Si je me sens mieux, essaye d’être cool L’observation · mg le soir, gabapentine 300 mg matin...
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Si je me sens mieux, essaye d’être cool
L’observation
Une femme âgée de 70 ans, née en Allemagne, était hospitalisée pour méningite
lymphocytaire. Elle vivait à Paris et voyageait régulièrement avec ses amis à travers le monde.
Elle était suivie pour une spondylarthrite, associée à des uvéites antérieures aiguës, traitée
depuis 2012 par adalimumab en monothérapie. Elle avait une obésité (IMC 35 kg/m2), une
hypertension artérielle traitée par irbésartan plus betaxolol et avait fait un zona intercostal en
2014.
Depuis le début de l’année 2015, elle décrivait une toux sèche. Lors d’un séjour de trois
semaines aux Etats-Unis en Mai 2015, elle avait présenté des lésions pétéchiales
érythémateuses non prurigineuses du dos des pieds. A son retour le 27 mai, elle était en bon
état général et réalisait sa nouvelle injection d’adalimumab. Le 30 mai, elle consultait son
médecin traitant pour une toux quinteuse insomniante, avec expectoration, accompagnée d’une
fièvre et de sueurs nocturnes. Il lui prescrivait de l’ofloxacine et du cotrimoxazole, relayés par
une semaine de ceftriaxone en association avec de la prednisolone pendant 10 jours. En raison
de l’absence d’amélioration, elle était hospitalisée en pneumologie le 16 juin. Il était alors
constaté une pneumopathie d’allure infectieuse, sans manifestation extra-respiratoire. Les BK
tubages et le QUANTIFERON étaient négatifs. Le scanner thoracique, réalisé le 22 Juin,
objectivait une condensation du segment ventral du lobe supérieur droit, des images en verre
dépoli et des adénopathies médiastinales (Figure 1). Le lavage broncho-alvéolaire (LBA)
n’identifiait pas d’élément bactérien à l’examen direct ou en culture et la recherche de bacilles
acido-alcoolo-résistants (BAAR) était négative. Les biopsies trans-bronchiques de la
condensation pulmonaire révélaient une infiltration granulomateuse, avec cellules épithélioïdes
et nécrose caséeuse, sans pathogène trouvé sur les cultures standard. Une antibiothérapie
associant isoniazide, rifampicine et pyrazinamide était débutée le 17 juillet.
L’évolution n’était pas favorable avec apparition progressive de céphalées et d’une instabilité à
la marche. L’analyse du LCR objectivait une méningite avec 298 éléments/mm3 dont 79 % de
lymphocytes, une hyperprotéinorachie à 1,77 g/L et une glycorachie à 2,18 mmol/L (glycémie
concomitante non disponible). Une IRM cérébrale avec injection de gadolinium réalisée avant la
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ponction lombaire montrait des prises de contraste des méninges associées à une anomalie
protubérantielle paramédiane droite en hypersignal FLAIR. Les anomalies pulmonaires
s’amélioraient sur l’imagerie de contrôle réalisée le 28 juillet. Sur la numération, il était constaté
l’apparition d’une hyperéosinophilie à 1640 /mm3
Lorsqu’elle était transférée fin juillet dans le service de médecine interne, elle décrivait toujours
une asthénie, des céphalées frontales accompagnées de nausées et des sueurs nocturnes.
Elle était fébrile avec un syndrome cérébelleux statique. L’examen cutané était normal.
L’auscultation cardiopulmonaire était normale, les aires ganglionnaires étaient libres et il n’y
avait pas d’hépatosplénomégalie. Une nouvelle ponction lombaire montrait la persistance d’une
méningite lymphocytaire. La pression du LCR était mesurée à 45 cm H20. La culture du LCR
était stérile, la recherche de BAAR était négative, l’examen à l’encre de Chine était normal, la
recherche de cryptocoque en immunofluorescence directe était négative et les PCR virales
étaient négatives. Un LBA de contrôle réalisé en raison de la persistance des lésions
pulmonaires montrait une alvéolite lymphocytaire avec 500 éléments/mm3, dont 3% de PNN,
78% de macrophages et 15% de lymphocytes. La NFS, le ionogramme, les enzymes
hépatiques, les LDH, l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), les CPK et la CRP
étaient normaux. Les recherches d’anticorps anti-nucléaires (AAN) et d’ANCA étaient
négatives, ainsi que la sérologie VIH. Les hémocultures standards étaient stériles.
Le diagnostic était évoqué à l’interrogatoire de la patiente et un traitement probabiliste a
permis d’améliorer rapidement son état général. Un œil expert permis de confirmer le
diagnostic.
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Un homme, deux femmes : un trio à en perdre les che veux !
L’observation
Un homme d'origine indochinoise, âgé de 66 ans, était hospitalisé le 14 octobre en médecine
interne pour douleurs abdominales et vomissements. L'urgentiste lors de son transfert nous
avait dit : "c'est une colite dysimmunitaire, mais tu comprends, c'est pas de la gastro, toi tu vas
savoir et faire un diagnostic de fou". Ses antécédents était un diabète de type 2 bien contrôlé
sous régime seul, une goutte sous colchicine et allopurinol, une maladie de l’oreillette avec
fibrillation atriale traitée par fluindione et pause d’un pace maker en 2007, une acidose lactique
consécutive à la prise de metformine avec insuffisance rénale aiguë en 2007, une surdité, une
neuropathie sensitive des membres inférieurs, une bronchopneumopathie chronique
obstructive, une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) bilatérale sévère, une
hypothyroïdie, une insuffisance rénale chronique modérée. Son père et sa mère, décédés,
étaient diabétiques et avaient eu respectivement une cataracte et une DMLA. Il était ingénieur
en génie climatique. Marié, il partageait son temps entre sa femme et sa maîtresse. Il ne
dédaignait pas le bon whisky et le bon tabac.
