Serigne Ben Moustapha Diédhiou**

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1 , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. ARTIGOS TEMÁTICOS HTTP://DX.DOI.ORG/10.18224/EDUC.V22I1.8607 LA COMMUNICATION DE L’ÉVALUATION AUX PARENTS: UNE ANALYSE DE L’AJUSTEMENT DES ENSEIGNANTS FORMÉS À L’ÉTRANGER AU RENVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PRESSION DE L’ÉVALUATION DANS LES ÉCOLES MONTRÉALAISES* Serigne Ben Moustapha Diédhiou** Résumé: Comme processus de transmission d’informations sur les apprentissages des élèves, la communication de l’évaluation est un moment crucial dans l’exercice du métier d’ensei- gnant. Elle constituerait un objet de tensions avec des jeux de pouvoir importants. Selon les contextes, la pression de l’évaluation peut être orientée sur l’un ou l’autre des différents acteurs concernés (c’est-à-dire: l’enseignant, l’élève, le parent, etc.). Dans le cadre de la relation des en- seignants formés à l’étranger (EFE) avec les parents d’élèves au Québec, la communication de l’évaluation révèlerait un moment d’insécurité en raison des problèmes d’intercompréhension et des questionnements qu’elle soulève. La présente contribution prend appui sur trois entre- tiens de coanalyse réalisés dans le cadre d’une recherche collaborative conduite avec cinq EFE pour comprendre l’ajustement de leurs savoir-évaluer aux conventions de la communication de l’évaluation valorisées dans les écoles montréalaises; la rencontre de l’EFE avec les parents étant conceptualisée comme un renversement de la charge de la pression de l’évaluation. Mots-clés: Communication de l’évaluation. Conventions. Enseignants formés à l’étranger. Parents. Pression de l’évaluation. Introduction L a communication de l’évaluation représente un objet de recherche important dans l’étude de la reconstruction du savoir-évaluer des enseignants formés à l’étranger (EFE) dans les écoles montréalaises. Alors qu’ils ont déjà un savoir-évaluer construit au fil des années de tra- * Recebido em: 08.02.2020. Aprovado em: 27.10.2020. ** Professeur du Département d'éducation et pédagogie Université du Québec à Montréal. E-mail: [email protected]

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LA COMMUNICATION DE L’ÉVALUATION AUX PARENTS: UNE ANALYSE DE L’AJUSTEMENT

DES ENSEIGNANTS FORMÉS À L’ÉTRANGER AU RENVERSEMENT

DE LA CHARGE DE LA PRESSION DE L’ÉVALUATION DANS LES ÉCOLES MONTRÉALAISES*

Serigne Ben Moustapha Diédhiou**

Résumé: Comme processus de transmission d’informations sur les apprentissages des élèves, la communication de l’évaluation est un moment crucial dans l’exercice du métier d’ensei-gnant. Elle constituerait un objet de tensions avec des jeux de pouvoir importants. Selon les contextes, la pression de l’évaluation peut être orientée sur l’un ou l’autre des différents acteurs concernés (c’est-à-dire: l’enseignant, l’élève, le parent, etc.). Dans le cadre de la relation des en-seignants formés à l’étranger (EFE) avec les parents d’élèves au Québec, la communication de l’évaluation révèlerait un moment d’insécurité en raison des problèmes d’intercompréhension et des questionnements qu’elle soulève. La présente contribution prend appui sur trois entre-tiens de coanalyse réalisés dans le cadre d’une recherche collaborative conduite avec cinq EFE pour comprendre l’ajustement de leurs savoir-évaluer aux conventions de la communication de l’évaluation valorisées dans les écoles montréalaises; la rencontre de l’EFE avec les parents étant conceptualisée comme un renversement de la charge de la pression de l’évaluation.

Mots-clés: Communication de l’évaluation. Conventions. Enseignants formés à l’étranger. Parents. Pression de l’évaluation.

Introduction

La communication de l’évaluation représente un objet de recherche important dans l’étude de la reconstruction du savoir-évaluer des

enseignants formés à l’étranger (EFE) dans les écoles montréalaises. Alors qu’ils ont déjà un savoir-évaluer construit au fil des années de tra-

* Recebido em: 08.02.2020. Aprovado em: 27.10.2020.** Professeur du Département d'éducation et pédagogie Université du Québec à

Montréal. E-mail: [email protected]

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vail dans leur pays d’origine, le défi d’intégration socioprofessionnelle attaché à leur nouvelle situation d’emploi au Québec les oblige à recons-truire ce savoir-évaluer: c’est justement ce qui arrive concernant la com-munication de l’évaluation.

Dimension importante de la démarche d’évaluation, la commu-nication de l’évaluation se définirait comme un processus d’interactions entre les enseignants et les autres partenaires scolaires – les élèves, la direction, les parents, entre autres (MORRISSETTE, 2010). Ces interac-tions reflèteraient des jeux de pouvoir autour de l’évaluation (MERLE, 2018), c’est-à-dire des rapports de forces entre des acteurs qui confrontent leurs représentations de l’évaluation. Considérée comme essentielle dans la réussite scolaire de l’élève, la communication de l’évaluation avec le parent est, à l’instar des changements initiés par le Renouveau péda-gogique, un défi pour tous les enseignants (FONTAINE et CADIEUX, 2018). Suivant Deslandes et Rivard (2011) (voir aussi MORRISSETTE, DURAND et FRENETTE, 2014), elle constituerait un moment d’insécu-rité en raison des tensions et des questionnements qu’elle soulève entre les enseignants et leurs partenaires scolaires. Dans le cas des EFE, cette question semble davantage plus intéressante à étudier notamment en regard de la reconstruction de leur savoir-faire en matière d’évaluation qui se déroule en début d’intégration socioprofessionnelle, alors qu’ils sont en situation de vulnérabilité par rapport au contexte et par rapport aux parents. Ils subiraient dans la relation aux parents des pressions à l’alignement, soit une exigence de conformité avec les façons d’évaluer de leurs pairs, entre autres une négociation de l’évaluation comme l’ont montré Morrissette et Diédhiou (2017). La présente contribution prend appui sur les données d’une recherche doctorale qui a examiné la re-construction du savoir-évaluer des EFE en situation d’intégration socio-professionnelle dans les écoles montréalaises (DIÉDHIOU, 2018). Elle éclaire leurs ajustements aux conventions de l’évaluation valorisées dans les écoles montréalaises en termes de renoncements et d’apprentissages nécessaires concernant la communication de l’évaluation aux parents.

