Séquence 9 - menrvablog.files.wordpress.com · La Révolution française : ... La liberté...

61
Séquence 9 Révolutions, libertés, nations, à l’aube de l’époque contemporaine 1 Séquence 9 – HG20 Sommaire La Révolution française : l’affirmation d’un nouvel univers politique 1. La remise en cause de l’absolutisme 2. La France en révolution (1789-1804) Libertés et nations en France et en Europe dans la première moitié du XIX e siècle 1. Étude significative : L’abolition de la traite et de l’esclavage et son application 2. Étude significative : Les carbonari Un mouvement libéral et national en Europe dans la première moitié du XIX e siècle 3. Étude significative : Révolutions politiques, révolutions sociales en France et en Europe, en 1848 © Cned – Académie en ligne

Transcript of Séquence 9 - menrvablog.files.wordpress.com · La Révolution française : ... La liberté...

Séquence 9Révolutions, libertés, nations, à l’aube de l’époque contemporaine

1Séquence 9 – HG20

Sommaire

La Révolution française : l’affirmation d’un nouvel univers politique1. La remise en cause de l’absolutisme2. La France en révolution (1789-1804)

Libertés et nations en France et en Europe dans la première moitié du XIXe siècle

1. Étude significative : L’abolition de la traite et de l’esclavage et son application

2. Étude significative : Les carbonariUn mouvement libéral et national en Europe dans la première moitié du XIXe siècle

3. Étude significative : Révolutions politiques, révolutions socialesen France et en Europe, en 1848

© Cned – Académie en ligne

3Séquence 9 – HG20

La Révolution françaiseL’affirmation d’un nouvel univers politique

Ce sont deux chapitres très denses qui vous sont proposés puisqu’ilsdoivent expliquer la Révolution française. Le XVIIIe siècle est un tempsd’ébullition en Europe et en Amérique. C’est une période de contesta-tions, de révoltes, d’idées nouvelles (les Lumières) auxquelles on assistesur un temps court (une quarantaine d’années). Trois questions majeuresseront abordées dans cette étude :

Plan : traitement

de la problématiqueNotions clés Repères

1. La remise en cause de

l’absolutisme

A. Le modèle français

confronté à de nouveaux

systèmes politiques

Monarchie absolue de droit

divin, lois fondamentales,

privilèges, Lumières,

philosophes, monarchie

parlementaire, Déclaration

d’indépendance des États-Unis

Analyse de textes

Prise d’informations

sur le cours

B. Un modèle français en crise Société d’ordres, opinion

publique, cahiers de

doléances, États généraux

Analyse d’un texte

constitutionnel

Analyse d’une caricature

Analyse comparée

de plusieurs textes

2. La France en révolution (1789-

1804)

A. Fin de l’Ancien Régime Serment du jeu de paume,

Assemblée constituante, Sou-

veraineté de la nation, Prise de

la Bastille,

Nuit du 4 août, DDHC

Frise chronologique

Analyse de textes

Analyse d’estampe

Analyse d’un événement

Introduction

�  Comment naît la Révolution française ?

�  Quels sont les grands enjeux politiques de cette période révolutionnaire ?

�  Quelle est la profondeur de la rupture révolutionnaire dans les domaines politique, social, économique et culturel ?

Problématique

© Cned – Académie en ligne

4 Séquence 9 – HG20

B. De difficiles expériences

politiques

Monarchie constitutionnelle,

Prise des Tuileries, République,

Procès du Roi, Montagnards,

Terreur, Robespierre,

Directoire, plébiscite, Consulat

Prise d’informations

Analyse de gravures

et de textes

Comparaison entre 2 textes

C. Les grands bouleversements

en France

Clubs, presse, sans-culottes,

rôle des femmes, réorganisa-

tion administrative, juridique,

économique, Constitution

civile du clergé, Concordat de

1801

Analyse de textes

Prise d’informations

© Cned – Académie en ligne

1 La remise en cause de l’absolutisme

5Séquence 9 – HG20

Au XVIIIe siècle, la France est une monarchie absolue. Ce type de régime domine presque toute l’Europe, mais il est de plus en plus contesté. D’autres modèles politiques, notamment en Angleterre et surtout aux États-Unis, ont vu le jour. Ces nouveaux régimes politiques défendentdes idées de liberté prônées par les philosophes des Lumières.

Comment l’exemple des nouveaux modèles politiques et l’influence des

philosophes favorisent-ils la critique de la monarchie absolue ?

Le modèle français confronté à de nouveaux systèmes politiques

1. La monarchie absolue de droit divin

Citation du discours de Louis XV au parlement de Paris le 3 mars 1766

« C’est en ma personne seule que réside la puissance souveraine ; c’est de

moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité ; la plénitude de

cette autorité, qu’elles n’exercent qu’en mon nom, demeure toujours en moi,

et l’usage ne peut en être jamais tourné contre moi

[…]. C’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif

sans dépendance et sans partage, que c’est par ma

seule autorité que les officiers de mes cours procè-

dent, non à la formation, mais à l’enregistrement, à la

publication, à l’exécution de la loi, que l’ordre public

tout entier émane de moi et que les droits et les inté-

rêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du

monarque, sont nécessairement unis avec les miens

et ne reposent qu’en mes mains. »

Quels sont les pouvoirs du roi ?

Ses pouvoirs sont considérables : législatif, exécutif, judiciaire. Il dé-

tient la puissance souveraine. C’est pourquoi on parle de monarchie

absolue de droit divin. Par la cérémonie du sacre, en effet, le roi tient son pouvoir de Dieu. En revanche, les pouvoirs du roi sont limités par des lois

fondamentales et par les privilèges dont bénéficient de nombreux sujets.

Introduction

A

Document 1

Lois fondamentales : lois que le roi

ne peut modifier, par exemple sur

les règles de la succession au trône

Privilèges : ce sont des avantages,

des honneurs, des droits accordés

à un individu ou à un groupe de la

population (ville, province…)

Définitions

Question

Réponse

© Cned – Académie en ligne

6 Séquence 9 – HG20

2. Un mouvement de pensée nouveau contestant le pouvoir absolu : les Lumières

On comprend donc que ces penseurs ne peuvent que lutter contre le modèle absolutiste français. Ce mouvement se diffuse dans toute l’Europe et si ces nouvelles idées prennent le nom de Lumières, c’est parce que ces philosophes luttent contrel’obscurantisme. Ils s’opposent aux conceptionstraditionnelles de l’Eglise (notamment ils refusent l’idée d’une révélation divine) mais ne sont pasforcément athées pour autant.

Leur philosophie est fondée sur la raison, l’esprit

critique et le progrès. Les grands philosophesfrançais qui incarnent ces Lumières sont : Voltaire,

Montesquieu, Diderot, Rousseau. Faites des fiches biographiques de chacun de ces quatre person-nages pour voir en quoi ils incarnent les Lumières.

Je vous propose deux textes, l’un de Montesquieu, l’autre de Rousseau pour saisir les principaux enjeux politiques pour les Philosophes.

La séparation des Pouvoirs

« Il y a, dans chaque État, trois sortes de pouvoirs : la puissance législative,

la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la

puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.

Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou

pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde,

il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la

sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes ou juge

les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance

de juger ; et l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’État.

La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d’esprit qui

provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et pour qu’on ait cette

liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas

craindre un autre citoyen.

Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature,

la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point

de liberté, parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même

sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement.

Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée

de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la

puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait

arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance

exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur.

Document 2

Lumières : mouvement intellectuel

qui veut libérer l’homme de tout ce

qui peut l’empêcher de penser et

agir selon sa raison. Ce mouvement

de pensée défend la tolérance, le

progrès, le bonheur, la liberté de

penser et de s’exprimer.

Philosophes : nom donné à tous

les savants, écrivains et hommes

politiques qui réfléchissent sur la

vie politique et l’organisation de la

société.

Définitions

© Cned – Académie en ligne

7Séquence 9 – HG20

Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux,

ou des nobles, ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire

des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les

crimes ou les différends des particuliers »

Montesquieu De l’esprit des lois, 1748.

La Souveraineté du peuple

Voltaire (1694-1778) met en avant le régime britannique où les habitants participent aux affaires de l’État. Dans ses réflexions philosophiquesRousseau (1712-1778) va plus loin encore en présentant dans le Contrat

social de 1762 une situation idéale où le gouvernement serait issu de la volonté populaire, librement exprimée à l’intérieur d’une communautédonnée.

« Le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système de

législation, se réduit à ces deux objets principaux : la liberté et l’égalité

[…]

La volonté générale peut seule diriger les forces de l’État, selon la fin de

son institution qui est le bien commun […] Le peuple soumis aux lois en

doit être l’auteur […] La puissance législative appartient au peuple et ne

peut appartenir qu’à lui […]

La loi n’étant que la déclaration de la volonté générale, les députés du

peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que

ses commissaires : ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi

que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle […]

La voix du plus grand nombre oblige toujours tous les autres […] Le

citoyen consent à toutes les lois, même celles qu’on passe malgré lui […]

À l’instant que le gouvernement usurpe la souveraineté, le pacte social

est rompu et tous les simples citoyens rentrés de droit dans leur liberté

naturelle sont forcés mais n’ont pas obligés d’obéir. »

Rousseau Du contrat social, 1762.

Quel est le système politique remis en cause par les deux auteurs ? Par quoi suggèrent-ils de le remplacer (doc. 2 et 3) ?

Les deux philosophes critiquent fortement la monarchie absolue dedroit divin. Ils insistent sur la nécessité de séparer les pouvoirs. Le roine peut pas concentrer tous les pouvoirs. Rousseau insiste davantage sur la participation des individus : « volonté générale… le peuple soumis

aux lois en doit être l’auteur » et il parle de « citoyen », de « liberté » et « d’égalité ».

On peut dire que face à la volonté du roi, ces philosophes opposent les

droits naturels des hommes, comme la liberté et la résistance à l’op-

pression.

Document 3

Question surles deux textes

Réponse

© Cned – Académie en ligne

8 Séquence 9 – HG20

L’Encyclopédie dirigée par Diderot et d’Alembert entre 1751 et 1772 rassemble dans un choix d’articles toutesles idées des Lumières. La publication de cette Encyclo-pédie a été à plusieurs reprises interrompue, censuréepar Louis XV. Mais, elle a permis de diffuser à l’ensembledu territoire français, les idées des Lumières auprès dela bourgeoisie et aussi parmi une partie de la noblesse :la noblesse éclairée.

Pour autant, les philosophes des Lumières ne remettent pas en cause la monarchie. Ils s’inspirent du modèle anglais.

3. L’absolutisme face aux modèles étrangers

En France, au XVIIIe siècle, le modèle anglais et la révolution américaine ont une grande influence sur tous ceux qui veulent en finir avec le modèle absolutiste.

Le système anglais : une monarchie parlementaire

Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, l’Angleterre est passée d’unrégime à vocation absolutiste à un régime parlementaire qui par la suite exercera une fascination en France et dans le monde. Le processus s’est fait par étapes et on ne vous demande pas de les connaître toutes, mais juste d’en saisir les enjeux essentiels :

�  1679 : Habeas corpus : loi interdisant toute arrestation sans juge-ment, ceci pour mettre un terme à l’arbitraire du pouvoir royal. Le roine peut donc plus emprisonner quelqu’un sans qu’il y ait un procès. Cela réduit donc le pouvoir du roi ;

�  1688 : la Glorieuse Révolution aboutit à la mise en place d’unemonarchie tempérée, parlementaire. Le nouveau roi, Guillaume d’Orange avait dû s’engager, par la Déclaration des droits de 1689

(Bill of Rights), à ne pas lever d’impôts sans l’accord du Parlement qui représentait les Anglais. Ainsi on voit bien que, contrairement aumodèle français, les parlementaires anglais participent pleinement au gouvernement. Le roi ne gouverne donc pas seul. Cependant à l’époque, les élections au parlement ne sont absolument pas démo-cratiques (il faudra attendre le XIXe siècle), mais pour autant ce sys-

tème est très attractif pour une partie des Français.

L’influence de la révolution américaine

En 1776, les 13 colonies insurgées qui forment les États-Unis d’Amé-rique se révoltent contre l’Angleterre pour plusieurs raisons :

Droits naturels : ensemble des

droits possédés par un homme

dès sa naissance – comme la

liberté – et qu’on ne peut pas lui

enlever

Définition

© Cned – Académie en ligne

9Séquence 9 – HG20

�    le système de l’exclusif : les colons sont obligés d’acheter les pro-duits de la métropole (Angleterre) et leurs productions sont réservées à l’Angleterre ;

�  l’Angleterre veut imposer des taxes aux colons sans que leurs repré-sentants puissent s’exprimer ;

�  ils se révoltent contre la tyrannie du roi d’Angleterre et pour cela ilsreçoivent l’appui et la sympathie des partisans des Lumières ;

�  ils reçoivent même l’appui de Louis XVI (Lafayette s’engage aux côtés des insurgés) pour des raisons politiques (il s’agissait pour la Franced’affaiblir l’Angleterre et de prendre une revanche après la guerre de sept ans gagnée par l’Angleterre en 1763).

Ainsi, le 4 juillet 1776, les révoltés proclament, à Philadelphie, leursintentions dans le texte de la Déclaration d’indépendance :

Extrait de la Déclaration d’indépendance (4 juillet 1776)

« Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes : que tous

les hommes naissent égaux, que leur créateur les a dotés de certains

droits inaliénables parmi lesquels la Vie, lae Liberté et la recherche du

Bonheur ; que pour garantir ces droits, les hommes instituent parmi eux

des gouvernements dont le juste pouvoir émane du consentement des

gouvernés, que si un gouvernement quelle qu’en soit la forme vient à

méconnaître ces fins, le peuple a le droit de le modifier ou de l’abolir et

d’instituer un nouveau gouvernement qu’il fondera sur tels principes et

dont il organisera les pouvoirs selon telles formes qui lui paraîtront les

plus propres à assurer sa Sécurité et son Bonheur…

En conséquence, nous les représentants des États-Unis d’Amérique

assemblés en congrès général, prenant le Souverain Juge de l’univers

à témoin de la droiture de nos intentions, publions et déclarons

solennellement au nom et par l’autorité de ces colonies, que ces colonies

unies sont et de droit doivent être des États libres et indépendants… »

� De quelles œuvres vous semblent inspirées les idées de la Déclaration ?

� D’après la deuxième partie du texte cité, quelle forme de gouvernementsemble souhaitée par les Américains ?

� Parmi les « Droits inaliénables », lequel semble le plus important pour les rédacteurs de la Déclaration ?

� Les idées de la Déclaration sont inspirées des philosophes des

Lumières, notamment de Rousseau, de Diderot.

� Les Américains souhaitent une démocratie pour garantir les droits descitoyens et éliminer toute trace de monarchie.

Document 4

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

10 Séquence 9 – HG20

� Le plus important des « droits inaliénables » est la liberté pour laquelle les Américains se sont battus jusqu’à la victoire. Après 5 ans de combat, les insurgés l’emportent en 1781, et 2 années de négo-ciations après l’Angleterre accepte, en 1783, l’indépendance des

États-Unis d’Amérique. Les Américains se dotent alors d’une consti-

tution, en 1787. Il s’agit d’une république respectant le principe de

Montesquieu sur la séparation des trois pouvoirs. Cette républiquea toutes les apparences d’un système égalitaire et pourtant elle ne concerne que les Blancs propriétaires : l’esclavage ne disparaît pas et

les Indiens ne sont pas considérés comme des Américains.

