillon sur la base du levier cible de la société évaluée
pour calculer le coût de ses fonds propres. La formule retenue est qualifiée de
simplifiée, car elle suppose que le bêta de la dette est nul. La valeur de
l’endettement financier est ici supposée stable et décorrélée du marché des
actions.
[
] [
]⁄
Où FP désigne le bêta de l’action de la société endettée et actif celui de l’actif
économique (ou de la société sans endettement financier).
Formule de Pablo Fernandez
Selon la formule de Fernandez, il est tenu compte du bêta de la dette ( , ce qui
introduit le risque lié à la volatilité de la valeur de la dette :
( )
Ou bien : (
[
]
)
[
Pablo Fernandez démontre que cette formule générale demeure valide avec une
dette perpétuellement refinancée et dont le montant évolue avec l’actif
d’exploitation.
Dans le cas où le bêta de l’endettement tend vers zéro, alors la formule de
Fernandez est équivalente à la formule simplifiée d’Hamada.
Le concept de bêta de la dette est développé ci-après au chapitre 3.
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Note de travail
Septembre 2013 18/37
CHAPITRE III
LE RISQUE LIE A LA DETTE, SON COUT ET SA VALEUR
Le but de cette partie est d’identifier les limites de la pratique consistant à retenir
soit la valeur comptable (et le taux facial) de la dette, soit sa valeur de marché
théorique (et le coût de marché), tant pour apprécier le montant à déduire de la
valeur d’entreprise, que pour déterminer le taux d’actualisation. Dans les deux
cas, ce qui suit suppose que le montant retenu pour la dette (ou la trésorerie)
tienne compte d’un besoin en fonds de roulement normatif (saisonnalité de
l’activité, pratiques de paiements conformes, stocks en valeur et en quantité
normales…).
Tout travail d’évaluation pose les questions suivantes :
- Peut-on approcher la valeur de la dette en retenant le montant figurant au
bilan comptable ?
- Comment déterminer la valeur de marché de la dette ?
- Comment prendre en compte le levier et le coût de la dette dans la
détermination du taux d’actualisation ?
1 - La valeur comptable de la dette peut-elle être retenue en évaluation ?
De nombreux évaluateurs utilisent la valeur comptable de la dette, considérée
comme une première approximation de sa valeur financière11
.
1.1 Qu’est-ce que la valeur comptable
Avant d’apprécier cette pratique, il convient de rappeler ce que peut recouvrir la
notion de valeur comptable, selon le référentiel utilisé :
- A l’origine : la valeur de remboursement (à distinguer de la valeur nominale)
- En IFRS : le coût amorti (sur la base d’un taux d’intérêt effectif) ou la juste
valeur (sur la base d’un taux de marché spot)
- Les instruments de couverture : il est difficile d’ignorer la valeur de certains
dérivés au bilan qui devraient permettre de traduire directement la valeur de
marché instantanée de la dette dans un certain nombre de cas : dette à taux fixe
couverte par des swaps taux fixe / taux variable
- Certains dérivés à caractère de dette financière
11
Par exemple, dans une étude récente de Frank Bancel : « A majority of respondents consider
that the book value of the net debt is a good approximation of its value » extrait de : Valuation
Practices and CAPM implementation – Franck Bancel (ESCP) and Usha Mittoo (Manitoba
University) – June 19, 2012
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Note de travail
Septembre 2013 19/37
Malgré des tentations avouées, l’IASB n’a pas retenu, sauf exceptions que nous
examinerons plus loin, la juste valeur pour l’évaluation des dettes financières au
bilan. Les dettes sont donc normalement en coût historique. Le lecteur pourra
néanmoins trouver la juste valeur des dettes indiquées dans l’annexe.
Les dettes en coût historique
Les IFRS ont retenu une présentation des dettes financières selon la méthode du
coût amorti (ou du taux d’intérêt effectif -TIE). La méthode consiste à établir un
tableau d’amortissement financier fondé sur le taux d’actualisation qui annule tous
les flux financiers nets liés à l’emprunt. Ainsi la valeur d’origine est la valeur
nominale de l’emprunt diminuée des frais d’émission et des éventuelles primes
d’émission (prix de la transaction). La valeur de remboursement, elle, est
augmentée des éventuelles primes de remboursement. Les primes de
remboursement et les frais d’émission apparaîtront en frais financiers au fur et à
mesure de l’amortissement de la dette selon le plan d’amortissement préparé par
la comptabilité. La valeur qui apparaîtra au bilan sera celle du plan
d’amortissement à la date de clôture des comptes, soit la valeur initiale augmentée
des charges financières calculées au taux de la comptabilité et réduite des
décaissements (remboursements éventuels et intérêts effectivement payés depuis
l’origine jusqu’à la date de clôture des comptes). Elle ne correspondra pas à la
valeur de remboursement sans toutefois s’en écarter significativement pour un
emprunt conclu à des conditions normales.
L’enregistrement initial des dettes s’effectue toujours à la juste valeur, laquelle
correspond à sa valeur au coût historique si la dette a été contractée à des
conditions de marché. Dans les cas exceptionnels où la dette n’est pas émise au
taux de marché (par exemple un prêt accordé par l’Etat à un taux inférieur au taux
de marché), le plan d’amortissement est établi sur la base du taux d’intérêt de
marché. La différence entre la valeur d’origine ainsi calculée et le montant de
liquidités est inscrite en résultat. Dans le cas du prêt d’Etat pris pour exemple, elle
constituera une subvention constatée en profit selon les dispositions de la norme
sur les subventions (IAS 20).
Ces dispositions sont en ligne avec les normes US GAAP.
Les règles françaises adoptent aussi une présentation en coût historique, mais la
dette est inscrite au bilan en valeur de remboursement. Ainsi les frais d’émission
et les primes de remboursement sont inscrits à l’actif et étalés sur la durée de
l’emprunt (avec la possibilité d’une inscription immédiate en charges pour les
frais d’émission). L’étalement s’effectue généralement au prorata des intérêts
courus.