UN TOUR D’HORIZON DE LA SITUATION DES ENSEIGNANTS FORMÉS À L’ÉTRANGER DANS L’ÉCOLE QUÉBÉCOISE

À la faveur du renversement des flux migratoires occasionné par le resserrement de la règlementation relative à l’immigration et la limitation de celle-ci au milieu des années 1970 dans les pays occidentaux (STALKER,

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1995), le Canada est devenu la terre d’accueil par excellence d’un nombre croissant d’immigrants (MORISSETTE, 1997). Stalker (1995) souligne que les raisons qui motivent cette immigration peuvent être nombreuses: certaines sont de nature humanitaire (par exemple, situation de guerre civile, fuite de régimes dictatoriaux, réunification de famille), d’autres sont économiques (combler des besoins de main-d’œuvre ailleurs, etc.). C’est dans cette deuxième catégorie que se classerait l’immigration des EFE qui s’installent au Canada.

Suivant Zietsma (2010), l’enseignement est, après la médecine, la deuxième profession règlementée que choisissent d’exercer les immi-grants diplômés qui arrivent au Canada. Au Québec, par exemple, les écoles – particulièrement celles de la région métropolitaine de Montréal où se concentre le plus fort taux d’immigrants – ont accueilli un grand nombre d’EFE provenant pour la plupart d’Afrique du Nord, et dans une moindre mesure, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine. Les récentes statistiques de la Direction de la formation et de la titularisation du per-sonnel scolaire (DFTPS) reflètent que, d’année en année, le nombre d’au-torisations d’enseigner accordées aux EFE par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur augmente fortement. Il est passé de 242 entre 2007 et 2008 à près de 410 en 2016 et 2017 (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2017a; 2017b); ces EFE intervenant aux différents ordres d’enseignement, notamment au préscolaire, au primaire et au secondaire (ZIETSMA, 2010).

Pour plusieurs chercheurs et journalistes, avec la pénurie d’ensei-gnants que vit actuellement le Québec et la nécessité d’ouvrir de nouvelles classes pour accueillir les enfants des familles de réfugiés déplacées par les récentes crises dans certains pays, en Syrie par exemple, les besoins de recruter des EFE vont incontestablement s’accentuer (CAZA, 2019; CLOUTIER, 2018). D’ailleurs, les prévisions du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur , relayées par le journal Le Soleil (CLOU-TIER, 2018), font état d’un besoin de près de 13 000 postes à pourvoir dans le réseau scolaire pour les trois prochaines années. L’effectif actuel des futurs enseignants en formation initiale dans les universités québécoises étant estimé à près de 9 600 étudiants, il y aurait donc un déficit de 2 400 postes à pourvoir au cours des trois prochaines années.

Pour plusieurs commissions scolaires de Montréal, les EFE semblent la seule alternative pour combler le manque d’enseignants dans les écoles (CHO, 2010; SCHMIDT et SCHNEIDER, 2016). Des auteurs pointent même que leur intégration soulagerait les commissions

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scolaires certes, mais favoriserait aussi l’adaptation du système scolaire à la diversité (BLOCK, 2012; GOODSON, THIESSEN et BASCIA, 1997). En effet, la présence de ces enseignants aurait un impact positif sur les élèves d’origine immigrante qui représentent près de 80 % des effectifs dans plusieurs écoles publiques francophones de Montréal (COMITÉ DE GESTION DE LA TAXE SCOLAIRE DE L’ÎLE DE MONTRÉAL, 2014). Beynon, Ilieva et Dichupa (2004) mentionnent que les EFE pour-raient être des modèles inspirants pour les élèves d’origine immigrante: leur présence dans les classes créerait chez ces élèves un sentiment d’appartenance à leur école.

En résumé, ce tour d’horizon sur le contexte actuel de l’école qué-bécoise montre que des opportunités de travail existent pour les EFE et qu’en raison de l’importante pénurie d’enseignants qui sévit dans la pro-vince, leur intégration socioprofessionnelle est cruciale. Cependant, cette intégration se conjugue aussi avec des enjeux sociaux majeurs au Québec, notamment sur le plan de l’évaluation des apprentissages. L’évaluation des apprentissages, en raison des recadrages ministériels qui affectent les pratiques des enseignants, est une compétence professionnelle qui mérite une attention particulière; surtout lorsqu’on s’intéresse à la reconstruction du savoir-évaluer des EFE dans les écoles montréalaises.

L’ÉVALUATION DES APPRENTISSAGES AU QUÉBEC: UNE COMPÉTENCE PROFESSIONNELLE ENCADRÉE

Au début des années 2000, le Québec s’est engagé dans une dé-marche de réforme de son système scolaire, notamment la formation gé-nérale des jeunes (FONTAINE, 2018). Cette réforme, appelée Renouveau pédagogique, s’accompagne d’une élaboration de programmes axés sur l’approche par compétences et le choix de mettre l’accent sur l’intégration de l’évaluation au processus d’enseignement/apprentissage (SCALLON, 2004). Ces orientations impliquaient un recadrage des finalités de l’éva-luation des apprentissages, formalisé en 2003 avec la mise à disposition des enseignants d’une « Politique d’évaluation des apprentissages » pour le primaire et le secondaire (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2003), mais aussi la mise en place d’un référentiel de 12 compétences professionnelles pour l’enseignement; la compétence 5 mettant en relief l’importance d’« évaluer la progression des apprentissages et le degré d’acquisition des compétences des élèves pour les contenus à faire apprendre » (GOU-VERNEMENT DU QUÉBEC, 2001, p. 91).

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Dans la pratique, les manifestations de cette compétence 5 sont observées sur divers plans: d’abord, dans la capacité de l’enseignant de planifier l’évaluation de façon claire et cohérente (FONTAINE, 2018) et ensuite dans ses manières d’évaluer sans décourager les élèves, c’est-à-dire les motiver en créant un contexte qui favorise les apprentissages (CHOUINARD, 2002; DAVIES, 2008). Chouinard (2002) relève que l’un des défis quotidiens de la mise en œuvre de cette compétence en situation de classe serait de détecter les forces et les difficultés des élèves; d’entreprendre avec eux une démarche de réflexion sur les processus et les objets d’apprentissages; cette réflexion visant à les rendre capables de s’autoévaluer et de réguler leurs apprentissages au regard des compé-tences à développer conformément au programme de formation. Pour d’autres auteurs, cette compétence s’observerait aussi dans l’efficacité des rétroactions de l’enseignant (BROOKHART, 2010), la pertinence de ses régulations (ALLAL, 2007) et sa façon d’utiliser la différenciation en évaluation pour tenir compte des besoins d’apprentissage de chaque élève (FONTAINE, 2018). Également, cette compétence s’apprécierait aussi dans l’habileté de l’enseignant à élaborer et à mobiliser une diver-sité d’outils qui permettent de recueillir de l’information pertinente sur les apprentissages des élèves (LASNIER, 2014), dans la qualité de son jugement professionnel (ALLAL et MOTTIER LOPEZ, 2009; NDIN-GA, 2011) et dans la pertinence de sa communication de l’évaluation (FONTAINE et CADIEUX, 2018).

Ces précisions concernant la compétence à évaluer mettent en évi-dence le fait qu’au Québec, la pratique de l’évaluation des apprentissages repose sur des façons de faire reconnues (FONTAINE, SAVOIE-ZAJC et CADIEUX, 2018); celles-ci permettant, à terme, de contrôler le sa-voir-faire des enseignants en la matière (BÉLAIR et DIONNE, 2009).

