Serge Cantin - Le Devoir

1
PIERRE CÉRÉ Candidat du Parti québécois dans Laurier-Dorion aux dernières élections i les chiffres parlent, ils peuvent aussi hurler : le Parti québécois a fait un score de 25 % aux dernières élec- tions, plancher historique depuis 1970. Chez les 18-25 ans, le PQ était en quatrième position. À Montréal, le vote s’est effondré. Normalement, quand on veut connaître les grandes tendances qui s’affir- meront au cours des prochaines années, on re- garde du côté de la jeunesse. Inquiétude… Si des élections avaient lieu aujourd’hui, les résultats seraient encore pires, le PQ glisserait au 4 e rang… chez les 18-45 ans ! Parmi les gens que j’ai rencontrés au cours des dernières se- maines, certains ont exprimé l’idée que le PQ n’est plus en phase avec la société, ni avec sa jeunesse, encore moins avec les idées émer- gentes ; que, trop drapé dans le passéisme, il a manqué son passage à la modernité. Se pour- rait-il qu’il y ait du vrai là-dedans et qu’un dan- ger de ringardisation le guette ? Faire le bilan devient un exercice incontour- nable. Le bilan d’une campagne et de ses straté- gies, bien sûr, mais aussi l’examen des ten- dances lourdes qui semblent s’installer depuis quelques années. En voici quelques éléments. Plusieurs, nous avons eu ce sentiment que la campagne du PQ n’avait été menée qu’au seul gré de sondages et moins par des convictions s’inscrivant dans un projet de société. Si on parle de la charte — il faut bien le faire —, s’il s’agissait d’une réponse somme toute normale aux intrusions du reli- gieux dans l’espace public, il devenait inconve- nant qu’on laisse s’amalgamer religion et immi- gration, permettant certaines expressions d’ignorance, de fausses craintes et de peur de l’étranger. Les communautés immigrantes se sont senties ostracisées. Il fallait engager un dia- logue ; cela n’a pas été fait. Il fallait trouver un point de rencontre entre toutes ces forces qui s’exprimaient, apporter certaines modifications, celle proposée par Guy Rocher par exemple. Somme toute, il fallait régler cette question avant de déclencher des élections. Cela n’a pas été fait. Nous aimons ce « travaillons ensemble ». Nous ne l’avons pas fait. Il y a là une leçon. Il y a eu un indéniable effet PKP : l’effet-sur- prise sinon ahurissant du poing dans les airs, la confusion des communications par la suite et aussi, ne l’oublions jamais, la réaction épider- mique des milieux syndicaux. Ce qui devait nous renforcer nous a paradoxalement affai- blis. Ce qui aurait dû être rassemblement a dé- bouché sur un manque de cohésion. Le PQ ne peut se permettre de faire de la poli- tique comme les autres, il y trahit son âme. Il doit redevenir le parti de ses militants où l’espace de discussion et de débat est décloisonné. Celui de la sincérité parce qu’habité par le feu sacré, celui du pays, celui du changement, celui du peuple. Il faut mobiliser l’espoir, redonner confiance en nos institutions, démontrer l’importance de notre modèle social et comment on peut conti- nuer à le développer. Il faut répondre aux che- valiers de l’apocalypse avec la force innovatrice qui caractérise notre société et notre parti, il faut faire acte d’écoute et de pédagogie, le faire sans cesse et inlassablement, comme une œu- vre toujours inachevée, toujours perfectible, le faire dans le doute, avec passion, mais foncer ! Notre destin comme nation doit s’accomplir. Cette question est intrinsèquement liée à ce que nous sommes. Force est de constater que l’approche mise en place par le Parti québécois depuis un certain nombre d’années n’a plus l’écoute. Il faut remuer tout cela, s’inscrire dans une démarche de reconstruction, chercher à rebâtir de nouvelles majorités. Les idées ne manquent pas. Nous sommes sociaux-démocrates : nous sommes le seul parti au Québec à l’être. Nous sommes souverainistes ; nous incarnons l’instrument de ce grand projet historique. Nous demeurons mobilisés. Voilà qui devrait nous vivifier. SERGE CANTIN Professeur à l’UQTR, il publie ces jours-ci La souveraineté dans l’impasse (PUL, 2014), dont le texte qui suit est un extrait. e Québec de la Révolution tranquille fut celui de toutes les promesses, celui où, après une longue hibernation, la so- ciété québécoise paraissait re- naître à elle-même, en reven- diquant haut et fort son droit à l’existence, et non plus seu- lement à la survivance. Comme si l’horizon s’éclair- cissait soudain, dévoilant un espace illimité de liberté que ceux de ma « génération lyrique », les baby-boomers, explorèrent tous azimuts, au risque parfois de s’y perdre. […] Deux défaites référendaires plus tard, le pro- jet d’indépendance du Québec, qui fut l’un des moteurs, sinon