Singularités génériques des distributions de codimension 2 et des structures bihamiltonniennes

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Bull. Sci. math. 125, 3 (2001) 197–234 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved S0007-4497(00)01071-X/FLA SINGULARITÉS GÉNÉRIQUES DES DISTRIBUTIONS DE CODIMENSION 2 ET DES STRUCTURES BIHAMILTONNIENNES PAR FERNAND PELLETIER Universiti de Savoie, Campus Scientifique, Laboratoire de Mathématiques, F-73376 Le Bourget du Lac Cedex, France Manuscrit présenté par J.-P. FRANÇOISE, reçu en mai 2000 RÉSUMÉ. – Nous construisons des stratifications dans l’espace des couples de 2-formes qui permettent de donner une description des courbes anormales pour des distributions génériques de codimension 2 en toute dimension. Ces stratifications permettent aussi de décrire les singularités des feuilletages de Weinstein associés à un couple de tenseurs de Poisson compatibles intervenant dans le contexte des variétés bihamiltoniennes. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS AMS classification: 49J15; 43B50 Mots Clés: Stratifications; Distributions génériques; Courbes anormales; Tenseurs de Poisson; Variétés bihamiltonniennes 1. Introduction Etant donnée une distribution régulière E sur une variété M les courbes anormales de cette distribution sont par définition les points sin- guliers de l’application extrémité π : a (E) M , si a (E) est la va- riété des chemins de classe H 1 tangents presque partout à E, d’origine a M et paramétrisés sur [0, 1]. De nombreux travaux récents se sont in- téressés à l’étude des courbes anormales ([1,3,4,10,13–16,28], ...). Pour les distributions de codimension 1, un travail récent de B. Jakubczyk et M. Zhitomirskii [9] établit que, sous des hypothèses assez générales, l’en- semble de ces courbes anormales caractérise complètement la distribu- tion. Le premier objectif de ce travail est de donner une description des

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2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved

S0007-4497(00)01071-X/FLA

SINGULARITÉS GÉNÉRIQUES DES DISTRIBUTIONSDE CODIMENSION 2 ET DES STRUCTURES

BIHAMILTONNIENNES

PAR

FERNAND PELLETIERUniversiti de Savoie, Campus Scientifique, Laboratoire de Mathématiques,

F-73376 Le Bourget du Lac Cedex, France

Manuscrit présenté par J.-P. FRANÇOISE, reçu en mai 2000

RÉSUMÉ. – Nous construisons des stratifications dans l’espace des couples de 2-formesqui permettent de donner une description des courbes anormales pour des distributionsgénériques de codimension 2 en toute dimension. Ces stratifications permettent aussi dedécrire les singularités des feuilletages de Weinstein associés à un couple de tenseurs dePoisson compatibles intervenant dans le contexte des variétés bihamiltoniennes. 2001Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

AMS classification: 49J15; 43B50

Mots Clés: Stratifications; Distributions génériques; Courbes anormales; Tenseurs dePoisson; Variétés bihamiltonniennes

1. Introduction

Etant donnée une distribution régulièreE sur une variétéM lescourbes anormales de cette distribution sont par définition les points sin-guliers de l’application extrémitéπ :Ωa(E) → M , si Ωa(E) est la va-riété des chemins de classeH 1 tangents presque partout àE, d’originea ∈M et paramétrisés sur[0,1]. De nombreux travaux récents se sont in-téressés à l’étude des courbes anormales ([1,3,4,10,13–16,28],. . .). Pourles distributions de codimension 1, un travail récent de B. Jakubczyk etM. Zhitomirskii [9] établit que, sous des hypothèses assez générales, l’en-semble de ces courbes anormales caractérise complètement la distribu-tion. Le premier objectif de ce travail est de donner une description des

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courbes anormales pour des distributions génériques de codimension 2(théorème 3.2).

Pour un certain nombre de systèmes hamiltoniens intégrables , il existeun couple de tenseurs de Poisson dont l’opérateur de récursion permet, deconstruire par induction des intégrales premières de tels systèmes. Cettesituation a donné lieu à 1’étude des structures bihamiltonniennes, c’est àdire la donnée d’un couple de tenseurs de Poisson compatible sur une va-riété ([7,12,17,23,24],. . .). Le deuxième objectif de ce travail est de faireune étude géométrique d’un tel couple de tenseurs dans des situationsgénériques. Plus précisément, pour un couple de tenseurs de Poisson gé-nériques compatibles, nous donnons une description des singularités derang de l’opérateur de récursion associé (en dimension paire) et des sin-gularités des feuilletages de Weinstein associés (théorème 4.2). Dans cecontexte, nous établissons aussi des conditions nécessaires et suffisantespour qu’un champ de vecteurs soit “un champ dynamique”, c’est à diresoit l’image d’une 1-forme fermée par le couple de tenseurs de Pois-son, (théorème 4.4). Ce travail constitue une généralisation en dimensionquelconque de resultats antérieurs en petites dimensions [4].

Toute distribution régulière de codimension 2 est localement 1’inter-section des noyaux d’un couple de 1-forme et d’autre part, les courbesanormales sont tangentes au noyau d’une combinaison des différentiellesde ces 1-formes, en restriction à cette distribution. Par suite, cette étudegénérique repose essentiellement sur l’étude des singularités de rang descombinaisons linéaires de couples de 2-formes alternées. On est donc na-turellemnt amené à étudier les orbites sous l’action du groupe linéaire descouples de 2-formes. Par dualité cette étude fournit la base des résultatsgénériques sur les variétés bihamiltonienes. Une telle étude repose sur lescélèbres travaux de Kronecker sur les couples de matrices [8] dont Gel-fand en a donné une adaption à la classification des couples de formesalternées (voir par exemple [7]). Cette étude donne une caractérisationcomplète des orbites du groupe linéaire dans 1’espace des couples deformes alternées. Ces résultats constituent la base de la construction desstratifications qui sont fondamentales pour ce travail. La section 2 estconsacrée aux rappels de ces différents travaux et à la construction destratifications adéquates dans des espaces de jets de couples de 1-formes.La transversalité à ces stratifications permettra d’établir la généricité etles propriétés annoncées. Les résultats sur la localisation des courbesanormales sont détaillés dans la section 3 paragraphe 3.2. Ces résultats

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sont des conséquences de résultats plus généraux (paragraphe 3.1) et per-mettent de décrire complètement la situation de courbes anormales desdistributions de codimension 2 invariantes, sur les variétés homogènes(paragraphe 3.3). Les résultats sur les couples de tenseurs de Poissoncompatibles sont détaillés dans la section 4 paragraphe 4.2. Dans cettesection, on établit également des conditions nécessaires et suffisantesd’existence de champs de vecteurs dynamiques sur les variétés bihamil-toniennes génériques (pargraphe 4.4).

2. Stratification dans les espaces de couples de 2-formes et des 1-jetsde 1-formes

2.1. Préliminaires algébriques

Dans ce paragraphe, nous présentons des résultats classiques (voirpar exemple [7]) sur les classifications de couples de 2-formes (c ’est-à-dire formes bilinéaires antisymétriques) sur les espaces vectoriels dedimension finie.

Si A :E1 → E2 est une application linéaire entre deux espacesK

vectorielsE1 et E2 de dimension finie, (K = R ou C), on noteraωAla forme bilinéaire antisymétrique surE =E1 ⊕E∗

2 définie par

ωA(x, y)= 〈y2,A(x1)〉 − 〈y1,A(x2)〉 si x = (x1, x2) ety = (y1, y2).

Réciproquement, toute forme bilénaire antisymétrique surE peut s’écriresous cette forme, à équivalence linéaire près. Considerons un coupleω= (ω1,ω2) de 2-formes sur unK espace vectorielE. On a alors :

PROPOSITION 2.1 [7]. –Il existe des K espaces vectoriels E1 et E2,des applications linéaires Ai :E1 → E2, i = 1,2, et un isomosphismelinéaire P :E →E1 ⊕E2 tels que P ∗ωi = ωAi , i = 1,2.

Il résulte de la proprosition 2.1 que la classification des couples de 2-formes se ramène à la classification des couples d’applications linéaires.On dira qu’un coupleω = (ω1,ω2) surE est décomposable s’il existe unedécomposition deE en somme directeE′ ⊕ E′′ de deux sous espacesorthogonaux relativement aux formesω1 et ω2. Dans ce cas on écriraω = ω′ ⊕ ω′′ où ω′ (resp.ω′′) désigne la forme induite parω sur E′(resp.E′′). Si une telle décomposition n’existe pas, on dira queω est

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indécomposable. Il est facile de voir que les couples du type(ωA1,ωA2)

sont décomposables si et seulement siA = (A1,A2) est décomposable,c’est dire, il existe une décompositionEi = E′

i ⊕ E′′i telle queAi(E

′1)

(resp.Ai(E′′1)) soit contenu dansE′

1 (resp.E′′2 ). Dans le cas contraire

on dira encore que(A1,A2) est indécomposable. Si on noteA′i et A′′

i ,i = 1,2, les applications linéaires induites deE′

1 dansE′2 et deE′′

1 dansE′′

2, on dira que(A1,A2) est somme directe de(A′1,A

′2) et (A′′

1,A′′2).

DÉFINITION 2.1. –(1) On appelle décomposition d’un couple d’applications linéaires

(A,A′) de E dans E′ en somme directe de couples indécomposables(Aj ,A

′j ) de Ej dans E′

j , j = 1, . . . , r , l’existence de décompositions ensomme directe E =⊕r

j=0Ej et E′ =⊕rj=0E

′j tels que Aj (resp. A′

j ) soitla restriction de A (resp. A′) à Fj , pour j = 1, . . . , r et que A (resp. A′)soit la somme des Aj (resp. A′

j ).(2) On appelle décomposition d’un couple de 2-formes (ω1,ω2)

sur E en somme directe de couples indécomposables (ωj ,ω′j ) sur

Ej, j = 1, . . . , r , l’existence d’une décomposition en somme directe E =⊕rj=0Ej de sous-espaces deux à deux orthogonaux pour ω et ω′ et telle

que ωj (resp. ω′j ) est la restriction de ω (resp. ω′) à Ej , j = 1, . . . , r , et

que (ω,ω′) soit la somme directe des (ωj,ω′j ).

PROPOSITION 2.2 [6,7]. –Tout couple A = (A1,A2) d’applicationslinéaires de E1 dans E2 est décomposable en somme directe de couplesindécomposables isomorphes à l’un des couples (B1,B2) de l’un destypes suivants :

(1)E1 =E2, B1 = Id et B2 est un bloc de Jordan ;(2) E1 = E2, B1 est un bloc de Jordan avec valeur propre nulle et

B2 = Id ;(3) dimE2 = (dimE1)− 1, B1 et B2 sont représentés respectivement

par les matrices :

1 0 0 . . . 0 00 1 0 . . . 0 0. . . . . . . .

. . . . . . . .

. . . . . . . .

0 0 0 . . . 1 0

0 1 0 . . . 0 00 0 1 . . . 0 0. . . . . . . .

. . . . . . . .

. . . . . . . .

0 0 0 . . . 0 1

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(4) dimE2 = (dimE1)+ 1, B1 et B2 sont représentés respectivementpar les matrices :

1 0 . . . 00 1 . . . 0. . . . . .

. . . . . .

. . . . . .

0 0 . . . 10 0 . . . 0

0 0 . . . 01 0 . . . 00 1 . . . 0. . . . . .

. . . . . .

. . . . . .

