SINCERE A RIEN 70% - Le Théâtre...

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Anny Daprey – Sincère à rien ! 1 AVERTISSEMENT Ce texte a été téléchargé depuis le site http://www.leproscenium.com Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.

Transcript of SINCERE A RIEN 70% - Le Théâtre...

Anny Daprey – Sincère à rien !

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AVERTISSEMENT

Ce texte a été téléchargé depuis le site

http://www.leproscenium.com

Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez ob tenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exe mple pour la France).

Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l 'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe.

Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droi ts des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, mêm e a posteriori.

Lors de sa représentation la structure de représent ation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteu r et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. L e non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre au tres) pour la troupe et pour la structure de représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs.

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux texte s.

Anny Daprey – Sincère à rien !

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SINCERE A RIEN !

COMEDIE en 3 ACTES

De

Anny Daprey

Anny Daprey – Sincère à rien !

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Caractéristiques Durée approximative : 100 minutes Personnages : 2 hommes 4 femmes Fabrice Champot : entre quarante et cinquante ans, homme tranquille et routinier Carole Champot : sa femme, même âge, dans la « crise » de la quarantaine Julie Champot : leur fille, vive et moderne, entre 17 et 25 ans Mme Blanchard : la mégère du quartier, et propriétaire de plusieurs appartements, dont celui des Champot Rémi : le meilleur ami du couple. Véro : la femme de Rémi. Couple en manque de « vérité » ? Décor : une pièce à vivre avec coin salon Costumes : pour Carole prévoir une robe de soirée (trop petite), un vieux jogging et sweat a capuche, un haut couleur « saumon » et un pantalon « brique » Vêtements modernes, actuels pour Julie. Carte blanche pour les autres. Synopsis : Les Champot mènent une vie tranquille, lorsque leur fille les défie de passer la journée sans mentir à personne. En sont-ils capables ? Même si cela parait facile, pas sûr que chacun s’en sorte indemne… Nombre de répliques

Fabrice Carole Julie Rémi Véro Mme

Blanchard Acte 1 104 66 106 12 25 15 Acte 2 130 107 52 102 66 27 ACTE 3 38 17 31 37 46 0

total 272 190 189 151 137 42

Anny Daprey – Sincère à rien !

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ACTE 1

Fabrice est assis dans un fauteuil, lisant son journal. Sa femme arrive sur scène, toute souriante, apparemment fière de ses nouveaux vêtements

CAROLE (Montrant fièrement la tenue qu’elle porte)

Tadaam ! (Sans réaction de son mari, elle attend quelques secondes et tente un deuxième essai un peu plus fort) Tadaam !

FABRICE (Posant à regret son journal)

Ah ! (On voit qu’il n’aime pas du tout, mais il essaie de le cacher). Aah…

CAROLE Tu aimes ?

FABRICE (Réprimant une moue)

Euh… CAROLE

Quoi ? T’aimes pas ? FABRICE

(Pas convaincant) Ben…Si !

CAROLE Pourquoi tu fais cette tête là alors ?

FABRICE Quelle tête ?

CAROLE Celle là ! (Elle l’imite en le caricaturant)

FABRICE Ah mais non, pas du tout… Non mais euh…c’est très joli ma chérie.

CAROLE

(Tout sourire) C’est vrai ?

FABRICE (Déployant tous ses efforts)

Ah oui. CAROLE (Coquette)

J’ai flashé sur la couleur. FABRICE

Ah oui…tu veux dire qu’il y avait une vraie couleur avant que ça devienne comme ça ?

CAROLE Oooh …très drôle Fabrice. T’y connais rien de toute façon.

FABRICE Tout à fait. Donc si je n’y connais rien, pourquoi tu me demandes mon avis ?

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CAROLE

Pour que tu me dises que je suis belle, mais apparemment ce n’est pas à l’ordre du jour !

FABRICE (Toujours pas convaincant)

Tu es belle ma chérie. CAROLE (Flattée)

C’est vrai ? FABRICE

(Replongeant le nez dans son journal) Maaaa oui …

CAROLE (Enthousiaste)

J’adore ce saumon ! FABRICE (Absent)

Hein ? CAROLE

Cette couleur. J’adore. FABRICE

(Relevant le nez vers elle) Ah c’est saumon, ça ?

CAROLE Oui monsieur !

FABRICE Je voudrais pas être désagréable, mais il est pas un peu périmé ton saumon ?

CAROLE Ah c’est malin ça !! Non, il n’est pas périmé, au contraire c’est particulier, original ! J’adore ce ton !

FABRICE C’est du thon ou du saumon ? Faudrait savoir…

CAROLE (Montrant son pantalon)

Regarde comme ça se marie bien avec le brique.

FABRICE Ouais, avec un brique de cette qualité, tu vas pouvoir faire le mur.

CAROLE Tu te crois drôle ? Bon j’admets que c’est pas exactement « brique », c’est plutôt … « rouille ».

FABRICE Rouille ? C’est une couleur, ça ?

CAROLE Oui, c’est cette couleur là ! Des commentaires, je parie ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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FABRICE Non. Aucun. Je préfère pas.

CAROLE C’est un vrai plaisir de te montrer mes nouvelles fringues ! Je suis sortie contente du magasin, et toi tu me sabres le moral en deux secondes, en me disant que je ressemble à une poubelle !

FABRICE Mais pas du tout, je ne t’ai jamais dit ça ! J’ai dit « tu es belle », pas « tu es poubelle », pourquoi tu rajoutes un « pou » ?

CAROLE

Sûrement que je l’ai senti caché derrière ! Ca gratte, c’est bizarre hein ? Entrée de Julie, la fille du couple.

JULIE Salut !

CAROLE Ah ma puce !! Ça va ?

JULIE (Stoppée dans son élan, désignant le pull de sa mère)

Qu’est-ce que c’est que cette horreur ?

CAROLE Quoi…T’aimes pas mon pull ? (Ou chemisier, ou tunique)

JULIE C’est atroce ! Et cette couleur, beeerk, on dirait du poisson pas frais !

CAROLE (Vexée)

Ok, j’ai compris ! Elle sort côté chambres en claquant la porte.

FABRICE Alors toi, dans le genre délicate, tu te poses là !

JULIE Ben quoi, c’est pas méchant, je lui rends service, t’as vu la tronche de son pull ? C’est carrément la honte !

FABRICE T’étais pas obligée d’être aussi directe ! Tu l’as vexée, là !

JULIE Ah bon, tu préfères ta méthode ? Le genre hypocrite qui ne dit pas ce qu’il pense, pour ne pas faire de vagues ?

FABRICE Non mais dis donc, Julie !

JULIE C’est pas vrai peut-être ? Vous les vieux, vous passez vos journées à mentir, vos nuits à mentir, vos vies à mentir, pour quel résultat ? Une « pseudo-tranquillité » ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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FABRICE On ne ment pas, on apprend le savoir vivre, la politesse et la délicatesse, ma petite fille. Ca n’a rien à voir avec le mensonge !

JULIE

Ha ha la belle pirouette papa ! Comment tu retournes le truc pour faire croire que c’est une qualité !

FABRICE Et tu voulais que je lui dises quoi, à ta mère ? Hein ?

JULIE La vérité, par exemple !

FABRICE La vérité, ah la la, suprême vérité !! Sa vérité n’est pas la mienne. Nos avis sont différents, si elle est heureuse avec son pull saumon périmé et son pantalon rouillé, à quoi ça sert que je lui donne mon avis ?

JULIE Tout simplement à être sincère !!

FABRICE Et ? La suite ? Qu’est-ce que ça donne ?

JULIE Ben elle prend conscience que son pull ne lui va pas du tout, et elle va le changer au magasin.

FABRICE Mais que d’énergie dépensée pour rien ! Déclencher une dispute, suivie d’une déprime, pour un malheureux vêtement, dont elle est ravie, en plus !

JULIE Ah c’est sûr que c’est plus confortable de ne rien dire, comme ça tu continues à lire ton petit journal tranquillement, personne ne t’embête, tout le monde est content, le soleil brille et les mouches pètent !

FABRICE Exactement.

JULIE Ecoeurant ! Je suis dégoûtée par les vieux et leur hypocrisie.

FABRICE Le vieux te remercie, ma chérie.

JULIE Personne n’est jamais authentique, tout ça par peur ! Qu’est-ce que vous êtes faibles ! Eviter les remous, les conflits, vous ne pensez qu’à ça ! Sauver votre image, votre réputation, paraître sympa et gentil pour sauver vos petits intérêts, alors que vous êtes faux ! Plus vous vieillissez, plus vous avez peur, et moins vous êtes vrais !

FABRICE Oh, oh, on se calme Julie…

JULIE Tu imagines quelquefois ce qu’aurait été ta vie si tu n’avais jamais menti ?

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FABRICE Euh, j’avoue que cette semaine je n’ai pas eu le temps de me poser la question.

JULIE

Ben non, trop occupé à t’en poser d’autres bien plus importantes ! « Qu’est-ce qu’il y a à la télé ce soir ? Je vais toucher combien de prime ce mois ci ? » etc… !

FABRICE

Eh oh ! Tu vas arrêter ta crise, là ? JULIE

Je ne crise pas, je dis ce que je pense. C’est encore autorisé non ? J’ai le droit de penser que mon père est un lâche !

FABRICE Merci, ça fait plaisir ! C’est ma journée on dirait !

JULIE Je t’aime bien papa, mais j’aime pas ta lâcheté, ni tes arrangements, ni ta politesse qui sonnent faux. Je suis sûre que tu n’es même pas capable de passer une journée entière sans mentir.

FABRICE (Avec un air détaché)

Bien sûr que si ! JULIE

Toute une journée ? Avec tout le monde ?

FABRICE Evidemment !

