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Dossier coordonné par Audrey VIARD et François DOUEK 3 Introduction François DOUEK, Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes 4 La transmission de l’écrit professionnel : engagement et responsabilité du rédacteur social Jacques GRECO, Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes 8 Le contenu du dossier des usagers et la place des écrits Audrey VIARD, Conseillère technique au CREAI Rhône-Alpes 13 Ecrire, c’est agir Claude VOLKMAR, Directeur du CREAI Rhône-Alpes 15 Histoire d’une transmutation Michèle SIGUIER, Chargé de formation continue, CNFE Vaucresson 18 Délimitation du contenu des écrits François DOUEK, Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes 22 Quelques éléments de réponse à vos questions Audrey VIARD, Conseillère technique au CREAI Rhône-Alpes 24 Apprendre à repérer l’information utile Septembre 2005 D O S S I E R CREAI RHONE-ALPES 136 Ecrire ... pour être lu par l’usager ECRITS PROFESSIONNELS ET DOSSIER DE L’USAGER

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Dossier coordonné par Audrey VIARD et François DOUEK

3 Introduction

François DOUEK, Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes

4 La transmission de l’écrit professionnel : engagement et responsabilité du rédacteur social

Jacques GRECO, Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes

8 Le contenu du dossier des usagers et la place des écrits

Audrey VIARD, Conseillère technique au CREAI Rhône-Alpes

13 Ecrire, c’est agir

Claude VOLKMAR, Directeur du CREAI Rhône-Alpes

15 Histoire d’une transmutation

Michèle SIGUIER, Chargé de formation continue, CNFE Vaucresson

18 Délimitation du contenu des écrits

François DOUEK, Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes

22 Quelques éléments de réponse à vos questions

Audrey VIARD, Conseillère technique au CREAI Rhône-Alpes

24 Apprendre à repérer l’information utile

Septembre 2005

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Ecrire...pour être lupar l’usager

ECRITS PROFESSIONNELSET DOSSIER DE L’USAGER

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2 Ecrits professionnels et dossier de l’usager

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Septembre 2005 / CREAI Rhône-Alpes

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Ecrits professionnels et dossier de l’usager 3

Introduction

François DOUEK

Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes

La loi 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale a, entre autres conséquences, créépour l’ensemble des professionnels des établissements et des services une obligation accruede recours à l’écrit dans tous les domaines d’activité : projets d’établissements et de services,projets individuels, rapports, protocoles de travail…

Le travail social, dans son ensemble, y était peu préparé. Par tradition culturelle d’une part,par souci éthique d’autre part.

En ce qui concerne la culture du secteur, de nombreux auteurs ont insisté sur l’importance dela transmission orale dans un champ théorique influencé de façon dominante par la psychologieet la psychanalyse où l’entretien a une place déterminante et où l’on écrit peu dans l’après coup.La préoccupation éthique n’y est pas étrangère, qui se soucie du respect de la confidentialité etdes dangers d’une transmission généralisée des informations. Dans cette culture, même les for-mations initiales, des éducateurs notamment, ont longtemps rangé la technique du rapport écritdans les apprentissages secondaires, acquis « sur le tas ».

Or, pour les raisons conjuguées de l’accès des usagers à leur dossier, et de la généralisationdes démarches qualité qui privilégient la « traçabilité » et la formalisation écrite des documents,l’injonction d’écrire est venue s’installer, y compris dans les métiers de la relation où ( il faut enconvenir ) écrire les aspects relationnels du service rendu n’est pas chose facile.

Il y a une réelle pression sur ces questions que le CREAI Rhône-Alpes constate régulièrementlors de ses interventions auprès d’équipes : comment progresser dans la qualité des écrits, sansdévelopper des attitudes de réticence ou de frilosité par crainte des utilisations que peut fairel’usager des écrits qui le concernent et auxquels il a accès ?

Il serait dommage en effet que l’affirmation des droits des usagers, la nécessaire formalisationdes documents dans le cadre d’une relation dorénavant contractuelle, brident paradoxalementl’expression des professionnels comme cela a pu être constaté avec une longueur d’avance dansle champ sanitaire.

Il y a donc là, bien au-delà des questions techniques et de méthode, une vraie préoccupationdu sens et de l’éthique. En revanche, il ne faudrait pas souhaiter s’en tenir là et considérer cesdéfis comme indépassables.

C’est ce paradoxe que veut aborder ce dossier, au travers de plusieurs questions :celle du débat et de la «discussion» avec l’usager qui sont inévitables ( autant les rendre pro-ductifs ! ) dans le nouveau cadre légal, et corrélativement celle de la qualité et de la technicitédes écrits.celle du cadre institutionnel au sein duquel s’inscrit la pratique de l’écrit et de son nécessairecontrôle.celle, enfin, des conditions de transmission des écrits et de l’accès de l’usager à son dossier,dans le contexte d’une évolution perceptible de la réflexion sur le secret professionnel.

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4 Ecrits professionnels et dossier de l’usager

La transmission de l’écrit professionnel :engagement et responsabilitédu rédacteur social

Jacques GRECO

Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes

Avec deux lignes d’écriture d’un homme, on peut faire le procès du plus innocent.[Cardinal de Richelieu]

Ecrire est un acte qui engage la responsabilité du rédacteur quant à la destinée et les consé-quences de son acte, tant pour lui-même que pour autrui. L’écrit peut révéler ou calomnier, aiderou détruire, lier ou séparer sans en avoir véritablement l’intention : maîtrise-t-on jamais ce quel’on voudrait exprimer en tant qu’individu avec la langue commune ? Sait-on jamais la destinéede cet écrit que notre interlocuteur ne comprendra qu’en inférant : il est explicite et implicite àla fois et les replis de l’implicite sont de nature à cacher tous les démons de l’interprétation.

Il est ici question de la transmission de l’écrit au-delà de la manière subjective de prendre encharge l’histoire des autres. Deux états de transmission d’un écrit professionnel peuvent êtredistingués :– la transmission active : le rapport transmis à l’autorité, le signalement au parquet ;– la transmission latente : la pièce du dossier, l’écrit qui ne possède pas de destinataire déter-miné mais peut faire l’objet d’un échange ou d’un courrier.

En ce qui concerne la transmission active, les évolutions de la législation, l’affirmation du droitdes usagers et la confirmation de leur droit d’accéder à leur dossier, nous amènent à porter plusd’attention à ce que l’on nomme l’écrit professionnel. S’il est professionnel, car inscrit dans lestâches d’une mission, l’écrit n’en reste pas moins celui d’une personne, c’est à dire marqué parson implication sociale et sa propre histoire. Chacun prend en charge à sa manière, dans le cadrede l’action sociale, « la part infâme » de l’autre ( ce qui porte atteinte à sa réputation, le signale…).

Faut-il la mettre au jour, l’édulcorer, la taire ? Ce qui est en jeu, dans la façon personnelle deprendre en charge l’histoire de l’autre, c’est la responsabilité morale : avant que les écrits soientde nature à mobiliser une responsabilité civile ou pénale, quand porte-t-on atteinte à la dignitéet à l’intégrité de celui à propos de qui l’on écrit ? C’est le débat éthique qui nous conduit à éva-luer nos jugements, l’injustice de nos choix, le degré de notre intrusion, l’abus de notre pouvoir,l’intolérance sociale. On peut estimer que l’accord unanime pour celer la maladie, au nom dusacro-saint secret médical, répond aux peurs archaïques et à la honte portée socialement sur lesaffections du corps. Doit-on contribuer au maintien de ces représentations qui touchent aussi lehandicap en participant aux actions qui le dissimulent et par là le stigmatisent ?

Si la tâche d’écriture est prescrite et fait partie du rôle professionnel, elle naît d’un rapportinterhumain où projections et fantasmes s’éveillent à l’écoute d’un récit intime ou lorsqu’il fautassembler les portions d’une histoire de vie.

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Puis, succède à la prise en charge de la situation, sa traduction institutionnelle, c’est à dire laproduction d’un discours cadré par la mission du rédacteur et par les destinataires du texte. L’écritest normalisé en référence à une tâche prescrite. Ce qui est maintenant en jeu, c’est la responsa-bilité professionnelle.

