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    LA KABBALE

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    HENRI SROUYA La Kabbale

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    QUE SAIS-JE ? PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE

    Paris, 1967DEUXIMEDITIONREVUE

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    INTRODUCTION

    Le prsent travail n'est pas un condens de notre grand ouvrage : La Kabbale, ses origines, sapsychologie mystique, sa mtaphysique. Il forme une tude nouvelle sur divers aspects fondamen-taux de la Kabbale et apporte des notions prcises sur cette tradition secrte des Hbreux. Les lec-teurs qui dsirent approfondir leur connaissance sur cette matire pourront cependant consulter no-tre grand ouvrage sur la question.

    Ce qui nous a dcid crire ce livre pour la collection Que sais-je ? , ce sont malheureuse-ment les procds abusifs de certains auteurs qui, ignorant l'hbreu et dpourvus de la comptencephilosophique ncessaire, n'ont pas hsit s'emparer du butin facile qu'offrait notre ouvrage, et

    n'ont mme pas eu la dlicatesse de mentionner leur source.Aujourd'hui, le monde savant, qui s'intresse la philosophie et la mystique, a apprci notretravail et y a reconnu une analyse approfondie des uvres fondamentales de la Kabbale, et a discer-n l'aspect philosophique que nous en avions dgag.

    Certes, la Kabbale, gnose des Hbreux, fut toujours l'objet d'une vive curiosit, qui semble d-passer la philosophie, en ce qui concerne ses rvlations secrtes. Son accs est difficile, parce queles textes en hbreu et en aramen qui nous ont t conservs, sont complexes, obscurs, et chap-pent bien souvent la comprhension, si l'on n'est pas favoris par un temprament intuitif.

    Nous nous sommes nettement oppos ailleurs la Kabbale pratique, uvre suscite par la souf-france, la perscution, mais fascinante par l'extraordinaire imagination mythique dont elle tmoigne.Il importe nos yeux de mettre en lumire des ides saines. En effet, si du mme tronc partent deux

    sortes de branches, autrement dit, deux tendances, la Kabbale spculative et la Kabbale pratique,dans le domaine historique, il vaut mieux ne pas s'attarder sur cette dernire, qui nous loigne de lavrit, et approfondir celle qui tend une pense profonde, susceptible d'apaiser les angoisses quenous prouvons quant la comprhension adquate de l'univers.

    Cette Kabbale qui mrite d'tre connue a sduit des hommes de gnie, aussi bien dans le domainephilosophique et mystique que dans le domaine artistique et littraire. Elle ne peut donc, en ce sens,se prter au jugement pjoratif que le XVIIIe sicle a port sur elle par la plume, par exemple, deVoltaire, crivant que c'est une cabale .

    La source de notre documentation gnrale ressort de la Bibliographie sommaire place la findu prsent ouvrage. La place nous tant strictement limite, nous ne pouvions pas mentionner fr-quemment les noms des auteurs, ni le titre de leurs uvres.

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    CHAPITRE PREMIER

    PSYCHOLOGIE DU MYSTICISME HEBRAQUE

    I. - Caractre gnral

    Le mysticisme, qui vise dvoiler des vrits extraordinaires dans le domaine profond de l'uni-vers, en rapport avec l'homme, ne semble pas concerner les patriarches, Mose, voire les prophtes.Ces grands hommes s'efforaient de s'attacher uniquement Dieu, sans se proccuper des chosesmystrieuses, insouponnes, en marge de Dieu, puisque leurs yeux tout ce qui existe, visible et

    invisible, ne peut maner que de sa puissance cratrice. Autrement dit, pour eux, s'attacher profon-dment, intimement la Divinit, c'est possder par la rvlation la clef de tout ce qui nous paratmystrieux, incomprhensible.

    Vu sous cet aspect, le mysticisme, tel que nous le concevons de nos jours, semble incompatibleavec la spiritualit des Hbreux illustres de la haute Antiquit. Il est pourtant d'essence spirituelle, sion le conoit en dehors de toute considration d'ordre fictif, magique, superstitieux, situe sur unplan infrieur, si l'on peut dire, au mysticisme rel. Le mysticisme rel est l'apanage des hommes degnie qui trouvent sans le chercher le mystre de l'tre. Il embrasse la haute mtaphysique, la struc-ture intime de l'univers, conu comme un reflet de la Divinit. C'est vers Dieu que le mystique tend,c'est en se concentrant par une profonde mditation pour lui, c'est en l'aimant, qu'il parvient voirdes choses extraordinaires qui les rendent heureux, joyeux, optimiste ici-bas. De ce point de vue, lespatriarches, Abraham, Isaac et Jacob, Mose et les prophtes, qui Dieu s'est rvl plus d'une fois,peuvent ainsi tre considrs comme des mystiques, en tant que leur amour extrme les met encommunion intime avec Lui. Le premier philosophe fut Abraham. Il cherche, il mdite, il seconcentre pour dcouvrir celui qui rgit vritablement l'univers. Les idoles, les dieux qu'il a connuschez ses parents, objets inertes, sont absurdes. Le soleil, la lune, les toiles ne peuvent tre non pluscomme dieux, en tant qu'ils sont mus par une force suprieure eux. Spirituellement, invisiblement,peu peu il dcouvre le Dieu vritable, matre de l'univers entier. Mose jene et se recueille durantquarante jours sur le mont Sinal pour avoir le bonheur de connatre Dieu de prs. Les grands pro-phtes, quoique exceptionnellement favoriss, ne voient Dieu que dans un tat d'extase, comme peu prs plus tard les Essniens, les grands kabbalistes, ou d'autres saints.

    La philosophie dans sa spculation la plus profonde, se mouvant au sein de la logique pure (Phi-lon, ce grand mystique, l'avait dj remarqu), demeure impuissante rsoudre des problmes d'or-dre mtaphysique, qui se posent elle comme au mysticisme. Pour les rsoudre, elle doit tre dou-ble de mysticisme, auquel le rationalisme, son guide indispensable, doit tre subordonn, commece fut le cas pour Spinoza. Une philosophie ne peut parvenir la transcendance par le raisonnementrigoureux du logicien, mais par une vue essentiellement mystique et intuitive.

    C'est pourquoi on considre que le mysticisme dpasse la philosophie. Mais la philosophie,comme nous l'avons montr ailleurs, peut revtir un caracctre mystique. Il en est ainsi chez Platon,Philon, Plotin, Spinoza, Bergson.

    II. - Dnominateur commun

    D'une manire gnrale, le mysticisme n'est pas la proprit exclusive de tel ou tel peuple. Bienentendu, les grands mystiques dans le domaine religieux du monothisme pur, qui nous intresse

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    particulirement ici, sont d'une extrme raret. Mais presque tous les peuples sont plus ou moinsports la tendance mystique, sans qu'elle soit ncessairement transcendante. Dans cette diversit,il n'est pas difficile de constater un dnominateur commun la base de leur orientation. L'hommeprimitif, tourment, inquiet devant les phnomnes terrifiants, comme la foudre, les tremblementsde terre, les temptes, les animaux froces, ou devant des spectacles grandioses, comme l'ocan, le

    ciel, forge dans son imagination des mythes qui lui reprsentent une force concrte, une pluralit dedieux, de puissances qui agissent son insu, selon leur propre volont. Ce n'est que peu peu, parune rare volution de l'esprit, que les Hbreux en se dgageant totalement de toute considrationmatrielle, de tous les dieux compliqus de leurs proches voisins, sont parvenus une conceptiontranscendante de la Divinit suprme, incorporelle, immatrielle, dont l'essence est incomprhensi-ble. Les penseurs grecs n'ont eu une semblable conception que mille ans aprs les Hbreux.

    Un autre indice de caractre de dnominateur commun est visible dans diverses tendances mysti-ques. C'est l'effort qui consiste se dtacher entirement du monde extrieur, de toute pense rela-tive ce monde, crer en nous le vide total, le nant, en vue d'atteindre la Divinit par une effu-sion amoureuse. Cet effort apparat sous diverses formes : vie asctique rigoureuse, jenes, mdita-tions, prires intenses chez les mystiques suprieurs, mais toujours il a pour but de vider le moi de

    toute considration matrielle. Ce vide est visible chez les peuples primitifs de nos jours, chez qui ilse traduit par une danse rythmique puisante jusqu' l'extase, o l'on sent la Divinit. Les yoghi pra-tiquent des exercices physiques pnibles qui vont jusqu' la suppression quasi totale de la respira-tion en vue d'arriver faire que le moi n'ait conscience d'aucun objet, ce qui permet d'atteindre lenirvana, qui les plonge dans la vie cosmique. On trouve un stade suprieur chez les mystiques juifs,les kabbalistes qui tendent un tat de nant, si l'on peut dire, existentiel pour se plonger avec in-tensit dans la spiritualit divine. Egalement chez les mystiques chrtiens qui s'efforcent de vider lemoi de son attachement au monde pour pouvoir s'unir Dieu. On le trouve enfin chez les mystiquesde l'Islam qui font le mme effort de vide, l'annihilation oufana, dans leur extase divine.

    III. - DiffrencesSi dans toutes ces tendances mystiques se trouve un facteur commun qui les caractrise, on peut

    galement y remarquer des diffrences non moins caractristiques.Les kabbalistes, ct de leur dvotion, se proccupent de la mtaphysique en vue de saisir la

    structure de l'univers, les nigmes bouleversantes, secrtes qu'ils appellent sod. Les gnostiquesabordent galement ces questions mais sans efficacit, parce qu'ils se fourvoient dans une mytholo-gie magique verbeuse. Cette proccupation est absente dans les mysticismes chrtien et islamique.Le mysticisme hindou a un caractre mtaphysique, mais il ne se place pas sur le plan suprieur dela divinit monothiste qui est notre avis le vritable mysticisme. Nous ne disons rien du mysti-cisme tout aussi intressant, du point de vue sociologique, qui est inhrent la reprsentation col-lective des primitifs de nos jours, ce mysticisme baign dans l'atmosphre mythique, d'o sont ab-sentes les entits mtaphysiques, susceptibles de concorder avec les grands courants du mysticisme,spirituellement volus vers le monothisme.

    Le mysticisme chrtien tend surtout l'union avec Dieu sous l'aspect de la divinit incarne, soiten Jsus, Fils, soit en Dieu, ou en la Trinit. Il en est de mme pour le soufi en rapport intime avecAllah.

