Sciences Du Sport 1998

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SOMMAIRE Préface 7 LA TRAJECTOIRE DES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES DANS LES SCIENCES DU SPORT : UNE HISTOIRE SANS HISTOIRES…A REDECOUVRIR Pour introduire… 11 Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein Histoire des relations franco-allemandes dans le domaine des sciences du sport 15 Erich Beyer PEDAGOGIE ET DIDACTIQUE DU SPORT ET DE L’EDUCATION PHYSIQUE La pédagogie sportive 21 Knut Dietrich et Gerhard Landau Recherche et pédagogie du sport et de l’éducation physique en France 27 Alain Hébrard Le débat au sujet de l’instrumentalisation dans la pédagogie de l’éducation 37 physique et sportive Karlheinz Scherler Evolution du débat en didactique de l'éducation physique 49 Doris Küpper La didactique de l’éducation physique et du sport en France 59 Chantal Amade-Escot PSYCHOLOGIE DU SPORT ET APPRENTISSAGE MOTEUR La Psychologie du sport en Allemagne 77 Hans Eberspächer La psychologie du sport en France : émergence d'une science appliquée 89 multi-référencée Anne Marcellini Apprentissage moteur 101 Rainer Wollny L'apprentissage moteur : évolutions récentes et perspectives actuelles de la recherche 119 Déborah Nourrit et Didier Delignières 5

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SOMMAIRE Préface 7 LA TRAJECTOIRE DES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES DANS LES SCIENCES DU SPORT : UNE HISTOIRE SANS HISTOIRES…A REDECOUVRIR Pour introduire… 11

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein Histoire des relations franco-allemandes dans le domaine des sciences du sport 15

Erich Beyer PEDAGOGIE ET DIDACTIQUE DU SPORT ET DE L’EDUCATION PHYSIQUE La pédagogie sportive 21

Knut Dietrich et Gerhard Landau Recherche et pédagogie du sport et de l’éducation physique en France 27

Alain Hébrard Le débat au sujet de l’instrumentalisation dans la pédagogie de l’éducation 37 physique et sportive

Karlheinz Scherler Evolution du débat en didactique de l'éducation physique 49

Doris Küpper La didactique de l’éducation physique et du sport en France 59

Chantal Amade-Escot PSYCHOLOGIE DU SPORT ET APPRENTISSAGE MOTEUR

La Psychologie du sport en Allemagne 77

Hans Eberspächer La psychologie du sport en France : émergence d'une science appliquée 89 multi-référencée

Anne Marcellini Apprentissage moteur 101

Rainer Wollny L'apprentissage moteur : évolutions récentes et perspectives actuelles de la recherche 119

Déborah Nourrit et Didier Delignières

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SOCIOLOGIE DU SPORT

Sociologie du sport en Allemagne 133 Gunter A. Pilz

Emergence et trajectoire d’une sociologie des pratiques sportives et ludosportives 143

Charles Pigeassou HISTOIRE DU SPORT Etat actuel et tendances de l'histoire du sport en Allemagne 157

Giselher Spitzer Histoire du sport et de l’éducation physique 171

Jean-Michel Delaplace Thématiques de l'historiographie du sport en France et en Allemagne (1980-1990). 181 Une comparaison interculturelle

Otto J. Schantz et Eva C. Trumpp POUR EN SAVOIR PLUS SUR L'EDUCATION PHYSIQUE ET LE SPORT EN ALLEMAGNE Education physique et sport en Allemagne : organisation et orientations 191

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein Adresse des Instituts en sciences du sport 213

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PREFACE

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LA TRAJECTOIRE DES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES DANS LES

SCIENCES DU SPORT : UNE HISTOIRE SANS HISTOIRES… A

REDECOUVRIR.

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Erich Beyer

HISTOIRE DES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES DANS LE DOMAINE DES SCIENCES

DU SPORT

Erich Beyer

Lors de la rétrospective consacrée aux relations franco-allemandes dans les domaines du sport, des sciences du sport et de l'éducation physique au symposium d'histoire du sport, en 1992 à Montpellier, Bertrand During qualifia ces relations de "dialogue de sourds". Par là, il voulut exprimer "que les mêmes catégories appliquées à des réalités différentes ou des catégories différentes appliquées à des réalités semblables n’avaient fait qu’accroître les malentendus" et il conclut que nous devions parvenir à un échange réciproque, aussi large que fructueux, pour surmonter les fausses similitudes. Pendant les intenses échanges développés lors de l’élaboration du dictionnaire trilingue des sciences du sport (éditeur : Erich Beyer, Schorndorf, 1992, 2ème édition), le risque de malentendus, dû à l’usage de concepts semblables dans des environnements socioculturels différents, est apparu clairement à Bertrand During et aux experts français et allemands, lorsqu’il s’avéra nécessaire de préciser la compréhension des termes et des notions dans la terminologie française et allemande, par des notes complémentaires aux définitions conceptuelles particulières. Les travaux préliminaires pour ce dictionnaire ont constitué l’un des rares exemples de coopération directe à un projet franco-allemand dans les sciences du sport.

Pour ne pas laisser se développer le risque évoqué ci-dessus et transformer le dialogue de sourds en véritable coopération, toute une série d’initiatives, la plupart encouragées par l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse (OFAJ), ont été développées dans les domaines du sport et des sciences du sport, particulièrement depuis la signature du traité d’amitié franco-allemand, en 1963. Dans un premier temps, il s’agissait principalement d’établir des relations personnelles et des échanges d'informations, au sujet des questions d’organisation. Cette double tâche, orientée vers la formation des professeurs de sport, a été accomplie en 1967 à Karlsruhe par un séminaire franco-allemand des directeurs des Instituts d’Education Physique en République Fédérale Allemande et des directeurs de CREPS en France.

Un an plus tard, de nouveau à Karlsruhe, les questions liées à la formation des professeurs de sport furent le thème d’un séminaire franco-allemand destiné aux pédagogues du sport. Les stratégies de développement des structures dans les deux pays y furent présentées et discutées. A l’époque déjà, la question de la reconnaissance mutuelle de diplômes d’études dans la formation des activités physiques et sportives constituait une condition importante pour une coopération transfrontalière dans le domaine de l’enseignement du sport, à l'école comme dans les clubs.

L’échange d’idées ne fut pas réduit aux seules questions d’organisation. L’intérêt commun pour des sujets de pédagogie sportive prit toujours le pas sur les autres thèmes. Aussi, dès la seconde rencontre des directeurs français et allemands des centres de formation de professeurs de sport, en 1968 à Voiron, les questions didactiques et méthodologiques furent au centre des discussions. Evoquons à ce sujet les deux séminaires ultérieurs qui se sont occupés de questions spécifiques de pédagogie du sport. D’une part, un colloque de pédagogues du sport français et allemands, en 1975 à l’académie protestante de Tutzing où, au-delà de la situation du moment, on traita le thème : "problèmes spécifiques de la formation actuelle et future des professeurs de sport".

Un an plus tard, un cercle d’experts semblables se réunit à Chamonix, pour aborder des questions spécifiques de l’enseignement du sport, au niveau du premier cycle secondaire

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Erich Beyer

(collège). C’est lors de cette rencontre que fut mis à la disposition des participants un glossaire très utile de termes relevant de la pédagogie du sport, édité par l’OFAJ (Réédition.: Uli Joeres et Horst Wegmann).

Parmi les multiples efforts initiés pour intensifier la coopération franco-allemande dans les domaines de la formation des professeurs, de l’éducation du sport et des sciences du sport, signalons aussi le voyage d’études accompli, en 1968 en République Fédérale Allemande, par des inspecteurs français d’éducation physique.

Ces rencontres franco-allemandes, présentées brièvement ici, et relatives à des questions de pédagogie du sport, ont conduit, par delà les limites inhérentes à de tels colloques et conférences, à toute une série de jumelages entre centres de formation des professeurs de sport en Allemagne et en France. Ces initiatives ont contribué à la transformation des discussions théoriques sur la réalité de la pédagogie du sport.

En résumé, depuis les années 1960, les colloques franco-allemands se sont d’abord occupés de questions d’organisation puis, très intensivement aussi, de questions de pédagogie du sport.

Des approfondissements particuliers sur l'élargissement des connaissances relatives au développement et à la situation du sport, de l’éducation du sport et des sciences du sport, furent réalisés lors des symposiums d’histoire du sport et de pédagogie du sport, rencontres importantes pour la compréhension de l’évolution historique des deux pays. La première amorce pour initier de tels symposiums d’histoire du sport, émana de Horst Ueberhorst de Bochum et de Jacques Thibault de Bordeaux. Grâce à ces actions, les historiens du sport, allemands et français, se rencontrèrent une première fois à Bad Godesberg, en 1978. La rencontre fut encouragée par le DAAD (service d’échange académique allemand). Le thème "pionniers du sport et de l'éducation physique, en Allemagne et en France" donna l’occasion de présenter l’œuvre et les idées d’hommes tels que François Amoros, Georges Demeny, Philippe Tissié, Georges Hébert, Pierre de Coubertin, d’une part, et de J. Chr. GutsMuths, F. L. Jahn, A. Spieß et C. Diem, de l’autre.

Encouragés par les échos positifs des participants des deux pays, une nouvelle conférence franco-allemande sur l’histoire de sport fut à nouveau organisée sous la direction de J. Thibault et H. Ueberhorst, en 1980, à Paris. La particularité de cette conférence résida dans la tentative de familiariser des étudiants en éducation physique, allemands et français, à la discussion de questions d’histoire du sport et de méthodes de travail. Ainsi, 25 étudiants en éducation physique allemands et français participèrent, de part et d’autre, aux travaux en côtoyant des historiens du sport, allemands et français.

La série des colloques d’histoire du sport fut poursuivie en 1983 à Karlsruhe, à l’occasion du 20ème anniversaire de l’OFAJ. Les exposés et les discussions tournèrent autour du thème "Le sport entre le nationalisme et l’internationalisme". A côté des historiens du sport, des représentants célèbres du mouvement sportif international, de même que du sport allemand et français, prirent la parole à Karlsruhe : Mme Monique Berlioux (C.I.O.), Nelson Paillou (Président du C.N.O.S.F.), Walter Tröger (Secrétaire général du Comité Olympique Allemand), KarlHeinz Giseler (Secrétaire Général de la Fédération du Sport allemand - DSB). L’exposition "Le sport dans l’Allemagne national-socialiste", mise en place par Horst Ueberhorst, compléta le programme.

C’est cette discussion critique sur les approches de l’histoire du sport qui a été reprise lors du dernier symposium d’histoire du sport qui s'est tenu en 1992 à Montpellier. Le symposium, dirigé par Gerhard Treutlein et Jean-Michel Delaplace, se centra sur le thème "influences réciproques entre l’Allemagne et la France dans le domaine de l’éducation physique et du sport, entre 1930 et le début des années 1960". Les contributions, d’un très

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Erich Beyer

grand intérêt pour les deux parties, sont publiées dans un ouvrage édité en langue allemande et française.1.