Vers le 9 octobre, le patient se plaignait de gonalgies. Le 11 octobre sa maîtresse l'emmenait
chez elle. Le 12 octobre, apparaissaient des douleurs abdominales diffuses. Devant
l'aggravation des douleurs et l'apparition de vomissements, sa maîtresse le conduisait le 12
octobre aux urgences. A l'admission, il était fébrile (38°5C) et hypotendu (84/50mmHg), avec un
abdomen souple mais douloureux, sans défense. Il existait une insuffisance rénale aiguë
(créatininémie : 332 µmol/L, urée : 21,6 mmol/L), 3 croix de protéines et 2 croix de sang à la
bandelette urinaire (protéinurie : 0,85 g/L), une anémie modérée à 11,7 g/dL normocytaire
arégénérative. La formule sanguine et la natriurèse étaient normales. Le reste des examens
montrait une CRP à 154 mg/L, une acidose lactique compensée, une élévation des ASAT à 4 ×
N et des GGT à 8 × N, un INR à 6,28. Un scanner abdominal montrait un aspect de pancolite
avec iléite, ainsi qu’un épanchement intra-péritonéal. La situation se stabilisait sous traitement
symptomatique, de la ceftriaxone et du métronidazole étaient administrés, un transfert en
médecine interne était organisé le 14 octobre. Le lendemain, la diurèse passait de 1200 à 100
ml par 24h. Le patient était cliniquement stable. La NFS était la suivante : taux d’hémoglobine
10,1 g/dL, polynucléaires neutrophiles 1 690/mm3, lymphocytes 190/mm3, plaquettes
63 000/mm3. La troponine s'élevait à 700 ng/L et le NT-Pro BNP à 33853 ng/L. L'ECG
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objectivait des ondes T négatives en antérieur. Les facteurs antinucléaires étaient positifs au
1/640ème de fluorescence mouchetée sans spécificité. Le patient recevait un traitement
antiagrégant, par béta-bloquant et par calciparine. La recherche d’ANCA et d’anticorps anti-
membrane basale glomérulaire était négative. Les diverses sérologies virales étaient soit
négatives, soit en faveur d'une infection ancienne. Le patient était alors transféré en
réanimation pour surveillance pendant 48 heures. Sa maîtresse qui lui rendait visite le trouvait
un peu confus. L'hémodynamique, la créatininémie et les perturbations biologiques restaient
stables, hormis la pancytopénie qui s'aggravait avec une anémie à 9,5 g/dL, une neutropénie à
1 200//mm3 et une thrombopénie à 48000/mm3. Le myélogramme, dilué, n'apportait pas
d'éléments d'orientation. Le patient revenait en médecine interne le 17 octobre. La confusion
s'aggravait avec apparition d'idées mystiques et d'hallucinations. Un scanner cérébral non
injecté ne mettait en évidence que des calcifications importantes des noyaux gris centraux (fig.
1). Un scanner abdominal de contrôle montrait la persistance de la pancolite avec un aspect de
pancréatite œdémateuse (lipase à 1700 UI/L). Le 21 octobre la pancytopénie se corrigeait. Le
23 octobre les troubles neurologiques s'amendaient. En quelques jours, les anomalies
biologiques restantes se normalisaient. La protéinurie était à 0,9 g/24h le 4 novembre. Le 9
novembre, le patient quittait le service pour rejoindre le domicile de son épouse officielle, avec
quelques cheveux en moins.
Quel est votre diagnostic ?
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Pas de voiture pour Zeus
L’observation
Une femme, âgée de 69 ans, était hospitalisée dans le service de médecine interne le 15 juillet 2015
pour l'exploration d’un syndrome d’activation macrophagique (SAM) évoluant depuis janvier 2015. Elle
était médecin généraliste, retraitée, vivant dans le Val d’Oise et ayant exercé en cabinet pendant plus de
20 ans dans ce même département. Elle était mariée, ne fumait et ne buvait pas. Elle voyageait peu,
mais s’était rendue il y a plus de 10 ans aux Antilles et en Sicile pour du tourisme pendant 2 semaines.
Elle passait ses vacances d’été dans le midi de la France. Elle aimait le jardinage qu’elle pratiquait sur
ses géraniums dans son jardin du Val d’Oise. Ses principaux antécédents médicaux étaient : cancer du
sein diagnostiqué en 2008 traité par chirurgie et radio-chimiothérapie, considéré en rémission complète,
asthme allergique depuis l’enfance, bien équilibré par fluticasone, syndrome lymphoprolifératif chronique
inclassé de type NK diagnostiqué en 2008 et suivi régulièrement sans association à aucune
dysimmunité ni cytopénie, une appendicectomie dans l’enfance. Elle n’avait aucun antécédent familial.
Ses traitements au long cours étaient : hydroxyzine 25 mg le soir, zolpidem 10 mg le soir, cétirizine 10
mg le soir, gabapentine 300 mg matin et soir, tramadol LP 50 mg en cas de douleur.
L’histoire commençait en juin 2014 par l’apparition de nodules sous- cutanés des avant-bras (fig. 1) et
des lombes. Le dermatologue évoquait des sarcoïdes cutanées. Une biopsie cutanée retrouvait un
aspect granulomateux sans nécrose, compatible avec une sarcoïdose. En juillet 2014 apparaissaient
des douleurs neurogènes des membres inférieurs prédominant aux pieds. Un électromyogramme (EMG)
retrouvait des lésions de neuropathie axonale, assez marquées aux membres inférieurs, sans atteinte
des membres supérieurs. Devant ce tableau de neuropathie axonale sévère, elle était vue en
consultation par un professeur de neurologie d’un CHU francilien qui n’identifiait pas d’étiologie évidente
à cette neuropathie. Il introduisait alors un traitement par gabapentine, efficace, et devant le diagnostic
récent de sarcoïdose cutanée, l’adressait à un collègue qui connaissait bien la sarcoïdose.
Ainsi, en octobre 2014 elle voyait en consultation un médecin référent de la sarcoïdose. Un scanner
thoracique retrouvait un nodule pulmonaire isolé du lobe supérieur droit. Devant ce tableau associant :
neuropathie, lésions cutanées compatibles avec des sarcoïdes et ce nodule pulmonaire, le réfèrent
considérait qu'il existait de nombreuses atypies mais introduisait cependant une corticothérapie par
prednisone 15 mg/j.
