Sida et discriminations

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Élise Marsicano * , Rosemary Dray-Spira * , France Lert * , Christine Hamelin ** et le groupe ANRS-Vespa2 En France, les personnes vivant avec le VIH, c’est-à-dire séropositives, ont accès à des traitements antirétroviraux qui contrôlent l’infection et devraient leur assurer une vie normale. Ce n’est malheureusement pas le cas. Utilisant une enquête nationale représentative menée en 2011, Élise Marsicano, Rosemary Dray-Spira, France Lert et Christine Hamelin décrivent les discriminations auxquelles ces personnes font face, que ce soit au travail, chez le médecin ou à l’hôpital, en famille, et distinguent celles liées à leur séropositivité de celles liées à d’autres motifs. Les personnes vivant avec le VIH face aux discriminations en France métropolitaine La lutte contre les discriminations est au cœur des poli- tiques vis-à-vis du VIH/sida depuis les premières années de l’épidémie. Si la diffusion de traitements efficaces à partir de 1996 a transformé le sida en une maladie chro- nique, les représentations stigmatisantes envers les per- sonnes séropositives n’ont pas disparu [1] et continuent aujourd’hui de faire obstacle à la prévention, au dépistage et à l’insertion sociale des personnes vivant avec le VIH [2]. L’épidémie étant concentrée dans certains groupes de la population (homosexuels masculins, femmes et hommes usagers de drogue, femmes et hommes immigrés (1) d’Afrique subsaharienne), les personnes vivant avec le VIH sont exposées non seulement aux discriminations liées à leur séropositivité mais également à d’autres discrimina- tions, notamment au racisme et à l’homophobie. L’enquête ANRS-Vespa2 (encadré 1) permet de mesurer la fréquence de diverses formes de discriminations envers les personnes séropositives. Elle a été réalisée en 2011 auprès d’un échantillon représentatif de personnes atteintes par le VIH. Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes représentent 40 % de la population séropositive étudiée, les hommes et les femmes immigrés d’Afrique subsaharienne 24 % (respectivement 8 % et 16 %), et les * Institut national de la santé et de la recherche médicale. ** Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. (1) Personnes nées étrangères à l’étranger. (2) L’enquête Trajectoires et Origines (TeO), menée en 2008 par l’Ined en collaboration avec l’Insee, s’intéressait notamment à la fréquence et au retentissement des discriminations sur les parcours des individus. hommes et les femmes usagers de drogue injectables 11 % (respectivement 7 % et 4 %). Les hommes et les femmes hétérosexuels non immigrés d’Afrique subsaharienne représentent 26 % de la population séropositive, répartis de façon égale entre les deux sexes. Plusieurs approches permettent de mesurer les discrimi- nations : la méthode résiduelle, le testing, les discrimina- tions ressenties [3]. C’est cette mesure subjective des dis- criminations ressenties qui a été retenue ici. Elle s’appuie sur la méthode proposée dans l’enquête nationale Trajec- toires et Origines (TeO) (2) afin de limiter les biais de décla- ration [4]. Le questionnaire de l’enquête Vespa2 porte sur Encadré 1. Vespa2, enquête sur les personnes vivant avec le VIH en France métropolitaine L’enquête ANRS-Vespa2 * est une enquête représentave de la populaon séroposive suivie à l’hôpital en France métropoli- taine en 2011 [5]. Elle a été réalisée auprès de 3 022 personnes vivant avec le VIH (taux de parcipaon : 58 %). Pour y parciper, les personnes devaient être âgées de 18 ans ou plus, être séro- posives pour le VIH-1 avec un diagnosc datant d’au moins 6 mois et résider en France depuis au moins 6 mois. Les parcipants ont été inclus dans l’échanllon par leur médecin le jour de la consultaon. À l’issue de la consultaon médicale, l’entreen a été réalisé en face-à-face par un enquêteur spécia- lisé. Les quesons portaient notamment sur les condions de vie et l’état de santé. * ANRS : Agence naonale de recherches sur le sida et les hépates virales Vespa2 : VIH - Enquête sur les personnes aeintes - 2 e édion. English Version www.ined.fr Population Sociétés & numéro 516 Novembre 2014 Population & Sociétés bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques Numéro 516 Novembre 2014

