SEMAINE 4 - VITRAIL - LE TRAITEMENT DE LA LUMIÈRE ...

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SEMAINE 4 - VITRAIL - LE TRAITEMENT DE LA LUMIÈRE : COMPARAISON ENTRE UN VITRAIL CISTERCIEN DE LA FIN DE L'ÉPOQUE ROMANE ET UN VITRAIL DE PIERRE SOULAGES À CONQUES. DANS UN VITRAIL ROMAN Au Moyen-Âge, la lumière n'est pas connue pour être un ensemble d'ondes électromagnétiques, les photons ne sont pas à l'ordre du jour. A cette période, lumière cosmique et Lumière divine sont intimement liées en un va-et-vient incessant de significations et de symboliques. « Que l'âme cherche la Lumière en suivant la lumière. » dit S t Bernard, et à propos du vitrail, il explique : « Comme la splendeur du soleil traverse le verre sans le briser et pénètre sa solidité de son im- palpable subtilité, sans le trouer quand elle entre et sans le briser quand elle en sort, ainsi le Verbe de Dieu, Lumière du Père, pénètre l'habitacle de la Vierge et sort de son sein, intacte. » L'art du vitrail qui s'appuie sur cette lumière, elle-même au centre du sentiment esthétique chez les théologiens médiévaux, trouve donc toute sa place dans les édifices religieux. La lumière cosmique, incolore, qui traverse le vitrail coloré, image de la Parole, lui confère d'abord vertu d'enseignement par les images édifiantes représentées, puis devenue colorée et chatoyante, elle rappelle l'arc-en-ciel, symbole biblique d'alliance entre la terre et le Ciel ainsi que la description de la Jérusalem céleste faite par S t Jean, transformant l'église en une sorte de Jérusalem terrestre. SAINT TIMOTHÉE, ÉVÊQUE D'EPHÈSE VERS 1160. PROVENANCE : CHAPELLE SAINT-SÉBASTIEN DE L'ÉGLISE ABBATIALE SAINT-PIERRE ET SAINT-PAUL DE NEUWILLER-LES-SAVERNE, ALSACE. MUSÉE DE CLUNY - MUSÉE NATIONAL DU MOYEN-ÂGE, PARIS. SOURCE : COMMONS.WIKIMEDIA.ORG

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SEMAINE 4 - VITRAIL - LE TRAITEMENT DE LA LUMIÈRE : COMPARAISON ENTRE UN VITRAIL

CISTERCIEN DE LA FIN DE L'ÉPOQUE ROMANE ET UN VITRAIL DE PIERRE SOULAGES

À CONQUES.

DANS UN VITRAIL ROMAN

Au Moyen-Âge, la lumière n'est pas connue pour être un ensemble d'ondes électromagnétiques, les photons ne sont pas à l'ordre du jour. A cette période, lumière cosmique et Lumière divine sont intimement liées en un va-et-vient incessant de significations et de symboliques. « Que l'âme cherche la Lumière en suivant la lumière. » dit St Bernard, et à propos du vitrail, il explique :

« Comme la splendeur du soleil traverse le verre sans le briser et pénètre sa solidité de son im-palpable subtilité, sans le trouer quand elle entre et sans le briser quand elle en sort, ainsi le Verbe de Dieu, Lumière du Père, pénètre l'habitacle de la Vierge et sort de son sein, intacte. »

L'art du vitrail qui s'appuie sur cette lumière, elle-même au centre du sentiment esthétique chez les théologiens médiévaux, trouve donc toute sa place dans les édifices religieux. La lumière cosmique, incolore, qui traverse le vitrail coloré, image de la Parole, lui confère d'abord vertu d'enseignement par les images édifiantes représentées, puis devenue colorée et chatoyante, elle rappelle l'arc-en-ciel, symbole biblique d'alliance entre la terre et le Ciel ainsi que la description de la Jérusalem céleste faite par St Jean, transformant l'église en une sorte de Jérusalem terrestre.

SAINT TIMOTHÉE, ÉVÊQUE D'EPHÈSE VERS 1160. PROVENANCE : CHAPELLE SAINT-SÉBASTIEN DE L'ÉGLISE ABBATIALE SAINT-PIERRE ET SAINT-PAUL DE NEUWILLER-LES-SAVERNE, ALSACE.MUSÉE DE CLUNY - MUSÉE NATIONAL DU MOYEN-ÂGE, PARIS. SOURCE : COMMONS.WIKIMEDIA.ORG

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En revanche, dans les édifices cisterciens, la lumière, émanation divine, traverse le vitrail inco-lore pour pénétrer, inchangée, « non dénaturée » dans l'église.