0 0 . . . 1

En appliquant ce résultat pour la classification des couples de 2-formes,

on peut facilement établir :

PROPOSITION 2.3. –Soit ω = (ω1,ω2) un couple de 2-formes unespace vectoriel réel E de dimension finie. Alors ω est somme directede couples π = (π1, π2) sur F isomorphe à l’un des types suivants :

(1) Il existe une base α1, . . . , α4r de F ∗ telle que :

π1 =2r∑l=1

α2l−1 ∧ α2l ,

π2 = λπ1 +µ

[r−1∑l=0

(α4l+1 ∧ α4l+4 + α4l+2 ∧ α4l+3)+r−2∑l=0

α4l+3 ∧ α4l+6

]où λ est un réel quelconque et µ est un nombre réel non nul.

(2) Il existe une base α1, . . . , α2r de F ∗ telle que :

π1 =2r∑l=1

α2l−1 ∧ α2l et π2 =r−1∑l=1

α2l−1 ∧ α2l+2 + λπ1

avec λ = 0.(3) Même écriture que dans (2) en permutant π1 et π2 et avec λ= 0.(4) Il existe une base α1, . . . , α2r+1 de F ∗ telle que :

π1 =2r∑l=1

α2l−1 ∧ α2l et π2 =2r∑l=1

α2l ∧ α2l+1.

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REMARQUE 2.1. – Considérons un couple(ω1,ω2) de 2-formes surun espace vectorielE. Si E est de dimension paire et siω est de rangmaximum, la proposition 2.3 redonne la classification utilisée dans [26]et [23]. SiE est de dimension impaire etω1 etω2 sont de rang maximum,le couple (ω,ω′) est indécomposable et on a un écriture du type (4). Cettesituation est appelée un couple de Kronecker et donne lieu aux structuresbihamiltoniennes classiques [7,17,23,24].

Etant donné un couple (ω1,ω2) indécomposable sur un espace vecto-riel E, notonsΩi l’application linéaire deE dansE∗ associé àωi, i =1,2. SiE est de dimension paire 2n etω1 est de rang maximum,(ω1,ω2)

étant écrit sous la forme canonique adéquate du théorème 2.3, on voit quele polynome minimal deΩ−1

1 Ω2 est

(X− λ)2n

pour le type (1), et pour le type (2), ce polynôme minimal est(X− 2αX+ α2 + β2)2n.

On dira queλ et µ = α ± iβ sont les valeurs propres respectives ducouple pour le type (1) et (2). Pour le type (3), c’estω2 qui est derang maximum. Il est alors facile de voir queΩ−1

2 Ω1 est nilpotent.On dira dans ce cas quele couple est nilpotent. Enfin lorsque le coupleest type (4), la dimension deE est impaire, et on a un couple deKronecker (en particulier, chacune des 2-formes est de rang maximal).On dira alors dans ce cas quele couple est Kronecker ou de type (K).Par ailleurs, rappelons que le supportSβ d’une 2-formeβ sur E est1’image de l’application linéaire canonique deE dansE∗ induite parβ. On appellerarang du couple ω la dimension de l’espaceSω1 + Sω2.Il est clair qu’un couple indécomposable ayant une valeur propre estcomplètement déterminé par son rang et sa valeur propreλ. De mêmeun couple nilpotent ou de Kronecker est complètement déterminé par sonrang.

Revenons à la situation générale d’un couple quelconqueω = (ω1,ω2)

de 2-formes sur un espace vectorielE et soitωj = (ωj1,ω

j2)j=1,...,p une

famille de couples indécomposables, associée à des sous espacesEj ,j = 1, . . . , p, dontω est la somme directe, de sorte queE =⊕r

j=0Ej .On appellevaleur propre λ (réel ou complexe) deω toute est valeur

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propre λ de l’un des couplesωj . Si λ est valeur propre réelle, onappellemultiplicité de λ la suite mλ = (1

2m1, . . . ,12mrλ), ordonnée par

ordre décroissant, si(m1, . . . ,mrλ) est la suite des valeurs prises parles rangs de tous les couplesωj ayant λ comme valeur propre. Siλ est valeur propre complexe, alors λ sera aussi valeur propre deω.De plus, dans la décomposition en éléments indécomposablesωj =(ω

j1,ω

j2)j=1,...,p, si λ est valeur propre deωj , il existe un autre élément

ωj′

ayant la valeur propreλ et tel queωj et ωj′

ont même rang. Onappelle multiplicité de λ ou λ, la suite mλ = (m1, . . . ,mrλ), ordonnéepar ordre décroissant, formée des valeurs prises par les rangs des couplesωj ayant λ ou λ respectivement comme valeur propre. On appelleraindice de nilpotence deω la suite ν = (1

2ν1, . . . ,12νs), ordonnée par ordre

décroissant, si(ν1, . . . , νs) est la suite des valeurs prises par le rang detous les couplesωj qui sont nilpotents etindice de Kronecker deω la suiteκ = (κ1, . . . , κt ) ordonnée par ordre décroissant, si2κ1 + 1, . . . ,2κt + 1est l’ensemble des valeurs prises par les rangs de tous les couplesωj detype Kronecker.

REMARQUE 2.2. – Lorsqueω = (ω1,ω2) est du type nilpotent, l’opé-rateur linéaireΩ1 associé àω1 n’est plus inversible et par suiteΩ−1

1 Ω2

n ’est plus défini. Par contre,Ω−12 Ω1 est nilpotent, donc 0 est la seule

valeur propre de cet opérateur. Par abus de langage, on dira aussi queω

possède une valeur propre infinie de multiplicitén1, . . . , ns , si l’indice denilpotence deω estn1, . . . , ns.

PROPOSITION 2.4. –Etant donné un couple ω, soient λ1, . . . , λp et(µp+1, µp+1), . . . , (µq, µq) les collections de valeurs propres réelles etcomplexes respectivement de ω deux à deux distinctes et (mλj )j=1,...,p ,(mµj )j=p+1,...,q , les collections de suites de multiplicités associées etenfin ν = (ν1, . . . , νs) et κ = (κ1, . . . , κt) les suites d’indices de nilpo-tence et d’indices de Kronecker respectivement de ω. Ces données ca-ractérisent complètement l’orbite du couple ω sous l’action naturelleA∗ω= (A∗ω1,A

∗ω2) du groupe des automorphismes GL(E) de E.

Preuve. – Considérons une base de l’espace vectorielE dans laquelleω possède une écriture “canonique” comme dans la proposition 2.3.Désignons parA1 etA2 les matrices respectives des composantesω1 etω2 deω dans cette base. Selon la terminologie de [6], par construction,les diviseurs élémentaires “finis” du faisceau de matricesA1 + λA2 sont

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tous les polynomes :

(λ− λj )2(m

λj

i), i = 1, . . . , rj , j = 1, . . . , p,

[λ2 − (µj + µj )λ+ (µj µj

]2(mµj

i), i = 1, . . . , r ′

j , j = p+ 1, . . . , q,

les diviseurs élémentaires “infinis” sont les polynomes :

µ2νi , i = 1, . . . , s

et les indices minimaux sont :

2κ1 + 1, . . . ,2κt + 1.

Si on choisit une base quelconque deE les matrices respectivesA′1 et

A′2 de ω1, et ω2 vérifient A′

i = P TAiP, i = 1,2, etP est une matriceinversible. Les faisceaux de matricesA1 + λA2 etA′

1 + λA′2 sont donc

strictement équivalents au sens de [6] (tome 2 page 21) et ils ont donc lesmêmes diviseurs élémentaires finis et infinis et mêmes indices minimaux.Le même raisonnement s’applique lorsque l’on fait agirGL(E). Simaintenantω et ω′ sont deux couples ayant les mêmes valeurs propresréelles et complexes et les mêmes collections de suites associées, dansune base fixée deE, les faisceaux de matricesA1 + λA2 et A′

1 + λA′2

respectivement associés sont “congruents” c ’est à dire qu’il existe unematrice inversiblesP telles queA′

1 + λA′2 = P T(A1 + λA2)P (voir [6]

tome 2 page 38). Il en résulte queω etω′ sont dans la même orbite.2.2. Stratification par le symbole

Considérons un coupleω. Si λ1, . . . , λp et (µp+1, µp+1), . . . , (µq, µq)

sont les collections de valeurs propres réelles et complexes respecti-vement deω deux à deux distinctes et les collections de suites asso-ciées(mλj )j=1,...,p, (mµj )j=p+1,...,q , ν, κ (voir proposition 2.4),on ap-pellera symbole d’un couple ω la collection de suites σ = (mλj )j=1,...,p,(mµj )j=1,...,q , ν, κ . L’objet de ce paragraphe est d’établir :

THÉORÈME 2.1. –Soit

σ = (mij j=1,...,ri , i=1,...,p),

(m′ij j=1,...,r ′

i, i=p+1,...,q , njj=1,...,s, κjj=1,...,t ),

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une famille de suites décroissantes. Dans l’espace CE2 des couples de2-formes sur E, s’il est non vide, l’ensemble Σσ de tous les couplesω dont le symbole est égal à σ est une sous-variété régulière semi-algébrique, invariante par l’action de GL(E) et sa codimension est égaleà n(n− nσ)+Nσ − (n+ 2q − p) avec

nσ =p∑i=1

ri∑j=1

2mij +

q∑i=p+1

r ′i∑

j=1

2m′ij +

s∑j=1

2nj +t∑

j=1

(2κj + 1)

et

Nσ =[(

p∑i=1

ri∑j=1

3jmij

)+(

q∑i=p+1

r ′i∑

j=1

3jm′ij

)+(

s∑j=1

3jnj

)

+(t2 +

t∑i=1

(3t − 4i + 3)κi

)]

+[2t

(p∑i=1

ri∑j=1

mij +

q∑i=p+1

r ′i∑

j=1

m′ij +

s∑j=1

nj

)].

L’adhérence de chaque Σσ est une réunion de variétés Σσ ′ et l’ensembledes variétés Σσ définit une stratification de CE2.

REMARQUE 2.3. – (1) Sin est pair, les seules strates ouvertes sontcelles pour lesquelles le sumboleσ vérifienσ = n, s = t = 0, 2q − p =12n et ri = 1 pouri = 1, . . . , p et r ′

i′ = 1, i′ = p + 1, . . . , q. L’adhérencede chacunes de ces strates contient toujours des strates de codimension 1.

(2) Si n = 2k + 1 est impair, la seule strate ouverte est cellepour laquelle le symboleσ vérifie nσ = n, p = q = s = 0, k = κ1.L’adhérence de cette strate contient des strates de codimension au plus 2.

Preuve du théorème 2.1. – Ehaque ensemble (non vide)Σσ est uneréunion d’orbites de l’action deGL(E) (proposition 2.4). Par ailleurs, ilest clair queΣσ est un ensemble semi-algébrique Pour toutω ∈ Σσ , ladimension de la somme des supportsSω1 + Sω2 est égale à :

nσ =p∑i=1

ri∑j=1

2mij +

q∑i=p+1

r ′i∑

j=1

2m′il +

s∑j=1

2nj +t∑

j=1

(2κj + 1).

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L’ensembleΣσ est donc contenu dans l’ensembleCE2nσ

des couples deformes dont la somme des supports est un espace vectoriel de dimensionnσ . En fait,CE2

nσest une sous variété deCE2 de codimension(n− 1)(n−

nσ).De manière classique, l’application qui àω= (ω1,ω2) associe l’espace

vectoriel sommeSω = Sω1 + Sω2 est une fibration deCE2nσ

sur lagrassmannienne desnσ plans deE∗ (voir par exemple [18]).