Si, lors de la prise en charge de la situation, le récit ( qu’il soit oral ou écrit ) est du registre dela parole : « je » s’exprime et se met en jeu dans une parole qui lui est propre ( l’indexicalité 1), laconstruction du discours destiné à un autre, professionnel, institution, est du registre du code.

Elle obéit en premier lieu à des règles de présentation : il faut « parer» le discours et on le pensed’autant plus convaincant qu’il respectera les règles du bon et du beau.

C’est ainsi que n’est que partiellement transmise une histoire de vie relevant de faits. Il y atoujours un travail de construction d’un récit destiné à être transmis, une « légende familiale »qui s’élabore au fil des enquêtes successives, de dossiers de demande d’aide, des signalementsdivers. Viennent se sédimenter des couches successives au travers desquelles, quand se ressaisitI’ensemble du dossier, va surgir cette légende, ce récit qui va donner existence à la personne.

Le travail du professionnel se résume ainsi :« Donnez-moi votre récit pour que je rende audible et acceptable la vie de l’homme infâme ».

En d’autres termes, lorsque le récit intime avive un sentiment de solidarité, il se transformeaisément en « récit civil » propre à mobiliser les dispositifs d’aide. Telle est alors sa responsabilitéqui se traduit dans un échange : « donne-moi ton récit et je te donnerai de la solidarité ».

Mais cet échange peut s’avérer impossible lorsque, à l’inverse, le récit intime active un juge-ment d’indignation. Il est alors rejeté et ne peut accéder au récit civil mobilisateur.

La « légende du pauvre » se construit ainsi, poussée par l’examen des événements majeurs quiinfléchissent le cours de la vie et parmi lesquels on retiendra de préférence ceux qui permettentde quitter le cas unique pour l’inscrire dans une cause collective qui suscite la mobilisation desacteurs. Mais, à tout moment, la responsabilité morale vient percuter la responsabilité profession-nelle : faut-il taire pour protéger l’individu, faut-il dire pour mobiliser le dispositif ? Des limitess’imposent et pas seulement juridiques. Les conduites de l’individu peuvent être intolérables,« obscènes ». Comment les transformer en un récit public, sans devenir soi-même obscène ?

La responsabilité professionnelle s’établit ainsi dans la transformation du récit intime en récitcivil afin qu’il soit soumis aux instances ou aux autorités détentrices d’un pouvoir de décision.Mais l’intérêt apporté aux récits de vie, aux biographies pour décider de l’attribution d’une aide,signe bien la place prédominante accordée à l’individu dans son histoire : les exclus le seraientplus en raison de leur histoire personnelle qu’en raison de l’appartenance à un collectif (classesociale, profession, classe économique ou nationalité...).

L’histoire des individus est aujourd’hui comprise comme décisive dans les situations de pau-vreté. Les commissions locales d’insertion sont devenues le lieu d’exploration de l’intimité et, àla logique du guichet où l’on venait toucher son dû, s’est substituée une magistrature sociale oùl’on est examiné, soupesé, jugé en tant que candidat à I’insertion. Ces nouvelles magistraturessociales sont chargées de connaître toutes les zones de votre existence, publique et privée, voireintime, afin de produire un diagnostic d’où découlera le contrat d’insertion.

Le choix de ce qui est écrit pour être transmis dépend de la qualité des événements qui, rappor-tés, sont disponibles à leur socialisation, c’est-à-dire à leur capacité de devenir éléments d’un récitcivil, c’est à dire d’une scène inventée où le professionnel trouvera la place qu’il souhaite. Il n’y apas de récit de vie qui ne soit mis en scène et ce récit ne commencera à nous intéresser que si

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nous trouvons comment le dire. La socialisation des histoires de vie est la condition de la mobi-lisation des acteurs autour de l’individu.

Une étude a été menée en 1998 dans le cadre du Groupement interministériel permanent derecherche du Ministère de la Justice à propos des logiques d’action des professionnels de l’AEMO.Les conclusions de l’étude rejoignent ce qui a été dit précédemment concernant la constructiondu récit légendaire. Ainsi, les chercheurs notent-ils une considérable absence des caractéristiquesobjectives des conditions de vie des familles.

«Selon le type d’analyse dominant tenu par les travailleurs sociaux, les problèmes rencontréspar les familles sont renvoyés à des difficultés d’adaptation, dont il faut rechercher les causes auniveau individuel ou familial ».

Puis, à propos de ce qui va conduire au prononcé d’une mesure, fruit des négociations entredifférents services : « les problèmes sont définis pour partie en fonction de l’univers normatif,univers perçu comme constitutif de la réalité ». Sont alors mobilisées des normes légitimes quireconstruisent le récit public, normes à partir desquelles l’intervention sociale peut s’engager.La construction d’un discours chargé de cette stratégie obéit alors à une linéarisation causaledu récit allant du privé au public [ histoire des individus –> souffrance –> besoin –> demande ].C’est ainsi que le professionnel semble s’engager dans son écriture à faire oeuvre de traductionautant – sinon plus – qu’œuvre de compréhension et d’analyse des situations.

Au cours d’un débat qui précéda la parution du rapport Jean-Pierre DESCHAMPS 2, on pouvaitentendre le souhait d’un juge de disposer impérativement, avant de prendre une décision, d’unedescription de la réalité familiale « aussi minutieuse, détaillée et précise que possible ».

Mais comment prendre en compte ce souhait du magistrat ? Peut-on jamais espérer un rapportobjectif, traitant des faits précis et détaillés avant analyse argumentée ? En quelque sorte, peut-on faire oeuvre d’observateur, d’historien, de sociologue, de psychologue à la fois, animant desdémarches scientifiques dont le contenu peut être livré tel quel au juge ?

« Chacune des affirmations mentionnées dans un rapport doit donc être explicitée, argumen-tée, justifiée. Le rédacteur doit décrire minutieusement ce qu’il a vu, ce qu’il a entendu, ce qu’onlui a dit, indiquer dans quelles circonstances ses observations ont été faites. Il ne doit y avoiraucune phrase générale. Tout vocabulaire à connotation vague et applicable à bien des dossiersdoit être écarté. Toute mention allusive qui incite le lecteur à imaginer lui-même la réalité sous-tendue est à proscrire » 3.

Voilà l’idéal pour un entomologiste. Le problème est que les travailleurs sociaux ne décriventpas des insectes et qu’il se noue entre eux et les usagers des rapports sociaux marqués par lesprocessus d’identification selon les distances sociales et des relations inter-transférentielles.

Pierre BOURDIEU concluait son ouvrage La misère du monde 4 réalisé à partir d’un corpus d’en-tretiens et d’écriture de ces entretiens, par l’assertion suivante : « [...] contre l’illusion consistantà chercher la neutralité dans l’annulation de l’observateur, il faut admettre que, paradoxalement,il n’est de spontané que construit, mais par une construction réaliste ». C’est dire que le véritablesens des choses ne se voit pas, ne s’observe pas, ne se recueille pas par l’observation à la loupe.Tout récit est un récit construit qui engage le rédacteur et la responsabilité qu’il s’en attribue.

En ce qui concerne la transmission latente, c’est-à-dire la communication d’une pièce d’undossier à une personne ou à une institution qui en fait la demande, il convient de considéreraujourd’hui les éléments écrits d’un dossier comme la propriété de l’usager et non la propriétéintellectuelle du professionnel.

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Le professionnel est dessaisi de cette propriété par le fait de sa rémunération. La constitutiondu dossier fait en effet partie du service rendu à l’usager : le diagnostic de situation et la réuniondes éléments d’information mis en cohérence.

Le principe de base est ainsi de demander le consentement de l’usager pour la transmission àun tiers d’une information qui le concerne.

Le consentement n’a de réalité que s’il est explicite et non supposé tacite par le consentementdu silence. L’usager, ou son représentant légal, est en mesure de dire pour quelles informationsil consent à leur transmission et pour quelles informations il n’y consent pas. La seule exceptionà cette règle concerne les transmissions sous l’exigence de l’autorité judiciaire, lorsque le droitcollectif supplante la volonté individuelle.

De même, les professionnels ont la responsabilité de la sécurité des échanges lorsque l’infor-mation est transmise à un tiers ( transmission de droit ou consentie par l’usager ) afin que cettetransmission ne puisse être déviée vers un autre destinataire que le demandeur.