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Discriminations liées au SIDA

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  • lise Marsicano*, Rosemary Dray-Spira*, France Lert*, Christine Hamelin** et le groupe ANRS-Vespa2

    En France, les personnes vivant avec le VIH, cest--dire sropositives, ont accs des traitements antirtroviraux qui contrlent linfection et devraient leur assurer une vie normale. Ce nest malheureusement pas le cas. Utilisant une enqute nationale reprsentative mene en 2011, lise Marsicano, Rosemary Dray-Spira, France Lert et Christine Hamelin dcrivent les discriminations auxquelles ces personnes font face, que ce soit au travail, chez le mdecin ou lhpital, en famille, et distinguent celles lies leur sropositivit de celles lies dautres motifs.

    Les personnes vivant avec le VIH face aux discriminations en France mtropolitaine

    La lutte contre les discriminations est au cur des poli-tiques vis--vis du VIH/sida depuis les premires annes de lpidmie. Si la diffusion de traitements efficaces partir de 1996 a transform le sida en une maladie chro-nique, les reprsentations stigmatisantes envers les per-sonnes sropositives nont pas disparu [1] et continuent aujourdhui de faire obstacle la prvention, au dpistage et linsertion sociale des personnes vivant avec le VIH [2]. Lpidmie tant concentre dans certains groupes de la population (homosexuels masculins, femmes et hommes usagers de drogue, femmes et hommes immigrs(1)dAfrique subsaharienne), les personnes vivant avec le VIH sont exposes non seulement aux discriminations lies leur sropositivit mais galement dautres discrimina-tions, notamment au racisme et lhomophobie.Lenqute ANRS-Vespa2 (encadr1) permet de mesurer la frquence de diverses formes de discriminations envers les personnes sropositives. Elle a t ralise en 2011 auprs dun chantillon reprsentatif de personnes atteintes par le VIH. Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes reprsentent 40% de la population sropositive tudie, les hommes et les femmes immigrs dAfrique subsaharienne 24% (respectivement 8% et 16%), et les

    *Institut national de la sant et de la recherche mdicale.

    **Universit de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.(1)Personnes nes trangres ltranger.(2)Lenqute Trajectoires et Origines (TeO), mene en 2008 par lIned en collaboration avec lInsee, sintressait notamment la frquence et au retentissement des discriminations sur les parcours des individus.

    hommes et les femmes usagers de drogue injectables 11 % (respectivement 7% et 4%). Les hommes et les femmes htrosexuels non immigrs dAfrique subsaharienne reprsentent 26% de la population sropositive, rpartis de faon gale entre les deux sexes. Plusieurs approches permettent de mesurer les discrimi-nations: la mthode rsiduelle, le testing, les discrimina-tions ressenties [3]. Cest cette mesure subjective des dis-criminations ressenties qui a t retenue ici. Elle sappuie sur la mthode propose dans lenqute nationale Trajec-toires et Origines (TeO)(2) afin de limiter les biais de dcla-ration [4]. Le questionnaire de lenqute Vespa2 porte sur

    Encadr1. Vespa2, enqute sur les personnes vivant avec le VIH

    en France mtropolitaine

    Lenqute ANRS-Vespa2* est une enqute reprsentative de la population sropositive suivie lhpital en France mtropoli-taine en 2011 [5]. Elle a t ralise auprs de 3 022 personnes vivant avec le VIH (taux de participation : 58 %). Pour y participer, les personnes devaient tre ges de 18 ans ou plus, tre sro-positives pour le VIH-1 avec un diagnostic datant dau moins 6 mois et rsider en France depuis au moins 6 mois. Les participants ont t inclus dans lchantillon par leur mdecin le jour de la consultation. lissue de la consultation mdicale, lentretien a t ralis en face--face par un enquteur spcia-lis. Les questions portaient notamment sur les conditions de vie et ltat de sant.