Finalement, en intervenant aux États-Unis, Louis XVI a permis de mettre en place un régime politique démocratique totalement aux antipodes de l’absolutisme français. Ce faisant, il a creusé encore plus le déficit bud-gétaire de la France, précipitant la crise économique du Royaume.

Un modèle français en crise

1. Une société d’ordres bloquée

À la fin du XVIIIe siècle, la France compte envi-ron 28 millions d’habitants. 98 % de la popula-tion appartient au tiers état. Les deux premiers

ordres (clergé et noblesse) sont privilégiés :

ces privilèges sont très variés mais surtoutd’ordres juridiques et fiscaux (ils ne paient pasd’impôt direct et perçoivent des taxes et desredevances sur le monde rural). La noblesse estseule admise à la Cour, les grades de l’armée luisont réservés. Cependant, il existe une grandehétérogénéité au sein des trois ordres.

�  Clergé : de grandes différences apparaissent entre les membres duhaut clergé (évêques, cardinaux) issus de familles nobles et très riches et les membres du bas clergé (curés, prêtres) souvent très pauvres.

�  Noblesse : on voit une différence importante entre des membresappartenant aux grandes familles souvent très riches et certains gen-tilshommes campagnards souvent incapables de « tenir leur rang » faute de moyens, ce qui les rend d’autant plus attachés aux moindres privilèges (les redevances seigneuriales).

�  Tiers état ou Tiers : les différences y sont encore plus importantes ; certains membres sont plus riches que des membres de la noblesse comme par exemple ceux de la haute bourgeoisie (financiers, arma-teurs, professions libérales), d’autres au contraire, les plus nombreux, sont paysans et ont du mal à subvenir à leur besoin.

B

Société d’ordres : division de la société en

trois groupes qui se différencient par leur

fonction ou par leur naissance (noblesse,

clergé et tiers état). Cette division de la

société est héritée de l’organisation de la

société féodale du Moyen Âge entre ceux

qui prient : (le clergé), ceux qui combat-

tent : (la noblesse) et ceux qui travaillent :

(le tiers état).

Définition

© Cned – Académie en ligne

Cette société figée dans le passé est une société bloquée. Avec la pro-

gression des idées des Lumières, la bourgeoisie entend jouer un rôle politique en raison de sa réussite économique. Dans ce système, il luiest impossible de le faire, car pour accéder au pouvoir, il faut appartenir à la noblesse.

2. La France vit trois crises majeures

Au début de l’année 1789, la France est confrontée à 3 crises majeures

�  Crise économique : depuis 1785 les conditions climatiques sont rigoureuses (sécheresse, pluies diluviennes, hiver 1788/1789 très froid), si bien que les récoltes sont insuffisantes, et celle de 1788calamiteuse. Les petits paysans ne peuvent plus approvisionner lesvilles. On assiste à une flambée brutale des prix des grains plongeantle pays dans une disette. On voit à cette époque une augmentationdes émeutes, des pillages devant cette crise de subsistance. L’agita-tion populaire est vive dans les villes et les campagnes.

�  Crise sociale : face à la crise, les nobles ont tendance à demander encore plus de redevances à leurs paysans, ce qui engendre là aussides émeutes. La bourgeoisie conteste de plus en plus les privilègesde la noblesse.

�  Crise politique et budgétaire : la France connaît un grave déficit bud-gétaire (on vient de voir que la guerre pour aider les Américains a coûté cher). Les dépenses de la Cour sont toujours aussi importantes : soit7 % de la richesse du Royaume. Il est nécessaire de réformer la fisca-lité, mais les réformateurs se heurtent à l’opposition de la noblessequi refuse la remise en cause de ses privilèges fiscaux. De plus, Louis XVI est considéré comme un roi faible entraînant une crise d’autorité.

L’absolutisme est donc de plus en plus contesté.

Touchée par les crises économiques et sociales, sensible aux idées véhi-culées par les Lumières, une opinion publique est en train de se former qui va contester la monarchie.

Louis XVI lui-même, et surtout sa femme, la reine Marie-Antoinette, sontsouvent ridiculisés dans des pamphlets ou des caricatures.

Opinion publique : ensemble des idées, des opinions exprimées par ceux

qui ne détiennent pas le pouvoir.

Définition

11Séquence 9 – HG20

© Cned – Académie en ligne

12 Séquence 9 – HG20

Caricature représentant les rapports entre les trois ordres

La caricature ci-dessus montre bien les oppositions entre les trois ordres et leurs rapports de plus en plus conflictuels.

Description : un paysan courbé porte sur son dos un ecclésiastique (habit sombre) et un noble (épée). De petits mots (peu lisibles) indiquent ce que l’on reproche au clerc (la dîme : impôt en nature, part de récolte payable au clergé) et au seigneur (les droits seigneuriaux). Dans l’ima-gerie populaire, la paysannerie est écrasée sous le fardeau des impôts.

Face à l’endettement du Royaume, et dans l’espoir de mettre fin aux crises, Louis XVI accepte de convoquer les États généraux pour le

mois de mai 1789. Pour préparer cette consultation, il demande à ses sujets de lui faire connaître leurs revendications à travers les cahiers de

doléances.

3. Les cahiers de doléances : les Françaisont la parole

Au printemps 1789, c’est presque 60 000 cahiers de doléances qui ont été rédigés en toute liberté, en vue de la tenue des États généraux.

Dans chaque paroisse, chaque ordre recueille les principales critiques

Document 5

©RMN/Agence Bulloz.

© Cned – Académie en ligne

13Séquence 9 – HG20

de ses membres et désigne un député. C’est une formidable occasion

de connaître ce que ressentent les Français, même s’ils ont tendance à

exagérer la situation.

Ces quatre extraits vont nous permettre de saisir les principales préoccu-pations des Français.

Extrait du cahier de doléances du village de Lauris, sénéchaussée d’Aix

« O grand roi ! Perfectionnez votre ouvrage, soutenez le faible contre

le puissant, détruisez le reste de l’esclavage féodal, affranchissez nos

biens de la servitude dont vous avez affranchi depuis peu nos corps, et

votre nom sera invoqué par les malheureux de toutes les nations ; ache-

vez de nous rendre heureux : vos peuples livrés à des despotes se réfu-

gient en foule au pied de votre trône, et viennent chercher en vous leur

Dieu tutélaire, leur père et leur défenseur. »

Extrait de cahier de doléances de Lauris

« Fermer l’entrée des emplois et des professions honorables à la classe

la plus nombreuse et la plus utile, c’est étouffer le génie et le talent.

(…) La noblesse jouit de tout, possède tout ; cependant si la noblesse

commande les armées, c’est le tiers état qui les compose ; si la noblesse

verse une goutte de sang, le tiers état en répand des ruisseaux. La

noblesse vide le trésor royal, le tiers état le remplit ; enfin, le tiers état

paie tout et ne jouit de rien. »

Extrait du cahier de doléances de la noblesse du baillage de Montargis

« Nous déclarons ne jamais consentir à l’extinction des droits qui ont

caractérisé jusqu’ici l’Ordre Noble et que nous tenons de nos ancêtres

[…]. Nous prescrivons formellement à notre député de s’opposer à tout

ce qui pourrait porter atteinte aux propriétés utiles et honorifiques de

nos terres. »

Extrait du cahier de doléances du village de Teillay-le-Perreux,

baillage d’Orléans

« Les habitants demandent la suppression des champarts, parce que ce

droit est très préjudiciable […] non seulement en ce qu’il est gênant à

raison de la livraison et de l’enlèvement de son propre grain que l’on

ne peut faire qu’après que les gerbes ont été préalablement comptées

(il en résulte souvent une perte considérable causée par la variation du

temps), mais encore c’est que la sixième, neuvième ou douzième gerbe

que l’on est obligé de fournir et livrer au seigneur propriétaire. »

Document 6

Document 7

Document 8

Document 9

© Cned – Académie en ligne

14 Séquence 9 – HG20

� Qu’attendent du roi les habitants de Lauris (document 6) ? Leur atti-tude est-elle révolutionnaire ?

� Que souhaitent les habitants de Teillay- le-Perreux (document 9)

� De quel ordre provient le document 7 ?

� Que refusent les nobles du baillage de Montargis (document 8) ?

� Les représentants du tiers état attendent du roi de faire respecter la

justice. Ils voient en lui un protecteur et dans cet extrait lui font entiè-rement confiance pour les « rendre heureux ». Ce n’est donc absolu-ment pas une attaque contre le roi et encore moins des propos révolu-tionnaires. Il est vrai qu’à l’époque, le personnage du roi est toujours

perçu d’une manière favorable, même si son image commence à être ternie dans certains pamphlets. En revanche, c’est le système féodal, et notamment les impôts et taxes versés aux seigneurs, qui est accusé de spolier injustement le peuple.

� Ces habitants sont des paysans comme plus des ¾ de la population française. Ils exigent la fin de certaines redevances de la féodalité comme le champart (impôt en nature sur les récoltes, hérité du Moyen Âge et que la noblesse entend remettre au goût du jour) car cet impôt injuste les prive d’une partie de leur récolte et les fragilise encore plus.

� C’est l’ordre du tiers état qui a rédigé ce cahier. Mais ici, on a affaire aux revendications de la bourgeoisie. Les bourgeois entendent parta-

ger les plus hautes charges de l’État, ce qui ne peut s’effectuer qu’ensupprimant les privilèges de la noblesse.

� Pour la noblesse de Montargis, il est hors de question de supprimer les privilèges acquis de longue date.

On le voit à travers ces exemples, les revendications sont diverses en fonction des ordres, même si à l’intérieur de chaque ordre il peut y avoir

des nuances. C’est dans le tiers état que la volonté de changement est la plus forte :

�  allègement des impôts et fin de la féodalité ;

�  justice plus humaine ;

�  fin de certains privilèges des nobles ;

�  volonté de scolarisation ;

�  soins médicaux améliorés.

À l’ouverture des États généraux, le 5 mai 1789, à Versailles, les attentes

sont nombreuses pour résoudre les graves difficultés de la société française.

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

2 La France en révolution (1789-1804)

15Séquence 9 – HG20

Durant ces quinze années, la France connaît une période de boule-ver-

sements sans précédent. L’histoire s’accélère, les régimes et les acteurs politiques se renouvellent très vite. C’est pourquoi on parle de révolu-

tion.

Frise chronologique et grandes dates de la Révolution

Comme les événements sont nombreux durant la période, je vouspropose de ne retenir que quelques dates significatives qui ont marquéune rupture dans notre histoire.

Repérez bien les différents régimes politiques qui se succèdent durantcette période : ne confondez pas Révolution avec République, la Répu-blique ne commence pas en 1789 mais en 1792 !

Introduction

�    Comment la Révolution met-elle fin à l’Ancien Régime ?

�    Quelles transformations politiques, économiques et

sociales, la France connaît-elle de 1789 à 1804 ?

Problématique

Document 1

CONVENTION DIRECTOIREMONARCHIECONSTITU-TIONNELLE

MONARCHIEABSOLUE

CONSULAT EMPIRE

17

89

1789

17

95

21

juin

17

91

10

aoû

t 1

79

2

sep

tem

bre

17

92

septembre 1792

21

jan

vier

17

93

27

juil

let

17

94

9 n

ovem

bre

17

99

2 d

écem

bre

18

04

Ire république

• 20 juin : serment du jeu de paume

• 14 juillet : prise de la Bastille

• 4 août : abolition des privilèges

• 26 août : D.D.H.C.

21 juin 1791 Fuite du roi à Varennes

10 août 1792 Chute de la monarchie (prise des Tuileries)

• 20 septembre : victoire de Valmy

• 21 septembre : proclamation de la République

Exécution de Louis XVI21 janvier 1793

Exécution de Robespierre27 juillet 1794

Coup d’état de Bonaparte

Sacre de Napoléonempereur des Français

9 novembre 1799

2 décembre 1804

© Cned – Académie en ligne

16 Séquence 9 – HG20

Pour une meilleure compréhension de cette partie nous avons choisi de garder un plan chronologique pour le A et le B (avec l’étude de quelquesjournées révolutionnaires décisives) puis, pour le C, d’adopter une vision thématique qui proposera d’examiner les grands changements de ces quinze années.

Fin de l’Ancien Régime

1. Échec des États généraux

L’ouverture des États généraux a lieu officiellement lex 5 mai 1789 dans la salle des Menus Plaisirs, à Versailles. Mais les États généraux démar-rent mal car le tiers état réclame un vote par tête (1 député = 1 voix) qui lui donnerait la majorité et non le vote par ordre. En effet, dans le cas du maintien du vote par ordre, le tiers état sera toujours en minorité. Cette proposition est rejetée par le Roi. C’est pourquoi le 17 juin 1789,

devant cette situation de blocage, les députés du tiers état rejoints par quelques députés du clergé et de la noblesse (noblesse éclairée) se pro-clament Assemblée nationale.

C’est le premier acte révolutionnaire ! Les députés du tiers état, en effet,estiment représenter au moins 96 % des Français. C’est une attaque

décisive contre la monarchie absolue car le tiers affirme le principe de la souveraineté nationale : la Nation détient l’autorité suprême, et nonplus le Roi. Celui-ci réagit en faisant fermer la salle de réunion du Tiers. Le 20 juin, les députés du tiers état se réunissent dans la salle du Jeu de

paume à Versailles.

Extraits du serment du Jeu de paume (20 juin 1789)

« L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la Constitution

du Royaume, opérer la régénération de l’ordre public et maintenir les

vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle continue

ses délibérations, dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et

enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale ;

arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront à l’instant

le serment de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les

circonstances l’exigeront jusqu’à ce que la Constitution du Royaume

soit établie et affermie sur des fondements solides. Tous les membres

et chacun d’eux en particulier confirmeront par leur signature cette

résolution inébranlable ».

� Quel est le but proclamé par l’Assemblée nationale ? A-t-elle une volonté de rupture totale avec la situation précédente ?

� Comment l’Assemblée envisage-t-elle d’obtenir ce résultat ?

A

Document 2

Questions

© Cned – Académie en ligne

17Séquence 9 – HG20

� L’Assemblée énonce clairement son intention d’établir uneConstitution, soit un document écrit où figure l’organisation des pouvoirs politiques. Il ne s’agit plus seulement de proposer desréformes mais d’innover dans la nature du régime politique français. Apparemment, l’Assemblée souhaite poser des bases nouvellesmais aussi « maintenir les vrais principes de la monarchie », c’est-à-dire qu’elle n’envisage pas le rejet du Roi. Par contre, elle prévoit unpartage des responsabilités. On retrouve ici le désir exprimé dans denombreux cahiers de doléances : le Roi doit s’appuyer sur la Nation pour gouverner.

� Le moyen prévu par l’Assemblée est la participation de tous lesdéputés, concrétisée par l’obligation de s’impliquer personnellementpar « un serment et une signature ».