LE PROBLÈME ET LA QUESTION GÉNÉRALE DE RECHERCHE

Au Québec, l’évaluation des apprentissages est au cœur du projet de démocratisation de la réussite scolaire pour tous les élèves (GOUVER-NEMENT DU QUÉBEC, 2003). Sa pratique est reconnue comme une responsabilité, une charge qui s’accompagne d’une obligation de rendre des comptes – d’où l’idée de subir la pression des autres – notamment en ce qui concerne les actions et les décisions prises au sujet des apprentissages des élèves (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2001). Or, comme l’ont montré les récentes publications sur l’intégration socioprofessionnelle des

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EFE, si ces enseignants ont une expérience professionnelle qui s’accorde avec les besoins du marché du travail au Québec et, par conséquent, leur permet de poursuivre leur carrière dans leur domaine de forma-tion (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2015; ZIETSMA, 2010), ils sont pour la plupart socialisés à la fonction de sanction et de sélection sociale de l’évaluation (MORRISSETTE et DIEDHIOU, 2017). Celle-ci s’enracine dans une vision méritocratique de la réussite et une approche de l’évaluation centrée sur la compétition entre les élèves (HUTCHISON et JAZZAR, 2007; MUJAWAMARIYA, 2008).

Il s’y ajoute que la plupart ont connu un contexte qui reconnaît l’enseignant comme « seul » légitime à juger des apprentissages des élèves; son jugement ne faisant pratiquement pas l’objet d’une quelconque re-mise en cause de la part des parents (DE KETELE, 1993). Ce contexte de l’évaluation comme « vérité incontestable » contraste avec celui des écoles montréalaises où l’évaluation est, certes, d’abord une affaire de jeu de pouvoir, c’est-à-dire un processus négocié (MORRISSETTE, 2010), qui reconnaît la légitimité d’autres voix, celles des parents entre autres.

De fait, le fossé est important entre ce que les EFE ont connu dans leur pays d’origine et ce avec quoi ils vont devoir composer dans le contexte des écoles montréalaises. Aussi, lorsqu’on fait un tour d’horizon des recherches consacrées à l’étude du savoir-évaluer de ces enseignants (EFE), on fait le constat que ce sont les difficultés de transposition de leur bagage d’expérience qui ont davantage été documentées; les auteurs soulignant soit leur méconnaissance des codes implicites qui cadrent les usages de l’évaluation (WANG, 2003), soit le décalage important entre leurs représentations des finalités de l’évaluation et celles retenues dans leur nouvel environnement professionnel (MORRISSETTE et DIED-HIOU, 2017; REMENNICK, 2002). La question de la communication de l’évaluation aux parents n’a pas été abordée alors qu’elle est au cœur d’un jeu de pouvoir qui ne peut manquer d’affecter la reconstruction du savoir-évaluer des EFE. Il faut savoir qu’au Québec, les parents ont un pouvoir au sein des écoles (CHOUINARD, 2007). Il s’y ajoute que certains d’entre eux, « parents-rois », selon Chouinard (2007), viendraient semer leurs exigences en classe, dicter à l’enseignant la conduite à adopter, et parfois remettre en question son jugement. Dans Morrissette et Diédhiou (2017), nous avons montré que pour des EFE dont la situation en emploi est encore précaire, ce pouvoir constituerait une pression. Ils auraient peur de perdre leur emploi à la suite d’un conflit avec un parent qui viendrait contester leur évaluation ou d’une plainte de celui-ci auprès de la direction.

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Notre hypothèse de travail est que la communication de l’éva-luation aux parents initierait pour les EFE en situation d’intégration socioprofessionnelle – et donc de vulnérabilité – un renversement de perspective, celle de la charge de la pression de l’évaluation. Le renver-sement de la charge de la pression de l’évaluation s’apprécierait surtout dans le sens des répercussions négatives que les désapprobations et réclamations des parents auraient sur les EFE (par exemple, congédie-ment, non-renouvellement de contrat, mauvaise réputation, etc.). Il faut rappeler que dans les systèmes éducatifs des pays d’origine de plusieurs EFE, par exemple en Afrique et en Europe de l’Est, c’est l’enseignant qui dicte sa loi en classe. De surcroît l’évaluation des apprentissages serait dans ces contextes un champ de compétence dans lequel l’enseignant a une légitimité non contestable. Dès lors, comment les EFE s’ajustent-ils à leur nouvelle situation et aux exigences de l’évaluation dans les écoles montréalaises?

LE CHOIX D’UNE THÉORIE DE L’APPRENTISSAGE AU TRAVAIL

Pour étudier l’ajustement du savoir-évaluer des EFE en situation de renversement de la charge de la pression de l’évaluation, notre contri-bution réfère à deux éclairages théoriques complémentaires. Le premier concerne le modèle du praticien réflexif de Schön (1994) qui présente un processus d’apprentissage négocié dans l’interaction avec les situations de travail. Le deuxième réfère à la perspective de la «définition de la situation» de Thomas (1928) qui suggère un processus d’ajustement intégrant les réactions des autres acteurs avec qui on interagit.

Le modèle du praticien réflexif de Schön (1994) semble le plus utilisé par les recherches qui s’intéressent au développement professionnel des enseignants. La théorie de l’apprentissage dominante de ce modèle est de considérer que le praticien apprend dans les situations de travail en intégrant les unités d’action rapidement disponibles, pour se sortir de situations difficiles. Suivant Schön (1994), les changements dans le contexte de travail placent les praticiens devant des situations qui occa-sionnent des apprentissages et produisent des savoirs nouveaux. Toujours selon sa perspective du praticien réflexif, l’itinéraire de développement professionnel du praticien passe par la confrontation avec des situations peu familières qui constitueraient des espaces dans lesquels il déploie une réflexion propice à son développement professionnel. Schön (1994) conceptualise ainsi un modèle de praticien réflexif, c’est-à-dire un acteur

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qui prend de la distance par rapport à son action, développe un regard critique sur ses pratiques et s’adapte aux changements intervenant dans son contexte de travail. Il met en exergue que l’ajustement du savoir-faire du praticien repose sur une démarche de réflexion rétrospective ou an-ticipatrice par rapport à l’action. Cette réflexion permettrait au praticien d’envisager des processus adaptatifs satisfaisants en regard des exigences de la situation.

En complément à cette vision individualiste de Schön, la pers-pective de la définition de la situation de Thomas (1928) enracinée dans la tradition sociologique de Chicago, suggère de prendre en considération les réactions des autres acteurs qui interviennent dans la situation d’interaction. Pour Thomas, des acteurs en interaction construisent ensemble un champ d’intercompréhension à l’appui de leurs manières de définir la situation qu’ils partagent. Ils adopteraient une certaine flexibilité en tenant compte de leurs définitions mutuelles de la situation qui les concerne tous. Thomas (1928) montre que les dé-finitions de la situation des uns évoluent en fonction des conséquences qui émanent de la réaction des autres. Il met en relief que c’est par un processus de négociation que les acteurs s’ajustent: ils réinventent des réponses nouvelles en fonction de l’échec ou du succès des stratégies qu’ils mobilisent.

