Forces et faiblesses du secteur laitier du Grand-Ou est

Un regard croisé entre l’économie et la sociologie

V. CHATELLIER et R. LE GUEN

Séminaire PSDR Grand-Ouest

Rennes, le 6 janvier 2011

Plan

Introduction : quelques mots sur le projet « Laitop »

1- La crise dans le secteur laitier et son interprétat ion

2- Les menaces pour le secteur laitier du Grand-Ouest

3- Les atouts du secteur laitier du Grand-Ouest

Conclusion : les principaux défis à relever

� Les transformations du métier des éleveurs

� La position des éleveurs dans le débat « intensif (m aïs) / extensif (prairies) »

� L’évolution du conseil en agriculture

➨ Des travaux en sociologie

Introduction : quelques mots sur le projet « LAITOP »

� Axe 1 : Économie et sociologie� Axe 2 : Analyse technique des systèmes, prairies et usage d es terres� Axe 3 : Évolutions et adaptions des conduites d’élevage� Axe 4 : Adaptation du conseil et de la formation

➨ Le projet LAITOP : élevage LAI tiers, Territoires de l’ Ouest et Praires

� Forces et faiblesses des exploitations de l’Ouest d ans l’univers concurrentiel

� Stratégies productives des éleveurs (modèle bio-économique)

� Bilan de santé de la PAC et sensibilité des exploit ations laitières de l’Ouest

➨ Des travaux en économie

1- La crise dans le secteur laitier et son interprétat ion

Une modification des mécanismes d’intervention (Économie 1/3)

� Des conditions plus restrictives à l’intervention p ublique (stockage, restitutions)

� Une baisse des prix institutionnels (beurre+Poudre de lait)

� L’octroi d’une aide directe laitière à la tonne de quota, puis intégrée dans le DPU

➨ La réforme de l’OCM lait et produits laitiers (2003)

� Un impact positif pour les exploitations laitières herbagères (surtout de montagne)

� Une légère baisse des aides directes pour les laiti ers intensifs de l’Ouest

� Pas de remise en cause de l’intensification (peu de mesures incitatives aux changements)

➨ Les mesures issues du bilan de santé de la PAC (2009)

� Une suppression des quotas laitiers (régulation publique vers une régulation privée)

� Une réorientation des aides directes (légitimité du DPU face à l’instabilité des prix)

� Un maintien des « filets de sécurité »

➨ Les propositions de réforme de PAC pour 2014 (18-11-2010)

Quels sont les points clés de la « crise laitière » (Économie 2/3)

� Prix internationaux des produits laitiers

� Prix payés aux producteurs (en plus des variations saisonnières et de l’effet OCM 2003)

� Prix des intrants (principal facteur explicatif de la crise)

➨ Une forte volatilité et/ou instabilité des prix (phénomène nouveau dans ce secteur)

� Des écarts substantiels de performances entre éleva ges (prix du lait, marge brute…)

� Des investissements conséquents en 2007-2008 (impôts / politique fiscale)

� Une sous-valorisation (parfois) du capital mobilisé (pas de contraction des coûts fixes)

➨ Une forte hétérogénéité de résultats et de stratégies entre exploitations

� La France est en sous-réalisation de son quota (régulation pour les autres pays)

� Une stratégie volontariste (en volume) des pays du nord (notamment Allemagne)

� Un prix du lait plus élevé en France (accord politique) : dégradation du solde commercial

➨ Une concurrence européenne exacerbée

� Une part encore limitée de la production mondiale (7%)

� Un rôle déterminant de l’Océanie (31%) et l’UE (25%, surtout en fromages)

� Exportations = 8% de la production de l’UE ; Import ations = 2% consommation

➨ Les échanges internationaux et la libéralisation

Crise laitière et tendances de long terme (Économie 3/3)

� Une croissance importante de la demande : +10 à 12 milliards de litres par an

� Une forte hausse en Asie et dans les pays émergents (plafonnement en France)

� Un taux annuel variable : mélamine (chine) ; croissance économique (pays émer gents)

➨ La demande de produits laitiers

� Des gains importants en Asie (Inde+Chine) et aux USA ; une stabilité dans l’UE

� Des freins au développement futur de la production en Océanie

� Une dynamique variable de l’offre : sécheresse (Australie) ; prix (USA)