    Des vues mtaphysiques relatives au cosmos se trouvent dj dans la Bible, en particulier dansles symboles du Sanctuaire de la Solitude, la Tente d'Assignation , ralisation future du templesous le rgne de Salomon. Philon et Josphe, qui connaissaient probablement les anciennes tradi-tions, nous donnent des renseignements prcieux sur la signification des emblmes du Sanctuaire.Les dimensions de ses proportions, les vases sacrs, le vtement du grand-prtre taient des repr-

    sentations de caractres de l'univers. Dans la Vie de Mose (Livre III), Philon s'tend longuement surle sens de ces symboles. Les trois divisions du Sanctuaire, explique l'Alexandrin, correspondent auxtrois divisions de l'univers, c'estdire le ciel, la mer et la terre. Les quatre tissus en usage de latente sacre et les vtements des prtres se rapportent aux quatre lments. La description de la tu-

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    nique du grand-prtre (cohen gadol) que Philon donne est fort intressante. Cette tunique qui taitborde en dessus de la cheville du pied de clochettes d'or, de fleurs et de grenades, est l'exemple ty-pique de l'image du monde. Sa couleur tire sur l'azur qui reprsente l'air. Les fleurs signifient laterre, parce que toutes choses germent et fructifient en elle. Les grenades symbolisent l'eau, causedu jus qu'elles contiennent. Les clochettes sont les signes harmonieux, les accords parfaits de ces

    deux lments : puisque la terre sans eau et l'eau sans la substance terrestre ne seraient pas suffisan-tes pour engendrer. Les trois lments, l'air, l'eau et la terre, reprsents par la tunique, entrent dansla composition de tout tre. Les douze pierres prcieuses qui figurent sur la plaque pectorale dugrand-prtre et de mme les douze morceaux du pain de proposition se rapportent aux douze signesdu Zodiaque, et, sous l'aspect terrestre, aux douze tribus d'Isral. Les deux meraudes rondes quisont places sur les deux paules du grand-prtre signifient, selon Philon, les astres, le soleil et lalune, ou bien symbolisent le jour et la nuit, ou encore reprsentent les deux hmisphres. Le grand-prtre porte sur la tte, au lieu d'un diadme, une mitre, sur laquelle sont graves les quatre lettresdu nom de Dieu qu'il n'est permis ni de prononcer, ni d'entendre : ce qui signifie qu'aucune chose setrouvant dans la nature ne peut demeurer en vie sans l'invocation de Dieu. Quand le grand-prtrefait le service divin, il surpasse le commun des hommes et tous les rois. Le chandelier, situ vers le

    midi, signifie les mondes des astres qui portent la lumire, d'autant que, selon Philon, le soleil, lalune et les autres astres, beaucoup loigns des parties septentrionales, tournent autour du midi. Lechandelier reprsente les sept Plantes. La Table, sur laquelle sont mis les pains et le sel, est dressevers le nord, et reprsentent les vents septentrionaux qui amnent la pluie ncessaire la productionde la nourriture. Celle-ci, crit Philon, vient du ciel et de la terre, c'est--dire du ciel quand il pleut,et de la terre quand les semences poussent sous l'effet de l'irrigation. Le grand bassin d'airain quisert aux sacrificateurs pour laver leurs pieds et leurs mains symbolise la vie sans reproche. Mais ausujet du corps, le philosophe mystique d'Alexandrie dclare que la vraie beaut ne rside pas dans lecorps de courte dure, mais dans l'esprit.

    Ces divers aspects symboliques montrent la proccupation des Hhreux non seulement de s'atta-cher troitement Dieu, mais aussi de saisir les secrets de l'univers, sans lesquels la vie des tresqui peuplent cet univers, et en particulier celle de l'homme, n'a pas de sens.

    Mais qu'est-ce que la Kabbale ? Littralement le terme hbraque kabbala signifie tradition. Dupoint de vue historique, la Kabbale est cependant autre chose. En ralit, cette doctrine mystique,centre sur le contact de Dieu, n'est qu'une transmission de tout un monde de connaissance profonde une petite lite de haute valeur.

    Une autre distinction dans le domaine du mysticisme juif, c'est un caractre mle. Autrement dit,la prsence de la femme dans le milieu kabbalistique est exclue. Dj au Temple de Jrusalem, seulsles hommes, les cohanim, prsids par le grand-prtre, cohen gadol, se livraient aux pratiques reli-gieuses. Il n'en est pas de mme pour le mysticisme chrtien ; non seulement les hommes et lesfemmes prient ensemble l'glise - ce qui n'est pas le cas ni pour la synagogue, ni pour la mosque,

    lieux saints de puret absolue - mais il compte aussi de grandes saintes, telle que sainte Thrsed'Avila. Il est vrai que les Hbreux ont des prophtesses, Debora, Hilda, et certaines filles des mys-tiques modernes, comme Hayya, qui connaissaient fond le Zohar; mme chez les musulmans,Rbi', clbre mystique de Basra (morte en 801).

    IV. - Elments particuliers

    Ce que nous venons de dire n'est qu'un aperu d'ides d'ordre gnral qui apparaissent dans lesgrandes tendances du mysticisme. Il est analogue la cration de l'esprit dans des branches commel'art, la posie, la philosophie. Si maintenant nous nous bornons l'objet du prsent ouvrage, il y alieu de mettre en relief succinctement certains lments particuliers trs anciens qu'on trouve dans

    la Bible. Ce sont des prcurseurs de la cristallisation de la Kabbale qui se constituera au cours duMoyen Age.La Bible, document qu'on peut qualifier de gnial, ne reflte pas seulement une forte pense reli-

    gieuse, elle contient une mine d'intuitions profondes sur des vrits insouponnes, qui se confir-

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    ment au fur et mesure qu'on parvient les saisir. Philon, sous une forme allgorique, a pu montrerles linaments de sa richesse d'ides, relatifs la constitution de l'univers, la transcendance divine, la haute spiritualit, la moralit qu'elle implique. A sa suite, les kabbalistes se sont pntrs deson sens sotrique, de ses vues mystiques sur la cration divine, sur l'univers et sur l'homme. Nousverrons que le Zohar, la Somme de la Kabbale, s'abreuve pour ses commentaires spculatifs verti-

    gineux la source biblique, en particulier la Torah (le Pentateuque).Au sujet des symboles de l'univers inclus dans la Bible, nous avons dit plus haut qu'ils se refl-tent dans la forme mme du Sanctuaire, dans ses dimensions, dans le vtement de cohen gadol etdans divers vases sacrs. Il importe maintenant de dceler certains aspects capitaux du sens mysti-que que la Bible renferme.

    Les sacrifices - dont l'origine, selon Mamonide, remonte au paganisme, et qui furent plus tardrejets par les grands prophtes et par Philon, qui leur prfraient la puret de l'esprit et du cur, etsurtout la justice - renferment un sens mystique lev qui se manifeste dans la pratique de l'immola-tion avec ou sans effusion du sang. Par le sang dont on asperge l'autel et par la combustion de l'of-frande, une union intime s'effectue. En d'autres termes, cette union du sang et du feu exprime, parl'intermdiaire de la victime, le sacrifice total de l'homme Dieu. Les autres sacrifices, en usage

    mme chez les paiens, se rapportent symboliquement aux produits de la terre. L'effusion du sang aun sens mystique plus profond, parce qu'il s'agit aux yeux des Hbreux de sacrifice de l'me : lesang est nefech, c'est--dire l'me vitale. Plus tard, Juda Halvi, ce grand mystique, puis les kabba-listes, n'hsitrent pas attacher une grande importance aux sacrifices, en tant qu'ils procurent uncontact immdiat avec la Divinit.

    La bndiction du grand-prtre seul a le droit de prononcer le nom de Dieu (Chem hamephorach)ainsi que l'oracle des Urim et Tumim qu'il porte sur sa poitrine, ont une porte mystique leve.L'nonciation du nom divin distinct des autres noms de Dieu, qui tend crer un lien entre le Cra-teur et celui qui l'adore, implique une puissance de spiritualit profonde. Si l'on se rfre Philon etau Talmud, il semble que, du point de vue psychologique, des phnomnes terrifiants avaient lieuquand le cohen gadol, en tat d'extase sublime, prononait le nom mystrieux dans le Saint desSaints, le jour du Grand Pardon (Kippour).

    Le caractre mystique de la Bible est trs significatif pour les rapports de l'homme avec Dieudans la prire et dans les sacrifices dont nous venons de parler, et plus tard sans sacrifices, maisavec le cur et l'esprit concentrs avec une ferveur sur laquelle insiste particulirement Mamonidedans le Guide des Egars.

    Il se manifeste galement dans son attachement aux miracles d'un monde suprasensible, commele feu du buisson ardent, o Dieu s'est manifest Mose pour la premire fois, en vue de dlivrerles enfants d'Isral de l'Egypte, ou comme les trois anges qui vinrent visiter Abraham pour lui an-noncer la naissance d'Isaac, ou l'ange qui vient au secours d'Agar dans le dsert, ou l'ange qui appa-rat en rve Jacob et avec qui il lutta pour recevoir sa bndiction. Tous ces anges ne sont autre

    que la Divinit symbolise sous des formes humaines.L'lan grandiose de la mystique n'apparat pas seulement chez les grands prophtes, tels qu'Isae,Jrmie, Ezchiel, Amos dans leurs visions extraordinaires de l'avenir, mais surtout dans les Psau-mes. Le psalmiste merveill et saisi d'effroi devant la puissance cratrice de Dieu qui se rvledans la nature, exprime avec ravissement son amour envers Lui. Ses esprances en Dieu misricor-dieux qui rcompensera les justes, donnent du courage ceux qui se sentent dprims, anantis ici-bas. Les chants de Psaumes rcits dans le Temple, plus tard dans les synagogues de la diaspora etmme dans les glises, expriment la pit et la vertu. Ils manent de l'me tourmente qui imploreDieu.

    Ainsi, dans plusieurs psaumes, en un langage simple mais puissant, on voit Dieu qui vient au se-cours de David dans le tremblement de terre, l'orage et la tempte ; la voix tonnante de Dieu qui r-

    sonne dans la nature avec un effet terrifiant ; l'me solitaire qui dsire non seulement les offices re-ligieux du Temple, mais la nature qui reflte la Divinit, comme le Berger qui amne le psalmiste se reposer dans le vert pturage ; l'me qui demeure l'ombre du Trs-Haut ; l'me porte sur les ai-

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    les des anges, marchant sans crainte et sans mal sur les vipres et les lions ; l'universelle prsencedivine, visible dans le corps et l'me de l'homme, form l'origine des profondeurs de la terre ; ledsir ardent d'tre guid par Dieu dans le chemin de l'ternit ; l'tat o l'me en dtresse invoqueDieu et le prie de la dtourner des pchs, faire natre en elle un cur pur, de ne pas la rejeter loinde sa Face, de ne pas retirer d'elle son Esprit-Saint, enfin de la disposer la crainte de son Nom.

    Cette tendance mystique, qu'elle soit dans l'attitude extatique des prophtes d'Isral ou dans l'ac-cent profondment religieux qu'exprime d'une manire si touchante le psalmiste, qui aspire aucontact intime avec le Crateur lorsqu'il chante ses louanges, dcrit les merveilles de son reuvre etl'implore, lui, tre chtif, pour qu'il le guide dans la voie vertueuse, la voie heureuse de l'Eternit,montre que la Bible, cet ouvrage millnaire, renferme en puissance le germe mystique par excel-lence, au sens noble du mot.