Ces éclairages théoriques nous amènent à envisager que, dans la reconstruction du savoir-évaluer, des processus adaptatifs sont négociés entre les EFE et les parents. Dans cette perspective, quels processus adaptatifs les EFE négocient-ils et adaptent-ils face au renversement de la charge de la pression dans la communication de l’évaluation aux parents?

DES ENTRETIENS DE COANALYSE POUR SAISIR LES AJUSTEMENTS DU SAVOIR-ÉVALUER DES EFE

D’entrée de jeu, il convient de préciser que les données analy-sées pour cette contribution sont tirées d’une recherche doctorale qui s’inscrivait dans une plus grande recherche financée par le CRSH, celle de Morrissette (CRSH 2015-2018). Comme mentionné plus haut, cette recherche doctorale a porté sur la reconstruction du savoir-évaluer des EFE en situation d’intégration socioprofessionnelle dans les écoles mon-tréalaises (DIÉDHIOU, 2018). Le tableau ci-dessous présente le profil des cinq EFE qui ont participé à cette recherche doctorale.

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Tableau 1 - Profil des enseignants participants

Noms fictifs

Pays d’origine

Formation et diplôme reconnu

Pourcentage de la tâche

d’enseignement

Nombre d’années

d’expérience hors Québec

Nombre d’années

d’expérience au Québec

Békir MarocBaccalauréat en mathématiques

100 % 15 4

Fatima TunisieBaccalauréat en sciences naturelles

75 % 16 3

Nabila AlgérieBaccalauréat en français

100 % 2 3

Sadia AlgérieBaccalauréat en mathématiques

100 % 13 4

Vika MoldavieBaccalauréat en anglais

100 % 3 4

Source: Conception de l’auteur.

Sur le plan méthodologique, nous avons d’abord analysé les don-nées issues de la recherche Développement savoir de Morrissette (CRSH 2015-2018) dans laquelle étaient impliqués les cinq EFE qui ont parti-cipé à notre recherche, pour mieux préparer la suite de notre démarche de collecte de données (pour plus de détails, voir DIÉDHIOU, 2018). Toutefois, pour les besoins de cette contribution, nous avons seulement analysé le matériau composé des trois entretiens de coanalyse en groupe conduits avec les cinq EFE concernant les transformations de leurs façons de réaliser leurs évaluations. Ces entretiens, qui ont duré chacun 180 minutes, ont pris appui sur les résultats de la recherche précitée, celle de Morrissette (CRSH 2015-2018) et sur les analyses préliminaires des entretiens individuels à orientation biographique conduits avec les cinq EFE. En effet, nous avons réalisé un entretien à orientation biographique de 90 minutes avec chacun des cinq EFE, sur les épisodes marquants de la reconstruction de son savoir-évaluer. Utilisé en recherche qualitative, l’entretien à orientation biographique (DEMAZIÈRE, 2011) place la per-sonne interviewée en situation de reconstruire son expérience de façon descriptive et rationnelle. L’articulation méthodologique ayant conduit aux entretiens de coanalyse en groupe, a permis dans ces derniers en-tretiens d’étudier de façon croisée les expériences de reconstruction du

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savoir-évaluer. Les EFE ont confronté et interprété les expériences d’éva-luation des apprentissages qu’ils ont vécues dans les écoles montréalaises avec celles de leurs pairs, comparé leur bagage d’expérience dans leurs pays d’origine avec les exigences au Québec, ce qui a permis de faire émerger les ajustements apportés dans la reconstruction du savoir-évaluer telle qu’elle est vécue en situation dans les écoles montréalaises.

Pour mener à bien la cueillette de données, nous avons privilégié une posture compréhensive qui pose que les expériences que les EFE choisissent de rapporter ont un sens pour eux. Ce choix de posture nous a amenés à solliciter d’eux une description la plus fine possible des expériences exemplaires qu’ils ont choisi de nous rapporter. L’exemplarité se définit ici en termes d’expériences représentatives des turbulences qu’ils ont vécues ou des apprentissages qu’ils ont réalisés concernant l’évaluation des apprentissages. Lors des entretiens de coanalyse, nous avons utilisé la technique de focalisation de Vermersch (2017) pour déterminer et délimiter avec chacun des EFE l’expérience vécue, préciser les enjeux, identifier les adaptations faites, nommer les difficultés rencontrées lorsqu’ils ont tenté de mobiliser l’évalua-tion conformément à ce qu’ils ont connu dans leur pays d’origine. En restant vigilant pour limiter les contaminations des états d’âme, en utilisant le «comment?» comme question de relance, nous avons réussi à maintenir les EFE dans la narration du concret des situations confrontantes vécues dans la mise en œuvre de l’évaluation au début de leur intégration dans les écoles.

Dans l’analyse de ces situations, nous avons été attentifs aux jeux de pouvoir, et avons ainsi pu identifier des cas de confrontation avec les partenaires scolaires où s’opère un renversement de la charge de la pres-sion de l’évaluation. Comme on le verra, le déplacement de la pression de l’évaluation de l’élève vers l’enseignant façonne la transformation du bagage d’expérience des EFE, c’est-à-dire la manière dont ils ont reconstruit leur savoir-évaluer dans leur nouveau contexte de travail.

DES RÉSULTATS SUR L’AJUSTEMENT DU SAVOIR-ÉVALUER DANS LA COMMUNICATION DE L’ÉVALUATION AUX PARENTS

Cette présentation des résultats mettra d’abord l’accent sur les différences de la communication de l’évaluation dans les deux contextes de travail des EFE: d’abord dans le pays d’origine où elle représente un

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moment redouté par les parents, ensuite au Québec contexte dans lequel la reddition de comptes aux parents reflète une inversion du sens de la pression. Finalement, nous montrons comment les EFE s’alignent sur une conception de bienveillance dans l’évaluation.

La Communication de L’évaluation Dans le Pays D’origine: un Moment Redouté par Les Parents

Pour nous, l’évaluation, c’est un moyen de pression; […] le bic rouge de l’enseignant, c’est l’arme de sanction; […] c’est pour cela que les élèves ont peur de nos évaluations; […]. S’ils se comportent mal en classe, ils vont le payer à l’examen, parce qu’on peut les pénaliser en donnant une mauvaise note; […] et surtout, tu ne verras pas un parent venir se plaindre parce qu’on a donné un zéro à son enfant parce qu’il a perturbé, ou qu’on lui a retiré des points pour des ques-tions de discipline […]. Les parents n’ont pas de pouvoir sur les ensei-gnants; […] l’enseignant est roi (Békir).