Dans les autres domaines théoriques des sciences du sport (la médecine, la psychologie, la sociologie du sport, la cinétique et la biomécanique, les sciences de l’entraînement et l’économie du sport), la coopération franco-allemande ne s'est pas développée. En rapport à l'histoire, force est de constater qu'un grand besoin de rattrapage est nécessaire. Dans cette situation, un large éventail de champs théoriques pourrait s’ouvrir. Même si les méthodes de recherches dans les domaines théoriques sont définies de part et d’autre, il ne peut être exclu que des différences, eu égard aux objets de recherches et aux tendances de l’évolution en Allemagne et en France, apparaissent. Ces ouvertures sont susceptibles d'être relevées et débattues dans les sciences du sport, jusqu'à servir d'impulsion à des projets de recherches communs. Ainsi, on sortirait de la phase d’information réciproque pour entrer dans une phase de recherche commune.

Une amorce de dialogue franco-allemand, élargie dans le domaine des Sciences du sport, est lancée par le présent travail qui précise l’état des domaines théoriques des sciences du sport, dans le secteur des sciences sociales et humaines en Allemagne et en France. Texte traduit par : René Maeder

1 L’édition du livre a été subventionné par l’OFAJ. Les organisateurs ont un mérite particulier d’avoir publié pour la première fois une telle documentation sur un symposium franco-allemand d’histoire du sport (Spitzer, Treutlein, Delaplace : Sport und Sportunterricht in Frankreich und Deutschland in zeitgeschichtlicher Perspektive. Aachen 1994, et Delaplace, Treutlein, Spitzer : Le Sport et l’éducation physique en France et en Allemagne. Contribution à une approche socio-historique des relations entre les deux pays. Editions AFRAPS 1994).

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PEDAGOGIE ET DIDACTIQUE DU SPORT ET DE

L’EDUCATION PHYSIQUE

Les limites entre la pédagogie et la didactique demeurent peu définies bien qu'en voie de clarification. Dans le domaine de l'activité corporelle, la terminologie française (pédagogie de l’éducation physique et sportive et didactique de l’éducation physique et sportive) diffère de la terminologie allemande (théorie de l'éducation physique, éducation physique, pédagogie du sport, didactique du sport). Ce constat met en évidence des différences sémantiques qui renvoient à des différences culturelles et à des conceptions différentes de la culture corporelle. En Allemagne, une liaison étroite s'est développée pendant des décennies entre le sport (à travers le mouvement sportif) et les sciences du sport avec pour conséquence un changement de termes au cours de l’année 1970. Il portait sur le passage "d’éducation physique et sportive" ou "activité physique et sportive" à "enseignement du sport" et à la notion de sciences du sport. En France, les enseignants d’EPS ont su conserver une distance critique envers le sport malgré des tentatives politiques de rapprochement. Cette séparation recoupe des objectifs et des finalités différenciées qui constituent un héritage dans chacune des cultures. L' éducation physique et sportive désigne tout à la fois une matière d'enseignement à l’école et renvoie à une approche pédagogique en France.

Les différents articles rassemblés permettent de bien appréhender les domaines scientifiques que recoupent pédagogie et didactique dans l'univers scientifiques français. Ils mettent également en évidence comment se sont articulés dans la réflexion scientifique les déplacements terminologiques. Les débats et les tensions liés aux changements d'orientations qui se sont manifestés en Allemagne reçoivent un éclairage particulièrement pertinent pour mesurer comment la culture sportive pénètre la société.

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Knut Dietrich et Gerhard Landau

LA PEDAGOGIE SPORTIVE

Knut Dietrich et Gerhard Landau

1. De l'Education Physique à la pédagogie sportive

L'introduction du terme "pédagogie sportive" (Sportpädagogik), vers 1970, marque un tournant important dans le champ disciplinaire. Les concepts rassemblés sous le terme "Théorie de l'Education Physique" (Theorie der Leibeserziehung) et influencés par la "Bildungstheorie"1 (Hanebuth 1961; Paschen 1961; Bernett 1962; Schmitz 1967; Mester 1969) voyaient leur époque s'achever. La pédagogie sportive prit leur place et s'incorpora comme discipline au sein des sciences du sport en plein développement, au même rang que la sociologie du sport, la psychologie du sport ou la médecine du sport.

La Théorie de l'Education Physique s'était construite principalement en relation avec la formation des enseignants et dans le cadre de sa rationalisation. Dans cette tradition, les concepts de l'Education Physique étaient influencés par la pédagogie générale et la didactique. En classant la pédagogie sportive au sein des sciences du sport, il devenait nécessaire de la positionner également à l'extérieur du domaine scolaire, de telle sorte qu'elle fasse partie aussi bien des sciences de l'éducation que des sciences du sport. Au début des années 1970, le mot "sport" est devenu, naturellement et sans véritable débat, à la fois l'objet d'une matière d'enseignement scolaire (Sportunterricht), d'une science avec ses diverses disciplines (Sportwissenschaft), et une branche de la pédagogie (Sportpädagogik). Le sport rassembla sous le même terme une série d'objets qui précédemment, dans la Théorie de l'Education Physique, étaient différenciés. Ces éléments de la culture motrice, comme le Turnen2, la gymnastique, la danse et les jeux, qui dans la catégorisation de l'Education Physique trouvaient leur place à côté et au même rang que le sport, deviennent une partie de celui-ci. Englobés dans l'organisation du "mouvement sportif allemand" (Deutsche Sportbewegung), sous l'égide de la fédération sportive allemande (Deutscher Sportbund), le Turnen, la gymnastique, la danse et les jeux sont sportivisés, perdant ainsi leurs caractères spécifiques, culturellement et historiquement fondés.

Dans l'assimilation idéologique par le national-socialisme de l'Education Physique à un entraînement corporel, les formes élémentaires de l'Education Physique - Turnen, gymnastique, jeux et sport - telles qu'elles avaient été définies par Bernett, avaient déjà perdu leur poids culturel. Leur restauration dans l'Education Physique scolaire, demandée par Bernett, échoua (Bernett, 1962). La disparition de la distinction entre ces formes de base, entamée sous le Troisième Reich, fut donc achevée ensuite, du fait du poids politique de la culture sportive.

Avec l'importance croissante des compétitions sportives internationales, et à travers la comparaison entre les occidentaux et les régimes de l'Est, le sport devenait un ambassadeur des sociétés et des Etats, connaissant ainsi une revalorisation socio-politique générale. Le Deutsche Sportbund, en tant que confédération sportive nationale, se définissait alors, et se définit encore aujourd'hui, comme mandataire des intérêts du mouvement sportif, intérêts

1 Note du traducteur : la "Bildungstheorie" est un courant didactique né en Allemagne à la fin des années 1950, lié au nom de Wolfgang Klafki, et qui a fortement influencé l'éducation physique scolaire dans les années 1960. 2 Note du traducteur : le mot "Turnen" a deux sens: à l'origine, il désigne la méthode allemande de gymnastique aux agrès, ainsi nommée par son fondateur, Friedrich Ludwig Jahn. C'est le sens qu'on lui attribue généralement en France, et sous lequel il est employé ici. Aujourd'hui, les allemands désignent également par ce mot la gymnastique sportive, discipline olympique.

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qu'il gère avec efficacité dans tous les domaines de la société, y compris dans l'éducation nationale.

Après la période dominée par la didactique plutôt traditionaliste de la Bildungstheorie, un autre courant gagne en influence, se disant moderniste et qui vise à placer l'école et l'Education Physique au service du sport allemand. La détection et l'encouragement des talents, le renouvellement des modes de compétitions scolaires et la création du mouvement "la jeunesse s'entraîne pour les J.O." (Jugend trainiert für Olympia), l'adaptation des équipements scolaires aux normes des fédérations sportives, sont des signes tendant à montrer que les mots "éducation physique" et "sport scolaire" désignent depuis lors le mode d'organisation du sport à l'école (Dietrich 1972). Dans le cadre de la "théorie programmative de l'enseignement" de Weniger3, il devenait possible pour le sport, en tant que puissant phénomène de société, d'asseoir son influence sur les programmes scolaires et les contenus d'enseignement (curriculum).

Ce mouvement d'un "traditionalisme pédagogique" vers un "modernisme pédagogique" n'est pas sans conséquence pour l'éducation physique et le sport scolaire, qui demeurent le champ de référence privilégié pour la pédagogie sportive.

Avec le déclin de la Théorie de l'Education Physique, la discipline scolaire perd des outils pour le choix et l'analyse des contenus d'enseignements. Ces derniers sont désormais introduits de l'extérieur, calqués sur les critères en place dans les compétitions sportives scolaires, comme par exemple les "Jeux Nationaux des Jeunes" ("Bundesjugendspiele") et "la jeunesse s'entraîne pour les J.O.". La nécessaire distance entre les contenus scolaires et le sport en tant que phénomène de société se réduit ainsi considérablement. Auparavant, on établissait une distinction précise entre "exercices physiques" et "sport", comme entre "éducation physique"4 et "exercices physiques", et on examinait au sein des analyses et des programmes didactiques chaque contenu d'enseignement au regard de sa valeur formative. Dorénavant, le sport est conçu à la fois comme contenu et comme but de l'éducation physique.

Toutefois, au cours des deux dernières décennies, la nécessité pour la pédagogie sportive de prendre un recul critique vis-à-vis de son objet fut toujours admise, et partiellement prise en compte. Malgré ceci, la pédagogie sportive n'a toujours pas, à l'heure actuelle, reconquis la cohérence théorique qui, sans nier les critiques légitimes qui lui étaient adressées, caractérisait la Théorie de l'Education Physique. Dans le cadre de ces efforts de distanciation, la pédagogie sportive a fondé l'espoir, à la fin des années 60, de construire grâce à la nouvelle théorie "curriculaire" un instrument pour l'examen critique aussi bien des contenus traditionnels que des attentes de la puissante et contemporaine politique sportive. De tels vœux restèrent pieux, car les concepts d'élaboration des curriculum, en principe démocratiques, furent interprétés de façon technocratique et conformiste, et placés sous le contrôle de l'Etat, lequel entretenait des liens étroits avec les organisations sportives (Dietrich 1972).