1ere étape : Considérons d’abord la situation oùnσ = n et pourdes symboles que nous appeleronsélémentaires c’est-à-dire du typehyperbolique (m1, . . . ,mr) (p = 1, q = p, s = t = 0) ou du typeelliptique (m′

1, . . . ,m′r ′) (q = 1, p = s = t = 0) ou du typenilpotent

(ν1, . . . , νs) (p= q = t = 0) ou du typeKronecker (κ1, . . . , κt) (p= q =s = 0).

LEMME 2.1. –Soit σ un symbole élémentaire. Il existe dans GL(E)un unique sous-groupe Gσ tel que le groupe d’isotropie de tout ω ∈Σσ

soit conjugué à Gσ . De plus si σ = (p1, . . . , pu) est du type elliptiqueou hyperbolique ou nilpotent, la dimension de Gσ est éqale :

∑uj=1 3jpj .

Si σ = (κ1, . . . , κt ) est de Kronnecker, la dimension de Gσ est égale àt2 +∑t

i=1(3t − 4i + 3)κi .

Preuve résumée (voir [19]). – Supposons par exempleσ = (m1, . . . ,

mr) et soit ω ∈ Σσ . Il existe une décomposition deω = (ω1,ω2) ensomme directe d’éléments indecomposablesωj , j = 1, . . . , r , et chaqueωj est de rang 2mj et possèdent tous la valeur propreλ réelle. Fixons unélémentω ∈Σs ayantλ pour valeur propre. Il résulte des propositions 2.1et 2.2 qu’il existe une baseα1, . . . , αn deE dans laquelle la matrice dechaque composante deω est du type

(0 K

−KT 0

)où KT est la transposée

de K et K est une matrice carrée d’ordren′ = 12n égale à l’identité

pour la première composante et à une matrice de Jordan constituée der blocs de dimensionm1, . . . ,mr , avecλ sur la diagonale. Il faut calculerla dimension du sous-groupe d’isotropie deω (dansGL(E) identifié àGL(Rn)).

Par des arguments combinatoires on calcule facilement la dimensionde l’algèbre de Lie du groupeI1 des éléments deGL(Rn) qui fixentω1.Un raisonnement analogue s’applique pour les symboles élémentairesdu type elliptiqueσ = (m′

1, . . . ,m′r ′) (q = 1, p = s = t = 0), du

type nilpotentσ = (ν1, . . . , νs) (p = q = t = 0) et du type Kronecker(κ1, . . . , κt ) (p = q = s = 0).

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2eme étape : Considérons maintenant un symbole

σ = (mijj=1,...,ri , i=1,...,p,

(m′ij j=1,...,r ′

i, i=p+1,...,q , njj=1,...,s, κjj=1,...,t ),

tel quenσ = n. Fixons un élémentω de Σσ . Il existe une base deEdans laquelle la matriceΩ1 (resp.Ω2) de la composanteω1 (resp.ω2) estquasi-diagonale contituée de blocs :

Mij =

(0 J ij

−(J iJ )T 0

), j = 1, . . . , ri , i = 1, . . . , p et

j = 1, . . . , r ′i , i = 1, . . . , q

Nj =(

0 Lj

−(Lj)T 0

), j = 1, . . . , s,

Kj =(

0 Hj

−(Hj)T 0

), j = 1, . . . , t,

oùJ ij sont des blocs “identite” (resp. de Jordan),Lj sont des blocs de Jordan de valeur propre nulle (resp. “identite”),Hj est sont des blocs du type (3) (resp. (4)) de la proposition 2.2.Avec notations ci-dessus, on noteraαij (resp.α

′ij ) la 2-forme dont

la matrice estMij avec le bloc “J ij ” égal à l’identité (resp. un bloc de

Jordan). De même, on noteβj (resp.β ′j ) la 2-forme dont la matrice est

Nj avec le bloc “Lj ” est un bloc de Jordan de valeur propre nulle (resp.un bloc identité) et enfinγj (resp.γ ′

j ) la 2-forme dont la matrice estKj

avec le blocHj est du type (3) (resp. (4)).Par construction,ω est la somme des couples irréductibles(αij , α

′ij ),

(βj , β′j ) et (γj , γ ′

j ). A cette décomposition correspond une décompo-sition deE en somme directe de sous-espacesAi

j , Bj et Cj de sorteque la restriction deω à chacun de ces sous-espaces est le couple irré-ductible associé de manière évidente. On note(αi, α

′i) le couple “élé-mentaire” somme des couples irréductibles(αij , α

′ij ) j = 1, . . . , ri si

i = 1, . . . , p,p+1, . . . , q. De même on note(β,β ′) et (γ, γ ′) les couples“élémentaires” somme des couples irréductibles(βj , β

′j ), j = 1, . . . , s, et

(γj , γ′j ), j = 1, . . . , t) respectivement.

Page 12: Singularités génériques des distributions de codimension 2 et des structures bihamiltonniennes

208 F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234

Désignons parG le groupe des matrices deGL(n,R) qui fixentω. Sonalgèbre de LieG est constituée des matricesA qui vérifient :

ATΩl +ΩlAT = 0, l = 1,2.(∗)

LEMME 2.2. –Le groupe d’isotropie de Γω de ω est conjugué augroupe G et la dimension de son algèbre de Lie G est :

Nσ =[(

p∑i=1

ri∑j=1

3jmij

)+(

q∑i=p+1

r ′i∑

j=1

3jm′ij

)+(

s∑j=1

3jnj

)

+(t2 +

t∑i=1

(3t − 4i + 3)κi

)]

+[2t

(p∑i=1

ri∑j=1

mij +

q∑i=p+1

r ′i∑

j=1

m′ij +

s∑j=1

nj

)].

En particulier la dimension de Γω ne dépend que de σ .

Preuve. – Voir [19]. Revenons à la démonstration du théorème lorsquen = nσ . L’élément

ω deΣσ étant fixé, le lemme 2.2 nous permet de calculer la dimension dela variétéGL(E)/Γω. NotonsFω l’ensemble desω ∈Σσ dont le grouped’isotropie est égal àΓω. Il résulte du lemme 2.2, queFω est un ouvertde R

p+2(q−p). Avec ces notations, l’applicationφ :Σσ → GL(E)/Γωdéfinie parφ(ω) = A si A est la classe dansGL(E)/Γω d’un élémentA ∈ GL(E) tel queA∗ω ∈ Fω est en fait une submersion deΣσ surGL(E)/Γω de fibre typeFω. Par suite, pourn = nσ , Σσ est une sous-variété de codimensionNσ − (nσ + 2q − p) si Nσ = dimΓω (qui nedépend que deσ ).

3eme étape : Considérons maintenant le cas général, c’est-à-diren =nσ . Comme nous l’avons déjà observé, l’ensembleΣσ est contenu dansla variétéCE2

nσdes couples de formes dont la somme des supports est un

espace vectoriel de dimensionnσ et l’applicationψ qui àω = (ω1,ω2)

associe l’espace vectoriel sommeSω = Sω1 +Sω2 est une fibration deCE2nσ

sur la grassmannienne desnσ plans deE∗. SiF ∗ est un point fixé de cettegrassmanienne, l’ensemble desω deΣσ tels queψ(ω)= F ∗ s’identifieà l’ensemble des éléments deCF2 dont le symbole estσ . D’après la 2eme

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F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234 209

étape cet ensemble est une sous-variété régulière de la fibreψ−1(F ∗).On en déduit que dansCE2, Σσ est une sous-variété de codimensionn(n− nσ )+Nσ − (n+ 2q − p). La démonstration de la dernière partiedu théorème est laissée au lecteur.2.3. Une autre stratification dans les espaces de couples de 2-formes

Considérons maintenant l’action deGL(2,R) × GL(E) sur CE2

définie par :(A,B) ∗ ω est le couple de 2-formes(ω′1,ω

′2) avecω′

1 =α1B

∗ω1 + α2B∗ω2 etω′

2 = b1B∗ω1 + b2B

∗ω2 si

A=(a1 a2

b1 b2

).

Etant donné un symbole

σ = (mij j=1,...,ri, i=1,...,p,

(M ′ij j=1,...,r ′

i, i=p+1,...,q , nj j=1,...,s, κj j=1,...,t ),

on noteraσl, l = 1, . . . , p la famille de suites suivantes :

(mij j=1,...,ri , i=1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , nj j=1,...,s , κj j=1,...,t ),

avec :

mij =mi

j et ri = ri pour i = l, mlj = nj et rl = s, nj =ml

j et s = rl .

On noteraσ0 la suite

(mijj=1,...,ri , i=0,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , κj j=1,v...,t )

avecmij =mi

j et ri = ri pour touti = 1, . . . , p et m0j = nj = 0 pour tout

j = 1, . . . , r0 = s.Enfin, pour tout coupleω de CE2, on noteraVω le sous espace

vectoriel deΛ2E∗ engendré parω1 et ω2. Avec ces notations, on a lacaractérisation suivante des orbites de l’action deGL(2,R) × GL(E)

surCE2 :

LEMME 2.3. –Les propriétés suivantes sont équivalentes :(1) Les couples ω = (ω1,ω2) et ω′ = (ω′

1,ω′2) appartiennent à une

même orbite de l’action de GL(2,R)×GL(E) sur CE2.

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210 F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234

(2) Si le symbole de ω est σ alors le symbole de ω′ est aussi σ ou bienil existe un entier l compris entre 0 et p tel que le symbole de ω′ soitσl et il existe une fonction homographique h(x)= b1+b2x

a1+a2xqui transforme

toutes les valeurs propres finies ou infinie (voir remarque 2.2) de ω envaleurs propres ( finies ou infinie) de ω′ avec a1b2 − a2b1 = 0.

(3) Il existe un élément B ∈GL(E) tel que V ′ω =B∗(Vω).

Preuve. – Soient ω et ω′ deux couples dans la même orbite etdésignons parσ le symbole deω. On a alorsω′

1 = a1B∗ω1 + a2B

∗ω2 etω′

2 = b1B∗ω1 + b2B

∗ω2. Modulo l’action deGL(E), on peut supposerque B = Id et que les matrices associées àω1 et ω2 dans la basecanonique soient quasi-diagonales comme dans la démonstration duthéorème 2.1 avant le lemme 2.2. Dans cette base, les matrices respectivesdes composantesω′

1 = a1ω1 + a2ω2 et ω′2 = b1ω1 + b2ω2 seront aussi

quasi-diagonale. Sans perte de généralité, on peut donc supposer quele symbole deω est élémentaire. Siω est du type elliptique (resp.hyperbolique), la valeur propreλ de ω la valeur propre de l’operateurlinéaireΩ−1

1 Ω2 (Ωi est l’opérateur linéaire associé àωi, i = 1,2). Ilen résulte que l’opérateur(a1Ω1 + a2Ω2)

−1 (b1Ω1 + b2Ω2), lorsquecet opérateur est défini, a pour valeur propreb1+b2λ

a1+a2λ. Dans ce cas,ω′

est aussi elliptique (resp. hyperbolique) de même symbole queω. Enfait, (a1Ω1 + a2Ω2) est inversible, si et seulement sia1 + a2λ = 0. Poura1 + a2λ= 0, on a nécessairementb1 + b2λ = 0 et par suite l’opérateur(b1Ω1+b2Ω2)

−1(a1Ω1+a2Ω2) est nilpotent. On en déduit que dans cecasω′ est du type nilpotent. Lorsqueω est nilpotent, par des argumentsanalogues on montre queω′ est soit nilpotent soit hyperbolique et dansce cas les multiplicités respectives sont les mêmes. Enfin, lorsqueω estde type Kronecker, il est facile de voir qu’il en est de même pourω′ [6] etω etω′ ont même symbole. La réciproque et l’équivalence (1) et (3) sontlaissées au lecteur.