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Début janvier 2015, lors de la consultation de suivi, la patiente présentait une altération franche de l’état
général avec une perte de 6 kg associée à l’apparition d’une toux sèche et d’une extension des lésions
cutanées violacées et infiltrées. Sur le plan biologique il existait des éléments en faveur d’un syndrome
d’activation macrophagique (SAM). Elle était alors hospitalisée en hématologie du 27 janvier au 6 mars
2015. Cliniquement, il n’existait pas d’autre élément notable. Les éléments paracliniques de
l’hospitalisation sont exposés dans le tableau 1. Devant ce tableau de SAM avec probable atteinte
cardiaque, la granulomatose cutanée et la présence d’une prolifération T diffuse, la patiente était d’abord
être traitée par prednisone 1 mg/kg/j pendant 7 jours, sans aucune efficacité sur l’activation
macrophagique. Elle recevait une cure d’immunoglobuline intraveineuse (IgIV) 1 g/kg le 17 février 2015,
permettant une stabilisation clinique et une amélioration des marqueurs biologiques du SAM. Une
seconde et troisième cures d’IgIV étaient administrées le 09 mars 2015 puis le 31 mars 2015. Un mois
après la dernière cure d’IgIV, la patiente présentait à nouveau une altération de l’état général avec un
tableau biologique de SAM et une persistance des lésions cutanées. Un nouveau TEP-scan réalisé le 11
juin 2015 retrouvait de nombreux foyer hypermétaboliques : multiples adénopathies sus et sous-
diaphragmatiques, nombreux nodules pulmonaires bilatéraux et des lésions infiltratives sous-cutanées
disséminées sur l’ensemble du corps (fig. 2). La patiente était alors hospitalisée en Médecine Interne. A
l’examen clinique elle était fébrile à 39°C, présentait un état général altéré. Sur le plan cutané, il existait
de nombreux nodules infiltrés bleutés des deux bras ainsi que des nodules dorsaux (fig. 3) et sous
mandibulaire droit avec un aspect infiltré du tissu sous-cutané. Sur le plan neurologique il existait des
douleurs neurogènes des membres inférieurs ainsi qu’une abolition des réflexes achilléens. Par ailleurs,
l’examen clinique était sans particularité. Sur le plan hématologique, persistait a minima un tableau
biologique de SAM. De nouvelles biopsies cutanées ont été réalisées mettant en évidence un infiltrat
dermique lympho-histiocytaire sans granulome épithélioïde (tableau 2, fig. 4), ne permettant pas de
conclure.
Un examen complémentaire permettait d'orienter le d iagnostic.
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b)
Figure 4-1: Biospie cutanée de juillet 2015, histologie avec coloration HES à 4
grossissements différents (a,b,c,d)
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Figure 4-2: Biospie cutanée de juillet 2015, histologie avec immunohistochimie : a)
marquage CD3 ; b) marquage CD4 ; c) marquage CD8
a)
b)
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c)
Tableau 1 : Résumé des explorations réalisées au cours de l’hospitalisation du 27/01/2015 au
06/03/2015.
Type d’examen Indication résultat
Biologie « standard »
- Hémogramme
- Créatininémie
- Bilan hépatique
- Ferritinémie
- Triglycéridémie
Hb= 9g/dL,VGM= 90 fL,réticulocytes= 60 G/L, plaquettes= 85 G/L,
PNN= 2 G/L, Lympho= 1.2 G/L
150µmol/l
ASAT= 150 UI/l ; ALAT= 200 UI/L ; PAL= 50 UI/L ; GGT= 70 UI/L
5000 µg /l,
3 g/l
Imagerie
- PET-TDM
- ETT
- IRM cardiaque
- EMG
Bilan AEG et SAM
Episode d’OAP
Recherche de sacoidose
cardiaque devant
l’hypokinésie
Douleurs neurogènes
Hyperfixation médisatinale, axillaire droite, rénale et d’un nodule
pulmonaire apical droit
Hypokinésie globale globale, FEVG=42%, décollement
péricardique
Hypokinésie globale globale, FEVG=42%, pas d’argument pour
une granulomatose cardiaque
Séquelles sévères non évolutives d’une multinévrite des membres
inférieurs à prédominance sensitive axonale.
Cytologie - Histologie
- Myélogramme
- LBA
Cytopénie, SAM biologique
sarcoidose/ nodule
Moelle riche avec images d’hémophagocytose
55% de macrophages, 38% de lymphocytes
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- Biopsie rénale
- Biospsie ganglionnaire
axillaire droite
- Biospie hépatique
- Biospie ostéomédullaire
pulmonaire
Insuffisance rénale aigue
organique
Recherche granulome,
hémopathie
Exploration cytolyse
Recherche hémopathie
Absence de lésion glomérulaire, infiltrat lymphohistiocytaire avec
composante T d’aspect atypique et cytotoxique. Recherche de
clonalité T négative (profil polyclonal)
Infiltrat lymphocytaire T polyclonal
Infiltrat lymphocytaire T polyclonal
Infiltrat lymphocytaire T polyclonal
Microbiologie
- Sérologie : VIH, VHB,
VHC, rickettsie, syphilis,
bartonelle, coxielle,
brucelle, toxoplasmose
- PCR : EBV, CMV, VZV,
HSV 1-2, parvovirus
B19, whipple (sang ,
selle, salive)
- Recherche de BK: 3
tubages, LBA,
quantiferon
- Hemocultures
- Antigène aspergillaire,
Beta-D-glucane
- PLEX-ID sur flacon
d’hémocultures et
ganglion axillaire droit
Bilan de SAM
Négatives
Négatives
Négatifs
Négatives
Négatif
Présence de Gordonia dans l’hemoculture, ganglion négatif.