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Note de travail
Septembre 2013 20/37
Les dettes en juste valeur
Les passifs financiers classés en juste valeur par résultat
Il s’agit des dettes encourues à des fins de transaction (trading liabilities), c’est-à-
dire des dettes liées à des ventes à découvert d’actifs financiers, des dettes émises
avec l’intention de les racheter à court terme (ou comprises dans un portefeuille
ayant ces caractéristiques) et des instruments dérivés (sauf s’ils sont désignés en
couverture). Certains instruments peuvent être classés sur option dans cette
catégorie :
les instruments hybrides (lorsque la dette contient des dérivés incorporés) font
normalement l’objet d’une séparation (split accounting) de manière à permettre
l’évaluation de la dette en coût historique et celle des instruments dérivés en
juste valeur par résultat ;
Lorsqu’on applique le « split accounting » on calcule d’abord la juste valeur du
dérivé, la valeur du contrat hôte (donc de la dette) étant obtenue par différence.
L’option juste valeur permet de ne pas séparer en classant l’ensemble de
l’instrument en juste valeur par résultat. Le classement en juste valeur par
résultat est ainsi obligatoire lorsque l’on ne sait pas séparer les dérivés
incorporés ;
lorsque le classement en juste valeur permet de réduire une distorsion de
traitement entre la dette et un instrument dérivé ou un actif financier ;
lorsque la dette fait partie d’un portefeuille géré en juste valeur ;
pour des raisons évidentes les coûts de transaction sont comptabilisés
immédiatement en charges lorsque la dette est comptabilisée en juste valeur par
résultat.
La juste valeur (selon IFRS 13) est définie comme le prix qui serait payé pour
transférer une dette dans le cadre d’une opération conclue à des conditions de
marché normales par des intervenants de marché, à la date de l’évaluation. La
vente est supposée intervenir sur le marché principal où l’élément se négocie ou
sur le marché le plus avantageux.
La juste valeur d’une dette prend en compte le risque de défaut de l’émetteur. Il
s’ensuit que la dégradation du risque de crédit propre à l’entreprise entraîne la
constatation d’un profit (ou d’un OCI). Lorsqu’un instrument de rehaussement de
crédit fait l’objet d’une comptabilisation distincte il n’est pas pris en compte pour
l’évaluation de la juste valeur de la dette.
Pour la détermination de la juste valeur, les normes IFRS 13 et IFRS 7 imposent
une hiérarchisation des méthodes :
niveau 1 – les cours cotés sur un marché actif pour des instruments
identiques, ces cours étant accessibles à la date d’évaluation ;
niveau 2 – juste valeur déterminée à partir d’un modèle d’évaluation intégrant
les données directement ou indirectement observables sur un marché ;
niveau 3 – juste valeur déterminée à partir de données non observables sur un
marché.
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 21/37
Les données utilisées doivent être celles qu’un intervenant de marché prendrait en
considération.
Dans certains cas la juste valeur ainsi déterminée diffère du prix de transaction.
Cet écart appelé « day one profit » peut, suivant les cas, être comptabilisé
directement en résultat, différé ou étalé.
Les passifs financiers faisant l’objet d’une couverture de juste valeur (Fair
Value Hedge)
La comptabilité de couverture en IFRS n’est pas systématique, bien au contraire
elle suppose un choix de la part de l’entreprise dès l’initiation de la couverture et
elle n’est acquise que pour les couvertures suffisamment efficaces selon les
critères de la norme IAS 39.
Les IFRS distinguent trois types de couvertures :
la couverture de juste valeur (par exemple un swap de taux fixe contre
variable) – l’instrument de couverture (qui, sauf pour les couvertures de
change est nécessairement un dérivé) est comptabilisé à sa juste valeur par
résultat et la valeur comptable de l’instrument couvert est ajusté de la valeur
de la composante risque couvert en contrepartie du résultat ;
la couverture de flux de trésorerie (par exemple un swap de taux variable
contre fixe) - l’élément couvert ne fait l’objet d’aucune écriture spécifique
mais l’instrument de couverture est évalué en juste valeur avec des variations
de valeur inscrites en capitaux propres recyclables (OCI) pour la part efficace
de la couverture ;
la couverture d’un investissement net en devises – traitement similaire à celui
d’une couverture de flux de trésorerie.
Le fait d’opter ou non pour la comptabilité de couverture, de répondre ou non aux
critères de comptabilité de couverture et le type de relation de couverture ont une
influence sur le montant de la dette au bilan.
La distinction dettes/capitaux propres et les instruments composés
Selon la norme IAS 32 un instrument doit être qualifié de dette dès lors que
l’entité ne dispose pas d’un droit inconditionnel de se soustraire à la remise de
trésorerie ou d’actif financier pour satisfaire à ses obligations contractuelles. Un
instrument de capitaux propres est un instrument qui représente une quote-part de
l’actif net d’une entité. Il se définit en pratique par opposition à la notion de dette.
Il existe des instruments composés, comme certains emprunts convertibles, qui
relèvent à la fois des deux catégories. Ces instruments sont comptabilisés pour
partie en dette, pour partie en capitaux propres. On procède à l’évaluation de la
part correspondant à la dette, le reste étant affecté aux capitaux propres. Pour un
emprunt convertible par exemple la part correspondant à la dette est la valeur
d’une dette équivalente mais ne comportant pas de possibilité de conversion. Elle
s’obtient par actualisation des flux financiers à un taux correspondant au taux
d’intérêt que porterait une dette équivalente sans option de conversion.
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 22/37
En comptabilité française l’obligation convertible figurerait en dette pour sa
totalité. En règle générale les règles françaises ne feront pas apparaître autant de
dettes que le référentiel IFRS. Un put sur minoritaires entraînera par exemple en
IFRS la constatation d’une dette à hauteur de l’engagement, elle figurera en
engagement hors bilan dans la comptabilité française.