    D'autres particularits possdant un fond mystique se trouvent dans la Bible. Des substancesimmatrielles, comme les anges ou d'autres entits, jouent un rle d'intermdiaire entre Dieu et lemonde. Elles portent des noms multiples. Ainsi Kaboddsigne la premire matrialisation concrtede l'essence divine : kabod de Yahveh , qui repose sur le mont Sina et que Mose dsire contem-pler (Exode, XXXIII, 18). La Chekhina (gloire divine), dont l'importance est capitale dans la mysti-

    que de la Kabbale et dans la doctrine du Hassidisme, dont l'origine tymologique remonte la Bi-ble, bien qu'elle n'y soit pas mentionne. Elle est la rsidence divine dans le monde, et plus particu-lirement dans ses manifestations sur le mont Sina et dans l'enceinte sacre du michkan (Sanc-tuaire).Makom, qui signifie place ou espace, devient l'poque talmudique le nom distinct de Dieu.Il est employ dans le passage qui dcrit la rvlation de Dieu Mose (Exode, XXXIII, 17) pourindiquer l'omniprsence divine. Ds le dbut de la cration, au sein du chaos apparat l'esprit, souf-fle de Dieu (rouah Elohim) qui pntre le monde en se rpandant sur toute chair. Le psalmiste l'ap-pelle l'Esprit-Saint dans l'me humaine (Ps. LI, 13). En tout cas, il apparat comme un principeconcret, surtout dans les visions des prophtes. La prsence divine est dsigne d'une manire gn-rale comme la Face de Dieu. La Sagesse (Hakhma) (Prov. VIII et IX) qu'on retrouve sous le termesophia chez les Grecs et les gnostiques, personnifie, dans divers passages de la Bible, la parole deDieu . De mme que l'ange est un intermdiaire entre Dieu et l'homme pour la vue, elle est un in-termdiaire pour le sens de l'oue. Les prophtes, dans toutes leurs proclamations, disaient quec'tait la parole de Dieu ou la Bouche de Dieu, qui s'exprimait en eux. Les premiers docteurs duTalmud (les tanam) disaient propos de la phrase : Et Dieu dit : que la lumire soit , que c'taitl la Parole, la vritable puissance cratrice. Au reste Onkelos, dans sa traduction chaldenne de laGense, dsigne le Crateur mme comme la Parole , Memra, analogue au concept du Logosdans la philosophie grecque et surtout dans le dveloppement original de Philon qui inspirera saintJean dans son Evangile qui commence par : Au commencement tait le Verbe.

    Tous ces termes-clefs qu'on trouve dans la Bible contribueront l'panouissement d'un sentimentmystique trs intense d'abord chez les Prophtes, puis chez les kabbalistes qui leur succderont.

    L'esprit rellement mystique, avant la lettre, apparat dans les visions des prophtes. Sans la vi-gueur spirituelle qui les caractrise, on ne peut expliquer le jaillissement de leurs paroles divines.Leur inspiration sublime vient de leur contact intime avec Dieu. Il ne faut pas considrer leur inspi-ration o s'exprime un idalisme social lev, le monothisme dans toute sa puret transcendante,comme un effort rationnel manant d'une laboration intellectuelle. En ralit, tout ce qu'ils non-cent sous un aspect logique pour le mettre la porte de tout le monde est le point d'une inspirationspontane de la Divinit. Leurs prdictions terribles des chutes de royaumes, soit chez les Hbreux,soit chez d'autres nations voisines, sont le produit d'une clairvoyance politique extraordinaire. Lesvisions d'un Isae, d'un Jrmie, d'un Ezchiel atteignent une hauteur telle qu'elles ne se prtent pas la pure logique. La vision messianique ou apocalyptique qu'on trouve dans les crits d'Isaie, deJol, de Sophonie, de Zacharie, de Malachie et de Daniel - poque o les desseins divins se ralisent

    - ne peut en aucune manire se placer sur le plan rationnel. Le prophte Elie, qui est un tre surhu-main, joue un rle d'extrme importance dans la vie mystique d'Isral. Les juifs - surtout les kabba-listes - et les chrtiens le considrent comme un guide cleste qui apparat souvent sur la terre sous

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    une forme humaine. C'est lui, selon la prophtie de Malachie, qui sera l'avant-coureur de l'arrive duMessie.

    Cette tendance mystique des temps bibliques qui se discerne galement chez les Nazarens(Nombre, VI), soucieux d'une stricte puret rituelle, et chez les Rchabites, confrrie religieuse dontparle Jrmie, renferme des termes mystiques en puissance, qui susciteront au cours des sicles,

    aprs la priode biblique, un lan prodigieux et ininterrompu dans l'me juive qui cherche son re-fuge suprme dans le Trs-Haut pour la protger et l'clairer.

    V. - Autre phase particulire

    Cette vie mystique des Hbreux dans la haute Antiquit, d'une vigueur spirituelle intense, surtoutdans les crits des prophtes et du psalmiste, offre d'autres aspects non moins particuliers. On peutla suivre au cours des gnrations successives : tantt ils atteignent une supriorit spculative detrs haute valeur philosophique, tantt ils se confondent avec la magie, la gnose trangre, et tom-bent dans la superstition. Ce qui importe dans ces tendances qui succdent l'poque biblique, c'estd'essayer d'liminer au fur et mesure ces faiblesses, par exemple quand on tudie l'ouvrage synth-

    tique duZohar, qui renferme quelquefois simultanment les deux aspects que nous venons de dis-tinguer.A l'poque talmudique, nous voyons des groupes d'hommes sages retirs de la foule, vivant la

    campagne ou dans un coin du dsert dans une atmosphre de pure spiritualit. Il s'agit de la secteessnienne, des Thrapeutes, et de la secte de Qumran que nous ont fait connatre les manuscrits dela mer Morte, dcouverts rcemment (1).

    Ce sont Philon (Quod Probus sit Liber) et Josphe (Guerres juives etAntiquits juives) qui nousrenseignent sur les Essniens, et galement Philon (Vita contemplativa) sur les Thrapeutes, mysti-ques contemplatifs, qui semblent s'apparenter aux Essniens tout aussi mystiques, mais plus portsvers l'action.

    L'attitude mystique des Essniens qui habitaient la Palestine accuse une certaine ressemblance du

    point de vue comportement avec celle des prophtes. Leur dvotion, leur rejet de la matire, leuramour de Dieu suscitrent la sympathie des paens, tels que Pline l'Ancien. Ils exercrent une in-fluence considrable sur la formation spirituelle des premiers chrtiens. Ils possdaient des livresqui renfermaient leur doctrine et qu'ils communiquaient seulement leurs membres initis, choisisavec des exigences rigoureuses de pit et de droiture. Ils vivaient de leur labeur quotidien et se li-vraient, aprs s'tre purifis par l'eau froide, la mditation et l'tude de la Torah. Leur philoso-phie s'attachait la connaissance de Dieu, la cration de l'univers et surtout la morale.

    Les Thrapeutes, qui rsidaient prs d'Alexandrie, menaient une vie mi-communautaire, mitique.Ils taient sobres dans leur nourriture et dans leurs vtements. Ils vnraient d'une manire particu-lire le jour de Sabbat, o ils se consacraient avec ferveur l'tude de la Torah ; durant les autres

    jours, ils s'enfermaient dans leurs cellules, se livrant la prire et la mditation contemplative.A ces sectes on peut joindre celle de Qumran, qui s'apparente aux Essniens, mais qui ne semble

    pas - en raison de certaines diffrences manifestes - tre authentiquement essnienne. L'attitudemystique des membres de cette secte dans le recueillement, leurs hymnes, leur adoration de Dieu,est trs significative.

    L'approfondissement de l'interprtation de la Torah et de ses commandements (mitsvoth) apparatdans l'uvre gigantesque du Talmud. Son commentaire, trs riche en ides, s'tend quelquefois,quand le sujet s'y prte, des connaissances encyclopdiques, portant sur toutes les sciences : ana-tomie, mdecine, astronomie, agri culture, philosophie, etc.

    L'ide premire dans cet amalgame d'apparence htrogne rside dans le dsir d'clairer les pr-ceptes de la Loi. Est-ce dire que, dans cette ceuvre thologique, o les docteurs exposent ration-

    1 Si des lecteurs dsirent des reinsegnements dtailles sur ces sectes, nous nous permettons de les renvoyer notrelivre,Les Essniens (Calmann-Lvy), car il nous est impossible de nous tendre sur cette question dans le prsent ou-vrage, o la place est strictement limite.

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    nellement leurs opinions, si caractristiques dans leurs divergences et dans leurs concordances fina-les, la tendance mystique soit absente ? Dans leur for intrieur, ils sont mystiques, si l'on considreque leur ultime proccupation dans cette gymnastique vivante des discussions se rapporte Dieu. Ils se rendaient compte que la Torah renferme des mystres (sitr torah) au sujet de Dieu etde l'univers, sur lesquels Mamonide a beaucoup insist dans son uvre capitale,Le Guide des Ega-

    rs, en ce qui concerne la haute philosophie hermtique qu'ils renferment et qu'ils n'taient commu-nicables qu' une lite restreinte. Ces docteurs taient non seulement croyants, convaincus sincre-ment de la rvlation divine, mais des mystiques. Il en est ainsi d'Hillel, de Yohanan ben Zaca,d'Akba, et beaucoup d'entre eux, soit sous des influences trangres, soit par dsir de pntrer lessecrets de l'univers, surtout aprs la vision d'Ezchiel relative au char (merkaba), se donnrent l'tude des mystres. Le traitHaguiga (relatif aux ftes) dans la premireMichna (code de lois) d-fend de parler des mystres de la cration (ma'ass Bereschit) et des mystres du char cleste(ma'ass Merkaba), sur lesquels nous reviendrons, avec deux personnes ou mme avec une seulepersonne. Dans le commentaire de ce passage de la Michna (la Guemara), cette dfense ne s'appli-que qu' certaines personnes, mais, de toute faon, il n'est pas interdit de rvler ces grands myst-res qui que ce soit. Ben Sira dira galement qu'il faut s'abstenir de fixer l'attention sur ce qui est

    au-dessus, sur ce qui est au-dessous, sur ce qui est devant, sur ce qui est derrire. Celui qui ose en-freindre ce principe, il et mieux valu qu'il n'existat point. Ceux qui sont faibles d'esprit peuventperdre le raison ou mme risquer leur vie. La Michna illustre ce que nous venons de dire par unexemple devenu clbre dans les arcanes du mysticisme : quatre fameux docteurs entrrent dans lePardes (jardin), c'est-dire dans le domaine de la doctrine secrte, Rabbi Akiba seul, le clbredocteur, en sortit sain et sauf. Parmi les autres, Ben Aza mourut, Ben Zoma devint fou et Elia benAbuya, surnommAher(autre) abandonna le judasme.

    On voit par l que la gnose tait dveloppe l'poque talmudique. Le penchant mystique de cetemps a, si l'on peut dire, un double sens : d'une part, il se rapproche de l'Etre suprme, Dieu, avecamour, et, en mme temps, il apprhende de prs les mystres rels qui rsultent de sa propre cra-tion. C'est l un point de vue important qui caractrise la tendance mtaphysique des Hbreux - sil'on se rfre aux livres de Job et de l'Ecclsiaste, surtout au dveloppement ultrieur de la Kabbale,en particulier en Provence et d'Espagne.

    A l'poque des Gaonim, la mystique juive, quelques exceptions prs, commence dcliner -elle se confond avec la magie. C'est dans cette priode que prend naissance la Kabbale pratique, quiaura une grande ampleur en Allemagne, en Europe centrale. Pourtant cette poque compte un pen-seur de haute valeur, Saadia, et voit paratre un ouvrage trs remarquable, Sefer Yetsira (Livre de laCration), comment par celui-ci, parmi de nombreux crits, dont quelques-uns nous sont parvenus.Nous reviendrons sur ceLivre de la Cration. Cette poque se distingue par la descente de laMer-kaba (Yord merkaba). Il y a un contraste avec ceux qui s'lvent vers la hauteur de la spiritualitpour scruter de prs les mystres du monde.

    Sans aucun doute, c'est au Moyen Age, en Espagne et en Provence, que le mysticisme juif, sousl'aspect d'une profonde philosophie, atteint une hauteur qui ne sera pas dpasse dans l'interprta-tion des Sephiroth, comme dans celle de En-Sof. C'est une mystique saine qui s'carte plus d'unefois des considrations magiques ou pratiques, une mystique intuitive, qui dpassera, en un certainsens, la philosophie.