Les espoirs de voir évoluer la société sous l'effet de la formation, accrus à l'époque par une sorte d'euphorie éducative, furent déçus. La tentative de transformer le "modernisme

3 Note du traducteur : cette théorie, à l'origine en opposition à la "Bildungstheorie" de Klafki, jette les fondements de la pédagogie du "développement curriculaire" (à laquelle est également souvent associé le nom de Robinsohn). L'opposition entre la Bildungstheorie et la Curriculumtheorie a dominé les débats sur l'enseignement en Allemagne Fédérale à la fin des années 1960 et au début des années 1970. 4 Note du traducteur : le mot désigne ici la notion d'éducation physique. Nous lui avons mis des majuscules (Education Physique) lorsqu'il renvoie à la discipline d'enseignement scolaire. Celle-ci, aujourd'hui appelée en France "E.P.S.", a vécu en Allemagne Fédérale un changement de dénomination : de "Leibeserziehung" (litt. éducation physique), elle devient "Sportunterricht" (litt. enseignement du sport) au début des années 1970. Aussi, le concept central de l'article (Sportpädagogik), que nous avons traduit "pédagogie sportive" par souci de respecter la spécificité culturelle allemande, recouvre en grande partie les débats qui en France animent la "didactique de l'E.P.S.".

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pédagogique" en "utopisme pédagogique" échoua, en raison du contexte politique baignant le sport et la formation. Celui-ci imposa à la pédagogie sportive de n'être qu'une "théorie de l'enseignement sportif" (Théorie des Sportunterrichts), chargée de la diffusion des sports dans et par l'école. En cela, elle reçut la même mission que les autres branches des sciences du sport: contribuer, chacune à sa manière, au développement du sport, tel qu'il est organisé par les fédérations sportives à l'échelon international, national ou à celui du club.

Bien que ce contexte favorise l'essor (à partir de 1965) des sciences et de la pédagogie du sport, il est toutefois incontestable qu'en adoptant une démarche aussi fonctionnelle et en se soumettant aux intérêts du lobby sportif sans chercher au-delà, la discipline scie la branche sur laquelle elle est assise.

Les sciences et la pédagogie du sport ont aujourd'hui de bons arguments pour se distancier de leur objet. Quelques-uns sont fournis par l'objet lui-même et sa définition. D'abord, le sport est plus hétérogène et multiforme que sa définition officielle ne l'indique. Autant l'acception du sport, définie par rapport aux termes "Turnen", "gymnastique", "jeux" et "danse", était relativement claire selon le point de vue des théoriciens de l'éducation physique, autant elle s'élargit et se dilue fortement depuis que l'appellation "sport" englobe tous les exercices physiques. Celle-ci recouvre aujourd'hui des notions différentes : "sport" au sens étroit désigne une activité compétitive, réglementée, et organisée dans un club, dans laquelle le pratiquant sacrifie sa satisfaction immédiate et s'entraîne en vue d'une performance future, mesurable ou susceptible d'être jugée.

Mais l'élargissement du terme à toutes les exercices physiques en rend nécessaire une acception plus vaste, qui englobe toutes les activités délibérées dans lesquelles l'être humain s'engage corporellement dans un rapport avec son environnement, du jogging aux jeux de loisirs et de la pêche à l'équitation. Ici, le sport ne s'arrête plus aux activités corporelles organisées par les clubs et les fédérations, ou initiées par eux, comme le courant "Trimmbewegung"5, mais s'étend des offres commerciales jusqu'aux pratiques individuelles.

Il n'est également plus possible de restreindre le sport à ses seules manifestations externes, d'individus engagés dans des pratiques. La genèse et l'état actuel des perpétuels évènements sportifs ne se comprennent que dans le contexte d'un système social aux ramifications multiples dans la politique, l'économie et la communication de masse. Si ces ramifications sont constitutives de l'objet sportif, alors elles ne doivent pas être écartées dans la définition qu'en retiennent les sciences et la pédagogie du sport.

L'hétérogénéité, la diversité et l'imbrication des activités sportives pose à nouveau la question : quel sport doit être enseigné, et dans quel contexte pédagogique (le milieu scolaire par exemple) ? Les différents sports voulant tous assurer leur pérennité en figurant dans les programmes scolaires, certaines fédérations exercent des pressions pour y parvenir. Et s'il n'existe pas de critère pédagogique, le succès de leurs efforts sera souvent dépendant de leur puissance financière ou politique. On peut citer ici, à titre d'exemple, les tentatives de certaines fédérations - football, hockey, tennis - d'obtenir une place aux côtés des sports traditionnellement établis, comme l'athlétisme, la gymnastique sportive (Turnen6) ou la natation.

Mais, le besoin de préciser les contenus d'enseignement ne se limite pas à arrêter un choix parmi les nombreuses pratiques sportives. Le développement du sport lui-même, avec ses exagérations, ses imbrications politiques mondiales, ses dérapages et ses aspects éthiquement condamnables, force la pédagogie sportive à la circonspection. Les contenus d'enseignement ne peuvent donc pas découler directement des pratiques sportives. La pédagogie du sport doit nécessairement entreprendre une réflexion sur certains thèmes, comme la soumission d'enfants et d'adolescents ayant des besoins éducatifs au service des 5 Note du traducteur : pratiques organisées en Allemagne Fédérale dans le milieu associatif, visant à développer la forme et la santé. 6 Note du traducteur : Turnen est ici employé au sens de "gymnastique sportive" (cf. note 2).

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intérêts du sport - cf. le débat sur l'enfant et le sport de haut niveau - ou l'acceptation de dommages corporels au nom de la performance sportive (cf. les efforts internationaux et nationaux dans la lutte contre le dopage).

Un autre argument rend enfin nécessaire une nouvelle orientation de la pédagogie sportive. Il s'agit du développement de certaines branches des sciences du sport qui reconstruisent par leur démarche l'objet sportif, l'insèrent dans de nouveaux cadres et en proposent des éclairages scientifiques particuliers. La programmation du sport à tous les niveaux, de la maternelle à l'université, est fortement influencée par l'accumulation de ces connaissances (Kurz 1979), qui peuvent même à leur tour devenir objet d'enseignement.

D'une façon générale, les pédagogues du sport ont réussi à se distancier de leur objet, grâce à l'examen du phénomène sportif au travers de théories et d'approches qu'ils jugeaient fécondes. Ces nombreuses tentatives, conduites dans la tradition de l'Education Physique en prenant appui sur des positions anthropologiques, sont, en principe, pertinentes. Mais elles ne peuvent aboutir que si la démarche s'enrichit d'une approche socio-anthropologique, à même de concevoir le sport et la culture motrice comme un système global. Du choix d'une position théorique résulte, en définitive, la caractérisation d'un objet de recherche pour la pédagogie sportive. 2. La pédagogie sportive se considère comme discipline scientifique

La propre vision par la discipline de son caractère scientifique est étroitement liée à la définition qu'elle choisit de son objet d'étude. Si l'on part de l'idée que la pédagogie sportive est responsable, d'une façon élargie, de tous les aspects touchant au mouvement et à la corporéité dans l'éducation de l'être humain, il devient difficile pour elle de spécifier avec précision cet objet. La pédagogie sportive doit-elle alors opter pour la position générale considérant l'homme comme un être corporel doté d'une motricité grâce à laquelle il établit des liens avec son environnement physique et social, ou bien doit-elle opérer une sélection a priori en limitant le champ éducatif au domaine du "sport" ? Comme le terme même "pédagogie sportive" l'indique, un grand nombre d'acteurs dans la discipline penchent pour le dernier choix. Ils justifient cette position en voyant dans le sport moderne l'expression d'une culture motrice en relation avec l'industrialisation et l'urbanisation, soutenus en cela par les promoteurs habituels de la civilisation industrielle et urbaine (Kurz 1979).

Une telle définition, qui considère le sport moderne comme une culture motrice dotée de vertus formatives pour chacun des membres de nos sociétés hautement technologiques, peut réduire la problématique de la pédagogie sportive au phénomène "sport", en éludant les questions fondamentales de la légitimité et de la signification du sport pour l'être humain : par exemple quels objectifs formatifs sont poursuivis par le sport (Grupe 1969) ? Quel sens est attribué à l'activité sportive dans le développement corporel à chaque âge de la vie ? Du point de vue de l'enseignement, quelles conditions permettent la poursuite de l'activité sportive à l'âge adulte, etc. ? (Kurz 1979). Pour une telle conception de la pédagogie sportive se pose d'abord le problème de délimiter les types d'activités ou de pratiques motrices à inclure dans le domaine du "sport". Au delà, la pédagogie sportive se doit de rester attentive à l'évolution culturelle du sport, pour effectuer des corrections dans le cas où ce dernier ne répond plus aux attentes qu'il suscite (Kurz 1979).

Mais le handicap de cette position réside dans le fait qu'une pédagogie sportive ainsi fondée ne peut qu'à posteriori dépister et corriger d'éventuels errements du phénomène sportif. Une double difficulté se pose ici. Au vu tout d'abord de la popularité du sport et de son image, diffusée par les médias et lui donnant un statut d'évènement légitime, une prise de position critique a peu de chance de trouver un écho dans le public. De plus, elle serait contradictoire avec le but que s'assigne la pédagogie sportive, d'accroître la popularité du sport en tant qu'offre de la culture motrice. D'autre part, cette position ne peut que difficilement être acceptée par toute une branche des sciences du sport, dont le but est

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l'amélioration de la performance dans la motricité sportive, dans la mesure où elle met en cause, pour des raisons pédagogiques, la soumission complète de l'enseignement à cette cause, par exemple sur le thème "l'enfant et le sport de haut niveau".

La pleine acceptation du sport comme objet d'enseignement conduit à adopter des modèles théoriques "simplistes" (Rittner 1979) de la pédagogie sportive, tentant par exemple de le légitimer en le présentant comme "somme de la vie en miniature", comme moyen de compensation à la fois des déficits de la vie quotidienne et de diverses carences : déficit d'activité corporelle, d'expériences immédiates, de performances imputable à soi-même, d'excitation, d'aventure et de stress positif dans un monde assuré et ennuyeux, de contacts personnels autant que corporels (Kurz 1979, 26). Dans un monde technicisé, le sport se voit attribuer un rôle de compensateur culturel, et constitue ainsi légitimement à lui seul un programme pédagogique.

En raison de l'hypothèse fondamentale, apparemment admise, selon laquelle le phénomène sportif est le fidèle reflet de l'évolution des sociétés industrielles modernes, l'analyse que fait de son objet la pédagogie du sport ne peut porter que sur des aspects "internes", tandis que le concept même de motricité sportive, thématisant pourtant les problèmes de corporéité et de motricité dans une perspective historique, reste à l'écart de toute discussion.

Il est incontestable que le phénomène sportif a pris de plus en plus d'importance dans le monde moderne. Mais cela ne nécessite-t-il pas justement une pédagogie sportive qui s'en distancie, de façon à ne pas relayer l'image d'un sport paré de toutes les vertus ? De deux façons au moins, la pédagogie sportive doit élargir son objet d'enseignement si elle veut rendre justice au fait anthropologique fondamental qu'est la corporéité humaine. Dans un sens étroit, il s'agit d'examiner le sport d'un point de vue institutionnel. Le fait justement que le sport se soit fortement établi, dans la société industrielle, comme un système social parmi d'autres, reflète aussi bien son interdépendance que sa dynamique propre. Cette interaction ne peut rester sans conséquence. Il faudrait par exemple analyser :

- comment la commercialisation du sport, comme offre de biens et de services, se répercute sur le rapport au corps ? Quelle image du corps et quelle conception de la corporéité elle véhicule ?