Présentation au bilan
Le référentiel IFRS prévoit une présentation des dettes au bilan en distinguant
dettes courantes et dettes non courantes, soit pour les passifs financiers les dettes
et part de dette à plus d’un an et à moins d’un an.
En règles françaises, les dettes sont classées selon leur durée à l’origine. La part à
moins d’un an des emprunts figure dans l’annexe.
Les informations de l’annexe
Les informations à fournir sur les passifs financiers comprennent notamment :
Indication de la juste valeur des passifs financiers par classe de passif et
information sur les méthodes retenues pour le calcul ;
Mesure de l’impact du risque propre sur la valeur des dettes
Information sur les méthodes de comptabilisation des passifs financiers, en
particulier la nature des passifs financiers soumis à l’option de juste valeur et
les critères de désignation retenus par l’entité ;
Information sur les défauts de paiement et les « breaches of covenants » ;
Informations sur les événements postérieurs à l’exercice concernant des dettes
classées à court terme lorsqu’un refinancement à long terme est intervenu
après la clôture ou qu’une régularisation est intervenue relative au respect des
covenants ;
Information (valeur comptable) sur les actifs financiers donnés en garantie de
passifs financiers ;
Information sur le « day-one-profit » par classe d’actifs financiers
Information sur l’exposition de l’entité aux risques et sur la gestion des
risques
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 23/37
1.2 Une première approximation de la valeur financière
Même s’il a été émis à un taux de marché, avec le temps, la valeur réelle d’un
emprunt peut évoluer et différer de sa valeur contractuelle ou de
remboursement12
:
- la qualité de la signature de l’émetteur peut évoluer, ce qui affectera le spread
exigé par les créanciers. Ce phénomène s’applique aux emprunts émis à taux
fixe comme à taux variable ;
- la valeur des emprunts à taux fixe est affectée par la réduction progressive de
leur durée résiduelle et par l’évolution générale des taux : à qualité de
signature donnée, les taux ne sont pas constants dans le temps, et à une date
donnée, ils varient en fonction de la maturité des dettes (courbe des taux).
Pour des sociétés ne présentant pas une structure financière excessive et dans
des contextes de marché peu volatiles (spreads stables), la valeur au bilan
peut valablement servir d’approximation de la valeur financière de la dette. Implicitement, on considère que la société se refinancera dans des conditions
similaires aux conditions historiques.
En revanche, il est indispensable dans certaines situations de réaliser un travail
d’évaluation de la dette, notamment :
- lorsque les taux d’intérêts historiques divergent significativement des taux
actuels ou anticipés ;
- lorsque le profil de risque induit par le business plan (et la structure financière
nécessaire pour le réaliser) diverge radicalement de l’historique, notamment
lorsqu’une opération d’acquisition ou de cession est envisagée.
Si l’évaluateur considère que la dette est arbitrable, ces divergences se traduiront
par une réévaluation de l’endettement à son taux de marché (en tenant compte le
cas échéant des coûts de restructuration de l’endettement, couvertures comprises,
cf. infra).
Si la dette n’est pas considérée comme arbitrable ou renégociable, il sera tenu
compte des charges prévisionnelles d’intérêt résultant des emprunts existants
jusqu’à leur refinancement éventuel à un taux de marché.
2 - La valeur réelle de la dette
La valeur de l’endettement net est théoriquement égale à la valeur actuelle des
flux futurs à payer aux créanciers (commissions, intérêts, capital) actualisés au
coût de marché de la dette, diminuée de la valeur de marché des placements
financiers.
12
Capital restant dû et intérêts courus non échus.
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 24/37
Le travail d’évaluation de la dette doit cependant reposer sur une étude
approfondie des conditions dans lesquelles la société pourrait renégocier sa dette,
soit à l’échéance, soit de manière anticipée : il ne s’agit pas d’une simple
actualisation des flux de la dette historique au taux spot de marché mais il
convient d’analyser, selon le type de dette :
- si la société peut renégocier sa dette ou la racheter et si elle a intérêt à le
faire ;
- si elle n’a pas d’autre choix que de restructurer sa dette ;
- dans quelles conditions de coût, de maturité.
2.1 Les flux relatifs aux différents types de dettes
L’évaluation des dettes est rendue complexe par l’hétérogénéité des sources de
financement - et des exigences de rentabilité liées :
La dette bancaire, à taux fixe ou variable, peut comporter différents niveaux de
subordination. Les flux futurs relatifs à la dette doivent prendre en compte :
- les flux liés à la dette actuelle jusqu’à l’échéance : commissions, intérêts
attendus et remboursement du capital ;
- si une renégociation est nécessaire (et que la société a effectivement la
possibilité de renégocier) ou envisageable (et que la société a intérêt à
renégocier) : les coûts annexes (pénalités pour remboursement anticipé, coûts
générés par le refinancement (commissions d’engagement, etc.) ;
- Les flux liés au refinancement à l’échéance intégrant la marge de manœuvre de
la société dans la négociation (selon le profil de risque attendu à l’échéance).
Les instruments de dette désintermédiés, notamment obligataires, cotés ou non.
Cette dette est plus liquide et peut être plus facilement rachetée.
Pour une dette facilement négociable, et si la société a intérêt à racheter sa dette,
le cours coté (plus prime éventuelle) peut constituer une bonne approximation de
la valeur financière de la dette (selon la profondeur du marché).
La valeur des instruments de couverture de la dette, notamment les swaps de
taux doit être prise en compte. Par exemple, dans le cas de l’existence d’un swap
destiné à couvrir une dette émise à taux fixe, c’est bien la somme de l’endettement
et de la valeur de la couverture qu’il convient de retenir, la valeur du swap
pouvant être un actif (en diminution de la dette nette) comme un passif
(augmentant l’endettement), comptabilisé selon les normes IFRS. Comme
précédemment, s’il est retenu un scénario de restructuration de la dette, les coûts
éventuels liés au débouclage des couvertures doivent être pris en compte pour
établir la valeur de l’endettement net.