C’est donc le deuxième acte révolutionnaire car les députés prêtent

serment avec Mirabeau de ne pas se séparer avant d’avoir rédigé une

constitution. Le 9 juillet 1789, l’Assemblée se proclame constituante, leRoi, malgré ses protestations, n’a pas pu faire stopper le cours des évé-nements. Désormais, on change de régime politique pour passer de la

monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle.

Dans votre moteur de recherche, en mode image, vous chercherez le célèbre tableau du peintre David :le serment du Jeu de paume et vous verrez pour lapremière fois en France qu’un événement politiquemajeur a eu lieu en dehors de la présence du Roi.

2. La prise de la Bastille et ses conséquences (14 juillet 1789)

La Révolution est rythmée par des journées révolutionnaires qui ont accéléré le cours des événements.

Au départ, la prise de la Bastille n’est qu’un fait parmi d’autres, mais les répercussions politiques immédiates et à long terme sont énormes.C’est pourquoi c’est un bon exemple d’une journée révolutionnaire : elleest devenue le symbole de l’ensemble de la Révolution. Pour étudier cetévénement, on peut s’intéresser :

�  à ses causes ;

�  à ses acteurs ;

�  à leurs motivations ;

�  à leurs moyens ;

�  aux conséquences.

Réponses

Constituante : assemblée qui a

pour rôle de rédiger une Consti-

tution.

Définition

© Cned – Académie en ligne

18 Séquence 9 – HG20

Extrait du Journal politique national, 28 juillet 1789

« La populace, réunie aux milices, s’était jetée sur l’Hôtel des Invalides et

avait enlevé 30 000 fusils ; de là elle s’était portée à la Bastille et, après

deux ou trois heures de pourparlers, le gouverneur Launay, qui avait fait

la sottise de descendre dans les cours intérieures et de négliger les pont-

levis, avait été attaqué et forcé avec sa petite garde.

Cet infortuné gouverneur fut bien puni de son imprudence ; le peuple

irrité de sa résistance et de la mort de quelques bourgeois tués dans

l’attaque, le traîna jusqu’à la place de Grève et lui trancha la tête. Cette

tête, promenée dans les rues au bout d’une lance, fut portée au Palais-

Royal.

C’est à quoi se réduit la prise de la Bastille, tant célébrée par la populace

parisienne. Peu de risques et beaucoup d’atrocités de leur part, et une

lourde imprévoyance de la part de Monsieur de Launay. La populace

porte sur un char de triomphe je ne sais quel déserteur des gardes

français qui s’était jeté le premier sur le pont-levis. »

Estampe prise de la Bastille, Jean Le Campion (1789)

� Quel regard porte l’auteur du document 3 sur l’événement ?

� Qu’est-ce qui l’a frappé ?

� Qu’est-ce qui lui a échappé sur le sens de cet événement ?

� L’auteur condamne l’événement et est très méprisant sur l’action de la « populace ». Pour lui, c’est le combat d’une horde barbare contre un gouverneur qui se fait massacrer : « le gouverneur Launay qui avait

fait la sottise de descendre dans les cours intérieures et de négliger

les ponts-levis, avait été attaqué et forcé avec sa petite garde. »

Document 3

Document 4

Questions

Réponses

/ g© RMN/Madeleine Coursaget.

© Cned – Académie en ligne

19Séquence 9 – HG20

� L’auteur est frappé par la violence populaire, qui n’est pourtant pas une nouveauté : « le peuple irrité de sa résistance et de la mort de

quelques bourgeois tués dans l’attaque, le traîna jusqu’à la place

de Grève et lui trancha la tête. Cette tête, promenée dans les rues au

bout d’une lance, fut portée au Palais-Royal. » Les émeutes populairessont en effet fréquentes à cette époque. Il faut dire qu’en juillet, il y a une rumeur de complot aristocratique et que le roi va faire venir

des régiments étrangers pour encercler Paris et venger l’affront du

serment du Jeu de paume. Alors, le peuple parisien se soulève. La foule parisienne, après avoir pillé les Invalides pour se procurer desarmes, s’empare de la Bastille, une prison d’État. En fait, elle ne ser-vait quasiment plus en 1789 (avec seulement 7 prisonniers). Mais ellereprésentait le symbole de l’arbitraire royal (le pouvoir d’emprison-ner n’importe qui sans jugement). La prise de la Bastille concrétise donc une victoire contre ce symbole de la monarchie absolue. L’es-tampe du document 4 nous montre la foule (des hommes en habitet en uniforme, façon de souligner leur légitimité), au pied de la for-teresse sombre et menaçante. Cette gravure nous montre cette foulequi va franchir une porte grande ouverte sur la liberté. Ses chefs sont de petits bourgeois, souvent des intellectuels comme Danton, Camille

Desmoulins. Ils veulent sauver l’Assemblée nationale constituante.

� L’auteur ne peut méconnaître la dimension symbolique de l’événe-

ment. Les conséquences sont essentielles :

�  à court terme : le recul du Roi et la confirmation du rôle de l’Assem-blée nationale constituante ;

�  à moyen et plus long terme : dans les jours qui suivent, l’annonce de l’événement provoque des insurrections dans les campagnes.C’est la Grande Peur : les paysans armés et en groupe attaquent leschâteaux et brûlent les terriers qui sont les registres où sont consi-gnés les droits seigneuriaux. L’Assemblée décide, la nuit du 4 août

1789, de mettre fin au système seigneurial et aux privilèges, pour faire cesser ces violences. C’est essentiel car l’ordre social ancien est totalement détruit. La société d’ordres est abolie. Le 26 août

1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC)

est proclamée et garantit le principe de l’égalité des droits entre

citoyens. C’est pourquoi, depuis 1880, le 14 juillet est la date de lafête nationale de notre pays.

En guise d’approfondissement, lisez attentivement la déclaration ci-des-sous en repérant ses principes sociaux et politiques.

© Cned – Académie en ligne

20 Séquence 9 – HG20

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyenDocument 5

© akg-images/Erich Lessing.

© Cned – Académie en ligne

21Séquence 9 – HG20

En deux mois la monarchie absolue est donc renversée. La souveraineté

est passée du Roi à la nation. Les sujets du Roi sont devenus citoyens.

En octobre 1789, la famille royale est ramenée de Versailles à Paris auPalais des Tuileries, escortée de femmes encadrées par des révolution-naires. Versailles, symbole de l’absolutisme, est tombée !

De difficiles expériences politiques

Quand vous examinez attentivement la frise chronologique du docu-

ment 1, vous vous apercevez que les régimes politiques se succèdent très rapidement.

Il ne s’agit pas dans cette partie d’étudier dans leur intégralité tous lesévénements de cette période, mais il faut se poser la question suivante :

Il faut avoir à l’esprit que :

�  de à 1792, c’est le temps de la monarchieconstitutionnelle.

�  de 1792 à 1804, c’est la République mais avec des constitutions différentes :

�  1792 à 1795, Convention girondine, mon-tagnarde puis thermidorienne ;

�  1 795 à 1799, le Directoire ;

�  1799 à 1804, le Consulat.

1. Pourquoi l’échec de la monarchie consti-tutionnelle ?

Un régime politique en phase avec les grands principes de 1789

Tout semblait bien commencer, notamment avec la fête de la Fédération,le 14 juillet 1790, symbolisant l’union entre le Roi et la nation.

La Constitution de 1791 garantit les grands principes de 1789 :

�    Séparation des pouvoirs (idées des Lumières reprise dans la Constitu-tion américaine) : séparation du législatif et de l’exécutif.

�    Le roi demeure à la tête de l’exécutif mais sous un autre nom : f roi

des Français. Il dispose d’un droit de veto suspensif, donc limité dans le temps : si une loi lui déplaît, il peut bloquer temporairement sonadoption.

Conclusion

B

Pourquoi la France

durant la Révolution

n’a-t-elle pas réussi à

trouver un régime poli-

tique stable ?

© Cned – Académie en ligne

22 Séquence 9 – HG20

�    Le pouvoir législatif est entre les mains de l’Assemblée. L’Assembléelégislative de 1791 propose et vote les lois, le budget et c’est elle qui déclare la guerre. C’est le signe le plus important du transfert de la souveraineté du roi au profit de la nation.

�  Car il s’agit bien de la souveraineté de la nation même si on ne peut pas parler de d émocratie complète. En effet, le suffrage n’est pas

universel mais censitaire. Autrement dit ce système électoral n’est guère conforme aux principes énoncés dans la DDHC : l’égalité entre

citoyens (face au vote) n’est pas appliquée !

Veto suspensif : droit accordé au roi d’empêcher l’application d’une loi

Suffrage censitaire : système électoral qui accorde le droit de vote à ceux

qui paient un impôt (le cens), autrement dit les citoyens les plus riches.

Définitions

La chute de la monarchie

La prise des Tuileries, le 10 août 1792

C’est à nouveau une journée révolutionnaire décisive dans l’histoire de la Révolution, car elle a pour conséquence de mettre un terme à la monarchie pour installer une République.

Document 6

© akg-images.

© Cned – Académie en ligne

23Séquence 9 – HG20

� Qui habite dans le château des Tuileries ?

� Quels sont les personnages que vous pouvez identifier ?

� Comment expliquer cette journée révolutionnaire en utilisant uneencyclopédie ou Internet ?

� Le roi et sa famille logent aux Tuileries.

� La description est un peu compliquée à faire, car on aperçoit un cer-tain nombre de soldats pas toujours facilement identifiables.

�  Le château est défendu par un régiment de gardes suisses et par des nobles.

�  L’attaque est menée par des volontaires marseillais, bretons et des sans-culottes parisiens (ce sont essentiellement des petits artisans ; ils sont appelés ainsi parce qu’ils portent un pantalon jusqu’aux chevilles, à la différence des nobles qui portent la culotte jusqu’aux genoux).

� Plusieurs causes expliquent cette journée :

�  Les hésitations royales ou la politique du pire : Louis XVI, qui pou-vait sembler adhérer à la Révolution en 1790, pratique depuis 1791 la politique du pire. Il use constamment de son droit de veto pour paralyser l’action de l’Assemblée. Il cherche même à s’enfuir avec sa famille pour rejoindre les émigrés le 20 juin 1791. Mais le

lendemain, à Varennes, il est reconnu et ramené à Paris. L’unani-mité autour de Louis XVI est brisée. Le peuple n’a plus confiancedans un Roi qui a voulu passer à l’ennemi.

�    La guerre est un facteur décisif de ces événements : en avril 1792elle est déclarée à l’Autriche et à la Prusse. Pour les révolution-naires, il s’agit d’en découdre avec les souverains étrangers qui n’apprécient pas la Révolution française, et c’est aussi un moyen de savoir en France qui est révolutionnaire et qui est contre-révo-

lutionnaire (c’est-à-dire ceux qui ne suivent pas la Révolution). Le Roi approuve la guerre mais il espère voir la défaite des armées françaises pour rétablir son pouvoir absolu. Finalement, les armées françaises subissent des défaites importantes et, en juillet 1792, Paris est menacé d’occupation et de pillage par les troupes prus-siennes. Le Roi refuse d’accorder des renforts pour protéger la capitale. C’est ainsi que l’insurrection se déclenche avec une vio-

lence des masses populaires. Le combat des Tuileries a fait plu-sieurs centaines de victimes. Il a provoqué la déchéance du Roi, la

chute de la monarchie et l’arrestation de louis XVI dans la prison du Temple à Paris.

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

24 Séquence 9 – HG20

2. La République de 1792 à 1799

La République est proclamée le 21 septembre 1792, au lendemain de

la victoire de Valmy. A partir de cette date, la nouvelle Assemblée, la Convention, date ses lois de l’an I de la République. On verra dans le § C, les différents personnages politiques et les différents courants poli-tiques. Pour résumer la situation, on peut dire que de 1792 à juin 1793, la Convention est dominée par les Girondins, puis de 1793 à 1794 (27 juillet ou 9 Thermidor selon le calendrier républicain) par les Monta-

gnards, et ensuite, jusqu’en 1799, par des hommes de la Plaine (orien-tés politiquement au Centre).

Dès 1792, les principes de 1789 sont à nouveau respectés, et contrairement à la monarchie constitutionnelle, le principe d’égalité est mieux appliqué, grâce au suffrage universel masculin.

Mais cette République se heurte à de nombreux problèmes.

Le procès de Louis XVI et ses conséquences

Extrait du discours de Robespierre, décembre 1792 sur la mort du roi

« Vous ne pouvez être que les représentants de la Nation. Vous n’avez

point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure

de salut public à prendre. […] Quel est le parti que la saine politique

prescrit pour cimenter la République ? C’est de graver dans les cœurs

le mépris de la royauté […]. Louis fut roi et la République fut fondée.

Proposer de faire un procès de Louis XVI, […] c’est mettre la révolution

elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l’objet d’un procès,

Louis peut être absous ; il peut être innocent. […] Louis doit mourir parce

qu’il faut que la patrie vive. »

� Recherchez qui était Robespierre ?

� À qui s’adresse Robespierre ?

� Pour quelles raisons Robespierre est-il opposé à un procès de l’ancien roi ?

� Robespierre (1758-1794) vient d’Arras, dans le Nord de la France. Avocat, il est élu député du tiers état et devient rapidement l’un des plus grands orateurs du club des Jacobins. Il s’illustre comme oppo-sant intransigeant sous la monarchie constitutionnelle, se prononçant contre le suffrage censitaire, contre la déclaration de guerre en avril 1792. Sous la Convention, il est élu député de Paris ; il anime le cou-rant montagnard et s’oppose aux Girondins. Dès lors, il radicalise ses positions et se fait l’apôtre de la violence politique.

� Robespierre s’adresse aux députés de la Convention : « Vous ne

pouvez être que les représentants de la Nation ».

Document 7

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

25Séquence 9 – HG20

� Robespierre refuse un procès à l’ancien roi car un procès requiert laprésomption d’innocence (cf. Art. IX de la DDHC : « tout homme étant

présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable » : « En

effet, si Louis peut être encore l’objet d’un procès, Louis peut être

absous ; il peut être innocent. »

Finalement, le procès a bien eu lieu malgré l’avis des Montagnards, et le Roi

est condamné à mort et exécuté le 21 janvier 1793 contre l’avis des Giron-dins qui ne voulaient pas la mort de Louis (387 voix pour contre 334).

Gravure anonyme, 1793, l’exécution de Louis XVI

� Décrivez la scène.

� Montrez qu’une exécution par guillotine est alors un spectacle popu-laire.

� Au centre, surélevée sur une estrade, on voit la guillotine. La scènea lieu immédiatement après la décapitation de Louis XVI ; l’un desbourreaux brandit la tête sanguinolente du Roi devant la foule pour lui prouver qu’il est bien mort. Pour éviter tout débordement, l’estrade est entourée d’au moins 4 rangées de gardes ; la foule se tient enretrait. On reconnaît une forêt de piques, et des bonnets phrygiens quifont penser aux sans-culottes.

� Cette exécution, comme toutes les autres avant elle et après, est unsupplice, un spectacle qui attire et réjouit les foules : on voit, au pre-mier plan, un homme fou de joie, qui brandit son chapeau. L’auteur

Document 8

Questions

Réponses

Musée Carnavalet, Paris. ©RMN/Agence Bulloz.Musée Carnavalet, Paris. ©RMN/Agence Bulloz.