Ceci pose évidemment la question des courriers inter-institutionnels. Pour les responsablesd’une institution, l’usage d’ouvrir tout courrier adressé à l’institution doit être tempéré par lesexigences du secret professionnel ou secret missionnel. L’usager concerné, à propos duquell’information est transmise, doit être informé de cette absence de confidentialité si l’institutiondestinataire procède ainsi.

Le principe que le dossier soit la propriété de l’usager n’est pas immédiatement évidente pourles professionnels car ils l’ont toujours considéré comme leur outil de travail, outil aménagé etutilisé hors toute règle de droit.

Si on entend affirmer la place centrale de l’usager sans en faire un slogan insignifiant, il estnécessaire de repenser l’ensemble des rapports à l’usager et de donner place à l’exercice de savolonté dans les actions qui le concernent lorsque les règles de droit ne s’y opposent pas ( etnon pas l’inverse, c’est à dire ne pas le concerner lorsque les règles de droit ne l’obligent pas ).

1 L’indexicalité d’un texte est constituée de l’ensemble des formes qui manifestent la présence d’un sujet écrivant

( vocabulaire, tournures, style, «faute»… ).

2 Le groupe de travail mis en place à la demande de Madame GUIGOU, Ministre de la Justice, par la Direction de la

Protection Judiciaire de la Jeunesse le 27 avril 2000, et présidé par Jean-Pierre DESCHAMPS, président du Tribunal

pour enfants de Marseille, a rendu son rapport : « Le contradictoire et la communication des dossiers en assistance

éducative » le 6 mars 2001.

3 Michel HUYETTE (ancien magistrat de la Cour d’Appel de Grenoble), in Journal du Droit des Jeunes, n°197, septem-

bre 2000.

4 BOURDIEU (P.), La misère du monde, Ed. du Seuil, 1993.

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Le contenu du dossier des usagerset la place des écrits

Audrey VIARD

Conseillère technique au CREAI Rhône-Alpes

Généralement, dans les institutions sociales et médico-sociales, on trouve pour un mêmeusager plusieurs types de dossiers le concernant, détenus et gérés par différents professionnels :le dossier administratif, éducatif, pédagogique, social, médical…

Or, la loi 2002-2 indique dans son article 7 5° que les établissements et services garantissentà l’usager « l’accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge ». L’usager doitdonc avoir accès à l’ensemble des informations relatives à sa prise en charge.

Mais de quelles informations s’agit-il ?La loi prévoit que ce point soit précisé par voie réglementaire. Il est ( était ) prévu qu’un décret

définisse le contenu de ce dossier. Mais comment donner une définition applicable à l’ensembledes établissements et services entrant dans le champ d’application de la loi 2002-2 ? Devant ladiversité des structures concernées, le législateur reste muet, renvoyant les institutions socialeset médico-sociales à leur propre définition du contenu de ce dossier.

Pour ce faire, deux principes issus de la loi 2002-2 sont à prendre en compte :les établissements ne doivent constituer qu’un seul dossier par usager. Ceci revient à exclure

la pratique du double dossier, celui pour l’usager et celui pour les professionnels constitué d’infor-mations non communiquées à l’usager. Néanmoins, pour faciliter le travail des professionnels,ce dossier unique peut être conservé en plusieurs lieux.

l’ensemble de ce dossier est accessible aux usagers.

Cette lecture tend à développer l’idée selon laquelle l’usager est propriétaire de son dossieret non l’institution qui conserve néanmoins une obligation d’archivage. Ainsi, selon ce principe,l’usager se verrait remettre à sa sortie son dossier original et l’institution n’en conserverait qu’unecopie à archiver.

De façon générale, la mise en œuvre de cette nouvelle disposition a priori simple soulève uncertain nombre de difficultés pratiques. On constate que les structures qui tentent de résoudrecette question se heurtent notamment à la résistance de certains professionnels ou professionsqui considéraient jusque là que leurs écrits ne pouvaient être lus que par d’autres professionnels( et encore pas tous… ), mais surtout pas par l’usager ou son représentant légal. D’autres pensentque cette nouvelle obligation risque de « vider » le dossier de l’usager en les incitant à ne plusécrire pour éviter toute mise en cause ultérieure.

Au-delà de ces objections, il incombe à chaque établissement ou service relevant du champd’application de la loi 2002-2 de décliner la mise en œuvre de ce droit. Cela demande de définirle contenu de ce dossier unique, la procédure d’accès par les usagers, puis par les professionnels,les modalités de consultation…

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Définition du dossier de l’usager

Le dictionnaire donne la définition suivante du dossier : « ensemble de documents concernantun sujet, réunis dans une chemise ». La définition semble claire, mais encore faut-il s’entendre surles documents en question.

Pour être plus précis, on peut définir le dossier unique des usagers comme suit : le dossier doitêtre constitué de l’ensemble des pièces qui permettent de prendre des décisions ou d’en rendrecompte. Il doit permettre la transmission d’informations relatives à l’usager.

Délimitation de son contenu

Définir le contenu du dossier unique des usagers suppose de regrouper les sous dossiers quiexistent actuellement dans les institutions sociales et médico-sociales : administratif, éducatif,pédagogique, social, médical…

Concernant le dossier médical, il est défini dans la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative auxdroits des malades et à la qualité du système de santé 1 qui régit le contenu du dossier médicalpour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé. Il est constitué« de l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels de santéqui sont formalisées et ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitementou d’une action de prévention, ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre les professionnels desanté ». Suit une liste non exhaustive qui vise notamment des résultats d’examen, des comptesrendus de consultation, d’intervention, d’exploration, les feuilles de surveillance, les correspon-dances entre professionnels de santé sauf celles recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dansla prise en charge. Par extension, cette définition peut permettre aux établissements et servicessociaux et médico-sociaux de délimiter le contenu du dossier médical des usagers accueillis.

Concernant les autres éléments du dossier, un décret récent permet d’indiquer de quoi doitêtre constitué le dossier des usagers accueillis : « un dossier individuel renseigné et actualisé estouvert pour chaque personne admise. Le dossier retrace l’évolution de la personne au cours deson accompagnement. Il comporte les divers volets correspondant aux composantes thérapeu-tique, éducative et pédagogique du projet personnalisé d’accompagnement, et notamment ledossier établi lors de l’admission, ainsi que tous les comptes rendus de réunions ou d’interven-tion concernant l’enfant, l’adolescent ou le jeune adulte. Il contient les autorisations écritesdemandées aux parents ou aux détenteurs de l’autorité parentale. Il fait aussi mention des faitsnotables intervenus dans le cadre de l’accompagnement et des suites qui leur ont été données.A l’issue de l’accompagnement, le dossier est complété par les informations qui permettrontson suivi… » 2.

Même si cette définition vise expressément le dossier des usagers accueillis dans les Institutsthérapeutiques éducatifs et pédagogiques ou ITEP ( anciennement IR ), elle permet de préciserles éléments que les usagers sont en droit de trouver dans leur dossier quelle que soit l’institu-tion qui les accueille.

La question des notes personnelles

Il s’agit ici de savoir si les notes personnelles doivent figurer dans le dossier unique des usagers.Deux types sont à distinguer : les notes personnelles médicales et les autres notes personnelles.

Pour les premières, la question est tranchée. Une interprétation a contrario de la définitiondu dossier médical permet d’en déduire qu’elles ne font pas partie du dossier médical et donc

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encore moins du dossier unique de l’usager. En effet, le terme formalisé tel qu’il a été défini dansles travaux parlementaires 3 laisse à penser que dès qu’il y a eu travail de réécriture d’une notepersonnelle médicale, le document est formalisé et doit figurer dans le dossier. A défaut de travailde réécriture, la note reste une note personnelle, elle n’a pas à figurer dans le dossier médical etne pourra jamais être réclamée par un patient.

Pour les autres notes qui ne sont pas d’ordre médical, et en l’absence de définition légale ourèglementaire du dossier des usagers, que faire de ces notes personnelles ?

L’esprit de la loi 2002-2 indique que la pratique du double dossier est susceptible de donnerlieu à des poursuites pénales. Or, un professionnel qui prend des notes sur un usager peut avoirl’intention de les conserver en dehors du dossier officiel. Est-on déjà dans la pratique du doubledossier – voire plus, si chaque professionnel conserve ses propres notes dans le dossier qu’il s’estconstitué sur chaque usager ? Au final, combien cela fait-il de dossiers sur un même usager ?