Pour toute famille de suites

σ = (mij j=1,...,ri , i=1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , κjj=1,...,t ),

on noteSσ l’ensemble des couples ω dont le symbole σ ′ est tel queσ ′

0 est égal à σ . Il résulte du lemme 2.3 queSσ est invariant parGL(2,R)×GL(E) et c’est la réunion des variétésΣσ ′ avecσ ′ = σ ouσ ′

0 = σ . On en déduit facilement :

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F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234 211

THÉORÈME 2.2. –Pour tuote famille de suites

σ = (mij j=1,...,ri , i=0,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , κj j=1,...,t ),

chaque ensemble Sσ si il n’est pas vide est une sous-variété plongée deCE2 de même codimension que Σσ , c’est-à-dire n(n− nσ)+Nσ − (n+2q −p), et une orbite de l’action de GL(2,R)×GL(E). L’ensemble detoutes les variétés Sσ constitue une stratification de CE2.

Nous allons terminer ce paragraphe par quelques propriétés de l’espacevectorielVω engendré parω ∈ Sσ :

PROPOSITION 2.5. –Considérons une famille de suite,

σ = (mij j=1,...,ri , i=1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , κjj=1,...,t ).

Soit ω= (ω1,ω2) un élément de Sσ et Vω l’espace vectoriel des 2-formesengendré par ω1 et ω2.

(1) Le rang d’un élément β ∈ Vω non nul est égal à l’un des entiersnσ − t ou nσ − t − 2ri , 1 i p. L’ensemble Di des β ∈ Vω dont lerang est nσ − 2ri − t, i = 1, . . . , p, est une droite vectoriel privée de 0 etDi ∩Dj est vide pour i = j .

(2) Le sous-espace vectoriel F0 de E engendré par les noyaux del’ensemble des β ∈ Vω dont le rang maximal nσ − t est de dimensionr0 + κ1 + · · · + κt + t si r0 = n− nσ .

(3) Le noyau Fi des éléments de rang nσ − t − 2ri , 1 i p,(appartenant à Di) est un espace vectoriel de dimension r0 + t + 2riet F0 ∩ Fi est de dimension r0 + t .

(4) Soit K l’intersection de tous les Fi , 0 i p. Supposons dueω1 et ω2 soient de rang maximum. Si t not = 0, il existe alors unefamille d’applications polynomiales Xj :R2 → F0, j = 1, . . . , t , ayantles propriétés suivantes :

− la famille Xj(a, b)j=1,...,t est libre pour tout (a, b) ∈ R2 et

engendre un sous-espce vectoriel d’intersection nulle avec K ,− le noyau de 2-forme aω1 + bω2 est enqendré par Xj(a, b)j=1,...,t

et K pourvu que b n’appartienne pas à la famille −aλij où λij est la famille des valeurs propres réelles du couple (ω1,ω2).

Page 16: Singularités génériques des distributions de codimension 2 et des structures bihamiltonniennes

212 F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234

Preuve. – Soitω ∈ Sσ . D’après le lemme 2.3, on peut supposer que lesymbole deω estσ . Il résulte de la proposition 2.2 qu’il existe des sousespacesK , Ei

j i=1,...,p, j=1,...,ri , E ′ij i=p+1,...,q, j=1,...,r ′

iet E′′

j j=1,...,t de

dimensions respectivesn− nσ ,2mij , 2m

′ij et 2κj + 1 deE tels que

− E est somme directe deK et de tous ces espaces ;− la restriction de(ω1,ω2) à K est nulle et(ω1,ω2) est la somme

directe des éléments indécomposables formés de ses restrictionsrespectives((ω1)

ij , (ω2)

ij ), ((ω

′1)ij , (ω

′2)ij ), et ((ω′′

1)j , (ω′′2)j ), à

chacun des autres sous espacesEij , E

′ij etE′′

j .D’autre part, il résulte du lemme 2.3 qu’il existe des 1-formes

indépendantesγ ij,ll=1,...,2mij, γ ′i

j,ll=1,...,2m′ij

et γ ′′j,ll=1,...,2κj+1 telles

que :

(ω1)ij =

2mij∑

l=1

γ ij,2l−1 ∧ γ ij,2l,

(ω2)ij =

mij−1∑

l=1

γ ij,2l−1 ∧ γ ij,2l+2 + λij (ω1)ij

où toutes constantesλij sont égales pourj = 1, . . . , ri et sont non nulles

(ω′1)ij =

2m′ij∑

l=1

γ′ij,2l−1 ∧ γ

′ij,2l ,

(ω′2)ij = λij (ω

′1)ij +µij

[m′ij−1∑

l=0

′ij,4l+1 ∧ γ

′ij,4l+4 + γ

′ij,4l+2 ∧ γ

′ij,4l+3

)

+m

′ij−2∑

l=0

γ′ij,4l+3 ∧ γ

′ij,4l+6

]où les constantesλii sont égales et les constantesµij sont égales et non

nulles, pour toutj = 1, . . . ,m′ij .

(ω′′1)j =

2κj∑l=1

γ ′′j,2l−1 ∧ γ ′′

j,2l , (ω′′2)j =

2κj∑l=1

γ ′′j,2l ∧ γ ′′

j,2l+1.

Page 17: Singularités génériques des distributions de codimension 2 et des structures bihamiltonniennes

F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234 213

Si t = 0, pourj = 1, . . . , t , toute combinaison linéairea(ω′′1))j + b(ω′′

2)jnon nulle est de rang maximal 2κj , et le sous-espace vectorielKj deE′′

j

engendré par les noyaux de ces combinaisons linéaires est de dimensionκj + 1.

Pour i = p + 1, . . . , q toute combinaison linéairea(ω′1)ij + b(ω′

2)ij ,

j = 1, . . . , r ′i , qui est non nulle est de rang maximal 2m

′ij .

Par contre, pour 1 i p, les 2-formea[(ω2)ij − λij (ω1)

ij ], a = 0,

sont de rang 2mij − 2 pour toutj = 1, . . . , ri et les autres combinaisons

linéaires non nullesa(ω1)ij + b(ω2)

ij , sont de rang maximum 2mi

j pourtout j = 1, . . . , ri , ce qui achève la preuve de (l).

Le sous-espaceF0 anoncé est la somme directe des espacesK etKj ,j = 1, . . . , t . On noteHi le noyau (commun) des 2-formesa[(ω2)

ij −

λij (ω1)ij ], a = 0, dansEi

j , l’espace vectorielFi est le noyau (commun)des 2-formesa[(ω2)

ij − λij (ω1)

ij ].

Enfin si t = 0, considérons des formes volumesΩij , Ω

′ij et Ω ′′

j surles espaces respectifsEi

j i=1,...,p, j=1,...,ri , (E′)ij i=p+1,...,q, j=1,...,r ′i

etE′′

j j=1,...,t et désignons parXj,l , 0 l κj , les vecteurs deKj definispar

iXj,lΩ′′j = [

(ω′′1)j]l ∧ [(ω′′

2)j]κj−l

.

Enfin, à ces données, sont associées des fonctions polynomiales de deuxvariables

f ij , f

′ij , fj,l, l = 0, . . . , κj ,

caractérisées par :

[a(ω1)

ij + b(ω2)

ij

]mij = f i

j (a, b)Ωij ,

[a(ω′

1)ij + b(ω′

2)ij

]m′ij = f

′ij (a, b)Ω

′ij ,

[a(ω′′

1)j + b(ω′′2)j]κj = ∑

l+h=κjfj,l(a, b)[(ω′′

1)j ]l ∧ [(ω′′2)j ]h.

Page 18: Singularités génériques des distributions de codimension 2 et des structures bihamiltonniennes

214 F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234

Le noyau de la 2-formea(ω′′1)j + b(ω′′

2)j est aussi le noyau de[a(ω′′1)j +

b(ω′′2)j ]κj c’est-à-dire :

Xj(a, b)=κj∑l=0

fj,l(a, b)Xj,l,

et on a : [a(ω′′

1)j + b(ω2)j]κj = iXj(a,b)Ω ′′

j.

Maintenant, siaω1 + bω2 est de rang maximalnσ − t , c’est-à-direb = −aλij , j = 1, . . . , ri, i = 1, . . . , p, le noyau de cette 2-forme est aussile noyau de(aω1 + bω2)

ν si nσ − t = 2ν. Or on a :

(aω1 + bω2)ν =

ri∧j=1

p∧i=1

f ij (a, b)Ω

ij

∧ r ′

i∧j=1

q∧i=p+1

f′ij (a, b)Ω

′ij

t∧j=1

iXj (a,b)Ω′′j

.

Comme toutes les fonctionsf ij (a, b) et f

′ij (a, b) sont non nulles, on

en déduit que, le noyau deaω1 + bω2 engendré parK et les vecteursindépendantsXj(a, b), j = 1, . . . , t , ce qui achève la démonstration dela proposition.

2.4. Stratification dans l’espace des 1-jets de couples de 1-formes

On désigne parM une variété de dimensionn+ 2 et on noteP k2 (M)

l’espace desk-jets de couples de 1-formes indépendantes sur la variétéM . L’objet de ce paragraphe est de construire une stratification dansl’espaceP 1

2 (M) permettant d’établir la généricité des résultats pour lesdistributions de codimension 2. Rappelons queP k

2 (M) est un fibré surM dont la fibre type est l’espaceP k

2 (n + 2) des k-jets en 0 deRn+2

de couples de 1-formes indépendantes surRn+2 et de groupe structural

Gk,n+2, groupe des(k+1)-jets en 0 de difféomorphismes locaux deRn+2

qui fixent 0. De manière classique, on est amené à construire dansP 12 (M)

une stratification adéquate invariante par l’action deG1,n+2 et le groupedes 1-jets de germes en 0 de champs de matrices carrées inversiblesd’ordre 2 surRn+2. Si S désigne une telle strate on noteraS(M) la stratedansP 1

2 (M) naturellement associée (voir [11,18] par exemple).

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F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234 215

Considérons le fibré canoniqueTn au-dessus de la grassmannienneGn(Rn+2) des n-plans E de R

n+2 dont la fibre estCE2. Le groupestructural de ce fibré estGL(n,R).

Dans chaque fibreCE2, considérons la stratificationSσ donnée dansle théorème 2.2. Le fait que chaque strate soit invariante par l’actiondeGL(E) permet d’obtenir une stratificationT Sσ deTn dont chaquestrate est fibrée surGn(Rn+2) de fibreSσ .

Considérons maintenant l’applicationρn :P 12 (n + 2) → Tn définie de

la manière suivante : siα = (α1, α2) est un coupleP 12 (n+ 2), notonsKα

l’intersection des noyaux deα1 etα2 en 0 ; on pose alorsρ(α)= (ω1,ω2)

si ωi est la restriction àKα de la 2-formedαi , i = 1,2. Désignons parGL(2,R) le groupe des germes en 0 de champs de matrices inversiblesd’ordre 2, parGn+2 le groupe des germes en 0 de difféomorphismeslocaux qui fixent 0 et parLn+2 le groupe produit direct des groupesGL(2,R) et Gn+2. Il existe une action naturelle deLn+2 sur l’espaceP n+2

2 des germes en 0 de couples de 1-formes indépendantes surRn+2

définie de la manière suivante :

(A,f ) ∗ α = ((A∗x((f

∗α1)x, (f∗α2)x)

)).