- quels effets produit l'inclusion du sport institutionnalisé dans la gestion et la planification des locaux ? Ou encore comment est influencée la conception de la motricité par le fait que l'on construise des environnements particuliers pour le sport ?

- qu'implique, pour les différents groupes d'utilisateurs, l'assujettissement des locaux (gymnases, piscines...) et du matériel aux normes définies par le sport ? Mais, il faut aussi examiner le sport institutionnalisé dans sa dynamique propre, pour

mettre éventuellement en question les structures particulières qui se sont dégagées et comment celles-ci influencent les acteurs potentiels du système. Ce n'est qu'en répondant à de telles questions que l'on pourra juger si l'utilisation pédagogique du sport relève d'une conception pertinente de la motricité, destinée à tous les individus, et quelle contribution spécifique le sport peut apporter au développement humain.

Dans un sens plus large, les termes fondamentaux du problème de la pédagogie sportive doivent s'orienter vers la socialisation du corps et de la motricité de chaque personne dans ses conditions particulières d'existence (Lebenswelt). Une telle approche de la motricité, que l'on peut qualifier de socio-écologique, devrait en effet s'accompagner d'une analyse systématique des conditions de vie dans chaque tranche d'âge ou groupe social, de façon à se doter d'une image adéquate des réalités corporelles et motrices des individus dans notre monde, comme des restrictions qui affectent la corporéité.

Les exemples choisis de tâches à entreprendre devraient suffire à convaincre de la nécessité d'élargir le champ de notre matière d'enseignement. Ainsi, outre le constat de la prééminence du sport dans la culture, deux autres points de référence essentiels devraient être pris en compte dans la constitution de l'objet de la pédagogie sportive :

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Knut Dietrich et Gerhard Landau

- le phénomène "motricité", c'est-à-dire le fait anthropologique que les êtres humains s'approprient le monde au travers d'une relation motrice et,

- le rapport à leur corps que les individus construisent dans ce processus d'appropriation, en relation avec leur situation socio-historique spécifique.

Texte traduit par Stéphanie Schell et Olivier Faucon

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Alain Hébrard

RECHERCHE ET PEDAGOGIE DU SPORT ET DE L’EDUCATION PHYSIQUE EN FRANCE

Alain Hébrard

1. Sciences et pédagogie

1.1. L’appel aux sciences

"C’est dans et par la recherche que le métier de maître cesse d’être un simple métier et dépasse le niveau d’une vocation affective pour acquérir la dignité de toute profession relevant à la fois de l’art et de la science, car les sciences de l’enfant et de sa formation constituent plus que jamais des domaines inépuisables" (Piaget 1969).

L’exigence de la recherche apparaît très tôt dans la réflexion pédagogique. J.A. Comenius (moitié du XVIIe siècle), J.F. Herbart et A. Cournot (début XIXe) souhaitent déjà une pédagogie expérimentale, mais ce n’est que vers la fin du XIXe siècle, avec les progrès considérables des laboratoires de psychologie expérimentale qu’apparaît avec force l’idée d’une recherche pédagogique considérée comme un prolongement de la recherche psychologique. Mais, le pédagogue est peu formé aux techniques de la recherche. Cet état de fait, qui se prolonge paradoxalement jusqu'à nos jours, met le pédagogue en position de dépendance vis à vis du psychologue qui lui, n’a pas la responsabilité de l’action. Dès que le fait pédagogique est perçu comme multidimensionnel, ne pouvant se réduire au seul fait psychologique, la tutelle s’étend. Elle devient biologique, sociologique et historique. Binet, dès 1911, montre que la recherche pédagogique peut bénéficier des résultats acquis et des méthodes utilisées dans la recherche scientifique. Durkheim (1922) lui fait écho quelques années plus tard : la pédagogie cette "théorie pratique", cette "réflexion rationaliste" qui tient en haleine l’éducation pour l’empêcher de tomber sous le joug des habitudes, doit chercher dans la psychologie et la sociologie, les principes pour la conduite ou la réforme de l’éducation.

La recherche pédagogique, ainsi que l’a souligné Mialaret (1969), est dans l’obligation de faire appel aux différents domaines scientifiques si elle se donne pour but l’amélioration et même l’innovation en matière de situation éducative, car cette "attitude dynamique" nécessite une analyse qui dépasse la simple description statique des faits.

1.2. Une éthique incontournable Progressivement, le dogme de la toute puissance de la raison est venu remplacer une

pensée normative qui se nourrissait d’intentions et d’expériences immédiates. Hameline (1970) a montré comment cette évolution est liée au désir de l’enseignant

d’apporter la preuve du bien fondé de son action et de ses innovations. Mais, cet appel à la science s’accompagne trop souvent d’une illusion technicienne ; il réanime le mythe de l’objectivité et de la neutralité scientifique au moment même où les hommes de sciences soulignent la constante et nécessaire vigilance épistémologique qui doit être exercée sur toute action scientifique. En effet, débusquer les présupposés qui président au choix et à la construction des hypothèses de travail, mais aussi des outils de l’analyse scientifique est un préalable à toute démarche de recherche. L’enseignant qui se tourne vers la science, conscient des déterminants sociaux de celle-ci, n’échappe pas pour autant au caractère normatif et politique des choix qui président aux orientations éducatives.

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Nous devons également constater que la recherche pédagogique ne peut pas ignorer la philosophie : "Une recherche ne se référant pas à un système de valeur, n’est pas concevable en pédagogie, puisque cette recherche doit améliorer la pratique, donc l’action sur l’élève ; et cette action ne peut se faire dans l’obscurité philosophique, sans la connaissance du but vers lequel elle doit tendre" (Mialaret 1969). Ulmann (1966) a montré qu’en éducation physique, les buts éducatifs prennent généralement la forme de normes et que "la méthode de l’éducation physique n’est rien d’autre que ce mouvement de va et vient par lequel, au contact les unes des autres, normes et techniques se déterminent".

Le pédagogue, acteur et concepteur, est placé au centre d’un processus éthique dans le sens où il doit toujours effectuer des choix entre ce qu’il est possible de faire (du point de vue de la science et de la technologie) et ce qu’il est souhaitable de faire (du point de vue des valeurs communes à une société). Une recherche pédagogique ne peut pas faire l’économie de ce qu’il y a "d’embarrassant" dans l’éducation : ses finalités, ses valeurs et ses contradictions (Ardoino 1971). 2. La pédagogie : objet de recherches scientifiques

2.1. De la pédagogie aux sciences de l’éducation

L’étymologie du terme pédagogie nous renvoie à une activité de réflexion sur l’art d’accompagner l’enfant et plus largement sur tous les processus d’intervention et d’influence exercés par un individu sur autrui en vue de l’aider à acquérir savoir et savoir-faire.

La complexité des phénomènes à étudier, l’étendue des disciplines auxquelles il a été fait appel pour alimenter cette réflexion ont empêché qu’émerge un champ scientifique autonome appelé pédagogie. Dans un premier temps cette réflexion dominée par la psychologie a fait naître le vocable de psychopédagogie. Mais dès 1967, la part prise par d’autres disciplines fait émerger le concept de sciences de l’éducation, créé en tant que discipline d’enseignement et de recherche à l’université. Le concept de psychopédagogie s’estompe. Le Manuel de psychopédagogie expérimentale de A. Leon paraît en 1977. Depuis, on ne trouve que très rarement le terme dans les publications scientifiques.

2.2. La pratique pédagogique : objet d’études et de recherches

Avec l’instauration des sciences de l’éducation qui élargit le champ d’investigation, le terme de pédagogie renvoie de plus en plus à l’acte du pédagogue et de moins en moins à une réflexion distanciée, que celle-ci soit le fait du pédagogue lui-même ou d’un chercheur. On parlera de pédagogie par objectif, de pédagogie différenciée pour qualifier une méthode d’enseignement élaborée dans le cadre de paradigmes scientifiques particuliers. Il s’agit bien de pratiques théorisées en vue d’une large diffusion. Nous sommes face au résultat d’une activité de recherche scientifique portant sur la pédagogie en tant qu’objet d’étude. Activité scientifique qui débouchera sur d’éventuelles prescriptions. Bien que le terme de pédagogie renvoie toujours et simultanément à une pratique et à une activité réflexive, s’impose l’idée qu’il s’agit peu ou pas d’une activité réflexive de type scientifique. La pédagogie est moins une science qu’un acte étudié et éventuellement expliqué, rationalisé, théorisé.

Cette pédagogie décrite traditionnellement comme étant tout à la fois un art et une science se retrouve sur le versant de l’art car, l’activité scientifique qu’elle suscite, est définie comme une fédération des sciences réunies au sein des sciences de l’éducation, la pédagogie n’y figure pas au titre de science.

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3. Recherches en Education, en Pédagogie, en Didactique : des frontières incertaines

Depuis les années 1980 on peut constater une forte utilisation du terme de didactique pour qualifier les travaux relatifs à l’acte éducatif dès lors qu’ils s’affichent comme scientifiques ou qu’une volonté d’objectivation est annoncée.

De difficiles débats ont lieu pour qualifier, définir et distinguer les réalités que peuvent aujourd’hui représenter les termes de "Education", "Pédagogie", "Didactique", tantôt utilisés comme substantifs tantôt comme qualificatifs.

L’éducation paraît recouvrir l’acte effectif, l’ensemble des opérations menées par l’enseignant ou le pédagogue en interaction avec les actes des élèves et les structures sociales ; elle réclame réflexions et formalisations pour sa propre évolution. En ce sens, elle inclut dans son essence des activités réflexives pédagogiques et didactiques.

Dans ce champ de pratique sociale qu’est l’éducation, la didactique se présente comme l’activité scientifique tentant de se spécifier au sein des sciences et particulièrement des sciences de l’éducation en limitant son objet à une partie des phénomènes présents dans l’acte éducatif. On peut la définir comme l’étude conjointe des processus d’acquisition chez l’élève et de transmission chez l’enseignant des contenus de l’enseignement.

La pédagogie, à la fois action et réflexion, serait donc positionnée entre l’acte d’éduquer et les recherches objectives qui s’y développent. On peut considérer la pédagogie comme une mise en œuvre pratique des résultats des travaux de la didactique (nécessairement théoriques). On peut aussi la considérer comme une activité réflexive pouvant être qualifiée de scientifique lorsqu’elle étudie les phénomènes non étudiés par la didactique. Ainsi lorsqu’on étudie tous les phénomènes de présentation des tâches aux élèves, les phénomènes de relation interindividuelle ou lorsqu’on s’interroge sur les attitudes singulières que font naître les pratiques, nous avons tendance à classer ces activités sous le terme de pédagogie. Ces études feront plus appel aux méthodes dites cliniques qu’aux méthodes quantitatives chères aux approches expérimentales. Cependant, de telles frontières méthodologiques ont de moins en moins cours.