Ces propos de Békir, relayés dans des termes sensiblement simi-laires par le groupe des EFE, donnent le ton quant aux jeux de pouvoir qui s’organisent autour des usages de l’évaluation dans le contexte de son pays d’origine. L’analyse des expériences rapportées par les uns et les autres montre qu’ils y mobiliseraient le plus souvent l’évaluation dans une perspective de sanction des comportements. L’évaluation serait, en effet, assimilée à une arme au service de l’imposition du pouvoir de l’enseignant sur ses élèves et même les parents. Les épisodes de communication des résultats de l’évaluation aux parents reflètent bien une sorte de domination des enseignants sur les parents.

Dans leurs pays d’origine, les EFE ont expliqué un «traitement de masse» dans la communication des résultats de l’évaluation des appren-tissages des élèves: tous les parents sont convoqués à la même heure pour que leur soient communiqués les résultats des apprentissages de leur enfant, dévoilés à toutes les personnes présentes. Comme l’explique l’un des EFE, en l’occurrence Békir, cette communication serait un moment redouté par certains parents, car une mauvaise performance de leur enfant est souvent vécue comme une humiliation publique.

S’il y avait une quelconque pression, elle n’était pas sur l’enseignant qui devait rapporter les résultats, mais plutôt du côté des parents qui de-vaient les recevoir [...] Parfois on lit les résultats par ordre alphabétique,

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c’est moins pesant pour les parents [...], mais quand on les lit en fonction du classement, le rang, c’est dur pour certains parents [...], être le parent de l’enfant qui est dernier de sa classe, c’est l’humiliation extrême [...] Certains parents frappent leur enfant pour ça, tellement ils sont furieux (Békir).

Notons ici que l’humiliation dans ce contexte de traitement de masse dans la communication des résultats est telle qu’elle peut donner lieu à des châtiments physiques. Soulignons également que ce genre de communication des résultats sans égards à la personnalité de l’enfant ou du parent se retrouverait aussi en Europe de l’Est. Vika rapporte que dans son pays d’origine, elle fait comme tous ses autres collègues, c’est-à-dire «quand le résultat n’est pas bon, je dis au parent que l’enfant ne travaille pas; c’est comme ça; lui il doit mettre la pression sur son enfant» (Vika). Ces extraits sont d’intérêt, en particulier pour la raison suivante: dans le pays d’origine des EFE, il y aurait une hiérarchisation des pouvoirs à l’école. Cette hiérarchisation penche fortement en faveur de la domination de l’enseignant sur les autres acteurs: les parents et les élèves notamment. Dans ce contexte, les parents ne semblent pas être des détenteurs de pouvoir, mais des exécutants de recommandations venant des enseignants.

Une autre dimension de cette communication des résultats d’apprentissages aux parents serait la centration du discours sur «les notes chiffrées, la moyenne» (Sadia). À propos de l’interprétation des moyennes, Békir explique qu’un élève qui a 14 sur 20 sera jugé bon alors qu’un autre qui a 5 sur 20 sera jugé « mauvais, voire médiocre » (Békir). La moyenne reflèterait ainsi un caractère univoque incontesté puisque tous les acteurs (enseignants, direction, parents, élèves) peuvent s’en faire une même représentation. Il semblait inimaginable, suivant les enseignants, qu’une autre personne vienne la contester d’une quelconque manière. En effet, comme l’expliquent les EFE, ce qui est visé lors de la communication des résultats de l’évaluation c’est «donner aux parents une image de leur enfant, sa moyenne par rapport au groupe classe; libre à eux d’agir dans le sens de la corriger» (Békir). Sur ce plan, parler de cette moyenne en comparaison à la moyenne de classe et parfois à la moyenne des élèves de l’école serait un indicateur important pour permettre à un parent de se faire une idée «plus juste» des résultats de son enfant par rapport aux autres:

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Chez nous, la manière de communiquer les résultats, c’est simple; on dit la moyenne de l’enfant c’est par exemple 13 sur 20; la moyenne de la classe, c’est par exemple 11 sur 20; donc on voit qu’il est bien au-dessus du lot [...] Alors pour un parent, c’est satisfaisant; il ne va pas demander plus [...]. Quand c’est négatif, c’est la même chose [...], mais là, on va surtout parler des défauts de l’élève, s’il est distrait? s’il est paresseux? etc. [...] Souvent le discours est très accablant sur l’élève [...], c’est la parole du maître qui est la vérité et le parent y croit; l’élève est sans défense” (Fatima)

À la fin des analyses, il se dégage, des descriptions des EFE concernant leurs pays d’origine, que la communication des résultats d’apprentissage est un exercice qu’ils contrôlent de bout en bout, la légitimité de leur propos n’étant jamais mis en cause par les parents. Dès lors, en s’intégrant dans les écoles au Québec, vont-ils pouvoir transposer exactement ces mêmes manières de communiquer? Qu’arrive-t-il à leurs manières habituelles de communiquer les résultats des élèves dans un contexte qui ne semble pas acquis à l’idée que la parole de l’enseignant est «la seule vérité»?

La Communication de L’évaluation au Québec: la Reddition de Comptes Comme Inversion du Sens de la Pression

[…] moi, c’est ici [au Québec], que j’ai commencé à avoir peur de parler de l’évaluation avec le parent; […] Chez nous, tu te défoules […]. Ici, je n’ose pas dire tout ce je vois en classe; […] je dois choisir mes mots; uti-liser un vocabulaire positif, alors que le résultat n’est pas bon; […] à la rencontre du bulletin, la pression est sur l’enseignant; […] c’est lui qui doit justifier les résultats (Vika).

Dans les analyses de cette recherche, la communication des ré-sultats d’apprentissage des élèves semble un moment de confrontation redouté par les EFE au Québec. Comme en témoignent plusieurs parti-cipants, les parents ont un pouvoir certain dans leur nouveau contexte de travail. Ce pouvoir est tel qu’ils ne peuvent pas communiquer les résultats des élèves comme bon leur semble, du moins tel qu’ils le fai-saient dans leur pays d’origine. La première chose qui les étonne c’est de voir les parents contester leurs évaluations, et donc intervenir pour remettre en question des pratiques d’un domaine qu’ils considéraient auparavant comme relevant de leur seule compétence. Ils se confrontent

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à des parents qui leur demandent des comptes. C’est du reste ce qu’ex-plique Vika:

C’était vraiment étonnant pour moi de voir comment un parent peut intervenir sur l’évaluation de son enfant, te demander des explications surtout lorsque l’enfant performe moins que d’habitude. Ici, les parents contrôlent vraiment tout [...] quand tu parles aux collègues qui ont plus duré ici, ils te disent ‘‘il faut vraiment faire attention aux parents sur-tout en matière d’évaluation. Les notes, ce n’est pas facile avec les parents surtout quand tu as eu ta formation dans un autre système’’. Ils ont un pouvoir et ils peuvent contester ton évaluation parce qu’ils font souvent des comparaisons avec les notes du prof de l’année précédente. En général, nous on est un peu sévère dans la correction et ça, les parents ne par-donnent pas (Vika).

