Si je me sens mieux, essaye d’être cool L’observation · mg le soir, gabapentine 300 mg matin...

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1 Si je me sens mieux, essaye d’être cool L’observation Une femme âgée de 70 ans, née en Allemagne, était hospitalisée pour méningite lymphocytaire. Elle vivait à Paris et voyageait régulièrement avec ses amis à travers le monde. Elle était suivie pour une spondylarthrite, associée à des uvéites antérieures aiguës, traitée depuis 2012 par adalimumab en monothérapie. Elle avait une obésité (IMC 35 kg/m 2 ), une hypertension artérielle traitée par irbésartan plus betaxolol et avait fait un zona intercostal en 2014. Depuis le début de l’année 2015, elle décrivait une toux sèche. Lors d’un séjour de trois semaines aux Etats-Unis en Mai 2015, elle avait présenté des lésions pétéchiales érythémateuses non prurigineuses du dos des pieds. A son retour le 27 mai, elle était en bon état général et réalisait sa nouvelle injection d’adalimumab. Le 30 mai, elle consultait son médecin traitant pour une toux quinteuse insomniante, avec expectoration, accompagnée d’une fièvre et de sueurs nocturnes. Il lui prescrivait de l’ofloxacine et du cotrimoxazole, relayés par une semaine de ceftriaxone en association avec de la prednisolone pendant 10 jours. En raison de l’absence d’amélioration, elle était hospitalisée en pneumologie le 16 juin. Il était alors constaté une pneumopathie d’allure infectieuse, sans manifestation extra-respiratoire. Les BK tubages et le QUANTIFERON étaient négatifs. Le scanner thoracique, réalisé le 22 Juin, objectivait une condensation du segment ventral du lobe supérieur droit, des images en verre dépoli et des adénopathies médiastinales (Figure 1). Le lavage broncho-alvéolaire (LBA) n’identifiait pas d’élément bactérien à l’examen direct ou en culture et la recherche de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR) était négative. Les biopsies trans-bronchiques de la condensation pulmonaire révélaient une infiltration granulomateuse, avec cellules épithélioïdes et nécrose caséeuse, sans pathogène trouvé sur les cultures standard. Une antibiothérapie associant isoniazide, rifampicine et pyrazinamide était débutée le 17 juillet. L’évolution n’était pas favorable avec apparition progressive de céphalées et d’une instabilité à la marche. L’analyse du LCR objectivait une méningite avec 298 éléments/mm 3 dont 79 % de lymphocytes, une hyperprotéinorachie à 1,77 g/L et une glycorachie à 2,18 mmol/L (glycémie concomitante non disponible). Une IRM cérébrale avec injection de gadolinium réalisée avant la

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Si je me sens mieux, essaye d’être cool

L’observation

Une femme âgée de 70 ans, née en Allemagne, était hospitalisée pour méningite

lymphocytaire. Elle vivait à Paris et voyageait régulièrement avec ses amis à travers le monde.

Elle était suivie pour une spondylarthrite, associée à des uvéites antérieures aiguës, traitée

depuis 2012 par adalimumab en monothérapie. Elle avait une obésité (IMC 35 kg/m2), une

hypertension artérielle traitée par irbésartan plus betaxolol et avait fait un zona intercostal en

2014.

Depuis le début de l’année 2015, elle décrivait une toux sèche. Lors d’un séjour de trois

semaines aux Etats-Unis en Mai 2015, elle avait présenté des lésions pétéchiales

érythémateuses non prurigineuses du dos des pieds. A son retour le 27 mai, elle était en bon

état général et réalisait sa nouvelle injection d’adalimumab. Le 30 mai, elle consultait son

médecin traitant pour une toux quinteuse insomniante, avec expectoration, accompagnée d’une

fièvre et de sueurs nocturnes. Il lui prescrivait de l’ofloxacine et du cotrimoxazole, relayés par

une semaine de ceftriaxone en association avec de la prednisolone pendant 10 jours. En raison

de l’absence d’amélioration, elle était hospitalisée en pneumologie le 16 juin. Il était alors

constaté une pneumopathie d’allure infectieuse, sans manifestation extra-respiratoire. Les BK

tubages et le QUANTIFERON étaient négatifs. Le scanner thoracique, réalisé le 22 Juin,

objectivait une condensation du segment ventral du lobe supérieur droit, des images en verre

dépoli et des adénopathies médiastinales (Figure 1). Le lavage broncho-alvéolaire (LBA)

n’identifiait pas d’élément bactérien à l’examen direct ou en culture et la recherche de bacilles

acido-alcoolo-résistants (BAAR) était négative. Les biopsies trans-bronchiques de la

condensation pulmonaire révélaient une infiltration granulomateuse, avec cellules épithélioïdes

et nécrose caséeuse, sans pathogène trouvé sur les cultures standard. Une antibiothérapie

associant isoniazide, rifampicine et pyrazinamide était débutée le 17 juillet.

L’évolution n’était pas favorable avec apparition progressive de céphalées et d’une instabilité à

la marche. L’analyse du LCR objectivait une méningite avec 298 éléments/mm3 dont 79 % de

lymphocytes, une hyperprotéinorachie à 1,77 g/L et une glycorachie à 2,18 mmol/L (glycémie

concomitante non disponible). Une IRM cérébrale avec injection de gadolinium réalisée avant la

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ponction lombaire montrait des prises de contraste des méninges associées à une anomalie

protubérantielle paramédiane droite en hypersignal FLAIR. Les anomalies pulmonaires

s’amélioraient sur l’imagerie de contrôle réalisée le 28 juillet. Sur la numération, il était constaté

l’apparition d’une hyperéosinophilie à 1640 /mm3

Lorsqu’elle était transférée fin juillet dans le service de médecine interne, elle décrivait toujours

une asthénie, des céphalées frontales accompagnées de nausées et des sueurs nocturnes.

Elle était fébrile avec un syndrome cérébelleux statique. L’examen cutané était normal.