    * ANRS : Agence nationale de recherches sur le sida et les hpatites virales Vespa2 : VIH - Enqute sur les personnes atteintes - 2e dition.

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    numro 516 Novembre 2014 Population & Socits bulletin mensuel dinformation de lInstitut national dtudes dmographiques

    Numro 516Novembre 2014

  • lexprience dune ingalit ou dune injustice dans plu-sieurs circonstances de la vie quotidienne et sur lattribu-tion de celle-ci un motif discriminatoire (sropositivit, couleur de peau, orientation sexuelle, sexe) (encadr2).

    Un quart des personnes sropositives dclarent avoir subi des discriminations

    Les discriminations constituent une exprience frquente pour les personnes sropositives. Tout motif confondu, plus dun quart des rpondants (26%) rapportent des traitements discriminatoires au cours des deux annes prcdant lenqute. Cette frquence est leve si lon considre quenviron 20% des personnes interroges dans lenqute TeO dclarent avoir subi des discrimina-tions au cours des cinq dernires annes [4].

    Quelles que soient leurs caractristiques et leur groupe, et contrairement ce que lon observe dans lenqute TeO, les femmes dclarent plus de discrimina-tion que les hommes dans la population sropositive. Les femmes sropositives immigres dAfrique subsaha-rienne et les usagres de drogue sont prs de 4 sur 10

    tmoigner de discriminations tandis que les hommes sropositifs htrosexuels non immigrs dAfrique sub-saharienne sont un peu plus de 1 sur 10 (figure1).

    Les motifs de discrimination : sropositivit, couleur de peau et orientation sexuelle

    La sropositivit constitue une condition commune lensemble des personnes interroges. Il sagit du principal motif de discrimination dclar puisquil est rapport par 13% des personnes sropositives. On retrouve ici la hi-rarchie dcrite prcdemment: les femmes ainsi que les hommes usagers de drogue dclarent deux fois plus sou-vent des discriminations lies leur sropositivit que les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, que ceux immigrs dAfrique subsaharienne et que les htro-sexuels non immigrs dAfrique subsaharienne (figure1).Les personnes vivant avec le VIH sont galement expo-ses aux discriminations racistes et homophobes : la couleur de peau, les origines ou la nationalit ainsi que lorientation sexuelle sont rapportes chacune par 5% des personnes interroges (figure2). En revanche, bien que les femmes sropositives tmoignent de plus de discrimination que les hommes sropositifs, le sexe est trs rarement cit comme motif (1%). Les autres motifs de discrimination sont rapports par moins de 3% des personnes interroges.

    Des situations sociales ingalement discriminatoires

    Toutes les personnes sropositives ne sont pas concer-nes par les diffrentes situations sociales et donc expo-ses de la mme faon aux discriminations. Certaines situations concernent lensemble de lchantillon (famille, soins) tandis que dautres nen concernent quune partie (recherche demploi, travail).

    Parmi les personnes vivant avec le VIH, 11% dclarent avoir subi des traitements discriminatoires au sein de la famille et 8% dans les services de sant. Parmi les per-sonnes qui travaillaient lors de lenqute, soit la moiti de lchantillon, 6% rapportent des discriminations au travail. La frquence leve de la discrimination lembauche fait de la recherche demploi un contexte particulirement discriminatoire; rappelons quune personne sur trois a t en recherche demploi au cours des deux dernires annes dans la population sropositive. Lcart entre les niveaux de discrimination dans le travail et dans la recherche demploi, galement observ dans lenqute TeO, tmoigne de lexposition plus frquente aux discrimina-tions dans laccs au march du travail, ou dune sensibi-lit plus leve ce type de discrimination, et peut aussi renvoyer des formes plus explicites de traitements injustes dans cette situation [6].

    Lanalyse qui suit a pour objectif de comparer les niveaux de discrimination au sein de chaque groupe de la population sropositive en tenant compte de lge, du

    Encadr 2 : La mesure des discriminations

    Le questionnaire de lenqute Vespa2 porte sur les traitements injustes subis par les personnes sropositives au cours des deux annes prcdant lenqute dans diffrentes situations sociales de la vie quotidienne, ici dnommes sphres : services de soins, travail, recherche demploi, famille, services publics, lieux de loisirs.