    Safed, perche sur la montagne, est une rgion vnrable, voire sainte. Elle marque la dernirepriode cratrice de la Kabbale, avec Cordovero, de la ligne de Mamonide, et le visionnaire Luria,qui aura une influence considrable sur le Hassidisme, encore vivant de nos jours.

    Telle est, en gros, la nature de la psychologie du mysticisme juif, qui ressemble ou ne ressemblepas aux autres courants du mysticisme inhrents, en particulier, au monothisme, parfois sous unenuance panthiste, et au paganisme. Son germe est dj visible dans la haute Antiquit, o vcurent

    les Hbreux, peuple essentiellement religieux, qui dcouvrit l'existence de Dieu Un. Puis ce mysti-cisme volue, selon les circonstances des ges et selon l'ambiance des voisins ; il subit tantt l'in-fluence de la mystique paenne, la gnose, tantt l'influence philosophique du noplatonisme, mais

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    dans toutes ses vicissitudes, il conservera son intacte originalit, en dpit de l'emprise qui s'exercerasur lui, et finira par se constituer une doctrine cohrente et personnelle en vue non seulement de sepencher vers Dieu, la pierre angulaire de tout mysticisme vritable, mais aussi de scruter la profon-deur de l'univers. C'est un trait commun tous les grands gnies qui se concentrent dans de longuesmditations pour saisir le rel. En d'autres termes, avoir perptuellement conscience de la Divinit

    suprme peut se comparer l'effort du gnie qui n'est satisfait que lorsqu'il la dcouvre dans laflamme de la cration.

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    CHAPITRE II

    THEMES SPCIFIQUES

    Dans les pages prcdentes, nous n'avons pas hsit nous tendre sur les principaux lmentsdu mysticisme hbraque, en les confrontant avec d'autres tendances du mysticisme. Ce tour d'hori-zon nous a paru indispensable pour concentrer l'attention du lecteur sur un sujet passionnant, maishermtique.

    Il s'agit maintenant de dgager quel est le fondement de ces lments. Autrement dit, de mettre

    en lumire les thmes du mysticisme juif.Ces thmes, qui divergent quelquefois en apparence les uns des autres, sont l'apocalypse en rap-port avec laMerkaba, dj entrevue par les prophtes, en particulier par Ezchiel et Daniel ; laHa-lakha qui se rapporte aux principes stricts de la Loi ; la Haggada, ensemble de lgendes narratives,de caractre populaire, qui contiennent parfois des ides substantielles ; enfin un genre d'interprta-tion particulier sous forme mthodique : l'allgorie.

    I. - L'apocalypse

    L'apocalypse constitue un lment important dans le mysticisme juif. Certains de ses traits essen-tiels sont voqus dans des passages des prophtes, Isae, Ezchiel, Jol, Amos, Zacharie, Malachie

    et Daniel. Ils ont t repris dans le Nouveau Testament (l'Apocalypse de saint Jean), et dans descrits apocryphes, leLivre d'Enoch, l'Apocalypse d'Abraham, le Testament d'Isaac, le Testament dedouze patriarches, l'Apocalypse d'Elie, etc.

    Le fonds de cette littrature sotrique, qui se rattache une imagination mythologique trspousse (sauf les visions des prophtes), est la fin qui menace Isral et l'humanit. Les personnagesqui apparaissent dans cette vision suprasensible, dans leur rle surhumain, sont d'origine biblique :Adam, Enoch, et plus tard Elie, qui ne meurent pas, Abraham, Isaac, Jacob, Mose, Baruch, disciplede Jrmie, Sophonie, Daniel, Ezra.

    Au cours de la principale vision cleste, c'est l'ange Jhiel dans l'Apocalypse d'Abraham, ouUriel dans leLivre d'Enoch (qui ressemble l'ange Raziel dans la phase ultrieure de la Kabbale),que Dieu envoie pour qu'il rvle l'homme le monde du ciel et les grands mystres. Aprs cette

    initiation, on assiste la description de la monte graduelle de l'me au ciel, o elle va rencontrerles phalanges angliques de la Merkaba dont parle Ezchiel, et connatre les vnements myst-rieux. L'homme qui a russi contempler ces rgions sublimes des cieux successifs, rgis par lesanges et par les quatre archanges, Michel, Uriel, Gabriel et Raphal, puis au-dessus d'eux, laMer-kaba de Dieu (char, trne), dpasse, selon ces visions, l'action des anges.

    Les vues duLivre des Jubils, d'Ezra (IV), d'Apocalypse de Baruch, tmoignent d'une imagina-tion extraordinaire, qui anticipe les tableaux de Dante relatifs l'enfer et au paradis. Dans ces vi-sions, on trouve tantt une scne dramatique, o l'homme est assailli par le doute et l'angoisse, queDieu ou les anges combattent par des paroles encourageantes ; tantt l'vnement final effroyable,et enfin la rsurrection des morts par le Messie.

    Cette littrature apocalyptique, qui semble avoir subi l'influence des Essniens, est fconde en

    fictions, en ce qui touche la contemplation des espaces clestes, sur la quelle nous reviendrons, etles chappes angoissantes sur la fin des temps. Pour contrebalancer ces sombres considrations surla fin des temps, cette littrature, en particulier l'Apocalypse d'Abraham, a introduit des visions sur

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    le royaume cleste, o sont expliqus les phnomnes physiques, mtorologiques et astronomi-ques ; de plus, elle a mis en valeur un point important du mysticisme juif, le symbolisme des lettresde l'alphabet, considr comme lments crateurs. Elle pousse trs loin une tendance, sur laquellenous reviendrons, la description anthropomorphique de la Divinit qui ne cadre gure avec l'as-pect du monothisme.

    L'lment apocalyptique, en particulier, celui de l'Ancien Testament, exera une influence consi-drable la fois sur la religion juive et sur la religion chrtienne. Le christianisme attache unegrande importance aux prophties d'Isae (chap. LIII), relatives l'enfantement virginal d'Emmanuel(Dieu avec nous) et l'homme de douleurs, compar un agneau destin la boucherie. Le ju-dasme se rfre aux btes symboliques du mal, sur lesquelles se fondent les spculations messiani-ques.

    La glorification des anges de Dieu, dcrite dans les livres d'Enoch, apparat comme une exten-sion des visions d'Isale (VI, 3), kadoch, kadoch, kadoch Adona Sebaoth (Saint, Saint, Saint est leSeigneur Sebaoth) et d'Ezchiel (III). Elle forme la base des hymnes de la Kedua (saintet). Cettesanctification extatique qui transcende la gloire divine influena la conscience des mystiques juifs.Elle fut incluse dans la liturgie et pratique dans des prires quotidiennes la synagogue.

    II. - La gnose de la Merkaba

    Ce que nous venons de dire de l'apocalypse a des rapports troits avec le premier lan mystiquejuif relatif laMerkaba, dcrite par Ezchiel. Elle mrite d'tre examine de plus prs. Dans cet tatmystique il ne s'agit pas de la contemplation concentre sur la nature de Dieu, mais de la perceptionde Son apparition sur laMerkaba - laquelle implique galement la connaissance des mystres ana-logue en un certain sens la gnose (1) des mystiques grecs et des premiers mystiques chrtiens, quitend aupleroma (la plnitude), la sphre clatante de la Divinit avec ses puissances, ses ons, sesarchontes .

    LaMerkaba qui contient toutes les formes de la cration, est le but principal de la vision mysti-

    que. Le Livre d'Enoch (chap. XIV, traduct. thiopienne) donne la plus ancienne description de lacontemplation extatique de laMerkaba. On la retrouve dans leLivre de Hekhaloth (Palais clestes).C'est au septime et dernier des cieux que s'lve la Merkaba. Il importe d'observer que ce qui estdes demeures de la Merkaba est tranger la vision d'Ezchiel et aux crivains les plus anciens.Plus tard, crit Scholem, probablement vers 500, toute la terminologie subit un changement. Dansles Grandes Hekhaloth, les plus importantes de presque tous les crits postrieurs, le voyage vi-sionnaire de l'me au ciel avait constamment trait la descente de la Merkaba et le groupemystique qui se rattache celle-ci s'appellait Yord ha-Merkaba (ceux qui descendent de laMerka-ba).

    L'organisation de ces mystiques remonte, semble-t-il, au IVe ou Ve sicle, la basse poque tal-mudique en Palestine. Elle n'est connue avec certitude qu'en Babylonie. Les traits mystiques quipassrent de l en Italie, puis en Allemagne, parvinrent la fin du Moyen Age sous forme de ma-nuscrits.

    1 Selon Leisegang, la gnose est la connaissance de la Ralit suprasensible, Invisiblement visible dans un ternelmystre . Elle est cense constituer au cur et au-del du monde sensible l'nergie motrice de toute forme d'existence.Cette ralit suprasensible se rattache aux entits divines, dmons, anges, esprit, hros de la mythologie paenne et chr-tienne, qui dtiennent le destin du monde et de l'humanit. - Les systmes gnostiques connus ne sont pas marqus del'esprit d'une religion orientale dtermine. Au contraire, ils se composent en proportions ingales de divers lments,

    juifs, chrtiens, perses, babyloniens gyptiens et grecs. - Les gnostiques affirment que l'me seule est la partie pensante.Elle est immortelle en tant qu'esprit. Elle se divise en intellect passif, rcepteur de formes, et en intellect agent, infor-mant et crateur . Seul ce dernier, divin, est donn l'homme du dehors et retourne au moment de la mort sonprincipe. L'homme, en somme, en sa qualit d'tre le plus lev de la hirarchie, rcapitule en lui tous les degrs de la

    nature, c'est--dire qu'il est matire, plante, animal, logos et esprit : un microcosme. - Les Evangiles chrtiens, qui paru-rent en grec, taient tous plus ou moins farcis ou malls de motifs gnostiques . Paul est nourri de la cosmologie dela gnose. Mais lorsque le christianisme vit son originalit menace, la rsistance clata ; on combattit svrement lagnose, en particulier celle de toutes les hrsies. Sous un autre aspect, Plotin combat galement les gnostiques.

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    Les groupes organiss transmettaient difficilement au public leur tradition mystique secrte, sur-tout cette poque qui voyait la vague de nombreuses hrsies juives et chrtiennes. Pour tre ad-mis dans le cercle mystique de laMerkaba, des conditions morales qui sont dj mentionnes dansle Talmud s'imposaient. Les Hekhalot(chap. XIV) numrent huit conditions ncessaires pour quel'on soit admis l'initiation. De plus, le novice devait tre jug d'aprs son apparence, en rapport

    avec des critres physiognomiques et chiromantiques. Cet examen fait penser l'entre de l'cole dePythagore, qui imposait comme conditions certaines caractristiques physiognomiques. Les myst-res de la physionomie semblent emprunter son verset Isae (III, 9), hakrat panim (la connaissancede la face).

    Ceux qui avaient subi l'preuve avec succs taient jugs dignes de faire la descente vers laMerkaba, qui les conduisait, aprs beaucoup de difficults et de dangers, travers les sept palais c-lestes. Scholem remarque que c'est l une variation juive sur l'une des principales proccupationsdes gnostiques et des hermtiques du IIe et du IIIe sicle . L'ascension de l'me, partir de laterre, travers les sphres des anges plantaires hostiles et des dmiurges du cosmos , puis son re-tour sa demeure divine dans la plnitude de la lumire de Dieu, implique - aux yeux des gnos-tiques - surtout au sujet de son retour, la Rdemption . De sorte que certains savants consid-

    raient que c'tait l l'ide centrale du gnosticisme . La description dtaille d'un tel voyage inclusedans la seconde partie de Grandes Hekhaloth peut tre considre comme gnostique.