JULIE Ha ! Je voudrais bien voir ça.

FABRICE C’est tout vu.

JULIE Je te parie que tu n’y arrives pas.

FABRICE Oh, mais tu m’embêtes, à la fin !

JULIE Papa, je suis sérieuse. Je te mets au défi d’être profondément authentique avec chaque personne qui sera en contact avec toi aujourd’hui. Dire ce que tu penses vraiment, et en assumer les conséquences. T’es cap ou pas ?

FABRICE C’est de l’acharnement !

JULIE T’es cap ou pas ?

FABRICE Mais bien sûr que je suis « cap » ! Pour qui tu me prends ?

JULIE Ben je te l’ai dit : pour un lâche.

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FABRICE C’est la seule image que tu as de ton père ? C’est agréable !

JULIE

Non, mais c’est celle qui me gêne le plus. Alors ? Tu le fais ? Il est midi. Jusqu’à ce soir minuit.

FABRICE Ah parce qu’en plus, y’a que moi de visé ? Ta mère, elle, elle n’est pas concernée ?

JULIE

Oh si, elle ne vaut pas mieux que toi. Mais une chose à la fois. Bon alors, moi je suis convaincue que tu n’y arrives pas. On parie ?

FABRICE

Qu’est-ce que tu veux parier ? JULIE

Une voiture. FABRICE

Ha ! Rien que ça !! JULIE

D’occasion, hein, je suis pas vache. FABRICE

Ok, très bien, de toute façon y’a pas de souci, comme tu ne vas pas gagner…et moi je gagne quoi ? Nan parce que moi je changerais bien de voiture !

JULIE Pff…c’est pas avec l’argent de poche que tu me donnes…

FABRICE Alors quoi ?

JULIE Mmh… Eh bien si je vois que tu passes la journée dans la sincérité, je fais la vaisselle matin, midi et soir pendant un mois. Et le ménage, et l’aspirateur. Et je nettoie les chiottes même.

FABRICE Eh bien…pour que tu proposes ça, c’est que tu es vraiment certaine de ne pas perdre !

JULIE Eh ouais, je suis sûre de gagner, je te dis. C’est couru d’avance. Je te chope en flagrant délit en moins d’une heure ! Entrée de Carole

CAROLE Voilà, je me suis changée, vu l’accueil que vous avez réservé à mon nouvel achat…J’ai remis un vieux chemisier pourri, comme ça, tout le monde est content. Moi qui croyais faire impression ce soir !

FABRICE Ce soir ? Pourquoi, qu’est-ce qu’il y a ce soir ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Y’a Rémi et Véro qui viennent boire l’apéro.

JULIE

Ouh que ça va être intéressant ça ! FABRICE

Hein ? Ah mais tu me l’avais pas dit ! CAROLE

Ben je te le dis. FABRICE

(Mal à l’aise, il regarde Julie en coin) Ah ben oui mais moi j’avais pas prévu !

CAROLE Ah bon, il te faut une préparation psychologique pour recevoir tes amis, maintenant ?

FABRICE Ben non mais bon, si je voulais faire autre chose…

CAROLE Comme quoi ?

FABRICE Ben, à chaud, comme ça, je sais pas…mais une idée aurait pu me venir soudainement…

JULIE (Moqueuse)

Crois tu ? C’est pas plutôt parce que t’es mal barré ?

FABRICE Pas du tout.

CAROLE Pourquoi « mal barré » ?

JULIE Pour rien. Ben moi, je devais sortir, mais je crois que ce soir, je vais rester dans les parages.

FABRICE Ah mais tu peux sortir ma chérie ! Au contraire !

CAROLE Qu’est-ce qui t’arrive ? D’habitude tu te bats pour qu’elle reste à la maison !

JULIE Attention à ce que tu vas dire papa…tic tac, tic tac !

FABRICE Pourquoi j’ai l’impression qu’on me persécute aujourd’hui ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Ooh, petit choupinou…Tiens au fait, si t’es en forme, c’est le moment ou jamais d’aller affronter madame Blanchard. Elle a encore posé ses poubelles devant notre porte de garage, cette vieille chouette.

JULIE Ah, ça, c’est le moment ou jamais ! Hein papa ?

FABRICE Et pourquoi tu lui as pas dit, toi ?

CAROLE Je lui ai déjà dit maintes fois, mais rien n’y fait. Rien de tel que l’autorité d’un homme pour ce genre de chose.

FABRICE Ah j’aime pas…j’aime pas cette journée !! Bon, je vais voir ça.

JULIE Moi aussi je vais voir ça ! Enfin j’espère !

FABRICE

Bon, t’as rien d’intéressant qui t’attend, toi ? Des copines à appeler, du facebook à mettre à jour, ce genre de choses ?

JULIE Si, je suis grave débordée aujourd’hui.

FABRICE Et bien va déborder plus loin ma chérie. Allez.

JULIE Oh la laaa (elle se lève et avant de disparaître derrière la porte de la chambre, regarde son père en souriant) tic-tac, tic tac !

CAROLE Qu’est ce que c’est que ce tic tac ? C’est son nouveau tic ?

FABRICE Tac. J’en sais rien.

CAROLE Bon, alors ?

FABRICE Alors quoi ?

CAROLE Ben tu y vas ou pas ?

FABRICE Ou ça ?

CAROLE Voir la mère Blanchard, pour les poubelles !

FABRICE Ah parce qu’il faut que j’y aille maintenant ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Tu voulais y aller quand ? Cette nuit vers 4h du mat ? C’est ce matin qu’elle a mis ses poubelles ! Faut pas la louper ! Allez !

FABRICE Bon, j’y vais, j’y vais ! (Il soupire et sort) Carole sort son portable et compose un numéro.

CAROLE

(Féline) Allo ? Richard ? Bonjour c’est Carole…Bien, bien merci (coquette). Voilà…(petite voix pas naturelle) j’ai mal noté l’heure de mon massage intégral avec vous, je n’arrive pas à me relire, si c’est 15h 30 ou 16h 30…Ah d’accord 15h 30… parce que j’avais un doute…(elle rit nerveusement). Bon ben…à tout à l’heure alors…J’ai hâte parce que j’en ai vraiment besoin…Bien sûr…je trouve ça tellement extraordinaire…(séductrice) vous avez des mains magiques….Pardon ? (Elle se reprend). Oui oh ben je sais bien, je sais bien, vous êtes un professionnel…Enfin bon…vous devez faire fondre plus d’une femme, entre nous…Hein… (Elle rit)…ah…ah oui ? Oh c’est gentil… arrêtez parce que là, je vais être embarrassée sinon… (Rire bête). Bon d’accord…alors je note hein : 15h30 Bon ben j’arrive alors…enfin tout à l’heure…ok ça marche…au revoir alors ?....Oui voilà… Au revoir. Enfin à tout de suite quoi… Elle raccroche, elle est tout chose. Entrée de Julie

JULIE T’as vu mon chargeur ?

CAROLE Hé ?

JULIE Mon chargeur !

CAROLE Non.

JULIE Qu’est-ce que t’as ? T’es toute rouge !

CAROLE Ah bon ? Ben j’ai rien pourtant !

JULIE Maman…

CAROLE Julie ?

JULIE Est-ce que tu mens souvent ?

CAROLE Pardon ? Quelle drôle de question ! Bien sûr que non !

JULIE Tu vois, depuis quelques jours, l’hypocrisie des gens me saute aux yeux à chaque seconde. Ca m’obsède, même !

CAROLE Ah ? C’est une crise, ça va passer.

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JULIE Je suis atterrée de voir à quel point les gens sont faux entre eux !

CAROLE Ah, mais les humains, ma chérie, c’est comme ça !

JULIE

(Cherchant son chargeur à droite et à gauche) Je voudrais être un animal. Eux au moins ne trichent pas. Marre d’être humaine.

CAROLE Eh bien ne regarde pas ces gens ! Prends plutôt exemple sur tes parents, qui sont un modèle d’intégrité !

JULIE (Soulevant les coussins)

Ah parce que tu crois que tu es authentique toi ?

CAROLE Evidemment ! S’il y a quelqu’un d’authentique sur cette planète, c’est bien moi !

JULIE D’accord : à qui viens-tu de téléphoner ?

CAROLE Non mais qu’est-ce que c’est que ces questions, Julie ?

JULIE Ben réponds ! C’est une simple question maman !

CAROLE Eh bien à…euh…à…ma coiffeuse, j’ai rendez vous jeudi et j’avais mal noté l’heure. Je demandais confirmation.

JULIE (Sceptique)

Mh mh… CAROLE

Bon, écoute, je pars, là, on discutera de tes problèmes existentiels plus tard ma chérie, d’accord ?

JULIE (Elle tombe sur le chargeur)

Maman… CAROLE

Oui ? JULIE

J’ai un service à te demander. CAROLE

Oui ma puce ? JULIE

Est-ce que tu peux passer une seule journée, en étant vraiment toi-même, avec tout le monde ? Juste aujourd’hui ?

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CAROLE Mais tu n’as pas besoin de me demander ça ma chérie. C’est naturel chez moi. Je suis toujours moi-même.

JULIE Et avec tes amis, ce soir ?

CAROLE Encore plus !! Si on ne peut pas être soi même avec ses meilleurs amis, alors avec qui ? Hein ? Je te le demande !

JULIE Non, moi, je te le demande, maman. Elle sort.

CAROLE Mais qu’est-ce qu’elle a, en ce moment, bououh… Entrée de Fabrice

FABRICE Bon, alors, j’en étais où…

CAROLE Alors ? Tu lui as dit ?

FABRICE De quoi ?

CAROLE A la mère Blanchard !