Car, en opposition au faste clunisien et à la médiation des images, et pour un retour à plus de simplicité, une ordonnance de St Bernard datant de 1150 précise que les verrières doivent être blanches, sans croix, sans peinture, sans figure. Les motifs qui les composent sont construits à partir d'entrelacs, de formes géométriques ou végétales. Si des variations ont lieu, elles sont uniquement dues aux variations de la lumière du jour. Et même, lorsque à partir de la iie partie du xiiie siècle, les motifs s'enrichissent de peinture à la grisaille et parfois de quelques éclats de verres de couleur, c'est encore une lumière blanche qui arrive dans l'édifice religieux.

AUBAZINE ABBATIALE : VITRAIL CISTERCIEN. SOURCE : WIKIPÉDIA

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DANS LES VITRAUX DE PIERRE SOULAGES À CONQUES

En 1994, dans les 104 ouvertures de l'église abbatiale de Conques en Aveyron, sont posés des vitraux pensés, conçus, créés par Pierre Soulages et réalisés par Jean-Dominique Fleury. Pas de verres de couleur dans cette création et pourtant il n'est aucunement question de vitraux cister-ciens. Cette église, très particulière, a marqué Pierre Soulages par son architecture, ses propor-tions, ses lignes, sa muralité et les différentes nuances de ses pierres mais aussi par son atmosphère et sa lumière. Il souhaite garder tout cela intact. Il précise : « Ma recherche, à Conques, est liée au sentiment que j'éprouvais dans cet espace. Où j'avais envie de me sentir clos. Où je n'avais pas envie que le regard s'égare vers l'extérieur. » Dans sa proposition, Pierre Soulages, on le voit, ne veut pas que ses vitraux trouent le mur ou ressemblent à des tableaux accrochés. Il veut qu'ils accompagnent la muralité du lieu. C'est pourquoi, par exemple, ils ne présentent pas de bordure.

Il explique aussi : « Il est bien évident que les rouges, les bleus, toutes les couleurs violentes que l'on rencontre dans les vitraux gothiques au nord de la Loire ne pouvaient que nuire à la délicatesse de la coloration des pierres et à l'espace intérieur de cet édifice… J'ai tenu à respecter l'identité de ce bâtiment, ne perturber en rien la qualité spécifique de l'espace tel qu'il en découle des dimensions des baies, de leur répartition très particulière. Seule la lumière naturelle m'a paru lui convenir.» Donc, dans la proposition de Pierre Soulages, pas de « magie colorée » comme dans les grandes cathédrales mais bien la lumière naturelle apprivoisée, juste.

« Il me fallait … trouver un verre qui ne soit pas transparent, laissant passer la lumière mais pas le regard un verre à transmission à la fois diffuse et modulée de la lumière… un verre qui n'est pas translucide par un état de surface mais parce qu'il est ainsi dans sa masse…» précise-t-il encore.

Pierre Soulages entreprend alors des recherches pour trouver LE bon verre. Le verre, enfin trouvé, répond au souhait de Pierre Soulages d'une modulation de la translucidité. C'est un verre très technique, obtenu par agglomération de grains de verre très blanc de différents calibres et comportant des zones de cristallisation plus ou moins denses. Les vitraux sont posés, la magie opère, colorée tout en délicatesse, en harmonie avec les pierres de l'abbatiale. En effet, ce verre, pour blanc translucide qu'il est, prend des nuances bleutées par fort éclairage, et des nuances plus chaudes quand l'éclairage est moindre, en fonction de la course du soleil mais aussi de la densité des grains vitrifiés. Et cette variation joue aussi à l'extérieur de l'édifice.

ÉGLISE ABBATIALE DE CONQUES (AVEYRON) : SARCOPHAGES, DANIEL CULSAN, 2012. SOURCE : WIKIPÉDIA

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RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES

→ Site de l'atelier de vitrail Jean-Dominique Fleuryhttp://atelier-fleury.com/

→ Visite virtuelle de l'Eglise Abbatiale de Conques et vues des vitraux de Soulages :http://ecliptique.com/conques/

→ Vidéo : Pierre Soulages présente sa réalisation des vitraux pour l'église de Sainte-Foy deConques dans l'Aveyron. 1994, INAhttp://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01333/pierre-soulages.html

→ Collection « Cartons préparatoires aux vitraux de Conques » et expérimentations autourdu verrehttp://musee-soulages.rodezagglo.fr/oeuvre/les-cartons-de-conques/

→ Conques, les vitraux de soulages, Christian Heck, Pierre Soulages, Jean-Dominique Fleury.Editions du Seuil, juin 1994.

> Pierre Soulages parle : de sa peinture, des vitraux de Conques, de la peinture, Collectif, 2007,Crdp Languedoc-Roussillon.

> Pierre Soulages : Conques, La lumière révélée, Bruno Duborge, 2014Editions Couleurs contemporaines

> Conques : La couleur dans les vitraux de Soulages, Claude Pelissier, 2012, L'Harmattan

> Pierre Soulages : Verre, vitraux de Conques, Collectif, 2010, Actes sud