    Cette ascension mystique devait tre prcde de pratiques asctiques, qui duraient douze oumme quarante jours. Ha ben Sherera, chef de l'Acadmie babylonienne vers l'an 1000 de l're vul-gaire, nous a rvl ces pratiques asctiques. Celui qui dsirait contempler laMerkaba et les palaisdes anges devait jener pendant un certain nombre de jours, la tte entre les genoux (1), et dire toutbas des hymnes traditionnelles, Ces pratiques lui permettaient, sous l'aspect de sa vie intrieure, devoir en quelque sorte les sept palais de ses propres yeux.

    La conception des sept cieux, travers lesquels l'me s'lve vers sa demeure originelle aprsla mort, ou dans un tat d'extase, quand le corps est encore vivant , est ancienne. Elle se trouvedans le quatrime livre d'Ezra, l'ascension d'Isae, de vieux apocryphes. Quant la description dessept cieux avec la liste de leurs archontes, telle que la donnent les mystiques de la Merkaba, Scho-lem la situe, d'aprsReyath Ezechiel (Visions d'Ezchiel), ouvrage publi en 1921, dans la priodepost-michnaque.

    Des ressemblances existent entre le gnosticisme des Hekhaloth et celui des mystiques hellni-ques, mais il existe une diffrence importante dans leur conception de la Divinit. Dans les Hekha-loth, Dieu est avant tout Roi ou, avec plus de prcision, Saint Roi. Pour le juif mystique de la p-riode de la Merkaba, il n'existe aucune immanence divine ; mme l'amour de Dieu n'apparat quetrs faiblement. Ce n'est que plus tard que cet amour pour Dieu gagnera en ampleur. L'extase, su-bordonne l'inspiration religieuse, a lieu, mais sans produire de lien mystique entre l'me et Dieu.Le Crateur et la crature restent spars. Le mystique ici, qui dans son extase passe travers tou-

    tes les portes , surpassant les dangers, se tient devant la Merkaba pour voir et entendre. L'accentest mis sur son aspect royal et non sur son aspect crateur, qui, pourtant, en est indissociable. Pourles auteurs des traits deHekhaloth, les mystres de la cration prsentent des nigmes. En tout cas,l'aspect du Crateur de l'univers est considr comme un des sujets remarquables de la connaissancesotrique qui sont rvls l'me extatique au cours de son ascension. Ce mystre a la mme im-portance que la vision des anges et la structure de laMerkaba . Un tel ravissement qui parvient pntrer au-del de la sphre des anges, c'est--dire Dieu, s'est rvl a R. Akba dans la vision delaMerkaba, dont nous avons parl prcdemment lors de son entre au Pardes.

    1 Cette posture corporelle trs typique, qui rappelle celle d'Elie sur le mont Carmel dans sa prire, entrane chez l'as-

    cte l'oubli total de soi-mme et provoque en lui, si j'ose dire, une autosuggestion. Dans le Talmud (Berakhol etAbadaZara), cette posture de l'oubli de soi-mme concernait R. Hanina ben Dosa, qui s'tait concentr dans la prire, ou d'un pnitent qui fait Dieu le don de soi-mme . Cette attitude de l'oubli apparat peu prs sous le mme aspect chez leyoghi, ou chez saint Jean de la Croix.

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    III. - Shiur Koma

    A ct de ces traits qui se rapportent la Merkaba, une rvlation trange, quelque peu para-doxale, est connue sous le nom de Shiur Koma (mesure du corps de Dieu). LeZoharen parle maisau sens immatriel (voir notre ouvrageLa Kabbale, p. 117).

    Cette description anthropomorphique, quoique au fond mtaphorique, a suscit un antagonismevhment de la part des juifs, qui restaient loigns d'une telle conception mystique. Plus tard, JudaHalvi et les kabbalistes considreront ce langage obscur comme le symbole d'une spiritualit parti-culire. Ces dimensions hyperboliques, attribues au corps du Crateur, ont leur analogie dans leCantique des Cantiques (V), dans la description de l'amant. Ainsi la hauteur du Crateur est de 236 000 parasanges ; pour une autre tradition la hauteur de ses talons est de 30 millions de pa-rassanges . Or un parasange de Dieu a trois miles, un mile a 10000 mtres et un mtre trois em-pans et un empan contient le monde entier . On lit dans laMerkaba Chelema (Char complet 38 a) : Qui a mesur le ciel avec l'empan ? Comme nous l'avons dit ailleurs, Juda Halvi (Kuzari, IV,3) considre que ces mesures monstrueuses servent effrayer l'me et montrent la petitesse, l'insi-gnifiance de l'homme devant la grandeur du Crateur.

    Incidemment, laMerkaba Chelema rapporte qu'on trouve dans le Shiur Koma une transformationtrange dans le spirituel : La Face apparat comme les pommettes de l'esprit, et toutes deux sontcomme la figure de l'esprit et la forme de l'me , qu'aucune crature ne connatra. Son corps estcomme de la chrysolithe. Sa lumire jaillit avec violence de l'obscurit ; des nuages et du brouillardl'entourent et tous les princes, des anges et les sraphins sont devant lui comme une jarre vide .C'est pourquoi, ajoute l'auteur, aucune mesure de Dieu ne nous a t donne, mais seuls ses nomsmystrieux nous ont t rvls .

    Gaster a montr que des exemples assez similaires d'anthropomorphisme se retrouvent chez legnostique Marcos au IIe sicle. Scholem pense que cette forme de spculation tire probablement son origine des mystiques hrtiques qui se sont spars du judasme rabbinique . Il semble pos-sible, selon cet auteur, que les mystiques qui ont rdig le Shiur Koma se soient inspirs de la figure

    voque par Ezchiel, pour l'identifier avec l' homme primitif de la spculation iraniennecontemporaine, qui a fait son entre dans le monde de la mystique juive. Il va mme jusqu' suppo-ser une croyance du Shiur Koma, conserve par les mystiques, qui implique une distinction fonda-mentale entre l'aspect de Dieu Crateur et le Dmiurge, c'est--dire l'un de ses aspects, de son es-sence indfinissable. Personne ne conteste que c'est prcisment l' homme primitif sur le trnede laMerkaba que le Shiur Koma appelle Yotser Berechit(Crateur du monde).

    Les gnostiques antijuifs du IIe et IIIe sicle distinguaient entre le Dieu inconnu, tranger , bon,et le Crateur, qu'ils identifient au Dieu d'Isral. Mais ce dualisme des gnostiques ne peut s'accorderavec le judasme. Le Dmiurge dans cet anthropomorphisme mystique, devient le symmbole deDieu visible sur le trne de la gloire , mais aussi invisible en vertu de sa transcendance qui nepermet aucune visibilit relle de sa nature.

    Si l'on admet cette interprtation, le Shiur Koma s'est born uniquement aux dimensions de l'as-pect corporel de la Divinit. D'ailleurs les Petites Hekhaloth interprtent l'anthropomorphisme duShiur Koma comme une reprsentation de la Gloire cache . R. Akiha dit : Il est comme nous[pour ainsi dire], mais beaucoup plus grand que tout ; c'est sa gloire qui nous est cache. Un autrecrit, l'Alphabet de R. Akiba affirme que le corps de la Chekhina (gloire divine) tait le sujet duShiur Koma. Ce qui veut dire qu'il ne s'agit pas de la substance de la Divinit, mais des mesures deson aspect.

    Nous avons cru ncessaire de nous tendre sur le gnosticisme de laMerkaba, sujet capital en par-ticulier l'poque des Gaonim. Mais cette spculation, si trange soit-elle, n'apparat finalementqu'un symbole restreint de la gloire divine. Elle n'atteindra pas la substance, la transcendance deDieu.

    Des vestiges de cette spculation gnostique sur les ons se trouvent dans le plus ancien textekabhalistique, Sefer ha Bahir, uvre trs obscure, dite en Provence au XIIe sicle.

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    IV. - Haggada

    L'esprit mystique du juif angoiss s'est rfugi dans la fiction d'apocalypse et dans l'ascension del'me aux sphres clestes de la Merkaba en vue d'esprance future et de la comprhension desmystres par la vision extatique de la Divinit suprme.

    Son esprit trouve un autre moyen de calmer son inquitude. Il se plonge dans un monde mytho-logique lgendaire, la fois populaire et lev dans ses thmes philosophiques. La Haggada (l-gende), tisse par l'imagination au cours des gnrations successives, interprte quelquefois parl'allgorie, comme nous le verrons plus loin, va alimenter les sources mystiques de la Kabbale. Il enest ainsi des rcits prodigieux relatifs d'illustres docteurs mystiques de la priode talmudique, quiinterprtent les mystres de la Torah (sitr Torah) portant sur la structure de l'univers.

    LaHaggadah prsente, de ce point de vue, une attitude qui concerne la philosophie et le mysti-cisme sous le couvert d'un conte romanesque. Elle est le reflet de la vie religieuse spontane, auro-le de merveilles. Certes les philosophes juifs, si l'on peut dire ralistes, ont t embarrasss songard, cause de la part de fiction qu'elle implique. En dehors de ses tendances thiques, quelque-fois remarquables, ils n'y ont point considr, comme les kabbalistes, la clef positive des mystres.

    Leur interprtation allgorique, comme chez Philon, ne signifie pas qu'elle cadre intrinsquementavec son caractre. Par contre, aux yeux des kabbalistes, elle possde une valeur mystique impor-tante dans leur littrature. En ce sens, loin d'tre leurs yeux une mythologie populaire, elle consti-tue un lment mystique revtu d'une forme cratrice.

    Il y a une diffrence entre la Haggada de la Kabbale et celle du Midrach (exgse de la Bible)primitif. Celle de la Kabbale traite d'vnements cosmiques, en insistant sur l'lment cleste(comme nous l'avons vu dans la gnose de laMerkaba), d'une manire plus dominante que l'ancienne

    Haggada midrachique. Les hros de laHaggada kabbalistique tendent vers des forces caches pro-venant de rgions mystrieuses ; ils sont en quelque sorte censs agir avec le monde suprieur. Ain-si, aprs les Croisades et le sjour forc dans le cachot du ghetto, le caractre mystique du mondecach s'est accentu dans l'me juive douloureuse avec une vigueur surprenante. Cette Haggada

    plus pousse vers le mythe, vers l'imagination cratrice, a exerc une action considrable sur la der-nire phase de la Kabbale. Cette lgende de la Bible , selon l'expression de Martin Buber,contient des visions, voire des expriences mystiques, parfois de haute valeur chez un visionnaire,Isaac Luria, et dans le monde du Hassidisme. Toutefois les esprits clairs, plus ports une ten-dance mystique philosophique qui s'attache au rel, la vrit, ne pouvaient l'approuver la lettre.

    V. - Halakha

    La pense rabbinique se manifeste avec beaucoup d'originalit dans l'interprtation de la Torah,c'est--dire de laHalakha. Les docteurs du Talmud et plus tard Mamonide insistrent beaucoup surleur importance dans leurs longs commentaires, puisque, aprs tout, elle est le pilier, la base des

    principes religieux. Cependant, elle ne fut pas l'objet proprement dit des philosophes juifs. Dans sonfameux code (Michn Torah), Mamonide a ajout un chapitre de caractre philosophique qui ne serapporte pas la Halakha. Dans le Guide des Egars, qui est son uvre capitale, il se proccuped'expliquer le caractre original et mme psychologique des mitzvoth (commandements de la Torahdestins la pratique des fidles). Par exemple, l'intrdiction du chevreau dans le lait de sa mre,ainsi que l'offrande de sacrifice, surtout celle de la vache rousse (para aduma), sur laquelle lescommentateurs ont dpens beaucoup d'encre, relvent, selon Mamonide, d'une raction marquecontre les rites paens.