On a aussi une action deLn+2 surTn définie par :

(A,f ) ∗ (K,ω)= (d0f

−1(K),A∗0

((f ∗ω1)0, (f

∗ω2)0)).

Si GLk(2,R) est le groupe desk-jets en 0 d’éléments deGL(2,R), onnoteLk,n+2 le produit direct deGLk(2,R) et deGk,n+2. Pourk > 0 lesactions précédentes induisent une action deLk,n+2 surP k

2 (n+ 2) et surTn. Comme dans [5] on a :

PROPOSITION 2.6. –L’application ρ est une submersion qui commuteavec l’action de L1,n+2 sur P 1

2 (n+ 2) et sur Tn.

On désigne parSσ l’image réciproque deT Sσ . Enfin notons encoreSσ (M) le sous-fibré deP 1

2 (M) induit par Sσ . On déduit alors de laproposition précédente :

COROLLAIRE 2.1. –Pour toute famille de suites

σ = (mij j=1,...,ri , i=1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , κj j=1,...,t ),

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216 F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234

chaque ensemble Sσ (M) lorsqu’il n’est pas vide, est une sous-variétéplonqée de P 1

2 (M), invariante par l’action L1,n+2 et de codimensionn(n − nσ ) + Nσ − (n + 2q − p). De plus, la famille de variétés Sσ constituent une stratification de P 1

2 (M).

Soit P un sous-fibré deT ∗M de dimension 2. Siα1, α2 et α′1, α

′2

sont deux bases locales deP sur un voisinage dex, les 1-jets enx deα = (α1, α2) et α′ = (α′

1, α′2) appartiennent à la même strateSσ (M). On

peut donc naturellement introduire :

DÉFINITION 2.2. –On appelle symbole d’un sous-fibré P de T ∗M dedimension 2 en x la suite σ , si le 1-jet en x du couple α = (α1, α2) dansP 1

2 (M), appartient à Sσ (M), où α1, α2 est une base locale de P en x.

3. Localisation des courbes anormales pour les distributions decodimension 2

3.1. Propriétés des germes de couples de 1-formes dont le 1-jetappartient à Sσ

L’objet de ce paragraphe est de prouver les propriétes géométriques desgermes de couples de 1-formes dont le 1-jet appartient àSσ qui justifientles résultats de la deuxième partie du théoréme 3.2, mais aussi d’obtenirsur les variétés homogénes de dimensionn + 2 une déterminationcomplète de toutes les courbes anormales d’une distribution invariante decodimension 2 (paragraphe 3.3). Etant donnée une variétéM , désignonsparP un sous fibré de dimensionp du fibré cotangentT ∗M etΩ la 2-forme fermée sur la sous-variétéP induite par la 2-forme symplectiquecanonique surT ∗M . Une base localeω1, . . . ,ωp deP étant fixée, pourtout λ = (λ1, . . . , λp), on noteω(λ) la 2-forme sur la distributionEdéfinie parP donnée parω(λ) =∑p

i=1λiωi. En fait, la valeur deω(λ)en x ∈ M peut aussi être considérée comme un point deP . On notera(x, λ) ce point. Siπ :T ∗M →M est la projection canonique,dπ induiten (x, λ) un isomorphisme entre le noyau deΩ en (x, λ) et le noyaude ω(λ) en x (voir [13,20] par exemple). D’autre part, une courbeabsolument continuec : [a, b] → M est anormale, si et seulement si ilexiste une application absolument continueλ = (λ1, . . . , λp) : [a, b] →Rp non identiquement nulle, telle que(c(t), λ(t)) soit tangente au noyau

deΩ presque partout [2,10,13].

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Pour toute fonctionH surT ∗M , désignons parH le champ hamilto-nien deH . Par ailleurs, pour tout champ de vecteursX surM , posonsHX(x,α)= α(Xx) pour tout(x,α) ∈ T ∗M . Etant donné un sous fibréEde TM de rangq et P son annulateur dansT ∗M , soitX1, . . . ,Xq unebase locale deE. Les équations locales deP sont alors :HXi = 0, i =1, . . . , q et siX est un champ tangent àE, alors le champ hamiltonnien→HX est tangent à la variétéP si et seulement siH[X,Xi] = 0 pour touti = 1, . . . , q. Si cette propriété est vérifiée sur un ouvert 0 deP , alorstoute courbe intégrale deX sur l’ouvertπ(O) est une courbe anormale.

Considérons un germeω en 0 ∈ Rn+2 de couples de 1-formes

indépendantes. On note encoreω un représentant de ce germe sur unvoisinageU de 0, etE la distribution sur cet ouvert définie parω.

THÉORÈME 3.1. –Etant donnée une famille de suites

σ = (mijj=1,...,ri , i=1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , κj j=1,...,s ),

soit α un germe de couple de 1-formes indépendantes dont le 1-ietappartient à Sσ (Rn+2) sur une sous-variéte S contenant 0. Désignonspar E la distribution définie par α. Alors sur S, il existe des sous-fibrésK , Fi, i = 1, . . . , p, et F0 de E de dimension respectives r0 = n− nσ etr0 + 2ri + sr0 + κ1 + · · · + κs + s ayant les propriétés suivantes :

(1) le fibré K est contenu dans chaque fibré Fi , i = 0, . . . , p, et lesintersections Fi ∩ F0, i = 1, . . . , p, sont des sous-fibrés de dimensionr0 + s ;

(2) si c : [a, b] → Rn+2 est une courbe anormale alors elle est tangente

à l’un des fibrés Fii=0,...,p en tout point de S. De plus si r0 = s = 0 alorstoute courbe anormale contenue dans S est tangente à un et un seul fibréFi , i = 1, . . . , p ;

(3) si s = 0, au-dessus de S, toute courbe tracée dans S et qui esttangente à K , presque partout, est anormale. D’autre part, il existeune famille d’applications polynomiales Xj :R2 → F0, j = 1, . . . , t , àparamètres C∞ dans S, ayant les propriétés suivantes :

− les sections Xj(a, b)j=1,...,s , de F0 engendrent un sous-fibréF(a, b) de dimension s en somme directe avec K ,

− toute courbe anormale tangente à F0 et à aucun des Fi , i =1, . . . , p, est tangente à un et un seul sous-fibré K ⊕ F(a, b).

(4) Supposons que S soit un voisinage de 0 dans Rn+2. Alors K est

intégrable et toute courbe dans S tangente à F0 est anormale. Si on

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218 F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234

a E + [Fi,E] + [Fi, [Fi,E]] = T S en 0 pour un certain 1 i p,alors il existe un unique sous-fibré F ′

i de Fi de codimension 1, définisur un voisinaqe de 0 dans S, tel que toute courbe tangente à Fiest anormale si et seulement si elle est tangente à F ′

i . Par contre siE+ [Fi,E]+ [Fi, [Fi,E]] = T S sur S, pour un certain 1 i p, alorstoute courbe tangente à Fi , dans ce voisinage, est anormale. Enfin, sis = 0, pour tout vecteur non nul v qui est tangent à l’un des sous-fibréK ⊕ F(a, b), avec adα1 + bdα2 de rang maximal en restriction à E, ilexiste localement un champ de vecteurs V égal à v en x tangent à cesous-fibré, et dont toutes les courbes intégrales sont anormales.

Preuve. – On se donne un germeα = (α1, α2) de couple de 2-formesqui sastisfait aux hypothèses du théorème. NotonsP le fibré définie parα,parE la distribution associée et parω1 etω2 respectivement les 2-formessur la distributionE induites par restriction pardα1 et dα2. En chaquepoint deS, la valeur de la dimension du module engendré parP et lessupportsSβ1 et Sβ2 est constante et égale ànσ + 2. Par suite, il définitau-dessus deS un sous-fibré deT ∗M|S et l’ensemble des vecteurs quiannulent ce module est un sous-fibré vectorielF0 deTM de dimensionr0 = n − nσ . Le moduleVα de 2-formes surE engendré parω1 et ω2

ne dépend pas du choix de la baseα1, α2 de P . Comme le 1-jet deαappartient àSσ surS, de la construction deSσ et de la proposition 2.5 ilrésulte qu’il existe, au-dessus deS, des sous-fibrésFi , i = 0, . . . , p, deEayant les propriétés (1) du théorème.

Soitc : [a, b] → Rn+2 est une courbe anormale et(λ1, λ2) : [a, b] → R

2

une application absolument continue telle que(c(t), λ1(t)α1 + λ2(t)α2)

soit un relèvement dec dansP . Il en résulte quec appartient au noyau deλ1(t)ω1 + λ2(t)ω2 doncc est tangente presque partout à

⋃pi=0Fi en tout

point deS. Désignons parVω le sous fibré deΛ2E∗ de rang 2 au-dessusde S engendré par les restrictions àE des 2-formesdβ pour β ∈ Vα.Pour chaque 1 i p, localement, il existe une 1-formeα′

i dansP telleque la 2-formeω′

i , restriction dedα′i àE engendre dansVω la direction

singulièreDi des 2-formes deVω de corangr0 + 2ri + s au-dessus deS (voir propositon 2.5). De plus toute 1-forme ayant cette propriété estproportionnelle àα′

i au-dessus deS. En effet,i étant fixé, on peut choisirune base locale du typeα1, α

′i telles queω′

i = dα′i|E engendre la droite

singulièreDi dansVω au dessus deS (localement). Siα′′i possèdent les

mêmes propriétés, ondα′′i = f dα′

i , f = 0, d’une part, et d’autre part

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F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234 219

α′′i = aα1 + bα′

i , d’où on obtienta = 0 et f = b localement surS. OnnoteDi le fibré en droites engendré parα′

i au-dessus deS. Si r0 = s = 0,au-dessus deS, le lieu singulier de la 2-formeΩ sur la variétéP (induitepar la forme canonique) est égale à la réunion de la section nulle etdes fibrésDi . Il en résulte que toute courbe anormale tracée dansS estnécessairement tangente à un et un seul desFi .

Si s = 0, quitte à remplacer(α1, α2) par une autre base du moduleengendré par ces 1-formes, on peut toujours supposer quedα1 et dα2

sont de rang maxumum en restriction àE. En appliquant la propriété(4) de la proposition 2.5 à paramètres dansS, on obtient la familleXj annoncée. Enfin sic : [a, b] → S est tangente àK , pour tout relèvementλ1α1 + λ2ω2, c est dans le noyau deλ1ω1 + λ2ω2. On en déduit quec estanormale.