Alors que faire de ces notes personnelles ? On peut retenir trois options :– les détruire régulièrement dès qu’elles ont donné lieu à l’élaboration d’un document officiel.Par exemple, les notes prises en réunion de synthèse qui permettent ensuite d’établir le projetpersonnalisé n’ont plus lieu d’être une fois le projet établi ;– les conserver le temps nécessaire à la prise en charge et les détruire à la sortie de l’usager ;– prendre le risque de les conserver et d’en assumer les conséquences ( les conserver supposantde prendre le risque de se les faire saisir en cas de perquisition dans l’institution... et quid de leurarchivage par les professionnels à leur domicile ?).

La procédure d’accès au dossier de l’usager

Cette procédure doit figurer dans le livret d’accueil conformément à la circulaire du 24 mars2004 précisant son contenu 4. De fait, cela permet à l’usager et son représentant légal d’en avoirconnaissance dès l’admission.

Pour l’élaborer, il conviendra de définir les points suivants :– le titulaire de la demande,– le destinataire de la demande,– les modalités et le délai de prévenance à respecter,– les modalités d’accompagnement proposées par l’établissement ou le service, et celles qui

restent à la disposition de l’usager,– les modalités de la consultation.

Etape 1 - Définir le titulaire du droit d’accès au dossier

En principe, il s’agit de l’usager accueilli et/ou son représentant légal.Cas particuliers :

– si la demande émane d’un mineur : les mineurs sont en principe titulaires du droit d’accès àce dossier, mais n’en n’ont pas l’exercice. De fait, la demande de consultation doit être adresséepar le représentant légal de ce dernier ( soit le titulaire de l’autorité parentale ).– si la demande émane d’un majeur protégé : pour les majeurs sous tutelle, la demande doit êtreformulée par le représentant légal ; pour les majeurs sous sauvegarde de justice ou curatelle, lademande peut être faite directement par l’usager.– si la demande émane de la famille : certains établissements prévoient qu’elle puisse consulterle dossier mais uniquement avec l’accord de la personne concernée et de son représentant légal.L’établissement ou le service doit prendre certaines précautions, notamment si la consultation

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par les représentants légaux ou la famille risque de porter atteinte à la vie privée des usagers ouà des tiers. En ce cas, il incombe aux institutions de protéger la vie privée de l’usager accueilli enlimitant cet accès sous réserve de l’avoir prévu et argumenté dans la procédure d’accès inscritedans le livret d’accueil.

Concernant l’accès au dossier médical, la loi Kouchner a prévu cette hypothèse 5 : un mineurpeut s’opposer à la consultation de son dossier par ses représentants légaux, en principe sesparents, s’il souhaite conserver le secret sur son état de santé ou pour des actes pour lesquelsl’autorisation parentale n’est pas requise ( une IVG, par exemple ). Dans ce cas, le médecin doits’efforcer d’obtenir l’accord du mineur pour la consultation du dossier. A défaut de cet accord,la consultation ne peut avoir lieu.

Etape 2 - Définir le destinataire de la demande de consultation

Le destinataire est différent selon le type d’informations demandées : pour le dossier médical,la demande sera faite auprès du médecin responsable de l’information médicale dans l’établis-sement ; pour le reste, elle sera faite auprès du directeur ou du représentant de l’établissement.

Mais que faire pour des établissements qui n’ont pas de médecin responsable de l’informationmédicale dans l’établissement ? Quel professionnel peut être chargé de constituer le dossiermédical ? A qui l’usager doit-il s’adresser pour le consulter ? S’agit-il d’un vrai dossier médical ouplutôt d’un dossier dit médical mais qui comprendrait en réalité des ordonnances, des résultatsd’analyse ?…

Dans ce cas, ne faudrait-il pas rendre à l’usager ces documents qui le concernent directement ?Cette solution permet de ne pas avoir à constituer un dossier médical en l’absence de médecinsalarié par l’établissement. L’usager pourra alors être dirigé auprès de son médecin habituel pourcette consultation.

Etape 3 - Définir les modalités d’accès et le délai de prévenance

Cette procédure doit définir les formalités que l’usager doit respecter pour faire sa demande,ainsi que le délai de prévenance requis. Il s’agit d’indiquer si la demande doit se faire par lettre( simple ou avec accusé de réception ) ou si elle peut se faire par téléphone. Néanmoins, un délairaisonnable entre la demande et la consultation doit être prévu.

Etape 4 - Définir les modalités d’accès au dossier d’assistance éducative

L’assistance éducative concerne l’ensemble des mesures pouvant être prises par le juge desenfants lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont gravementcompromises 6.

Les règles d’accès au dossier d’assistance éducative sont définies dans le décret du 15 mars2002 7 entré en vigueur depuis le 1er septembre 2002. Désormais, toutes les parties à la procé-dure d’assistance éducative ont accès à ce dossier. Sont visés l’avocat, les père et mère, tuteur,personne ou service à qui l’enfant a été confié, le mineur capable de discernement.

En l’absence d’avocat, le juge peut écarter la consultation pour les parties de certaines piècesdu dossier si cette consultation fait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à unepartie ou à un tiers.

Concernant le mineur, la consultation de son dossier ne peut se faire qu’en présence de l’unde ses parents ou de son avocat. A défaut d’avocat, le juge doit lui en désigner un d’office pourpermettre la consultation.

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De fait, un établissement hébergeant des mineurs qui font l’objet d’une mesure d’assistanceéducative pourra renvoyer les demandes de consultation du dossier auprès du tribunal pourenfants chargé d’organiser la consultation. L’établissement peut néanmoins prévoir d’aider lemineur à rédiger la lettre de demande de consultation de son dossier au juge des enfants.

Etape 5 - Prévoir les modalités d’accompagnement

Deux types d’accompagnement sont à prévoir : celui de l’établissement et celui laissé à la libreappréciation de l’usager.

La Charte des droits et libertés de la personne accueille 8 prévoit que l’établissement ou leservice propose un accompagnement adapté lors de la consultation du dossier et qui peut êtrede nature psychologique, médicale, thérapeutique ou socio-éducative.

L’établissement ou le service peut faire plusieurs choix :– choisir un professionnel chargé de tous les accompagnements : directeur, médecin ou référent,– choisir un professionnel en fonction de l’objet de la demande, ce qui suppose dans ce cas defaire préciser à l’usager les pièces qu’il souhaite consulter. Néanmoins, n’oublions pas que l’usagerdispose d’un droit d’accès à l’ensemble de son dossier. De fait, un établissement qui impose danssa procédure à l’usager de préciser l’objet de sa demande outrepasse ses prérogatives.

Cette Charte prévoit aussi que l’usager puisse être accompagné de la personne de son choix,notamment lors de cette consultation. Cette possibilité d’accompagnement par une personnede son entourage doit être précisée dans le livret d’accueil.

Etape 6 - Prévoir l’organisation de la consultation

L’établissement ou le service doit organiser la consultation du dossier de l’usager dans un lieugarantissant la confidentialité. La procédure peut aussi prévoir pour l’usager de faire des copies,mais que les frais occasionnés sont à sa charge, comme cela est prévu par la loi Kouchner pourle dossier médical.

1 Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. JO du 5 mars

2002. Décret n°2002-637 du 29 avril 2002.

2 Décret n°2005-11 du 6 janvier 2005 fixant les conditions techniques d’organisation et de fonctionnement des ins-

tituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques. Article D. 312-59-6. J.O du 8 janvier 2005.

3 Travaux parlementaires relatifs à la loi du 4 mars 2002.

4 Circulaire n°138 DGAS du 24 mars 2004 relative à la mise en place du livret d’accueil prévu à l’article L.311-4 du

Code de l’action sociale et des familles.

5 Le droit d’accès au dossier médical est régi par les articles L.1111-5 et L.1111-7 du Code de la santé publique.

6 L’assistance éducative est régie par les articles 375 à 375-9 du Code civil et les articles 1181 à 1200-1 du Nouveau

code de procédure civile.

7 Décret n°2002-361 du 15 mars 2002 modifiant le Nouveau code de procédure civile et relatif à l’assistance éduca-

tive. JO n°65 du 17 mars 2002.

8 Article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne accueillie. Arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la Charte

des droits et libertés de la personne accueillie, mentionnée à l’article L. 311-4 du Code de l’action sociale et des

familles. JO n°234 du 9 octobre 2003.