    Selon Saadia, Mamonide et d'autres penseurs, la Halakha est vnre, en tant qu'elle s'attachetroitement la Torah, et en tant que tradition. Mais elle n'a pas suscit en eux le mme enthou-siasme que chez Juda Halvi et les kabbalistes. Le sacrifice, aux yeux de ceux-ci, est, sous l'effet

    mystrieux du souffle vital de la victime, un rapprochement sensible de la Divinit. Les kabbalistesne voient donc pas seulement dans le sacrement un rite mystrieux, mais aussi dans chaque mitzvahun acte qui ragit sur le dynamisme de l'univers. Cette considration, en quelque sorte magique, des

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    pratiques religieuses semble s'loigner du mythe qui toffe la Loi crite et la Loi orale. En ce sens,laHalakha a exerc, comme laHaggada, une influence considrable sur plusieurs gnrations.

    VI. - L'Allgorie

    Les philosophes juifs, en particulier Philon, et plus tard Mamonide, font allusion aux mystresde la Loi (sitr Torah), c'est-dire aux vrits mtaphysiques relatives l'univers sciemment voils.Ces vrits, qui sont du ressort de la philosophie, apparaissent sous l'aspect sotrique dans la mys-tique de la Kabbale. Les philosophes qui s'efforcent de pntrer le trsor de ces mystres se canton-nent dans la spculation abstraite, longuement mdite ; alors que les mystiques de la Kabbale, quicherchent galement avec passion apprhender leur mystrieux sens mtaphysique, s'attachentplutt au rythme vivant de la religion sous l'angle extatique, en l'allgorisant ou en le symbolisant.

    Aux yeux des kabbalistes, la vrit ou les ides du domaine philosophique se trouvent dans lesuvres religieuses, susceptibles d'tre dcrites avec simplicit par l'intermdiaire de l'allgorie,quoique chaque reprsentation implique une infinit de significations (ce qui parat arbitraire pourun esprit critique), tout en demeurant dans les limites de l'expression. Quoi qu'il en soit, pour les

    philosophes de tendance mystique, comme Philon ou Juda Halvi, les mystres de la Torah s'clair-cissent par l'intermdiaire de l'allgorie. Les kabbalistes allrent plus loin dans la transcendance del'allgorie, qui finit par revtir un sens purement symbolique. A cette tape du dveloppement, lesymbolisme prsente une ralit concrte, analogue la croix qui reprsente le Christ dans le chris-tianisme. Pour les kabbalistes, ce qui existe ne se spare pas de l'objet principal de la cration, cequi leur permet de dcouvrir le vritable reflet de la transcendance divine, c'est- dire le symbolequi rend en quelque sorte ce mystre plus visible. Si l'allgorie parvient dcouvrir des possibilitsinsouponnes, toujours nouvelles, le symbole rel, qui est l'aboutissement, peut tre saisi sponta-nment par l'intuition. De sorte que sous l'aspect symbolique le Crateur et la cration, loin de sedistinguer, sont un. Ainsi les Mitzvoth (actes religieux prescrits) pour les kabbalistes sont des sym-boles, grce auxquels le sens cach, rel de leur application devient transparent. L'infini rend le fini

    plus rel. C'est sous cet aspect symbolique que Nachmanide (grand mystique du XIII e sicle) acomment la Torah.

    Pour les Juifs d'Alexandrie et surtout pour Philon, qui se proccupaient de l'interprtation philo-sophique de la religion, l'allgorie a pris une importance dcisive dans le domaine mystique. LesEssniens et les Thrapeutes s'en servaient dans leur runion solennelle le jour du Sabbat pour l'ex-plication de la Torah. Philon nous apprend qu'elle reposait sur une tradition ancienne de leurs pres.Lui-mme s'en sert avec ampleur dans ses travaux exgtiques. Il se rencontre dans son interprta-tion avec l'esprit du Midrach (parabole talmudique, commentaire pouss). Ainsi au sujet de saconception de la matire, dont le premier homme a t fait, se retrouve dans leMidrach de R. Eli-zer (chap. XII) : Dieu a fait l'homme en se servant de la terre prise de quatre extrmits de la terre.De mme Philon se sert deMakom (place, lieu), dont nous avons parl prcdemment, pour mettreen lumire l'omniprsence de Dieu. La conception du Logos, lment mystique primordial dans sadoctrine, n'est que le terme biblique dabar(parole), correspondant au terme mystique memra dutargum (traduction aramenne d'Onkelos), auquel les Rabbi attachent un sens mystique profond.Toutefois la notion de Logos chez Philon embrasse une pense bien plus large, plus systmatiqueque dans laHaggada qui place, par exemple, entre Dieu et l'homme, la Chekhina (gloire divine) etau-dessus des anges, Metatron (Michel). Le Logos, qui diffre en nuances et parfois en profondeurde la conception palestinienne, a exerc une forte influence sur le christianisme, et d'une manire,peut-tre, indirecte, sur un grand penseur mystique du Moyen Age, Ibn Gabirol. Philon, qui s'tendsur l'emploi de Logos, dsigne les anges comme des logo, ou comme des instruments de la cra-tion, de la premire chose cre ; le Crateur lui-mme devient le chef des anges qui s'identifie avec

    le premier homme, l'Adam kadmon de la Kabbale, ou le monde cr dans sa totalit, ou l'homme quiatteint le suprme degr de la prtrise. Toutes ces nuances varies qui personnifient le Logos,comme ailleurs Ben Sira personnifie la Sagesse, mais sous un angle plus restreint, se ramnent aufond l'hypostase, comme la premire Sephira Keter(couronne) dans la doctrine de la Kabbale. Il

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    importe cependant d'observer que toutes ces considrations d'ordre spirituel, qui dcoulent de la Di-vinit, n'impliquent point pour Philon, comme les Sephiroth pour les kabbalistes, effectivementDieu, Dieu en soi. Plus que tout autre penseur de son poque, Philon a bien mis en valeur l'unicitabsolue, l'incorporalit et la transcendance de Dieu, dont l'essence, comme dans leZohar, demeureincomprhensible l'intelligence humaine.

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    CHAPITRE III

    ASPECTS VARIS DE LA KABBALE

    I. - L'origine de la Kabbale

    La Kabbale, doctrine mystique et mtaphysique des Hbreux, est sans doute trs ancienne. Dansson sens propre, le mot kabbale signifie tradition Mose reut la Torah du mont Sina , dit-ondans les Pirk Abath (Sentences des Pres). Il s'agit de la Loi orale qui a t transmise une suited'hommes de haute valeur : de Mose Josu de Josu aux prophtes et des prophtes aux sages

    vieillards. Plusieurs mystiques chrtiens, Raymond Lulle, Pic de la Mirandole, Reuchlin considrentla Kabbale comme aussi ancienne que le genre humain. Ibn-Gabirol et l'auteur de Sefer ha Bahirfont allusion cette tradition. La Kabbale, en tant qu'elle reflte la mystique juive, n'est pas, vraidire, un fruit cueilli frachement de l'arbre tranger. Nous avons signal prcdemment qu'une traceconsidrable de sa spiritualit se trouve dans la Bible. Elle a subi - comme toutes les doctrines detous les peuples - une certaine influence trangre, mais elle a toujours conserv son originalitprimitive, en assimilant ses acquisitions dans son chimisme doctrinal. Quel gnie peut se vanterde ne devoir aucune de ses ides cratrices aux penseurs qui l'ont prcd ? La priode de la captivi-t des juifs en Babylonie, concide, dit Mller, avec un tournant dans l'histoire religieuse de l'huma-nit. Il semble qu' cette poque, dit cet auteur, Pythagore vivait Babylone et y recevait les ensei-gnements de Nazaratas, considr par la tradition grecque comme le rnovateur de l'ancien ensei-gnement de Zarathoustra. A la mme poque, dans d'autres coins de la terre, des figures religieusesimportantes apparaissaient, comme Numa Pompilius, roi romain, adepte des mystres trusques,Gautama, fils du roi indien qui traversa comme Bouddha, l'Orient lointain , et le sage chinoisConfucius.

    La religion perse de Zoroastre, dont nous avons parl ailleurs (1), a dans une certaine mesure in-fluenc la Kabbale, particulirement en ce qui concerne l'opposition du bien et du mal, mais sansque ce dualisme sous l'aspect d'Ormuzd et d'Ahriman soit considr comme un principe divin, quicontredise ou altre la doctrine du monothisme.

    Des lments mystiques concrets et riches se trouvaient dj chez les Essniens, les Thrapeuteset dans la spculation mtaphysique et cosmogonique des docteurs du Talmud. Nous ignorons les

    noms des chefs des Essniens et presque totalement leurs livres secrets. Mais nous connaissons desnoms illustres parmi les Pharisiens qui se proccupaient de l'sotrisme de la Kabbale : d'abordRabbi Yohanan ben Zacca, chef du mouvement, qui vcut l'poque de la destruction du secondTemple, puis des disciples, R. Josu ben Hananya, R. Yoss (vers dans la gnose de laMerkaba), R.Elizer le Grand et surtout le plus clbre, R. Akba. On compte galement dans ce milieu R. Elia-zar ben Arak, R. Ismal, sans oublier ceux qui sont entrs avec Akba au Pardes, dont nous avonsparl.

    A cette poque talmudique, la doctrine sotrique se bornait scruter l'univers en son ensemblesous deux aspects :Ma'ass Berechit(histoire de la cration) etMa'ass Merkaba (histoire du char).Elle tudiait l'objet de la cration dans son rapport suprme avec la Divinit.

    1 Voir ce propos, dans notre ouvrage La Kabbale, (Grasset, 1957), le chapitre Influence trangre ; les idesqui y sont exposes sont confirmes par des auteurs rcents.

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    Cette mystique de la cration met l'accent sur la parole (verbe), inhrente aux lettres crites et leurs sons, qui tendent constituer les lments plausibles de la structure de l'univers cr. Cettemystique apparat dans un texte spculatif fort ancien, intitul Sefer Yetsira (Livre de la Cration),dont nous allons parler.

    II. - Le Sefer Yetsira Cet ouvrage fondamental de six courts chapitres a t crit en hbreu dans un style trs concis et

    trs obscur, en Palestine ou en Syrie, entre le IIIe et le IVe sicle. Il a subi l'influence de la gnosepaenne et chrtienne, quoiqu'il soit difficile de se prononcer sur cette influence, si l'on tient comptedu dveloppement du mysticisme juif. C'est le premier ouvrage qui rvle sous l'aspect mystiqueune conception philosophique sur les lments constructifs du monde, sans tenir compte de l'l-ment thico-religieux. L'auteur en est inconnu.