Cet extrait met en relief des caractéristiques d’un rapport de pou-voir auquel les EFE doivent s’ajuster. Comme le relève Vika, les parents avec lesquels elle doit composer réagissent différemment à l’évaluation des apprentissages de leur enfant que ceux qu’elle a pu côtoyer dans son pays d’origine. Elle doit sur ce plan s’ajuster à l’idée de rendre des comptes aux parents, ceux-ci portant un regard plus attentif sur les apprentissages et les performances de leur enfant. Elle prend en considération, dans son analyse, le fait qu’un conflit avec le parent peut être préjudiciable à la carrière d’un enseignant, surtout lorsque celui-ci est en situation de vulnérabilité (précarité en emploi). Plusieurs EFE expliquent que la communication des résultats d’apprentissages des élèves est un moment qu’ils redoutent fortement, compte tenu de la pression et des exigences de certains parents. Ce faisant, si les EFE se soumettent à l’exercice de communiquer les résultats d’apprentissages aux parents, ce n’est donc pas pour autant un exercice qu’ils affectionnent. La leçon que Vika tire de son expérience est très éclairante à ce sujet: «si j’avais à choisir, j’évi-terais les rencontres de parents; c’est trop de pression; c’est trop de stress [rires]» (Vika).

Les EFE ont explicité la complexité de communiquer les résultats de l’évaluation des apprentissages en l’opposant à ce qu’ils faisaient depuis leurs pays d’origine, c’est-à-dire seulement relater les données quantitatives de la performance de l’élève et de s’en limiter à leur appréciation selon une norme dichotomique (bon/pas bon). Au Québec, les EFE sont en perte de contrôle de cette situation professionnelle qui ne leur est pourtant pas

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étrangère, mais dont la mise en œuvre semble différente de ce qu’ils ont connu dans leurs pays d’origine. Pour étayer ce propos, l’exemple de Békir semble très éclairant. Cet enseignant explique un épisode dans lequel il s’est trouvé obligé de justifier les notes auprès d’un parent venu protester à la rencontre de parents pour les mauvais résultats en mathématiques de son enfant.

Le parent, une madame, elle est venue me voir pour me demander «pour-quoi mon enfant il a cette note? Il travaille fort à la maison, il fait toujours ses exercices, il aime la matière, mais il ne parvient pas à avoir une bonne note avec toi» […] Donc, là, j’ai sorti toutes ses copies pour expliquer à la madame; c’était la première fois qu’un parent venait me voir pour une affaire de notes (Békir)

Cet extrait illustre que lors de la rencontre des parents, parler avec tact c’est aussi savoir mobiliser les preuves d’apprentissage cumulées pour tenter de convaincre leurs interlocuteurs. Il faut noter que les EFE constatent avec surprise les jeux de pouvoir en lien avec l’évaluation dans leur nouveau contexte de travail, surtout lorsque leur jugement profes-sionnel est «attaqué» par les parents, qui le critiquent et le remettent en question; ce qui n’était pas le cas dans leurs pays d’origine. Par exemple, Békir découvre au travers de la confrontation avec les parents que si, dans son pays d’origine, les parents croient d’emblée à la parole de l’en-seignant – « elle est [...] la vérité » comme le disait Fatima —, au Québec, selon son expérience, cette parole a besoin d’être appuyée par des preuves concrètes et crédibles. En d’autres mots, il doit garder des traces de ses interventions auprès des élèves afin de pouvoir les mobiliser au besoin pour répondre aux réclamations des parents. Les EFE découvrent ainsi qu’ils ne peuvent pas rendre compte des résultats d’apprentissages des élèves, selon le modèle auquel ils ont été socialisés dans leurs pays d’ori-gine. C’est ce que reflète Békir: «quand tu dois parler à un parent des résultats de son enfant, il n’y a presque rien que tu contrôles d’avance; même s’il réussit bien, le parent veut le 100%; et c’est là que se trouve le problème. Tu dois parler avec tact et diplomatie; et cela n’est pas évident pour nous» (Békir).

Dès lors, comment s’y prennent-ils pour s’ajuster à cette convention de parler avec tact et diplomatie des résultats d’apprentissages des élèves dans leur contexte spécifique?

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Un Alignement Sur Une Conception De Bienveillance Dans L’évaluation

La communication des résultats d’apprentissages des élèves comporte des enjeux très importants. Elle implique une certaine bien-veillance (MASSON, 2018) dont les EFE n’ont pas l’habitude. De fait, en interagissant avec leurs collègues, ils se socialisent aux rudiments d’une communication plus respectueuse des conventions partagées, ceux-ci invitant à parler aux parents dans une logique partenariale. Comme on le verra, c’est essentiellement un processus de socialisation par les pairs qui semble au cœur de l’ajustement de leurs manières de communiquer les résultats de l’évaluation des apprentissages des élèves aux parents.

L’une des conventions mobilisées dans le processus de recons-truction des manières de communiquer les résultats d’apprentissages des élèves est l’adoption d’une approche collaborative avec le parent. En effet, les EFE ont expliqué qu’ils seraient socialisés à cette convention de la collaboration par certains de leurs prédécesseurs qui viendraient eux aussi de l’immigration. Ils expliquent que ces prédécesseurs semblent bien imprégnés du contexte des écoles montréalaises. Ces collègues, qui joueraient un rôle de médiateurs, attireraient leur attention sur la conduite de prudence à adopter dans la communication avec les parents. Cette conduite se manifesterait dans l’environnement dans lequel a lieu la communication avec le parent, l’approche individualisée et confidentielle se substituant à l’approche publique selon laquelle les résultats des élèves sont étalés au vu et au su de tout le monde. C’est ce que rapporte Vika au sujet des différences que lui a expliquées son enseignant associé, lui aussi issu de l’immigration:

Ici, quand on parle des résultats de l’enfant avec le parent, c’est avec beau-coup de prudence […]. Dans mon pays, [...] on rassemble tous les parents dans la même classe et puis on dit les résultats des élèves un par un; si le résultat est bon c’est ok; s’il n’est pas bon, on le dit pareil. Quand le parent sort, il connaît le résultat de son enfant et les résultats des autres élèves […]. Ici, c’est vraiment confidentiel; je reçois chaque parent à son heure, on se parle et ça reste entre nous (Vika).