Immunologie
- Immunoelectrophorese
des protides sériques
- Recherche de clonalité
T dans le sang
- Protéinurie
- AAN, Anticorps anti
ECT, ANCA, FR
Bilan de SAM
Hypoalbuminémie à 30 g/L, absence de dysglobulinémie
Négative
Négative
Négatifs
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Tableau 2 : Résultats des biopsies cutanées de juillet 2015
Type d’examen Résultat
Histologie
- Nodule dorsal
- Nodule épaule
gauche
Infiltrat dermique lympho-histiocytaire sans granulome épithélioïde difficile à classer. L’aspect
n’est pas en faveur d’une sarcoïdose, il pourrait s’agir d’un processus infectieux. En
immunohistochimie, l’infiltrat histiocytaire est associé à un infiltrat lymphocytaire T sans trou
phénotypique avec une prédominance de CD4+. Les colorations par le Ziehl, Gram et Grocott
n’ont pas mis en évidence d’agent pathogène.
Infiltrat lymphocytaire CD4+ sans argument pour un lymphome. On évoque en première
intention une maladie inflammatoire granulomateuse, avec un aspect peu compatible avec une
sarcoidose, ou une infection incluant une mycobactériose. Les colorations par le Ziehl, Gram et
Grocott n’ont pas mis en évidence d’agent pathogène. Le marquage spécifique des tréponèmes
est négatif.
Microbiologie
- Nodule dorsal
Pas de leucocytes, pas de germe au direct, cultures standard et prolongée négatives
Pas de Bacille acido-alcoolo résistant à l’examen direct, culture négative.
PCR Mycobactérium négative
PCR Rickettsie, Bartonnelle, Coxiella, Borrélia, Leishmanie, Tularémie : négatives
PCR Orthopoxvirus, Parapoxvirus : négatives
PCR Streptococcuspyogenes, Staphylococcus aureus : négatives
PCR ARN 16S négative
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Sweet heart
L’observation
Un patient de 49 ans est adressé pour l’exploration d’une cardiomyopathie hypertrophique. Ses
antécédents sont marqués par : un retard mental modéré, un diabète de type 2 depuis 12 ans,
insulinodépendant depuis 3 ans, compliqué d’une néphropathie glomérulaire depuis 4 ans, une
hypertension artérielle nécessitant une quadrithérapie (antagonistes des récepteurs de
l'angiotensine II, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, bétabloquants et diurétiques), une
dyslipidémie traitée par statine, un syndrome des nævi atypiques (3 mélanomes in situ, un
nævus choroïdien surveillé), une hypoacousie en lien avec un traumatisme sonore
professionnel (il travaille au sein d’un Centre d'aide par le Travail (CAT) à EUROCOPTER) et
une cryptorchidie opérée. Le père, d’origine italienne, est hypertendu et la mère, d’origine
marocaine, qui était diabétique, est décédée à l’âge de 64 ans.
L’examen clinique retrouve un poids de 66 kg, une taille de 165 cm, pression artérielle à 145/99
mmHg, pouls à 65 battements/minute. L’auscultation cardiopulmonaire ne révèle pas de signe
de décompensation cardiaque. A l’examen il n’y a pas de déficit musculaire ni de signes de
neuropathie périphérique. En dehors des nombreux nævi, le reste de l’examen est normal.
L’hémoglobine est à 15,8 g/dl, les globules blancs à 8,2 giga/L avec formule sanguine normale,
plaquettes à 269 giga/l. La créatininémie est à 66µmol/l avec une protéinurie glomérulaire
autour de 2000 mg/l. La CRP est inférieure à 5 mg/l. Le bilan lipidique est normal. Les CPK sont
à 245 UI/l (0-170), le BNP à 242 ng/l (5-17). La TSH est à 1,22 mUI/l (0,55-4,78), les anti-
Thyroglobuline à 265 UI/ml (<115), anti-Thyroperoxydase à 21 UI/ml (<34). L’électrophorèse
des protéines sériques ne montre pas de pic monoclonal. Le ratio des chaînes légères libres
sériques Kappa/Lambda est à 1,82 (0,26-1,65), sans protéinurie de Bence Jones. La
ferritinémie est à 30 µg/l et le coefficient de saturation de la transferrine à 20 %. La biopsie des
glandes salivaires accessoires ne montre pas de dépôt après coloration par le Rouge Congo et
la Thioflavine. L’électrocardiogramme montre un rythme sinusal avec un aspect d’hypertrophie
ventriculaire gauche (Figure 1). L’échocardiographie montre une cardiomyopathie
hypertrophique concentrique, un septum épaissi à 22 mm, un aspect brillant, pas de
valvulopathie, FEVG à 30-40 %, effondrement du strain global longitudinal du VG mesuré à -10
% (valeur normale -20 %), aspect restrictif du flux mitral, oreillette gauche dilatée, trouble de la
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compliance du VG et PAP normales. Une scintigraphie au TECEOS ne montre pas d’anomalie
de fixation myocardique. L’IRM cardiaque confirme une hypertrophie diffuse intéressant
l’ensemble des segments du myocarde ventriculaire gauche et le septum avec une masse
myocardique mesurée à 187 g/m² (N<100), sans prise de contraste significative (Figure 2). Les
dosages de la maltase acide et de l’alpha-galactosidase A sont normaux.
Alors que le patient déclare ne plus vouloir subir d’examens complémentaires et d’être
fatigué de son suivi dans les différentes spécialit és médicales depuis si longtemps, un
diagnostic uniciste est posé suite à un examen.
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Aie, aie, aie
L’observation
Un patient Slovène de 36 ans, était hospitalisé dans le service de maladies infectieuses du
Centre Hospitalier de Charleville-Mézières, en mai 2015, pour un tableau digestif aigu.
L’interrogatoire ne révélait pas d’antécédent particulier, ni d’allergie, sous réserve de la barrière
linguistique et de l’absence d’interprète slovène. Il faisait de multiples allées et venues entre la
Slovénie, l'Allemagne, l'Autriche et la France dans le cadre de sa profession de routier. Il était
chasseur et aurait été en forêt en Slovénie et dans la forêt de Haye près de Nancy, récemment.