le principal moteur de la Révo- lution tranquille, […] se trouve dans une im- passe qui me paraît de plus en plus insurmonta- ble. On dira que j’exagère et que je capitule à mon tour. Capitulard, non, mais pessimiste, as- surément. Car comment ne pas l’être devant les « sombres temps » qui s’en viennent, et d’autant plus inexorablement que l’on se refuse à les voir venir. […] À la fin de sa vie, quelques semaines avant le référendum de 1995, Fernand Dumont — dont nos jovialistes ont maintes fois fustigé le pessi- misme — déclarait ceci dans une entrevue : «Je crois que nous sommes devant le désarroi. Per- sonne ne le dit trop officiellement, personne n’ose l’avouer parce que, évidemment, comme dis- cours, ça n’a pas beaucoup d’avenir et surtout ça ne peut pas être beaucoup détaillé. » […] Les signes de cette « lente déchéance », de no- tre disparition tranquille, vous les soupçonnez sans doute, encore que vous soyez probable- ment (et cela se comprend) réticents à les recon- naître comme tels, préférant y voir les signes d’autre chose de beaucoup moins dramatique, ceux par exemple d’une crise passagère de no- tre conscience collective. Ainsi on entend sou- vent dire que, si le projet souverainiste ne sou- lève plus grand enthousiasme dans la popula- tion, il n’y aurait pas lieu de trop s’en inquiéter puisque ce n’est pas la première fois dans notre histoire nationale que nous connaissons ce genre de torpeur. Il suffirait au fond d’attendre quelques années avant que ne se ravive la flamme nationaliste. Mais de quel nationalisme parle-t-on ici ? Je ne doute pas que la plupart des Québécois francophones soient encore et tou- jours nationalistes au sens où ils demeurent atta- chés à leur nation, à laquelle ils sentent bien, sans toujours pouvoir l’exprimer, qu’ils doivent une part essentielle de leur être. En ce sens-là, les Québécois d’aujourd’hui ne sont pas moins nationalistes que ne l’étaient leurs ancêtres et que ne le seront sans doute leurs enfants et leurs petits-enfants. Je parierais même que les Québécois demeureront nationalistes jusqu’à leur dernier souffle, voire au-delà, je veux dire lorsqu’ils n’auront même plus de mots français pour exprimer leur attachement à leur défunte patrie, comme dans la chanson Mommy qu’inter- prétait naguère Pauline Julien et qu’a reprise l’in- comparable Fred Pellerin. […] Si les Québécois d’aujourd’hui sont restés na- tionalistes, leur nationalisme commence à res- sembler dangereusement à celui de leurs ancê- tres, au nationalisme canadien-français, dont ceux de ma génération et de la génération im- médiatement antérieure ont fait le procès dans les années cinquante et soixante, le rejetant au nom du néonationalisme, c’est-à-dire d’un natio- nalisme non plus strictement culturel et conser- vateur, mais politique et axé sur l’indépendance du Québec. Or il semble bien qu’après les deux défaites référendaires, et surtout depuis la se- conde, nous soyons revenus à la survivance, mais à une survivance exsangue en ceci qu’elle ne participe plus d’une idéologie globale [c’est- à-dire] un ensemble de représentations collec- tives, de symboles et de valeurs partagées qui fondent et justifient l’existence d’une commu- nauté humaine, le plus souvent en l’idéalisant. Telle était l’idéologie de la survivance, dont l’Église catholique fut la matrice et la gardienne pendant plus d’un siècle. […] D’où la question qui se pose à nous depuis la Révolution tranquille, et avec toujours plus d’acuité : comment parviendrons-nous à justi- fier notre existence collective sans la religion catholique ; autrement dit, sur quoi reposera désormais notre identité collective ? Ce n’est sans doute pas un hasard si, depuis plus de quarante ans, notre débat national se focalise sur la langue française, car celle-ci demeure à coup sûr notre caractère le plus distinct. Serait- ce le seul qu’il nous reste ? […] Laissons de côté cette troublante question pour revenir à celle qui lui est en quelque sorte préalable […] : « De quoi payons-nous le prix, de la défaite ou d’y avoir survécu ? » Cette question découle du constat que je viens d’esquisser ; elle procède de la prise de conscience de l’impasse actuelle et du risque de dissolution identitaire au- quel nous expose aujourd’hui notre incapacité collective d’accomplir la grande promesse poli- tique de la Révolution tranquille. Comment expli- quer cette incapacité ? […] Le rôle identitaire aussi décisif que démesuré que l’Église a joué ici explique peut-être les sentiments ambigus que les Québécois conti- nuent d’entretenir aujourd’hui à l’égard du ca- tholicisme ; mélange de ressentiment et d’atta- chement envers une religion dont nous sommes, que nous le