L’auscultation cardiopulmonaire était normale, les aires ganglionnaires étaient libres et il n’y

avait pas d’hépatosplénomégalie. Une nouvelle ponction lombaire montrait la persistance d’une

méningite lymphocytaire. La pression du LCR était mesurée à 45 cm H20. La culture du LCR

était stérile, la recherche de BAAR était négative, l’examen à l’encre de Chine était normal, la

recherche de cryptocoque en immunofluorescence directe était négative et les PCR virales

étaient négatives. Un LBA de contrôle réalisé en raison de la persistance des lésions

pulmonaires montrait une alvéolite lymphocytaire avec 500 éléments/mm3, dont 3% de PNN,

78% de macrophages et 15% de lymphocytes. La NFS, le ionogramme, les enzymes

hépatiques, les LDH, l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), les CPK et la CRP

étaient normaux. Les recherches d’anticorps anti-nucléaires (AAN) et d’ANCA étaient

négatives, ainsi que la sérologie VIH. Les hémocultures standards étaient stériles.

Le diagnostic était évoqué à l’interrogatoire de la patiente et un traitement probabiliste a

permis d’améliorer rapidement son état général. Un œil expert permis de confirmer le

diagnostic.

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Un homme, deux femmes : un trio à en perdre les che veux !

L’observation

Un homme d'origine indochinoise, âgé de 66 ans, était hospitalisé le 14 octobre en médecine

interne pour douleurs abdominales et vomissements. L'urgentiste lors de son transfert nous

avait dit : "c'est une colite dysimmunitaire, mais tu comprends, c'est pas de la gastro, toi tu vas

savoir et faire un diagnostic de fou". Ses antécédents était un diabète de type 2 bien contrôlé

sous régime seul, une goutte sous colchicine et allopurinol, une maladie de l’oreillette avec

fibrillation atriale traitée par fluindione et pause d’un pace maker en 2007, une acidose lactique

consécutive à la prise de metformine avec insuffisance rénale aiguë en 2007, une surdité, une

neuropathie sensitive des membres inférieurs, une bronchopneumopathie chronique

obstructive, une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) bilatérale sévère, une

hypothyroïdie, une insuffisance rénale chronique modérée. Son père et sa mère, décédés,

étaient diabétiques et avaient eu respectivement une cataracte et une DMLA. Il était ingénieur

en génie climatique. Marié, il partageait son temps entre sa femme et sa maîtresse. Il ne

dédaignait pas le bon whisky et le bon tabac.

Vers le 9 octobre, le patient se plaignait de gonalgies. Le 11 octobre sa maîtresse l'emmenait

chez elle. Le 12 octobre, apparaissaient des douleurs abdominales diffuses. Devant

l'aggravation des douleurs et l'apparition de vomissements, sa maîtresse le conduisait le 12

octobre aux urgences. A l'admission, il était fébrile (38°5C) et hypotendu (84/50mmHg), avec un

abdomen souple mais douloureux, sans défense. Il existait une insuffisance rénale aiguë

(créatininémie : 332 µmol/L, urée : 21,6 mmol/L), 3 croix de protéines et 2 croix de sang à la

bandelette urinaire (protéinurie : 0,85 g/L), une anémie modérée à 11,7 g/dL normocytaire

arégénérative. La formule sanguine et la natriurèse étaient normales. Le reste des examens

montrait une CRP à 154 mg/L, une acidose lactique compensée, une élévation des ASAT à 4 ×

N et des GGT à 8 × N, un INR à 6,28. Un scanner abdominal montrait un aspect de pancolite

avec iléite, ainsi qu’un épanchement intra-péritonéal. La situation se stabilisait sous traitement

symptomatique, de la ceftriaxone et du métronidazole étaient administrés, un transfert en

médecine interne était organisé le 14 octobre. Le lendemain, la diurèse passait de 1200 à 100

ml par 24h. Le patient était cliniquement stable. La NFS était la suivante : taux d’hémoglobine

10,1 g/dL, polynucléaires neutrophiles 1 690/mm3, lymphocytes 190/mm3, plaquettes

63 000/mm3. La troponine s'élevait à 700 ng/L et le NT-Pro BNP à 33853 ng/L. L'ECG

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objectivait des ondes T négatives en antérieur. Les facteurs antinucléaires étaient positifs au

1/640ème de fluorescence mouchetée sans spécificité. Le patient recevait un traitement

antiagrégant, par béta-bloquant et par calciparine. La recherche d’ANCA et d’anticorps anti-

membrane basale glomérulaire était négative. Les diverses sérologies virales étaient soit

négatives, soit en faveur d'une infection ancienne. Le patient était alors transféré en

réanimation pour surveillance pendant 48 heures. Sa maîtresse qui lui rendait visite le trouvait

un peu confus. L'hémodynamique, la créatininémie et les perturbations biologiques restaient

stables, hormis la pancytopénie qui s'aggravait avec une anémie à 9,5 g/dL, une neutropénie à

1 200//mm3 et une thrombopénie à 48000/mm3. Le myélogramme, dilué, n'apportait pas

d'éléments d'orientation. Le patient revenait en médecine interne le 17 octobre. La confusion

s'aggravait avec apparition d'idées mystiques et d'hallucinations. Un scanner cérébral non

injecté ne mettait en évidence que des calcifications importantes des noyaux gris centraux (fig.

1). Un scanner abdominal de contrôle montrait la persistance de la pancolite avec un aspect de

pancréatite œdémateuse (lipase à 1700 UI/L). Le 21 octobre la pancytopénie se corrigeait. Le

23 octobre les troubles neurologiques s'amendaient. En quelques jours, les anomalies

biologiques restantes se normalisaient. La protéinurie était à 0,9 g/24h le 4 novembre. Le 9

novembre, le patient quittait le service pour rejoindre le domicile de son épouse officielle, avec

quelques cheveux en moins.

Quel est votre diagnostic ?

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Pas de voiture pour Zeus

L’observation

Une femme, âgée de 69 ans, était hospitalisée dans le service de médecine interne le 15 juillet 2015

pour l'exploration d’un syndrome d’activation macrophagique (SAM) évoluant depuis janvier 2015. Elle

était médecin généraliste, retraitée, vivant dans le Val d’Oise et ayant exercé en cabinet pendant plus de

20 ans dans ce même département. Elle était mariée, ne fumait et ne buvait pas. Elle voyageait peu,

mais s’était rendue il y a plus de 10 ans aux Antilles et en Sicile pour du tourisme pendant 2 semaines.