L’histoire commençait 2 jours avant son hospitalisation, avec l’apparition de douleurs
abdominales diffuses, de nausées, vomissements et de diarrhées profuses accompagnés de
fièvre.
A l’arrivée (J3) les paramètres suivants étaient notés : température 36,8°C, pression artérielle
125/60 mm Hg, fréquence cardiaque 100 battements/min. L’examen clinique retrouvait un
abdomen douloureux dans son ensemble sans défense ni contracture, des troubles du transit à
type de diarrhée cholériforme, ainsi que des vomissements alimentaires. Le reste de l’examen
était sans particularité. A noter un contact psychologique « étrange » peut-être lié à la barrière
linguistique quasi-totale.
La biologie à l’entrée était la suivante : leucocytes à 16 000/mm3 (neutrophiles 14 000/mm3,
lymphocytes 1 400/mm3, éosinophiles 160/mm3), hémoglobine 19 g/dL, hématocrite 56%,
plaquettes 226 000/mm3, créatininémie 119 µmol/L, ASAT 12×N, ALAT 1×N, PAL 351 UI/L, γ-
GT 42 UI/L, lipasémie 56 UI/L, CRP 193 mg/L, fibrinogène 3,10 g/L, TP 51%. Les hémocultures
étaient stériles. La coproculture retrouvait un antigène Clostridium difficile positif avec une
recherche des toxines A et B négative. La parasitologie des selles était négative. L’ECBU
montrait : leucocytes 14×103/ml, hématie 44×103/ml, culture stérile. La protéinurie des 24h était
à 0,52 g. L’échographie abdominale ainsi que le scanner cérébral et abdominopelvien étaient
sans particularité.
Le lendemain (J4), il présentait une dyspnée avec à l’auscultation pulmonaire quelques
crépitants aux bases, une hémorragie sous conjonctivale gauche, une diarrhée majeure
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persistante, des myalgies intenses empêchant la marche avec des chutes à répétition. Sur le
plan biologique on notait : leucocytes à 5 200/mm3 (neutrophiles 4 200/mm3, lymphocytes
700/mm3, éosinophiles 100/mm3), hémoglobine 16,8 g/dL, hématocrite 47%, plaquettes
37 000/mm3. La recherche de schizocytes était négative. Les autres résultats montraient :
natrémie 127 mmol/L, créatininémie 140 µmol/L, ASAT 13×N, ALAT 1×N, PAL 277 UI/L, γ-GT
39 UI/L, CRP 193 mg/L, fibrinogène 6 g/L, TP 61%, créatine kinase 5 955 UI/L, LDH 2 596 UI/L,
triglycérides 9,4 g/L, ferritinémie 128 723 ng/mL.
A J5, alors que l’état clinique était inchangé, il était noté l’apparition d’une bicytopénie
(leucocytes 560/mm3, hémoglobine 12,9 g/dL, plaquettes 10 000/mm3). Une ponction sternale
était alors réalisée. L’analyse du frottis médullaire retrouvait une moelle pauvre caractérisée par
un hiatus de maturation des lignées myéloïdes et par la présence de très nombreux
macrophages activés, aspect compatible avec un syndrome d’activation macrophagique.
A J8, le patient s’arrachait les cheveux à en devenir chauve, alors qu’il mentionnait une
régression de la diarrhée, des douleurs abdominales et musculaires. Sur le plan biologique était
noté : leucocytes à 20 800/mm3 (neutrophiles 7 200/mm3, lymphocytes 7 864/mm3, éosinophiles
0/mm3), hémoglobine 14,7 g/dL, plaquettes 39 000/mm3. ASAT 1,5×N, ALAT 1×N, créatine
kinase 178 UI/L.
Un élément anamnestique confirmé par un examen biol ogique simple permettait de faire
le diagnostic. Lequel ?
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Un diagnostic qui se gâte…
L’observation
Une femme Franco-Algérienne de 28 ans, cadre dans une entreprise de carburant, sans enfant,
est hospitalisée dans un service de pneumologie de CHU en 2014 pour exploration d’une
pneumopathie infiltrative diffuse. Ses antécédents sont un syndrome anxio-dépressif associé à
une anorexie-boulimie durant l’adolescence et une thrombopénie découverte par la médecine
du travail en 2007. Elle a un frère en bonne santé. Sa grand-mère paternelle est épileptique et
son grand-père paternel a eu un cancer bronchique. Il n’y a pas de consanguinité.
L’histoire débute en 2009 par un œdème unilatéral du membre inférieur droit. Des explorations
sont réalisées en Algérie. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) ne montre pas de
compression vasculaire, mais des opacités interstitielles apicales bilatérales qualifiées
initialement de séquelles tuberculeuses. L’écho-doppler artériel et veineux est normal. La
lymphographie montre une nette altération du transit lymphatique avec une image
d’encorbellement à la jambe et au genou droit. Il n’y a pas de nœuds lymphatiques inguinaux ni
cruraux. L’hémogramme est le suivant : hémoglobine 10 g/dL, plaquettes 120 000/mm3,
leucocytes 4200/mm3, polynucléaires neutrophiles (PNN) 2600/mm3. Un érysipèle du membre
inférieur droit complique la situation en 2011. Fin 2014, la patiente se plaint d’une douleur
thoracique antérieure bilatérale, favorisée par l'inspiration profonde qui s’associe à une toux
fébrile à 40°C et à une altération de l'état général avec anorexie et amaigrissement de 5 kg en 3
semaines. Elle est hospitalisée en Algérie. Le scanner thoracique montre une aggravation du
syndrome interstitiel apical. Les BK crachats sont négatifs tout comme l’IDR à la tuberculine.