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Ecrire, c’est agir

Claude VOLKMAR

Directeur du CREAI Rhône-Alpes

En paraphrasant le célèbre titre de l’ouvrage de John Langshaw AUSTIN 1, je veux signifier quel’écrit professionnel doit se préoccuper des effets qu’il produit sur son lecteur. Ce lecteur, mêmes’il n’est pas le destinataire premier de l’écrit, est aussi – dorénavant – l’usager lui-même.

Très longtemps, les rapports et courriers rédigés par les professionnels n’intégraient pas cedestinataire indirect, comme lorsqu’on parle de quelqu’un sans penser qu’il pourrait entendrece que l’on dit de lui. Les dossiers des usagers, inaccessibles, étaient chargés de fantasmes, où lepouvoir des professionnels s’exerçait dans le secret. La puissance supposée des écrits, peut-êtreplus particulièrement dans le domaine de la Protection de l’Enfance 2, prenait ainsi une tournuredramatique et l’usager qui demandait, malgré des procédures souvent dissuasives, de prendreconnaissance de son dossier, vivait ce moment comme une « révélation », qu’elle soit chargéepositivement ou négativement.

Par ailleurs, il est étonnant que tant de travaux portent sur la technique de l’entretien, et plusparticulièrement dans le champ clinique 3, et si peu sur l’écrit. L’ouvrage de Gérard POUSSIN 4,notamment, consacre quatre petites pages à la restitution, vue exclusivement sous son aspectoral, l’écrit n’étant pas évoqué.

Or, non seulement l’écrit engage durablement, mais il produit des effets propres au-delà d’unesimple relation de ce que produisent un dialogue, une observation ou une évaluation. J’ai ana-lysé par ailleurs 5 les précautions à prendre par l’écrivant en matière de contrôle des sources del’information, de fond et de forme de la rédaction.

L’objet ici sera d’insister – à nouveau et sous un angle différent – sur la nécessité, au cours dutravail d’écriture, de permettre à l’usager-lecteur de contextualiser le propos, de situer son auteur,de disposer de la plus grande clarté sur le raisonnement et l’argumentation même du rédacteur,ainsi que sur sa posture institutionnelle qui donne le cadre de l’écrit.

La plupart des écrits rendent compte d’une évaluation ( d’une situation, des capacités d’unsujet, de l’évolution d’un projet… ). Toute évaluation comporte un jugement et, contrairementaux affirmations de Michel HUYETTE 6, l’écrit professionnel ne peut se contenter d’être un énon-cé factuel, dépourvu de subjectivité, d’interprétation et de jugement. Dans les domaines del’intervention sociale et du service à la personne, cette conception n’a pas de sens et pourraitmême contribuer à aggraver une tendance, déjà très présente, à effacer dans l’écrit toute tracede celui qui porte la plume. L’écrit professionnel ne peut être « désubjectivé ».

Or, c’est là précisément que les difficultés commencent. L’attention de l’usager est particuliè-rement sensible à la question du jugement : dans l’exercice du jugement, s’exprime le pouvoirde l’intervenant, l’inégalité de fait entre l’opinion d’autorité et celle de l’usager dépendant, dumoins le perçoit-il ainsi, de l’opinion du travailleur social. A la souffrance intime, à la disqualifi-cation sociale, s’ajoute, par conséquent, la difficulté d’avoir à accepter ce qu’en dit l’auteur durapport. Cette difficulté doit être assumée par l’auteur de l’écrit à double titre : il ne doit pass’effacer dans un anonymat neutre qui donnerait à penser qu’il y a là un propos «scientifique»,

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aseptisé, dénué d’effets subjectifs, et doit au contraire dénoncer les conditions d’énonciation,les limites qu’il installe entre le « factuel » et la lecture professionnelle qu’il en donne.

De même, pour reprendre la terminologie judicieuse de Gérard POUSSIN, dans l’ouvrage citéoù il parle des « embarras institutionnels », l’écrivant doit absolument se nommer, et non s’abriterderrière une sorte d’anonymat institutionnel, ou de responsabilité collective et diluée.

Le reste est affaire de rigueur et d’exigence professionnelles :les liens entre les faits, la réflexion, ensuite l’argumentation, enfin les objectifs d’une mesure

ou d’une action à conduire doivent être mis en forme pour être compris par le lecteur : touteécriture « allusive » se traduisant pour celui-ci en une absence de toute maîtrise possible vis-à-visde ce qu’il vit comme de « l’arbitraire » ;

l’écrivant, comme dans l’entretien oral, doit travailler sur son implication ( d’autres parleraientde transfert et de contre-transfert ) vis-à-vis de l’usager : entre l’empathie, le bavardage, le voyeu-risme, l’activisme, voire le sadisme qui peuvent aussi bien se traduire dans un propos abscons,énigmatique, jargonnant ou inutilement cruel, les attitudes professionnelles sont en jeu et ce« jeu » peut être lourd de conséquences pour l’usager.

Si ces quelques conditions sont réunies, et loin de parvenir à « l’objectivité » ( inatteignable àmon sens dans le domaine où nous exerçons ), l’écrit sera au moins réfutable au sens où, en faced’arguments fondés sur des faits, l’usager dispose d’une lecture, certes asymétrique, mais nonmoins intéressante, y compris pour que son propre point de vue puisse évoluer.

Ainsi l’usager-lecteur peut-il devenir acteur d’un processus de discussion plutôt qu’objet d’unjugement sans débat.

1 AUSTIN (J.L.), Quand dire, c’est faire, trad.fr. 1970, Editions du Seuil, Paris.

2 Réf. Lumière et Vie.

3 BLANCHET (A.), L’entretien dans les sciences sociales, Dunod, Paris, 1985.

4 POUSSIN (G.), La pratique de l’entretien clinique, Dunod, Paris, 1994.

5 VOLKMAR (C.), « Faux style direct, vrai style indirect, l’interprétation et la description dans les rapports écrits des

psychologues », in Nouvelle Revue de Psychologie, 1985, 1.

VOLKMAR (C.), « L’écrit professionnel dans la perspective du contradictoire en assistance éducative », in Les garan-

ties juridiques de l’usager et l’actions éducative, actes CREAI Rhône-Alpes / ADSEA du Rhône, février 2002.

6 Michel HUYETTE (ancien magistrat de la Cour d’Appel de Grenoble), in Journal du Droit des Jeunes, n°197, septem-

bre 2000.

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Histoire d’une transmutation

Michèle SIGUIER 1

Chargé de formation continue, CNFE Vaucresson

En France, dans notre système judiciaire où toute procédure est écrite, « faire rapport au juge »n’est pas chose aisée ! La protection judiciaire de la jeunesse n’échappe pas à cette activité fon-damentale qui concerne de nombreux professionnels : psychologues, psychiatres, éducateurs,assistants de services sociaux, etc.

Or, il se passe quelque chose d’étrange, une sorte de transmutation au moment où le rapportdevient une pièce du dossier, où en quelque sorte de profane, il devient sacré. Et l’on voit des im-pressions, des sentiments, des conjectures, des faits, des jugements, des vérités « scientifiques»…se transformer en vérités juridiques. Ce changement de nature du texte nous oblige à nous poserun certain nombre de questions sur la responsabilité de celui qui écrit, lorsqu’il nomme, lorsqu’ilqualifie, lorsqu’il garantit, lorsqu’il construit une réalité.

Dès qu’il se met à l’écriture, une sorte d’alchimie s’opère. Tout d’abord son texte lui échappepartiellement, la plupart du temps à son insu, soit parce qu’il est pris dans une routine discursiveou par des présupposés généralement admis dans son secteur d’intervention, ou qu’il a unecertaine connivence avec le commanditaire, etc.

Cependant, une fois le texte rendu à destination, celui-ci va grossir les pièces du dossier judi-ciaire et vivre sa vie de façon autonome. Ce qui pour l’auteur est souvent générateur d’angoisse.

Comment rendre compte d’une réalité perçue ? Comment rendre compte d’une réalité vécue ?Concerne-t-elle la personne ou le groupe de personnes pour lequel le rapport est demandé ?S’agit-il de ce qui est perçu ou vécu par d’autres personnages mis en scène dans le rapport oupar l’observateur lui-même qui est également un acteur ? Comment rendre compte d’une situa-tion ? Comment rendre compte d’une action que l’on a soi-même menée ?