Elle passait ses vacances d’été dans le midi de la France. Elle aimait le jardinage qu’elle pratiquait sur

ses géraniums dans son jardin du Val d’Oise. Ses principaux antécédents médicaux étaient : cancer du

sein diagnostiqué en 2008 traité par chirurgie et radio-chimiothérapie, considéré en rémission complète,

asthme allergique depuis l’enfance, bien équilibré par fluticasone, syndrome lymphoprolifératif chronique

inclassé de type NK diagnostiqué en 2008 et suivi régulièrement sans association à aucune

dysimmunité ni cytopénie, une appendicectomie dans l’enfance. Elle n’avait aucun antécédent familial.

Ses traitements au long cours étaient : hydroxyzine 25 mg le soir, zolpidem 10 mg le soir, cétirizine 10

mg le soir, gabapentine 300 mg matin et soir, tramadol LP 50 mg en cas de douleur.

L’histoire commençait en juin 2014 par l’apparition de nodules sous- cutanés des avant-bras (fig. 1) et

des lombes. Le dermatologue évoquait des sarcoïdes cutanées. Une biopsie cutanée retrouvait un

aspect granulomateux sans nécrose, compatible avec une sarcoïdose. En juillet 2014 apparaissaient

des douleurs neurogènes des membres inférieurs prédominant aux pieds. Un électromyogramme (EMG)

retrouvait des lésions de neuropathie axonale, assez marquées aux membres inférieurs, sans atteinte

des membres supérieurs. Devant ce tableau de neuropathie axonale sévère, elle était vue en

consultation par un professeur de neurologie d’un CHU francilien qui n’identifiait pas d’étiologie évidente

à cette neuropathie. Il introduisait alors un traitement par gabapentine, efficace, et devant le diagnostic

récent de sarcoïdose cutanée, l’adressait à un collègue qui connaissait bien la sarcoïdose.

Ainsi, en octobre 2014 elle voyait en consultation un médecin référent de la sarcoïdose. Un scanner

thoracique retrouvait un nodule pulmonaire isolé du lobe supérieur droit. Devant ce tableau associant :

neuropathie, lésions cutanées compatibles avec des sarcoïdes et ce nodule pulmonaire, le réfèrent

considérait qu'il existait de nombreuses atypies mais introduisait cependant une corticothérapie par

prednisone 15 mg/j.

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Début janvier 2015, lors de la consultation de suivi, la patiente présentait une altération franche de l’état

général avec une perte de 6 kg associée à l’apparition d’une toux sèche et d’une extension des lésions

cutanées violacées et infiltrées. Sur le plan biologique il existait des éléments en faveur d’un syndrome

d’activation macrophagique (SAM). Elle était alors hospitalisée en hématologie du 27 janvier au 6 mars

2015. Cliniquement, il n’existait pas d’autre élément notable. Les éléments paracliniques de

l’hospitalisation sont exposés dans le tableau 1. Devant ce tableau de SAM avec probable atteinte

cardiaque, la granulomatose cutanée et la présence d’une prolifération T diffuse, la patiente était d’abord

être traitée par prednisone 1 mg/kg/j pendant 7 jours, sans aucune efficacité sur l’activation

macrophagique. Elle recevait une cure d’immunoglobuline intraveineuse (IgIV) 1 g/kg le 17 février 2015,

permettant une stabilisation clinique et une amélioration des marqueurs biologiques du SAM. Une

seconde et troisième cures d’IgIV étaient administrées le 09 mars 2015 puis le 31 mars 2015. Un mois

après la dernière cure d’IgIV, la patiente présentait à nouveau une altération de l’état général avec un

tableau biologique de SAM et une persistance des lésions cutanées. Un nouveau TEP-scan réalisé le 11

juin 2015 retrouvait de nombreux foyer hypermétaboliques : multiples adénopathies sus et sous-

diaphragmatiques, nombreux nodules pulmonaires bilatéraux et des lésions infiltratives sous-cutanées

disséminées sur l’ensemble du corps (fig. 2). La patiente était alors hospitalisée en Médecine Interne. A

l’examen clinique elle était fébrile à 39°C, présentait un état général altéré. Sur le plan cutané, il existait

de nombreux nodules infiltrés bleutés des deux bras ainsi que des nodules dorsaux (fig. 3) et sous

mandibulaire droit avec un aspect infiltré du tissu sous-cutané. Sur le plan neurologique il existait des

douleurs neurogènes des membres inférieurs ainsi qu’une abolition des réflexes achilléens. Par ailleurs,

l’examen clinique était sans particularité. Sur le plan hématologique, persistait a minima un tableau

biologique de SAM. De nouvelles biopsies cutanées ont été réalisées mettant en évidence un infiltrat

dermique lympho-histiocytaire sans granulome épithélioïde (tableau 2, fig. 4), ne permettant pas de

conclure.

Un examen complémentaire permettait d'orienter le d iagnostic.

7

Figure 1 : lésions cutanées de juin 2014 ; a-b) bras gauche ; c-d) bras droit

a) b) c) d)

8

Figure 2 : PET-TDM du 11 juin 2015

9

a) b)

10

c) d)

11

e) f)

Figure 3 : lésions cutanées de juillet 2015 ; a) dos; b) bras

a)

12

b)

Figure 4-1: Biospie cutanée de juillet 2015, histologie avec coloration HES à 4

grossissements différents (a,b,c,d)

13

a) b)

c) d)

14

Figure 4-2: Biospie cutanée de juillet 2015, histologie avec immunohistochimie : a)

marquage CD3 ; b) marquage CD4 ; c) marquage CD8

a)

b)

15

c)

Tableau 1 : Résumé des explorations réalisées au cours de l’hospitalisation du 27/01/2015 au

06/03/2015.

Type d’examen Indication résultat

Biologie « standard »

- Hémogramme

- Créatininémie

- Bilan hépatique

- Ferritinémie

- Triglycéridémie

Hb= 9g/dL,VGM= 90 fL,réticulocytes= 60 G/L, plaquettes= 85 G/L,

PNN= 2 G/L, Lympho= 1.2 G/L

150µmol/l

ASAT= 150 UI/l ; ALAT= 200 UI/L ; PAL= 50 UI/L ; GGT= 70 UI/L

5000 µg /l,

3 g/l

Imagerie

- PET-TDM

- ETT

- IRM cardiaque

- EMG

Bilan AEG et SAM

Episode d’OAP

Recherche de sacoidose

cardiaque devant

l’hypokinésie

Douleurs neurogènes

Hyperfixation médisatinale, axillaire droite, rénale et d’un nodule

pulmonaire apical droit

Hypokinésie globale globale, FEVG=42%, décollement

péricardique

Hypokinésie globale globale, FEVG=42%, pas d’argument pour

une granulomatose cardiaque

Séquelles sévères non évolutives d’une multinévrite des membres

inférieurs à prédominance sensitive axonale.