➨ L’offre de lait

Un modèle social en changement depuis les années 90 (sociologie 1/3)

� Une augmentation de la diversité des trajectoires s ociales

� Une démobilisation liée au capital culturel (surtou t en milieu de carrière)

➨ Un éclatement des trajectoires et des processus de car rière

� La dynamique « post 35 heures » : rejet de l’astreint e, réduction de la duréedu travail, montée des comparaisons internes et ext ernes

� Une tertiairisation du métier inégalement assumée : la « paperasse », la gestion

� Une accentuation des tensions entre recherche de sp écialisation du travailet réponse aux pressions socio-territoriales

➨ Des changements dans le rapport au travail

� Un essor très important des sociétés (GAEC, EARL, société civile)

� Une baisse du « capital professionnel autochtone »

➨ Un déclin de la forme familiale de production

Le vécu de la « crise laitière » : un révélateur soci al (sociologie 2/3)

� Un changement de politique préalablement peu débatt u entre adhérents et dirigeants des organisations pro fessionnelles

� Une rupture annoncée fin années 90 (Agenda 2000), a morcée en 2003 (Accord de Luxembourg)

� Postures institutionnelles des grandes OPA : opposi tion a priori, puis information / effets des réform es

� (dirigeants) + (éleveurs engagés) … et les autres

➨ Un basculement des rapports entre les producteurs laiti ers et leur contexte

Un décalage culturel à l’égard de la dynamique du co ntexte laitier, … amplifié par l’organisation de la profession

� Gérer autrement l’atelier : un sentiment d’urgente nécessité, qui fait débat …� De la garantie de stabilité du chiffre d’affaires… à un principe d’incertitude permanente

� Différentiel de performances, coût de production, m arges de manœuvre : des notions en débat

Le révélateur de différenciations socioprofessionne lles (sociologie 3/3)

� Producteurs de matières premières autonomistes

� Professionnels partenaires d’une filière

� Paysans valorisateurs

� Producteurs dégoûtés, perdus dans un monde nouveau

➨ L’éclatement du métier en segments différenciés

� Accentuation de la sélectivité sociale (élimination des fragiles ; difficultés / installat ions…)

� Un système institutionnel remis en cause (le rôle des OPA, l’interprofession …)

➨ Une période de ruptures socioprofessionnelles

� Des conflits de conception du métier

� Des visions contradictoires sur le fonctionnement d e la filière

� Plusieurs visions de la politique publique

➨ Une dynamique laitière conflictuelle

2- Les menaces pour le Grand-Ouest

Les menaces pour le Grand-Ouest (sociologie 1/2)

� Un recul de la place des femmes dans les exploitati ons

� Une rigidification des modèles de travail

� Une moindre résilience sociale face aux crises de m arché

➨ La fin d’un modèle productif familial ?

� Un passif sociétal concernant les pollutions agrico les

� Une fréquence des sociétés agricoles à la fois lait ières et porcines

� Une périurbanisation essentiellement contraignante / élevages

➨ Une acceptabilité sociale en cause dans les milieux ruraux

� Des conceptions difficiles à concilier : métier, exploitation, filière

� Des ambiances locales plus tendues : grosses sociétés, quotas et foncier, CUMA…

� La fin d’une convergence économique entre productio n et industries laitières ?

➨ Des tensions croissantes dans le monde laitier

Les menaces pour le Grand-Ouest (sociologie 2/2)

� Réduire les charges : des fourrages moins chers, un nouvel impératif …

� … mais maintien de l’attirance / un modèle de trava il de type industriel : précision

et simplification travail, tout en minimisant les risq ues (maïs > herbe)

� Reprendre pied dans la dynamique sociale locale : v ers d’autres rapports / nature

➨ Une conception contradictoire du métier

� Le dilemme parcellaire / conditions de travail

� L’agrandissement par le foncier : inéluctable mais conflictuel ?

� L’atelier hors-sol en complément : une démarche hor s-jeu ?