Supposons désormais queS est un voisinage de 0. Montrons alors queK est intégrable. En effet un champ de vecteursX est tangent àK siet seulement si le crochet[X,Y ] est tangent àE pour tout champ devecteur tangent àE. On vérifie que cette propriété est stable par crochetde Lie. Fixons un entier 1 i p. Choisissons une base(α′, α′′) dePde sorte queα′ soit de rang maximum etα′′ appartienne àDi . Notonsω′ et ω′′ les 2-formes surE induites respectivement pardα′ et dα′′.Le fibréFi est alors le noyau deω′′. Par construction, pour toutx ∈ S,il existe, sur un voisinageU de x, un couple(Xi, Yi) de champs devecteurs,Xi tangent àFi et Yi tangent àE, tels queα′[Xi,Yi] soit nonnul. L’ensembleCi des points deP où Ω est de corangr0 + 2ri + s

est en fait la sous-variété définie parDi privée de la section nulle, etson équation au-dessus deU estH[Xi,Yi ] = 0. Remarquons de plus quesi X′

i (tangent àFi ) et Y ′i (tangent àE) possèdent la même porpriété,

alorsH[X′i,Y ′i] = fH[Xi,Yi ] où f est une fonction non nulle. SurCi , le

noyau deΩ est engendré par les champs de vecteurs→HX pour tout

champ de vecteursX tangent àFi . D’autre part, surS, le noyau de la1-forme α′′ est égal àE + [Fi,E] et le corang dedα′′ en restrictionà E + [Fi,E] est au plus égal au corang dedα′′|E = ω′′ c’est-à-direr0+2ri + s. Si en 0 on aE+[Fi,E]+[Fi, [Fi,E]] = T S, cette propriétéest aussi vraie sur un voisinage de 0 et sans perte de généralité on peutsupposer que cette propriété est vraie surU . Comme[Fi,E] est contenudans le noyau deα′′ et est transverse àE surU , il existe (localement)des champs de vecteursX′

i ,X′′i tangents àFi et Y ′

i tangent àE tels

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220 F. PELLETIER / Bull. Sci. math. 125 (2001) 197–234

queα′′([X′′i , [X′

i , Y′i ]]) = dα′′(X′′

i , [X′i , Y

′i ]) soit non nul, en particulier

[X′i , Y

′i ] n’est nulle part tangent àE et ainsi le noyauF ′

i de α′′ ∧ dα′′

est sous fibré de codimension 1 deFi . Il en résulte que→HX′′

i(H[X′

i,Y ′i])

est non nulle surCi et par suite, que l’intersection du noyau deΩ avec

Ci est engendrée par les champs de vecteurs→HX pour tout champX

tangent àF ′i . On en déduit que toute courbe tangente àFi , dans ce

voisinage, est anormale, si et seulement si elle est tangente àF ′i . Enfin

commeα′′ est définie à un facteur multiplicatif non nul près, le fibréF ′i est bien défini. Le même type d’argument permet de montrer que si

E+[Fi,E]+[Fi, [Fi,E]] = T S sur un voisinage de 0, alors toute courbetangente àFi , dans ce voisinage, est anormale.

Toujours dans l’hypothese oùS est un voisinage de 0, et en choisissantencoreα1 etα2 pour quedα1 etdα2 soient de rang maximal en restrictionàE, d’après la proposition 2.5, le fibréK ⊕ F(a, b) est le noyau de la2-formea dα1 +bdα2 en restriction à pourvu que ce rang soit maximum.Choisissons une base (locale)Y1, . . . , Yr0 deK . Si v ∈K ⊕ F [a, b] en 0et v = 0, il existe des constantes etµj , 1 j s, v telles que s’écrivev =∑r0

i=1λiYi+∑t

j=1µjXj(a, b). Sur la variétéP , considérons le chanp

de vecteursV =∑r0j=1λi

→HXj +∑t

j=1µj→HXj(a,b) . Ce vecteur est dans le

noyau deΩ au-dessusP −⋃pi=1Ci . Il en résulte que les courbes intégrales

deV (qui sont projection des courbes intégrales deV ) sont des courbesanormales tangentes àK ⊕ F(a, b). 3.2. Localisation des courbes anormales pour les distributions

génériques de codimension 2

Considérons une variétéM de dimensionn + 2. La donnée d’unedistribution de codimension 2 surM est équivalente à la donnée d’unsous-fibré deP de dimension 2 deT ∗M . Par suite le symbole dePen x ∈ M , et donc de la distribution canoniquement associéeE = P⊥,est bien défini (voir définition 2.2). Modulo les théorèmes classiques detransversalité de Thom, à partir du corollaire 2.1 et du théorème 3.1 onobtient les résultats génériques suivants :

THÉORÈME 3.2. –Pour toute, distribution E de codimension 2 sur Mles propriétes suivantes sont génériques :

(1) étant donnée une famille de suites σ = (mij j=1,...,r ′

i, i=1,...,p),

(m′ij j=1,...,r ′

i, i=p+1,...,q , κjj=1,...,s), désignons par Sσ (E) l’ensemble

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des points de M où le 1-jet d’une base locale α = (α1, α2) de E⊥,appartient à la strate Sσ (M) ⊂ P 1

2 (M). Alors chaque ensemble Sσ (E)non vide est une sous-variété régulière de M de codimension n(n−nσ )+Nσ − (n+ 2q − p) et ces variétés constituent une stratification de M .

(2) Sur chaque strate Sσ (M) qui n’est pas vide, il existe des sous-fibrésK , Fi , i = 1, . . . , p et F0 de E de dimensions respectives r0 = n− nσ etr0 + 2ri + s, r0 + κ1 + · · · + κs + s ayant les propriétés suivantes :

(i) le fibré K est contenu dans chaque fibré Fi , i = 0, . . . , p, et lesintersections Fi ∩ F0, i = 1, . . . , p, sont des sous-fibrés de dimensionr0 + s ;

(ii) si c : [a, b] → M est une courbe anormale alors si c([a, b]) ∩Sσ (E) est non vide, elle est tangente presque partout à l’un des fibrésFii=0,...,p. De plus si r0 = s = 0 alors toute courbe anormale contenuedans Sσ (E) est tangente à un et un seul fibré Fi, i = 1, . . . , p ;

(iii) si s = 0, toute courbe tracée dans Sσ (E) et qui est tangente à K ,presque partout, est anormale. De plus, pour tout x ∈ Sσ (M), il existeun voisinage V de x dans cette variété et une famille d’applicationspolynomiales Xj :R2 → F0, j = 1, . . . , t , à paramètre C∞ dans V ,ayant les propriétés suivantes :

− les sections Xj(a, b)j=1,...,s de F0 engendrent un sous-fibréF(a, b) de dimension s en somme directe avec K ,

− toute courbe anormale contenue dans V qui est tangente à F0 maisà aucun des Fi, i = 1, . . . , p, est tangente à un et un seul sous fibréK ⊕ F(a, b).

Quelques commentaires

(1) Génériquement, les stratesSσ pour lesquellesnσ = n− 1 sont dedimension au plus 3 et pourn 5, celles pour lesquellesnσ = n− 2 sontvides.

(2) LorsqueM est dedimension paire 2k + 2, génériquement, lesstrates ouvertes sont celles associées aux symbolesσ pour lesquelsri =1, i = 1, . . . , p, r ′

i′ = 1, i′ = p+1, . . . , q, nσ = n, s = 0 et 2q−p= k.Par application du théorème 3.2, le long de telles strates, il existe dessous-fibrésFi , i = 1, . . . , p, de dimension 2, d’intersection 2 à 2 réduiteà 0 et tels que toute courbe anormalec : [a, b] → M contenue dans lastrate est tangente à un et un seul de ces fibrés. De plus, on peut montrerque génériquement (voir théorème 3.1), pourp = 0, il existe un ouvert

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dense dans chacune de ces strates sur lequel chaque fibréFi contient unfibré en droitesLi, tel qu’une courbe est anormale si et seulement si elleest tangente àLi .

Parmi ces strates, sur la strate pour laquellep= 0, si elle est non vide,i1 n’ y a aucune courbe anormale autre que les courbes constantes ; end’autres termes, dans ce cas, la distributionE vérifie la propriété “H 2”forte introduite par Strichartz [25], ce qui impose des conditions précisessur l’entiern pour que cette strate soil non vide (voir [14]).

(3) LorsqueM est dedimension impaire 2k + 3, génériquement, ilexiste une seule strate ouverte, celle dont le symboleσ vérifie nσ =n, p = q = 0, s = 1, k = κ1. Dans ce cas, les résultats correspondantsdu théorème 3.2 peuvent être affinés de la manière suivante :

Sur cette strate ouverteSσ , il existe un sous-fibréF0 de dimensionk+1et un sous-fibréA deF0 dont la fibre type est un sous-ensemble semi-algébrique de dimension 2 invariant par homothétie tel que toute courbeanormale non constante est en fait tangente àA. De plus, tout vecteurvtangent àA en x s’étend en un champ de vecteurs localV tangent àAdont toutes les courbes intégrales sont des courbes anormales.

3.3. Courbes anormales pour une distribution de codimension 2 surune variété homogène

Dans ce paragraphe, on se place dans la situation oùM est unevariété homogène,i.e. où M est le quotient d’un groupe de LieG parun sous-groupe discretΓ . Soit E une distribution surG invariante àgauche. Par passage au quotient, on obtient une distributionE surM .A E correspond un sous-espace vectorielE de l’algèbre de LieG deG. En toute généralité, réciproquement, tout sous-ensembleA de Ginduit par translation à gauche un fibréA sur G puis, par passage auquotient, un fibréA surM dont la fibre type estA. Si on considère latrivialisationG× G∗ deT ∗G, l’annulateurP de E s’identifie àG× Poù P est l’annulateur deE dansG∗. Si on noteΩ la 2-forme ferméesur P induite par la forme symplectique canonique deT ∗G, le noyaude Ω en (x, λ) ∈ T ∗G est déterminé par le noyau deΩ en (e, λ) viala translation à gauche où e désigne le neutre du groupeG. On noteΩla 2-forme correspondante sur le système de PfaffP surM obtenu parpassage au quotient. Remarquons que pourP le noyau deΩ en(x, λ) est

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complètement déterminé par le noyau deΩ en(e, λ). Le théorème qui vasuivre sera une conséquence du théorème 3.1.

Dans le reste de ce paragraphe,M désigne le quotient d’un groupede LieG de dimensionn + 2 par un sous groupe discretΓ et E unedistribution de codimension 2 obtenue par passage au quotient d’unedistribution invariante à gaucheE surG et on noteE le sous-espace deGassocié àE. On suppose queE vérifie les conditions d’Hörmander ou, demanière équivalente que l’algèbre de Lie engendré parE est égale àG.Dans le cas contraire, toutes les courbes horizontales sont anormales. Parhomogénéité, le symbole de l’annulateurE⊥ est le même en chaque pointdeM (pour la définition du symbole, voir définition 2.2). On désigneraparσ (E) ce symbole. Considérons une baseω = (α1, α2) de l’annulateurP de E dansG∗. Désignons parωi la restriction dedαi à E , i = 1,2.Alors, le couple(ω1,ω2) appartient à la strateSσ(E) dansCE2.

THÉORÈME 3.3. –Avec les hypohèses et notations introduites, notonsσ (E) le symbole de E. Alors, dans E , il existe des sous-espaces vectorielsK, Fi , i = 1, . . . , p, et F0 de dimensions respectives r0 = n − nσ etr0 + 2ri + s, r0 + κ1 + · · · + κs + s ayant les propriétés suivantes :

(1) K est contenu dans chaque Fi , i = 0, . . . , p, et les intersectionsFi ∪F0, i = 1, . . . , p, sont des sous-espaces de dimension r0 + s ;

(2) si c : [a, b] →M est une courbe anormale alors elle est tangente àl’un des fibrés Fii=0,...,p induit par Fi . De plus si r0 = s = 0 alors toutecourbe anormale est tangente à un et un seul fibré Fi, i = 1, . . . , p ;

(3) si s = 0, il existe des applications polynomiales Xj :R2 → F0,j = 1, . . . , s, ayant les propriétés suivantes :

− le sous-espace F(a, b), engendré par les vecteurs X1(a, b), . . . ,

Xs(a, b), est de dimension s et en somme directe avec K ;− toute courbe anormale tangente au fibré F0 mais à aucun des Fi ,

i = 1, . . . , p, est en fait tangente à un et un seul fibré K ⊕ F(a, b),où F(a, b) est le fibré induit par F(a, b) ;

− pour tout (a, b) appartenant à R2 privé d’un nombre fini de droites,

tout vecteur non nul v de K⊕F(a, b) donne naissance sur M à unchamp de vecteur V tangent à K ⊕F(a, b) dont toutes les courbesintégrales sont anormales.