Autour de ces interrogations, comme en écho, se pressent les discours convenus sur l’objec-tivité, la transparence, ceux le plus souvent incantatoires autour du débat, du contradictoire,avec lesquels tout le monde ne peut être que d’accord mais qui aident peu les professionnels.

Ces discours ne peuvent se substituer à une véritable réflexion, non seulement sur l’écrit lui-même, mais sur l’écrit comme trace de pratiques, comme trace de places de discours.

Or, nous savons que toute mise en travail, pour reprendre la métaphore de l’enfantement, vabien souvent à l’encontre des évidences.

Pour chaque écrit, cela suppose une conscience claire :– du cadre juridique dans lequel il s’inscrit,– du type de « contrat » implicite ou explicite auquel il s’adosse ( aide à la décision, bilan d’action ),– des contraintes qui pèsent sur lui ( quelles soient liées à la langue elle-même, au sujet, à l’insti-tution ou inhérentes à celui qui écrit ),– des héritages dont il est dépositaire avec actif et passif,– des fondements théoriques et idéologiques qui le sous-tendent, quelles que soient les disci-plines ou les professions sollicitées, etc.

De nombreuses questions qui appellent des réponses tout autant techniques qu’éthiques.

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Une fois acquise, cette vision du champ dans lequel s’inscrivent ces pratiques discursives et dela commande précise, des interrogations en apparence simples se posent aux professionnels :

– qu’est-ce que je sais ?– comment je l’ai su ?– qu’est-ce que je peux en dire ?

Qu’est-ce que je sais ?

Répondre à cette question référée à un état de danger ou à une notion d’intérêt de l’enfant,est une entreprise délicate qui demande au praticien qui se la pose, une rigueur de la pensée,un professionnalisme et une éthique à toute épreuve. Et, pour autant qu’il possède toutes cesqualités, il n’est pas arrivé au bout de ses peines !

En effet, lorsque l’on regarde le matériel qui sert habituellement à la fabrication de ces rapports,on constate qu’il s’agit principalement de discours rapportés. Il est assez rare que l’observateur sesoit trouvé présent lors de toutes les situations qu’il décrit. Il y a donc un nécessaire question-nement des sources : discours rapportés, entretiens, observations directes, expérimentation…

On pourrait dire que ce travail s’apparente à celui de l’historien, mais la comparaison s’arrêtetrès rapidement car, à la logique de la connaissance, se superpose une logique de l’action.

De fait, la commande judiciaire, même si elle est plus ou moins motivée, plus ou moins précise,appelle une préconisation, qu’elle soit explicite ou implicite. Or, tout ce savoir construit sur autruiva être orienté en fonction de cette préconisation.

Qu’est ce que je sais ? Redoutable question qui nécessite pour l’observateur de déplacer sonregard et d’évaluer la résonance que les situations décrites suscitent en lui-même. Nécessitéégalement de questionner les disciplines, les théories auxquelles il fait appel. En bref, nécessitéd’avoir une position épistémologique.

Comment je l’ai su ?

La lecture d’un grand nombre de rapports fait apparaître une sorte de toute puissance dunarrateur qui raconte une histoire comme s’il en avait été le témoin privilégié et cela parfois surplusieurs générations. Il prend à sa charge, il garantit. Il parle des sentiments, des pensées quianiment les personnes qui ne sont pas des êtres de fiction, comme s’il était romancier. Dans saconstruction ou plutôt sa reconstruction, le doute est peu institué.

Or, le rapport est un « genre littéraire » particulier qui doit indiquer comment s’est construitecette connaissance d’autrui. Pour cela, l’observateur, acteur, est obligé de s’interroger sur l’actionelle-même : sur les procédures utilisées, sur les processus par lesquels sa pratique s’élabore, surles fondements de son action (la commande bien sûr, mais également les présupposés, les théo-ries, les idéaux), sur les conditions de recueil de l’information, sur la fiabilité des sources et sur lesmodalités techniques, etc…

En fait, cet observateur doit être capable de penser son action, d’y apporter un regard critiqueet de s’interroger sur « comment et à partir de quoi fabriquons-nous la connaissance d’autrui ?».

Qu’est-ce que je peux en dire ?

Arrivé à ce point de la réflexion et de l’action, le praticien est confronté à l’élaboration du « rap-port au juge ». Une question lui est posée et il doit y répondre. Il est alors renvoyé à lui-même età son rôle social.

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D’abord, et ce n’est pas la moindre des difficultés, il lui est nécessaire d’avoir une conscienceclaire de ce qu’il veut dire. Puis, face aux multiples informations dont il dispose, et dont parfois ilest le dépositaire, il va lui falloir faire des choix : choix techniques, choix éthiques. Il va lui falloirégalement cerner son propos. Il va alors discriminer, hiérarchiser, mettre en scène son texte pourarriver jusqu’à sa conclusion qui est, dans la majorité des cas, l’état contemporain de la situation.

Or, si la commande judiciaire induit l’orientation du rapport, c’est la conclusion de celui-ci quil’organise de façon rétroactive. En effet, le rapport, véritable rhétorique d’argumentation, estconstruit en référence à sa conclusion.

Face à ce travail de construction ou de reconstruction, le praticien va choisir de dire ou de nepas dire. Mais, s’il choisit de dire, il va lui falloir argumenter et préciser sur quoi repose son avis ouson sentiment, il va donc devoir s’engager, parler de lui, se mettre en scène dans le discours et defaçon explicite, choisir entre « il semble» et « il me semble», donner des éléments de réflexion etde discussion à tous les acteurs concernés, dont les principaux intéressés. Le magistrat, et pluslargement l’auditoire potentiel du rapport, ont besoin de savoir ce qui est de l’ordre du fait, dujugement, du sentiment, de l’hypothèse, mais aussi du domaine de la réalité et de l’imaginaire.

Dans un secteur où le contradictoire est un principe, il y aurait un certain paradoxe à gommerles différences d’opinion, les oppositions, les positions personnelles et rechercher le consensusà tout prix.

Il doit rendre à chacun sa place dans le discours et indiquer les conditions dans lesquelles lesinformations ont été recueillies, où l’action a été menée, soit au titre de l’investigation, soit autitre du bilan d’action.

Qu’est-ce que je sais ? Comment je l’ai su ? Qu’est-ce que je peux en dire ? Questions qui tra-versent tous les professionnels à propos de toutes les catégories de rapports et dont les réponsesnécessitent un grand professionnalisme.

« Faire rapport au juge », c’est en même temps un acte professionnel qui engage chaque prati-cien, personnellement et institutionnellement, et l’histoire d’une transmutation qui réinterrogela fonction sociale et symbolique de la justice.

Partout où les individus ont à faire face à l’exclusion ou à la souffrance, ils se voient soumis laplupart du temps à l’épreuve des regards institutionnels ; et ce qui pèse et ne cessera probable-ment de peser sur les travailleurs sociaux, les magistrats… et autres gestionnaires du malheurd’autrui, c’est leur difficulté non pas de percevoir leurs interlocuteurs, mais de les reconnaître.

Produire de l’écrit sur l’enfant et sa famille est tout sauf une banalité !

1 Cet article a été publié par le Journal du Droit des Jeunes, n°203, mars 2001.

Nous le reproduisons avec les aimables autorisations de l’auteur et du responsable de la revue.

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Délimitation du contenu des écrits

François DOUEK

Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes

Il s’agit de poser les principes déontologiques, éthiques et techniques susceptibles de définir,d’une part, les conditions générales et les recommandations d’écriture tant en terme de sens, decontenu et de forme ; d’autre part, d’apporter à chaque rédacteur ou contributeur à la rédactiond’écrits professionnels un cadre sécurisé adapté à sa situation et à l’objet de l’écrit, ainsi qu’à lacommande institutionnelle.

Ecrire pour un destinataire identifié

Cet aspect du cadre de rédaction doit, tant dans la forme de l’écrit que dans le contenu, fairel’objet de l’attention continue du ou des rédacteurs. Sans considérer ce critère comme exclusifou prééminent, on s’attachera notamment à :– en accorder le développement en genre et en volume avec l’identité professionnelle du desti-nataire,– faire une distinction nette entre ce qui ressort de l’observation ou du constat, de ce qui relèvede l’hypothèse ou de la proposition,– dégager clairement les éléments d’aide à la décision.