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 25/37
2.2 Quel coût de la dette retenir pour déterminer sa valeur financière ?
Le coût de la dette est un élément complexe à déterminer ou à rationaliser en
pratique, notamment dans des contextes de fortes variations des taux ou dans des
situations de quasi-insolvabilité. En théorie, il doit représenter le taux de
rentabilité qui serait exigé par les créanciers d’une entreprise pour refinancer
l’ensemble de son passif financier (non couvert par les fonds propres).
Peut-on retenir le taux facial de la dette existante ?
En pratique, et en période de moindre volatilité des spreads, certains évaluateurs
retiennent un taux facial, déterminé en rapportant les charges financières au
montant de la dette portée au bilan :
- cette approche simplificatrice est peu compatible avec un calcul de rente à
l’infini qui reposerait sur un levier cible, le coût normatif de l’endettement
associé à ce levier ne pouvant durablement demeurer différent du taux de
marché ;
- elle ne doit pas être utilisée, par exemple, lorsque la dette arrive à maturité et
doit être renégociée dans des conditions très différentes du passé.
Faut-il retenir un taux de marché spot ?
D’autres prennent en compte un coût spot de la dette (approche IFRS).
- La détermination d’un coût « de marché » repose sur une analyse précise de la
situation et dépend de la maturité et du montant de la dette, ainsi que de la
capacité réelle de la société évaluée à renégocier sa dette à terme plus ou moins
rapproché, date à laquelle un refinancement devra être négocié ;
o Entreprise en quasi-faillite : une valeur décotée de la dette a un sens dans un
contexte de quasi-faillite où la valeur des fonds propres peut être négative
(en raison d’une prime de risque particulièrement élevée) ;
o Entreprise dont le spread s’accroît mais qui reste solvable : les conditions de
refinancement sont à étudier ;
- Le taux de marché pour des dettes désintermédiées peut également être estimé
sur la base des spreads des comparables ayant des dettes cotées ou sur la base
d’une notation synthétique de la société rapportée à des niveaux de spread
2.3 Détermination du bêta de la dette
Le concept constitue une extension de la théorie du MEDAF. Il suppose que l’on
peut placer dans un même univers rentabilité/risque les titres de dettes et les
actions. Cette approche suppose que l’endettement est arbitrable contre des titres
de fonds propres, la distinction entre les deux catégories étant d’ailleurs parfois
ténue (certain types d’actions privilégiées, sans droit de vote ou avec des droits
différenciés se rapprochant de titres de dette).
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 26/37
(i) L’utilité d’un bêta de la dette
L’évaluateur recherche le bêta des actifs de la cible.
Le calcul de désendettement d’un bêta boursier en retenant un bêta de la dette nul
peut engendrer une sous-évaluation du risque de l’actif sous-jacent, et donc une
sur-évaluation de la cible.
A titre d’exemple, en appliquant la formule d’Hamada simplifiée, communément
utilisée pour neutraliser l’effet de l’endettement sur les bêtas des actions de
sociétés cotées comparables, à une société qui présente les caractéristiques
suivantes :
- bêta de l’action : 1,5
- levier de financement : 75%
- taux d’impôt : 35%
on aboutit à un bêta de l’actif de 1,01.
[ ]
Or en tenant compte d’un bêta de la dette (par hypothèse égal à 0,4), le bêta de
l’actif ressort à 1,14
[ ]
Cet éventuel écart doit bien sûr être mis en parallèle du niveau de prime de risque
et des éventuelles décotes de taille ou de risques spécifiques utilisés.
(ii) Des cas extrêmes de structure financière
Il est nécessaire de porter une attention toute particulière aux sociétés très
endettées. En général on peut parler de surendettement lorsque les frais financiers
représentent plus d’un tiers du bénéfice d’exploitation (calcul qui se fait sur
plusieurs exercices historiques et/ou sur les prévisions), ce ratio étant préférable à
celui de la structure financière rapportant l’endettement net au montant des
capitaux propres comptables.
En cas de surendettement, la valeur de la dette peut être très sensible aux
fluctuations de marché et le bêta de la dette est très élevé.
Le CMPC et la valeur des capitaux propres deviennent très volatiles
(capitalisation boursière dépréciée). Tous les indicateurs d’alerte se cumulant
(réduction des crédits fournisseurs liée à la défiance envers la société, hausse du
coût de la dette,…), la valeur d’entreprise diminue généralement brutalement.
Bien évidemment il est déconseillé de prendre comme comparables des sociétés
dans cette situation.
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 27/37
(iii) Cas médians
On peut considérer que la valeur d’entreprise n’est pas affectée par le levier
d’endettement (hors valeur du bouclier fiscal), et le bêta de la dette peut être
déterminé par l’une des approches suivantes.
La première consiste à rapporter la volatilité des indices obligataires (ou de CDS)
à celle des indices actions. L’évolution des deux marchés est asynchrone. La
détente des spread obligataires précède un mouvement de hausse des actions,
l’accroissement des spread précédant la baisse des actions.
Le rapport des volatilités doit se faire sur des indices larges : iBOXX (obligations)
ou iTRAXX (CDS), d’une part, STOXX large 600 (actions) d’autre part. Le
calcul peut être affiné en ne retenant que les indices obligataires (ou de CDS) de
rating comparable à celui des sociétés examinées.
La seconde approche consiste à comparer les spread obligataires et les primes de
risque de marché actions. Ainsi, le bêta de la dette d pourrait être estimé en
rapportant le spread instantané de la dette à la prime de risque des marchés
actions.
Enfin, une approche forfaitaire peut être envisagée, nécessitant de fixer une
échelle de coefficients (par exemple entre 0 et 0,4) par classe de notation ou de
levier.
A titre indicatif, ces approches permettent d’approcher un bêta de dette notée
BBB+ à 0.35/0.40.