    La cration ou la formation du monde est subordonne aux dix nombres lmentaires, premiers,appels Sephiroth et aux 22 lettres de l'alphabet hbraque, qui reprsentent des forces insaisissa-bles, soumises des combinaisons varies travers toute la cration. Les Sephiroth ne sont pas des

    tapes : leur fin est dans le commencement et leur commencement dans leur fin , semblable laflamme lie au charbon, comme le rptera le Zohar. Dieu a dessin, taill, combin, pos, inter-chang les Sephiroth. C'est par elles qu'il a produit toute la cration. En somme, les dix Sephiroth etles 22 lettres constituent les 32 sentiers mystiques de la sagesse avec lesquels Dieu a form lemonde. Les 22 lettres sont groupes ou trois lettres mres (imoth), aleph, mem, chin ( ), ou septsignes doubles (c'est--dire une prononciation double) et en douze signes simples . Les trois m-res correspondent aux trois lments suprieurs caractriss par les sons : l'air, l'lment central d'o

    jaillit vers le haut, le feu, lment du monde cleste, et vers le bas l'lment du monde matriel. Les7 signes doubles correspondent aux 7 plantes et les 12 signes simples aux 12 signes de Zodiaque.Cette division cosmologique s'applique au temps, l'anne, l'espace, macrocosme (olam) et l'or-ganisme humain, microcosme (nefech). Cette triade concerne encore l'homme, en partie de la spa-

    ration suivante : la partie suprieure est la tte ; la partie mdiale, la poitrine ; la partie infrieure,l'abdomen. (L'anthroposophie moderne reprendra cette sparation). L'acte de la cration procde del'Esprit Saint.

    L'auteur, pour sa doctrine cosmologique, a pu s'inspirer des hayoth (tres vivants) inhrentes laMerkaba, dcrite par Ezchiel. Ces tres paraissent tre chez lui lis aux Sephiroth, puisqu'il dit que leur aspect est comme l'clair de lumire et leur terme est sans fin ; Sa parole est en eux quand ilssortent de Lui ou y retournent ; Son commandement ils se htent avec rapidit comme un tourbil-lon et devant son char ils se prosternent .

    L'auteur emploie le mot belimah, qui parait tre la clef de sa spculation (1). Le second mot beli-mah, qui qualifie les Sephiroth, indique, selon la remarque de Scholem, la nature ferme, abstraite,ineffable, hors du nant de ces nombres .

    Les vues sont opposes au sujet de l'manation. Selon certains crivains, l'auteur identifie lesSephiroth avec les lments de la cration (l'esprit de Dieu, l'air, l'eau, le feu et les six dimensionsde l'espace). Selon d'autres, il a d voir une corrlation entre les Sephiroth et les lments .

    Comme nous l'avons dit, le Sefer Yetsira a une porte philosophique, mais il se prte aussi lamagie et la thurgie, dont le rle est bien marqu dans la mystique de laMerkaba. Il fait mme en-tendre que dans les combinaisons des lettres - employes dans le Talmud et avec plus d'ampleurdans les symboles ultrieurs de la Kabbale - on trouve la constitution du monde.

    Cette combinaison des lettres applique aux lments, conue sous un autre aspect, joue un rleimportant dans la Kabbale. Elle mrite d'tre examine.

    1 Voir notre ouvrageLa Kabbale, p. 131, au sujet du rapport de ce terme avec Job.

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    III. - Combinaison des lettres

    En ce qui concerne la mystique des nombres, des lettres et la combinaison de celles-ci ainsi queleur application mystique, voire magique, l'Orient fut le premier s'y intresser. En Babylonie, ledieu de l'criture tait Nebo, en Egypte, Thot, et plus tard, Isis. Les Hbreux tenaient l'criture despremires Tables de la Loi pour divine. Les Grecs, selon leur tradition, avaient emprunt leur cri-ture des Phniciens.

    Les signes (simanim) qu'on rencontre dans le Talmud se rattachent une combinaison parfois ar-tificielle, parfois trs caractristique du point de vue mystique. Cette combinaison (ziruf) apparatdans notarikon (acrostiche), gematria (valuation numrique du mot) et temura (permutation).No-tarikon et guematria sont des emprunts corrompus du grec et du latin. Par contre temura, nom h-braque, est trs ancien.

    La guematria tait trs employe. En voici quelques exemples : Sod (secret) quivaut num-riquement au vin . Ce qui signifie que du vin, le secret se dvoile, autrement dit que l'ivrogne ra-conte ses secrets. L'ange Metatron , consider comme divin, equivaut a Chada, , Dieu.L'huile d'olives utilise pour le candlabre s'appelle en hbreu catith, . Ce mot se compose de

    lettres tav etyodpuis cafet tav ; les deux premires valent 410, les deux dernires 420 : elles rap-pellent le nombre des annes durant lesquelles le candlabre (menorah) a clair le premier et le se-cond Temple.

    Ailleurs, le gnostique Marcos (cit par Leisegang) emploie le mme procd au sujet de la dcla-ration de Jsus, qui est A et , sous l'aspect de la colombe, l'Esprit Saint qui est entr en lui. Le motgrec colombe, , est de 801 ( = 80, = 5, = 100, = 10, = 200, = 300, = 5, = 100, = 1). Or A = 1 et = 800, ce qui fait 801, lorsqu'il dclare qu'il est l'A et . En ce sens, Jsuss'identifie l'Esprit lui-mme, qui est apparu sous forme de colombe, lors de son baptme. Cetteguematria, pratique probablement par Pythagore, va dgnrer dans la plus grande fantaisie et enparticulier dans le domaine de la Kabbale pratique.

    Le notarikon consiste runir les lettres initiales ou finales de plusieurs mots pour en former un

    seul. Ainsi pour les yodei hen ( ), les connaisseurs de la grce divine, la premire lettre het( ) et la dernire lettre noun ( ) devinrent hokhma nistara ( ), sagesse cache.

    Quant la temura, permutation, transposition, on en trouve un exemple typique dans le Seferyetsira, avec le mot oneg ( ), plaisir, et nega ( ), peine, qui se composent des mmes lettres, touten s'opposant l'un l'autre.

    Cet aperu montre la possibilit d'imaginer des rapports extraordinaires, en tirant parti de la di-versit de sens qu'offre l'alphabet hbraque. La Cabbala Denudata, qui s'inspire du Sefer ha Temu-nah (Livre de la Forme), renferme tout le symbolisme de cet alphabet. Knorr de Rosenroth n'hsitepas mettre en relief les 22 lettres de cet alphabet dans leur rapport avec les Sephiroth, sur lesquel-les nous reviendrons. En voici un exemple : la premire lettre alef( ) se rfre la Couronne (Ke-ther) avec ses deux mondes adjacents, Hokhma (Sagesse) etBina (Intelligence). Le trait que noustrouvons appel Vav ( ) est plac au milieu, car la Couronne occupe la place suprme, si l'on placel' de la faon suivante : . Les deuxyod( ) placs de chaque ct indiquent laHokhma et laBina,c'est--dire la Sagesse qui regarde vers le haut, comme pour exercer une influence sur ce qui estinfrieur . La mre tourne vers le bas, se penche sur l'enfant pour l'allaiter . C'est pour celaqu'elle est appele Chekhina et les deux premires mesures (les deux SephirothHokhma et Bina)avec les sept autres Sephiroth qui leur sont infrieures dans le systme. Cette interprtation (1) sym-bolique, qui se poursuit jusqu' la lettre tav, est quelquefois pleine d'imagination fantaisiste et necadre pas avec l'esprit philosophique ; par contre, elle sduit le peuple dpourvu gnralement d'es-

    1 Dans la revue Conversation avec les jeunes, un auteur anonyme parle galement, mais avec moins de fantaisie, des

    merveilles des lettres hbraques. Par exemple, alefprsente l'ide du matre du monde. Le mot alefsignifie aussi ap-prendre, c'est--dire apprendre que Dieu est le Matre du monde. La deuxime lettre beth signifie maison, c'est--dire lemonde que Dieu a cr, la maison de Dieu.

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    prit critique, qui est port aux mythes fantastiques et potiques. La Kabbale pratique, jointe la ma-gie, que nous verrons aprs, est fort riche sous ce rapport.

    IV. - Dvotion mystique

    L'poque des Gaonim en Bahylonie, qui succda celle du Talmud, tend la fois au pitismecontemplatif par l'asctisme, le jene, l'abstinence, la mortification, et l'ascension dans l'espace c-leste, en ce qui concerne la Merkaba, dont nous avons parl prcdemment. C'est l qu'on rencontreune quantit d'exalts qui se croient capables de conjurer les maladies, de calmer les temptes etd'apaiser les btes froces.

    Cet tat mystique d'aspect dcadent, qui se diffrencie de celui de la priode talmudique, marqupar une tendance mtaphysique, va s'panouir en Allemagne sous le mme aspect, c'est--dire pi-tisme et magie pratique. Les juifs taient tablis en Allemagne depuis des sicles, en particulier surles bords du Rhin et en Franconie. La famille des Kalonymides, venue d'Italie dans ce pays, se dis-tingua par d'minents talmudistes, puis par des kabbalistes, comme Samuel ha Hassid (le pieux),son fils Yehuda ha Hassid de Ratisbonne et le disciple de ce dernier, Elazar hen Yehuda de

    Worms, connu sous le nom Rokeh (apothicaire). Le plus remarquable fut Abraham de Cologne ;aprs lui, la figure la plus centrale est Yehuda ha Hassid, sujet de nombreuses lgendes, et qui onattribue Sefer Hassidim (Livre des Dvots). Selon Baers, R. Yehuda ha Hassid ressemble saintFranois d'Assise par sa position historique entre la philosophie et le Hassidisme (1).

    Cet lan vers la pit, la dvotion, est d sans doute la souffrance et l'empreinte douloureuseque laissrent sur l'esprit des juifs les sauvages perscutions des Croisades.

    Par son attitude mystique de la prire o sont mls les lettres et le sens du Saint Nom, le Hassi-disme tendait la Divinit. Auparavant, pour explorer les mystres clestes, les adeptes de la doc-trine secrte s'efforaient de se rapprocher de Dieu par l'extase et la vision. C'est l l'origine del'union Dieu (debikut) qu'on retrouvera ultrieurement dans le Hassidisme moderne. Ce qui estimportant aux yeux des mystiques juifs dans l'effort de l'union Dieu, c'est de pouvoir saisir intuiti-

    vement l'unit divine (Yehoud).De nombreux talmudistes et tosafistes (cole des casuistes talmudiques en Allemagne et dans la

    France du Nord aux XIIe et XIIIe sicles) s'intressaient la pense mystique, en particulier laMerkaba et mme Shiur Koma. Selon Scholem, l'un des plus grands matres de cette cole de ca-suistes, Isaac de Dampierre, tait considr comme un visionnaire. Son lve Ezra de Moncontour,surnomm le prophte , a pratiqu la mystique de la Merkaba. Ses ascensions vers le ciel ,sont attestes, parat-il, par plusieurs tmoins, ainsi que ses dons prophtiques, considrs commerels. Il faisait des signes et oprait des miracles.

    C'est cette poque que l'lment de la Kabbale pratique apparat surtout en son pouvoir magi-que. Dans les crits d'Elazar de Worms, le plus fidle disciple de Yehuda ha Hassid, ct des dis-cours sur leHashidut, se trouvent des traits relatifs au pouvoir magique et l'efficacit des nomsmystrieux de la Divinit. C'est l qu'on peut puiser les plus anciennes recettes pour crer le golem,au moyen d'un mlange de lettres et de pratiques magiques. La cration du golem, aux yeux deScholem, tait une exprience sublime, prouve par le mystique qui s'absorbe dans les mystresdes combinaisons alphabtiques dcrites dans le Sefer Yetsira. Ce n'est que plus tard que toute unelgende fut tisse sur le golem, sur son existence antrieure la conscience extatique. Quoi qu'il ensoit, cette cration de l'homunculus magique nous achemine pleinement la Kabbale pratique.