voulions ou non, les héri- tiers, envers une religion dont nous demeurons tributaires, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, c’est la survivance. Et le pire, eh bien, c’est aussi la survivance. Le meilleur, parce que ce n’est pas rien d’avoir sur vécu face à une telle adversité, avoir résisté à l’assimilation pendant deux siècles et demi, jusqu’à cet extraordinaire sursaut de la conscience collective que fut la Révolution tranquille […]. De tout cela, nous pouvons tirer une légitime fierté. Mais le pire aussi, parce que la survivance a eu un prix, que nous n’avons pas fini de payer, que nous ne fini- rons sans doute jamais de payer. […] Le prix de la survivance, c’est cette culpabi- lité identitaire intériorisée qui fait que les Qué- bécois demeurent encore et toujours vulnéra- bles aux entreprises de culpabilisation dont ils font régulièrement les frais. Le prix de la survi- vance, c’est le poids que fait toujours peser sur nous notre héritage canadien-français. Un héri- tage que Fernand Dumont ne songeait nulle- ment à renier, mais qu’il nous invitait plutôt à poursuivre en en libérant les promesses empê- chées, en raccordant ce que nos ancêtres, ces survivants de l’histoire, avaient dû dissocier : « La communauté nationale avec un grand pro- jet politique » (Genèse de la société québécoise, Boréal, 1993). L E D E VO I R , L E S SA M E D I 7 E T D I M A N C H E 8 J U I N 2 01 4 B 5 IDEES L’ÉQUIPE DU DEVOIR RÉDACTION Antoine Robitaille (éditorialiste, responsable de la page Idées), Jacques Nadeau (photographe), Michel Garneau (caricaturiste); information générale : Isabelle Paré (chef de division), Caroline Montpetit (affaires sociales), Lisa-Marie Gervais (éducation), Alexandre Shields (environnement), Alie Daoust-Boisvert (santé), Pauline Gravel (sciences), Fabien Deglise (socté), Jean Dion (sports), Mélanie Loisel et Philippe Orfali (reporters); information politique : Marco Fortier (chef de division), Michel David(chroniqueur), Hélène Buzzetti et Marie Vastel (correspondantes parlementaires à Ottawa), Marco Bélair-Cirino et Robert Dutrisac (correspondants parlementaires à Québec), Jeanne Corriveau et Brian Myles (affaires municipales, Montréal), Isabelle Porter (affaires municipales, Québec), Guillaume Bourgault-té (reporter); Véronique Chagnon et Louis Gagné (pupitre). information culturelle : Catherine Lalonde (responsable du cahier Livres), Odile Tremblay (cinéma), Stéphane Baillargeon (dias), Frédérique Doyon et François Lévesque (reporters), Julie Carpentier (pupitre); information économique : Gérard Bérubé (chef de division), François Desjardins, Éric Desrosiers, Jessica Nadeau et Karl Rettino-Parazelli (reporters), Gérald Dallaire (pupitre) ; information internationale : Serge Truffaut (éditorialiste), Claude Lévesque et Guy Taillefer (reporters), Jean-Pierre Legault (pupitre international, page éditoriale et cahier Perspectives); section art de vivre: Diane Précourt (responsable des cahiers Week-end et Plaisirs), Émilie Folie-Boivin (pupitre) ; équipe internet: Laurence Clavel, Marie-Pier Frappier, Benoît Munger, Philippe Papineau et Genevve Tremblay (pupitre), Martin Blais, Sophie Chartier et Florence Sara G. Ferraris (assistants) ; correction : Andréanne Bédard, Christine Dumazet et Michèle Malenfant ; soutien à la rédaction: Alie Gaudreau (secrétaire); Laura Pelletier et Arnaud Stopa (commis). DOCUMENTATION Gilles Paré (directeur), Manon Derome (Montréal), Vanessa Racine (Ottawa), Dave Noël (Québec). PUBLICITÉ Édith Caron (adjointe), Jean de Billy, Jean-François Bossé, Marlène té, Evelyne De Varennes, Amel Elimam, Nathalie Jobin (par intérim), Claire Paquet, Catherine Pelletier et Chantal Rainville (publicitaires), Sylvie Laporte (avis légaux), Alie Maltais (coordonnatrice), Élise Girard(secrétaire). PRODUCTION Olivier Zuida (directeur adjoint), Michel Bernatchez, Richard Des Cormiers, Donald Filion, Yannick Morin et Nathalie Zemaitis. INFORMATIQUE Yanick Martel (administrateur web), Imane Boudhar (analyste programmeur), Hansel Matthews (technicien informatique). PROMOTION, DISTRIBUTION ET TIRAGE Genevve OMeara (coordonnatrice des communications et de la promotion), Maxime-Olivier Leclerc (coordonnateur du service à la clientèle), Manon Blanchette, Nathalie Filion, Marie-Lune Houde-Brisebois, Isabelle Sanchez. ADMINISTRATION Olena Bilyakova (reponsable des services comptables), Claudette Béliveau (adjointe administrative), Claudine Chevrier, Florentina Draghici, line Furoy et Véronique Pagé. L S E XTRAIT DE LIVRE La souveraineté dans l’impasse De quoi payons-nous le prix ? De la défaite ou d’y avoir survécu ? Le PQ est-il devenu « ringard » ? Avec la charte, on a laissé s’amalgamer