© Cned – Académie en ligne

26 Séquence 9 – HG20

de la gravure a placé nombre de femmes au premier plan parmi lesspectateurs, pour montrer que cet événement majeur concerne toutle monde.

Les conséquences de l’exécution de Louis XVI sont considérables : tous

les adversaires de la Révolution se dressent contre la Convention. La Révolution est menacée par :

�  une crise économique importante (la hausse des prix provoque lacolère du peuple) ;

�  les armées étrangères coalisées (qui ne pardonnent pas l’exécution),une série de revers militaires, d’où la décision d’une levée de 300 000hommes, une armée de masse, populaire et révolutionnaire ;

�  une crise politique majeure : en juin 1793 les Girondins sont renverséspar un coup d’État des Montagnards appuyés par les sans-culottes,réclamant des mesures énergiques pour mettre fin aux problèmes.

Les Montagnards et la Terreur

Le gouvernement révolutionnaire selon Robespierre

« Le but du gouvernement constitutionnel est de conserver la Républi-

que ; celui du gouvernement révolutionnaire est de la fonder. La Révolu-

tion est la guerre de la liberté contre ses ennemis ; la Constitution est le

régime de la liberté victorieuse et paisible. Le gouvernement révolution-

naire a besoin d’une activité extraordinaire, précisément parce qu’il est

en guerre. Il est soumis à des règles moins uniformes et moins rigoureu-

ses, parce que les circonstances où il se trouve sont orageuses et mobi-

les, et surtout parce qu’il est forcé de déployer sans cesse des ressources

nouvelles et rapides, pour des dangers nouveaux et pressants. Le gou-

vernement constitutionnel s’occupe principalement de la liberté civile, et

le gouvernement révolutionnaire, de la liberté publique. Sous le régime

constitutionnel, il suffit presque de protéger les individus contre les abus

de la puissance publique ; sous le régime révolutionnaire, la puissance

publique elle-même est obligée de se défendre contre toutes les factions

qui l’attaquent. Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons citoyens

toute la protection nationale ; il ne doit aux ennemis du peuple que la

mort. »

Robespierre, « Discours à la Convention », le 25 décembre 1793.

� Comment Robespierre justifie-t-il la mise en place du gouvernementrévolutionnaire ?

� Quel est son objectif ?

� Quelle conception de la Révolution propose Robespierre quand il affirme :« la Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis » ?

� Que vous suggère la dernière phrase ?

Document 9

Questions

© Cned – Académie en ligne

27Séquence 9 – HG20

� Robespierre justifie la mise en place du gouvernement révolutionnaire

par le contexte international de guerre que connaît la France en 1793 ;le pays est assiégé : « le gouvernement révolutionnaire a besoin d’une

activité extraordinaire, précisément parce qu’il est en guerre ».

� L’objectif est de « fonder » la République, même si cela doit se faire auprix du sang des ennemis.

� Robespierre, par cette affirmation, propose une lecture messianiquede la Révolution ; il pense être le seul dans le vrai et entend imposer cette conception à tous, quitte à recourir à la force, ce qui par essenceest antidémocratique.

� La dernière phrase relève d’un langage moral simpliste. Pour Robespierre, la politique est encore une affaire de morale ; pour autant,il n’hésite pas à recourir aux menaces, aux allusions expéditives :« aux ennemis du peuple que la mort ».

Robespierre met donc en place un gouvernement révolutionnaire, un

régime d’exception. Le cœur du pouvoir est aux mains du Comité de

salut public, qui contrôle les ministres et les généraux. Robespierre est à la tête du Comité. La Terreur est appliquée. r

Extrait du Moniteur Universel n° 268, 18 septembre 1793

sur la Loi des suspects

« Tous les gens suspects qui se trouvent dans le territoire de la République

et qui sont encore en liberté seront mis en état d’arrestation.

Sont réputés suspects :

- ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos, leurs écrits, se

sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la

liberté ;

- ceux à qui a été refusé un certificat de civisme ;

- ceux des ci-devant nobles (mari, femme, père, mère, fils, filles, frères,

sœurs) qui n’ont pas manifesté leur attachement à la Révolution ;

- ceux qui ont émigré quoiqu’ils soient rentrés en France. »

Réponses

T erreur : mesures prises par le gouvernement révolutionnaire pour imposer

à tous son autorité et briser les résistances. Elle prend plusieurs formes :�    Terreur religieuse : déchristianisation avec une volonté de débarrasser la

vie quotidienne de toute référence religieuse chrétienne. Les églises sont

désaffectées comme lieu de culte et les bâtiments sont affectés à des acti-

vités utilitaires ou tombent en ruines.�    Terreur économique : décret du Maximum des prix (prix plafond pour les

denrées de première nécessité, cela permet de satisfaire les sans-culottes,

représentants du peuple de Paris)�    Terreur militaire : répression féroce contre les Vendéens (qui se sont

soulevés contre la République)�    Terreur politique avec la loi des suspects :

Document 10

© Cned – Académie en ligne

28 Séquence 9 – HG20

On retrouve parmi les suspects les catégories d’Ancien Régime : « émi-

grés », « nobles » ; mais il y a aussi les opposants politiques comme les Girondins « partisans du fédéralisme » et plus généralement toute per-sonne sortant du lot « ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs

propos, leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéra-

lisme et ennemis de la liberté ».

La population française est donc sous étroite surveillance. Cette loi cor-respond typiquement à un État policier, à un État dictatorial. La démo-

cratie est confisquée.

La Terreur a permis de redresser la situation : fin 1793, les armées étran-r

gères sont repoussées, l’insurrection vendéenne et les soulèvements en province sont écrasés. Mais le bilan est accablant : 17 000 personnes condamnées à mort par les tribunaux révolutionnaires, 23 000 exécu-tées sans jugement, et 150 000 victimes civiles en Vendée.

Finalement, Robespierre est arrêté à son tour par des députés ler 27 juillet

1794 (9 thermidor an II) puis exécuté le lendemain avec une centainede ses partisans. La Convention continue de diriger la France jusqu’en octobre 1795. Ce sont les Républicains « modérés » de la Plaine quidominent cette Convention thermidorienne. La dictature est abandonnée et le pouvoir revient à l’Assemblée. Une nouvelle constitution est adoptée en 1795, un nouveau gouvernement dirige le pays : le Directoire.

Le Directoire (1795-1799) : un régime faible

On ne rentrera pas dans les détails de ce régime politique, mais ces deux documents permettent de comprendre les enjeux du débat.

Extrait du discours de Boissy d’Anglas, à la Convention

du 29 juin 1795

« Nous devons être gouvernés par les meilleurs, les meilleurs sont les

plus instruit et les plus intéressés au maintien des lois. Or, à bien peu

d’exceptions près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux

qui possèdent une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux

lois qui la protègent, à la tranquillité qui la conserve, et qui doivent à

cette propriété et à l’aisance qu’elle donne, l’éducation qui les a rendus

propres à discuter, avec sagacité et justesse, les avantages et les incon-

vénients des lois qui fixent le sort de la patrie… Un pays gouverné par les

propriétaires est dans l’ordre social […] »

Extrait du Manifeste des Egaux, Gracchus Babeuf, novembre 1795

« Législateurs, gouvernants, riches, propriétaires, écoutez nous :

Nous prétendons désormais vivre et mourir égaux, comme nous sommes

nés. Nous voulons l’égalité réelle ou la mort. La révolution française n’est

Document 11

Document 12

© Cned – Académie en ligne

29Séquence 9 – HG20

que l’avant-courrière d’une autre révolution, bien plus grande, bien plus

solennelle, qui sera la dernière. C’est que nous ne voulons pas seulement

l’égalité écrite dans les droits de l’Homme, nous la voulons au milieu de

nous, sous le toit de nos maisons… Nous demandons, quelque chose de

plus sublime et plus équitable le bien commun ou la communauté des

biens. Plus de propriété individuelle de la terre, la terre n’est à personne,

les fruits sont à tout le monde… Disparaissez, révoltantes distinctions de

riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de

gouvernants et de gouvernés […]

Peuple de France ouvre les yeux et le cœur à la plénitude du bonheur ;

reconnais et proclame avec nous la République des Egaux. »

� A quoi Boissy d’Anglas lie-t-il le vote ? A quel type de suffrage celaconduit-il nécessairement ?

� Ces propositions de Boissy d’Anglas sont-elles conformes aux grandsprincipes révolutionnaires ?

� A quels grands principes se réfère le discours de Babeuf ?

� Boissy d’Anglas lie le droit d’expression politique, le vote, à la pro-priété : « vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui

possèdent une propriété ». Cela conduit nécessairement à trier parmiles citoyens ceux qui auront la possibilité de voter : c’est le retour dusuffrage censitaire.

� Non, l’égalité entre citoyens face au vote n’est pas respectée. Cela exclut les sans-culottes, et c’est bien un discours qui se comprend enréaction à la période du gouvernement révolutionnaire de la Terreur.

� Babeuf se réfère à la DDHC : « les hommes naissent et demeurent

libres et égaux en droits ». Il se réfère aussi à un système de propriété

collective, un partage égalitaire des terres (un communisme agraire), idée qui sera généralisée par Marx, au XIXe siècle.

Finalement le Directoire se met en place en 1795, mais c’est une républi-

que très conservatrice dominée par les plus riches. Les difficultés éco-nomiques, sociales et politiques font que le Directoire est de plus enplus contesté et discrédité.

Le coup d’État des 18 et 19 Brumaire (9 et 10 novembre 1799) mené

par le général Napoléon Bonaparte finit par l’emporter. C’est la fin du

Directoire.

3. Le consulat : l’ordre dictatorial (1799-1804)

La Constitution de l’An VIII mettant en place un Consulat donne le pou-voir pour 10 ans à un Premier consul, Bonaparte, assisté de deux autresconsuls. Dans les faits, il cumule le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

30 Séquence 9 – HG20

Il entend bien terminer la Révolution, tout en préser-vant des acquis révolutionnaires comme la souverai-

neté de la Nation. Mais elle est réduite à sa plus simple expression par le système du plébiscite.

Le pouvoir est donc devenu une autocratie (le pouvoir autoritaire d’un seul), on est bien loin des débuts de la Révolution ! Il décide même de se sacrer empereur

des Français en 1804.

Napoléon Ier sur le trône

impérial, huile sur toile de

Jean Auguste Dominique

Ingres

Décrivez le tableau et essayez de trouver les signi-fications de ce qu’il expose.

Napoléon a pris la pose dans ce tableau réalistede style néoclassique. Le tableau d’Ingres a été peintprès de deux ans après sonsacre. Ici l’empereur, vêtud’un imposant manteau de pourpre doublé d’hermine,

assis sur son trône, porteles instruments symbo-

liques du pouvoir.

Aux symboles de l’An-cien Régime, il emprunte

le sceptre qui rappelle son droit de commander, et la main de justice pour rappeler qu’il est suprême justicier.

Ce qu’il ajoute c’est le glaive impérial doré incrusté de pierres précieusespour rappeler le grand chef de guerre ; la couronne d’olivier remplace la

couronne royale (la couronne d’olivier est empruntée à l’Antiquité), etautour du cou, un collier de grand commandeur de la Légion d’honneur. Enfin, au premier plan, le motif du tapis sur lequel est placé le trône : un aigle, emblème de l’empereur.

On a donc vu une succession de régimes politiques en l’espace de

quelques années. Les circonstances politiques, militaires, économiques,sociales expliquent cette instabilité politique.

Pour autant, la France s’est transformée en profondeur.

Plébiscite : consultation élec-

torale sur une question de poli-

tique déjà tranchée par le pou-

voir exécutif.

Définition

Document 13

Question

Réponse

© Musée de l Armée © Musée de l’Armée –Paris, Dist. RMN/Pascal Ségrette.

© Cned – Académie en ligne

31Séquence 9 – HG20

Les grands bouleversements en FranceDurant ce court laps de temps, la France a énormément changé. Il

convient donc de s’interroger sur la profondeur de la rupture révolution-

naire, aussi bien dans le domaine politique que social, économique et

culturel.

1. L’apprentissage de la politique

On a vu, au XVIIIe siècle, la naissance d’une véritable opinion publique

mais elle ne concernait souvent que l’élite. Au contraire, la Révolution marque la création d’un espace politique public. La liberté d’expressionpermet au peuple de s’emparer des débats politiques. Il peut ainsi dis-cuter, en ville mais aussi dans les villages, des décrets pris par l’Assem-blée. Les individus portent des insignes pour manifester leur soutien à laRévolution (cocardes ou ceintures tricolores). Les lieux des débats sont multiples :

�  les assemblées législatives successives ;

�  les clubs, comme le club des Jacobins dirigé par Robespierre ou le club des Cordeliers (Danton, Marat) : on discute dans ces clubs des ques-tions qui vont être débattues à l’Assemblée. Ce sont de vrais groupes politiques qui préfigurent les partis politiques des XIXe et XXe siècles. Certains veulent le retour à l’Ancien Régime (les contre-révolution-naires, comme les Emigrés, anciens nobles, les Vendéens), d’autrespréfigurent plutôt la droite (les Girondins) et d’autres représentent la gauche (les Montagnards) ;

�    la rue est le théâtre de l’expression politique. Des orateurs comme Camille Desmoulins y ont fait des discours remarqués ;

�  la liberté de la presse (avant qu’elle ne soit restreinte sous la Terreur et le Consulat) a permis la diffusion des idées politiques, même sur de simples feuillets ;

�    le peuple a joué un rôle fondamental dans les événements révolution-naires. Les sans-culottes, organisés en sections, ont souvent été lesinstigateurs ou les victimes des grandes journées révolutionnaires.

Extrait du journal des sans-culottes Le père Duchesne, 1793

« (le sans-culotte) c’est un être qui va toujours à pied, qui n’a point de

millions, point de châteaux, point de valets pour le servir, et qui loge

tout simplement avec sa femme et ses enfants, au quatrième ou au cin-

quième étage. Il est utile, il sait labourer, forger, scier et verser jusqu’à

la dernière goutte de son sang pour le salut de la République. Le soir, il

se présente à sa section, pour appuyer de toutes ses forces les bonnes

motions. Au premier bruit du tambour, on le voit partir pour la Vendée,

pour l’armée des Alpes ou pour l’armée du Nord. »

C

Document 14

© Cned – Académie en ligne

32 Séquence 9 – HG20

Qui sont-ils et que défendent-ils ?

Les sans-culottes de 1791 à 1795 jouent un rôle considérable dans la

Révolution. Ce sont des artisans (« forger, scier »), des boutiquiers (petits commerçants). Ils appartiennent à la petite bourgeoisie urbaine. Ils sont bien organisés et sont présents dans les assemblées et les clubs. Ils sont les farouches défenseurs de la Révolution et de la République (« verser

jusqu’à la dernière goutte de son sang pour le salut de la République »).Ils sont persuadés que la Révolution est menacée par les contre-révolution-naires et par les accapareurs. C’est pourquoi ils n’hésitent pas à recourir à la violence. Leur journal s’appelle Le Père Duchesne et est dirigé par Hébert, e

chef des Enragés, courant politique réclamant plus d’arrestations à Robes-pierre durant la Terreur. Ils réclament également des mesures économiques au profit des plus pauvres, notamment un maximum des prix.