FABRICE (Tentant de paraître convaincant)

Ah oui ! Oui oui…bien sûr. CAROLE

Et qu’est-ce qu’elle a dit ? FABRICE

Oh ben…elle a dit que…ben que…elle ferait attention la prochaine fois. Enfin...je me suis un peu énervé mais bon, ça s’est bien passé. Elle a compris.

CAROLE Tant mieux. Allez, moi je file, j’ai un rendez-vous

FABRICE

Ah bon ? Tu vas où ? CAROLE

Euh…chez le …hum…pédicure… (Elle se recoiffe et réajuste ses vêtements). Ca va comme ça ?

FABRICE Oui, pourquoi ? T’as besoin d’être bien coiffée pour te faire tripoter les pieds ?

CAROLE Oooh…tu m’énerves.

FABRICE Dis donc…

CAROLE Quoi.

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FABRICE Tu crois que Rémi vient boire l’apéro pour nous ramener les 5000 euros qu’on lui a prêtés il y a six mois ?

CAROLE (Un peu embarrassée mais tentant de le cacher)

J’en sais rien moi ! Non, je crois qu’ils passent comme ça, pour nous dire bonjour.

FABRICE Heureusement qu’il devait me rendre cet argent sous deux mois !

CAROLE Il est peut-être gêné…

FABRICE Et moi donc ! Ca devient un peu inconfortable ! Surtout qu’à chaque fois qu’on se voit, il ne m’en dit pas un mot !

CAROLE Oh, t’inquiète pas, il va nous les rendre ! C’est notre meilleur ami non ?

FABRICE Ouais m’enfin bon…

CAROLE Bon, à tout à l’heure, je reviens dans…deux heures environ.

FABRICE Il te faut deux heures pour te faire rogner des peaux d’orteils ?

CAROLE Très élégant. Je n’ai pas de peaux à faire rogner. Si tu regardais mes pieds plus souvent, tu l’aurais remarqué !

FABRICE Ben qu’est-ce que tu vas foutre chez le pédicure alors ?

CAROLE

Un soin. Les pieds, eux aussi, ont besoin qu’on s’occupe d’eux ! A plus ! Elle sort. Le téléphone sonne

FABRICE Allo ? Bonjour monsieur Leborgne…Non non, vous ne me dérangez pas du tout, qu’est-ce qui se passe ? Oui…mh…ah bon…comment ça, « ça va pas être possible mes congés » ?...Oui…oui d’accord, mais déjà l’an dernier j’ai décalé mes vacances pour arranger Dubreuil……(entrée de Julie) Ben oui, ça m’embête un peu, j’ai déjà réservé la location et versé des arrhes… Cette année en plus, je vais au Canada, c’est pas rien…Oui…Bon ben écoutez, je vais décaler alors…Non, non, je vais m’arranger…Si vraiment ça vous rend service…oui…Bien sûr monsieur Leborgne, je comprends bien. Oui je sais, je sais…Pardon ? Faudrait que je parte en septembre ?

JULIE

Ah non hein ! C’est ton patron qui te refuse encore tes congés ? (Fabrice lui fait signe de se taire). Hors de question papa !! Te laisse pas faire !!

Anny Daprey – Sincère à rien !

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FABRICE (Dans le téléphone)

Oui, j’imagine bien… JULIE

Papa !! T’as déjà perdu ton pari !! A moi la voiture !!

FABRICE Oui d’accord... (Il appuie sur une touche pour raccrocher, et dans le dos de Julie, fait semblant de continuer la conversation. Il enchaînera rapidement toutes ses répliques) Pardon ? Ah vous êtes encore là, je pensais que vous aviez raccroché. (Très assuré) Eh bien laissez moi vous dire une chose monsieur Leborgne, je m’en contrefous du dossier Lapiche !! Et je ne décalerai pas mes congés. (Julie écarquille les yeux et regard son père, bouche bée). Mais pourquoi, pourquoi, peut-être parce que j’en ai marre de me faire entuber monsieur Leborgne !! Héhééé ! Voilà voilà ! Donc ne vous déplaise, je garde mes trois semaines en août, et si ça vous défrise, eh bien écoutez…c’est pareil !! (Julie applaudit en silence). Et je ne vous laisserai pas en placer une parce que c’est moi qui parle. Et quand je dis non, c’est non ! (Julie, épatée, sort côté chambre en courant pour aller chercher quelque chose, il continue son cinéma). Ah ah ça vous en bouche un coin vieux con ! Hé hé…. (Il voit que sa fille est sortie). Non mais alors…. Sans blague… (Il se rend compte avec horreur qu’il y a quelqu’un au bout du fil) Allo… (Fébrile) allo ?.... (Paniqué)…m….monsieur Leborgne ? Mais…Qu’est-ce que vous faites là ? (Il regarde dans le téléphone, abasourdi) Je croyais avoir raccroch….oui…oui… (Julie revient tout sourire avec un appareil photo, et photographie son père)..Oui….Au r…au r…(il raccroche, livide). Hor…Horreur….

JULIE Ouaaaah !! Papa !! Génial ! J’ai immortalisé ce moment ! Ca, ça va rester dans les annales !

FABRICE Dans mes annales à moi…oui, c’est le mot.

JULIE Bon, ok, j’admets que ça doit pas être facile mais là, comment tu m’épates grave !!

FABRICE Grave. Très grave.

JULIE Aaaah, mais on dirait que t’as pas envie de le perdre ton pari dis donc !! Tu commences fort !! Wouou !! J’arrive pas à le croire !

FABRICE Moi non plus.

JULIE Et alors, hein ? Qu’est-ce que ça te fait d’être vrai ?

FABRICE (Sonné)

Euh… JULIE

C’est pas la classe ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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FABRICE

Si, on était en première classe, on va passer en deuxième. On va être déclassés, là.

JULIE Quoi ?

FABRICE Rien, rien, je parle tout seul…

JULIE Ah quand tu vas annoncer ça à maman !! Cool ! J’ose même pas y penser !

FABRICE (Dépité)

Et moi donc ! JULIE

(Lui montrant la photo qu’elle vient de prendre) Regarde la tête que tu tires !!

FABRICE Oui, c’est bien. Euh, écoute Julie, faut que je m’en aille là, une urgence s’impose !

JULIE Comme acheter une bouteille de champ ?

FABRICE Euh…oui, c’est ça ! Exactement !

JULIE Cool !! Je vais publier ta photo sur facebook !

FABRICE Ca va pas non ? Il n’en est pas question ! Je refuse !

JULIE Sii ! Je veux dire à tout le monde que je suis fière de mon père. Je vais écrire un commentaire sous la photo (fière et solennelle) : « Fabrice Champot, mon père, homme libre » (elle sort)

FABRICE Oh p… Il prend son manteau et l’enfile alors qu’on sonne à la porte. Il ouvre

MME BLANCHARD Bonjour !

FABRICE Madame Blanchard….bonjour (il jette un œil, mal à l’aise, vers la porte chambres pour vérifier que Julie est bien sortie)

MME BLANCHARD Dites, je viens voir parce que les poubelles, là, elles sont pas déposées au bon endroit. Et c’est pas la première fois !!

FABRICE Moi ? Je ne mets pas mes poubelles au bon endroit, MOI ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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MME BLANCHARD

Oui monsieur ! Je la reconnais la poubelle qui contient les seuls raviolis bios du quartier !

FABRICE Alors, déjà : c’est pas moi qui mange des raviolis bio, c’est ma femme.

MME BLANCHARD Et alors, c’est le partage du même toit, du même lit, donc ils partagent bien la même poubelle, lui et sa femme, non ?

FABRICE Non mais attendez…

MME BLANCHARD Donc il est prié de poser sa poubelle au pied du container, c’est pas compliqué !

FABRICE Non mais dites donc…

MME BLANCHARD Ca fait plusieurs fois que je ne dis rien, mais bon, ma patience a des limites !

FABRICE Ah parce que vous, par contre…

MME BLANCHARD Si tout le monde fait pareil, bonjour le bazar sur le trottoir, vous vous rendez compte ? J’ai rien contre les gens qui bouffent du bio et qui achètent des masques capillaires à l’argile verte, mais à ce moment là, faut mettre sa poubelle au bon endroit !

FABRICE Mais vous fouillez dans notre poubelle ou quoi ? Comment vous savez que ma femme achète des masques capillaires à l’argile ?

MME BLANCHARD (Ignorant sa question)

Je vais quand même pas faire la chasse à tout le quartier !! J’ai assez à m’occuper avec tous mes autres locataires ! Les charges ne sont déjà pas élevées, alors faut pas en profiter !

FABRICE Madame Blanchard, avec tout le respect que je vous dois…

MME BLANCHARD Donc je suis bien gentille pour cette fois, mais la prochaine fois, ça sera pas pareil ! A moins qu’on augmente un peu le loyer… à cause du boulot supplémentaire que j’ai ?

FABRICE Non, ah ben non…

MME BLANCHARD Donc attation ! (Mielleuse) Je lui dis ça gentiment hein…

FABRICE Oui, bien sûr…

Anny Daprey – Sincère à rien !

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MME BLANCHARD

C’est comme la semaine dernière, pour le test de grossesse…

FABRICE Quel test de grossesse ?

MME BLANCHARD Celui qui dépassait de la poubelle !

FABRICE (Reprenant du poil de la bête)

Mon sac poubelle est toujours bien fermé ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire de test de grossesse ??

MME BLANCHARD Ah ben je sais pas, moi j’ai dû refaire un nœud parce qu’il était ouvert, avec ce test de grossesse là… qui avait l’air positif en plus…

FABRICE Quoi ???

MME BLANCHARD Mais bon, ça me regarde pas, je vous préviens juste, c’est tout, pour les prochaines fois : il ferme bien le sac, et il le pose au bon endroit !! Il a quelque chose à rajouter ?