religion et immigration, permettant certaines expressions d’ignorance, de fausses craintes et de peur de l’étranger JACQUES NADEAU LE DEVOIR Je parierais même que les Québécois demeureront nationalistes jusqu’à leur dernier souffle, voire au-delà. DAVID DESJARDINS L es jeunes sont-ils un peu nonos? Vous comme moi, nous l’avons été, non ? Moi, en tout cas. Je ne dis pas qu’avant 30 ans, on n’est pas allumé ou qu’on ne com- prend rien au monde. Seulement, c’est le pro- pre de la jeunesse d’avoir le sentiment qu’avant soi, c’était un peu les ténèbres. Ou alors un âge que ses vestiges culturels enfer- ment dans le folklore. Des vestiges comme quoi ? Comme moi qui, l’autre jour, racontais à un gars de 20 ans que j’avais vu Nirvana en spec- tacle. Dans le reflet de ses yeux, à la place de mon image, j’ai alors vu les traits du père Fourrat. Vous riez, mais le portrait qu’on dessinait cette semaine dans La Presse de la jeunesse d’aujourd’hui n’est pas exactement le plus ré- jouissant qui soit. En fait, si on en croit le pa- pier de Katia Gagnon qui accompagnait un sondage dévastateur, non seulement, pour eux, y’a pas de passé, mais y’a pas d’avenir non plus. On en a beaucoup fait une affaire de souve- raineté, qui reculerait sous les 16 % chez les 18-24 ans, mais ce qui se trame est bien plus important qu’un simple glissement entre les pôles identitaires et politiques du Canada et du Québec. Parce qu’en réalité, sont pas vraiment plus fédéralistes : ils s’en contrefoutent. Et pas qu’un peu. De ça comme du reste, d’ailleurs. Sauf peut-être de leur paye et de ce qu’ils font avec. « Ils n’appartiennent tout simplement pas à un groupe plus grand qu’eux-mêmes », résume le sondeur Youri Rivest pour expliquer leur détachement. La formule est en même temps très triste et très belle. Ce qu’elle nous dit, c’est qu’il y a tout un pan de la jeunesse qu’on a non seulement dé- goûté de la politique, mais qui semble aussi convaincu que toute cette liberté et les services dont il dispose sont apparus de nulle part. Comme si avant c’étaient les ténèbres, disais- je au début. Et hop, voici ce joli monde civilisé avec un système de santé, une économie, des infrastructures, une éducation. Comme si tout cela n’était pas le résultat de l’action politique de ceux qui sont venus avant. Les mêmes qui ont ensuite mis le Québec dans la dèche ? Rien n’est parfait. Faudrait pas tout sacrifier sur l’autel de la dette et des services bancals non plus. Et ça n’excuse pas ce désengage- ment total qui n’est pas une forme d’anarchie parce que, pour le reste, ces jeunes gens sont d’un conformisme épatant. Mais attendons quand même un peu avant de condamner la jeunesse. Elle n’a pas appris toute seule à chercher le bonheur dans une allée du Best Buy ou à mé- priser tout ce qui peut l’empêcher de jouir à sa guise. Si elle croit que tout lui est dû, c’est beaucoup parce que les générations qui l’ont précédée ont fabriqué ce monde dont Face- book est le plus parfait miroir, un endroit où tout le monde chante Dutronc sans le savoir. Et moi, et moi, et moi ! Tout autour ? Les té- nèbres, tiens. Mais bon, ça fait un peu long comme préam- bule quand, au fond, tout ce que je voulais dire, c’est qu’il n’y a que de très efficaces mo- dèles, pas de génération spontanée. Devoir d’intelligence Puisqu’il est question de cynisme, il faisait bon de voir l’Assemblée nationale le conjurer un moment en adoptant le projet de loi de Vé- ronique Hivon pour les soins de fin de vie. Vingt-deux libéraux ont voté contre. C’est très bien. J’entends que la liberté de voter se- lon sa conscience, sans ligne de parti, c’est toujours mieux pour la démocratie. Ce qui l’est moins, c’est quand on induit la population en erreur. Comme lorsqu’on laisse entendre que les médecins auront désormais le droit de « tuer » ( Le Soleil , 6 juin) ou que « c’est de l’euthanasie » (Le Devoir, 6 juin). C’est ce qu’a fait Christine St-Pierre. En laissant parler sa morale au lieu du texte de loi, en laissant l’émotion la guider plutôt que la raison, elle ne se contente pas d’expri- mer sa dissension. Elle interprète, et mal, une loi qui n’est pas un déni des soins palliatifs ni une manière de se débarrasser de grand-ma- man. C’est surtout la possibilité, quand nous sommes condamnés, de partir autrement qu’en souffrant comme un chien ou gelé comme une balle. Et c’est elle, vous et moi qui déciderons de notre propre sort. Voter contre, c’est tout à fait correct. Mais prétendre que ce projet est un permis de tuer, c’est de la désinformation. À moins que la mi- nistre, trop émue, refuse de comprendre ? Alors, comme élue, elle manque à son de- voir d’intelligence. [email protected] Génération spontanée