Premières conclusions
Le coût de la dette pourra être déterminé à partir des éléments suivants :
- le coût historique, pour une entreprise mature, dont le profil de risque n’est pas
appelé à évoluer et en période de stabilité des spreads
- les opportunités actuelles de refinancement de la société sur une durée
homogène avec celle des actifs
- en majorant le coût actuel des obligations d’Etat d’un spread tenant compte du
différentiel de risque, pour le prêteur, entre l’entreprise évaluée et l’Etat de
référence. Le spread, qui est notamment fonction du secteur d’activité, du ratio
d’endettement et du ratio de couverture des frais financiers par l’EBITDA ou
l’EBIT, peut être apprécié sur la base de celui ressortant des instruments déjà
émis ou d’instruments de même maturité présentant des caractéristiques
similaires, notamment en termes de subordination, émis par des entreprises
comparables (après éventuels ajustements pour tenir compte de situations de
marché atypiques).
Compte tenu du poids de la valeur terminale (rente perpétuelle) dans la valeur
d’une entreprise, le coût moyen pondéré du capital devrait être celui de la
structure cible retenue pour le calcul de rente. Une approche consistant à faire
évoluer le taux d’actualisation en fonction du levier d’endettement anticipé sur la
période du plan peut également être envisagée.
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Septembre 2013 28/37
3 - La valeur réelle de la trésorerie
Il est d’usage de retenir le montant de la trésorerie et des équivalents de trésorerie
figurant au bilan consolidé de la société évaluée. Une attention particulière doit
toutefois être portée à l’analyse des caractéristiques de cette trésorerie.
Il convient de s’assurer que la trésorerie est disponible : peut-elle être distribuée,
peut-elle être affectée au remboursement d’emprunts existants, peut-elle
rémunérée à un taux de marché ?
Deux analyses sont généralement menées :
- La trésorerie finance-t-elle des besoins opérationnels ?
o Si une partie de la trésorerie consolidée est nécessaire pour financer le
cycle d’exploitation de la société (i.e. pour faire face à la saisonnalité des
flux de trésorerie ou pour satisfaire des normes prudentielles), il convient
de ne considérer que la partie de la trésorerie non affectée à l’exploitation
comme disponible pour les actionnaires. La valeur de la part non
distribuable de la trésorerie affectée à l’exploitation, assimilée à une
immobilisation, s’appréhende par les revenus qu’elle génère, les
variations d’assiette étant traitées comme un investissement. Par ailleurs,
les actionnaires d’une société dont l’exploitation génère des excédents
structurels de fonds de roulement (par exemple en raison des avances
clients) pourront bénéficier d’un surplus de valeur lié aux produits
financiers sur ladite trésorerie excédentaire ;
- La trésorerie est-elle localisée au niveau de la société holding consolidante ?
o Si la trésorerie consolidée est localisée au niveau de la société holding
consolidante, elle est généralement considérée comme disponible pour
les actionnaires, sauf contraintes juridiques ou fiscales ;
o Si la trésorerie est localisée dans une filiale située dans un pays émergent
qui applique un strict contrôle des changes, il est généralement difficile
de la faire remonter vers la société holding consolidante sous forme de
dividendes. Le même cas de figure se présente si la trésorerie est
localisée dans une filiale dont la gouvernance ou dont certains
mécanismes juridiques contraignants limitent la distribution de
dividendes.
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Note de travail
Septembre 2013 29/37
CHAPITRE IV
LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE SPECIFIQUE
Comme rappelé aux chapitres 1 et 2, le MEDAF repose sur une hypothèse de
diversification du portefeuille permettant d’éliminer le risque spécifique et de ne
prendre en considération que le risque dit systématique (non diversifiable car
corrélé au marché), rémunéré selon la droite de marché qui établit le lien de
proportionnalité, le coefficient bêta, entre la prime exigée d’un titre et la prime
moyenne du marché.
Ce modèle théorique élaboré pour définir l’exigence de rentabilité d’un titre (et
non d’un actif ou d’une activité) peut ne pas être adapté dans le cas d’entreprises
et notamment de PME souvent spécialisées sur un segment d’activité ou sur une
zone géographique limitée et/ou sur une clientèle spécifique.
Est-il possible ou nécessaire d’adapter le MEDAF de façon objective afin de
prendre en compte des risques spécifiques à l’entreprise ? Certains risques
peuvent-ils être appréhendés dans les flux, plutôt que dans le taux
d’actualisation ? Comment les risques spécifiques d’un actif influencent-ils le
risque attaché à un titre ?
1 - Le risque spécifique : une multitude de réalités
L’analyse du risque financier est un facteur d’ajustement à la hausse ou à la baisse
du risque opérationnel des actifs.
Le risque opérationnel est essentiel dans l’appréciation du risque spécifique.
Le guide de mission d’évaluation publié par le CSOEC en mai 2012 expose une
démarche d’analyse du risque spécifique, notamment dans sa dimension
qualitative.
Le risque d’une entreprise peut être évalué au travers d’une grille d’analyse.
Toutefois celle-ci n’a de valeur qu’en termes de comparaison. Cette démarche
suppose donc au moins une analyse identique des sociétés retenues comme
comparables.
Le risque opérationnel recouvre le risque de prévision, c'est-à-dire l’appréciation
de la fiabilité des prévisions sous-jacentes aux travaux de l’évaluateur ou de
l’analyste. Celles-ci doivent être comparées aux réalisations passées de la société
évaluée et de ses comparables, et aux prévisions disponibles sur des sociétés
comparables cotées. La correction éventuelle de prévisions jugées volontaristes
s’effectue via une hausse du taux d’actualisation, ou via la correction des flux
comme indiqué ci-après en partie 5.
A titre d’illustratif, la démarche d’analyse du risque suivie par Associés en
Finance est indiquée ci-après au travers de l’examen d’une série de critères
qualitatifs ou quantitatifs.