Cytologie - Histologie

- Myélogramme

- LBA

Cytopénie, SAM biologique

sarcoidose/ nodule

Moelle riche avec images d’hémophagocytose

55% de macrophages, 38% de lymphocytes

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- Biopsie rénale

- Biospsie ganglionnaire

axillaire droite

- Biospie hépatique

- Biospie ostéomédullaire

pulmonaire

Insuffisance rénale aigue

organique

Recherche granulome,

hémopathie

Exploration cytolyse

Recherche hémopathie

Absence de lésion glomérulaire, infiltrat lymphohistiocytaire avec

composante T d’aspect atypique et cytotoxique. Recherche de

clonalité T négative (profil polyclonal)

Infiltrat lymphocytaire T polyclonal

Infiltrat lymphocytaire T polyclonal

Infiltrat lymphocytaire T polyclonal

Microbiologie

- Sérologie : VIH, VHB,

VHC, rickettsie, syphilis,

bartonelle, coxielle,

brucelle, toxoplasmose

- PCR : EBV, CMV, VZV,

HSV 1-2, parvovirus

B19, whipple (sang ,

selle, salive)

- Recherche de BK: 3

tubages, LBA,

quantiferon

- Hemocultures

- Antigène aspergillaire,

Beta-D-glucane

- PLEX-ID sur flacon

d’hémocultures et

ganglion axillaire droit

Bilan de SAM

Négatives

Négatives

Négatifs

Négatives

Négatif

Présence de Gordonia dans l’hemoculture, ganglion négatif.

Immunologie

- Immunoelectrophorese

des protides sériques

- Recherche de clonalité

T dans le sang

- Protéinurie

- AAN, Anticorps anti

ECT, ANCA, FR

Bilan de SAM

Hypoalbuminémie à 30 g/L, absence de dysglobulinémie

Négative

Négative

Négatifs

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Tableau 2 : Résultats des biopsies cutanées de juillet 2015

Type d’examen Résultat

Histologie

- Nodule dorsal

- Nodule épaule

gauche

Infiltrat dermique lympho-histiocytaire sans granulome épithélioïde difficile à classer. L’aspect

n’est pas en faveur d’une sarcoïdose, il pourrait s’agir d’un processus infectieux. En

immunohistochimie, l’infiltrat histiocytaire est associé à un infiltrat lymphocytaire T sans trou

phénotypique avec une prédominance de CD4+. Les colorations par le Ziehl, Gram et Grocott

n’ont pas mis en évidence d’agent pathogène.

Infiltrat lymphocytaire CD4+ sans argument pour un lymphome. On évoque en première

intention une maladie inflammatoire granulomateuse, avec un aspect peu compatible avec une

sarcoidose, ou une infection incluant une mycobactériose. Les colorations par le Ziehl, Gram et

Grocott n’ont pas mis en évidence d’agent pathogène. Le marquage spécifique des tréponèmes

est négatif.

Microbiologie

- Nodule dorsal

Pas de leucocytes, pas de germe au direct, cultures standard et prolongée négatives

Pas de Bacille acido-alcoolo résistant à l’examen direct, culture négative.

PCR Mycobactérium négative

PCR Rickettsie, Bartonnelle, Coxiella, Borrélia, Leishmanie, Tularémie : négatives

PCR Orthopoxvirus, Parapoxvirus : négatives

PCR Streptococcuspyogenes, Staphylococcus aureus : négatives

PCR ARN 16S négative

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Sweet heart

L’observation

Un patient de 49 ans est adressé pour l’exploration d’une cardiomyopathie hypertrophique. Ses

antécédents sont marqués par : un retard mental modéré, un diabète de type 2 depuis 12 ans,

insulinodépendant depuis 3 ans, compliqué d’une néphropathie glomérulaire depuis 4 ans, une

hypertension artérielle nécessitant une quadrithérapie (antagonistes des récepteurs de

l'angiotensine II, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, bétabloquants et diurétiques), une

dyslipidémie traitée par statine, un syndrome des nævi atypiques (3 mélanomes in situ, un

nævus choroïdien surveillé), une hypoacousie en lien avec un traumatisme sonore

professionnel (il travaille au sein d’un Centre d'aide par le Travail (CAT) à EUROCOPTER) et

une cryptorchidie opérée. Le père, d’origine italienne, est hypertendu et la mère, d’origine

marocaine, qui était diabétique, est décédée à l’âge de 64 ans.

L’examen clinique retrouve un poids de 66 kg, une taille de 165 cm, pression artérielle à 145/99

mmHg, pouls à 65 battements/minute. L’auscultation cardiopulmonaire ne révèle pas de signe

de décompensation cardiaque. A l’examen il n’y a pas de déficit musculaire ni de signes de

neuropathie périphérique. En dehors des nombreux nævi, le reste de l’examen est normal.

L’hémoglobine est à 15,8 g/dl, les globules blancs à 8,2 giga/L avec formule sanguine normale,

plaquettes à 269 giga/l. La créatininémie est à 66µmol/l avec une protéinurie glomérulaire

autour de 2000 mg/l. La CRP est inférieure à 5 mg/l. Le bilan lipidique est normal. Les CPK sont

à 245 UI/l (0-170), le BNP à 242 ng/l (5-17). La TSH est à 1,22 mUI/l (0,55-4,78), les anti-

Thyroglobuline à 265 UI/ml (<115), anti-Thyroperoxydase à 21 UI/ml (<34). L’électrophorèse

des protéines sériques ne montre pas de pic monoclonal. Le ratio des chaînes légères libres

sériques Kappa/Lambda est à 1,82 (0,26-1,65), sans protéinurie de Bence Jones. La

ferritinémie est à 30 µg/l et le coefficient de saturation de la transferrine à 20 %. La biopsie des

glandes salivaires accessoires ne montre pas de dépôt après coloration par le Rouge Congo et

la Thioflavine. L’électrocardiogramme montre un rythme sinusal avec un aspect d’hypertrophie

ventriculaire gauche (Figure 1). L’échocardiographie montre une cardiomyopathie

hypertrophique concentrique, un septum épaissi à 22 mm, un aspect brillant, pas de

valvulopathie, FEVG à 30-40 %, effondrement du strain global longitudinal du VG mesuré à -10

% (valeur normale -20 %), aspect restrictif du flux mitral, oreillette gauche dilatée, trouble de la

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compliance du VG et PAP normales. Une scintigraphie au TECEOS ne montre pas d’anomalie

de fixation myocardique. L’IRM cardiaque confirme une hypertrophie diffuse intéressant

l’ensemble des segments du myocarde ventriculaire gauche et le septum avec une masse

myocardique mesurée à 187 g/m² (N<100), sans prise de contraste significative (Figure 2). Les

dosages de la maltase acide et de l’alpha-galactosidase A sont normaux.