En guise d’approfondissement, faites des petites fiches biographiques sur ces trois personnages importants de la vie politique durant ces années : Danton, Marat, Mirabeau.

Insistez sur leur vie et leur engagement politique, et sur leur influence, de leur vivant et après leur mort.

2. Les femmes et la Révolution

Les femmes ont participé activement aux événements notamment lors de la prise de la Bastille ou lors des journées d’octobre 1789 comme l’illustre la gravure du document 15.

Femmes sans-culottes ramenant le roi, la reine et le dauphin, de Ver-

sailles à Paris, le 6 octobre 1789

Question

Réponse

Document 15

© Bridgeman-Giraudon.© Bridgeman Giraudon

© Cned – Académie en ligne

33Séquence 9 – HG20

Elles partent de Paris et marchent sur Versailles pour manifester contrela hausse des prix. Elles semblent déterminées car armées de piques etde haches. Cette gravure anonyme n’est sans doute pas loin de la réalité, même si ces femmes ont dû être accompagnées par des hommes.

Mais rapidement, un décalage se crée entre les aspirations féminines

et les décisions politiques. Le divorce est légalisé en 1792, mais les

femmes ne peuvent pas avoir le droit de vote. Les clubs politiques sont réservés aux hommes, même si des femmes fondent des clubs féminins comme le Club des citoyennes révolutionnaires.

Olympe de Gouges est une figure féminine emblématique. C’est unejeune veuve qui se fait connaître par des pièces de théâtre militantes, despamphlets politiques, dans lesquels elle aborde des sujets importantscomme l’abolition de l’esclavage et le divorce. Elle est l’auteur d’uneDéclaration des droits de la femme.

Extrait de la Déclaration des droits de la femme

et de la citoyenne, 1791

« Préambule

Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent

d’être constituées en Assemblée nationale. […] En conséquence, le sexe

supérieur en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles

reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’être suprême,

les droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.

Article premier

La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions

sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article IV

La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ;

ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la

tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose […] »

Comme vous pouvez le constater, le préambule fait encore référence àl’image et au rôle traditionnel de la femme (« beauté, maternité ») mais l’article I proclame l’égalité des droits entre les deux sexes.

Cette déclaration ne verra pas d’effets dans l’immédiat. Olympe sera

guillotinée en 1793. Et à partir de 1795, les femmes sont complètement écartées de la vie politique, devant faire face à la misogynie de la quasi-totalité des hommes révolutionnaires. Il faudra attendre le XXe sièclepour voir se réaliser l’émancipation féminine.

Document 16

© Cned – Académie en ligne

34 Séquence 9 – HG20

3. Une France réorganisée

�  Administrativement : l’administration est simplifiée par rapport à l’An-cien Régime. Le territoire est divisé en 83 départements. Bonaparte nomme, à la tête de chaque département, un préfet qui a sous sesordres des sous-préfets. C’est une marche supplémentaire vers la cen-

tralisation administrative qui perdure encore en partie de nos jours.

�    Juridiquement : le Code civil de 1804 débuté sous la Révolution est un recueil d’articles portant sur les différents domaines de la vie sociale. Il réalise l’unification du droit français et entérine nombre d’acquis

révolutionnaires comme :

�  la liberté et l’égalité civile ;

�  le droit de propriété, la liberté d’entreprendre ainsi que la libre

concurrence chers à la bourgeoisie ;

�  la famille est réorganisée avec un rôle accru du père de famille.

La position infériorisée des femmes est codifiée dans l’article 213 : « le mari doit protection à sa femme (sous-entendu, c’est un être

faible), la femme doit obéissance à son mari ».

�    Economiquement : la liberté d’entreprise annonce le XIXe siècle et les siècles suivants pour la mise en place d’un libéralisme économique.

Ce sont les débuts du triomphe et des excès du capitalisme. Par exemple, Napoléon interdit le droit de grève et d’association et imposeun livret ouvrier pour une meilleure surveillance des travailleurs.

�  L’école : le projet révolutionnaire passe par l’éducation que ce soit pour lutter contre les mauvaises mœurs ou pour établir l’égalité. L’accent est mis sur la dimension politique et nationale : vision égalitaristepour faire des jeunes de bons révolutionnaires. Bonaparte réorganise aussi l’enseignement en créant les lycées. Son objectif est d’abord politique : former des élites fidèles et les cadres de la Nation. Au final,le bilan est mitigé car l’alphabétisation est encore très modeste etreste inégalitaire entre filles et garçons.

�  Vers un début de déchristianisation : la DDHC dans l’article 10 inscrit la liberté religieuse dans le droit. Dorénavant, le catholicisme n’estplus la religion obligatoire. C’est une profonde mutation. L’Assembléea mis les biens de l’Eglise à la disposition de la Nation et a mis enplace la Constitution civile du clergé, en 1790. Le clergé devient uncorps de fonctionnaires, curés et évêques reçoivent un traitement,les prêtres doivent prêter un serment d’allégeance à la Constitution.Ces décisions ont provoqué des contestations importantes, notam-ment du pape qui condamne cette Constitution civile du clergé et des prêtres réfractaires (ceux qui refusent de prêter serment). Ils sont de plus en plus perçus comme des « ennemis » de la République. Cettedivision religieuse trouve un terme avec Bonaparte qui rétablit la paix

religieuse en signant avec le pape un Concordat, en 1801. La religion catholique voit son statut de religion d’État définitivement perdu et est

© Cned – Académie en ligne

35Séquence 9 – HG20

simplement reconnue comme religion de la plus grande majorité desFrançais. Ce Concordat garantit la liberté de culte, mais les évêquessont nommés par l’empereur. Le Concordat de 1801 clôt ainsi les

divisions religieuses nées de la Révolution. Cependant, il rétablit des liens très étroits entre Eglise et pouvoir, ce qui posera ultérieurement la question de leur séparation (1905).

Ces quinze années ont radicalement changé la France. La sociétéd’ordres qui reposait sur les privilèges d’une minorité et l’absence dedroits de l’écrasante majorité des Français, disparaît définitivement. LeXIXe siècle va voir se succéder monarchies constitutionnelles, empires, républiques qui tous seront les héritiers des deux acquis politiques dela période révolutionnaire : la liberté et l’égalité. La mise en pratique deces deux principes constitutionnels sera longue et douloureuse. Le XIXe

siècle sera émaillé de révoltes et d’autres révolutions.

La Révolution de 1789 a permis à la bourgeoisie d’accéder au pouvoir,elle contrôle désormais l’économie et la sphère politique. La Francetrouvera progressivement un consensus politique quand la bourgeoisieacceptera le principe du partage des pouvoirs avec le peuple par le biaisde l’accès au suffrage universel et de concessions dans les domaines social et économique.

Les idées révolutionnaires et leur mise en pratique (DDHC, Code civil)vont se répandre en Europe via les conquêtes napoléoniennes. L’Europeva connaître une longue marche vers la démocratie tout au long du XIXe

siècle.

Conclusion

© Cned – Académie en ligne

37Séquence 9 – HG20

L ibertés et nations en France et en Europe dans la première moitié du XIXe siècle

Entre le XVIe siècle et le XIXe siècle, plus de 11 millions d’Africains sont déportés et deviennent esclaves aux Amériques ou aux Antilles. Au XVIIIe

siècle, la traite négrière connaît son apogée. L’Angleterre et la Francedominent le commerce colonial qui repose sur l’exploitation d’une main

d’œuvre servile dans le cadre d’une économie de plantation. La traite négrière et l’esclavage, aujourd’hui considérés comme des crimes contrel’humanité, choquaient rarement les contemporains.

Plan : traitement

de la problématiqueNotions clés Repères

1. Étude significative :

L’abolition de la traite et de l’escla-

vage et son application

A. La traite des Noirs et l’esclavage

1. Comment les contemporains

justifiaient-ils l’esclavage ?

Commerce triangulaire

Traite négrière

Analyse de texte

Analyse de cartes

2. Le Code noir de 1685 Code noir Analyse d’un édit

B. Abolition de la traite

et de l’esclavage

Abolitionniste

1. Les premières campagnes

abolitionnistes

Philanthrope Analyse de texte

2. L’abolition définitive Opinion publique

Associations

Approfondissement avec

des vidéos sur Internet

3. Une application difficile dans

les faits

Problèmes sociaux

et économiques

Prise d’informations

sur le cours

2. Étude significative :

Les carbonari, un mouvement libéral

et national en Europe dans la pre-

mière moitié du XIXe siècle

A. Le nouvel ordre européen né

du Congrès de Vienne de 1814-1815

Introduction

Quelles ont été les

étapes du processus

de l’esclavage ?

Problématique

© Cned – Académie en ligne

38 Séquence 9 – HG20

1. Le Congrès des vainqueurs Congrès de Vienne

Légitimité dynastique

Sainte Alliance

Carbonaria

Analyse d’une caricature

Analyse de texte

2. Les conséquences pour

l’Italie

Principe des nationalités Repérage sur une carte

B. Organisation et actions

des mouvements nationaux

comme la carbonaria

1. La carbonaria, une organisa-

tion secrète

Carcere duro

Libéralisme

Nationalisme

Analyse d’image

Analyse de textes

2. L’influence des mouvements

libéraux et nationaux en

Europe jusqu’en 1848

Risorgimento

Zollverein

Pangermanisme

Analyse de texte

Prise d’informations

sur le cours

3. Étude significative :

Révolutions politiques, révolu-

tions sociales, en France

et en Europe, en 1848

A. La révolution de 1848 en

France : épicentre du « prin-

temps des peuples »

1. Chute de la monarchie

de juillet

Louis-Philippe

Guizot

Journées révolutionnaires

Analyse de textes

2. La République fraternelle République

Egalité, liberté, fraternité

Prise d’informations

sur le cours

3. Echec de la IIe République Fermeture des Ateliers

nationaux

Répression- Parti de l’Ordre-

Jeanne Deroin

Approfondissement

sur un personnage

B. En Europe : « le printemps

des peuples »

1. Pourquoi des révolutions

en 1848 ?

Liberté des peuples

Aspiration libérale

et nationale

Analyse de gravure

Analyse de texte

2. La répression Retour des monarques

au pouvoir

Prise d’informations

sur le cours

© Cned – Académie en ligne

39Séquence 9 – HG20

1 L’abolition de la traite et de l’esclavage et son application

La traite des Noirs et l’esclavage

1. Comment les contemporains justifiaient-ils l’esclavage ?

Extrait d’un mémoire rédigé au XVIIIe siècle à Nantes

« Les richesses de nos colonies sont aujourd’hui le principal objet de

notre commerce et le commerce de Guinée (il désigne la traite négrière car c’est dans le golfe de Guinée que de nombreux Africains sont ache-tés et déportés) en est tellement la base que, si les négociants fran-

çais abandonnaient cette branche du commerce, nos colonies seraient

nécessairement approvisionnées, par les étrangers, de Noirs, et, par une

suite infaillible, de toutes les denrées de l’Europe qui s’y consomment,

en sorte que, non seulement l’État serait privé de l’avantage des expor-

tations, mais aussi des denrées des colonies nécessaires à sa propre

consommation ».

Le commerce triangulaire transatlantique

ANTILLES

BRÉSIL

AMÉRIQUEDU

NORD

AFRIQUE

EUROPE

Liverpool

Amsterdam

NantesBordeaux

GoréeOuidah

Cabinda

Produits

coloniaux : sucre,

café, c

oton, tabac, cacao.

Tissus,outils, armes,bijoux, alcool,

ustensiles divers.

Population noireréduite en esclavage.

A

Document 1

Document 2

39Séquence 9 – HG20

© Cned – Académie en ligne

40 Séquence 9 – HG20

Quel est l’argument avancé par l’auteur de ce mémoire pour justifier l’es-clavage ?

C’est un argument économique qui est avancé. Le commerce des colo-nies est un atout formidable pour la France selon l’auteur et il est impé-ratif de continuer la traite et l’esclavage pour concurrencer l’Angleterredans le commerce des produits tropicaux (voir la carte du document 2).

Aux Antilles françaises, en effet,les plantations sont des exploita-tions agricoles dont la productionest destinée à l’exportation. Elles utilisent une main-d’œuvre com-

posée d’esclaves. Les villes fran-çaises de Nantes ou de Bordeaux se sont particulièrement enrichies grâce à ce commerce triangulaire.Le port européen ayant le plus bénéficié de ce commerce estLiverpool.

Évidemment, la condition des esclaves était insoutenable et je

vous engage à revisiter à nouveau le site du musée de Nantes :

http://www.chateau-nantes, à travers ses dossiers pédago-

giques (voir la séquence 1 du cours tome 1).

Pour aller plus loin…

2. Le Code noir de 1685

Le Code noir est un édit royal promulgué en 1685 sous le règne de

Louis XIV et destiné à organiser la société esclavagiste. Ces quelques V

extraits montrent le statut des esclaves et les mesures utilisées contreeux. Les esclaves appartiennent à un maître et sont considérés comme des marchandises. Leur condition est au moins aussi difficile que celledes esclaves de l’Antiquité : leur maître a même le droit, sous certainesconditions, de les condamner à mort (voir la séquence 3).

Article.2 - Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés etinstruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. (…)

Article.12 - Les enfants qui naîtront de mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves. (…)

Article.28 - Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres. (…)

Question

Commerce triangulaire : circuit marchand organisé

par des armateurs européens au XVIIIe siècle pour

approvisionner en esclaves les plantations des Amé-

riques, offrir des débouchés à l’industrie et satisfaire

les modes de vie européens. Des marchandises euro-

péennes sont échangées contre des esclaves. Les

esclaves sont ensuite échangés aux planteurs euro-

péens vivant aux Antilles ou en Amérique contre des

produits tropicaux : tabac, sucre, rhum, teintures.

Définition

Réponse

© Cned – Académie en ligne

41Séquence 9 – HG20

Article.33 - L’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le maride sa maîtresse ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ouau visage, sera puni de mort.

Article.38 - L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un moisà compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura lesoreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule ; et s’ilrécidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénoncia-tion, aura le jarret coupé et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule ; et la troisième fois il sera puni de mort.

L’abolition de la traite et de l’esclavage

1. Les premières campagnes abolitionnistes

Certains philosophes des Lumières ont condamné ces pratiques con-traires à la dignité de l’homme. Des philanthropes comme Brissot,

Condorcet ont fondé, en 1788, la Société des Amis des Noirs.

Extrait de J-P Brissot, Le Patriote Français, 24 août 1789

« Les ennemis des Noirs se plaisent à répandre sur cette Société [des Amis

des Noirs] des bruits extrêmement faux et qu’il importe de dissiper. Ils insi-

nuent que l’objet de la Société est de détruire tout d’un coup l’esclavage,

ce qui ruinerait les colonies. Mais ce n’est point l’intention des Amis des

Noirs. Ils ne demandent que l’abolition de la traite des Noirs parce qu’il

en résulterait infailliblement que les planteurs, n’espérant plus remettre

des Noirs en Afrique, traiteront mieux les leurs. Non seulement la Société

ne sollicite point en ce moment l’abolition de l’esclavage, mais elle serait

affligée qu’elle fût proposée. Les Noirs ne sont pas encore mûrs pour la

liberté ; il faut les y préparer : telle est la doctrine de cette Société. »

Pourquoi cette Société, en 1789, ne propose-t-elle pas l’abolition ?