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Note de travail
Septembre 2013 30/37
Certains critères relèvent du secteur d’activité :
Critères réduisant le risque :
- Présence de barrières à l’entrée du marché,
- Forte croissance
Critères augmentant le risque :
- Modification de l'environnement technologique et du business model à
moyen terme
- Cyclicité du chiffre d'affaires
- Volatilité des coûts de production (prix et disponibilité de matières premières,
technologies, main d'œuvre, terrains, gisement)
- Si pertinent, risque juridique et réglementaire (par exemple santé)
- Si pertinent, risque systémique (par exemple assurances)
- Si pertinent, risque de création (fort pour la mode, les nouveaux produits)
D’autres critères relèvent des avantages compétitifs de la société
- Part de marché (leader)
- Mix produits innovant
- Diversité de l'offre en termes de produits et de marchés
- Capacité à maintenir les marges en environnement moins favorable
- Gouvernance, transparence, fiabilité des informations
- Si pertinent, capacité à gérer la croissance externe (prix d'achat et intégration
des acquisitions)
- Si pertinent, originalité de l'activité
- Sensibilité aux parités monétaires (ventes et frais de production dans des
monnaies différentes)
2 - Taille, liquidité … et volatilité
La littérature académique et la pratique de l’évaluation des titres financiers faisant
référence à la liquidité utilisent des principes voisins que les raccourcis de
raisonnement ou de présentation peuvent amalgamer à tort.
La liquidité est présente dans deux grands thèmes :
- La taille des actifs et la liquidité des titres financiers ;
- La liquidité et la volatilité desdits titres.
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Note de travail
Septembre 2013 31/37
D’un point de vue d’analyse stratégique, l’importance du concept de taille des
actifs s’explique facilement puisqu’une société détenant de nombreux (et/ou
importants) actifs bénéficie sur le plan du risque opérationnel d’une
diversification objective géographique (régionale ou internationale) en termes
d’accès aux facteurs de production et aux débouchés commerciaux (clientèle,
gamme de produits et de services). Une « grosse » société bénéficie de plus d’un
meilleur accès à l’ensemble des marchés de capitaux et présente de ce fait un coût
global des capitaux moins élevé. Cet effet de taille a été mis en valeur dans de
nombreuses études (cf. les résultats sur les sites Damodaran, Ibbotson). Ces études
ne sont basées que sur les rentabilités boursières constatées « ex-post ».
D’un point de vue boursier, une « grosse » société cotée offre à ses actionnaires
une meilleure liquidité qu’à ceux d’une « petite » société. Les raisons sont
multiples : meilleure efficience des cours compte tenu d’un suivi accru des
analystes et des investisseurs, possibilité d’intervention de teneurs de marchés ou
d’arbitragistes …
Taille et liquidité sont donc liées, une taille plus importante ayant pour
conséquence une liquidité meilleure (au flottant près, c’est-à-dire le pourcentage
de la capitalisation négociable, ainsi que la typologie des actionnaires).
Le modèle d’Associés en Finance mesure l’effet de taille / liquidité en mettant en
valeur la relation qui existe entre d’une part la rentabilité espérée, ex ante
(calculée pour chaque société de l’échantillon (environ 500 aujourd’hui) sur la
base de plans d’affaires prévisionnels), et d’autre part le risque relatif (fonction du
risque opérationnel et du risque financier), et la liquidité du titre. Les résultats
obtenus ne diffèrent pas des conclusions tirées des calculs fondés sur les
rentabilités boursières. La rentabilité exigée est plus forte sur les titres moins
liquides par rapport aux titres plus liquides.
La liquidité structurelle s’exprime par le rapport de l’inverse du logarithme du
flottant d’un groupe coté à la moyenne des inverses des logarithmes du flottant de
chacune des sociétés de l’échantillon.
La liquidité conjoncturelle est appréhendée par l’inverse du logarithme du
montant de capitaux négociables pour une variation de 1 % du cours.
Les sociétés sont classées par ordre de liquidité décroissante – ou illiquidité
croissante – afin d’obtenir une pente positive comme dans le cas de la prime de
risque. Les valeurs très liquides ont un coefficient d’illiquidité inférieur à 1, les
valeurs peu liquides ayant un coefficient d’illiquidité supérieur à 1. Le tableau
suivant indique les valeurs extrêmes au 28 juin 2013 pour les valeurs françaises de
l’échantillon d’Associés en Finance.
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Note de travail
Septembre 2013 32/37
L’intégration de la liquidité boursière dans la valorisation accroît sensiblement la
qualité statistique des modèles de valorisation de sociétés cotées : un modèle du
type MEDAF classique (régression entre rentabilité attendue et risque) affiche
actuellement un coefficient de détermination de la régression d’environ 65% (67%
au 20 août 2013) tandis qu’un modèle à trois facteurs (régression entre rentabilité
attendue, risque et liquidité boursière des titres) affiche un coefficient de
détermination d’environ 80% à 85% (80% au 20 août 2013). Même si ces
coefficients de détermination varient dans le temps, ils sont systématiquement
plus élevés lorsque l’on intègre la liquidité boursière comme facteur explicatif
supplémentaire de la valorisation des titres.
L’effet taille / liquidité ainsi mis en exergue est tout sauf constant dans le temps.
En effet, cet effet est très lié à la conjoncture instantanée. Un crédit bancaire
accommodant facilite le financement des ETI, le financement d’opérations de
croissance externe, le financement des hedge funds ou des LBO. Un
environnement financier sous stress va au contraire limiter les financements, donc
geler les opérations financières, encourager les intervenants à augmenter leurs
marges de sécurité vis-à-vis de leurs propres contraintes réglementaires (marge de
solvabilité des assureurs, Fonds propres « durs » des banques) et financières
(liquidité des bilans). Les investisseurs modifient leurs anticipations et renforcent
leurs propres exigences de sécurité, ce qui se matérialise par une aversion au
risque qui touche en priorité l’investissement dans les petites sociétés.
Le graphique suivant indique que cette prime a varié de -0.30 % à 3 % sur les
douze dernières années. Cette prime s’applique aux coefficients indiqués plus
haut.