La réflexion didactique semble s’arrêter là où apparaissent les problèmes de l’ordre de l’axiologie ou de la politique. Autrement dit, trois types de problèmes semblent traverser l’éducation : des problèmes didactiques, axiologiques, et politiques. De tels problèmes ne peuvent avoir d’autres conclusions qu’incertaines, incomplètes et provisoires. Cependant, elles nourrissent le quotidien de l’enseignant. C’est au sein de la pédagogie que s’établissent les liaisons nécessaires entre théorie et pratique. 4. La pédagogie comme activité réflexive sur l’acte éducatif

La pédagogie ne pose pas que des problèmes de didactique, elle pose des problèmes axiologiques car des choix et des paris sont nécessairement à effectuer lorsqu’il s’agit de définir les orientations sociales. Lorsqu’on s’interroge sur le type d’homme à promouvoir ce n’est pas la science qui peut instruire la réponse mais bien la politique au sens le plus large. D’autre part, les théories actuelles sur l’apprentissage n’apportent pas de modèles suffisants pour instruire un enseignement sans faille, il existe une part d’inexpliqué qui invite à l’empirisme, au pari et au choix face au singulier de l’action et à l’incertitude de la réussite. Il n’y a pas une pédagogie du sport et de l’éducation physique mais des pédagogies dont certaines sont formalisées plus que d’autres.

C’est parce que c’est tout aussi bien une activité didactique qu’une activité axiologique, que l’écriture de programme d’enseignement en matière de sport et d’éducation physique devient un problème typiquement pédagogique qui ne peut résoudre cette

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confrontation que par une troisième activité d’ordre politique et éthique. La pédagogie est un art de la cité nous dit P. Greco. Mais, c’est un art ambigu dans le sens où il vise à la fois la reproduction, la reconduction et aussi l’innovation, le dépassement de ce qui est (dialectique éducative).

Ainsi l’école est le lieu où s’entrechoquent, se croisent deux perspectives souvent antagonistes, deux discours émanant de champs différents, deux discours qui permettent de parler de l’éducation.

La sagesse praticienne commune, où s’exerce une réflexion critique, fait référence tout à la fois à des compétences professionnelles de types scientifiques et techniques et à des savoir-faire éducatifs empiriques et intuitifs. On fera référence à une sagesse praticienne commune pour décrire des savoirs pratiques distants de la science. D’une autre façon, on fera l’appel à la science pour fonder les pratiques dans des savoirs protégés de la contestation des praticiens et de la confusion des opinions. Le discours pédagogique, depuis Comenius et sa "grande didactique" écrite en 1657, se veut systématique à défaut d’être scientifique. Il est toujours totalisant. Il évoque une réflexion singulière qui se veut vérité générale pour éclairer des expériences plurielles correspondants à des situations particulières. Ainsi naissent les rapports de subordination entre l’éducation et les sciences humaines dénoncés par Piaget (1969).

D’une certaine façon, ainsi que le remarque Hameline, (Encyclopédia Universalis : article pédagogie) le discours pédagogique est situé entre deux tensions contradictoires. La première tension est liée à une tendance à la rétraction sur les stratégies de quantification, de didactisation, de rationalisation, subordonnées aux méthodologies des sciences humaines. La seconde correspond à une dilatation dans les analyses socio-politiques des institutions et de l’action socialisante du système scolaire.

G. Mons (1996) estime que la pédagogie revient au devant de la scène en tant qu’objet central des recherches en éducation parce qu’elle se situe dans l’écart fondamental qui, d’après J. Houssaye (1988), séparerait toujours théorie et pratique. "C’est dans cette béance (qui tout à la fois sépare et unit) que se fabrique la pédagogie". 5. Recherches en pédagogie du sport et de l’éducation physique

D’une façon générale nous devons constater qu’aujourd’hui, comme hier, l’enseignant ("le pédagogue") au quotidien et le chercheur en pédagogie tentent de répondre à quatre groupes de questions essentielles qui leur sont posées en rapport avec une extrême variété de situations d’enseignement. Questions que nous schématiserons de la façon suivante : pourquoi, à qui, quoi et comment enseigner ?

Aux quatre groupes de questions que se pose tout enseignant au sujet de son intervention concrète, l’activité réflexive puis la recherche s’inspireront des travaux de la sociologie et de la philosophie pour répondre au "pourquoi" de cette intervention dans notre société. Elles feront appel à la psychologie et à la psychologie sociale pour répondre à la question du "à qui" s’adresse l’intervention. A la question du "quoi" enseigner, la technologie, la psychologie du travail et l’ergonomie instruiront les réponses. Enfin, le "comment" fera le plus souvent appel à la psychologie de l’apprentissage, à la sociologie des organisations etc. Ces approches sont regroupées dans les sciences de l’éducation. Parallèlement depuis deux décennies, on assiste à une volonté de spécifier les études du quoi et du comment au sein de la didactique.

Recherche pédagogique ou recherche en pédagogie sont devenus des vocables peu usités en France car l’université n’inclut pas la pédagogie dans ces classifications scientifiques. Il n’y a pas à l’université de chaire de pédagogie, il n’y a pas

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institutionnellement d’enseignant chercheur en pédagogie. Seul, un institut autonome non universitaire s’intitule Institut National de la Recherche Pédagogique et publie une revue de qualité : la "Revue française de pédagogie". Cependant, les membres du conseil de rédaction et du conseil scientifique sont tous des professeurs en sciences de l’éducation ou en psychologie. De fait, leurs travaux et ceux légitimés par leurs expertises seront considérés aussi comme des travaux de psychologie appliquée à la pédagogie et plus largement inscrits dans les sciences de l’éducation ou encore dans les "sciences et techniques des activités physiques et sportives" (STAPS) lorsque ces travaux portent sur la pédagogie du sport et de l’éducation physique. Travaux essentiellement développés dans les "facultés des sciences du sport et de l’éducation physique" en France.

De la même façon que les sciences de l’éducation sont venues fédérer des champs scientifiques différents sur le phénomène de l’éducation, les STAPS ont, dès 1975 en France, tenté de fédérer sciences et techniques susceptibles d’éclairer et de favoriser le développement des interventions et des phénomènes propres au sport et à l’éducation physique. Le même processus s’est trouvé mis en œuvre, une spécificité scientifique autonome ne se décrète pas et on assiste beaucoup plus à des éclairages disciplinaires, à des recherches appliquées, qu’à de nouvelles approches originales, produits d’inter ou de transdisciplinarité d’où émergerait un nouveau champ. Dans ce contexte au sein des sciences du sport et de l’éducation physique on peut tenter de repérer les recherches qui seront qualifiées de pédagogiques et de didactiques sans avoir la possibilité d’établir une distinction nette. Celle-ci, nous pensons l’avoir montrée aujourd’hui en France. On se référera dans cet ouvrage à l’article de Chantal Amade Escot, "La didactique de l’Education Physique et du sport en France", où bon nombre des travaux cités peuvent être qualifiés de recherches pédagogiques.

Cet ensemble de travaux "pédagogiques et didactiques" regroupe les connaissances élaborées pour comprendre et expliquer la pratique éducative ou celle de l’entraînement en vue de former les futurs intervenants et de créer les conditions de l’innovation, de l’évolution et de l’efficacité rapportées aux objectifs et finalités socialement admises. 6. La place des recherches pédagogiques et didactiques au sein des « sciences du sport »

Quelle place occupent de telles recherches dans le champs des STAPS ? En France, le Conseil National des Universités (CNU), qui expertise les travaux de recherches de candidats aux fonctions d’enseignants chercheurs en STAPS, est un bon observatoire des travaux de recherche en sciences du sport et de l’éducation physique. Même si tous les travaux produits au sein de l’université ne sont pas, à un moment ou un autre, soumis au CNU, on peut apprécier au moins l’importance quantitative de ces travaux par rapport à l’ensemble des travaux de recherche menés dans ce champ.

Lors d’une enquête portant sur quatre années d’activité du CNU (1992 à 1995), nous avons catégorisé et tenté de classer l’ensemble des travaux de recherche en sport et en éducation physique, présenté par les candidats. Nous avons grossièrement utilisé dix catégories dont l’une regroupait les travaux de pédagogie et ceux de didactique.

Plus de cent dossiers annuels ont été classés. Nous avons observé avec des proportions très proches six groupes de travaux représentant chacun selon les années de 10 à 20 % de l’ensemble des travaux, ce sont les travaux de : 1- Biologie, 2- Biomécanique, 3-Neurosciences et sciences cognitives, 4-Psychologie et psychologie sociale,. 5-Pedagogie et didactique, 6-Histoire et sociologie.

Une autre enquête, réalisée par M. Laurent, présentée au 3ème forum européen des instituts en sciences du sport (Bordeaux 1995) portait sur 11 pays européens et 72 Instituts.

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Elle cherchait à identifier également la nature et les fréquences relatives des travaux de recherches en sciences du sport. L’observation a été faite sur 24 catégories et les conclusions ont fait apparaître six catégories les plus représentées : 1-Physiologie, 2-Psychologie, 3-Comportement moteur, 4-Biomécanique, 5-Sociologie, 6-Pédagogie. Les pourcentages vont de 12 % pour la physiologie à 7% pour la pédagogie. Il est à noter que dans cette enquête les travaux de didactique sont distingués de ceux de pédagogie et représentent 3% de l’ensemble des travaux.

Une analyse détaillée fait apparaître une forte similitude des observations rapportées par ces deux enquêtes comme nous l'avons montré dans notre communication dans les actes du colloque de Toulouse (1996) "Actualité de la recherche en éducation physique et sportive". On peut conclure que les recherches en pédagogie du sport et de l’éducation physique occupent un sixième des travaux de recherche effectués en sciences du sport, en France comme en Europe à condition d’associer pédagogie et didactique dans une même catégorie. On notera qu’aux travaux de recherches menés au sein des universités et de ses facultés en sciences du sport (UFR STAPS), on doit ajouter ceux qui se développent progressivement au sein des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). On notera également qu’en France existe un ministère de la jeunesse et des sports dont une des missions concerne la formation des entraîneurs sportifs. Si les structures et les personnels de recherche sont quantitativement peu nombreux, les travaux qui sont réalisés sur les méthodes et procédures de l’entraînement peuvent être classés comme des recherches pédagogiques et didactiques. Des travaux relatifs à l’expertise de l’entraîneur sont en cours sur le même modèle que l’analyse de l’enseignement en milieu scolaire (Saury et Durand 1995, 1997). 7. Les recherches contemporaines

7.1. Différentes orientations

Trois orientations peuvent être observées dans ce qui peut être appelé la recherche en pédagogie.