    Exemples de questions :

    Au cours des deux dernires annes Est-il arriv quun mdecin de ville refuse de vous soigner ? Est-il arriv quon refuse de vous soigner dans un hpital ? Est-il arriv quun mdecin ou du personnel mdical vous traite moins bien ou vous reoive plus mal que les autres patients ? ;

    Au cours des deux dernires annes Est-il arriv quon vous traite mal dans votre famille ? Est-il arriv quon vous traite mal loccasion dune fte, une soire ou un vnement familial ? . Pour chaque sphre, les personnes sropositives qui dclaraient des traitements injustes taient interroges sur les motifs de ces traitements : Pensez-vous que ctait cause de (plusieurs rponses possibles) : vos origines ou votre nationalit, votre cou-leur de peau, votre sexe, votre orientation sexuelle, votre sropo-sitivit, votre usage dalcool, votre usage de drogue actuel ou pass, votre faon de vous habiller, le lieu o vous vivez, la rpu-tation de votre quartier, parce que vous tes la CMU* ou lAME*, autres motifs (prcisez).

    Les dclarations de traitements injustes attribus un ou plu-sieurs des motifs discriminatoires proposs (auxquels sajoutent les motifs en clair tels que le handicap, le surpoids, etc.) taient alors considres comme de la discrimination.

    Note : Le choix de restreindre le recueil des discriminations aux deux dernires annes (plutt que cinq ans comme dans len-qute TeO) se justifie par les dures variables danciennet du diagnostic VIH et donc dexposition aux discriminations lies au VIH.

    * CMU= Couverture maladie universelle ; AME=Aide mdicale de ltat.

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  • niveau dtudes et du statut demploi. Les analyses sont menes sparment dans la famille, les services de sant, la recherche demploi et le travail. La catgorie de rf-rence pour les analyses multivaries est celle des hommes htrosexuels non immigrs dAfrique subsa-harienne, groupe le moins expos la discrimination fonde sur le sexe, la couleur de peau et lorientation sexuelle.

    La sphre familiale

    Une personne sropositive sur dix dclare des discrimi-nations dans sa famille au cours des deux dernires annes. Particulirement discriminatoire pour les femmes sropositives, la famille lest aussi pour les mino-rits masculines sropositives que sont les homosexuels masculins et les usagers de drogue.

    Par rapport aux hommes sropositifs htrosexuels non immigrs dAfrique subsaharienne, les hommes sropositifs ayant des rapports sexuels avec des hommes rapportent de plus hauts niveaux de discrimination, rappelant la force des discriminations homophobes dans la famille. Cest galement le cas pour les usagers de drogue sropositifs en raison du stigmate li la toxico-manie et aux difficults que lusage de drogue engendre dans les relations familiales. Les hommes htrosexuels non usagers de drogue, quils soient ou non migrants, sont les moins exposs aux discriminations dans cette sphre, ce qui renvoie leur position dominante dans lespace familial.

    Les personnes sropositives sans emploi rapportent plus frquemment des discriminations dans leur famille que celles en emploi. Occuper un emploi assure une

    certaine scurit qui peut contribuer rduire la fois le sentiment de discrimination et les traitements discrimi-natoires [7], les personnes qui travaillent bnficiant galement dune meilleure intgration et dune recon-naissance dans lespace familial.

    Les services de soins

    Les discriminations envers les femmes sropositives consti-tuent un phnomne transversal qui sexprime cependant diffremment selon les situations sociales. Les services de sant sont la seule sphre dans laquelle les femmes, quel que soit leur groupe, tmoignent plus souvent de discri-mination que les hommes. Cette surdclaration des femmes dans la sphre du soin a galement t observe dans lenqute TeO, quoiqu des niveaux moindres [6]. Les discriminations envers les femmes sropositives seraient potentiellement exacerbes car, du fait de la mala-die VIH, ces femmes seraient perues comme drogeant leur rle social de mre et de femme [8].