B

Abolitionniste : partisan de l’interdiction du trafic (la traite) et de

l’exploitation des esclaves dans les colonies européennes.

Philanthrope : personne désirant améliorer le sort matériel et moral de

l’humanité

Définitions

Document 3

Question

© Cned – Académie en ligne

42 Séquence 9 – HG20

Deux arguments sont avancés :

�    économique : c’est la ruine des colonies (car les planteurs ont besoin d’une main-d’œuvre nombreuse et gratuite) ;

�    idéologique : ce philosophe, comme d’autres à cette époque, penseque les Noirs ne sont pas encore prêts à obtenir tout de suite la liberté (comme s’il s’agissait de « grands enfants » qu’il faudrait éduquer).En revanche, cette Société est pour l’abolition de la traite immédiate-ment considérant que cela devrait améliorer le sort des esclaves dans la mesure où les maîtres devront mieux les traiter.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789

affirme la liberté et l’égalité des droits des individus, et elle sembleremettre en cause l’esclavage. Pour autant l’Assemblée constituante secontente d’accorder le droit de vote aux hommes libres de couleur dansla mesure où les planteurs font pression sur eux pour empêcher touteabolition.

C’est dans ces conditions que des révoltes d’esclaves éclatent : en1791, Toussaint-Louverture mène une grande révolte à Saint-Domingue.Devant ce soulèvement, les députés, en 1793, décident de mettre fin auCode noir et à l’esclavage. C’est ainsi qu’en 1794, la Convention vote

l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, sans indemnisa-tion des propriétaires. La France est le premier pays à le faire.

Cependant, en 1802, Bonaparte revient sur l’abolition et réintroduit

la traite et l’esclavage. Cevla provoque la révolte à Saint-Domingue etl’île se libère. C’est la première colonie à population noire indépendante sous le nom de république d’Haïti.

2. L’abolition définitive

�    L’Angleterre prend la tête du mouvement abolitionniste

Même si la première abolition a avorté en France, le processus est maintenant bien en marche. L’Angleterre, dès 1807, abolit la traite

dans ses colonies, suite au rôle joué par l’opinion publique avec des mouvements protestants, des philanthropes. Par exemple, Thomas

Clarkson secrétaire de la Société pour l’abolition de la traite fondée en 1787 à Londres, a eu une influence importante. Du fait du poids déter-minant du Royaume-Uni dans les relations internationales, lors du Congrès de Vienne de 1815, le gouvernement britannique a fait pres-sion sur les autres puissances européennes pour interdire la traite.

Le mouvement abolitionniste prend ainsi de plus en plus d’impor-

tance en France sous l’impulsion britannique. En 1833, l’Angleterre

abolit l’esclavage définitivement. Des journaux, des associations semultiplient en France pour condamner le caractère intolérable de l’es-

Réponse

© Cned – Académie en ligne

43Séquence 9 – HG20

clavage. Victor Schoelcher, député de la Martinique et de la Guade-loupe, est une figure marquante abolitionniste. C’est lui qui en effetprépare sous la II° République le décret annonçant la fin de l’escla-vage en France.

1848, l’abolition de l’esclavage

« Le Gouvernement provisoire,

Considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ;

qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe

naturel du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme

républicain : Liberté, Égalité, Fraternité.

Considérant que si des mesures effectives ne suivaient pas de très près la

proclamation déjà faite du principe de l’abolition, il en pourrait résulter

dans les colonies les plus déplorables désordres,

Décrète :

Art.1er – L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et r

possessions françaises, deux mois après la promulgation du

présent décret dans chacune d’elles. À partir de la promulga-

tion du présent décret dans les colonies, tout châtiment cor-

porel, toute vente de personnes non libres, seront absolument

interdites. (…)

Art.5 – L’Assemblée nationale réglera la quotité de l’indemnité qui

devra être accordée aux colons. (…)

Art.8 – À l’avenir, même en pays étranger, il est interdit à tout Fran-

çais de posséder, d’acheter ou de vendre des esclaves, et de

participer, soit directement, soit indirectement à tout trafic ou

exploitation de ce genre. Toute infraction à ces dispositions

entraînera la perte de la qualité de citoyen français.

Décret du 27 avril 1848.

C’est un décret essentiel libérant de la servitude des milliers d’hommeset de femmes et leur octroyant l’égalité civile. Pour autant, les inégalitésne vont pas disparaître dans les colonies entre Noirs (anciens esclaves)et Blancs.

Document 4

Pour approfondir sur l’abolition de 1848, vous pouvez consulter

des vidéos sur les sites suivants :

�    www.curiosphere.tv (plusieurs vidéos proposées)v

�    www.ina.fr (des vidéos sur Victor Schoelcher et sur des émissions de

télévision lors du 150e anniversaire de l’abolition en 1998)

Pour aller plus loin…

© Cned – Académie en ligne

44 Séquence 9 – HG20

3. Une application difficile dans les faits

Pour les concepteurs du décret du 27 avril 1848, la sortie de l’esclavagedevait s’effectuer facilement : une fois la liberté proclamée, les esclaves deviendraient des ouvriers agricoles salariés et des électeurs. Des ate-liers nationaux seraient ouverts pour les travailleurs sans emploi. En réa-lité, la République universaliste et assimilatrice eut du mal à faire face,dans ses colonies, à l’épreuve des libertés publiques :

�    suppression de la liberté de réunion, restriction de la presse pour empêcher des mouvements indépendantistes ;

�    problèmes économiques et sociaux : quand les esclaves furent libérés ils ne reçurent aucune compensation financière (contrairement aux planteurs) ni aucune terre, d’où la misère pour beaucoup d’anciens esclaves. On trouve des récits montrant d’anciens esclaves errant dans la colonie « poussés par la faim et pour ainsi dire nus, ayant

vendu, pour la plupart, leurs effets » ; d’où le chômage, l’exclusionpour la plupart d’entre eux.

Pour conclure, la traite négrière est née de la volonté des Européens dedévelopper une économie agricole en Amérique. Cette économie reposait sur une main-d’œuvre importante. Les habitants des Amériques, ceux que l’on va nommer les « Indiens » et aujourd’hui les « Peuples premiers » vont être décimés par les maladies épidémiques contractées au contact des Européens.

L’Europe – surtout l’Angleterre et la France – va se tourner vers l’Afrique pour acheter des esclaves africains aux souverains africains vivant le long du littoral. Ce commerce des êtres humains va se développer et connaître son apogée au XVIIIe siècle.

L’idée de l’abolition de l’esclavage va faire son chemin lentement, intellec-tuels et investisseurs pouvant être les mêmes personnages. Ceux qui veu-lent interdire la Traite sont des abolitionnistes, ils cherchent à sensibiliser aux horreurs de la déportation une opinion publique désormais acquise depuis la Révolution française, à l’idée de liberté. Dans un premier temps, c’est la traite qui sera interdite entre l’Afrique et l’Amérique. Les flottes anglaises pourchasseront les navires négriers clandestins. Ensuite, l’abo-lition s’étendra à l’esclavage. On peut dire que le XIXe siècle a été le siècle

de l’abolition de l’esclavage avec les États-Unis en 1865. Le Brésil est ledernier pays d’Amérique à interdire l’esclavage en 1888. Les esclaves affranchis ne recevront pas d’aide financière et sociale, ils seront les exclus de l’éducation. En France, il faudra attendre les lois de la départemen-talisation dans l’Outre-Mer pour que leurs descendants accèdent enfin aux droits fondamentaux de la République. La France, le 21 mai 2001, a adopté une loi reconnaissant la traite et l’esclavage comme crimes contre l’humanité, et la journée du 10 mai en France métropolitaine est une jour-

née de commémoration de l’abolition de l’esclavage.

© Cned – Académie en ligne

45Séquence 9 – HG20

Cependant, même si l’esclavage est reconnu comme crime dans le droit

international depuis 1948, il n’a pas complètement disparu de nos jours,même s’il a pris d’autres formes. Et le trafic d’êtres humains existe toujours.

© Cned – Académie en ligne

46 Séquence 9 – HG20

2 Les carbonariUn mouvement libéral et national en Europe dans la première moitié du XIXe siècle

La défaite de Napoléon à Waterloo, en juin 1815, marque la fin de l’em-prise de l’époque révolutionnaire et impériale sur l’Europe. Les souverains vainqueurs de la France de Napoléon décident de redessiner les frontières de l’Europe lors du Congrès de Vienne, en 1814-1815. Ils ont le désir derevenir à une « Europe des princes » et de ne pas tenir compte des désirsdes peuples animés par des sentiments révolutionnaires. Pourtant, dans

les années 1820, les aspirations à la liberté et les

sentiments nationaux sont à l’origine de mouve-

ments politiques qui contestent l’ordre monar-chique traditionnel. C’est le cas dans la péninsule italienne avec la carbonaria qui regroupe, dans uneorganisation secrète, une élite nationaliste.

Le nouvel ordre européen né du Congrès de Vienne de 1814-1815

1. Le Congrès des vainqueurs

Le gâteau des rois. Caricature du Congrès de Vienne (1815)

Introduction

Comment la carbonaria

diffuse-t-elle son idéal

libéral et national ?

Problématique

A

Document 1

© akg-images.© akg images

© Cned – Académie en ligne

47Séquence 9 – HG20

Sur ce document, on voit en effet que Napoléon est présent en essayantde sauvegarder le territoire français. Le Congrès de Vienne débute en 1814avant la première abdication de l’empereur des Français. On voit aussi queson ministre des Affaires étrangères Talleyrand, caché sous la table, le tra-hit au profit du futur Louis XVIII, frère de Louis XVI représenté en effigie.

L’ordre européen selon Metternich après 1815 – extrait d’une lettre au

Tsar Alexandre (1821)

Klemens von Metternich, (1773-1859), ministre des Affaires étrangèresde l’empire d’Autriche est le principal artisan du congrès de Vienne.

« Le but précis des révolutionnaires est unique. C’est celui du ren-ver-

sement de toute chose légalement existante […]. Le principe que les rois

doivent opposer à ce plan de destruction universelle, c’est celui de la

conservation de toute chose légalement existante […]. La première et la

plus grande des affaires, pour l’immense majorité de toute nation, c’est

la fixité des lois, leur action non interrompue et nullement leur chan-

gement […]. (Que les gouvernements) étouffent les sociétés secrètes,

cette gangrène de la société. Qu’enfin les grands monarques resser-

rent leur union et prouvent au monde que si elle existe, elle n’est que

bienfaisante, car cette union assure la paix politique de l’Europe […] ;

que les principes qu’ils professent sont aussi paternels […] pour les

bons, que menaçants pour les perturbateurs du repos public. »

� Que font les personnages représentés et pourquoi (doc 1) ?

� Expliquez la situation particulière des Français lors du Congrès deVienne (doc 1).

� Quelle est, selon Metternich, la mission des monarques (doc 2) ?

� Comment peut-on qualifier sa vision de l’Europe (doc 2) ?

� Qui sont les révolutionnaires dont parle Metternich, et quel est leur nom en Italie (voir en introduction) ?

� Sur la caricature, on voit les souverains vainqueurs de Napoléon quisont réunis à Vienne pour le congrès de la paix. Ils sont en train de se

partager l’Europe comme on se partage un gâteau (d’où le titre). Cha-cun semble vouloir un morceau plus important que son voisin (chaquesouverain tire sur la carte).

� Il y a plusieurs représentants de la France sur le dessin : à gauche del’image, on aperçoit Napoléon, et sous la table, Talleyrand qui repré-

sente le roi Louis XVIII. On voit que Napoléon veut préserver la France du partage des territoires de son ancien Empire. En même temps, il est concurrencé par Louis XVIII, qui va monter sur le trône de France etdont les intérêts sont défendus par Talleyrand.

Document 2

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

48 Séquence 9 – HG20

� Selon Metternich, la mission des monarques est de mener une poli-

tique conservatrice : « la conservation de toute chose légalement existante ». Par ailleurs ceux ci doivent s’opposer à toute évolution : « ce plan de destruction universelle ». Pour cela il faut réprimer les opposants : « qu’ils étouffent les sociétés secrètes ».

� On peut dire qu’il a une vision dualiste de l’Europe. Elle est diviséeentre « les bons », partisans des monarchies conservatrices, et les méchants qualifiés de « perturbateurs du repos public ». On est soit dans un camp, soit dans l’autre, car il y va de « la paix politique de l’Europe ».

� Les révolutionnaires sont ceux qui veulent contester ou renverser

l’ordre établi au Congrès de Vienne. Ce sont tous ceux qui professentdes idées libérales ou nationales. L’auteur de la lettre les qualifie de « gangrène de la société ».Metternich fait allusion à des « sociétés secrètes » qui portent en Italie le nom de carbonaria.

Congrès de Vienne : conférence réunissant en 1814-1815 les principaux

souverains d’Europe pour régler les problèmes nés de la chute de l’Empire

napoléonien.

Légitimité dynastique : principe selon lequel le pouvoir appartient à la

dynastie royale ayant régné sur un pays et non à son peuple.

Sainte Alliance : traité signé par la Prusse, l’Autriche, la Russie et la

France qui affirme l’origine divine du pouvoir et prévoit des interventions

mutuelles pour écraser tout mouvement révolutionnaire.

Carbonaria : société secrète qui, en Italie, lutte pour appliquer les principes

libéraux et nationaux. Ses membres sont appelés les carbonari (carbonaro

au singulier). En France, il existe un groupe équivalent sous le nom de

« charbonnerie ».

Définitions

Après la chute de Napoléon, les alliés se réunissent en congrès, à Vienne

de septembre 1814 à juin 1815. Les quatre puissances victorieuses de la France (l’Angleterre, la Prusse, l’Autriche et la Russie) mènent lesee

débats. Le principal animateur du congrès est le chancelier autrichien Metternich. Les souverains réaffirment leur volonté de revenir à l’ordre ancien. C’est pourquoi ils confirment le principe de légitimité dynastique

qui restaure sur leur trône les souverains renversés par la Révolution oupar Napoléon (les Bourbons en France et en Espagne). Par ailleurs, les

grandes puissances redécoupent la carte de l’Europe en s’accordant des avantages territoriaux mais en veillant aussi à ce qu’aucune d’entre elles ne deviennent hégémonique. Enfin, les alliés décident de rencontres internationales régulières : c’est le concert européen qui est parachevé par la signature du pacte de la Sainte Alliance.

© Cned – Académie en ligne

49Séquence 9 – HG20

2. Les conséquences pour l’Italie

L’Italie divisée en plusieurs États après 1815

FR

AN

CE

Lombardie Vénétie

ROYAUMEDE PIÉMONT-SARDAIGNE

ROYAUME

EMPIRE D’AUTRICHE

EMPIREOTTOMAN

SUISSE

Nice

Turin

Rome

Naples

Milan

Florence

Venise

A

B

C

D

Mer

Méditerranée

Empire d’Autriche et la Lombardie-Vénétie gouvernés par les Autrichiens.