A titre d’illustration de l’effet taille, au 28 juin 2013, l’écart de WACC estimé
après impôt entre des sociétés de même secteur et de taille significativement
différente est le suivant :
• 430 bp dans les cas d’Alès Groupe et de L’Oréal à respectivement 9,82 % et
5,51% ;
• 310 bp dans les cas de Le Noble Age et de Orpéa à respectivement 9,64% et
6,56%.
Montant absorbable Coeff.
Pays Société (Rang) (M€) (M€) (Rang) (M€) Illiquidité
FR Sanofi 44 239.4 108.9 29 94 651 0.65
FR Total 60 192.1 108.2 35 75 514 0.66
FR LVMH 97 109.5 52.8 71 32 594 0.70
FR EADS 92 122.2 52.1 111 20 639 0.72
FR Air Liquide 131 75.0 47.5 79 29 039 0.71
FR Foncière des Murs 469 0.1 0.05 461 106 1.55
FR Somfy 479 0.0 0.04 451 180 1.45
FR Laurent-Perrier 473 0.1 0.04 454 170 1.46
FR Bastide le Confort 480 0.0 0.03 484 29 1.99
FR Vranken-Pommery 478 0.0 0.03 477 49 1.80
FR Lanson BCC 482 0.0 0.02 485 28 2.02
FR Devoteam 476 0.0 0.02 468 73 1.72
FR Audika 477 0.0 0.02 479 34 1.98
FR Groupe Open 487 0.0 0.01 486 27 2.12
FR Le Noble Age 485 0.0 0.01 487 26 2.14
FR Groupe Flo 481 0.0 0.01 482 29 2.09
Transactions Flottant
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Note de travail
Septembre 2013 33/37
Prime d’illiquidité entre 2001 et 2013
La liquidité d’un titre est indépendante du concept de minorité. En effet, la mesure
de l’incidence de la liquidité sur des titres cotés se fait sur la base de transactions
entre actionnaires minoritaires.
L’actionnaire minoritaire dans une société non cotée n’a pas, à la différence du
majoritaire, l’initiative de la cession de la société. La possibilité d’une transaction
est par ailleurs très dépendante du contexte financier, de l’appétence plus ou
moins grande des investisseurs ou des industriels pour une acquisition et de
l’accord plus ou moins facile de leurs banquiers pour accompagner l’opération.
C’est cette dernière constatation qui permet de relier décote pour des actions non
cotées et décote observée sur les marchés boursiers.
La volatilité du cours d’un titre mesure à la fois son risque systématique relatif
(l’exposition aux variations de la conjoncture économique et / ou financière) ET
l’étroitesse relative de son marché boursier (impact d’un ordre de bourse sur le
déplacement des fourchettes d’achat / vente). C’est pourquoi les « bêtas » calculés
doivent être utilisés avec précaution, le calcul mathématique n’affranchissant pas
l’évaluateur d’une réflexion appropriée quant aux résultats obtenus.
Prime De Liquidité 2001-2013
-0.5
-0.3
-0.1
0.1
0.3
0.5
0.7
0.9
1.1
1.3
1.5
1.7
1.9
2.1
2.3
2.5
2.7
2.9
13
/11
/20
01
13
/03
/20
02
13
/07
/20
02
13
/11
/20
02
13
/03
/20
03
13
/07
/20
03
13
/11
/20
03
13
/03
/20
04
13
/07
/20
04
13
/11
/20
04
13
/03
/20
05
13
/07
/20
05
13
/11
/20
05
13
/03
/20
06
13
/07
/20
06
13
/11
/20
06
13
/03
/20
07
13
/07
/20
07
13
/11
/20
07
13
/03
/20
08
13
/07
/20
08
13
/11
/20
08
13
/03
/20
09
13
/07
/20
09
13
/11
/20
09
13
/03
/20
10
13
/07
/20
10
13
/11
/20
10
13
/03
/20
11
13
/07
/20
11
13
/11
/20
11
13
/03
/20
12
13
/07
/20
12
13
/11
/20
12
13
/03
/20
13
13
/07
/20
13
SFEV GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE DANS L’EVALUATION
Note de travail
Septembre 2013 34/37
3 - Le risque de faillite
3.1 Le risque de faillite et le MEDAF
Il n’est pas tenu compte du risque de faillite dans le MEDAF, sauf à utiliser
certaines adaptations.
Pour rappel, Fernandez démontre que la valeur du « tax shield », V(TS), est
indépendante du coût de la dette (et donc du risque de non-remboursement
rémunéré par le spread). Ainsi dans le calcul de valeur terminale par une formule
de rente à l’infini, la valeur du « tax shield » est égale à :
Où Ku désigne le coût du capital à dette nulle et g le taux de croissance à l’infini
des flux.
On remarque que par cette approche, il n’existe pas de limite à l’accroissement du
bouclier fiscal engendré par l’augmentation du levier d’endettement (hormis le
cash flow disponible).
Pour sa part, la formule d’Hamada simplifiée conduit à la prise en compte d’une
perte de valeur liée au levier d’endettement, qui s’assimile de facto à une décote
pour risque de faillite :
( )
Où Kd désigne le coût de la dette et rf le taux sans risque, Kd – rf désignant par
conséquent le spread rémunérant le risque de non remboursement.
3.2 Le risque de faillite selon une approche alternative
L’évaluation du crédit d’une société est le métier des agences de rating, des
départements de crédit des banques, des analystes obligataires et de chaque
créancier. C’est une discipline complexe qui ne se laisse pas facilement modéliser,
même si chacun comprend bien que le crédit se détériore lorsque le levier
d’endettement augmente, lorsque la profitabilité baisse ou lorsque la visibilité du
secteur se dégrade.
Ce risque ne doit cependant pas être négligé. Dans le cas d’entreprises en
difficulté notamment, ce risque vient majorer les exigences de capital et doit donc
être pris en compte dans le taux d’actualisation.
Robert Merton a proposé un modèle assimilant le créancier à un vendeur de puts
sur l’actif de la société. De ce modèle, le marché a conservé l’esprit mais pas la
formule, car ses résultats diffèrent trop de la réalité du marché du crédit.