En bref, de rester centré sur l’objectif de l’écrit. Il n’est pas nécessaire par exemple de s’étendresur des détails de prise en charge ou des éléments relevant de l’anecdote si l’on s’adresse plutôtà un décideur ( tutelles administratives, judiciaires, financeur de prestation ou de programme… ).Cette recommandation ne doit pas exclure le recours à l’exemple ou à l’illustration.

Rédiger dans la perspective d’être lu par l’usager ou son représentant légal

Un des principes fondamentaux de la loi 2002-2 consiste à renforcer et établir de manièreindiscutable la place et le rôle de l’usager (ou de son représentant légal) dans leur participationaux choix, aux modalités et au suivi de la prise en charge. Ce principe doit, comme un fil rouge,guider le ou les rédacteur(s) dans leur travail de formulation et de traduction.

Quatre dimensions feront l’objet d’une attention particulière :– produire des écrits qui soient respectueux des personnes, sans trahir la réalité des situationsou des constats ;– écrire en gardant une forme et un vocabulaire accessibles à l’usager ( éviter l’utilisation d’unlangage trop spécialisé ou trop technique ), utiliser par exemple des «modèles» proposant unemise en page et une typographie éventuellement adaptée .– faire apparaître clairement le point de vue de l’usager, si nécessaire les éléments de différence,voire de divergence, entre les différentes parties .– rédiger dans la perspective de produire des documents «consignables» au dossier individuel,« lisibles, utiles, identifiables » et transmissibles ( documents énonçant un objet et une intention,dactylographiés, nommant le rédacteur et/ou les contributeurs, l’autorité de validation ).

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Ecrire en restant dans son champ de compétence

Qu’il s’agisse d’un écrit produit par un rédacteur unique ou de la contribution collective d’uneéquipe pluriprofessionnelle, il conviendra de circonscrire son propos et les hypothèses, ou lesaffirmations s’y rattachant, au seul domaine de compétence de son statut professionnel et à sesattributions propres, le cas échéant aux termes et attendus d’une mission spécifique. L’emploides formes « on » ou « nous » seront remplacées par le « je » ou une précision sur l’identificationde l’auteur des propos rapportés. L’anonymat doit être proscrit.

Dans le cas d’un écrit à caractère synthétique ou décisionnel, le choix du rédacteur s’attacheraà des caractéristiques statutaires ou missionnelles en rapport avec l’objet de l’écrit et le niveaud’engagement institutionnel sous-tendu.

Respecter l’objet de l’écrit, garder la cohérence du contenu

L’intitulé d’un écrit ( son titre ) donne une indication précieuse de son contenu ou de l’objectifauquel il veut répondre. Cette précision permet de saisir de manière rapide ce qui le fonde, maisaussi de l’intégrer facilement à l’architecture générale du dossier individuel de prise en charge.

Satisfaire dès la rédaction à ces deux fonctions permet de procéder rapidement à la consulta-tion du dit dossier ( usager, représentant légal, professionnels d’un autre service ou d’une autrestructure… ) et/ou à son « alimentation », sa mise à jour par les personnels administratifs.

C’est également pour le rédacteur un cadre de référence lui garantissant d’atteindre son ouses objectif(s) d’écriture.

Rédiger en s’en tenant aux faits et aux observationsSignaler les changements de position du rédacteur, d’où l’on parle et à quel titre

L’exercice consiste à ne rapporter que des faits observables et avérés, ou des éléments issusd’un travail de consultation ou d’entretien étayés par des techniques éprouvées.

Ce principe ne doit pas pour autant appauvrir le discours ou le priver d’apports concrets. Unécrit concis et précis, fondé sur des données objectivées, aura davantage d’impact et d’utilitépour décrire ou améliorer une situation, régler une difficulté, qu’un ensemble de conjecturessans réel fondement.

On se gardera d’un trop fréquent recours à l’interprétation. Cette technique bien particulièreattachée aux professions psychothérapeutiques ne saurait être utilisée sans de sérieuses compé-tences, étayées par un cadre déontologique et des pratiques de supervision.

Le recours à l’hypothèse et/ou au commentaire, bien qu’envisageable, sera systématiquementassorti d’une précision renseignant le destinataire ou le lecteur du changement de registre oude posture du rédacteur. On procèdera de la même manière en cas de recours à l’illustration ouà l’exemple.

S’agissant de la fonction particulière de porte-parole d’un groupe de travail ou d’un collectif,on prendra soin de distinguer ce qui appartient au groupe ou au collectif de ce qui est dit par lerédacteur en particulier.

Ecrire sans perdre le sens et l’engagement

La position de rédacteur ou de contributeur à un écrit professionnel, du fait des enjeux fortsattachés à cette nouvelle culture de l’écrit, ne doit pas faire renoncer à l’usage du «je » et/ou àl’engagement de chacun dans l’expression d’un avis ou d’une conviction professionnellementmotivée.

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Renoncer à cette posture ou se borner à une rédaction lisse et creuse serait en contradictiontotale avec l’esprit de la loi 2002-2 et ne ferait que diminuer au global le niveau de qualité duservice rendu à l’usager.

Il en est de même de de l’amoindrissement du propos, non par défaut rédactionnel, mais partiédeur ou par crainte de voir sa propre responsabilité engagée. Comme cela a déjà été précisé,énoncer un fait, rapporter une observation, émettre une proposition ne peuvent être considérésen soi comme irrespectueux envers les usagers, leurs parents ou leurs représentant légaux. Seulsla véracité et la forme du propos constituent une limite en la matière.

Ecrire dans un cadre collectif « sécurisé »

Cette dimension essentielle attachée à la responsabilité du rédacteur doit trouver de manièresystématique des réponses dans le cadre institutionnel.

En amont de sa formalisation définitive, le document pourra faire l’objet de relectures croiséesou de toute autre forme d’enrichissement ou d’amendement par les membres de l’équipe dontil est l’expression.

En aval, avant son insertion au dossier, sa transmission au(x) destinataire(s) ou sa publication,il sera soumis à la validation d’un membre de la direction ou d’un cadre hiérarchique autoriséà en officialiser la forme et le contenu. Le recours à la double signature ( ou contreseing ) serasystématiquement recherché.

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Quelques éléments de réponseà vos questions

Audrey VIARD

Conseillère technique au CREAI Rhône-Alpes

Au cours de différentes formations effectuées sur cette thématique, un certain nombre dequestions posées par des acteurs de terrain ont émergé.

Quelques éléments de réponse à ces questions sont proposés ici.

Quel est le statut des notes personnelles des professionnels des institutions sociales etmédico-sociales ?

A l’inverse des notes personnelles médicales 1, elles n’ont pas de statut légal. Alors que faut-ilen faire ? Deux hypothèses sont envisageables :– une fois qu’elles ont permis la rédaction d’un document officiel, elles sont détruites ;– elles peuvent éventuellement être conservées le temps de la prise en charge, mais détruitesdès la fin de cette dernière.

Elles ne doivent en aucun cas être conservées et/ou archivées, ni dans l’institution ( car celaconstituerait un double dossier ) ni au domicile des professionnels concernés.

Le secret professionnel : pour qui ?

Il est défini par l’article 226-13 du Code pénal : « la révélation d’une information à caractèresecret par une personne qui en est dépositaire, soit par état, soit par profession, soit en raisond’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000euros d’amende ».

Trois niveaux sont à distinguer :– les professionnels assujettis au secret professionnel de par leur état : par exemple, les prêtres...– les professionnels assujettis au secret professionnel de par leur profession. Dans ce cas, untexte spécifique doit le prévoir : c’est le cas, par exemple, des médecins, des avocats, des assis-tantes sociales...– les professionnels assujettis au secret professionnel de par leur mission : on parle alors desecret professionnel «missionnel». C’est en fonction de la mission qu’un professionnel est ou nonassujetti au secret professionnel : c’est le cas, par exemple, de l’ensemble des professionnels (dela secrétaire au directeur) qui travaillent dans le cadre de l’Aide Sociale à l’Enfance.