États gouvernés par des princes autrichiens :A - Duché de Parme,B - Duché de Modène,C - Duché de Lucques,D - Grand duché de Toscane.

ÉTATS

PONTIFICAUX

DEUX-SICILES

DES

Document 3

© Cned – Académie en ligne

50 Séquence 9 – HG20

De combien d’États est constituée l’Italie après 1815 ?

L’Italie est formée par le Royaume de Piémont-Sardaigne, la Lombardie-Vénétie, le Duché de Parme, le Duché de Modène, le Duché de Lucques, le Grand duché de Toscane, les États Pontificaux, et le Royaume des Deux-Siciles ; en tout huit États.

Le Congrès de Vienne s’est affiché clairement contre

tout mouvement libéral et national. L’équilibre des grandes puissances n’est pas compatible avec le

principe des nationalités. C’est pourquoi aucune aspiration nationale n’a été prise en compte lors duCongrès de Vienne : si la France retrouve ses fron-tières de 1790, la Pologne est partagée entre la Rus-

sie, l’Autriche et la Prusse, la Belgique est intégrée aux Pays-Bas, et l’Allemagne reste une confédération d’états multiples. Quant à l’Italie, elle est considérée par Metternich comme « une simple

expression géographique » ; elle demeure divisée en huit États.

Dès 1815, en Italie comme dans d’autres pays d’Europe, des mouve-ments libéraux et nationaux tentent de résister au nouvel ordre euro-péen. Des sociétés secrètes, comme la carbonaria italienne, sont crééesdans les états où le régime interdit toute expression démocratique.

Organisation et actions des mouvements nationaux comme la carbonaria

1. La carbonaria, une organisation secrète

Les carbonari tirent leur nom des charbonniers dont les cabanes dans le forêts auraient abrité leurs réunions clandestines loin du regard de la police qui les pourchassait.

Voir page suivante �

Question

Réponse

Principe des nationalités : c’est

le droit des peuples à dispo-

ser d’eux-mêmes et le désir de

chaque nation à la souveraineté.

Définition

B

© Cned – Académie en ligne

51Séquence 9 – HG20

Réunion secrète des carbonari avec accueil des nouveaux membres –

gravure de 1820

Le programme des carbonari – extrait de « l’Italie, l’Autriche et le Pape »,

revue indépendante, septembre 1845 de Giuseppe Mazzini

G. Mazzini est un carbonaro, il fonde en 1831 le mouvement Jeune Italie.

« Nous sommes un peuple de 21 à 22 millions d’hommes désignés […]

sous un même nom (celui du peuple italien) renfermés dans les limites

naturelles les plus précises que Dieu ait jamais tracées […], parlant la

même langue modifiée par des patois […], ayant les mêmes croyances,

les mêmes mœurs […] ; fiers du plus glorieux passé politique, scienti-

fique, artistique qui soit connu dans l’histoire européenne […]. Nous

n’avons pas de drapeau, pas de nom politique, pas de rang parmi les

nations européennes. Nous n’avons pas de centre commun […] pas

de marché commun. Nous sommes démembrés en huit États […] tous

indépendants les uns des autres […]. Et tous ces États sont régis par des

gouvernements despotiques […]. Il n’existe pas de liberté ni de presse,

ni d’association, ni de parole […] ni d’éducation ; rien. Un de ces États

comprenant à peu près le quart de la péninsule appartient à l’Autriche ;

les autres, en subissent aveuglément l’influence […] La carte de l’Europe

est à refaire. »

La répression contre les carbonari – extrait de Mes prisons

de Silvio Pellico (1832)

S. Pellico est un carbonaro qui fut arrêté en 1820 par les Autrichiens et emprisonné jusqu’en 1830. Son livre, Mes prisons, a été diffusé dans toute l’Europe.

Document 4

© Mary Evans/Rue des Archives.© Mary Evans/Rue des Archives

Document 5

Document 6

© Cned – Académie en ligne

52 Séquence 9 – HG20

« Au milieu de la Piazzetta était l’échafaud sur lequel nous devions mon-

ter. […] Debout sur l’échafaud, nous regardâmes autour de nous et sur

cette immense population nous vîmes planer la terreur […].

Le capitaine autrichien nous cria de nous tourner du coté du palais, et

de lever les yeux en haut. Nous obéîmes, et ce fut pour voir, sous les

arcades de la terrasse, un homme de palais qui tenait un papier à la

main : c’était la sentence. Il la lut à haute voix. Il se fit un profond silence

jusqu’à cette expression : condamné à mort. Alors s’éleva un murmure

général de compassion. Il se fit un nouveau silence pour écouter le reste

de la lecture et un murmure accueillit ces expressions : condamnés au

carcere duro* : Maroncelli pour vingt ans, et Pellico pour quinze. »*

*Carcere duro : travaux forcés avec des chaînes aux pieds.

� Comment devient-on carbonaro ? De quels milieux sont issus sesmembres ? En quoi leur société semble-t-elle secrète ? (doc 4).

� Quel constat fait G. Mazzini ? Quelle est pour lui la cause de la division de l’Italie ? Que préconise-t-il ? (doc 5)

� Quel est le mode d’action choisi par les carbonari et pour quelles rai-sons ? (docs 4 et 6)

� On devient carbonaro à l’occasion d’une cérémonie d’initiation où lenouveau membre jure fidélité à la société secrète. Sur l’image, le pos-tulant est à genoux et lève le bras en signe de promesse. On voit sur ledessin que les carbonari sont issus de la bourgeoisie car ils portent

des chapeaux hauts-de-forme et des bottes. La carbonaria recruteaussi parmi les militaires (présence d’officiers en uniforme).

Leur assemblée se réunit dans une sorte de grange juste éclairée par une bougie. Il s’agit de ne pas se faire remarquer par la police.

� G. Mazzini constate qu’il existe une nation italienne qui dispose deplusieurs atouts : un pays peuplé, une réelle unité territoriale, lin-guistique et culturelle, et un « glorieux passé politique scientifique,

artistique ». Il constate ensuite que la nation italienne n’est pas une

réalité : « Nous n’avons pas de drapeau… pas de centre commun…

démembrés en huit états… tous indépendants les uns des autres ».

La cause de la division est politique : l’unification de l’Italie est empê-

chée par l’Autriche qui, depuis le traité de 1815, maintient la divi-sion de l’Italie pour mieux y régner. De plus les régimes en place sont « despotiques » et contrôlés par l’Autriche, « les autres en subissent

aveuglément l’influence ». Ils empêchent toute expression politique favorable à l’unification « il n’existe pas de liberté de presse… ni de

parole ».

G. Mazzini estime qu’il faut lutter contre la présence de l’Autriche et

contre ses États satellites : « la carte de l’Europe est à refaire ».

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

53Séquence 9 – HG20

� La carbonaria a choisi l’action clandestine. Elle est organisée en société secrète. Il s’agit d’échapper ainsi à la police et à l’arméeautrichienne. Dans les États italiens, toute expression ou manifes-tation politique favorable aux idées libérales et nationales entraineune arrestation et une condamnation : « c’était la sentence… il la lut à

haute voix… condamnés au carcere duro »

La publication du récit Mes prisons va sensibiliser l’opinion libérale au combat des carbonari en dénonçant la répression qu’ils subissent.

Les partisans du libéralisme tentent de résister àl’ordre mis en place au Congrès de Vienne. Les libé-

raux refusent la société d’ordres et ils veulent établir

le libre-échange économique mais aussi la liberté d’expression et de réunion. Le libéralisme est étroi-tement lié au nationalisme. Les libéraux demandent

l’application du principe de la souveraineté nationale,

et donc la reconnaissance de la nation. Pour diffuser ces idées libérales et nationales, les sociétés secrètessont créées un peu partout en Europe et en particu-

lier en Italie, où se développe le carbonarisme. Les carbonari s’organi-

sent en petits groupes cloisonnés, appelés « ventes ». Ce mouvementrecrute ses membres parmi les classes aisées et cultivées notammentchez les étudiants, les enseignants, et les militaires. Dans les années1820-1830, ils revendiquent l’unité italienne et aspirent à une république démocratique. Leurs actions violentes (attentats) visent à préparer le ren-versement des monarques des États italiens soutenus par l’Autriche.

En 1820-1821, des soulèvements de carbonari se déroulent à Naples

dans le royaume des Deux-Siciles ainsi que dans le royaume du Piémont.

Ils sont rapidement réprimés avec l’aide de l’armée autrichienne. Unedeuxième série de soulèvements ont lieu dans les années 1830-1831

dans le duché de Modène, dans le duché de Parme et dans les États pon-

tificaux. Ils sont également écrasés par l’intervention des forces arméesautrichiennes. Avec cet échec, le carbonarisme est frappé à mort. Denombreux membres sont exécutés ou jetés en prison, comme Silvio Pel-lico, ou contraints à l’exil, comme Giuseppe Mazzini.

En 1830, en Allemagne et en Pologne, des soulèvements équivalents subissent le même sort que ceux d’Italie.

2. L’influence des mouvements libéraux et nationaux en Europe jusqu’en 1848

Manifeste de la Jeune Europe – extrait de G. Mazzini (1834)

« Réunis en assemblée dans un but d’utilité générale, le 15 avril 1834, la

main sur le cœur et nous portant garants de l’avenir, nous avons décidé

ce qui suit :

Libéralisme : idéologie politique

et économique qui favorise les

libertés individuelles.

Nationalisme : idéologie qui

revendique le fait qu’une nation

a des droits.

Définitions

Document 7

© Cned – Académie en ligne

54 Séquence 9 – HG20

1. La Jeune Allemagne, la Jeune Pologne et la Jeune Italie, associations

républicaines, tendant à une fin identique qui embrasse l’Humanité, et

sous l’empire d’une même foi de Liberté, d’Egalité et de Progrès, signent

un acte de fraternité […].

4. La ligue d’attaque et de défense solidaire des peuples qui se recon-

naissent est constituée par les trois associations. Toutes les trois tra-

vailleront d’accord à s’émanciper. Chacune aura droit au secours des

autres, pour toutes les manifestations solennelles et importantes qui

auront lieu en sa faveur […].

8. Tout peuple qui voudrait participer aux droits et aux devoirs de la fra-

ternité établie entre les trois peuples fédérés par cet acte, adhèrera for-

mellement à l’acte même […]. »

� Quels sont les points communs entre les trois peuples signataires duprojet ? Quels sont les autres peuples qui pourraient se rallier à ce manifeste ?

� Contre qui est dirigée cette déclaration ?

� Ces trois peuples ont connu des mouvements insurrectionnels dans les années 1820-1830 qui furent des échecs. Ils souhaitent donc unir

leurs forces pour lutter ensemble : « la ligue d’attaque et défense soli-

daire des peuples ». Les représentants des trois peuples partagent les mêmes valeurs (Liberté, Egalité, Progrès de l’Humanité) et se revendi-quent de l’idéal républicain (« associations républicaines »).

Les peuples qui pourraient adhérer à ce manifeste sont ceux qui vivent sous la domination impériale de l’Autriche ou de la Russie.

� Cette déclaration s’oppose aux puissances de la Sainte Alliance :

�  l’Autriche, qui occupe une partie de l’Italie, ainsi que de la Pologne et qui s’oppose à l’unité allemande ;

� la Russie, qui elle aussi occupe une partie du territoire polonais.

Après l’échec de 1830, les libéraux cherchent de nouveaux moyens pour

parvenir à l’unité italienne. Deux stratégies opposées divisent les patriotes

italiens :

� d’un côté les républicains avec G. Mazzini, exilé à Marseille puis enSuisse qui souhaite rassembler tous ses compatriotes dans le mouve-

ment « Jeune Italie » en 1831. Il envisage un soulèvement général pour faire de l’Italie une république unitaire. Il souhaite développer une soli-darité entre les peuples, en lançant avec des patriotes allemands etpolonais en 1834, le mouvement « Jeune Europe » qui est ouvertementhostile à la Sainte Alliance ;

� de l’autre coté, on trouve les monarchistes avec Camillo Cavour, un libéral piémontais qui ne croit pas, comme Mazzini, au soulèvement

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

55Séquence 9 – HG20

du peuple ni à une révolution démocratique. Cavour

pense qu’il faut s’appuyer sur les forces vives du

pays, c’est-à dire la bourgeoisie libérale. Il considère que c’est en modernisant l’Italie et, en particulier sescommunications grâce au chemin de fer, que l’onpourra l’unifier. Il veut également mettre à la tête du

mouvement national un prince qui établira une

monarchie constitutionnelle. Il pense au roi de Pié-mont-Sardaigne.

Malgré leurs différences, tous les nationalistes ita-liens sont mobilisés autour de l’idée d’un Risorgi-

mento, dont le symbole est la musique des opéraspatriotiques de Giuseppe Verdi.

Depuis le Congrès de Vienne et la mise en place d’unordre des princes, les mouvements libéraux et natio-naux ont connu des destins variés : en Italie, l’échec

du carbonarisme n’empêche pas l’émergence du sentiment national, le Risorgimento. En Allemagne, la volonté d’unité s’exprime dans le pan-

germanisme. Après 1830, et les échecs des révolutions, ce nationalismeemprunte la voie économique avec la mise en place du Zollverein, étape indispensable avant l’unité politique

Cependant, les victoires des mouvements libéraux et nationaux sontrares : seules la Grèce et la Belgique obtiennent leur indépendance.

En 1821, les Grecs se soulèvent contre l’empire ottoman. Ils obtiennentleurr indépendance en 1830, grâce aux soutiens des libéraux européens mais surtout par l’intervention militaire de la France, du Royaume-Uni et

de la Russie.

En 1830, les Belges qui n’ont pas accepté leur rattachement forcé en 1814 aux Pays-Bas proclament à leur tour leur indépendance. Là encore,le soutien décisif de la France et du Royaume-Uni permet à la Belgiqueindépendante de se doter d’une constitution libérale.

A la veille de 1848 et malgré l’échec de la plupart des insurrections, le

sentiment national se développe partout en Europe.

Risorgimento : Terme signifiant

« renaissance » et désignant le

mouvement en faveur de l’unité

et de l’indépendance de l’Italie

au XIXe siècle.

Zollverein : système de libre-

échange instauré entre les États

Allemands mais excluant l’Au-

triche.

Pangermanisme : mouvement

qui veut unifier en un seul État

toutes les populations de lan-

gues et de cultures allemandes.

Définitions

© Cned – Académie en ligne

56 Séquence 9 – HG20

Révolutions politiques, révolutions sociales

en France et en Europe, en 184833

On a vu dans le chapitre précédent qu’après la défaite de Napoléon en1815, les pays vainqueurs (surtout : Autriche, Prusse, Russie) ont restauréle principe de légitimité monarchique au congrès de Vienne et choisi ainsiune vision du monde très autoritaire. Au contraire, à la suite des Lumièreset de la Révolution française, des courants libéraux se manifestent tou-

jours, réclamant la fin des régimes autoritaires. Ce choix du retour à l’ordre va nourrir les secousses politiques et natio-nales avec l’émergence politique de natio-nalité qui ont pris conscience d’elles-mêmesavec l’occupation française. C’est pourquoion se propose d’étudier une grande vague

révolutionnaire : 1848, « le printemps des

peuples », d’abord en France puis en Europe.