FABRICE

Non, parce qu’il doit s’en aller, là…

MME BLANCHARD Eh ben c’est bien ! Qu’il vienne avec moi puisqu’il sort, je vais lui montrer à quel endroit on les pose, les poubelles…

FABRICE (La suivant à contrecoeur et fermant la porte derrière lui)

Madame Blanchard, j’aimerais bien que vous m’expliquiez quand même cette histoire de … Entrée de Julie

JULIE Papa ?...Ah….trop tard. (Sonnerie de téléphone). Allo ?...Non c’est Julie. Ah, bonjour Véro….Non ils sont sortis tous les deux…Papa est parti chercher une bouteille de champagne….Il a quelque chose à annoncer, tu verras ça tout à l’heure à l’apéro… De quoi une urgence… Ca peut pas attendre tout à l’heure ? …Non moi je ne bouge pas. Ok ben à tout de suite alors. (Elle raccroche). Je ne vois pas ce qu’il peut y avoir d’aussi urgent alors qu’elle vient dans moins de deux heures. On sonne. Julie ouvre.

REMI Salut Juju

JULIE Salut Rémi! Ah ben justement, c’est marrant, je viens d’avoir ta dulcinée au téléphone

REMI Ah..ah bon..et euh…ta mère est là ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

20

JULIE Non, elle est partie se faire tripoter la tête, euh…non, les pieds je crois.

REMI Juju…comment tu parles de ta mère !

JULIE Ben quoi, c’est vrai ! Elle doit être partie (encore !) chez le pédicure, enfin çà, c’est la version officielle.

REMI Bon, et…tu es toute seule ?

JULIE Ouais.

REMI Ok…ok…

JULIE Mais, tu devais pas venir ce soir pour l’apéro ?

REMI

Si si. Mais…comment dire…Je ne sais pas trop si on va pouvoir venir, enfin si je vais venir, parce que voilà, avec Véro en ce moment, c’est un peu tendu…et euh…

JULIE C’est quoi le malaise, là ?

REMI On traverse une mauvaise passe, tu vois…et…bon j’aurais bien voulu voir ta mère pour lui expliquer un truc…parce que ce soir, ça va être moins évident…devant Véro…

JULIE Tu fais des cachotteries à ta femme ?

REMI Non, bien sûr que non. Je la préserve.

JULIE De quoi ?

REMI De…des soucis inutiles …Ecoute je ne peux pas t’en dire plus pour le moment.

JULIE Ce que ça peut m’agacer ces histoires et ces mystères débiles ! Si t’as un souci, pourquoi tu lui dis pas directement ?

REMI Tu sais Juju, quelquefois on peut blesser les gens quand on leur dit la vérité

JULIE

(Sarcastique) Parce qu’on les blesse pas quand on leur ment ?

REMI Bon, écoute Juju, je t’apprécie beaucoup, tu es la fille de mes meilleurs amis, mais je ne vais pas avoir cette conversation avec toi.

Anny Daprey – Sincère à rien !

21

JULIE (Vexée)

C’est agréable… REMI

Donc à ce soir…peut-être. Je file, ne dis pas à Véro que je suis passé. Ok ? Il sort. Julie ferme la porte derrière lui. Téléphone.

JULIE Allo ?...Ouais salut. Nan je leur ai pas dit encore…. (Toute contente) Ils vont être tout surpris que je sois reçue dans cette école !...Hein ?...Ouais je sais y’a pas d’urgence, ça fait que dix jours que j’ai passé le test de sélection. Et la rentrée c’est que dans trois mois…(On sonne, elle ouvre à Véro, lui fait signe d’entrer et lui montre qu’elle est au téléphone) Ah ben oui j’en suis sûre ! Et je te dis pas le choc que j’ai eu quand j’ai su que les résultats du test étaient positifs ! (Tête de Véro qui pense immédiatement à une grossesse)….Ben je pense qu’ils vont être contents…mais surpris ! Parce qu’ils ne savaient rien. Mais bon, c’est mon choix, c’est ma vie…ouais…De toute façon depuis le temps que je couvais le truc, ça devait arriver un jour, j’ai juste sauté le pas, c’est tout…Je pouvais pas être passionnée à ce point et ne pas concrétiser…Bon je te laisse, on se rappelle ok ? Bye.

VERO (Sur un ton très étonné, faisant allusion à ce qu’elle vient d’entendre)

Juliie ? JULIE

(Même ton) Véroo ?

VERO (Inquisitrice)

Tout va bien ? JULIE

Ouais. Rémi sort d’ici. VERO

Quoi ? JULIE

Il m’a dit de pas le dire. C’est pour ça que je le dis.

VERO (Elle se refroidit)

Super, et qu’est-ce qu’il voulait ? JULIE

J’sais pas. VERO

Alors ça c’est la meilleure !! Je te jure qu’il ne va pas s’en tirer comme ça !

JULIE (Taquine)

T’as vu comment on peut foutre la merde sans rien raconter ! C’est fou quand même, quand on y pense !!

VERO Passionnant. Et tu n’as pas idée de ce qu’il voulait ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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JULIE Il cherchait à voir maman.

VERO Très intéressant. Bon, et toi ?

JULIE Moi non : je cherche plutôt à l’éviter.

VERO Non mais…tu vas bien ? Quoi de neuf… (Regardant le ventre de Julie avec insistance) dans ta vie ?

JULIE (Rétorquant spontanément sans voir ce regard insistant)

Et dans la tienne ? VERO

Ben…pourquoi tu me demandes ça ? JULIE

Parce que tu passes avec un air mystérieux, deux heures avant l’heure prévue, soit pour préparer le terrain pour ce soir, ou pour limiter les dégâts, ou pour annoncer quelque chose, ou au contraire pour prendre soin de le cacher. Alors, c’est quoi ?

VERO (Un peu piquante)

Très perspicace Julie ! Je t’apprécie beaucoup, mais si tu veux jouer à ça, je ne suis pas sûre que tu gagnes !

JULIE Ououh, mais tu t’énerves, là ! Pourquoi t’as les hormones qui s’agitent comme ça ?

VERO

(Pensant la piéger) Haha, et tu t’y connais, je présume, question hormones ! Tu ne crois pas si bien dire !

JULIE Pardon ?

VERO Eh oui, les hormones….ça travaille quand on est….hein ? (Elle se dessine avec les mains un ventre de femme enceinte)

JULIE (Pensant que Véro parle d’elle-même, et pointant un index vers son ventre)

Nooon !? Ah c’est ça ?! VERO

(Ne remarquant pas ce geste de Julie) Eh oui, pourquoi, tu savais pas ?

JULIE (Regardant à son tour le ventre de Véro avec insistance)

Ben non, comment je l’aurais su ? VERO

Tout s’apprend toujours. JULIE

En effet. Et donc… ? (Croyant conclure logiquement) L’annonce, c’est pour ce soir… !

Anny Daprey – Sincère à rien !

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VERO Il faut bien lâcher le morceau à un moment donné ! N’est-ce pas ?

JULIE

Ouais, et c’est mieux en public !? VERO

Ben voyons…Je suppose qu’on se sent plus à l’aise !?

JULIE Ca dépend.

VERO De quoi ?

JULIE Si c’est considéré comme une bonne nouvelle ou pas ?

VERO

Et t’en penses quoi ? JULIE

Parce que je dois donner mon avis ? VERO

Ben t’es un peu concernée non ? Tu ne crois pas que cette annonce va faire l’effet d’une bombe auprès de tes parents ?

JULIE Je sais pas. C’est pas trop leur problème, il me semble ! C’est juste une annonce qui va animer un peu l’apéro mais c’est tout !

VERO Ah tu crois ça ?

JULIE Ben oui. Ca m’étonnerait qu’ils se permettent des commentaires ! Ce qui serait plus rigolo, c’est que l’enfant ne soit pas de Rémi ! Ca pimenterait un peu le truc, quoi !

VERO Pardon ?

JULIE Parce que bon, vu que c’est Rémi le père…enfin… (Remarquant la mâchoire soudainement décrochée de Véro)… je suppose !?

VERO (Estomaquée)

Rémi ? Le père ?! Mon Rémi ? JULIE

Pourquoi, t’en connais un autre ? VERO

(Dans un état second) Tu …supposes… que c’est… Rémi… le père ??

Anny Daprey – Sincère à rien !

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JULIE (D’un air détaché)

Disons que c’est l’idée qui me vient en premier, mais bon, j’ai sorti ça spontanément, en toute logique !! C’est vrai qu’après tout, j’en sais rien et je peux me tromper…

VERO

(Se décomposant au fur et à mesure) Et c’est pour ça qu’il sort d’ici ??

JULIE J’en sais rien, je t’ai dit !

VERO (Devenant hystérique)

Il voulait l’annoncer à ta mère !! Il voulait amortir le choc avant ce soir ! Et toi tu me lâches ça comme ça, avec un air naturel !! Mais et moi dans tout ça ?!! Et moi ?? Elle hurle et prend la porte en courant.

JULIE Mais c’est pas si grave s’il l’annonce avant toi !! Si ?? Véro !!....Ils sont tous barjos, là dedans !... (Pour elle-même) Elle est pas un peu vieille pour avoir un gosse, elle ? Sortie côté chambres.

Rideau

Anny Daprey – Sincère à rien !