Par ailleurs, dans la circulaire relative à la mise en place du livret d’accueil du 24 mars 2004 2 ,il est précisé que « les données autres que médicales sont protégées par le secret professionnelauquel sont tenus l’ensemble des personnels sociaux ou soignants autres que ceux relevant ducorps médical, ainsi que le personnel administratif ».

Bien que cette définition ne soit pas encore reprise dans le Code pénal, elle a le mérite declarifier le débat : tous les professionnels sont assujettis au secret professionnel, quelle que soitleur fonction et/ou mission, et toutes les informations sont concernées par cette obligation.

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Dans quelles conditions des professionnels du secteur social ou médico-social peuvent-ilsse transmettre des informations entre eux sans violer le secret professionnel ?

Le Code pénal définit le secret professionnel mais pas le secret partagé. Néanmoins, il existeune tolérance des tribunaux 3 sur ce point afin de faciliter le travail en équipe et de définir lecadre du secret partagé.

Il faut se reporter à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades 4 pour trouver unedéfinition du secret médical partagé. Ce texte prévoit que, sauf opposition du patient, des pro-fessionnels de santé peuvent échanger des informations relatives à une même personne prise encharge lorsqu’il s’agit d’assurer la continuité des soins ou la meilleure prise en charge sanitairepossible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissementde santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble del’équipe 5. Cet article renvoie expressément aux équipes de soins des «établissements de santé»,juridiquement non assimilables aux structures sociales et médico-sociales. La notion de profes-sionnels de santé s’entend des professions visées par le Code de la santé publique 6.

Néanmoins, en vertu du mode de fonctionnement en équipe pluridisciplinaire des institutionssociales et médico-sociales, la transmission d’informations n’en parait pas moins possible sousréserve de l’interprétation souveraine des tribunaux.

Si l’on transpose cette définition au secteur social et médico-social, des professionnels salariésd’un même établissement pourraient échanger des informations sur un usager accueilli, saufopposition de sa part, lorsqu’il s’agit d’assurer la continuité de la prise en charge ou de définirla meilleure prise en charge possible. Cette réponse suppose, d’une part, d’avoir défini l’équipede professionnels chargés d’accompagner tel ou tel usager et, d’autre part, d’avoir délimité lecontenu de l’information utile à partager au sein de cette équipe.

Quelle est la responsabilité des professionnels en matière d’écrits professionnels ?

Il s’agit ici de savoir si un écrit professionnel peut engager la responsabilité de son auteur et, sioui, de quelle nature elle est. Pour répondre à cette question, rappelons les différents types deresponsabilités : civile, pénale, professionnelle, contractuelle.

La responsabilité civile fondée sur les articles 1382 à 1384 du Code civil permet à la victimed’obtenir l’indemnisation du préjudice subi. C’est sur ce fondement que les titulaires de l’autoritéparentale sont responsables des faits commis par leurs enfants mineurs, notamment parce qu’ilssont a priori solvables.

La responsabilité pénale permet à la victime d’obtenir la condamnation et la sanction de l’au-teur de l’infraction pénale.

La responsabilité professionnelle est liée notamment à l’exécution du contrat de travail et/ouà des règles ou procédures de travail internes.

La responsabilité contractuelle permet de sanctionner notamment la mauvaise exécution oul’inexécution d’un contrat. Cette responsabilité peut être engagée par les parties au contrat deséjour.

Est-ce qu’un écrit peut engager la responsabilité civile de son auteur ?

En principe, l’article 1384 alinéa 5 du Code civil prévoit que l’employeur est responsable desactes commis par ses salariés. De fait, si un écrit devait causer un préjudice à autrui ( invoquantpar exemple la violation de sa vie privée ), ce tiers engagerait en premier lieu la responsabilitéde l’employeur.

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Cette réponse s’explique également pour des raisons financières : en principe, l’employeur acontracté une assurance. Aussi la victime a-t-elle davantage de possibilités d’être indemniséeen engageant la responsabilité de l’employeur plutôt que celle du salarié.

Ceci ne vaut que si le salarié, auteur de l’écrit concerné, n’a pas commis de faute personnelleet que l’écrit est bien un écrit en lien avec sa mission professionnelle telle que définie dans soncontrat de travail.

Est-ce qu’un écrit peut engager la responsabilité pénale de son auteur ?Toute personne ne peut voir sa responsabilité pénale engagée que s’il a commis une infraction

pénale. Le principe est le suivant : « il n’y a pas d’infraction sans texte ». De fait, un écrit ne pourraitengager la responsabilité pénale de son auteur que s’il commet une infraction pénale telle qu’unécrit diffamatoire. Cette hypothèse parait très peu probable.

Est-ce qu’un écrit peut engager la responsabilité professionnelle de son auteur ?Cette hypothèse supposerait une mauvaise exécution du contrat de travail ou le non respect

d’une procédure interne telle que définie dans le règlement intérieur par exemple. Dans le casd’écrits professionnels, il existe en principe une procédure de validation hiérarchique des écrits.Un professionnel qui ne respecterait pas cette procédure pourrait se voir reprocher par sonemployeur une faute professionnelle susceptible de sanction disciplinaire. Cette réponse ne vautqu’à la condition que cette procédure interne soit connue des professionnels concernés.

Est-ce qu’un écrit peut engager la responsabilité contractuelle de son auteur ?Cette hypothèse pourrait être envisagée dans le cadre de l’application du contrat de séjour.

Ce dernier nécessite de la part des professionnels du secteur une nouvelle façon d’écrire : il s’agitdésormais de contractualiser le service rendu aux usagers accueillis.

Le non respect de ses engagements par l’une ou l’autre des parties est alors susceptible demettre en cause sa responsabilité contractuelle. De fait, les engagements pris doivent être peséset la terminologie utilisée dans ce contrat adaptée à d’éventuelles conséquences judiciaires.

1 Cf. article précédent : « Le contenu du dossier des usagers et la place des écrits ».

2 Circulaire n°138 DGAS du 24 mars 2004 relative à la mise en place du livret d’accueil prévu à l’article L.311-4 du

Code de l’action sociale et des familles.

3 En cas de litige, chaque situation sera appréciée par le tribunal compétent.

4 Loi n°2002-302 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, JO du 5 mars 2002.

5 Article L.1110-4 du Code de la santé publique.

6 Professions visées à la quatrième partie de la partie législative du Code de la santé publique, articles L.4111-1 à

L.4381-3. Il s’agit notamment des professions médicales, de la pharmacie, des auxiliaires médicaux : infirmier, kiné-

sithérapeute, psychomotricien, ergothérapeute…

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Apprendre à repérer l’information utile

La transmission d’informations concernant un usager est souvent encombrée de donnéesinutiles qui parasitent la réception et focalisent le lecteur sur des aspects anecdotiques,voire peu conformes au respect du secret professionnel.

Pierre VERDIER recommande de toujours délimiter les informations transmises à des tiersen fonction de trois critères qui organisent « l’information utile » :

ne transmettre que ce qui concerne la mission sociale ou médico-sociale qui dé-finit l’intervention. Par exemple, la mission de protection de l’enfance est différente decelle de l’école, et il n’y a aucune raison de ne pas permettre à l’enfant d’être avant tout unécolier comme les autres dans sa classe. Les informations concernant sa situation familialeet sociale doivent donc être maniées avec discernement et retenue.

n’écrire que ce qui fait avancer le dossier. Il faut éviter la narration évènementielle qui,souvent ne rend compte que de ce qui a frappé l’écrivant, avec une dramatisation inutile.Plus concrètement, lorsque les objectifs du projet personnalisé sont clairement formulés,il suffit le plus souvent de s’y tenir.

ne transmettre qu’avec l’accord de l’usager. La recherche de l’accord de l’usager nesignifie nullement qu’il faille à tout prix être d’accord avec lui sur le contenu. Il s’agit d’abordd’un travail d’information et de poursuite, même concernant l’écrit, de l’effort de prise deconscience et de l’analyse des écarts de perception entre le professionnel et l’usager. Cetteexplicitation, à défaut d’accord, aura au moins permis que l’écrit s’effectue « en présence »de l’usager.

Ces quelques règles constituent un guide pour que l’usager, trop souvent perçu uniquementcomme un « sujet souffrant », puisse accéder aussi au statut de citoyen, « sujet ordinaire » dudroit d’être informé et d’accéder au débat.

directeur de la publication Claude VOLKMAR • responsables de rédaction Audrey VIARD / François DOUEK

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