La révolution de 1848 en France : épicentre du « prin-temps des peuples »

1. La chute de la monarchie de Juillet

« Le respect s’en va »

« Veut-on que le peuple se découvre et s’incline devant ces législateurs

qui restent sourds au cri de ses misères et qui repoussent ses pétitions

d’un pied insolent ? Veut-on que les salariés en guenilles jonchent de

palmes la route qui mène les spéculateurs à la caisse des monopoles ?

Et qui donc, grand Dieu, la France pourrait-elle honorer, en ces jours de

bassesse et de cupidités immondes ?

Oui, le respect s’en va ; mais la faute en est à vous qui sacrifiez les prin-

cipes à vos intrigues ; la faute en est à vous qui avez laissé démanteler

Introduction

�    Quelles sont les origines

des révolutions de 1848 ?

�    Comment et pourquoi le

« printemps des peuples »

échoue-t-il ?

Problématique

A

Document 1

© Cned – Académie en ligne

57Séquence 9 – HG20

la Révolution française et qui poussez aujourd’hui des cris impuissants ;

la faute en est à vous, et non au peuple, qui depuis 17 ans assiste

impassible et triste à vos querelles d’antichambre. Le respect s’en va…

et le mépris arrive ! »

Discours d’Odilon Barrot (1791-1873), opposant à la monarchie dejuillet, un des organisateurs de la campagne des banquets, au banquet de Soissons.

« La Réforme », 19 septembre 1847.

� Que reproche l’auteur et à qui ?

� Que suggère Odilon Barrot à travers sa formule finale : « le respects’en va… et le mépris arrive ! » ?

� L’auteur reproche au pouvoir, donc à Louis Philippe et à son ministreGuizot, son indifférence face à la question sociale : « législateurs

qui restent sourds au cri de ses misères… salariés en guenille ». Ilfaut préciser que ce régime politique était trop proche des intérêtsd’une seule catégorie sociale minoritaire : la bourgeoisie. Durant cette période d’industrialisation, les inégalités sociales vont se creuser. Les conditions de travail et de vie des ouvriers sont extrêmementinquiétantes. De plus, à partir de 1846, la conjoncture économique est

difficile : crise économique entraînant faillites, chômage et misère.

� La formule finale rappelle que le régime a perdu sa crédibilité : « le

respect s’en va » mais aussi qu’il n’a plus la moindre légitimité pour durer ; la population est en droit de le remplacer : « le mépris arrive ».

C’est pourquoi les opposants au régime, dont l’auteur, mènent uneviolente offensive politique contre ce régime. Mais, le 22 février 1848,

le gouvernement interdit un banquet (sorte de réunion politique) à

Paris, ce qui provoque des manifestations. Guizot démissionne, cequi n’empêche pas les ouvriers, les artisans, les boutiquiers, les étu-diants et autres Parisiens de dresser des barricades et de s’insurger. Ce sont bien des journées révolutionnaires. Louis Philippe abdique le

24 février et la République est proclamée.

2. La République fraternelle

�  Une République qui se veut démocratique et sociale : aussitôt laRépublique proclamée, un gouvernement provisoire est constitué réu-nissant des modérés, comme le poète Lamartine, et des socialistes, comme Louis Blanc.

�  Les valeurs sont pour cette IIe République : égalité, liberté, fraternité.Cette République se veut une République ouverte et généreuse (desarbres de la liberté sont plantés et bénis par le clergé).

Questions

Réponses

© Cned – Académie en ligne

58 Séquence 9 – HG20

�  De grandes mesures sont prises :

�  élection d’une Assemblée constituante qui sera élue au suffrage uni-

versel masculin par les hommes de plus de 21 ans ;

�  abolition de la peine de mort mais seulement pour les délits poli-tiques ;

�  proclamation des grandes libertés, de réunion, de presse ainsi que le droit au travail. Pour résoudre la question du chômage, le gouverne-ment met en place des ateliers nationaux chargés de donner du travail x

aux chômeurs (près de 100 000 inscrits) ;

�    abolition de l’esclavage dans les colonies (voir l’étude précédente).

Ce bel élan fraternel ne dure pas car, dès le mois de juin 1848, la ruptureentre la bourgeoisie et le monde ouvrier est consacrée.

3. L'échec de la IIe République

Les journées de juin 1848

« Les ouvriers n’avaient plus le choix (après la fermeture des ateliers

nationaux) : il leur fallait ou mourir de faim ou engager la lutte. Ils

répondirent, le 22 juin, par la formidable insurrection où fut livrée la

première grande bataille entre les deux classes qui divisent la société

moderne. C’était une lutte pour le maintien ou l’anéantissement de

l’ordre bourgeois. Le voile qui cachait la République se déchirait.

On sait que les ouvriers avec un courage et un génie sans exemple, sans

chef, sans plan, sans ressources, pour la plupart manquant d’armes,

tinrent en échec cinq jours durant l’armée, la garde mobile, la garde

nationale de Paris ainsi que la garde nationale qui afflua de la province.

On sait que la bourgeoisie se dédommagea de ses transes mortelles par

une brutalité inouïe et massacra plus de 3 000 prisonniers.

Les représentants officiels de la démocratie française étaient tellement

prisonniers de l’idéologie républicaine qu’il leur fallut plusieurs semaines

pour commencer à soupçonner le sens du combat de juin. »

Karl Marx, Les Luttes de classes en France (1848-1850),

Éditions sociales, 1946.

� Quel événement déclenche les journées de juin ?

� Quelle lecture Marx fait-il de ces journées ?

Document 2

Questions

© Cned – Académie en ligne

59Séquence 9 – HG20

� L’Assemblée obtient la fermeture des ateliers nationaux pour des rai-x

sons économiques et politiques : ils coûtent très cher d’où l’augmen-tation des impôts, ce qui déplaît à la bourgeoisie et au monde paysan,et en plus ce sont des foyers de subversion. Ils sont fermés le 21 juindéclenchant ainsi l’insurrection des quartiers populaires parisien. Legouvernement charge l’armée et le général Cavaignac d’écraser cetterébellion. Les combats font 5 000 victimes et la répression est sévère (25 000 personnes sont arrêtées, 12 000 emprisonnées et 4 000 déportées en Algérie et en Guyane). C’est cet épisode sanglant qui

coupe la République d’une partie du peuple.

� Marx (vous allez réaliser une fiche biographique du personnage) fait une lecture binaire de l’événement : pour lui, ces journées de juin 1848sont un épisode de la lutte des classes entre prolétariat ou ouvriersd’un côté et bourgeoisie de l’autre (« engager la lutte… grande batailleentre les deux classes qui divisent la société moderne »).

Finalement l’Assemblée réussit à proposer une nouvelle constitution en

novembre 1848. C’est le parti de l’Ordre qui remporte les élections légis-latives de 1849, confirmant le virage conservateur de la IIe République, d’autant plus que Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ie

(vous allez réaliser une fiche biographique du personnage) est élu pré-sident de la République en décembre 1848. C’est désormais un régimede plus en plus conservateur, assuré du soutien de l’Eglise, qui joue un rôle clé dans l’enseignement et contrôle les campagnes. La Républiqueimpose alors la restriction du suffrage universel en fixant la condition des 3 ans de résidence, ce qui exclut beaucoup d’ouvriers obligés de sedéplacer en fonction de l’offre de travail qui leur est faite. Le 2 décembre

1851, Louis-Napoléon Bonaparte dissout l’Assemblée et organise ainsiun coup d’État. Un an plus tard, le 2 décembre 1852, il se proclame empe-reur sous le nom de Napoléon III. La IIe République est morte. Puisqu’elle s’était retournée contre eux, les ouvriers ne l’ont pas défendue.

On voit ainsi l’échec d’une République fraternelle, mais ces journées de février 1848 ont entraîné les révoltes populaires dans le reste de l’Europe.

Pour autant, cette démocratie est partielle. Elle exclut les plus pauvres

et surtout les femmes, comme en témoigne la critique d’Eugénie Niboyet dans La Voix des femmes, le 20 avril 1848 :

« La France est en République. La République, c’est la régénération de

la société, la société ce sont les hommes et les femmes. Le plus profond

principe de la régénération proclamée par la République c’est l’Egalité,

l’Egalité sociale ; l’Egalité de tous les membres de la société. Dire aux

femmes : vous n’êtes pas électeurs, vous n’êtes pas éligibles, c’est refu-

ser d’établir l’Egalité tout en la proclamant… »

Pour approfondir sur le combat des femmes pour obtenir le droit devote vous allez réaliser une fiche biographique sur Jeanne Deroin (1805-1894) qui fut l’une des premières Françaises à militer pour la reconnais-sance du droit politique des femmes. Personnage peu connu, elle est lesymbole de ce socialisme utopique du milieu du XIXe siècle.

Réponses

Conclusion

© Cned – Académie en ligne

60 Séquence 9 – HG20

En Europe, « le printemps des peuples »

À nouveau la France sert de modèle et, au printemps 1848, presque tousles pays d’Europe entrent tour à tour en révolution. D’immenses espoirsde liberté et d’unité nationale naissent alors.

1. Pourquoi des révolutions en 1848 ?

Gravure de Frédéric Sorrieu, Anniversaire de la République, Le Marché -

La République universelle, démocratique et sociale, 1848, musée Carna-

valet, Paris

Quels messages peut-on déduire de cette gravure ?

Cette gravure a été réalisée en 1848 et elle représente un paysage imaginaire (sansdoute en France avec la mise en place du drapeau tricolore sur le bâtiment). C’estun port où de nombreuses personnes sont réunies venant du monde entier (voir les différents costumes). Sur les 4 colonnes symbolisant les 4 continents est gra-vée la devise républicaine française : liberté, égalité, fraternité. Cette gravure

B

Document 3

© RMN/Agence Bulloz.© RMN/A B ll

Question

Réponse

© Cned – Académie en ligne

61Séquence 9 – HG20

illustre les rêves de liberté des peuples (la France a montré l’exemple) mais aussiles rêves de richesse d’un grand nombre d’Européens. Grâce au libre-échange, les

produits de toutes les régions du monde viennent satisfaireles besoins des consommateurs de plus en plus nombreux.On pense à cette époque que la liberté de circulation descapitaux, des biens, des marchandises va assurer la Paix uni-verselle. Cette gravure est représentative de l’euphorie de1848, mais elle n’est pourtant qu’une utopie dans une Europe qui ne fait qu’entamer son développement industrielet son processus démocratique.

Le printemps des peuples 1848-1849

Utopie : c’est l’idéal politique

et social vers lequel doit tendre

toute société. Dans les faits cet

objectif est difficilement réa-

lisable à l’époque où il est un

enjeu de pouvoir.

Définition

Document 4

*

Royaume de Prusse

Empire d'Autriche

France

Départs des mouvements révolutionnaires

Centres révolutionnaires en Italie

Centres révolutionnaires en Autricheet dans la Confédération germanique

400 km

* *

**

** *

**

*

*

*

PologneprussienneBerlin

Leipzig

Francfort

Viennemars 1948

Prague

Munich

Milan

Zagreb

Budapest

Transylvanie

Rome

(Tchèques)

(Italiens)(Croates) (Roumains)

TOSCANE

(Hongrois)

VeniseFerrare

Florence

*Turin

Parisfévrier 1948

© Cned – Académie en ligne

62 Séquence 9 – HG20

Plus généralement, les causes de 1848 sont multiples :

�    Aspirations libérales et nationales de 1830. Elles n’ont pas disparu (notamment avec un fort sentiment national en Allemagne, en Italie, et parmi des peuples de l’Empire d’Autriche comme les Tchèques,les Hongrois ; et avec le désir de constitutions pour en finir avec cesrégimes autoritaires). Le sentiment des nationalités s’inspire de l’oc-cupation de l’Europe par les forces armées napoléoniennes. Les Euro-péens ont gardé le souvenir de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen française qui stipule que tout peuple a la liberté de dis-poser de lui-même. Chaque peuple de l’empire autrichien a le clair sentiment d’une singularité linguistique, culturelle et historique.Cette singularité doit, pour ces peuples, déboucher sur une autono-mie politique.

�    Contexte économique difficile : Une crise économique européenne frappe le continent ; elle est marquée par l’inflation et la montée duchômage qui touche les ouvriers.

�    Succès, au départ, de la Révolution de février 1848 en France.

Ces événements ont lieu simultanément partout en Europe, comme lemontre la carte du document 4.

�    L’empire d’Autriche est le premier touché par la vague révolutionnaire, avec des émeutes à Vienne dès mars 1848. Le chancelier Metternich,

au pouvoir depuis 1815, doit fuir et l’empereur promet une Constitution. Dans cet empire multinational, les différentes nationalités se soulè-vent : Tchèques, Croates, Hongrois. Les Hongrois dirigés par Kossuth

obtiennent leur autonomie et réclament leur indépendance enseptembre.

�    En Allemagne, Berlin est la deuxième cible de la vague révolutionnaire. Face aux mouvements populaires et libéraux, le roi de Prusse, Frédéric

Guillaume IV, promet une assemblée constituante. Les partisans de l’unité allemande profitent de la situation pour proposer l’élection d’une Assemblée nationale. Un Parlement se réunit en effet à Francfort en 1848, prépare une Constitution et choisit Frédéric-Guillaume IV comme empereur.

�    En Italie, les troubles sont nombreux. Les différents souverains doi-vent accorder des Constitutions. L’unité de la nation italienne semblepossible par l’affaiblissement de l’Autriche. Le roi du Piémont,Charles-Albert, prend la tête d’une armée italienne contre les Autri-chiens, à Milan et à Venise.

2. La répression

Mais ces reculades des souverains ne sont que tactiques. Dès juin 1848,la réaction des souverains s’organise.

© Cned – Académie en ligne

63Séquence 9 – HG20

Le retour à l’ordre antérieur est assez rapide. Les souverains font agir la Sainte-Alliance qui prévoit une entraide entre les régimes monar-chiques attaqués par des mouvements révolutionnaires. La répressionarmée rend aux monarques le pouvoir, et les leaders du « printemps des peuples » sont souvent fusillés pour l’exemple. L’Autriche, ainsi, rede-vient une puissance autoritaire et empêche toute division de l’Empire(dès 1848 l’armée autrichienne reconquiert Prague). En Allemagne,

le rêve unitaire des libéraux se heurte à l’opposition de l’Autriche, quioblige le roi de Prusse à refuser la couronne impériale, et en Italie, l’ar-mée autrichienne réoccupe toute l’Italie du Nord.

On peut donc dire qu’en 1849-1850, l’ordre dynastique règne à nou-

veau. Cependant, « le printemps des peuples » reste fondateur en ce sens qu’il a fait prendre conscience à de nombreux peuples de leur proprepuissance. Les aspirations à la liberté et à l’unification nationale nepeuvent plus être étouffées. Ces projet verront leur concrétisation dansla seconde moitié du siècle avec notamment l’unification allemandeet italienne, et au début du XXe avec la disparition de l’empire russe en 1917.

© Cned – Académie en ligne