Une première orientation vise l’amélioration des procédures de transmission et d’apprentissage, il s’agit de la perspective traditionnelle de la mise en pratique des lois de l’apprentissage selon une méthodologie expérimentale. L’ouvrage de G. De Landsheere (1964) illustre cette orientation. Ce modèle de la pédagogie expérimentale fut très tôt à l’honneur en éducation physique puisque Demeny, en 1902 dans "Les bases scientifiques de l’Education Physique", demandait que soient faites "des expériences suivant des méthodes scientifiques" pour que l’EP sorte de ses "incohérences". Nous en connaissons aujourd’hui les difficultés (contrôle des variables) et les limites. Malgré les analyses en composantes principales, les conclusions ne permettent pas de mesurer le poids de tous les déterminants. Ce qui explique sans doute le petit nombre de travaux effectués selon cette stratégie qui s’éteint progressivement en France dans les années 1970 (Vives 1964; Parlebas 1969; Hebrard 1974, 1979). Ce modèle méthodologique n’en reste pas moins le modèle dominant du fonctionnement quotidien de l’enseignant toujours incité à développer une attitude rationaliste et expérimentale susceptible de faire évoluer sa pratique par une comparaison permanente des effets obtenus aux moyens mis en œuvre.

Mais, ce modèle de la rationalisation des relations objectives, qui peuvent émerger de l’action conjointe des élèves et des enseignants dans un environnement donné face à une tâche d’apprentissage concrète, a tout naturellement été complété par un effort de rationalisation des relations subjectives qui unissent les sujets entre eux. Actuellement cette orientation a été renouvelée et dans une certaine mesure supplantée par les recherches en didactique.

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Une deuxième orientation vise une meilleure connaissance des éduqués et des groupes. La plupart du temps on rencontre dans cette perspective des recherches de psychologie différentielle ou clinique, ce n’est pas les procédures moyennes qui sont étudiées en tant que variables principales mais les procédures et les conduites singulières.

Enfin, on trouve des études relatives à l’acte pédagogique ou éducatif lui-même, particulièrement centrées sur les relations et attitudes inter individuelles dans le contexte institutionnel. On parle plus largement de recherches actions dès lors qu’un objet d’étude est pris dans le contexte global réel où l’action de l’enseignant est dite impliquée pour signifier qu’elle est soumise à l’ensemble des déterminants et pas seulement à quelques variables isolées pour les besoins d’une expérimentation. La présence et les attentes de l’expérimentateur sont prises en compte comme les jugements de valeurs qui peuvent être produits dans ou à propos de la situation.

7.2. Des exemples

N’ayant pas réalisé une étude suffisante de l’ensemble des travaux pédagogiques et didactiques, nous ne prétendons pas en donner ici une image fidèle voire exhaustive. Nous donnons à titre d’exemple quelques pistes pour guider le lecteur au sein des publications qui nous paraissent significatives.

Nous retiendrons sept ouvrages qui regroupent de nombreux articles dont certains font explicitement référence à la notion de pédagogie du sport ou de l’éducation physique. Ces articles ne sont pas tous à proprement parler des articles de recherche, ils se présentent souvent comme des discours de formateur (des cours destinés à la formation initiale et continue des enseignants). Ils s’appuient cependant sur des résultats de travaux de recherches personnelles ou rapportées. La psychopédagogie des activités physiques et sportive. Arnaud, Broyer (Eds) 1983. La relation au sein des Activités physiques et sportives. Thomas (Ed) 1983. Méthodologie et didactique de l’Education Physique et Sportive. Bui Xuan (Ed) 1989. Activité physiques et sportives, efficiences motrice et développement de la personne. Pfister (Ed) 1990. Enseigner l’Education Physique et Sportive. Bui Xuan (Ed) 1993. Technologie et didactique des activités physiques et sportives. Actes du colloque Strasbourg 1993. Relations éducatives et transactions pédagogiques dans les disciplines scolaires, l’exemple de l’EPS. Mons G. 1996.

Nous ne présentons pas ici la somme considérable des articles appelés "professionnels" qui paraissent dans la Revue Education Physique et Sport (E.P.S.). Laquelle, depuis plus de quarante ans, permet aux enseignants pédagogues de relater leurs expériences vécues et de faire des propositions d’intervention concrète. Cette revue publie des propos, des analyses et des considérations pédagogiques. Ce ne sont pas là des articles de recherche au sens strict même s’ils se font le plus souvent l’écho des recherches pédagogiques et didactiques. 8. Perspectives

Les travaux sur l’analyse de l’enseignement semblent nourrir la réflexion pédagogique actuelle (Riff et Durand 1993). On tente de réduire l’opposition entre homme de science et

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praticien entre théorie et pratique. On souhaite produire une analyse impliquée de l’action des enseignants par une étude des pratiques et des discours tenus par les enseignants, analyse qui doit être réalisée conjointement par le chercheur en pédagogie et le "pédagogue" lui-même (Durand, Arzel et Saury 1997).

Ici, les méthodes interprétatives ou compréhensives (au sens de la phénoménologie) viennent compléter les méthodes explicatives. Les relations de causalité ne sont pas seules recherchées, les "motifs", ainsi que le signale Ricoeur, sont aussi analysés.

Des problèmes épistémologiques demeurent en particulier lorsqu’on considère qu’il s’agit très souvent d’extraire une connaissance d’une réalité considérée comme externe ou extérieure au chercheur pour ensuite la réintroduire, la faire intérioriser par les futurs enseignants en formation ("intérioriser l’extériorité" selon l’expression de Bourdieu).

Or, nous savons aussi que de tels objets à extraire ne préexistent pas en eux-mêmes, quand bien même ils émergent d’un contexte naturel et humain. Ils sont d’abord construits par nos a priori et nos représentations préalables, nos méthodes et outils d’investigation qui sont autant d’obstacles à notre volonté de compréhension et d’élucidation ; le doute méthodique de Descartes, la mise entre parenthèses, voire le "désaveu" de nos connaissances préalables instauré par la phénoménologie ne sont pas des attitudes faciles.

Nous percevons une évolution très nette en France comme à l’étranger ; les travaux de recherche en pédagogie évoluent vers ce que nous appellerons les "théories de l’action" (Durand et Arzel 1997).

L’analyse de l’enseignement, la recherche des processus et ressources nécessaires à une action efficace de l’enseignant comme de l’élève ont été largement initiées depuis de nombreuses années (en particulier par Pieron en Belgique). De tels travaux semblent devoir occuper une place centrale en matière de recherche en pédagogie avec des méthodologies en voie d’élaboration (inspirées parfois des travaux de la psychologie du travail).

Dans ce contexte, les phénomènes étudiés ne sont pas directement les phénomènes observables mais des phénomènes inférés à partir des observations objectives. Sont étudiées les connaissances, les aptitudes, les capacités, les compétences dites parfois les "professionalités", autant de phénomènes observés indirectement à partir des performances ou des actions directes des sujets.

De nombreuses approches méthodologiques se dessinent au sein d’un débat difficile sur les relations à établir entre les déterminants de l’action et la construction de l’action par le sujet lui-même. Dans le domaine de la sociologie Boltanski montre l’importance qu’il y a à prendre en compte le point de vue du sujet étudié, même si le champ qui entoure l’action du sujet reste déterminant pour comprendre la structure de cette action. Il y a un gisement de savoirs construits par celui qui sait faire et qu’il n’est pas facile d’extraire sans la participation de l’acteur lui-même.

L’éthnométhodologie, la phénoménologie herméneutique de P. Ricoeur semblent offrir des axes nouveaux à la recherche en éducation ou en pédagogie concernant l’acte d’enseignement. De nombreux travaux se développent aujourd’hui pour déterminer les savoirs d’action dans leurs relations aux savoirs théoriques. L’intersubjectivité, l’action située, la prise en compte du contexte sont mises en avant. Ceci est une façon actuelle de chercher à traiter du processus à partir du produit selon la relation compétence/performance telle qu'elle est étudiée en linguistique. Nous n’assistons pas à un coup de balancier visant à réintroduire le subjectif en opposition à l’objectif, mais à une nouvelle évolution dans la prise en compte du rapport sujet-objet avec une reprise de la notion de sens délaissée par un excès d’instrumentalisation au cours de ces dernières décennies.

Cette tendance se traduit par le développement accéléré de recherches correspondant à des champs de pratique (interventions) où la question de la mise à disposition (de l’extérieur)

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des savoirs à incorporer ou intérioriser s’élargit à la recherche des modalités de mise en service de savoirs appropriés. Recherche et formation se rejoignent et la distinction entre pratique et théorie devient contestable ainsi que B. Latour le souligne dans un article intitulé "La pratique des théoriciens" paru dans l’ouvrage "Savoirs théoriques et savoirs d’action" (Barbier J. M. Ed 1996).

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Karlheinz Scherler

LE DEBAT AU SUJET DE L’INSTRUMENTALISATION1 DANS LA PEDAGOGIE

DE L’EDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE2

Karlheinz Scherler

Le débat au sujet de l'instrumentalisation du sport (selon la terminologie moderne) se

préoccupe de la question séculaire qui est celle de savoir si la gymnastique, le Turnen (gymnastique aux agrès), l’exercice physique ou le sport peuvent être considérés comme des moyens au service de finalités pédagogiques. La version la plus récente de ce débat prit corps entre 1992 et 1994 sous la forme d’une discussion entre cinq pédagogues d’EPS renommés, rapportée dans sept contributions publiées dans la revue "Sportwissenschaft" (Sciences du sport). Suivant les théories courantes, les discours pratiques et l’argumentation rationnelle dans ce type de controverses supposant impartialité et neutralité, seul le meilleur argument devrait faire autorité. Mais, dans la pratique de la discussion, il en va autrement. Dans l’ardeur du duel verbal, l’argumentation n’est pas seulement rationnelle mais également émotionnelle, la critique n’est pas seulement objective mais devient aussi subjective. En utilisant une approche reconnue des sciences, on tend dans ce type de débat à considérer le gain objectif comme étant moins important que le coût social. En revanche, en utilisant le dialogue comme mode de compréhension de la science, on attache une moindre importance à celui-ci. Controverses publiques et débats objectifs sont les ferments indispensables pour le progrès de la connaissance et le développement scientifique. Tout d’abord, nous allons présenter les débats au sujet de l’instrumentalisation, considérant que leur contenu et leur déroulement ne sont pas encore connus ou ne sont plus présents à l’esprit. Ce n’est qu’ensuite que nous prendrons position à leur sujet. Séparer ainsi la présentation objective de la prise de position personnelle est chose difficile, incommode quelquefois. Mais, si l’on considère les nombreux malentendus qui ont surgi au cours de ce débat, cette démarche est judicieuse. 1. Description du débat 1.1. Présentation : la critique de l’instrumentalisation En 1992, Schaller formula la critique que la pédagogie de l’EPS récente présentait d’inquiétantes tendances à l’instrumentalisation. D’un point de vue historique, ce reproche n’était pas nouveau. Quinze ans auparavant, Bernett déjà avait déploré "les déterminants externes et l’instrumentalisation du sport". Pour étayer sa critique, il dégagea cinq manifestations typiques d’une telle tendance : le turnen national dans le cadre d’une éducation chauvine et nationaliste, l’éducation corporelle comme moyen d’une éducation prémilitaire, le sport au service d’intérêts économiques, la culture corporelle comme élément de la lutte

1 Note du traducteur : Il s’agit là d’un terme utilisé dans un débat allemand. Le débat tourne autour du problème de l’utilisation des APS en tant que moyen pour une éducation par le sport. Nous avons préféré utiliser le terme d’“instrumentalisation“ aussi dans la traduction française. 2 Note du traducteur : Le débat est bien justifié en Allemagne. Comme les allemands n’utilisent que le terme „Sportunterricht“ (enseignement du sport - parfois on parle plus du “sport“ quand il faudrait parler de l’EPS pour indiquer la matière dont on s’occupe), la tâche de la matière n’est plus très claire, il en résulte trop peu de différences entre le sport dans les clubs et l’éducation physique et sportive à l’école.