description

Serge Cantin

Transcript of Serge Cantin - Le Devoir

Page 1: Serge Cantin - Le Devoir

P I E R R E C É R É

Candidat du Parti québécois dans Laurier-Dorionaux dernières élections

i les chif fres parlent, ils peuventaussi hurler : le Parti québécois a faitun score de 25 % aux dernières élec-tions, plancher historique depuis1970. Chez les 18-25 ans, le PQ étaiten quatrième position. À Montréal, le

vote s’est ef fondré. Normalement, quand onveut connaître les grandes tendances qui s’affir-meront au cours des prochaines années, on re-garde du côté de la jeunesse. Inquiétude…

Si des élections avaient lieu aujourd’hui, lesrésultats seraient encore pires, le PQ glisseraitau 4e rang… chez les 18-45 ans ! Parmi les gensque j’ai rencontrés au cours des dernières se-maines, certains ont exprimé l’idée que le PQn’est plus en phase avec la société, ni avec sajeunesse, encore moins avec les idées émer-gentes ; que, trop drapé dans le passéisme, il amanqué son passage à la modernité. Se pour-rait-il qu’il y ait du vrai là-dedans et qu’un dan-ger de ringardisation le guette ?

Faire le bilan devient un exercice incontour-nable. Le bilan d’une campagne et de ses straté-gies, bien sûr, mais aussi l’examen des ten-dances lourdes qui semblent s’installer depuisquelques années.

En voici quelques éléments. Plusieurs, nousavons eu ce sentiment que la campagne du PQn’avait été menée qu’au seul gré de sondages etmoins par des convictions s’inscrivant dans unprojet de société. Si on parle de la charte — ilfaut bien le faire —, s’il s’agissait d’une réponsesomme toute normale aux intrusions du reli-gieux dans l’espace public, il devenait inconve-nant qu’on laisse s’amalgamer religion et immi-gration, permettant cer taines expressionsd’ignorance, de fausses craintes et de peur del’étranger. Les communautés immigrantes sesont senties ostracisées. Il fallait engager un dia-logue ; cela n’a pas été fait. Il fallait trouver unpoint de rencontre entre toutes ces forces quis’exprimaient, apporter certaines modifications,celle proposée par Guy Rocher par exemple.Somme toute, il fallait régler cette questionavant de déclencher des élections. Cela n’a pasété fait. Nous aimons ce «travaillons ensemble».Nous ne l’avons pas fait. Il y a là une leçon.

Il y a eu un indéniable effet PKP : l’effet-sur-prise sinon ahurissant du poing dans les airs, laconfusion des communications par la suite etaussi, ne l’oublions jamais, la réaction épider-mique des milieux syndicaux. Ce qui devaitnous renforcer nous a paradoxalement af fai-blis. Ce qui aurait dû être rassemblement a dé-bouché sur un manque de cohésion.

Le PQ ne peut se permettre de faire de la poli-

tique comme les autres, il y trahit son âme. Il doitredevenir le parti de ses militants où l’espace dediscussion et de débat est décloisonné. Celui de lasincérité parce qu’habité par le feu sacré, celui dupays, celui du changement, celui du peuple.

Il faut mobiliser l’espoir, redonner confianceen nos institutions, démontrer l’importance denotre modèle social et comment on peut conti-nuer à le développer. Il faut répondre aux che-valiers de l’apocalypse avec la force innovatricequi caractérise notre société et notre parti, ilfaut faire acte d’écoute et de pédagogie, le fairesans cesse et inlassablement, comme une œu-vre toujours inachevée, toujours perfectible, lefaire dans le doute, avec passion, mais foncer !

Notre destin comme nation doit s’accomplir.Cette question est intrinsèquement liée à ceque nous sommes. Force est de constater quel’approche mise en place par le Parti québécoisdepuis un certain nombre d’années n’a plusl’écoute. Il faut remuer tout cela, s’inscrire dansune démarche de reconstruction, chercher àrebâtir de nouvelles majorités. Les idées nemanquent pas.

Nous sommes sociaux-démocrates : noussommes le seul par ti au Québec à l’être. Nous sommes souverainistes ; nous incarnonsl’instrument de ce grand projet historique.Nous demeurons mobilisés. Voilà qui devraitnous vivifier.

S E R G E C A N T I N

Professeur à l’UQTR, il publie ces jours-ci Lasouveraineté dans l’impasse (PUL, 2014), dont letexte qui suit est un extrait.

e Québec de la Révolutiontranquille fut celui de toutesles promesses, celui où, aprèsune longue hibernation, la so-ciété québécoise paraissait re-naître à elle-même, en reven-diquant haut et fort son droità l’existence, et non plus seu-lement à la sur vivance.Comme si l’horizon s’éclair-

cissait soudain, dévoilant un espace illimité deliberté que ceux de ma « génération lyrique »,les baby-boomers, explorèrent tous azimuts, aurisque parfois de s’y perdre. […]

Deux défaites référendaires plus tard, le pro-jet d’indépendance du Québec, qui fut l’un desmoteurs, sinon le principal moteur de la Révo-lution tranquille, […] se trouve dans une im-passe qui me paraît de plus en plus insurmonta-ble. On dira que j’exagère et que je capitule àmon tour. Capitulard, non, mais pessimiste, as-surément. Car comment ne pas l’être devant les«sombres temps» qui s’en viennent, et d’autantplus inexorablement que l’on se refuse à lesvoir venir. […]