Cet extrait reflète un ajustement important pour Vika, car l’écart des manières de faire est très significatif. Il y a une nette différence dans

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la façon de s’adresser au parent, la confidentialité étant de mise au Qué-bec. Aussi, en se plaçant dans la posture de parent, comme mentionné par Fatima et Vika, et anticipant la manière dont ils souhaiteraient être traités, certains EFE octroient de l’importance au respect à accorder à la personnalité de l’enfant et à la bienveillance que mérite le parent. Comme parents, elles souhaiteraient une communication qui valorise les efforts de leur enfant plutôt qu’une autre qui mettrait l’emphase sur les échecs. C’est ce que souligne Vika:

[…] avant je pensais que c’est bien de dire les résultats devant tous les parents parce que ça pousse les autres élèves à travailler; maintenant, je ne vois pas les choses comme ça. Je pense que c’est important de respecter la personnalité de l’enfant; de bien parler aux parents même si les résultats ne sont pas comme ce qu’on veut. L’échange avec le parent c’est pour, aussi, qu’ensemble on essaie de voir comment aider l’enfant à s’améliorer; ça doit être constructif (Vika). C’est ici toute la finalité de la communication des résultats aux

parents qui se transforme: on ne donne pas le résultat pour amener le parent à sévir sur son enfant, mais pour négocier des manières de favo-riser son plein épanouissement, sa réussite scolaire. Les EFE montrent comment, au travers d’échanges avec les pairs, ils apprendraient à s’ajuster à une convention de «coresponsabilité de la réussite scolaire de l’enfant» (Nabila). Cette convention suggère d’envisager la communication des résultats de l’évaluation comme un processus collaboratif visant à re-chercher avec le parent une meilleure façon d’aider l’enfant. Toutefois, précisent-ils, cela passe par le préalable d’une communication soignée qui présente les résultats d’apprentissage tout en ménageant l’intégrité de la personnalité de l’enfant. Ils y seraient socialisés à cette autre forme de communication, qu’ils appellent la technique du «sandwich», par les collègues d’origine québécoise et parfois immigrante qui leur ont expli-qué son mode de fonctionnement: il conviendrait de donner d’abord des commentaires positifs, puis négatifs, pour terminer sur une note plus valorisante en reprenant à la fin de l’entretien des commentaires positifs. En d’autres mots, il s’agirait d’«enrober» l’explication des performances de l’enfant dans un style de communication qui ne laisse pas le parent sur une image négative de son enfant. Tout le langage est contrôlé et les mots choisis pour mettre l’emphase sur les réussites plutôt que sur les difficultés ou échecs. C’est ce dont témoigne l’expérience racontée par Vika au sujet de la remise du premier bulletin. «On m’a dit : il va falloir

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prendre des précautions pour leur parler des résultats de leur enfant […] pas des mots négatifs […] c’est vraiment trouver l’approche avec les bons mots pour présenter les résultats de l’enfant […]» (Vika).

Socialisée à cette autre façon de parler des résultats d’apprentissages aux parents par sa collègue (une amie EFE qui enseigne dans les écoles montréalaises depuis plus d’une quinzaine d’années), Vika déclare adhé-rer à cette posture pour se préserver des répercussions négatives qu’une communication «trop directe et crue des résultats des élèves» pourrait entraîner sur sa carrière (Vika).

Une autre enseignante migrante, Nabila, explique comment elle a adapté une stratégie de contournement visant à centrer la communi-cation sur la marge de progression réalisée par l’élève – donc le positif – pour se tirer d’affaire face à des parents qui voulaient qu’elle rende compte du sens (signification) de la note chiffrée obtenue par leur en-fant. Elle explique:

Moi, lorsque le parent parle du résultat, j’essaie de ramener l’échange sur la progression de l’enfant; j’explique avec ça; ça rassure un peu le parent, même si ce n’est pas toujours le cas. Des fois le parent reste accroché au résultat, même si on dit que l’enfant progresse […] le parent des fois, lui c’est le 100 % qu’il veut […]. Avec mes collègues, j’ai appris un peu que l’approche avec le parent, quand le résultat n’est pas vraiment très satisfai-sant, on doit attirer l’attention sur la progression, surtout au premier et au deuxième bulletin; ça évite de laisser le parent avec l’impression que son enfant n’est pas entre guillemets ‘‘bon’’ […] Moi, mon principe, c’est qu’il ne faut laisser le parent avec l’idée qu’on juge son enfant ‘‘bon ou pas bon’’; on doit tout centrer sur la progression. Maintenant, je fais comme ça, alors qu’avant si je devais communiquer avec le parent. C’est la moyenne que je regarde (Nabila).

Il semblerait ici que Nabila a trouvé dans la centration sur l’ex-plication de la progression des apprentissages de l’élève, une stratégie de contournement des enjeux liés aux notes dans la communication avec le parent. Elle signale le principe qui guide son approche avec les parents, principe adopté à la suite d’apprentissages réalisés dans l’in-teraction avec ses collègues et qui lui permet de définir comment elle devrait affronter les revendications des parents afin de désamorcer les tensions potentielles.

En résumé, les expériences professionnelles analysées montrent que les EFE ajustent leurs manières de communiquer les résultats

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d’apprentissages des élèves en fonction de la situation. L’examen des interactions avec les parents reflète qu’ils transforment leurs manières de communiquer une fois qu’ils sont socialisés par les collègues aux conséquences d’une communication trop directe qui ne mettraient en relief que les échecs. L’argument éthique, qui constitue le socle de l’ajus-tement sur ce plan, porte sur la bienveillance dans la communication des résultats d’apprentissages des élèves. Au vu des écarts importants entre les deux cultures en tension sur cette dimension de la démarche d’évaluation qu’est la communication, les EFE s’alignent sur les manières de faire de leurs collègues, soit reproduire des stratégies de manipulation de l’information, le sandwich entre autres. Ces stratégies, construites et négociées à travers les contraintes de l’interaction, semblent opératoires. Le témoignage de Békir à propos de ces stratégies opératoires est très instructif quant à leur caractère implicite: «c’est […] un code de l’évalua-tion qu’on n’enseigne pas à l’université, mais qui est la loi à l’école, et dans les relations avec les parents» (Békir). Il souligne également le caractère impérieux de la découverte de ce «code» par les EFE, c’est-à-dire dans le sens des conséquences:

Ces petits détails importants de l’évaluation, c’est quelque chose que l’on ne te dira jamais à l’université. […] Tu comprends après avoir été sanctionné de n’avoir pas respecté ça. […] C’est ce qui m’est arrivé, et je connais beau-coup de collègues qui diront la même chose (Békir).

DISCUSSION CONCLUSIVE: LA CONFRONTATION DES EFE AVEC LES PARENTS COMME «ZONE INTERPRÉTATIVE» DE LA RECONSTRUCTION DU SAVOIR-ÉVALUER

L’analyse des cas exemplaires rapportés par les EFE montre que la reconstruction de leur savoir-évaluer se fait souvent en pleine turbulence, alors qu’ils sont en situation de vulnérabilité. D’une part, ils n’ont pas encore acquis les codes du travail en matière d’évaluation valorisés dans les écoles montréalaises; d’autre part, ils ont obligation d’aligner leurs manières d’évaluer sur celles de leurs pairs pour éviter des conflits avec les parents, ces conflits pouvant avoir des répercussions négatives sur leur situation en emploi.