(4) Le fibré K est une sous-algébre de Lie de G et toute courbe tangenteau fibré (intégrable) K induit par K est anormale.

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(5) Si on a E + [Fi ,E] + [Fi , [Fi ,E]] = G pour un certain 1 i p, alors il existe un unique sous-espace F ′

i de Fi codimension 1, telque toute courbe tangente à Fi est anormale si et seulement si elleest tangente au fibré F ′

i induit par F ′i . Par centre si E + [Fi ,E] +

[Fi , [Fi ,E]] = G, pour un certain 1 i p , alors toute courbe tangenteà Fi est anormale.

4. Variétés de Poisson et variétés bihamiltoniennes génériques

4.1. Stratification générique des variétés de Poisson

Un tenseur de Poisson sur une variétéM est la donnée d’un champde bivecteursΛ, (c’est-à-dire d’une section du fibréΛ2TM) vérifiant lacondition[Λ,Λ] = 0 où [ , ] désigne le crochet de Schouten défini par :

2[Λ,Λ′](α,β)=LΛβ(Λ′)(α)+Λ′.LΛαβ +Λ′.d〈α,Λβ〉

+LΛ′β(Λ)α +Λ.d〈α,Λ′β〉oùL désigne la dérivée de Lie.

On dit alors que(M,Λ) estune variété de Poisson.SiΛ désigne un champ de bivecteurs surM , on désigne parΛ# :T ∗M →

TM le morphisme de fibrés vectoriels associé àΛ, défini en tout pointxdeM par :

∀α,β ∈ T ∗x M, 〈β,Λ#(x)α〉 =Λ(x)(α,β).

On fera l’abus classique qui consiste à noterΛ au lieu deΛ# lorsqu’au-cune confusion n’est possible. De manière duale, siΩ est une 2-formedifférentielle surM , on noteraΩF :TM → T ∗M le morphisme de fibrésvectoriels associé àΩ , définis en tout pointx deM par :

∀X,Y ∈ TxM, 〈ΩF(x)X,Y 〉 =Ω(x)(X,Y ).

On sera, ici aussi, amené à utiliser souvent, par abus de notation,Ω àla place deΩF.

Si (M,Λ) est une variété de Poisson, l’image deΛ dansTM est unedistribution singulière que l’on notera ImΛ. Le théorème suivant dù àWeinstein [27] donne les propriétés de cette distribution :

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THÉORÈME 4.1. –Soit (M,Λ) une variété de Poisson de dimensionn. Alors la distribution ImΛ est intégrable. De plus, si Λ est de rang2p en un point a de M , il existe alors un voisinage ouvert de a quis’identifie au produit d’une variété symplectique V de dimension 2p etd’une variété de Poisson V ′ de dimension n− 2p dont le rang au pointimage de a est nul.

On dira que le feuilletage deM défini par ImΛ est lefeuilletage deWeinstein deΛ.

En identifiant un espace vectorielE avec son bidual, la stratificationcanoniqueRc de l’espaceΛ2E∗ des 2-formes surE, indicée parle corang c d’une 2-forme, (voir [11,18]) induit naturellement unestratification, encore notéeRc, de l’espaceΛ2E des bivecteurs surE.Le fibréΛ2TM des champs de bivecteurs est de fibre typeΛ2

Rn et la

stratificationRc donne naissance dans ce fibré à une stratification, notéeRc(M). Enfin désignons parP(M) l’ensemble des tenseurs de PoissonssurM .

DÉFINITION 4.1. –(1) On dira qu’un tenseur de Poisson Λ de P(M) est générique si il

est transverse à la stratification Rc(M).(2) Etant donné un tenseur de Poisson générique sur M , on dira que

le couple (M,Λ) est une variété de Poisson générique.

Compte tenu de la nullité du crochet de Schouten, l’ensemble des sec-tions locales deP(M) qui sont transverses à certaines strates peut êtrevide. Néanmoins, pour chaque dimensionn, on peut voir que l’ensemblesections qui sont tranverses aux strates de “petites codimensions” n’estpas vide etl’ensemble des germes qui sont transverses à cette stratifica-tion est un ouvert dense pour la topologie de Whitney (voir par exemple[5]). On a alors immédiatement :

PROPOSITION 4.1. –Soit (M,Λ) une variété de Poisson générique.Notons Rc(Λ) l’image réciproque de la strate Rc(M). L’ensembleRc(Λ)ocn est une stratification (cohérente) de M . Si Rc(Λ) est nonvide, c’est une sous-variété de codimension c(c− 1)/2 qui est la réuniondes feuilles de dimension n− c du feuilletaqe de Weinstein de Λ.

On note Reg(Λ), l’ensemble des points oùΛ est de rang maximum etSing(Λ) son complémentaire. Lorsque(M,Λ) est une variété de Poissongénérique, Reg(Λ) est un ouvert dense réunion des feuilles de dimension

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maximales du feuilletage de Weinstein deΛ et Sing(Λ) est stratifié parles réunions des feuilles singulières de même dimension du feuilletage deWeinstein deΛ.

4.2. Stratifications génériques des variétés bihamiltoniennes

Deux tenseurs de PoissonΛ∞ et Λ0 sont dits compatibles si ilsvérifient [Λ∞,Λ0] = 0 ; dans ce cas on dit que le triplet(M,Λ∞,Λ0)

est une variétébihamiltonienne. A tout couple de tenseurs de Poissoncompatibles(Λ∞,Λ0), on associe la famille de tenseurs(Λτ )τ∈R∪∞définie par :

Λτ =Λ0 + τΛ∞ pourτ ∈ R,Λ∞ pourτ = ∞.

Il est facile de vérifier que chaqueΛτ est un tenseur de Poisson et que,pourτ = τ ′, les tenseurs de PoissonΛτ etΛ′

τ associés sont compatibles.On noteWτ le feuilletage de Weinstein associé à chaqueΛτ .

Etant donnée une variété bihamiltonienne(M,Λ∞,Λ0), un champd’endomorphismesN :TM → TM tel que Λ#

0 = N.Λ#∞ est appeléopérateur de récursion du couple (Λ∞,Λ0).

Dans le cas oùN existe, la condition de compatibilité deΛ∞ et Λ0

entraine la nullité de la torsion de Nijenhuis deN définie par :

T (N)(X,Y )= [NX,NY ] −N[NX,Y ] −N[X,NY ] +N2[X,Y ].SiM est de dimension paire et siΛ∞ est inversible il existe toujours un

unique opérateur de récursion :N = (Λ#∞)−1 Λ0. Dans le cas général,il est facile de montrer :

PROPOSITION 4.2. –Soit (M,Λ∞,Λ0) est une variété bihamilto-nienne de dimension impaire. Il existe un opérateur de récursion N

(non unique en général) pour le couple (Λ∞,Λ0) si et seulement sikerΛ∞ ⊂ kerΛ0.

Introduisons maintenant d’autres objets liés à la famille de tenseurs(Λτ )t∈R∪∞. On appelleâme de la strucure bihamiltonienne, le feuille-tageA défini par l’intersection des modules ImΛτ pour toutτ ∈ R∪∞.En fait,A est 1’intersection de tous les feuilletages de WeinsteinWτ .

LorsqueM est de dimension impaire 2k + 1 nous allons associer unautre module. Considérons localement un champ de 2k + 1-vecteursΞ

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de rang maximum 2k+ 1 sur un ouvertU deM . On introduit l’opérateurj défini par :

∀ω1,ω2, . . . ,ωn ∈ χ∗(M), (jω1Ξ)(ω2, . . . ,ωn)=Ξ(ω1,ω2, . . . ,ωn).

On associe alors aux tenseursΛl∞ ∧Λk−l0 , l = 0, . . . , k, les 1-formes

ω1, définies par :

jωlΞ =Λl∞ ∧Λk−l

0 .

Le module de 1-formes surU engendré parω0, . . . ,ωk ne dépend pas duchoix (local) deΞ . Par recollement on définit ainsi un sous moduleC de1-forme surM que nous appelleronsle module de Cartan de la structurebihamiltonienne.

LorsqueΛ∞ etΛ0 sont de rang maximmum 2k, chaque feuille deWτ

est une hypersurface, le module de Cartan est une distribution régulièrede rangk + 1 qui est engendré par les champs de direction de 1-formeKerΛτ, τ ∈ R ∪ ∞. Le module de CartanC définit un feuilletage quiest égal à l’âme de la structure (voir par exemple [24]). Il est clair quecette situation n’a plus lieu siΛ∞ ou Λ0 présentent des singularités derang.

Comme pour les variétés de Poisson, en identifiant un espace vectorielE avec son bidual, les stratificationsΣσ et Sσ de l’espaceC2F descouples de 2-formes surE construites dans les théorèmes 2.1 et 2.2respectivement induisent naturellement des stratifications, encore notéesΣσ et Sσ , de l’espaceC2V = ΛE × ΛE des couples de bivecteurssurE. Le fibréC2V (M) = ΛTM × ΛTM des couples de champs debivecteurs est de fibre typeC2V et les stratificationsΣσ etSσ donnentnaissance dans ce fibré à des stratifications, encore notéeΣσ(M) etSσ (M). Enfin désignons parCP(M) l’ensemble des couples de tenseursde Poissons compatibles deC2V (M).

DÉFINITION 4.2. –(1) On dira qu’un couple (Λ∞,Λ0) de CP(M) est générique si il est

transverse à la stratification Σσ(M).(2) Etant donné un couple générique (Λ∞,Λ0) de CP(M), on dira

que le triplet (M,Λ∞,Λ0) est une variété bihamiltonienne générique.

Contrairement à la situation des couples de 2-formes, pour chaquestrateΣσ(M), l’ensemble des sections locales deCP(M) qui sont trans-verses à certaines strates peut être vide, compte tenu de la condition de

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compatibilité. Néanmoins, pour chaque dimensionn, on peut voir quel’ensemble des germes qui sont tranverses aux strates de “petites codi-mensions” n’est pas vide etl’ensemble des germes qui sont transversesà cette stratification est un ouvert dense pour la topologie de Whitney(pourn = 4 et 5 voir [5]). De plus, comme chaque strateSσ est une ré-union de stratesΣσ ′ , la transversalité à la stratificationΣσ(M) entraînela transversalité à la stratificationSσ (M).

THÉORÈME 4.2. –Soit (M,Λ∞,Λ0) une variété bihamitonienne qé-nérique. Notons Σσ(Λ) (resp. Sσ (Λ)) l’image réciproque de la strateΣσ(M) (resp. Sσ (M)).

(1) Si cet ensemble est non vide, c’est une sous-variété de codimensionn(n− nσ )+Nσ − (n+ 2q − p) (resp. n(n− nσ )+Nσ − (n+ 2q − p))(avec les notations des théorèmes 2.1 et 2.2). La variété Sσ (Λ) est laréunion des variétés Σσ ′(Λ) pour les symboles σ ′ tels que le tranforméσ0 soit égal à σ .