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Acte 2

Carole entre, énervée et bougonnant. Elle balance son sac avec rage, on sent que quelque chose l’a contrariée. Elle se sert un verre qu’elle boit cul sec. Puis elle prépare les verres sur la table, petits gâteaux etc…tout en se resservant un verre au passage (cul sec)

CAROLE Qu’est-ce qui m’a pris…. Faire des avances à ce Richard….La honte…Moi, une femme mariée… (S’imitant) : « Vous savez Richard, vos mains sont tellement incroyables que j’en perdrais presque la raison, si vous voyez ce que je veux dire ». La nunuuuche !! « Si vous voyez ce que je veux dire… » Oh la lourdaude !!! Et l’autre, qui me dit (imitant Richard) : « Carole, votre réaction me flatte, mais je dois m’en tenir à une relation professionnelle… »….Non mais la honte Carole, la honte !... « Mais Richard, vous vous méprenez… »…Quelle cruche !! (Elle continue à installer l’apéro et se caricature elle-même) « Pardon Richard, ce n’est pas ce que je voulais dire… vous vous méprenez ! »….Pauvre cloche !! (Elle se caricature de plus en plus) « Oh la la Richard pardon, ce n’est pas ce que je voulais dire, gna-gna-gnaaaaa »….(elle se parle devant le miroir) Mais bien sûr que c’est ce que tu voulais dire, pauvre conne ! Que t’étais prête à aller plus loin, juste pour te rassurer !! (Elle boit un peu au passage). La vérité…ah ha…la vérité c’est que je vieillis, que je n’ai rien vu venir, et que…et que voilà. C’est ça, la vérité. (Elle se regarde tristement dans le miroir) Et que j’ai plus les moyens…d’être irrésistible…voilà…C’est ça la vérité. J’ai plus les moyens… en supposant que je les ai eus un jour… (Elle boit une rasade) On sonne. Elle ouvre

REMI Salut Carole

CAROLE (Un peu perdue, elle regarde sa montre)

Comment ça « salut Carole » ? REMI

Ben disons que… jusqu’à aujourd’hui j’ai toujours cru que c’était ton prénom…

CAROLE (Légèrement éméchée)

Nan mais si mais j’veux dire, comment ça se fait que t’es là ? C’est pas l’heure de l’apéro là, si ?

REMI Non je sais mais il fallait absolument que je te voie avant. Voilà : tu sais, pour l’argent.…

CAROLE (L’interrompant)

Eh, Rémi, est ce que tu me trouves séduisante ?

REMI Pardon ?

CAROLE Est-ce que je suis belle ? Est ce que je suis une belle femme, quoi !?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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REMI (Sur la défensive)

Mais pourquoi tu me demandes ça ? CAROLE

Comme ça, pour savoir. REMI

Beeen…oui (pas très convaincant)… Mais…t’es pas un peu éméchée là non ?

CAROLE Attends, moi je veux pas d’une réponse polie, t’es un ami ou pas ?

REMI Bien sûr !

CAROLE (Sur le même ton que lui) Bien sûr !…que t’es un ami, sinon on ne t’aurait pas prêté 5000 euros (rire bête)

REMI (Embarrassé)

Justement, faut que je te dise un truc…

CAROLE (Elle le coupe à nouveau)

Alors : est ce que tu me trouves belle ? REMI

(Mal à l’aise) Mais oui voyons… !

CAROLE Franchement hein !! Non mais franchement !! Je veux dire par là, si je te draguais, là, est ce que tu résisterais ?

REMI (Commençant à prendre peur)

Ouh la…Mais à quoi tu joues, Carole ?

CAROLE (Prononçant avec lenteur et application)

Est-ce que tu peux juste répondre à la question ??

REMI (Grand seigneur)

Bien sûr que je résisterais ! Tu es la femme de Fabrice !

CAROLE Oui, bon, on oublie ce détail.

REMI Ha ! Il serait content d’entendre ça, le « détail » !

CAROLE Mais tu vas me répondre oui ? Imagine que tu me croises dans la rue, hop, et que paf, je te fais des avances, est ce que tu cèdes à la tentation ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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REMI

Bien sûr que non, je ne peux pas trahir Véro…

CAROLE Mais tu m’emmerdes à la fin ! Y’a pas de Véro, y’a pas de Fabrice, y’a personne, y’a que nous, seuls, dans le désert, on a très très chaud…. Qu’est-ce que tu ferais ?

REMI (Pragmatique)

Je suppose que je commencerais par chercher à boire…

CAROLE (Amère)

Alors vous les hommes, qu’est ce que vous pouvez être fuyants !! Je te demande juste si tu me trouves séduisante ! C’est pourtant pas compliqué !

REMI Carole mais…

CAROLE (Le coupant à nouveau, énervée)

Oui ou non ? REMI

(De plus en plus mal à l’aise) Ben je sais pas moi !

CAROLE Bon, on va simplifier, parce que t’as l’air de te faire des nœuds au cerveau. T’as envie de moi ou pas ?

REMI Là, tout de suite ?

CAROLE Oui.

REMI Euh…

CAROLE Je suis désirable ou pas ?

REMI Euh…

CAROLE (Grave)

Sois franc. S’il te plait. Sois sincère. REMI

(Embarrassé) Ben…t’as un certain charme…

CAROLE Ah ça c’est la tournure polie pour éviter de me dire que je suis moche ?

REMI Mais pas du tout !

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE (Dépitée)

De toute façon depuis ce matin je me prends que des râteaux !

REMI Pourquoi ? T’as fait des avances à beaucoup d’hommes aujourd’hui ?

CAROLE Non mais tu me prends pour qui ??

REMI Bon, écoute, je ne sais pas ce qui t’arrive, t’as pas l’air dans ton assiette, mais je te signale qu’on doit venir dans une heure, et que je suis dans la merde. En plus avec Véro on est un peu en froid, donc ça va pas être simple. Alors faut que je te dise un truc…

CAROLE Ben vas-y ! Parle donc ! Si ça te gêne pas de parler à une moche…

REMI Pour l’argent…

CAROLE Alors tu le penses hein !?

REMI Quoi donc ?

CAROLE Que je suis moche !! Tu le penses !! Sinon tu m’aurais reprise ! Mais tu m’as laissée dire que je suis moche, sans rectifier ! Alors voilà ! Maintenant je sais ce que tu penses ! Ce que vous pensez tous !

REMI Carole, excuse moi mais là, honnêtement : tu es chiante !

CAROLE De mieux en mieux ! Moche et chiante ! Super ! J’adore comment tu me remontes le moral !

REMI (Embarrassé)

Mais non mais c’est pas ce que je voulais dire…

CAROLE Eh ben puisque je suis chiante, tu débrouilleras pour parler à ton copain tout à l’heure ! Je ne suis sûrement pas assez bien pour avoir une conversation avec toi. Allez hop, à plus tard (elle le met dehors) Entrée de Julie

JULIE Maman ?

CAROLE (Lasse)

Qu’est-ce que tu veux Julie ? JULIE

Qu’est-ce que t’as ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Rien du tout ! Tu as raison, rien ne vaut l’authenticité ma chérie ! Voir la réalité telle qu’elle est ! Arrêter de se mentir ! C’est bien ce que tu voulais tout à l’heure non ?

JULIE

Euh…oui, mais pourquoi es tu dans un état pareil ?

CAROLE Un déclic soudain ! Tu vas voir, comment je vais te mettre une super ambiance ce soir à l’apéro ! Soirée vérité ! Ca va chauffer, je te le dis !

JULIE Mais qu’est-ce qui t’est arrivé maman ? T’as pas pris ton pied chez ton pédicure ou quoi ?

CAROLE (Rire jaune qui se transforme en pauvre rire triste)

Pour prendre son pied ma chérie, comme tu dis, deux c’est mieux !

JULIE Ben t’en as deux il me semble !

CAROLE Mais je te parle pas de ça… Tu peux pas comprendre…Je reviens, je vais me changer, pour être « belle » pour l’apéro… (Elle sort côté chambres) On sonne à la porte. Julie ouvre.

JULIE Madame Blanchard ?

MME BLANCHARD Ah, c’est la fille… Ses parents sont là ?

JULIE Les parents à qui ?

MME BLANCHARD A Mam’selle Champot

JULIE C’est moi Mademoiselle Champot, mais pourquoi vous vous adressez toujours aux gens en parlant à la troisième personne ?

MME BLANCHARD Je vois pas de troisième personne moi. On est que deux.

JULIE A la troisième personne !! Vous me parlez en disant « elle », alors que je suis en face de vous, c’est énervant ! J’ai toujours l’impression que vous parlez de quelqu’un d’autre !

MME BLANCHARD Oui, et ses parents sont là ?

JULIE Non. (Elle soupire bruyamment). Et qu’est-ce qu’elle voulait ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

30

MME BLANCHARD Qui ça ?

JULIE Ben vous ! Ah ! Vous voyez comme c’est désagréable !?

MME BLANCHARD Ils sont sortis non ?

JULIE Maman est occupée, papa est sorti. Pourquoi ?

MME BLANCHARD

Parce que j’ai dit un truc à son père tout à l’heure, au sujet d’un test de grossesse positif, et en fait…

JULIE Vous êtes enceinte ?

MME BLANCHARD Ah non, pas madame Blanchard non.

JULIE Je comprends rien à votre histoire, revenez quand mon père sera rentré. Vous le verrez bien arriver, avec le temps que vous passez derrière vos carreaux à guetter les gens…

MME BLANCHARD Je serais à sa place, j’éviterais d’être insolente comme ça…

JULIE

Mais vous n’y êtes pas, à ma place. Excusez, mais j’ai du taf. (Elle s’apprête à refermer la porte et se ravise). Oh dites…vous avez vu mon père pour les poubelles tout à l’heure ?

MME BLANCHARD Ah oui.

JULIE Bieeen ! Je voulais vérifier que les choses avaient été mises au point. On joue à un petit jeu aujourd’hui…

MME BLANCHARD Ah ça elles ont été mises au point, ça a bardé.

JULIE Parfait ! Je suis bien contente. Allez au revoir. (Elle lui ferme la porte au nez). Ah mais finalement il est moins lâche que je ne le pensais ! Il a été s’y frotter à la mère Blanchard…(Entrée de Fabrice en catimini.) Papa ? Le dragon sort d’ici, comment tu l’as évité ?