Un traitement par ceftriaxone, métronidazole et quadrithérapie antituberculeuse permet
d’obtenir une amélioration des symptômes en 4 jours. A sa sortie d’hospitalisation, seule la
quadrithérapie antituberculeuse est poursuivie. Un mois plus tard, la patiente se rend en France
pour avis. Elle est asthénique, apyrétique et n’a pas de sueurs nocturnes. Elle se plaint d’une
dyspnée de stade II NYHA et d’une légère toux sèche sans anomalie auscultatoire. La
saturation est à 98% en air ambiant. On note un œdème du membre inférieur droit, un
hippocratisme digital et une pâleur cutanéo-muqueuse. L’hémogramme révèle une
pancytopénie : hémoglobine 9,9 g/dL, VGM 76 fl, plaquettes 41 000/mm3, leucocytes
3700/mm3, PNN 3150/mm3, éosinophiles 150/mm3, lymphocytes 330/mm3, monocytes
40/mm3, sans schizocytes sur le frottis sanguin. Le TP est à 100 % et le ratio TCA à 1,0. La
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CRP est à 4 mg/L, haptoglobine normale, ferritine 92 µg/L (N 13-76), fibrinogène 5,2 g/L.
L’électrophorèse de l’hémoglobine n’est pas en faveur d’une ß-thalassémie. Les enzymes
hépatiques, le ionogramme, la calcémie, la fonction rénale, la TSH et les dosages vitaminiques
de B9 et B12 sont normaux. Il existe une carence en vitamine B6 à 5 nmol/L (N : 25-100). Le
profil électrophorétique des protéines plasmatiques est normal sans composant monoclonal à
l’immunofixation. La protéinurie est physiologique. La recherche d’auto-anticorps est négative :
anticorps anti-nucléaires, anti-ADN, anti-CCP, facteur rhumatoïde, ANCA, test de Coombs
érythrocytaire. Les sérologies VIH, VHB et VHC sont négatives. La pancytopénie est explorée
avec plusieurs myélogrammes et une biopsie ostéo-médullaire. La moelle est de richesse
normale avec des signes de dysmyélopoïèse sur toutes lignées, sans excès de blastes. Il n’y a
pas de sidéroblaste en couronne. Le caryotype médullaire est normal. Il n’existe pas de clone
d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) ni d’argument pour une maladie de Fanconi
(test à la mitomycine C). L’échocardiographie et l’ECG sont normaux. Le scanner TAP montre
des épaississements irréguliers inter-lobulaires diffus bilatéraux prédominant aux lobes
supérieurs et aux segments apicaux des lobes inférieurs, des épaississements scissuraux et un
emphysème para-septal sous pleural (figure 1 ). Les EFR sont altérées en pourcentage des
valeurs théoriques : capacité vitale 52%, VEMS 55%, DLCO 43%, KCO 86%, Tiffeneau 91%.
La fibroscopie bronchique est normale. Au lavage broncho-alvéolaire il y a 162 900 cellules/ml
(lymphocytes 26%, macrophages 67%, PNN 2%, sidérophages 6%) ; le ratio des lymphocytes
CD4/CD8 est à 2,03. La recherche de pneumocystose, les PCR orientées de mycologie et de
parasitologie sont négatives. La recherche de BK est négative à l’examen direct et en culture.
Le traitement antituberculeux est arrêté. Une supplémentation en fer et vitamine B6 est
débutée. Une biopsie pulmonaire est réalisée par vidéo-thoracoscopie après transfusion
plaquettaire. En histologie, le parenchyme pulmonaire est altéré par une accumulation
lipoprotéinacée éosinophile dans les espaces alvéolaires prenant la coloration PAS
s’accompagnant d’innombrables cristaux de cholestérol, d’une réaction inflammatoire
mononucléaire modérée de l’espace interstitiel et de plusieurs secteurs de fibrose interstitielle. Il
n’y a pas de lésion granulomateuse ni de vascularite. La recherche d’anticorps anti-GMCSF est
négative. La patiente est convoquée plusieurs mois plus tard pour évaluer l’évolution. Si
l’hémogramme et l’imagerie sont stables, les EFR se dégradent (VEMS 44%, DLCO 31% de la
théorique) tout comme la situation clinique. La patiente a désormais une dyspnée de stade III
NYHA et une majoration de sa toux. Un grand lavage alvéolaire en 2 temps permet une
amélioration transitoire. La situation se gâte... Un examen permet de faire le diagnostic.
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Une maladie au traitement hautement compulsif
L’observation
Un homme de 29 ans était admis aux urgences pour des nausées et vomissements associés à des
douleurs abdominales. Il s’agissait pour ce patient d’un motif de consultation récurrent aux urgences
avec plus de 35 passages sur les 7 dernières années. Les antécédents connus étaient un syndrome de
Gilbert, des troubles anxieux étiquetés « spasmophilie », une consommation de tabac (4 paquets-
année) et occasionnellement de cannabis. Il n’avait pas de prise médicamenteuse au long cours, ni
d’antécédent familial notable. Il était sans profession. Le patient présentait lors de chaque crise des
vomissements à raison de plus de 10 épisodes par jour avec intolérance alimentaire totale. S’y
associaient des douleurs de siège épigastrique ou péri-ombilicales à type de torsion, sans irradiation,
non rythmées par les repas. Les symptômes duraient de 24 à 72 heures, partiellement soulagés par les
traitements symptomatiques antiémétiques, antispasmodiques et antalgiques avec parfois recours aux
opioïdes. La fréquence et la gravité des crises augmentaient avec le temps et le patient était de nouveau
hospitalisé.
A l’examen clinique le poids était à 43 kg (IMC : 14,4 kg/m2), soit une perte de 7 kg par rapport au poids
habituel, avec pression artérielle à 96/59 mmHg, fréquence cardiaque à 120 battements/min,
température 36,6°C. A son arrivée dans le service, le patient était couché sur le brancard en chien de
fusil. L’abdomen était souple, dépressible, sans défense ou contracture, sans masse palpable, sans
cicatrice, avec des orifices herniaires libres. Les urines étaient foncées. Le toucher rectal était normal de
même que le reste de l’examen. Au bilan biologique, on notait une hypokaliémie à 3 mmol/L, une
natrémie à 149 mmol/L. La créatininémie était élevée à 520 µmol/L avec baisse des bicarbonates à
13 mmol/L, taux normaux des lactates et corps cétoniques. Les enzymes musculaires CK étaient à un
taux élevé : 1 400 UI (N<200 UI/l). La suite du bilan de « débrouillage » était normale : hémogramme,
bilan phosphocalcique, bilan hépatique et lipase, dosage de la CRP, électrophorèse des protides
sériques, TSH et cortisol ne présentaient pas d’anomalie. Lors de cette hospitalisation, il était décidé de
récupérer l’intégralité du dossier médical du patient, dans les différents centres et services où avaient eu
lieu les hospitalisations itératives, afin de faire une synthèse des explorations précédemment réalisées.