Sur un premier plan d’analyse des contraintes qui accompagnent l’évaluation des apprentissages, on peut voir dans la confrontation des

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EFE avec les parents des aspects révélateurs d’une «zone interpréta-tive» (DAVIDSON-WASSER et BRESLER, 1996) de la reconstruction du savoir-évaluer en situation d’intégration socioprofessionnelle. Les épisodes rapportés par les EFE illustrent très précisément ce que nous avons convenu d’appeler «un renversement de la charge de la pression de l’évaluation»; les craintes de répercussions négatives constituant des limites quant aux marges de manœuvre des EFE concernant l’évaluation des apprentissages. Également, ces limites révèlent les conventions partagées au sein de leur écologie professionnelle, c’est-à-dire les règles tacites dont la mobilisation rend les façons de faire l’évaluation prévisibles. Les résultats de ma recherche doctorale (DIÉDHIOU, 2018) ont montré que ces conventions constitutives du «code du travail en matière d’évaluation des apprentissages» sont valorisées au Québec.

Sur un autre plan d’analyse de cette «zone interprétative», elle se révèlerait aussi le lieu de confrontation entre une minorité (les EFE) et un groupe majoritaire (les parents et les élèves) qui ne s’entendent pas quant à leurs conceptions de l’évaluation des apprentissages. L’analyse des expériences rapportées pointe que les EFE ne réfèrent pas aux principes du domaine de l’évaluation des apprentissages dans leurs ajustements, mais s’alignent plutôt sur les pratiques de leurs collègues par crainte des conséquences négatives des réactions des parents. Analysée sous l’angle de l’apprentissage au travail, la recons-truction du savoir-évaluer en situation d’intégration socioprofession-nelle semble l’objet d’un conformisme d’adhésion en ce sens que les EFE sont contraints par des normes sociales fortes. On peut dès lors comprendre qu’ils adaptent leurs savoir-faire en matière d’évaluation en réponse aux réactions de leurs partenaires scolaires; mais restent souvent peu convaincus de la pertinence des valorisations sur lesquelles ils s’alignent, du moins dans les toutes premières années d’intégration socioprofessionnelle. En d’autres mots, face aux circonstances non maî-trisées des situations qu’ils rencontrent, ils tentent davantage de trouver des solutions qui leur évitent des heurts. De fait, l’ajustement de leurs savoir-évaluer se situerait au niveau des relations interpersonnelles, c’est-à-dire en réponse aux attentes des parents: les EFE sont dans leurs premières années d’intégration dans l’obéissance aux conventions du groupe majoritaire. Cette obéissance, il faut le souligner, n’est pas tant une adhésion, mais une «une façon d’éviter des problèmes» (Nabila). Le conformisme deviendrait ainsi pour les EFE la façon de gérer des

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situations problématiques, voire de stabiliser leurs relations avec les parents. Les exemples les plus illustratifs s’observent chez Nabila et Vika qui ont fini par perfectionner le sandwich comme une manière de répondre aux demandes des parents.

Sur le plan de la socialisation, on voit bien que les conventions « tacites » en arrière-plan des réactions posées par les parents ne font pas l’objet de formation en milieu universitaire, alors qu’elles sont d’im-portance en milieu de travail. Tout au plus, les EFE les apprennent sur le terrain par la médiation avec leurs pairs, qui assurent à leur endroit un rôle de socialisation. Or, il ne ferait guère de doute que si les EFE connaissaient d’avance ces conventions, notamment durant la formation d’appoint qu’ils reçoivent en milieu universitaire, ils chercheraient à éviter les turbulences qui en résultent, du moins au début de leur intégration socioprofessionnelle. Aussi, dans la mesure où ces conventions sont tacites et que les EFE les découvrent dans le sens des conséquences (par exemple, les répercussions négatives des réactions des parents) associées à leur transgression, dirait Thomas (1928), il peut en résulter une difficulté à les accepter comme légitimes et par la suite à y adhérer pleinement.

Finalement, l’histoire de l’ajustement du savoir-évaluer des EFE, pour ce qui concerne la communication des résultats d’apprentissage des élèves aux parents, est celle d’une confrontation avec la transformation profonde des pouvoirs des acteurs dans leur nouvel environnement de travail. Les situations confrontantes semblent constituer sur ce plan des opportunités d’apprentissage et d’ajustement dont la fonction première est d’harmoniser les relations des EFE avec les parents. L’ajustement du savoir-évaluer des EFE en situation de renversement de la charge de la pression de l’évaluation serait, sur ce plan, à la fois un objet de débat social et de débat théorique. Sur le plan social, d’abord, elle porte sur l’évaluation des apprentissages; objet constamment questionné en regard de ses enjeux sur la réussite des élèves et les effets potentiellement positifs d’une bonne compréhension de ses finalités par les acteurs concernés (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2017c; FONTAINE, SAVOIE-ZAJC, CADIEUX, 2018).

Sur le plan théorique, ensuite, les usages et significations de l’éva-luation sont bien différents d’un contexte à un autre et surtout rarement analysés dans le sens des rapports entre un groupe minoritaire (les EFE) qui intègre un groupe majoritaire (une école). Dans le cadre de l’intégra-tion socioprofessionnelle des EFE, les jeux de pouvoir, les confrontations de valeurs et les ajustements qui s’opèrent de part et d’autre indiquent qu’il y a là un domaine de connaissance à explorer. En fin, pour s’approcher au

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plus près des besoins d’accompagnement des EFE en milieu de travail, il conviendrait sans doute de soutenir un effort de recherche permettant de comprendre de façon globale et articulée les questions liées à la pratique de l’enseignement – l’évaluation des apprentissages entre autres – avec les problématiques sociales qui les concernent dans leur intégration socio-professionnelle dans les écoles.

COMMUNICATING ASSESSMENT TO PARENTS: AN ANALYSIS OF FOREIGN-TRAINED TEACHERS’ ADJUSTMENT TO THE REVERSAL OF THE PRESSURE OF ASSESSMENT IN MONTREAL SCHOOLS

Abstract: As a process for conveying information on students’ learning, the communication of assessment is a crucial moment in the teaching occupa-tion, and is described as being fraught with tension and significant power plays. Depending on the context, the pressure of assessment can be focused on one or another of the stakeholders concerned (teacher, student, parent, etc.). In the context of foreign-trained teachers’ relationships with the parents of students in Quebec, the communication of assessment is believed to reveal a moment of insecurity because of problems with reciprocal understanding and the questions and concerns that assessment raises. This article draws on three co-analysis interviews conducted with five FTTs to understand how they adjust their assessment expertise to the conventions of assessment communication valued in Montreal schools; FTTs’ encounter with parents is conceptualized as a reversal of the direction of assessment-related pressure.

Keywords: Communication of assessment. Conventions. Foreign-trained teachers. Parents. Pressure of assessment.

Nota

1 MORRISSETTE, J. Subventions de développement Savoir, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), PV153480.

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