FABRICE Je me suis planqué dans les escaliers de l’étage au dessus en attendant qu’elle parte. Je vais pas me la coltiner deux fois aujourd’hui ! C’est une sale journée, mais quand même ! Si on peut limiter les dégâts !

JULIE En tout cas j’ai la preuve que t’es allé lui parler pour les poubelles, tu remontes vraiment dans mon estime depuis tout à l’heure ! Et pourquoi c’est une sale journée ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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T’as envoyé balader cette satanée bonne femme, et tu t’es enfin affirmé auprès de ton patron, c’est plutôt une super journée non ?

FABRICE Euh…ça dépend de l’angle de vue qu’on a… Et dis donc, toi, mademoiselle donneuse de leçons, chercheuse de vérité… T’as rien à me révéler par hasard ? Un truc du genre « nouvelle fracassante ? »

JULIE Si.

FABRICE (Tentant de reprendre une certaine autorité)

Je crois aussi ! Alors ?... J’écoute ! JULIE

Je crois que maman est bourrée. FABRICE

Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? JULIE

Je te dis qu’elle n’est pas dans son état normal !

FABRICE Non mais c’est pas vrai, il manquait plus que ça ! Entrée de Carole, en tenue de soirée (un peu boudinée) Carole ?... Ca va ?

CAROLE (Dans une position un peu bancale…)

Et voilà, encore raté ! FABRICE

De quoi qui est raté ? CAROLE

Mon entrée ! FABRICE

Mais t’as préparé à manger ? Je croyais qu’ils ne venaient que pour l’apéro ?

CAROLE Mon entrée !! Pas mon entrée !! (Elle essaie d’expliquer avec des gestes assez incohérents)

FABRICE (Perdu)

Hein ? JULIE

Tu vois, je t’avais dit qu’elle n’était pas nette.

CAROLE Allez, je te la refais ! Regarde bien, je te montre ! (Elle ressort côté chambres et rentre aussitôt). « Ouaah Carooole !! Tu es magnifiiique !! »

FABRICE (Réalisant la tournure délicate des choses)

Ah d’accord… ouh la…Mais, tu as mis ta robe de foirée ? Euh…de soirée ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Bravooo !! (Elle applaudit). Tu l’as vuu ! (Sarcastique) Ouaiiis ! (Petite danse de la joie, un peu exagérée)

FABRICE (Discrètement, à sa fille, en lui mettant un billet dans la poche)

File à la pharmacie ma puce, ça sent la prise de tête, on va avoir besoin d’aspirine.

JULIE D’accord j’y vais… (Elle sort côté entrée)

FABRICE

(Prenant une bonne respiration, sentant le vent venir) Qu’est-ce qui t’arrive ma chérie ?

CAROLE Je porte ma splendide robe du soir, c’est tout. Tu sais, celle qui, il y a vingt ans, te donnait des étoiles dans les yeux !? Tu te souviens pas, quand tu m’avais vue entrer dans la salle, tu en avais presque lâché ton verre ? Mais siii, tu sais bien, à l’époque où tu m’offrais des cadeaux, où tu savais même avant moi, ce qui me ferait plaisir !

FABRICE

Qu’est-ce qui t’est arrivé ? CAROLE (Dépitée)

J’ai vieilli. FABRICE

Non, je veux dire : qu’est-ce qui t’est arrivé, là, tout à l’heure ?

CAROLE (Même ton)

J’ai vieilli. FABRICE

D’un coup, comme ça ? CAROLE

Et ouais ! Paf, d’un coup ! Un peu avant 17h : bing ! Un coup de vieux !

FABRICE Mais tu allais bien tout à l’heure avant d’aller chez le podopédicurologue !

CAROLE Ouais, j’étais jeune. Mais ça, c’était avant !

FABRICE Je ne te suis pas, Carole

CAROLE Maiiis oui je le sais que tu ne me suis pas ! Tu ne me suis plus nulle part d’ailleurs ! Je peux aller chez le pédicure, le podomètre, la coiffeuse ou l’armoire, tu t’en fous alors…

FABRICE Tu veux pas t’asseoir un peu, là ? Je vais finir de préparer l’apéro, ils vont arriver.

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Avant tu me voyais belle dans tes yeux ! Enfin dans les miens…enfin c’est moi qui me voyais belle dans tes yeux, (devant la mine incrédule de Fabrice) Oui bon tu vois ce que je dire : je me sentais belle dans nos yeux… ! Tu m’achetais des fleurs et maintenant tu m’offres des cadeaux pourris…quand tu m’en offres, bien sûr !

FABRICE (Légèrement vexé)

Pardon ? Je t’offre des cadeaux pourris ?

CAROLE Pourris ! Tu tombes toujours à côté de la plaque, tu mets les deux pieds dans le plat…

FABRICE (Ironique)

Tu peux m’expliquer comment je peux être en même temps à côté de la plaque, et les deux pieds dans le…

CAROLE (Elle l’interrompt, furax)

J’ai pas du tout envie de rire !! Tu tombes à côté, les deux pieds dedans ! C’est tout ! Et moi, je te fais toujours croire que je suis contente ! Alors que j’en ai maaarre ! (Elle s’affale dans le fauteuil et sa robe craque). Ma rooobe !!!! (Elle se met à pleurer)

FABRICE (Un peu lâche, voulant éviter l’escalade)

Euh…Tu veux pas qu’on remettre cette discussion à demain ? Hein ?

CAROLE (Pleurant de façon bruyante et ridicule)

Ma robe a craquééé….. FABRICE

(Voulant se montrer compatissant) Ben oui mais bon, c’est normal aussi…Y’a longtemps que tu ne l’avais pas mise alors elle…euh…c’est l’émotion…elle était contente de te revoir…mais un peu surprise, sûrement…enfin je veux dire…

CAROLE (piquante)

Tu veux dire que j’ai grossi, en plus d’avoir vieilli ? C’est ça ?

FABRICE Ah non alors là, pas du tout ma chérie. J’ai pas du tout dit ça ! T’as pas vieilli !

CAROLE La vérité !! Allez vas-y !! Dis moi la vérité ! Je peux tout entendre !

FABRICE

(Essayant d’y mettre les formes) Eh bien euh… disons que la robe n’est peut-être plus adaptée aujourd’hui, il se peut, par exemple, qu’elle ait rétréci au lavage ou qu’elle se soit déformée dans l’armoire à force de s’ennuyer. L’ennui, ça déforme les choses. C’est bien connu.

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Ok. J’ai grossi !?

FABRICE (Capitulant)

Oui. Un peu. CAROLE (Furieuse)

Merci pour ta délicatesse ! FABRICE

Mais c’est toi qui me demandes la vérité !!

CAROLE Ouaiiis, ben moi aussi je vais t’en dire, de la vérité ! J’en ai plein des trucs de vérité à sortir !

FABRICE Oui, mais…nos amis vont arriver, tu ne veux pas qu’on voie ça tranquillement demain matin, à sec ? Enfin je veux dire…à…à tête reposée ?

CAROLE Pourquoi attendre le lendemain pour être honnête ? Moi c’est tout de suite ! Maintenant !

FABRICE D’accord, d’accord (inconfortable)…vas-y…Je t écoute…

CAROLE

(Grave et solennelle, prenant une grande inspiration, digne d’une tragédienne) Je n’étais pas chez le pédicure, j’étais avec un homme, qui a des mains d’une douceur époustouflante, sur qui je fantasme depuis des semaines, et dont je rêve toutes les nuits.

FABRICE (Il la regarde, marque un temps, puis éclate de rire)

Bon écoute, je ne sais pas où tu veux en venir, mais je ne comprends pas bien ton humour…

CAROLE (Prononçant distinctement et fortement les mots clés)

T’as pas entendu je crois ! Je n’étais pas chez le pédicure, j’étais avec un homme qui a des mains d’une douceur « épousfloutante », sur qui je fantasme depuis des semaines, et dont je rêve toutes les nuits !!

FABRICE (Après un instant)

Qui ça ? Toi ? CAROLE

Non, le pape !! … (Devant la tête ahurie de son mari) Oui MOI !!

FABRICE Je ne te crois pas.

CAROLE Ah bon, et pourquoi ? Je suis trop tarte pour avoir un amant ??

Anny Daprey – Sincère à rien !

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FABRICE Un quoi ?

CAROLE Un amant ! A-mant ! (Elle épelle) A –M –A –N…. (Elle réfléchit) N….N…

FABRICE D’accord…T’as un « amannn ». (Jouer avec la prononciation), et c’est qui ? On sonne. Fabrice ouvre à Véro et Rémi

REMI Salut Fafa !

VERO (Fermée)

Salut. FABRICE

Entrez… VERO

Ca n’a pas l’air d’aller, toi… REMI

Eh Carole !! (Un peu faux et mielleux) Ouah, tu es splendide !! (Carole arrive vers lui, molle). Tu vois Carole, je ne te l’ai jamais vraiment dit, mais tu es vraiment… belle. Tu es même…séduisante. Fafa a bien de la chance.

VERO

Non mais tu vas te calmer toi ? Qu’est-ce qui te prend ?

CAROLE Tu le penses vraiment Rémi ?

REMI Tu es très en beauté. Cette robe est superbe.

FABRICE (Discrètement, à Rémi)

Elle a craqué. REMI

Aah, tu as bien fait de craquer ! Elle te va bien.

FABRICE Non, c’est pas Carole, c’est la robe qui a… craqué.

CAROLE Et t’es obligée de souligner ce détail, pour m’humilier en plus ??

VERO La délicatesse masculine à l’œuvre !