Alors que le patient déclare ne plus vouloir subir d’examens complémentaires et d’être

fatigué de son suivi dans les différentes spécialit és médicales depuis si longtemps, un

diagnostic uniciste est posé suite à un examen.

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Aie, aie, aie

L’observation

Un patient Slovène de 36 ans, était hospitalisé dans le service de maladies infectieuses du

Centre Hospitalier de Charleville-Mézières, en mai 2015, pour un tableau digestif aigu.

L’interrogatoire ne révélait pas d’antécédent particulier, ni d’allergie, sous réserve de la barrière

linguistique et de l’absence d’interprète slovène. Il faisait de multiples allées et venues entre la

Slovénie, l'Allemagne, l'Autriche et la France dans le cadre de sa profession de routier. Il était

chasseur et aurait été en forêt en Slovénie et dans la forêt de Haye près de Nancy, récemment.

L’histoire commençait 2 jours avant son hospitalisation, avec l’apparition de douleurs

abdominales diffuses, de nausées, vomissements et de diarrhées profuses accompagnés de

fièvre.

A l’arrivée (J3) les paramètres suivants étaient notés : température 36,8°C, pression artérielle

125/60 mm Hg, fréquence cardiaque 100 battements/min. L’examen clinique retrouvait un

abdomen douloureux dans son ensemble sans défense ni contracture, des troubles du transit à

type de diarrhée cholériforme, ainsi que des vomissements alimentaires. Le reste de l’examen

était sans particularité. A noter un contact psychologique « étrange » peut-être lié à la barrière

linguistique quasi-totale.

La biologie à l’entrée était la suivante : leucocytes à 16 000/mm3 (neutrophiles 14 000/mm3,

lymphocytes 1 400/mm3, éosinophiles 160/mm3), hémoglobine 19 g/dL, hématocrite 56%,

plaquettes 226 000/mm3, créatininémie 119 µmol/L, ASAT 12×N, ALAT 1×N, PAL 351 UI/L, γ-

GT 42 UI/L, lipasémie 56 UI/L, CRP 193 mg/L, fibrinogène 3,10 g/L, TP 51%. Les hémocultures

étaient stériles. La coproculture retrouvait un antigène Clostridium difficile positif avec une

recherche des toxines A et B négative. La parasitologie des selles était négative. L’ECBU

montrait : leucocytes 14×103/ml, hématie 44×103/ml, culture stérile. La protéinurie des 24h était

à 0,52 g. L’échographie abdominale ainsi que le scanner cérébral et abdominopelvien étaient

sans particularité.

Le lendemain (J4), il présentait une dyspnée avec à l’auscultation pulmonaire quelques

crépitants aux bases, une hémorragie sous conjonctivale gauche, une diarrhée majeure

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persistante, des myalgies intenses empêchant la marche avec des chutes à répétition. Sur le

plan biologique on notait : leucocytes à 5 200/mm3 (neutrophiles 4 200/mm3, lymphocytes

700/mm3, éosinophiles 100/mm3), hémoglobine 16,8 g/dL, hématocrite 47%, plaquettes

37 000/mm3. La recherche de schizocytes était négative. Les autres résultats montraient :

natrémie 127 mmol/L, créatininémie 140 µmol/L, ASAT 13×N, ALAT 1×N, PAL 277 UI/L, γ-GT

39 UI/L, CRP 193 mg/L, fibrinogène 6 g/L, TP 61%, créatine kinase 5 955 UI/L, LDH 2 596 UI/L,

triglycérides 9,4 g/L, ferritinémie 128 723 ng/mL.

A J5, alors que l’état clinique était inchangé, il était noté l’apparition d’une bicytopénie

(leucocytes 560/mm3, hémoglobine 12,9 g/dL, plaquettes 10 000/mm3). Une ponction sternale

était alors réalisée. L’analyse du frottis médullaire retrouvait une moelle pauvre caractérisée par

un hiatus de maturation des lignées myéloïdes et par la présence de très nombreux

macrophages activés, aspect compatible avec un syndrome d’activation macrophagique.

A J8, le patient s’arrachait les cheveux à en devenir chauve, alors qu’il mentionnait une

régression de la diarrhée, des douleurs abdominales et musculaires. Sur le plan biologique était

noté : leucocytes à 20 800/mm3 (neutrophiles 7 200/mm3, lymphocytes 7 864/mm3, éosinophiles

0/mm3), hémoglobine 14,7 g/dL, plaquettes 39 000/mm3. ASAT 1,5×N, ALAT 1×N, créatine

kinase 178 UI/L.

Un élément anamnestique confirmé par un examen biol ogique simple permettait de faire

le diagnostic. Lequel ?

22

Un diagnostic qui se gâte…

L’observation

Une femme Franco-Algérienne de 28 ans, cadre dans une entreprise de carburant, sans enfant,

est hospitalisée dans un service de pneumologie de CHU en 2014 pour exploration d’une

pneumopathie infiltrative diffuse. Ses antécédents sont un syndrome anxio-dépressif associé à

une anorexie-boulimie durant l’adolescence et une thrombopénie découverte par la médecine

du travail en 2007. Elle a un frère en bonne santé. Sa grand-mère paternelle est épileptique et

son grand-père paternel a eu un cancer bronchique. Il n’y a pas de consanguinité.