À la fin de sa vie, quelques semaines avant leréférendum de 1995, Fernand Dumont — dontnos jovialistes ont maintes fois fustigé le pessi-misme — déclarait ceci dans une entrevue : « Jecrois que nous sommes devant le désarroi. Per-sonne ne le dit trop officiellement, personne n’osel’avouer parce que, évidemment, comme dis-cours, ça n’a pas beaucoup d’avenir et surtout çane peut pas être beaucoup détaillé. » […]

Les signes de cette « lente déchéance», de no-tre disparition tranquille, vous les soupçonnezsans doute, encore que vous soyez probable-ment (et cela se comprend) réticents à les recon-naître comme tels, préférant y voir les signesd’autre chose de beaucoup moins dramatique,ceux par exemple d’une crise passagère de no-tre conscience collective. Ainsi on entend sou-vent dire que, si le projet souverainiste ne sou-lève plus grand enthousiasme dans la popula-tion, il n’y aurait pas lieu de trop s’en inquiéterpuisque ce n’est pas la première fois dans notrehistoire nationale que nous connaissons cegenre de torpeur. Il suffirait au fond d’attendrequelques années avant que ne se ravive laflamme nationaliste. Mais de quel nationalismeparle-t-on ici? Je ne doute pas que la plupart desQuébécois francophones soient encore et tou-jours nationalistes au sens où ils demeurent atta-chés à leur nation, à laquelle ils sentent bien,sans toujours pouvoir l’exprimer, qu’ils doiventune part essentielle de leur être. En ce sens-là,les Québécois d’aujourd’hui ne sont pas moinsnationalistes que ne l’étaient leurs ancêtres etque ne le seront sans doute leurs enfants etleurs petits-enfants. Je parierais même que lesQuébécois demeureront nationalistes jusqu’àleur dernier souffle, voire au-delà, je veux direlorsqu’ils n’auront même plus de mots françaispour exprimer leur attachement à leur défuntepatrie, comme dans la chanson Mommy qu’inter-prétait naguère Pauline Julien et qu’a reprise l’in-

comparable Fred Pellerin. […]Si les Québécois d’aujourd’hui sont restés na-

tionalistes, leur nationalisme commence à res-sembler dangereusement à celui de leurs ancê-tres, au nationalisme canadien-français, dontceux de ma génération et de la génération im-médiatement antérieure ont fait le procès dansles années cinquante et soixante, le rejetant aunom du néonationalisme, c’est-à-dire d’un natio-nalisme non plus strictement culturel et conser-vateur, mais politique et axé sur l’indépendancedu Québec. Or il semble bien qu’après les deuxdéfaites référendaires, et surtout depuis la se-conde, nous soyons revenus à la survivance,mais à une survivance exsangue en ceci qu’ellene participe plus d’une idéologie globale [c’est-à-dire] un ensemble de représentations collec-tives, de symboles et de valeurs partagées quifondent et justifient l’existence d’une commu-nauté humaine, le plus souvent en l’idéalisant.Telle était l’idéologie de la survivance, dontl’Église catholique fut la matrice et la gardiennependant plus d’un siècle. […]

D’où la question qui se pose à nous depuis laRévolution tranquille, et avec toujours plusd’acuité : comment parviendrons-nous à justi-fier notre existence collective sans la religioncatholique ; autrement dit, sur quoi reposeradésormais notre identité collective ? Ce n’estsans doute pas un hasard si, depuis plus dequarante ans, notre débat national se focalisesur la langue française, car celle-ci demeure àcoup sûr notre caractère le plus distinct. Serait-ce le seul qu’il nous reste ? […]

Laissons de côté cette troublante questionpour revenir à celle qui lui est en quelque sortepréalable […]: «De quoi payons-nous le prix, dela défaite ou d’y avoir survécu?» Cette questiondécoule du constat que je viens d’esquisser; elleprocède de la prise de conscience de l’impasse

actuelle et du risque de dissolution identitaire au-quel nous expose aujourd’hui notre incapacitécollective d’accomplir la grande promesse poli-tique de la Révolution tranquille. Comment expli-quer cette incapacité? […]

Le rôle identitaire aussi décisif que démesuréque l’Église a joué ici explique peut-être lessentiments ambigus que les Québécois conti-nuent d’entretenir aujourd’hui à l’égard du ca-tholicisme ; mélange de ressentiment et d’atta-chement envers une religion dont noussommes, que nous le voulions ou non, les héri-tiers, envers une religion dont nous demeuronstributaires, pour le meilleur et pour le pire. Lemeilleur, c’est la survivance. Et le pire, eh bien,c’est aussi la survivance. Le meilleur, parce quece n’est pas rien d’avoir survécu face à une telleadversité, avoir résisté à l’assimilation pendantdeux siècles et demi, jusqu’à cet extraordinairesursaut de la conscience collective que fut laRévolution tranquille […]. De tout cela, nouspouvons tirer une légitime fierté. Mais le pireaussi, parce que la survivance a eu un prix, quenous n’avons pas fini de payer, que nous ne fini-rons sans doute jamais de payer. […]