Parmi les examens déjà pratiqués sur les 7 années écoulées on retrouvait : plusieurs échographies
abdominales normales, deux TDM thoraco-abdomino-pelviens injectés sans anomalie, deux fibroscopie
oeso-gastro-duodénales montrant de discrètes lésions d’antrite et bulbite micro-ulcérées avec analyse
anatomopathologique aspécifique. La coloscopie, réalisée un an auparavant, ne montrait pas
d’anomalie. Une IRM cérébrale et un électroencéphalogramme avaient été pratiqués, ne révélant pas
d’anomalie.
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Les biologies antérieures per-critiques montraient en général une kaliémie et créatininémie dans les
normes. Plusieurs bilans biologiques poussés avaient été réalisés devant la répétition du tableau
clinique invalidant, mais s’étaient révélés normaux.
Il était décidé de reprendre l’interrogatoire et l’ examen clinique de façon minutieuse.
Malheureusement le patient n’était jamais dans son lit… ce qui permettait de poser le diagnostic
clinique.
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Ces oedèmes, c’est affreux
L’observation
Une patiente de 31 ans, sans antécédents, originaire des Philippines, consultait aux urgences
(SAU) devant l’apparition d’un tableau œdémateux dans un contexte de fièvre et d’altération de
l’état général. Elle vivait en France depuis 1 an et travaillait comme assistante maternelle.
Elle avait consulté au SAU un mois plus tôt pour une douleur abdominale et une toux grasse.
Un diagnostic de pneumopathie aiguë communautaire avait été retenu devant la présence
d’opacités pulmonaires des deux bases avec émoussement des culs de sacs pleuraux à la
radiographie thoracique et un syndrome inflammatoire biologique (CRP : 250 mg/L). Un
traitement ambulatoire par Pyostacine® avait été proposé (allergie à l'amoxicilline). Un mois
plus tard, le tableau respiratoire, loin de s'améliorer, s'aggravait avec une toux fréquente, des
expectorations blanchâtres et une dyspnée de moindre effort. Il persistait des pics fébriles. Son
médecin traitant introduisait alors du Zithromax®, sans amélioration. Elle se plaignait d'une
asthénie et d'œdèmes des jambes depuis 2 semaines.
Les paramètres vitaux à l'admission étaient les suivants : poids à 77 kg (14 kg de plus que son
poids de base), pression artérielle à 173/100 mm Hg, fréquence cardiaque à 92 battements par
minute, température à 37,8°C. Il existait des œdèmes des membres inférieurs prenant le godet
(figure 1), une hépatomégalie à un travers de doigt et de l'ascite. Par ailleurs, une diminution du
murmure vésiculaire en base gauche et une matité des bases pulmonaires étaient notées. Les
bruits du cœur étaient réguliers, sans souffle. Il existait une adénopathie axillaire droite de
1×1 cm et deux à gauche de 0,5×0,5 cm. La bandelette urinaire montrait : protéines ++++,
sang ++, leucocytes absents.
Les examens biologiques à l’entrée étaient les suivants : CRP 162 mg/L, hémocultures et
ECBU stériles, sans hématurie et sans leucocyturie, hémoglobine 8,8 g/dL, VGM 79 fL,
réticulocytes 76 G/L, plaquettes 167 G/L, leucocyte 10,4 G/L, neutrophiles 8,16 G/L,
éosinophiles 0,06 G/L, lymphocytes 1,35 G/L, ferritinémie 330 µg/L, créatininémie 88 µmol/L,
albuminémie 21 g/L, ratio protéinurie/créatininurie 0,23 g/mmol, ratio albuminurie/créatininurie à
132 mg/mmol, transferrine urinaire/créatininurie à 8,5 (N <0,19). Sur l'électrophorèse des
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protéines sériques les gammaglobulines étaient à 8 g/L, sans allure monoclonale. Le bilan
hépatique montrait : ASAT <10 UI/L, ALAT <5 UI/L, phosphatases alcalines 169 UI/L, γ-GT
130 UI/L, TP 87%.
La ponction d'ascite montrait un liquide jaune pâle avec 8 g/L d'albumine, LDH 158 UI/L,
cellules 25/mm3, sans éléments suspect.
L’angioscanner thoracique confirmait un épanchement pleural bilatéral de moyenne abondance
et des adénomégalies axillaires droites (la plus volumineuse mesurant 1,5×1,5 cm). Le scanner
abdominal montrait une ascite de grande abondance, une hépatomégalie sans autre anomalie.
Un TEP-scanner ne montrait aucune fixation anormale du 18FDG.
Durant l’hospitalisation, la fièvre persistait (pics jusqu'à 38,5°C), sans foyer infectieux évident et
la prise de poids s’aggravait (jusqu'à 92 kg). La fonction rénale se dégradait progressivement
(créatininémie maximale à 209 µmol/L après 14 jours d'hospitalisation). Une thrombopénie
modérée à 120 G/L apparaissait à J13.
Les sérologies VIH et VHC étaient négatives, VHA, VHB, EBV et CMV en faveur d’infections
anciennes, le bilan immunologique était négatif : ANCA, anticorps antinucléaires, facteurs
rhumatoïdes, recherche de cryoglobulinémie.