REMI (Mielleux et maladroit)

Peu importe ce détail. En tout cas j’insiste, tu es très belle. (Véro le fusille du regard)

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Merci. J’avais vraiment besoin d’entendre ça. Ca ne te gêne pas, Véro, j’espère, que Rémi me fasse un compliment ?

FABRICE (Légèrement suspicieux)

Noon, bien sûr que non. CAROLE

Tu t’appelles Véro toi ? VERO

Noon, bien sûr que non. FABRICE

Venez vous asseoir, tiens, pose ton manteau là bas si tu veux.

REMI C’est moi ou vous êtes un peu tendus ?

FABRICE

C’est toi. CAROLE

Pas du tout : on est tendus. Je vous préviens tout de suite, c’est pas une soirée où j’ai envie de faire semblant. Ca va saigner !

VERO

Ca tombe très bien Carole ! Moi non plus je n’ai pas envie de faire semblant ! Je crois qu’on a plein de choses à se raconter. N’est-ce pas Rémi ?

REMI

Je vois pas trop de quoi tu parles… FABRICE

Tu bois quoi, Rémi ? REMI

Un whisky. Mais un petit. FABRICE

Véro ? VERO

Un whisky. Mais un grand. FABRICE

Je crois que je vais m’en envoyer un aussi.

CAROLE Et moi, je pue le pâté ?

FABRICE Deux minutes Carole, surtout que t’as pris une légère avance…Un vin cuit je suppose ?

CAROLE Non. Pas de cuit. J’veux rien de cuit ! J’veux du cru ! Du cru, du cru ! Du brut, du sec, du cru, un truc qu’arrache !

FABRICE Ah bon, mais ça fait vingt ans que tu bois du vin cuit ! Tu ne bois que du vin cuit !

Anny Daprey – Sincère à rien !

37

CAROLE (Sèche)

Et alors ? J’ai envie de changer ! Et y’a pas que l’apéro que j’ai envie de changer, d’ailleurs !

VERO Tu as eu une sale journée, c’est ça ?

CAROLE Tu ne peux pas imaginer !

VERO J’en sais peut-être plus que tu ne le penses !

CAROLE

Je ne crois pas, non. VERO

Ah parce que tu ne connais pas la nouvelle ? Ha ha….mais si tu ne la connais pas, Rémi va adorer te l’annoncer ! N’est ce pas Rémi, que tu as quelque chose à annoncer, de trèèès intéressant ??

REMI J’ai en effet quelque chose à dire, mais tu n’es pas au courant de l’affaire, à priori.

VERO Ah tu crois ça ?! Et si justement, j’avais tout découvert ?

FABRICE Est-ce qu’on pourrait tous se mettre sur la même chaîne, là ? Parce que moi, je ne capte rien !!

CAROLE C’est pas nouveau. Tiens, sers moi donc une vodka, que j’aille changer de tenue, puisque ma robe a rétréci au lavage ! Qu’est ce que c’est pénible, ces lessives rétrécissantes ! Elle sort côté chambres en claquant la porte.

REMI Mais qu’est-ce qu’elle a ?

FABRICE Un amant.

REMI-VERO Quoi ??

VERO Non c’est pas possible, j’y crois pas. Je vais lui parler ! (Elle sort côté chambres)

FABRICE Je ne sais pas si je comprendrai les femmes un jour. Pourquoi elle veut me faire croire qu’elle a quelqu’un, j’en sais rien du tout. Allez, on trinque. A la tienne. Bon et toi, ça va ?

REMI Ouais…C’est un peu tendu avec Véro aussi, c’est pour ça, on va peut-être partir en vacances…

FABRICE En vacances ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

38

REMI Elle rêve de voir Florence

FABRICE Sa sœur ?

REMI Mais non, la ville ! Tu sais bien qu’elle adore l’Italie !

FABRICE Ah oui…Mais dis moi…Hum…Ca veut dire que…hum… va mieux les finances alors ?

REMI Oui c’est bon, j’ai bien remonté, faut dire que tu m’as bien aidé, Fafa, en me prêtant cet argent…

FABRICE Eh oui…Alors justement…

REMI Là faut que je soigne mon couple. L’Italie va nous sauver.

FABRICE Euh…oui… Enfin nous, du coup, ça va être un peu serré le budget, il m’arrive une tuile... Donc ben…ça tombe bien que toi, ça aille mieux, comme ça…ben…comme ça…

REMI Mais je peux pas t’en prêter par contre. J’en ai besoin pour aller à Florence, tu comprends ?

FABRICE Oui…non mais d’accord mais bon, je ne te demande pas de m’en prêter, mais juste si tu pouvais, comment dire… ben…

REMI Oui, je sais, pour les mille euros, c’est ça ?

FABRICE

Les mille euros ? Quels mille euros ? REMI

Ceux que je te dois. FABRICE

Pardon ? Euh…non mais Rémi, excuse moi, mais j’ai quand même bonne mémoire, c’est pas mille euros que je t’ai prêté !

REMI Ben non, je sais, au départ y’avait cinq mille.

FABRICE Oui…Et donc ?

REMI Ben c’est ça qui me gêne, mais je peux pas te redonner les 1000 tout de suite. J’en profite pour te dire ça, pendant que Véro est de l’autre côté. Elle me prend pour un raté et ne sait pas que tu m’as prêté de l’argent. Je ne lui ai rien dit. Mais maintenant que j’ai bien remonté mon compte en banque, c’est dans son estime que je veux remonter. J’ai vraiment besoin de l’emmener en voyage, tu me suis ou pas ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

39

FABRICE Mais qu’est-ce que tu me racontes ? Tu peux pas être un peu plus clair ??

REMI

Ok, ça me gêne mais bon : est ce que tu serais d’accord pour que je te rembourse les mille euros restant, dans deux mois ? Je sais, ça fait encore un délai supplémentaire mais faut que tu comprennes que je ne peux pas laisser passer l’occas…

FABRICE Atten-ten-ten-tends…..Les mille euros « restant » ? Comment ça les mille euros « restant » ?

REMI Ben oui…les mille euros restant ! Sur les cinq mille…les mille euros qui restent quoi !

FABRICE

Mais les quatre mille autres…Y sont où les quatre mille autres ?

REMI Lesquels ? Ceux que j’ai rendus ?

FABRICE Tu les as rendus ? Mais…à qui ???

REMI Ben à Carole !!

FABRICE Quoi ??

REMI Ben oui ! Y’a au moins trois mois ! (Tête stupéfaite de Fabrice) Entrée de Julie

JULIE Coucou ! Tiens papa, je t’ai ramené de l’aspirine, en prévision ! Alors Rémi, ça gaze ? Depuis tout à l’heure ?

FABRICE (Sous le choc, n’ayant pas quitté Rémi du regard))

Trois mois ? Comment ça trois mois ?? JULIE

Ah, j’ai loupé l’annonce ? Véro a déjà lâché le morceau ?

REMI Quel morceau ? (Complètement perdu, passant de l’un à l’autre). Quel morceau ?

JULIE Bah…qu’elle était enceinte, elle l’a dit ? De trois mois alors ? Ah c’est pour ça que ça se voit pas encore…

FABRICE-REMI (Abasourdis)

Hein ?? JULIE

Ah mince elle l’avait pas encore annoncé ? Oups…bon ben soyez sympas, faites comme si vous n’aviez rien entendu parce qu’elle va m’en vouloir d’avoir grillé sa surprise. Vous parliez de quoi alors ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

40

Les deux hommes, sonnés, sont tous les deux, leur verre à la main, bouche bée. Ils boivent une gorgée en même temps, les yeux dans le vague. Entrée de Véro

VERO Je ne sais pas ce que tu lui as fait Fabrice, mais elle t’en veut ! Les deux hommes sont toujours momifiés.

JULIE Alors Véro, ça va ?

VERO Qu’est-ce qu’ils ont ? (Aux hommes) Qu’est- ce que vous avez ?

FABRICE

Faut que je parle à Carole. Sérieusement.

JULIE (À son père)

Pourquoi, qu’est-ce qui se passe ? VERO

Crois moi, tu ferais mieux de rester zen et de garder profil bas !

JULIE (À Véro)

Pourquoi, qu’est-ce qui se passe ? FABRICE

Ah parce que c’est moi qui dois adopter profil bas ! Avec ce que je viens d’apprendre !

JULIE (Tentant à nouveau sa chance, se tournant vers son père)

Pourquoi, qu’est-ce qui se passe ? FABRICE

Qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qui se passe ? T’en as pas une petite idée ?

JULIE Je sais pas moi… (Voulant faire de l’humour) maman a un amant ? (Elle rit, contente d’elle, et s’arrête net quand elle voit le regard figé des trois autres sur elle). Oh ! C’est bon ! Je rigole ! (Dévisageant chacune des trois personnes). Quoi…

FABRICE Tu es au courant ?

JULIE De quoi ?

FABRICE Ta mère est en pleine crise.

JULIE Ca oui, j’ai remarqué.

FABRICE Et tu sais pourquoi ?

JULIE Non mais comme vous êtes en « mode vérité », tout va s’éclaircir !

Anny Daprey – Sincère à rien !

41

REMI En mode vérité ?

FABRICE Bon, arrête avec ça Julie… C’est marrant cinq minutes mais bon..

VERO

C’est quoi en « mode vérité » ? JULIE

J’ai demandé aux parents d’être authentiques pendant douze heures, j’ai parié qu’ils n’y arriveraient pas. Je ne supporte plus l’hypocrisie de l’être humain.

VERO

A qui le dis tu !! N’est-ce pas Rémi ? Et si tu adoptais,toi, le mode vérité ?? Juste cinq minutes, pour rigoler ?

REMI Mais…mais…je vois pas pourquoi tu me dis ça…

FABRICE Ecoute Julie, t’es en plein questionnement existentiel, je peux comprendre mais là, je t’assure que c’est pas le moment de nous bassiner… Surtout que tu n’es pas, il me semble, en bonne posture pour nous donner des leçons d’intégrité !!