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socialiste des classes et le sport de haut niveau comme la représentation d’un système politique. En se référant à plusieurs reprises à Bernett, Schaller entendit par instrumentalisation "la prise en compte systématique du sport à des fins multiples [...] qui ne peuvent être déduites directement de sa structure propre". Schaller, d’une part qualifia de buts instrumentaux extra sportifs - exogènes, extrinsèques, ou déterminés de l’extérieur - ceux pour l’atteinte desquels le sport peut être considéré comme un moyen, un outil, une aide, un véhicule. D’autre part, il leur opposa des intentions spécifiques à la structure du sport, non instrumentales, intrasportives, endogènes, intrinsèques, immanentes aux sports (Schaller 1992, 11).

S’appuyant sur cette distinction, il décrivit trois modèles instrumentaux de l’EPS : − le modèle de GuthsMuths à Schnepfenthal (deuxième moitié du XVIIIe siècle),

dans lequel la “ gymnastique pédagogique ” fut réduite à un simple moyen de l’accomplissement de l’esprit et des exercices utilitaires comme les travaux manuels, les exercices militaires ou les exercices sensoriels ont été faits aux dépends des exercices gymniques spécifiques ;

− le modèle de la gymnastique scolaire de Spiess qui aurait fait de l’EPS un moyen éducatif de l’école, en particulier par les exercices collectifs et les exercices d’ordre issus de la gymnastique pratiquée lors du temps libre ;

− le modèle de l’éducation physique politique du "national-socialisme", qui a soumis les exercices physiques scolaires à l’éducation "national-socialiste" au travers de contenus comme le sport de pleine nature et les marches de packetage (Schaller 1992, 11-13).

Le danger d’oublier ou de passer à côté de "la structure originelle de la matière" ne concerne pas seulement les modèles passés, mais aussi des modèles didactiques en usage aujourd’hui. Par exemple :

− le modèle centré sur "l’expérience corporelle" qui, au travers de contenus marginaux et de thèmes tels que les douches, le sauna, les massages, la pantomime et les exercices de relaxation, aurait élargi abusivement les limites traditionnelles d’un "sport authentique et fondamental" ;

− le modèle axé sur la "santé" réduisant l’EPS à sa partie, aurait promis des bénéfices sur le plan de la santé, avec comme conséquence sa "désportivisation" ;

− le modèle de la "socialisation" qui sous la forme de mises en scène très ingénieuses ne thématiserait que les effets obtenus par le sport sur le plan social (Schaller 1992, 15-19)

A la critique de ce modèle de mise en scène du Turnen allemand (gymnastique), de l’éducation physique ou du sport succéda la proposition alternative de Schaller. Au lieu que l’EPS prenne en compte des objectifs étrangers à la discipline/matière, elle devrait poursuivre et réaliser des objectifs qui lui sont propres et qui ne pourraient être poursuivis par aucune autre discipline scolaire. En poursuivant des objectifs "intra-sportifs" à l’école, les élèves devraient être capables de transférer leurs acquisitions dans la pratique sportive extrascolaire et au-delà même de la scolarité. Ainsi, le sport devrait comporter une "qualité substantielle" qui ne saurait être confondue avec d’autres dans l’éventail des disciplines scolaires. La poursuite prioritaire d’objectifs fondamentaux ne veut pas dire qu’il s’agit d’évincer totalement de l’école les "objectifs instrumentaux" tels l’expérience corporelle, la santé ou l’apprentissage social, mais cependant de diminuer leur importance. D’une part, ces objectifs instrumentaux pourraient être des objectifs "secondaires" dans le sens d’effets secondaires souhaités. D’autre part, ils pourraient aussi être interprétés comme des "objectifs spécifiques au sport". Selon cette interprétation différente, le sport ne va plus être considéré comme un moyen pour des fins comme l’expérience corporelle, la santé ou l’action sociale,

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mais ces dernières sont définies comme les conditions de l’action sportive. Une telle manière de penser requiert, cependant, de cesser de penser selon le modèle "buts-moyen", des théories éducatives formelles. Il faut suivre un modèle "dialogique" selon lequel il s’agirait dans l’éducation d’une relation réciproque entre la personne et l’objet : la personne façonnant à travers son action aussi bien l’objet qu’elle même (Schaller 1992, 21-27). 1.2. Le débat : le scepticisme au sujet de l’autonomie du sport La réplique à cette contribution engagée, en partie provocatrice, ne se fit pas attendre longtemps. Dans un article portant le titre "la critique de l’instrumentalisation : point d’aboutissement ou alibi pour marquer une position personnelle ?" Beckers (1993), l’un des auteurs le plus critiqué parmi les tenants du modèle instrumental de l’EPS aux fins de la santé, engagea une controverse non seulement avec Schaller mais avec trois autres auteurs critiques. Il essaya, tout d’abord, de donner au terme "instrumentalisation" connoté négativement la signification neutre "d’usage ou de maniement d’instruments". On ne peut certainement pas reprocher à une vis de remplir sa fonction qui est de fixer une planche à un mur. Ainsi, il ne devrait pas s’agir - selon Beckers - dans la discussion du fait de mettre en œuvre des moyens pour atteindre des buts, mais seulement de poser la question, si les fins ont de la valeur et si les moyens pris en compte sont adéquats à leur réalisation. Ensuite, Beckers (1993, 236-254) analyse la position des critiques contemporaines de l’instrumentalisation à partir de leurs travaux (Bernett, Volkamer, Schaller, Kurz).

− Bernett (1977, 236) a problématisé les déterminants externes du sport et son instrumentalisation en 1977. La différence que celui-ci établit entre la motivation sportive extrinsèque et un sens immanent au sport induit en erreur, selon Beckers, parce qu’elle attribue à tort au sport une liberté qui n’existe pas sous cette forme (Beckers 1993, 236) ;

− Volkamer, a mis en cause plusieurs fois la "pédagogisation" du sport comme surmenage de celui-ci (demande exagérée ?). La base de cette estimation a pour origine que le sport a seulement du sens par lui-même ; le plaisir que procure le sport ne doit pas être sacrifié pour un apprentissage à l’aide du sport. Selon Beckers, ce point de vue n’est pas approprié pour fonder l’EPS à l’école (Beckers 1993, 238) ;

− Schaller ne se réfère qu’au sport hors de l’école comme unique point de référence pour un fondement de l’EPS. Ce fondement est - selon Beckers - insuffisant et imprégné d’une logique circulaire. De plus, le sport hors de l’école serait également instrumentalisé par des buts extra sportifs (Beckers 1993, 242);

− Kurz, ne compte pas parmi les critiques de l’instrumentalisation, mais dont le discours polysémique qu’il développe à propos du "sens du sport" soutiendrait leur critique. Il donnerait l’impression que ce sens serait donné a priori aux êtres humains, mais ne serait pas le résultat de leur propre attribution de sens. En outre, la formule de Kurz portant sur la "capacité d’agir dans le sport" (selon Kurz, le but primordial de l’EPS) représenterait une réduction considérable du contrat éducatif de l’école (Beckers 1993, 250).

A la suite de cela, Beckers donne une réponse négative à la question de l’autonomie du sport. En tant que "modèle culturel spécifique de comportements préconçus", le sport serait toujours en relation avec les structures sociales et culturelles de son temps et en concordance avec les représentations d’une culture ou d’une société et imprégné des normes et finalités qui leur correspondent (Beckers 1993, 252-254). Le mouvement "en soi" n’existerait pas. Il se déroulerait toujours dans un contexte social et socioculturel déjà existant et ce contexte serait

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créé par l’homme. Il ne serait pas juste de faire appel au caractère intemporel du sport, qu’il faudrait protéger contre des débordements ou des critiques de sa soi-disant instrumentalisation. Ce terme ne prendrait une signification négative que si le sport devenait le point de départ de réflexions pédagogiques. Si par contre les hommes, l’encouragement de leur évolution et l’enrichissement de leur vie étaient au centre de ces réflexions, il serait non seulement légitime, mais nécessaire d’amplifier aussi leur capacité d’agir par le sport (254). 1.3. Les répliques: de l’étonnement à la justification Les pédagogues de l’EPS, critiqués par Beckers, ont immédiatement réagi à son article. D’abord, on notera la surprise suscitée par le sous-titre de l’article de Beckers "Fin de la pensée ou alibi pour une position personnelle/spécifique ?". Ensuite, on relèvera que la langue comme moyen de clarification et de compréhension disciplinaire et l’herméneutique comme méthode en littérature en sciences humaines furent mises au centre de la discussion : − Avec Beckers, Bernett voit que "la fin de la réflexion" est intervenue - non pas la sienne,

mais celle de Beckers. En ce sens il cherche à prouver chez celui-ci un grand nombre d’incompréhensions et d’erreurs de jugement. En même temps, il renforce encore une fois sa conception de l’autonomie du sport et sa demande au sport, qu’il se protège des empiétements étrangers. Qui abandonne le principe d’une liberté du sport, abandonne du même coup la prétention de contrer de manière critique les inflexions politiques (Bernett 1993, 405) ?

− Schaller considère qu’avec la contribution de Beckers est advenue "la fin de l’herméneutique". Celui-ci déroge aux règles élémentaires de compréhension de textes étrangers comme celles du respect de leur pertinence, de l’analyse de leur construction conceptuelle, et de l’observation des sources qui en font partie. Dans la lignée de la première contribution, il clarifie une nouvelle fois le concept d’instrumentalisation, en le définissant comme processus qui met en œuvre des objets ou des hommes en tant que moyens pour des fins qui, "du fait de leur particularité, ne sont pas à l’origine pensés à cet effet, mais sont plutôt en opposition" (Schaller 1993, 417).