Le prix de la survivance, c’est cette culpabi-lité identitaire intériorisée qui fait que les Qué-bécois demeurent encore et toujours vulnéra-bles aux entreprises de culpabilisation dont ilsfont régulièrement les frais. Le prix de la survi-vance, c’est le poids que fait toujours peser surnous notre héritage canadien-français. Un héri-tage que Fernand Dumont ne songeait nulle-ment à renier, mais qu’il nous invitait plutôt àpoursuivre en en libérant les promesses empê-chées, en raccordant ce que nos ancêtres, cessurvivants de l’histoire, avaient dû dissocier :«La communauté nationale avec un grand pro-jet politique » (Genèse de la société québécoise,Boréal, 1993).

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 7 E T D I M A N C H E 8 J U I N 2 0 1 4 B 5

IDEES

L’ÉQUIPE DU DEVOIRRÉDACTION Antoine Robitaille (éditorialiste, responsable de la page Idées), Jacques Nadeau (photographe), Michel Garneau (caricaturiste); information générale : Isabelle Paré (chef de division), Caroline Montpetit (affaires sociales), Lisa-Marie Gervais (éducation),Alexandre Shields (environnement), Amélie Daoust-Boisvert (santé), Pauline Gravel (sciences), Fabien Deglise (société), Jean Dion (sports), Mélanie Loisel et Philippe Orfali (reporters); information politique : Marco Fortier (chef de division), Michel David(chroniqueur), HélèneBuzzetti et Marie Vastel (correspondantes parlementaires à Ottawa), Marco Bélair-Cirino et Robert Dutrisac (correspondants parlementaires à Québec), Jeanne Corriveau et Brian Myles (affaires municipales, Montréal), Isabelle Porter (affaires municipales, Québec),Guillaume Bourgault-Côté (reporter); Véronique Chagnon et Louis Gagné (pupitre). information culturelle : Catherine Lalonde (responsable du cahier Livres), Odile Tremblay (cinéma), Stéphane Baillargeon (médias), Frédérique Doyon et François Lévesque (reporters), JulieCarpentier (pupitre); information économique : Gérard Bérubé (chef de division), François Desjardins, Éric Desrosiers, Jessica Nadeau et Karl Rettino-Parazelli (reporters), Gérald Dallaire (pupitre) ; information internationale : Serge Truffaut (éditorialiste), Claude Lévesqueet Guy Taillefer (reporters), Jean-Pierre Legault (pupitre international, page éditoriale et cahier Perspectives); section art de vivre: Diane Précourt (responsable des cahiers Week-end et Plaisirs), Émilie Folie-Boivin (pupitre) ; équipe internet: Laurence Clavel, Marie-Pier Frappier,Benoît Munger, Philippe Papineau et Geneviève Tremblay (pupitre), Martin Blais, Sophie Chartier et Florence Sara G. Ferraris (assistants) ; correction : Andréanne Bédard, Christine Dumazet et Michèle Malenfant ; soutien à la rédaction: Amélie Gaudreau (secrétaire); LauraPelletier et Arnaud Stopa (commis). DOCUMENTATION Gilles Paré (directeur), Manon Derome (Montréal), Vanessa Racine (Ottawa), Dave Noël (Québec). PUBLICITÉ Édith Caron (adjointe), Jean de Billy, Jean-François Bossé, Marlène Côté, Evelyne De Varennes, AmelElimam, Nathalie Jobin (par intérim), Claire Paquet, Catherine Pelletier et Chantal Rainville (publicitaires), Sylvie Laporte (avis légaux), Amélie Maltais (coordonnatrice), Élise Girard(secrétaire). PRODUCTION Olivier Zuida (directeur adjoint), Michel Bernatchez, Richard DesCormiers, Donald Filion, Yannick Morin et Nathalie Zemaitis. INFORMATIQUE Yanick Martel (administrateur web), Imane Boudhar (analyste programmeur), Hansel Matthews (technicien informatique). PROMOTION, DISTRIBUTION ET TIRAGE Geneviève O’Meara(coordonnatrice des communications et de la promotion), Maxime-Olivier Leclerc (coordonnateur du service à la clientèle), Manon Blanchette, Nathalie Filion, Marie-Lune Houde-Brisebois, Isabelle Sanchez. ADMINISTRATION Olena Bilyakova (reponsable des services comptables),Claudette Béliveau (adjointe administrative), Claudine Chevrier, Florentina Draghici, Céline Furoy et Véronique Pagé.

L

S

EXTRAIT DE LIVRE

La souveraineté dans l’impasseDe quoi payons-nous le prix ? De la défaite ou d’y avoir survécu ?

Le PQ est-il devenu « ringard » ?Avec la charte, on a laissé s’amalgamer religion et immigration, permettant certaines expressionsd’ignorance, de fausses craintes et de peur de l’étranger

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Je parierais même que les Québécois demeureront nationalistes jusqu’à leur dernier souffle, voireau-delà.