    La magie s'est infiltre mme dans la mystique de la prire. Selon Jacob ben Asher, qui vientd'Allemagne en Espagne, les Hassidim allemands comptaient d'aprs la guematria chaque mot deleurs prires, les bndictions et les hymnes. Toutefois cette mystique de la prire n'a aucun rapportavec la prire spontane de l'homme pieux ; celle-ci tire son origine de la liturgie classique, fixe en

    1 Le mot hassidse trouve pour la premire fois dans les Psaumes, ensuite l'poque des Maccabes, o les juifspieux (hassidim) rsistrent l'hellnisme. Cf. notre livreLes Essniens, IIe Partie. - Le Hassidisme allemand prfiguracelui du mouvement moderne en Europe centrale.

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    grande partie par la tradition. La guematria, la notarikon et la temura, dont nous avons parl, assu-rrent la prdominance de la spculation mystique dans la littrature hassidique de l'Allemagne, quiinfluena notamment Jacob ben Jacob ha Cohen et Abraham Abulafia. Au fond, cette technique dela spculation joua un rle mdiocre au cours du XIIIe et du XIVe sicle, dans les crits de la Kab-bale classique. Elazar de Worms, dans son grand commentaire sur les prires, n'en fait aucune

    mention ; il fait seulement allusion la kavana (intention, mditation), qui se rapproche de laconception kabbalistique espagnole. Le caractre prdominant des mystres de la prire drived'un ensemble de traditions qui remonte l'origine travers les Kalonymides jusqu' l'Italie, et de lrejoint Aaron de Bagdad.

    Le Hassidisme allemand oscille parfois entre deux tendances ; l'une conduit au panthisme, c'est-t-dire une mystique d'immanence divine , l'autre amne une amlioration de la thologie trsinfluente de Saadia Gaon. Pour Elazar de Worms, Dieu est bien plus prs de l'univers et del'homme que l'me ne l'est du corps . Sa doctrine, qui fut accepte par les Hassidim, offre des res-semblances avec celle de saint Augustin, qui fut galement accepte par les mystiques chrtiens duXIIIe et du XIVe sicle. Dieu, affirme ce saint, est plus prs de chacune de ses cratures . Cepen-dant Mose de Taku, disciple de Yehuda ha Hassid, exprima sa crainte au sujet de l'lment pan-

    thiste qui entre dans la conception de la Divinit et qu'il considrait comme un emprunt au paga-nisme. En fait, le Chant de l'Unit - hymne compos par le cercle d'initis de Yehuda ha Hassidsous l'influence de Saadia : Tout est en Toi et Tu es tout ; Tu remplis chaque chose et Tul'treins , etc., et o le caractre panthiste est visible - suscita l'opposition de R. Salomon Luria auXVIe sicle et de R. Elie de Vilna (le fameux Gaon) au XVIIIe sicle.

    Ce qui caractrise, en somme, la thosophie du Hassidisme allemand, c'est la conception de ka-bod (gloire divine), l'ide d'un Chrubin saint sur le trne et la saintet de la majest divine. Lagloire de Dieu (kabod) est l'aspect de Dieu qui se rvle l'homme. Elle est pour les Hassidim nonle Crateur mais la premire cration. Cette ide vient de Saadia, pour qui Dieu reste infini et in-connu et produit la gloire comme une lumire cre la premire de toutes les crations . Cettegloire (kabod) est la chekhina qui s'identifie, d'aprs le Commentaire sur Sefer Yetsira, avec le

    Rouah kakodech (Esprit Saint).L'ide d'un saint Chrubin qui apparat sur le trne de laMerkaba n'est pas mentionne par Saa-

    dia, mais elle figure dans certains traits de la Merkaba connus par les Hassidim. On sait qu'Ez-chiel parle d'une arme de chrubins ; l'ide d'un ange remonte probablement au seul passage de ceprophte (X, 4) : Alors la gloire du Seigneur s'leva de dessus le chrubin.

    Le troisime symbole thosophique a son origine dans le milieu des Hassidim. Leurs crits se r-frent continuellement la saintet de Dieu, sa grandeur , qu'ils appellent aussi sa royau-t . Il ne s'agit pas l des attributs de la Divinit, mais d'une hypostase cre de sa gloire . La saintet, prsence cache de Dieu partout, est la gloire sans forme .

    Un autre lment d'ordre mtaphysique, tir des crits des juifs espagnols, ports vers le nopla-

    tonisme, va s'incorporer dans la doctrine du Hassidisme allemand ct de la mystique de l'imma-nence attribue Saadia, sous l'aspect thologique ou gnostique.Selon la doctrine des archtypes, ignore par Saadia, qui domine dans l'uvre d'Elazar de

    Worms surLa Science de l'Ame, chaque forme humaine, mme les tres inanims, pierre, bois ouautres formes plus basses, a son archtype (demuth). On reconnat ici les ides platoniciennes, eten mme temps la doctrine astrologique qui enseigne que chaque chose a son toile . L'arch-type, mme divin, incorporel, est la source profonde de l'activit cache de l'me.

    Ce Hassidisme, sur lequel nous nous sommes un peu tendu, aura dans une certaine mesure uneinfluence sur le Hassidisme moderne, surtout en ce qui concerne le sadik(juste). Il diffre de la doc-trine des kabbalistes espagnols, galement pieux, mais plus ports vers la spculation philosophi-que.

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    tard Luria, voit dans la philosophie et la Kabbale des tapes prparatoires la Kabbale prophtique.Cette prophtie ne peut se raliser que par l'tude des noms de Dieu. Cette investigation, qui conduit la possession de pouvoirs surnaturels, doit tre prcde de la purification parfaite de l'me et dudtachement de toute proccupation intellectuelle, de toute science (attitude assez analogue celledes yoghi qu'Abulafia avait pu observer au cours de ses voyages en Orient), susceptibles d'arrter le

    passage des formes divines . Abulafia dcrit la mditation prliminaire qui mne l'extase, ettout ce qui arrive quand on parvient la hauteur du ravissement. Mais l'extase, qu'Abulafia consi-dre comme la plus haute rcompense de la contemplation mystique , ne doit pas tre confondue avec le dlire semi-conscient et une complte annihilation de soi-mme . Il repousse ces tats in-contrlables. A ses yeux, l'extase prpare vient soudainement et spontanment. Quand les ver-rous sont tirs et les sceaux enlevs , l'esprit est dj prpar pour la lumire de l'intelligence qui se rpand en lui. Dans l'extase prophtique, l'homme rencontre son propre moi, comme s'iltait devant lui . Selon un passage des traditions kabbalistiques (cit par Scholem), tout le mystrede la prophtie consiste en ce que l'homme voit soudain la forme de son moi devant lui et s'oublielui-mme ; son moi alors, qui s'est dtach de lui, lui prdit l'avenir. Dans son commentaire sur Da-niel, Ibn Ezra dit que le prophte entend un tre humain et celui qui parle est un tre humain. Un

    disciple anonyme d'Abulafia, qui crivit un ouvrage en 1295, illustre d'une manire remarquable lapense de son matre. Retenons de la grande citation de Scholem ce passage significatif quiconcerne les musulmans au moment o ils prononcent le nom d'Allah, en concentrant leur pensesur ce nom et cartant au pralable toute forme naturelle. Les lettres d'Allah et leurs diverses puis-sances agissent sur eux et les mettent en tat de transe. De sorte que cet loignement de l'me detoutes les formes naturelles et des images est appel par eux effacement. Il en est de mme dans laKabbale. Abulafia recommande de se dtoumer, par l'exercice, de tous les objets naturels pour vivredans la pure contemplation du Nom divin. Quand l'esprit est prpar de cette sorte, graduellement ilse transforme ; il peut passer alors l'tape de la vision prophtique, o les mystres ineffables duNom divin et toute la gloire de son royaume lui sont rvls.

    Abulafia a laiss beaucoup d'crits encore indits. Jellinek a publi le Sefer ha Oth (Livre de laLettre) et les Consultations. Il eut une vie agite, migra l'ge de 18 ans en Palestine, puis rsidaen Espagne, en Grce et en Italie. En 1280, m par l'esprit messianique, il chercha convertir lepape Nicolas III au judasme, et chappa par miracle au bcher. Il mourut en 1291.

    Abulafia, considr comme un faiseur de prodiges , et mme comme Messie, tend la Kab-bale pratique, magique, tout en demeurant dans le domaine de la religion, de l'intriorit. Il repoussecependant la magie d'infriorit qui produit des effets sensoriels extrieurs. Il mit mme en gardecontre le recours au Sefer Yetsira dans le but de se crer soi-mme un veau gras , selon les ter-mes du Talmud. Malgr cette rserve, il semble qu'il ne glisse pas moins, par certains aspects de sonuvre, vers une magie quelque peu critiquable.

    VII. - Kabbale pratique et magieLa tendance de la Kabbale spculative, d'une haute porte philosophique, marque une tape

    considrable dans la pense juive. Il n'en est pas de mme de l'autre tendance, celle qui se borne l'action et la magie. Cette Kabbale pratique (ma'assite) est gnralement suscite par des priodeslugubres de la vie juive, soit sur sa terre, soit dans la diaspora. Elle traduit le complexe de supriori-t manifeste chez ceux qui sont exasprs par la souffrance et qui veulent dominer leurs bourreaux.De l la cration fantastique par la combinaison des lettres du golem, qui devient un ennemi, un jus-ticier redoutable pour les perscuteurs. En fait, le rve du magicien : possder un pouvoir souverainsur la nature, a eu des partisans dans le ghetto. La doctrine d'Abulafia relative la combinaison(Hokhmat ha Tsuruf) a eu une influence dcisive sur les gnrations postrieures. Elle devint la clef

    des mystres, en particulier, dans l'exercice des puissances magiques.De la haute Antiquit, Joseph et Mose se distinguent dans certaines pratiques qui touchent lamagie, mais ces pratiques, contrairement la magie paenne, gyptienne ou autre de caractre idola-

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    trique, sont subordonnes l'action divine, soit pour sauver Isral de la famine, soit pour le dlivrerdu joug gyptien.

    Cette tendance, qui a pu sduire les paens et mme les chrtiens par ces recettes qui jugulent lesPuissances est proche de la fiction et des pratiques charlatanesques ; elle ne peut tre prise au s-rieux. Marcel Simon crit avec juste raison : Si l'on dfinit le judasme par sa foi monothiste et sa

    Loi morale, la magie n'en est qu'une dformation et une caricature, tout comme elle J'est par rapportau vrai christianisme. D'ailleurs ajoute-t-il, c'est le paganisme qui a exerc en la matire sur le ju-dasme une influence plus considrable que celle du judasme sur le paganisme .

    Cependant, on peut distinguer dans la Kabbale pratique l'aspect interne et l'aspect externe. L'as-pect externe, dont nous venons de parler, est d'ordre magique et superstitieux. L'aspect interne serapporte l'activit religieuse de l'me, c'est--dire la pit intrieure, qui est adopte par Abulafiaet plus tard par Luria et les Hassidim.

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    C'est peu prs la faon des personnages des dialogues de Platon, que ces mystiques s'entrete-naient d'un vnement quotidien, qui servait d'un point de dpart la discussion d'une question dif-ficile. Souvent, dans leurs promenades, ils taient heureux de s'entretenir avec des hommes simples,un portefaix, un nier, un enfant, qui pouvaient par hasard leur donner une leo