L’histoire débute en 2009 par un œdème unilatéral du membre inférieur droit. Des explorations

sont réalisées en Algérie. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) ne montre pas de

compression vasculaire, mais des opacités interstitielles apicales bilatérales qualifiées

initialement de séquelles tuberculeuses. L’écho-doppler artériel et veineux est normal. La

lymphographie montre une nette altération du transit lymphatique avec une image

d’encorbellement à la jambe et au genou droit. Il n’y a pas de nœuds lymphatiques inguinaux ni

cruraux. L’hémogramme est le suivant : hémoglobine 10 g/dL, plaquettes 120 000/mm3,

leucocytes 4200/mm3, polynucléaires neutrophiles (PNN) 2600/mm3. Un érysipèle du membre

inférieur droit complique la situation en 2011. Fin 2014, la patiente se plaint d’une douleur

thoracique antérieure bilatérale, favorisée par l'inspiration profonde qui s’associe à une toux

fébrile à 40°C et à une altération de l'état général avec anorexie et amaigrissement de 5 kg en 3

semaines. Elle est hospitalisée en Algérie. Le scanner thoracique montre une aggravation du

syndrome interstitiel apical. Les BK crachats sont négatifs tout comme l’IDR à la tuberculine.

Un traitement par ceftriaxone, métronidazole et quadrithérapie antituberculeuse permet

d’obtenir une amélioration des symptômes en 4 jours. A sa sortie d’hospitalisation, seule la

quadrithérapie antituberculeuse est poursuivie. Un mois plus tard, la patiente se rend en France

pour avis. Elle est asthénique, apyrétique et n’a pas de sueurs nocturnes. Elle se plaint d’une

dyspnée de stade II NYHA et d’une légère toux sèche sans anomalie auscultatoire. La

saturation est à 98% en air ambiant. On note un œdème du membre inférieur droit, un

hippocratisme digital et une pâleur cutanéo-muqueuse. L’hémogramme révèle une

pancytopénie : hémoglobine 9,9 g/dL, VGM 76 fl, plaquettes 41 000/mm3, leucocytes

3700/mm3, PNN 3150/mm3, éosinophiles 150/mm3, lymphocytes 330/mm3, monocytes

40/mm3, sans schizocytes sur le frottis sanguin. Le TP est à 100 % et le ratio TCA à 1,0. La

23

CRP est à 4 mg/L, haptoglobine normale, ferritine 92 µg/L (N 13-76), fibrinogène 5,2 g/L.

L’électrophorèse de l’hémoglobine n’est pas en faveur d’une ß-thalassémie. Les enzymes

hépatiques, le ionogramme, la calcémie, la fonction rénale, la TSH et les dosages vitaminiques

de B9 et B12 sont normaux. Il existe une carence en vitamine B6 à 5 nmol/L (N : 25-100). Le

profil électrophorétique des protéines plasmatiques est normal sans composant monoclonal à

l’immunofixation. La protéinurie est physiologique. La recherche d’auto-anticorps est négative :

anticorps anti-nucléaires, anti-ADN, anti-CCP, facteur rhumatoïde, ANCA, test de Coombs

érythrocytaire. Les sérologies VIH, VHB et VHC sont négatives. La pancytopénie est explorée

avec plusieurs myélogrammes et une biopsie ostéo-médullaire. La moelle est de richesse

normale avec des signes de dysmyélopoïèse sur toutes lignées, sans excès de blastes. Il n’y a

pas de sidéroblaste en couronne. Le caryotype médullaire est normal. Il n’existe pas de clone

d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) ni d’argument pour une maladie de Fanconi

(test à la mitomycine C). L’échocardiographie et l’ECG sont normaux. Le scanner TAP montre

des épaississements irréguliers inter-lobulaires diffus bilatéraux prédominant aux lobes

supérieurs et aux segments apicaux des lobes inférieurs, des épaississements scissuraux et un

emphysème para-septal sous pleural (figure 1 ). Les EFR sont altérées en pourcentage des

valeurs théoriques : capacité vitale 52%, VEMS 55%, DLCO 43%, KCO 86%, Tiffeneau 91%.

La fibroscopie bronchique est normale. Au lavage broncho-alvéolaire il y a 162 900 cellules/ml

(lymphocytes 26%, macrophages 67%, PNN 2%, sidérophages 6%) ; le ratio des lymphocytes

CD4/CD8 est à 2,03. La recherche de pneumocystose, les PCR orientées de mycologie et de

parasitologie sont négatives. La recherche de BK est négative à l’examen direct et en culture.

Le traitement antituberculeux est arrêté. Une supplémentation en fer et vitamine B6 est

débutée. Une biopsie pulmonaire est réalisée par vidéo-thoracoscopie après transfusion

plaquettaire. En histologie, le parenchyme pulmonaire est altéré par une accumulation

lipoprotéinacée éosinophile dans les espaces alvéolaires prenant la coloration PAS

s’accompagnant d’innombrables cristaux de cholestérol, d’une réaction inflammatoire

mononucléaire modérée de l’espace interstitiel et de plusieurs secteurs de fibrose interstitielle. Il

n’y a pas de lésion granulomateuse ni de vascularite. La recherche d’anticorps anti-GMCSF est

négative. La patiente est convoquée plusieurs mois plus tard pour évaluer l’évolution. Si

l’hémogramme et l’imagerie sont stables, les EFR se dégradent (VEMS 44%, DLCO 31% de la

théorique) tout comme la situation clinique. La patiente a désormais une dyspnée de stade III

NYHA et une majoration de sa toux. Un grand lavage alvéolaire en 2 temps permet une

amélioration transitoire. La situation se gâte... Un examen permet de faire le diagnostic.

24

Une maladie au traitement hautement compulsif

L’observation

Un homme de 29 ans était admis aux urgences pour des nausées et vomissements associés à des

douleurs abdominales. Il s’agissait pour ce patient d’un motif de consultation récurrent aux urgences

avec plus de 35 passages sur les 7 dernières années. Les antécédents connus étaient un syndrome de

Gilbert, des troubles anxieux étiquetés « spasmophilie », une consommation de tabac (4 paquets-

année) et occasionnellement de cannabis. Il n’avait pas de prise médicamenteuse au long cours, ni

d’antécédent familial notable. Il était sans profession. Le patient présentait lors de chaque crise des

vomissements à raison de plus de 10 épisodes par jour avec intolérance alimentaire totale. S’y

associaient des douleurs de siège épigastrique ou péri-ombilicales à type de torsion, sans irradiation,

non rythmées par les repas. Les symptômes duraient de 24 à 72 heures, partiellement soulagés par les

traitements symptomatiques antiémétiques, antispasmodiques et antalgiques avec parfois recours aux

opioïdes. La fréquence et la gravité des crises augmentaient avec le temps et le patient était de nouveau

hospitalisé.