    Les discriminations dans les services de sant suivent un gradient selon lge: plus les personnes sropositives sont jeunes, plus elles rapportent de discriminations, constat galement fait dans lenqute TeO. Les personnes sropositives sans emploi rapportent plus de discrimina-tions dans le soin que les personnes en activit. Ainsi malgr les principes duniversalit et dgalit inscrits dans la dontologie des soignants, la prcarit expose aux traitements discriminatoires; il se peut aussi que celle-ci en accentue la perception. Ce constat nest pas spcifique aux personnes sropositives : dautres tudes ont montr que, dans les services de sant, la discrimination sociale est plus importante que la discrimination raciste [9].

    Champ : ensemble de la population tudie (3 022 personnes sropositives).Source : enqute ANRS-Vespa2, 2011.Lecture : 24 % des hommes sropositifs ayant des rapports sexuels avec des hommes dclarent avoir subi une discrimination dans au moins une sphre au cours des deux dernires annes pour tout motif.

    Figure 1. Proportion de personnes sropositives ayant dclar des discriminations, tout motif confondu et en raison de la sropositivit, par

    groupes socio-pidmiologiques

    Champ : ensemble de la population tudie (3 022 personnes sropositives).Source : enqute ANRS-VESPA 2, 2011.Lecture : 1,2 % des personnes sropositives rapportent des discrimina-tions en raison de leur sexe au cours des deux dernires annes.

    Figure 2. Frquence des discriminations par motifs perus

    0,7 %

    1,2 %

    1,3 %

    1,4 %

    1,5 %

    2,4 %

    4,8 %

    4,9 %

    5,3 % 13,0 %

    Parce que vous tes la CMU ou l'AME

    Votre sexe

    Le lieu o vous vivez

    Votre usage d'alcool

    Votre usage de drogueactuel ou pass

    Votre faonde vous habiller

    Vos origines ouvotre nationalit

    Votre orientationsexuelle

    Votre couleur de peau

    Votre sropositivit

    0 5 10 15%

    6 % 13 %

    8 % 19 %

    11 % 24 %

    17 % 26 %

    20 % 29 %

    Hommes htrosexuelsnon-immigrs d'ASS

    Hommes immigrs d'ASS

    Hommes ayant des rapportssexuels avec des hommes

    Hommes UDI

    Femmesnon-immigres d'ASS

    Femmes usagres dedrogue intraveineuse (UDI)

    Femmes immigresdAfrique subsaharienne (ASS)

    0 10 20 30 40

    38 % 18 %

    36 % 22 %

    %

    Discriminationpour tout motifEn raison de lasropositivit

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  • Un quart des personnes sropositives vivant en France dclarent avoir subi des discriminations au cours des deux annes prcdentes. Le principal motif de discrimi-nation dclar est la sropositivit elle-mme (13 % des personnes sropositives). Viennent ensuite la couleur de peau, les origines ou la nationalit, ainsi que lorientation sexuelle (5 % des personnes pour chacun de ces motifs). Les femmes sropositives immigres dAfrique subsa-harienne et les usagres de drogue sont prs de 4 sur 10 tmoigner de discriminations tandis que les hommes sropositifs htrosexuels non immigrs dAfrique subsa-harienne ne sont quun peu plus dun sur dix dans ce cas. Onze pourcent des personnes sropositives dclarent avoir subi des traitements discriminatoires au sein de la famille et 8 % dans les services de sant. Parmi celles qui travail-laient lors de lenqute, soit la moiti de lchantillon, 6 % rapportent des discriminations au travail.