➨ Des tensions entre dynamiques foncières et pressions environnementales

� Les grandes cultures : un modèle professionnel priv ilégié et envié

� Le modèle polyculteur-éleveur laitier en question

➨ Un monde laitier dominé par la culture professionnelle céréalière

Les menaces pour le Grand-Ouest (Économie 1/2)

� Une volonté affichée de développement des volumes (pour les marchés UE et d’exportations)

� Une amélioration récente de leurs positions commerc iales

� L’hexagone est excédentaire en produits laitiers (exports : 4,5 milliards d’euros ; import : 2)

� L’Allemagne est le premier client et le premier fou rnisseur de la France

➨ Une concurrence croissante des pays du nord de l’UE

� Les nouveaux gains économiques passeront surtout pa r la compétitivité à l’export

� …mais l’Ouest n’est pas compétitif sur les produits industriels (beurre et poudre)

➨ Seuls les marchés extérieurs sont en croissance

� La question centrale du positionnement « produit » et de l’investissement

� Une diversité de statut des acteurs : entreprises p rivées / coopératives

� Un nouvel acteur dans l’Ouest : Sodiaal – Entremont

➨ Les industriels du lait adoptent des stratégies hété rogènes

Les menaces pour le Grand-Ouest (Économie 2/2)

� Un secteur productif « éclaté », avec des divergences d’intérêt pour l’après 2015

� Un besoin de conseil de plus en plus « à la carte »

� Des systèmes souvent peu autonomes (hausse attendue du prix du soja, énergie)

➨ Une (trop) forte diversité de performances techniques e t économiques

� Co-existence des productions animales (faut-il privilégier la spécialisation laitière)

� Une forte pression sociétale par rapport aux extens ions et fusions d’exploitations

➨ Une pression environnementale qui pèse sur les dévelop pements futurs

� Des producteurs efficaces, mais avec une croissance lente des volumes

� La stratégie du « saupoudrage » et non du ciblage des volumes de lait libérés

� Peu d’économie d’échelle et une difficile contracti on des coûts fixes

➨ Des gains de productivité (du travail) plus faibles qu’ailleurs en UE

3- Les atouts du Grand-Ouest

Les atouts du Grand-Ouest (Économie 1/2)

� Un climat propice à la production de lait (rendements fourragers ; coût alimentaire)

� Une certaine proximité des bassins de consommation… et de l’Océan

� Une distance, mais relative, de pays déficitaires (UK, Espagne et Italie)

➨ Une localisation géographique favorable

� Une bonne implantation de firmes « leader », avec une restructuration en cours

� Des coûts d’approvisionnement assez concurrentiels

� Des dynamiques positives de réseaux (développement agricole, entraide entre éleveurs )

➨ Une forte densité de collecte, avec des groupes indu striels leader

� Une diversification productive des exploitations (gestion des risques)

� Des stratégies de différenciation possibles pour le s produits finis

� Une culture sociétaire (astreinte de travail et transition du capital)

➨ Une diversité de modèles productifs

Les atouts du Grand-Ouest (Économie 2/2)

� Les quotas laitiers sont transférés « gratuitement » ( « effet prix du foncier »)

� Le prix de la terre est plus faible que dans les pa ys concurrents

➨ Un coût modéré d’acquisition des facteurs de producti on

� Réaction de l’offre régionale aux mesures Barnier (hausse temporaire du quota)

� Un niveau d’intensification encore modeste (lait par hectare de SAU)

➨ Une réserve importante de productivité

� Une baisse attendue du poids du service de la dette (EBE / production agricole)

� Un potentiel productif important à coûts fixes cons tants (bâtiment)

➨ Des investissements soutenus sur la période 2000-2010

Les atouts du Grand-Ouest (sociologie 1/2)

� La fin des quotas libère un potentiel de productivi té du travail

� Une recherche de spécialisation du travail favorabl e à des stratégies de

croissance d’atelier

➨ Un potentiel de développement laitier conséquent

� Multiples réseaux d’appui technico-économique

� Moyens régionaux de recherche-développement conséqu ents

� Niveau de conseil technico-économique jugé > 0 / ma jorité d’éleveurs

➨ Une forte densité des services aux éleveurs

� Face à l’astreinte : automatisation du travail (alimentation et traite)

� Recherche de praticité – rusticité / animaux : nouve lles orientations génétiques