VERO C’est pas faux !!

JULIE Je ne vois pas pourquoi tu me dis ça…

VERO Ah ! On a deux miros qui ne voient rien ! Comme par hasard !...Eh bien moi, je vais vous dire un truc : je ne suis pas sûre que notre amitié résiste à une soirée vérité ! D’ailleurs on va vite le savoir !

JULIE C’est peut-être la première fois que vous aurez une soirée intéressante ensemble !

FABRICE (Outré)

Julie ! On sonne à la porte. Julie ouvre à madame Blanchard

JULIE C’est encore vous madame Blanchard ?

MADAME BLANCHARD Si elle pouvait éviter de balancer ses robes sur mon balcon ! (Elle brandit la robe de soirée de Carole)

FABRICE C’est la robe de ma femme !

MME BLANCHARD Je me doute que c’est pas celle du mari ! Et on peut savoir pourquoi elle a atterri sur mon balcon ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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FABRICE Ma femme ?

MME BLANCHARD Mais non, la robe !

FABRICE Elle a dû sauter de notre fenêtre. Le désespoir sans doute…

MADAME BLANCHARD Non pasque moi je vais pas passer la soirée à remonter des robes !

FABRICE Ah ça : nous non plus !

REMI Dommage d’ailleurs… (Il rit bêtement, content de lui, sous le regard assassin de Véro)

MADAME BLANCHARD Je voulais préciser une petite chose tout à l’heure, pour ce que j’ai dit, là, au sujet de la poubelle…

FABRICE Ecoutez Madame Blanchard, si on pouvait en reparler demain, parce que là, c’est pas trop le moment, on est entre amis…D’accord ? Avec tout le respect que je vous dois, bien entendu…

MADAME BLANCHARD Ah ben c’est comme il veut…

FABRICE Merci pour la robe.

MADAME BLANCHARD Je vous préviens : elle est un peu déchirée.

REMI Oui, sa propriétaire aussi

MADAME BLANCHARD Hein ?

FABRICE Rien rien... Merci. Au revoir. Il ferme la porte.Entrée de Carole, en vieux jogging et sweat à capuche

CAROLE (Agressive)

Voilà ! Je suis prête pour l’apéro. JULIE

Ouh la… Le look ! Yo ! Yo ! Attention, ça va rapper !

REMI Ou déraper, plutôt…non ?

FABRICE Pourquoi as-tu jeté ta robe par la fenêtre ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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CAROLE Et toi, pourquoi l’as-tu récupérée ?

FABRICE C’est la mère Blanchard qui vient de la ramener

JULIE Ca, pour la ramener, elle la ramène, celle là…

FABRICE La robe est tombée sur son balcon ! Bonjour les commérages que tu vas nourrir !

CAROLE Mais non j’vais pas mourir…. Alors ? Vous étiez sur quel sujet ?

JULIE L’authenticité ! (Son portable sonne) . Ah zut….Allo ? Ouais, salut !...Ca va et toi ? (Elle sort tout en discutant au téléphone)

VERO Ta fille nous a expliqué quel défi elle vous avait lancé ! Je joue avec vous. Qui commence ? Rémi ?

REMI Moi je crois surtout, en toute franchise, qu’on pourrait reporter l’apéro à une autre fois, quand ce sera moins tendu…

FABRICE Mais non penses-tu…Hum hum…(essayant de briser la glace) alors ma chérie, tu t’es mise à l’aise ? C’est bien… T’as retrouvé un…un…pantalon confortable ?

CAROLE

Puisque de toute façon ça ne sert à rien que je m’habille correctement ! Autant que j’enfile un jogging pourri ! Et puis je vais te dire, je peux en bouffer des chips avant qu’il craque, celui là !! Tiens ! Regarde ! (Elle prend une poignée de chips et met tout dans sa bouche)

REMI Mais qu’est ce qui t’arrive Carole ? On ne t’a jamais vu comme ça !

CAROLE …. (Les mots qui sortent sont incompréhensibles à cause des chips, on devine juste le dernier mot, non sans postillons de chips…) moche ! Moche !

VERO Je vais te dire ma vieille…

CAROLE (Hystérique)

Me dis pas que j’suis vieille !! VERO

C’est une expression ! Je voulais dire : toi, au moins, tu n’as pas été trahie lamentablement !

REMI Pardon ?

Anny Daprey – Sincère à rien !

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VERO Eh ouais mon coco ! Cet après midi, j’ai tout découvert !

REMI Comment ça ?

VERO Je sais tout ! T’as pas honte ?

FABRICE Bon écoute Véro, c’est pas si grave s’il ne t’a rien dit…

VERO Pas si grave ? Il va être père, et c’est pas si grave ??

REMI Oh purée, mais c’est vrai alors ?

VERO Tu dois le savoir mieux que moi non ? Espèce d’enfoiré ! Tu sais quand même bien où t’as trempé ton biscuit !!

CAROLE Quoi ? Tu vas être père ? Mais tu vas être le père de qui ?

VERO Demande donc à ta fille !

FABRICE Ca y est, je suis encore paumé moi…

VERO Tu vas être grand père, Fabrice !! Tu piges ?

CAROLE (Sous le choc)

Hein ?? VERO

Rémi a couché avec ta fille ! Julie est enceinte !!

REMI Non mais ça va pas ?

FABRICE Quoi ? Julie est enceinte ?? Mais de qui ?

CAROLE Elle vient de te le dire ! C’est quand le jour où tu te décides à écouter les gens quand ils parlent ??

REMI Non mais ça va pas la tête ??

CAROLE (Continuant sur sa lancée)

T’écoutes jamais rien ! Il vient de te dire qu’il a couché avec notre fille ! (Elle marque un temps d’arrêt, réalisant ce qu’elle vient de dire). Quoi ? T’as couché avec notre bébé ??

Anny Daprey – Sincère à rien !

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REMI Mais jamais de la vie ! Vous êtes fous !

VERO Elle a avoué. Pas la peine de mentir.

REMI Non mais je nage en plein cauchemar !

FABRICE Tant que tu nages encore, c’est bon signe. Moi je suis coulé.

CAROLE T’as coulé avec notre….t’as couché avec notre bébé ?

REMI Mais vous êtes malades ? Moi avec Julie ! Mais voyons, y’a à peine quelques années elle portait encore des couches !

VERO

Eh oui, la roue tourne, bientôt c’est elle qui t’en mettra !

REMI Mais ça va pas ? Qu’est-ce qui peut vous faire croire un truc pareil ?? Entrée de Julie

JULIE Alors, vous en étiez où ?

CAROLE Eh bien nous venons d’apprendre que tu es enceinte !

JULIE Ah bon, je suis enceinte ? C’est intéressant ! Et de qui ?

REMI De moi, ma pauvre Julie !

FABRICE Quoi ??

JULIE Ah ? Très drôle, surtout que je ne suis pas au courant ! Non mais c’est quoi ce délire ? Je suis pas du tout enceinte, et si je l’étais, je choisirais pour mon enfant un père pas trop moche, et pas trop vieux, merci !

REMI (Vexé)

Oui : merci ! JULIE

Vous vous trompez de personne ! Hein Véro ?

VERO Je t’ai entendu dire tout à l’heure que ton test était positif !

Anny Daprey – Sincère à rien !

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JULIE Ah non mais….aaah ok ! Je vois ! Nan mais t’as mal compris…Il ne s’agissait pas de ça. Je te laisse l’exclusivité, tu vois.

CAROLE L’exclusivité de quoi ?

JULIE De la maternité.

VERO Qu’est-ce que tu me chantes ? Je suis pas enceinte moi !

JULIE Ben moi non plus !

VERO Mais si !

JULIE Mais non ! C’est toi qui l’es !

VERO Mais non !

JULIE Mais si !

VERO Je sais peut-être mieux que toi non ??

JULIE Moi aussi je sais mieux que toi !

FABRICE Stooop ! Bon, je vous préviens, on va arrêter de tourner autour du pot, j’ai la preuve formelle que quelqu’un, ici même, attend un bébé !

CAROLE Pff… la preuve, la preuve…. Je vois pas comment tu peux l’avoir, la preuve… ! T’es gyneco ?

FABRICE Non. Mais j’ai eu des fuites.

VERO Ah ben c’est l’âge, qu’est-ce que tu veux…Ca commence comme ça…Tu vas porter des couches comme Rémi…

REMI Bon t’es pas drôle Véro….

FABRICE Arrêtez d’éviter le sujet ! Je vous dis que j’ai mes sources…Et des sources sûres ! Je le sais formellement.

REMI Mais qui a raconté ces salades ? Est-ce Carole ?

CAROLE « Est-ce Carole, est-ce Carole » ! Les « scaroles » ne racontent jamais de salades ! Elles « mâchent » leurs mots ! Par contre si je tourne vinaigre tu vas finir assaisonné,je te le garantis !

Anny Daprey – Sincère à rien !

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FABRICE Je vous rappelle que nous sommes en mode vérité ! Alors ?… C’est-qui-qu’est enceinte ?? Le portable de Julie sonne à nouveau.

JULIE Pas moi ! (Elle décroche) Allo ? Ouais salut Sam…Ouais attend… (Elle sort)

FABRICE Je répète : c’est qui-qu’est-enceinte ?

VERO Mais c’est pas moi enfin !

REMI Ni moi ! Silence pendant un court instant, et soudain tout le monde tourne la tête en même temps vers Carole. Elle prend tranquillement une poignée de chips, imperturbable. Son mari porte les mains à sa bouche, soudainement paniqué. ……………………………….. Pour avoir la suite, contactez l’auteur [email protected] Merci de votre compréhension ☺