A l’examen clinique le poids était à 43 kg (IMC : 14,4 kg/m2), soit une perte de 7 kg par rapport au poids

habituel, avec pression artérielle à 96/59 mmHg, fréquence cardiaque à 120 battements/min,

température 36,6°C. A son arrivée dans le service, le patient était couché sur le brancard en chien de

fusil. L’abdomen était souple, dépressible, sans défense ou contracture, sans masse palpable, sans

cicatrice, avec des orifices herniaires libres. Les urines étaient foncées. Le toucher rectal était normal de

même que le reste de l’examen. Au bilan biologique, on notait une hypokaliémie à 3 mmol/L, une

natrémie à 149 mmol/L. La créatininémie était élevée à 520 µmol/L avec baisse des bicarbonates à

13 mmol/L, taux normaux des lactates et corps cétoniques. Les enzymes musculaires CK étaient à un

taux élevé : 1 400 UI (N<200 UI/l). La suite du bilan de « débrouillage » était normale : hémogramme,

bilan phosphocalcique, bilan hépatique et lipase, dosage de la CRP, électrophorèse des protides

sériques, TSH et cortisol ne présentaient pas d’anomalie. Lors de cette hospitalisation, il était décidé de

récupérer l’intégralité du dossier médical du patient, dans les différents centres et services où avaient eu

lieu les hospitalisations itératives, afin de faire une synthèse des explorations précédemment réalisées.

Parmi les examens déjà pratiqués sur les 7 années écoulées on retrouvait : plusieurs échographies

abdominales normales, deux TDM thoraco-abdomino-pelviens injectés sans anomalie, deux fibroscopie

oeso-gastro-duodénales montrant de discrètes lésions d’antrite et bulbite micro-ulcérées avec analyse

anatomopathologique aspécifique. La coloscopie, réalisée un an auparavant, ne montrait pas

d’anomalie. Une IRM cérébrale et un électroencéphalogramme avaient été pratiqués, ne révélant pas

d’anomalie.

25

Les biologies antérieures per-critiques montraient en général une kaliémie et créatininémie dans les

normes. Plusieurs bilans biologiques poussés avaient été réalisés devant la répétition du tableau

clinique invalidant, mais s’étaient révélés normaux.

Il était décidé de reprendre l’interrogatoire et l’ examen clinique de façon minutieuse.

Malheureusement le patient n’était jamais dans son lit… ce qui permettait de poser le diagnostic

clinique.

26

Ces oedèmes, c’est affreux

L’observation

Une patiente de 31 ans, sans antécédents, originaire des Philippines, consultait aux urgences

(SAU) devant l’apparition d’un tableau œdémateux dans un contexte de fièvre et d’altération de

l’état général. Elle vivait en France depuis 1 an et travaillait comme assistante maternelle.

Elle avait consulté au SAU un mois plus tôt pour une douleur abdominale et une toux grasse.

Un diagnostic de pneumopathie aiguë communautaire avait été retenu devant la présence

d’opacités pulmonaires des deux bases avec émoussement des culs de sacs pleuraux à la

radiographie thoracique et un syndrome inflammatoire biologique (CRP : 250 mg/L). Un

traitement ambulatoire par Pyostacine® avait été proposé (allergie à l'amoxicilline). Un mois

plus tard, le tableau respiratoire, loin de s'améliorer, s'aggravait avec une toux fréquente, des

expectorations blanchâtres et une dyspnée de moindre effort. Il persistait des pics fébriles. Son

médecin traitant introduisait alors du Zithromax®, sans amélioration. Elle se plaignait d'une

asthénie et d'œdèmes des jambes depuis 2 semaines.

Les paramètres vitaux à l'admission étaient les suivants : poids à 77 kg (14 kg de plus que son

poids de base), pression artérielle à 173/100 mm Hg, fréquence cardiaque à 92 battements par

minute, température à 37,8°C. Il existait des œdèmes des membres inférieurs prenant le godet

(figure 1), une hépatomégalie à un travers de doigt et de l'ascite. Par ailleurs, une diminution du

murmure vésiculaire en base gauche et une matité des bases pulmonaires étaient notées. Les

bruits du cœur étaient réguliers, sans souffle. Il existait une adénopathie axillaire droite de

1×1 cm et deux à gauche de 0,5×0,5 cm. La bandelette urinaire montrait : protéines ++++,

sang ++, leucocytes absents.

Les examens biologiques à l’entrée étaient les suivants : CRP 162 mg/L, hémocultures et

ECBU stériles, sans hématurie et sans leucocyturie, hémoglobine 8,8 g/dL, VGM 79 fL,

réticulocytes 76 G/L, plaquettes 167 G/L, leucocyte 10,4 G/L, neutrophiles 8,16 G/L,

éosinophiles 0,06 G/L, lymphocytes 1,35 G/L, ferritinémie 330 µg/L, créatininémie 88 µmol/L,

albuminémie 21 g/L, ratio protéinurie/créatininurie 0,23 g/mmol, ratio albuminurie/créatininurie à

132 mg/mmol, transferrine urinaire/créatininurie à 8,5 (N <0,19). Sur l'électrophorèse des

27

protéines sériques les gammaglobulines étaient à 8 g/L, sans allure monoclonale. Le bilan

hépatique montrait : ASAT <10 UI/L, ALAT <5 UI/L, phosphatases alcalines 169 UI/L, γ-GT

130 UI/L, TP 87%.

La ponction d'ascite montrait un liquide jaune pâle avec 8 g/L d'albumine, LDH 158 UI/L,

cellules 25/mm3, sans éléments suspect.

L’angioscanner thoracique confirmait un épanchement pleural bilatéral de moyenne abondance

et des adénomégalies axillaires droites (la plus volumineuse mesurant 1,5×1,5 cm). Le scanner

abdominal montrait une ascite de grande abondance, une hépatomégalie sans autre anomalie.

Un TEP-scanner ne montrait aucune fixation anormale du 18FDG.

Durant l’hospitalisation, la fièvre persistait (pics jusqu'à 38,5°C), sans foyer infectieux évident et

la prise de poids s’aggravait (jusqu'à 92 kg). La fonction rénale se dégradait progressivement

(créatininémie maximale à 209 µmol/L après 14 jours d'hospitalisation). Une thrombopénie

modérée à 120 G/L apparaissait à J13.