(2) Sur la strate Sσ (Λ), il existe sous-fibré EΛ de dimension nσ tel quechaque feuilletage de Weintein Wτ , τ ∈ R ∪ ∞ soit tangent à EΛ. Si σest égal à

(mijj=1,...,ri , i=1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , κj j=1,...,t )

il existe sur Sσ (Λ) des fonctions C∞ telles que la dimension dufeuilletage de Weinstein Wτl (x) soit nσ − t − 2rl , pour tout l = 1, . . . , pet pour les autres valeurs de τ , la dimension du feuilletage de Weinsteinest maximale égale à nσ − t . De plus, τl(x) = 0 si et seulement si xappartient à la variété Σσ ′ avec

σ ′ = (mij j=1,...,ri , i=1,...,l−1,l+1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q ,

ν1 =ml1, . . . , νrl =ml

rl κj j=1,...,t ).

Enfin l’ âme A de la structure est de dimension nσ − t − 2(r1 + · · · +rp).

(3) Soit M0 l’ouvert sur lequel Λ∞ est de rang maximum. Si M est dedimension paire, l’ouvert M0 est la réunion des strates Sσ (Λ) telles que

s = (mij j=1,...,ri, i=1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q

c ’est-à-dire s = t = 0 et on a nσ = n. Il existe un (unique) opérateurde récursion N défini sur M0 qui possède p valeurs propres réelles

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distinctes et 2q valeurs propres complexes, conjuguées. Il existe unedécomposition en somme de Whitney, E0 = FE ⊕FH , E0 fibré tangent aufeuilletage de Weintein de Λ0, telle que sur FE (resp. FH ) N ne possèdeque des valeurs propres complexes (resp. réelles). Soit Fl, l = 1, . . . , p,le fibré induit par les espaces propres associés à la valeur propre réelle demultiplicité ml

1, . . . ,mlrl

; alors le fibré tangent au feuilletage de WeinsteinWτl , l = 1, . . . , p (de dimension n−2rl) est égal à la somme de Whitney :

FE⊕( ⊕

1ip, i =lFi

).

Le fibré FE est intégrable et il définit l’âme A de la structure.Si M est de dimension impaire n= 2k + 1, il n’existe pas d’opérateur

de récursion sur M . L’ouvert M0 est la réunion des strates Sσ (Λ) telleque

σ = (mijj=1,...,ri , i=1,...,p, (m′i

j j=1,...,r ′i, i=p+1,...,q , κ)

c’ est-à-dire s = 0 et t = 1 et on a nσ = 2k + 1. Le module de CartanC définit sur M0 un feuilletage qui est égal à l’âme A de la stucture surchaque strate. En chaque point x d’une strate l’intersection des feuillespassant par x des feuilletages de Weinstein de dimension maximalesdéfinit un fibré dont l’annulateur est C (de rang κ + 1). Enfin, sur unestrate pour laquelle κ = 0, tous les feuilletages de Weinstein Wτ sonttangents à un même fibré de codimension 1 qui est défini par C.

REMARQUE 4.1. – Soit Reg(Λ) l’ouvert dense des points où les deuxtenseursΛ∞ etΛ0 sont de rang maximum. Il résulte de la remarque 2.3que l’on a :

SiM est de dimension impaire, alors Reg(Λ) est égal à la strateSσ (Λ)telles quenσ = n, p = q = s = 0 et t = 1.

Si M est de dimension paire Reg(Λ) est la réunion des stratesSσ (Λ)telles ques = (mi

1i=1,...,p, (m′i1i=p+1,...,q) c’est-à-dires = t = 0 et on

anσ = n et avec 2q − p = 12n et ri = 1 pouri = 1, . . . , p et r ′

i′ = 1, i′ =p+ 1, . . . , q.

REMARQUE 4.2. – La stratificationΣσ(Λ) induit pour chaque tenseurde PoissonΛi, i = ∞,0, une stratification de chaque strate canoniqueRc(Λi).

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Preuve. – La partie (1) est une conséquence de la définition de lastratification (lemme 2.3).

(2) Le fibréEΛ est la somme de ImΛ0 et ImΛ1 et, par définitionde σ , sa dimension estnσ . En chaque pointx de la strateSσ , il suffitalors d’appliquer la proposition 2.5. Le fait que les fonctionsτl, l =1, . . . , p, soientC∞ sur une strate donnée vient du fait que ces fonctionss’obtiennent à partir des valeurs propres (de multiplicités constantes)d’un champ opérateurs.

Lorque la dimensionn deM est paire, la partie (3) est une conséquencede la définition du symbole. Par ailleurs, l’intersertion de tous les espacestangents aux feuilletages de Weinstein est égal àFE . Il en résulte queFEest intégrable et définit l’âmeA de la structure.

Plaçons-nous maintenant dans le cas oùn = 2k + 1. L’ensembleReg(Λ) est un ouvert dense deM0. D’après la remarque 4.1,M0 contientune et une seule strateSσ (Λ) ouverte pour laquellenσ = n, p= q = s =0 etk = κ1 . En tout point de cette strate les feuilletages de Weintein deΛ∞ etΛ0 sont transverses et donc ImΛ0 n’est pas contenu dans ImΛ∞et d’après la proposition 4.2, il n’existe pas d’opérateur de récursion. Lacaractérisation des strates contenues dansM0 est une conséquence de lasection 2.

Sur la strate ouverteSσ (Λ) mentionnée plus haut, le fibré de Cartanest intégrable. Il en résulte que le moduleA des champs de vecteurs surM0 qui sont annulés par toutes les les 1-formes deC est une distribution(singulière) intégrable qui est égal à l’intersection des modules ImΛτ ,pour toutτ ∈ R ∪ ∞ sur la partie denseΣσ(Λ). Il en résulte que cefeuilletage est bien l’âme de la structure.

Pourx appartenant à une strateΣσ(Λ) contenue dansM0, la dimensionde C estκ + 1 (par construction des symboles) et il est égal à l’espacevectoriel somme des noyaux deΛτ, τ différent deτl(x), l = 1, . . . , p.Les propriétés restantes en résultent.4.3. Champ dynamique sur les variétés de Poisson génériques

Etant donnée une variété de Poisson(M,Λ) et un hamiltonienh :M → R sur M , l’unique champ de vecteurXh = Λ(dh) est appeléle champ hamiltonien deh. Dans ce cas,Xh est tangent au feuilletage deWeinstein deΛ ainsi qu’au “niveaux d’énergie”h= cte ; enfinXh est un

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automorphisme infinitésimal de la structure, c’est-à-direLXhΛ= 0. Plusgénéralement, on définit

DÉFINITION 4.3. –Soit (M,Λ) une variété de Poisson. On dira qu’unchamp de vecteurs X sur M est un champ dynamique si il existe une 1-forme α telle que X=Λ(a) et la 1-forme induite par α sur chaque feuilledu feuilletage de Weinstein de Λ soit fermée.

Si X est un champ dynamique,X est tangent au feuilletage deWeinstein deΛ. Par ailleurs, la formeα étant fermée en restriction àchaque feuille, elle définit un feuilletage (singulier) dans chaque feuillequi peut être interprété comme des “niveaux d’énergie” et il est clair queX est aussi tangent à ces “niveaux d’énergie”. En fait on a :

THÉORÈME 4.3. –Soit (M,Λ) une variété de Poisson et soit X unchamp de vecteur sur M .

(1) Si X = Λ(α), alors X est un champ dynamique si et seulement siLXΛ= 0.

(2) Si Λ est générique sur M et M est de dimension impaire, alors Xest un champ dynamique si et seulement si LXΛ= 0 et X est tangent aufeuilletage de Weinstein de Λ sur un ouvert dense de Reg(Λ).

(3) Si Λ est générique sur M et M est de dimension paire, alors X estun champ dynamique si et seulement si LXΛ= 0 sur un ouvert dense duReg(Λ) et si X est tangent au feuilletage de Weinstein de Λ sur un ouvertdense de la strate R2(Λ), où Λ est de corang 2.

Preuve. – Il résulte de la définition du crochet de Schouten que pourtoute 1-formeβ surM on a :

0=Λ#(dα)FΛ#(β)+ (ΛXΛ)#(β)

(voir les notations introduites au début du paragraphe 4.2). CommeΛ#(β) est tangent au feuilletage de Weinstein, siX est un champdynamique,(dα)FΛ#(β) = 0. La réciproque est laissée au lecteur (voiraussi [5]). La propriété (1) est ainsi prouvée.

Supposons maintenant que(M,Λ) soit une variété de Poisson géné-rique. SiX est un champ dynamique, d’après la propriété (1),LXΛ= 0et nécessairementX est tangent au feuilletage de Weinstein sur toute lavariétéM d’où les conditions nécessaires. Il reste à prouver les condi-tions suffisantes. Plaçons-nous d’abord dans le cas de dimension pair.

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D’après [21], sous ces hypothèses de généricité, une condition suffisantepour que l’équationΛ(α) = X ait une solutionα est précisément queX appartienne à ImΛ sur un ouvert dense deR2(Λ). La condition suf-fisante dans ce cas est alors une conséquence de (1). Maintenant dansle cas dimension impaire, un résultat récent [22] permet encore d’obtenirune solution de l’équationΛ(α)=X siX appartient à ImΛ sur un ouvertdense Reg(Λ). On obtient ainsi (2) et (3).

Il résulte du théorème 4.3 que l’ensembleD(Λ) des champs dyna-miques est une sous-algèbre de Lie de l’algèbre de Lie des automor-phismes infinitésimaux de la structure de PoissonΛ. Lorsque 1’on a unevariété de Poisson générique, tout champ dynamique est tangent à chaquestrateRc(Λ).

4.4. Champ dynamique sur les variétés de bihamiltoniennesgénériques

Considérons une variété bihamiltonienne(M,Λ∞,Λ0). Un champbihamiltonien est un champ de vecteur qui est hamiltonien pour chacunedes structure de Poisson(M,Λ∞) et (M,Λ0). Dans ce cas, il existedes fonctionsh∞ et h0 sur M telles queX = Λ∞dh∞ = Λ0dh0. Lescourbes intégrales deX sont contenues dans l’intersection des feuilles deWeinstein deΛ∞ etΛ0 et des “niveaux d’énergie”h∞ = cte eth0 = cte.Plus génénéralement, on peut définir :

DÉFINITION 4.4. –Soit (M,Λ∞,Λ0) une variété bihamiltonienne.On dit que X est un champ dynamique pour la structure (M,Λ∞,Λ0)

si X est un champ dynamique pour chacunes des structures de Poisson(M,Λ∞) et (M,Λ0).

Comme pour les structures de Poisson génériques, à partir du théo-rème 4.3 on obtient les conditions nécessaires et suffisantes suivantes :

THÉORÈME 4.4. –Soit (M,Λ∞,Λ0) une variété bihamiltonienne gé-nérique et X un champ de vecteur sur M .

(l) Si M est de dimension impaire alors X est un champ dynamique siet seulement si LXΛi = 0, i = ∞,0, et X est tangent à ImΛ∞ ∩ ImΛ0

sur un ouvert dense de Reg(Λ).(2) Si M est de dimension paire alors X est un champ dynamique si et

seulement si LXΛi = 0, i = ∞,0, sur un ouvert dense de Reg(Λ) et X

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est tangent au feuilletage de Weinstein de Λi sur un ouvert dense de lastrate de corang R2(Λi) pour i = ∞,0 (voir remarque 4.2).

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