    Rsum

    La recherche demploi et le lieu de travail

    Dans la sphre de la recherche demploi, les niveaux de discriminations perus sont levs avec peu de diffrences entre les groupes. Seules les femmes immigres dAfrique subsaharienne sropositives se dmarquent. La recherche demploi est particulirement dfavorable pour les per-sonnes sropositives ges de plus de 55 ans. Ces rsultats confirment le handicap que constitue lavance en ge dans une situation de recherche demploi.Dans le travail, les niveaux de discrimination perus sont plus faibles. Les discriminations racistes et homophobes y trouvent sexprimer comme lattestent la situation des hommes sropositifs ayant des rapports sexuels avec des hommes et celle des femmes et hommes sropositifs immigrs dAfrique subsaharienne. Dans cette sphre se reproduisent galement des rapports de genre dfavo-rables aux femmes. En effet, lexception des femmes usagres de drogue peu nombreuses occuper un emploi les femmes rapportent des niveaux de discrimi-nation particulirement levs. Enfin, cest uniquement dans le travail que le niveau de diplme est associ aux discriminations. Les personnes sropositives titulaires du bac ou dun diplme suprieur ont une probabilit quatre fois suprieure celles dont le niveau dtudes ne dpasse pas le primaire de dclarer des traitements discriminatoires. Ce rsultat suggre une exposition plus frquente la discrimination dans la sphre professionnelle pour les personnes sropositives qualifies, et pas uniquement une sensibilisation plus forte aux enjeux de discrimination parmi les plus dipl-ms qui produirait alors un niveau de dclaration plus lev dans toutes les sphres.

    ***

    Si les discriminations constituent une exprience fr-quente pour la population sropositive, elles ne se mani-festent ni de la mme manire ni au mme niveau dans les diffrents groupes qui la composent. Les discrimina-tions envers les femmes dans les services de sant ainsi quenvers les immigrs dAfrique subsaharienne et les homosexuels masculins sur le march de lemploi ne sont pas spcifiques aux personnes sropositives mais semblent accentues par la sropositivit. La dclaration accrue dans lespace familial et dans celui des soins parmi les personnes sans emploi traduit la centralit du travail dans la position et les relations sociales, alors mme que les personnes vivant avec le VIH sont nombreuses tre loignes de la sphre du travail [5]. Ces rsultats, qui

    montrent galement que les personnes vivant avec le VIH ne se considrent pas seulement discrimines en raison de leur sropositivit, permettent de mieux com-prendre la persistance de discriminations dans cette population alors que la maladie elle-mme a beaucoup volu.

    Rfrences1.Beltzer N. et al., 2013, An 18-year follow-up of HIV knowledge, risk perception, and practices in young adults, AIDS, 27(6), p.1011-1019.2.Observatoire-Sida-Info-Service, 2009, Enqute sur les discriminations lencontre des personnes vivant avec le VIH.3.Delattre . et al., 2014, Introduction Trois approches de la discrimination: valuations indirectes, exprimenta-tion, discriminations ressenties, conomie et Statistique, n464-465-466, p.7-13.4.Lesn M., Simon P., 2013, La mesure des discrimi-nations dans lenqute Trajectoires et Origines, Ined, Document de travail, n184.5.Dray-Spira R., Spire B., Lert F., 2013, Mthodologie gnrale de lenqute ANRS-VESPA2, Bulletin pidmiolo-gique hebdomadaire, n26-27, p.321-324.6.Brinbaum Y., Safi M., Simon P., 2013, Les discrimi-nations en France: entre perception et exprience, Ined, Document de travail, n183.7.Beauchemin C. et al., 2010, Les discriminations: une question de minorits visibles, Population et Socits, n466.8.Loutfy M. R. et al., 2012, Gender and ethnicity diffe-rences in HIV-related stigma experienced by people living with HIV in Ontario, Canada, PLoS One, 7(12), p.e48168.9.Dubet F. et al., 2013, Pourquoi moi? Lexprience des discriminations, Paris, Le Seuil.

    Ined: 133, boulevard Davout, 75980 Paris, Cedex 20

    Directrice de la publication: Chantal Cases

    Rdacteur en chef: Gilles Pison

    Assistante de rdaction: Marie-Paule Reydet

    Maquette: Isabelle Milan

    Impression: Jouve, 75001 Paris

    D.L. 4e trim. 2014 ISSN 0184 77 83

    Numro 516 Novembre 2014 Population et Socits

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    dtudes dmographiques

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