Les sérologies VIH et VHC étaient négatives, VHA, VHB, EBV et CMV en faveur d’infections

anciennes, le bilan immunologique était négatif : ANCA, anticorps antinucléaires, facteurs

rhumatoïdes, recherche de cryoglobulinémie.

La ponction biopsie rénale retrouvait des glomérules présentant à des degrés divers les mêmes

lésions, constituées par un aspect très œdématié du floculus avec des lésions diffuses de

mésangiolyse associant la disparition des noyaux mésangiaux, des "doubles contours" avec

espace clair, et une disparition de podocytes dans les zones très lésées. La coloration à l'argent

montrait principalement un marquage périphérique de « kystes » du floculus liée à la

mésangiolyse. Il n’y avait pas d'infiltration ni de lésions tubulaires ou vasculaires (figure 2).

L'étude en immunofluorescence directe était négative.

La biopsie ostéo-médullaire montrait une moelle riche et la présence d'une plasmocytose

polytypique associée à une fibrose de grade 1. Il n'y avait pas de cellules anormales.

Un examen permettait d'aboutir au diagnostic, 15 jo urs après son admission.

28

Et le mal démarrait …

L’observation

Une femme, âgée de 85 ans, était hospitalisée le 20 septembre pour fièvre et frissons évoluant depuis le

11 septembre. Elle avait comme antécédents une anémie sidéroblastique diagnostiquée en 2009,

nécessitant des transfusions en globules rouges tous les 15 jours avec des culots compatibilisés en

raison d’anticorps irréguliers positifs anti-MMS3, une colique néphrétique gauche en 2010, une

fibrillation atriale traitée par bisoprolol, aspirine et furosémide, une hypothyroïdie traitée par L-thyroxine,

une appendicectomie, une hystérectomie et une cholécystectomie. Elle prenait aussi un traitement par

déférasirox. Elle était d’origine italienne, parlait moyennement le français, était veuve et vivait seule de

façon autonome, sans aide à domicile. Elle n’avait pas d’animaux et ne consommait pas de toxiques.

Devant cette fièvre, son médecin traitant avait réalisé un ECBU en ville, retrouvant un Escherichia coli

sauvage, pour lequel avait été débuté le 18 septembre un traitement par ceftriaxone.

A l’examen initial aux urgences, la tension artérielle était à 116/55 mmHg, la fréquence cardiaque à

102/min et la température à 39,4°C. La patiente était légèrement confuse et l’examen clinique montrait

un globe vésical. Une sonde urinaire à demeure était posée, sans réalisation de bandelette urinaire. Le

bilan biologique initial montrait une créatininémie à 92 µmol/l, les ASAT étaient à 26 U/l (n : 14-36), les

ALAT à 35 U/l (n : 9-52), les gamma-GT à 41 U/l (n : 12-43), les phosphatases alcalines à 129 U/l (n :

38-126), la bilirubine totale à 15,4 µmol/l (n : 3-22), la bilirubine conjuguée à 14 µmol/l (n : 0-5), la CRP à

61,4 mg/L. La NFS montrait un taux d’hémoglobine à 7,2 g/dL, un VGM à 82,3 fl, les leucocytes étaient

à 3,19 G/L, les polynucléaires neutrophiles à 2,79 G/L, les plaquettes à 120 G/L. On disposait également

de la NFS du 11 septembre réalisée en ville : taux d’hémoglobine 7,1 g/dL, leucocytes 2,89 G/L,

polynucléaires neutrophiles à 1,52 G/L, plaquettes à 165 G/L. L’antibiothérapie par ceftriaxone IV était

poursuivie. Une transfusion était effectuée aux urgences.

A l’arrivée dans le service le 21 septembre, la patiente signalait des douleurs lombaires, sans pollakiurie

ni brûlures mictionnelles. Elle était apyrétique et la confusion avait disparu. Le reste de l‘examen clinique

était normal. L’ECBU prélevé aux urgences, soit 48 heures après le début de l’antibiothérapie, était

stérile. Les hémocultures du 20 et 21 septembre restaient stériles. L’échographie rénale du 21

septembre était considérée comme normale, sans dilatation pyélocalicielle ni abcès rénal. Des

transfusions étaient effectuées les 21, 22 et 28 septembre. L’antibiothérapie par ceftriaxone était

poursuivie. Le 23 septembre survenait une fièvre à 39,6°C, avec une augmentation de la CRP à 180

29

mg/L. L’antibiothérapie était modifiée pour pipéracilline-tazobactam et amikacine. Un scanner abdomino-

pelvien effectué le 25 septembre montrait une hépatosplénomégalie homogène, un épanchement

péritonéal liquidien libre de faible abondance ainsi qu’une pyélite gauche sans abcès. Il n’y avait pas

d’argument pour une spondylodiscite. Les jours suivants, la patiente continuait à avoir des pics fébriles à

40°C, voire 41°C, sans frissons, sans hypotension, ne répondant pas aux antipyrétiques intraveineux.

Pendant les pics fébriles, elle était trouvée confuse, obnubilée, parfois prostrée, et se plaignait de

douleurs lombaires. Mais en dehors de ces épisodes, l’examen était normal et l’état général conservé.

Le bilan biologique du 29 septembre montrait une CRP à 239 mg/L et une procalcitonine à 4,17 mg/L.

Les hémocultures du 29 septembre étaient stériles, la coproculture négative. La NFS montrait un taux

d’hémoglobine à 9,4 g/dL, des globules blancs à 3,85 G/L, des polynucléaires neutrophiles à 3,27 G/L,

des plaquettes à 63 G/L. La ferritine était à 7 660 µg/L (n : 11-264), le fer sérique à 42 µmol/l (n : 6,6-

30,4), les ASAT à 43 U/L, les ALAT à 40 U/L, les gamma-GT à 44 U/L, les phosphatases alcalines à 90

U/l, la bilirubine totale à 12 µmol/L et la bilirubine conjuguée à 9 µmol/L. Devant l’augmentation des

besoins transfusionnels, le bilan était complété : l’haptoglobine était à 0,005 g/L (0,26-1,85), les

schizocytes < 0,5%, le test de Coombs direct C3d négatif, le Coombs direct Ig positif, les anticorps anti-

nucléaires positifs à 1/160, les anticorps anti-DNA natif négatifs.

A ce stade, un examen complémentaire simple était r éalisé, permettant de faire rapidement le

diagnostic. Quel est cet examen ?