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Note de travail
Septembre 2013 35/37
En faisant évoluer le modèle de Merton, on peut toutefois se rapprocher de la
réalité de marché. Les évolutions nécessaires consistent :
- à considérer le crédit non pas comme un put, mais comme une option à barrière
(le processus de faillite n’est pas continu)
- à ne pas estimer les actifs purement à leur valeur de marché ou à leur valeur
comptable, mais à une moyenne entre les deux (à structure financière donnée,
la faillite est d’autant plus probable que le ratio valeur de marché / valeur
comptable est faible).
Avec ces précautions, on obtient des résultats réalistes, même s’ils ne sont pas
suffisamment fiables pour servir de base à une activité d’arbitrage.
L’intérêt de cette approche est qu’elle prend en compte un paramètre déjà utilisé
dans le calcul du CMPC (le ratio de levier) ainsi qu’un autre paramètre qui est la
volatilité du secteur, ce qui confirme bien l’intuition selon laquelle le risque est
d’autant plus grand que la volatilité est importante (secteur de la technologie vs
utilities pour forcer le trait). Par ailleurs, cette approche rend bien compte de la
réalité de marché lorsque l’aversion pour le risque augmente avec une hausse
générale des volatilités de marché.
4 - Le risque lié à l’absence de taille critique
Il a été observé que les sociétés de petite taille faisaient souvent l’objet d’une
exigence de rentabilité supérieure, les principales raisons en étant la concentration
des actifs, l’accès limité au financement, ainsi qu’une structure de coûts moins
favorable et une plus grande sensibilité à la conjoncture. On pourrait aussi
invoquer les coûts liés à l’investissement dans ce type de structures et la faible
liquidité des fonds placés, les grandes structures (notamment cotées) permettant
aux investisseurs de réaliser d’importantes économies d’échelle.
Le montant de cette prime peut s’observer par comparaison des multiples
ressortant de petites et de grosses sociétés dans un secteur.
La prime de taille n’est pas systématique, certaines sociétés de niche pouvant au
contraire bénéficier de visibilité, croissance et marges plus élevées que des
sociétés plus importantes, sans risque supplémentaire identifié, ou pouvant par
leur présence dans un portefeuille apporter une meilleure diversification.
Il est ainsi impératif pour une entreprise donnée d’analyser les déterminants réels
expliquant une éventuelle exigence supérieure des investisseurs et de les prendre
en compte dans les flux ou dans le taux. En effet, la prime de risque liée à l’effet
taille ne doit pas être redondante avec la prise en compte des autres risques déjà
appréhendés par ailleurs, soit dans les flux, soit dans le taux (via le coefficient
bêta par exemple).
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Note de travail
Septembre 2013 36/37
5 - Le risque lié aux flux
Certains évaluateurs ajoutent une prime spécifique au coût du capital pour tenir
compte des incertitudes pesant sur la réalisation du plan d’affaires du
management. Il est néanmoins recommandé de prendre en compte ce risque dans
les flux (méthode des équivalents certains ou par scenarios probabilisés) ou de
corriger, le cas échéant, le plan d’affaires.
Par exemple, une plus grande sensibilité à la conjoncture pourra être modélisée
dans des cycles économiques aboutissant à une croissance moyenne des ventes
plus modérée que celle des comparables. S’il s’agit du poids des coûts fixes, le
plan devra prendre en compte une structure de coûts fixes plus importante que
celle des comparables côtés de taille supérieure. Si l’inquiétude porte sur les
conditions de financement, cela doit avant tout se traduire dans le coût de la dette
et/ou dans le levier.
L’ajustement du plan d’affaires n’est toutefois pas toujours possible pour des
profils d’entreprise atypiques. Ainsi, la pratique de place en matière de capital
investissement conduit bien à s’affranchir du MEDAF et des taux d’actualisation
communément requis sur les marchés boursiers.
6 - Les autres risques spécifiques
Certains évaluateurs ajoutent au coût du capital un ensemble de primes ayant
vocation à refléter :
- une structure organisationnelle plus lourde (conglomérats)
- un risque de marché non reflété dans la prime de marché actions
- …
L’ensemble des primes spécifiques ajoutées au CMPC conduit souvent à des
niveaux très divers de coût du capital. Ce constat vient remettre en question le
modèle du MEDAF.
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Note de travail
Septembre 2013 37/37
Bibliographie
1- Ouvrages
P. Fernandez – « Valuation Methods and Shareholder Value Creation » -
Academic Press Publishers, 2002
A. Damodaran – « The Little Book of Valuation: How to Value a Company,
Pick a Stock and Profit », 2011
P. Vernimmen – « Finance d’entreprise » – Dalloz 11ème édition
2- Articles
Pablo Fernandez – « Equivalence of ten different discounted cash flow
valuation methods » - IESE Working Paper n°549 - mars 2004
Pablo Fernandez – « Levered and Unlevered Beta, IESE Working Paper
n°488 - janvier 2003
Pascal Quiry - « Bêta des capitaux propres, Bêta de l’endettement et Bêta de
l'actif économique »
Bruno Husson et Henri Philippe – « Le WACC est-il le coût du capital ? »
Jean-Florent Rérolle – « Le taux sans risque lorsque plus rien n’est sûr » - 28
août 2011
Pascal Quiry et Yann Le Fur – « Un euro de trésorerie d’Apple peut-il
raisonnablement être valorisé pour un euro ? » - Lettre Vernimmen n°115 -
mai-juin 2013
Pascal Quiry et Yann Le Fur – « Le taux de l’argent sans risque : le
changement, c'est maintenant ! » - Lettre Vernimmen n°111 - décembre 2012
Thomas Bouvet – « La dépréciation de ses propres dettes ne crée pas de
valeur, sauf pour les comptables » - DFCG - 13 mars 2012
2- Autres sources
Site internet La Lettre Vernimmen : http://www.vernimmen.net/
Site internet Damodaran : http://www.stern.nyu.edu
Le blog de Jean-Florent Rérolle : http://www.rerolle.eu/