� Recherche d’investissements en production d’énergie (bio-méthanisation, solaire …)

➨ L’entrée dans un nouveau régime d’innovation

Les atouts du Grand-Ouest (sociologie 2/2)

� Reconnaissance croissante de la diversité des modèl es productifs

� Vitalité du syndicalisme laitier : montée des débat s / modèles socioéconomiques

� Initiatives locales de développement multiples (GDA, CETA, CIVAM, GAB…)

➨ Une diversité professionnelle mieux assumée

� Une ambiance collective favorable aux changements d e pratiques techniques

� Aspiration à être acteur des transformations du mét ier … et à débattre

collectivement (éleveurs, éleveuses) de l’avenir de la filière

� Le souci de rechercher des compromis entre efficaci té et solidarité

➨ Une culture professionnelle dynamique

Conclusion : Les défis à relever

Les défis à relever (sociologie 1/2)

� Une évolution du mode de recrutement : entre hérita ge et ouverture …

� L’expérience professionnelle antérieure se générali se : comment en tirer profit ?

� La gestion des carrières devient un problème dans u n secteur moins stable

� Intégrer l’allongement de la durée de vie au travai l

� Attention à la gestion des ressources humaines au s ein des sociétés

➨ Tirer parti de la diversité sociale croissante du mili eu laitier

� Montée de l’information / processus productifs : investir / requalification professionnelle

� L’importance croissante de la gestion technique, éc onomique et du travail

pour maîtriser le changement

� Faire face à des argumentations éthiques locales : bien- être animal, esthétique paysagère, ressources naturelles, biodiversité, aides publiqu es…

➨ Maîtriser le nouveau régime d’innovation en cours

Les défis à relever (sociologie 2/2)

� L’offre de formation continue actuelle tend à propo ser des investissements

courts, peu centrés sur les schèmes culturels (façons de voir et comportements)

� Les efforts de formation continue renforcent généra lement les différences /

capital culturel

Être attentif aux dynamiques à l’œuvre dans les pays concurrents

➨ Réinvestir dans la formation professionnelle continue

� Des variantes de métier de plus en plus affirmées, dans un monde agricole aux métiers de plus en plus spécialisés

� Des demandes sociales et politiques traversant tout e l’agriculture : le paradigme du

« développement durable », fondement d’une nouvelle m odernisation sélective ?

� Renforcer les dynamiques locales : professionnelles d’abord, territoriales aussi

➨ Spécialisation du métier versus horizontalité des demandes sociales

Les défis à relever (Économie 2/2)

� Stratégies d’innovation, de différenciation et d’ex portation

� Définir les termes des futurs contrats avec les éle veurs

� Choisir une voie pour la fixation des prix : prix moyens ou prix différenciés ?

� Clarifier les choix pour l’orientation future des s tructures d’exploitations ?

➨ Des défis pour les industriels du lait

� Desserrer la contrainte du lien entre quotas laitie rs et foncier

� Stimuler les investissements « gagnants » (politique fiscale)

� Organiser les pouvoirs de marché (producteurs / transformateurs / distributeurs)

� PAC 2020 : arbitrages entre Commission européenne e t instances européennes

➨ Des défis pour les politiques publiques

Les défis à relever (Économie 1/2)

� Le Grand-Ouest de la France dispose de nombreux ato uts pour produire du lait

� Cette zone géographique peut produire plus de lait (tout en respectant l’environnement)

� Le marché français et européen restera captif (peu d’importations)

� Le coût de production du lait est une notion centra le (en lien avec la concurrence intra-UE)

� L’innovation et la compétitivité à l’export sont de ux clés de la réussite industrielle

➨ Un diagnostic partagé des acteurs régionaux pour une stratégie à LT

� Accepter l’idée que le prix du lait n’est qu’une va riable parmi d’autres…

� Comparer les résultats techniques et économiques et croiser les expériences

� Construire de nouveaux outils de pilotage : coût de production (temps réel)

� Adopter une stratégie d’investissement davantage ce ntré sur l’élevage

� Arbitrer en taille, niveau d’intensification et eff icacité économique

➨ Des défis pour les exploitations laitières

Merci de votre attention