La ponction biopsie rénale retrouvait des glomérules présentant à des degrés divers les mêmes
lésions, constituées par un aspect très œdématié du floculus avec des lésions diffuses de
mésangiolyse associant la disparition des noyaux mésangiaux, des "doubles contours" avec
espace clair, et une disparition de podocytes dans les zones très lésées. La coloration à l'argent
montrait principalement un marquage périphérique de « kystes » du floculus liée à la
mésangiolyse. Il n’y avait pas d'infiltration ni de lésions tubulaires ou vasculaires (figure 2).
L'étude en immunofluorescence directe était négative.
La biopsie ostéo-médullaire montrait une moelle riche et la présence d'une plasmocytose
polytypique associée à une fibrose de grade 1. Il n'y avait pas de cellules anormales.
Un examen permettait d'aboutir au diagnostic, 15 jo urs après son admission.
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Et le mal démarrait …
L’observation
Une femme, âgée de 85 ans, était hospitalisée le 20 septembre pour fièvre et frissons évoluant depuis le
11 septembre. Elle avait comme antécédents une anémie sidéroblastique diagnostiquée en 2009,
nécessitant des transfusions en globules rouges tous les 15 jours avec des culots compatibilisés en
raison d’anticorps irréguliers positifs anti-MMS3, une colique néphrétique gauche en 2010, une
fibrillation atriale traitée par bisoprolol, aspirine et furosémide, une hypothyroïdie traitée par L-thyroxine,
une appendicectomie, une hystérectomie et une cholécystectomie. Elle prenait aussi un traitement par
déférasirox. Elle était d’origine italienne, parlait moyennement le français, était veuve et vivait seule de
façon autonome, sans aide à domicile. Elle n’avait pas d’animaux et ne consommait pas de toxiques.
Devant cette fièvre, son médecin traitant avait réalisé un ECBU en ville, retrouvant un Escherichia coli
sauvage, pour lequel avait été débuté le 18 septembre un traitement par ceftriaxone.
A l’examen initial aux urgences, la tension artérielle était à 116/55 mmHg, la fréquence cardiaque à
102/min et la température à 39,4°C. La patiente était légèrement confuse et l’examen clinique montrait
un globe vésical. Une sonde urinaire à demeure était posée, sans réalisation de bandelette urinaire. Le
bilan biologique initial montrait une créatininémie à 92 µmol/l, les ASAT étaient à 26 U/l (n : 14-36), les
ALAT à 35 U/l (n : 9-52), les gamma-GT à 41 U/l (n : 12-43), les phosphatases alcalines à 129 U/l (n :
38-126), la bilirubine totale à 15,4 µmol/l (n : 3-22), la bilirubine conjuguée à 14 µmol/l (n : 0-5), la CRP à
61,4 mg/L. La NFS montrait un taux d’hémoglobine à 7,2 g/dL, un VGM à 82,3 fl, les leucocytes étaient
à 3,19 G/L, les polynucléaires neutrophiles à 2,79 G/L, les plaquettes à 120 G/L. On disposait également
de la NFS du 11 septembre réalisée en ville : taux d’hémoglobine 7,1 g/dL, leucocytes 2,89 G/L,
polynucléaires neutrophiles à 1,52 G/L, plaquettes à 165 G/L. L’antibiothérapie par ceftriaxone IV était
poursuivie. Une transfusion était effectuée aux urgences.
A l’arrivée dans le service le 21 septembre, la patiente signalait des douleurs lombaires, sans pollakiurie
ni brûlures mictionnelles. Elle était apyrétique et la confusion avait disparu. Le reste de l‘examen clinique
était normal. L’ECBU prélevé aux urgences, soit 48 heures après le début de l’antibiothérapie, était
stérile. Les hémocultures du 20 et 21 septembre restaient stériles. L’échographie rénale du 21
septembre était considérée comme normale, sans dilatation pyélocalicielle ni abcès rénal. Des
transfusions étaient effectuées les 21, 22 et 28 septembre. L’antibiothérapie par ceftriaxone était
poursuivie. Le 23 septembre survenait une fièvre à 39,6°C, avec une augmentation de la CRP à 180
29
mg/L. L’antibiothérapie était modifiée pour pipéracilline-tazobactam et amikacine. Un scanner abdomino-
pelvien effectué le 25 septembre montrait une hépatosplénomégalie homogène, un épanchement
péritonéal liquidien libre de faible abondance ainsi qu’une pyélite gauche sans abcès. Il n’y avait pas
d’argument pour une spondylodiscite. Les jours suivants, la patiente continuait à avoir des pics fébriles à
40°C, voire 41°C, sans frissons, sans hypotension, ne répondant pas aux antipyrétiques intraveineux.
Pendant les pics fébriles, elle était trouvée confuse, obnubilée, parfois prostrée, et se plaignait de
douleurs lombaires. Mais en dehors de ces épisodes, l’examen était normal et l’état général conservé.
Le bilan biologique du 29 septembre montrait une CRP à 239 mg/L et une procalcitonine à 4,17 mg/L.
Les hémocultures du 29 septembre étaient stériles, la coproculture négative. La NFS montrait un taux
d’hémoglobine à 9,4 g/dL, des globules blancs à 3,85 G/L, des polynucléaires neutrophiles à 3,27 G/L,
des plaquettes à 63 G/L. La ferritine était à 7 660 µg/L (n : 11-264), le fer sérique à 42 µmol/l (n : 6,6-
30,4), les ASAT à 43 U/L, les ALAT à 40 U/L, les gamma-GT à 44 U/L, les phosphatases alcalines à 90
U/l, la bilirubine totale à 12 µmol/L et la bilirubine conjuguée à 9 µmol/L. Devant l’augmentation des
besoins transfusionnels, le bilan était complété : l’haptoglobine était à 0,005 g/L (0,26-1,85), les
schizocytes < 0,5%, le test de Coombs direct C3d négatif, le Coombs direct Ig positif, les anticorps anti-
nucléaires positifs à 1/160, les anticorps anti-DNA natif négatifs.
A ce stade, un examen complémentaire simple était r éalisé, permettant de faire rapidement le
diagnostic. Quel est cet examen ?