DAVIDDESJARDINS

L es jeunes sont-ils un peu nonos ? Vouscomme moi, nous l’avons été, non ?Moi, en tout cas. Je ne dis pas qu’avant

30 ans, on n’est pas allumé ou qu’on ne com-prend rien au monde. Seulement, c’est le pro-pre de la jeunesse d’avoir le sentimentqu’avant soi, c’était un peu les ténèbres. Oualors un âge que ses vestiges culturels enfer-ment dans le folklore.

Des vestiges comme quoi ?Comme moi qui, l’autre jour, racontais à un

gars de 20 ans que j’avais vu Nirvana en spec-tacle. Dans le reflet de ses yeux, à la place demon image, j’ai alors vu les traits du pèreFourrat.

Vous riez, mais le portrait qu’on dessinaitcette semaine dans La Presse de la jeunessed’aujourd’hui n’est pas exactement le plus ré-jouissant qui soit. En fait, si on en croit le pa-pier de Katia Gagnon qui accompagnait unsondage dévastateur, non seulement, poureux, y’a pas de passé, mais y’a pas d’avenirnon plus.

On en a beaucoup fait une affaire de souve-raineté, qui reculerait sous les 16 % chez les18-24 ans, mais ce qui se trame est bien plusimportant qu’un simple glissement entre lespôles identitaires et politiques du Canada etdu Québec.

Parce qu’en réalité, sont pas vraiment plusfédéralistes : ils s’en contrefoutent. Et pasqu’un peu. De ça comme du reste, d’ailleurs.Sauf peut-être de leur paye et de ce qu’ils fontavec.

« Ils n’appartiennent tout simplement pas àun groupe plus grand qu’eux-mêmes », résumele sondeur Youri Rivest pour expliquer leurdétachement.

La formule est en même temps très triste ettrès belle. Ce qu’elle nous dit, c’est qu’il y a toutun pan de la jeunesse qu’on a non seulement dé-goûté de la politique, mais qui semble aussiconvaincu que toute cette liberté et les servicesdont il dispose sont apparus de nulle part.

Comme si avant c’étaient les ténèbres, disais-je au début. Et hop, voici ce joli monde civiliséavec un système de santé, une économie, desinfrastructures, une éducation. Comme si toutcela n’était pas le résultat de l’action politique deceux qui sont venus avant.

Les mêmes qui ont ensuite mis le Québecdans la dèche ?

Rien n’est parfait. Faudrait pas tout sacrifiersur l’autel de la dette et des services bancalsnon plus. Et ça n’excuse pas ce désengage-ment total qui n’est pas une forme d’anarchieparce que, pour le reste, ces jeunes gens sontd’un conformisme épatant.

Mais attendons quand même un peu avantde condamner la jeunesse.

Elle n’a pas appris toute seule à chercher lebonheur dans une allée du Best Buy ou à mé-priser tout ce qui peut l’empêcher de jouir à saguise. Si elle croit que tout lui est dû, c’estbeaucoup parce que les générations qui l’ontprécédée ont fabriqué ce monde dont Face-book est le plus parfait miroir, un endroit oùtout le monde chante Dutronc sans le savoir.

Et moi, et moi, et moi ! Tout autour ? Les té-nèbres, tiens.

Mais bon, ça fait un peu long comme préam-bule quand, au fond, tout ce que je voulaisdire, c’est qu’il n’y a que de très efficaces mo-dèles, pas de génération spontanée.

Devoir d’intelligencePuisqu’il est question de cynisme, il faisait

bon de voir l’Assemblée nationale le conjurerun moment en adoptant le projet de loi de Vé-ronique Hivon pour les soins de fin de vie.

Vingt-deux libéraux ont voté contre. C’esttrès bien. J’entends que la liberté de voter se-lon sa conscience, sans ligne de par ti, c’esttoujours mieux pour la démocratie.

Ce qui l’est moins, c’est quand on induit lapopulation en erreur. Comme lorsqu’on laisseentendre que les médecins auront désormaisle droit de « tuer » (Le Soleil, 6 juin) ou que« c’est de l’euthanasie » (Le Devoir, 6 juin). C’estce qu’a fait Christine St-Pierre.

En laissant parler sa morale au lieu du textede loi, en laissant l’émotion la guider plutôtque la raison, elle ne se contente pas d’expri-mer sa dissension. Elle interprète, et mal, uneloi qui n’est pas un déni des soins palliatifs niune manière de se débarrasser de grand-ma-man. C’est surtout la possibilité, quand noussommes condamnés, de par tir autrementqu’en souf frant comme un chien ou gelécomme une balle. Et c’est elle, vous et moi quidéciderons de notre propre sort.

Voter contre, c’est tout à fait correct. Maisprétendre que ce projet est un permis de tuer,c’est de la désinformation. À moins que la mi-nistre, trop émue, refuse de comprendre ?

Alors, comme élue, elle manque à son de-voir d’intelligence.

[email protected]

Générationspontanée