− Volkamer, aussi, se sent incompris de Beckers et affirme avec fermeté que sa définition du sport est une réponse à la question de son sens mais pas de ses buts. Il ne nie aucunement les effets pédagogiques souhaitables du sport, la responsabilité de la définition des intentions et la manière de les réaliser appartenant à l’enseignant et pas au sport (Volkamer 1993, 425).

− Kurz n’essaye pas du tout d’affaiblir la critique de Beckers, mais il s’attache à élargir le débat au sujet de l’instrumentalisation par des précisions conceptuelles. Après avoir légèrement renforcé le postulat d’une autonomie de principe du sport, il distingue les buts et les conséquences du sport et formule alors trois critiques pour définir des perspectives pédagogiques : en premier lieu, les conséquences sociales souhaitables du sport ; ensuite les contenus de leur probable apparition ; enfin, l’attribution subjective de sens au sport par les pratiquants. Kurz appelle alors instrumentalisation chaque situation d’enseignement où l’on respecte seulement les deux premiers critères, et non pas le troisième.

1.4. La conclusion : le sport peut-il être un moyen pédagogique ?

Dans sa contribution qui concluait provisoirement la discussion, Beckers revient davantage au centre du débat que sur des points particuliers de la critique. Il considère qu’est centrale la question de savoir si le sport peut être un moyen pédagogique. La réponse de Beckers sur ce point ne manque pas de précision. Il répète ses doutes sur "l’indépendance" et "la liberté" du sport et sur la possibilité de caractériser le sport indépendamment des valeurs et

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des normes d’une époque précise. C’est la raison pour laquelle il serait impossible de déduire une action pédagogique dans le sport d’un objectif déterminé du sport. L’action devrait, au contraire, correspondre aux normes culturelles et sociales de la formation et de l’éducation. En suivant ces normes, il ne serait pas du point de vue pédagogique condamnable, mais nécessaire d’utiliser le sport comme moyen d’éducation. Il ne s’agit pas de légitimer l’utilisation du sport comme instrument, mais le but que, grâce à lui, il faut atteindre (Beckers 1994, 87). La justification de son application ainsi que le jugement au sujet de la "juste" ou "fausse" utilisation du sport repose sur des conceptions normatives, qui ont été acquises en dehors du sport et sont valables indépendamment du sport. 2. Prise de position de l’auteur 2.1. Le terme "instrumentalisation", un terme auquel on peut renoncer Le concept d’instrumentalisation n’est en aucun cas, comme semblent le suggérer Bernett (1993, 406) et Schaller (1993, 417), un concept courant du langage disciplinaire des sciences de l’éducation, encore moins un terme importé dans le sens de Seiffert (1993). On ne le retrouve pas dans les dictionnaires se rapportant aux sciences de l’éducation. Dans le langage courant, instrumentaliser signifie utiliser quelqu’un ou quelque chose comme moyen pour une fin. Remarquons ici que le terme de “ moyen ” est un concept bien plus large que celui “ d’instrument ”. Mais, personne ne qualifierait d’instrument des aliments, des médicaments ou la monnaie, comme des outils pour une utilisation finalisée. Il ne peut pas être, en outre, question d’instrumentalisation s’il s’agit de l’emploi d’un instrument conforme à l’objectif. Ce terme ne semble se référer qu’à un emploi non conforme à l’objet ou à l’objectif. Comment peut-on alors l’employer à propos du sport qui a depuis toujours servi à des fins multiples ? Quand des termes prêtent à confusion, on peut les clarifier à partir d’exemples. Ces exemples peuvent être plus ou moins clairs. L’exemple choisi par Beckers de la vis comme “ instrument ” pour fixer des planches à des murs n’est pas bon et est récusé à juste titre par Bernett (1993, 404) et Schaller (1993, 417). Une deuxième solution, pour clarifier les concepts, est de proposer des mots proches par leur signification. Bernett donne l’impression dans sa contribution de 1977 que déterminant extérieur et instrumentalisation du sport signifient la même chose, et Schaller, lui aussi, donne comme équivalents les buts instrumentaux du sport et ceux déterminés de l’extérieur (Schaller 1992, 11). Pour Kurz le fait de provoquer des conséquences désirables du sport est seulement une instrumentalisation si les interprétations subjectives de ceux qui pratiquent le sport ne sont pas respectées (Kurz 1993, 415). C’est ici qu’on se rend compte qu’il faut distinguer entre une instrumentalisation du sport et une instrumentalisation des hommes. Utiliser une chose à des fins qu’elle ne peut pas ou ne doit pas remplir ou se servir d’hommes – peut-être même à leur insu ou contre leur gré - pour atteindre un objectif sont deux choses différentes. Dans le premier cas, on se sert d’une chose comme d’un ustensile, dans le second il s’agit de l’exercice d’un pouvoir sur autrui. Cette dernière se manifeste sous la forme de domination, de violence, d’humiliation, ce qui n’a rien à voir avec le fait d’instrumentaliser un objet. Il est donc déconseillé de comparer ces deux phénomènes. Pour les raisons déjà mentionnées, nous sommes d’avis de renoncer désormais au terme "instrumentalisation". Parler d’une façon neutre du fait de se servir d’une chose permet d’apprécier si cette utilisation comme moyen est positive ou négative. Dans le dernier cas, il est nécessaire de pouvoir discerner si l’utilisation d’une chose (dans ce cas là du sport) à des fins précises est traitée d’une façon critique, c’est-à-dire si l’on a des problèmes avec les

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objectifs choisis et ceux à atteindre par l’intermédiaire du sport ou si l’on dénie seulement l’aptitude du sport à atteindre ces objectifs. 2.2. Le sport dénué de finalités : une fiction ? A l’arrière-plan philosophique du débat sur l’instrumentalisation du sport, se trouve le postulat que le jeu serait dépourvu de but, et ce principe on le transfère au sport, à tort ou à raison. Selon ce postulat, le sport devrait être soit libre de tout but soit libre seulement de certains buts déterminés. La première variante est exceptionnellement présente et on a encore de la difficulté à se la représenter, eu égard à la large diffusion de la pensée utilitaire répandue dans la société. La seconde requiert que l’on différencie les diverses finalités du sport. Schaller distingue les finalités instrumentales, extra sportives, exogènes, extrinsèques ou déterminées de l’extérieur de celles non-instrumentales, intra-sportives, endogènes, intrinsèques, immanentes au sport, spécifiques à sa structure (Schaller 1992, 11)3. Pour cela, il utilise la nature (la singularité, l’intériorité, l’immanence ou la structure) du sport comme critère de différenciation pour pouvoir critiquer les buts instrumentaux que l’on ne peut pas déduire directement du sport. Au regard de cette argumentation, se pose d’abord un ensemble de questions sur ce que serait la "singularité" ou la "structure" du sport. De quoi sont-elles faites ? Et en quoi consistent-elles ? Y a-t-il un accord à ce propos ou les opinions diffèrent-elles ? Qui a le droit de définir cette "structure propre" ? Quand et où a-t-on fait du sport pour le sport ? Pourquoi quelqu’un instrumentalise-t-il le sport ? S’il le fait est-ce pour des raisons de santé ou pour être en société ? Pourquoi parle-t-on dans un tel cas d’objectifs secondaires et non d’objectifs primaires ? N’est-ce pas conciliable avec le caractère du sport ? De notre point de vue, la question du "sport", de sa "singularité" ou de sa "structure singulière" n’est qu’une cachotterie et la croyance en un sport dénué de finalités, une fiction. Le sport "en soi" ne dit rien de lui-même. Seuls les hommes qui le pratiquent peuvent parler à son sujet et leurs propos se révèlent très différents. Les cas où le sport n’est pratiqué que par amour pour le sport sont très rares ou inexistants. En général, il y a des fonctions, des significations et des effets pour lesquels on le pratique. Personne n’a le droit de rejeter ces significations et ses fonctions instrumentalisées au titre que ces éléments détruisent le sport. On ne doit pas se débarrasser des espoirs, des finalités ou des désirs d’autres personnes en les étiquetant comme étrangères au sport ou comme lui étant matériellement dommageables. Selon cette orientation, la question de la "déformation", de la perte de "l’authenticité du sport", de "tendances manipulatrices", de "pertes de dignité" et des expressions analogues qui dramatisent cela, ne sont plus de mise. Le vrai sport, réel, authentique, celui auquel les critiques de l’instrumentalisation du sport se réfèrent facilement, n’existe pas. Naturellement, Bernett et Schaller peuvent demander à ne pas dépasser les limites traditionnelles de ce que l’on entend actuellement par le terme "sport". Il existe de bonnes raisons à cette demande, mais qui ne peuvent être que de nature normative. Les normes ne peuvent être fondées que par des normes (règles ?) supérieures (à ce sujet Scherler & Schierz 1995, chap. 3). Se référer à l’objet "sport", à sa "singularité" ou à ses "données substantielles" ne fonde pas valablement cette demande et donne lieu à des dérives dans la domaine de la logique. Cela ne peut se faire qu’au prix d’une argumentation sur les avantages et les inconvénients qu’un tel changement porterait en lui et sur les raisons pour lesquelles de telles conséquences ne seraient pas désirables ou pour lesquelles d’autres conséquences probables

3 Note du traducteur : en allemand il y aune petite différence entre les termes "Ziel" et "Zweck" qui n’existe pas en français (but, objectif). Les hommes ont des "Ziele", le mot "Zweck" est liè à des choses/objets.

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seraient désirables. A ce point, on se rend compte que l’évaluation des avantages et des désavantages peut beaucoup varier. Ce que l’un considère comme un avantage est considéré par l’autre comme un inconvénient et le débat sur le sport rebondit. Le sport n’est en aucun cas dénué de finalités fixées par les hommes comme nous l’apprend le débat sur l’instrumentalisation. La soi-disant indépendance du sport à l’égard des finalités s’avère non pas une indépendance de finalités, mais la liberté dans la manière de les déterminer. Il y a beaucoup d’objectifs qu’on veut atteindre dans et par le sport. C’est un fait qu’on peut sans doute critiquer. Mais dans ce cas, il est nécessaire de préciser si l'on critique les buts auxquels le sport est soumis ou si on dénie l’aptitude du sport à être un moyen au service de ces buts. La critique des objectifs du sport ne peut être que de nature normative. On doit donc expliquer pourquoi on n’accepte pas tel ou tel objectif. Les doutes au sujet de la capacité du sport à être un moyen en vue de la réalisation de ces finalités, sont de nature empirique. Il faut ici démontrer pourquoi le sport ne peut produire ce qu’on attend de lui. Même si la prévention dans le domaine de la santé et la préparation militaire étaient autrefois toutes deux des objectifs de la pratique du sport, on les appréciera différemment. En ce qui nous concerne, nous ne critiquerons pas l’objectif de prévention parce qu’à notre avis la santé est le bien suprême de la vie humaine. Nous devons pourtant avouer qu’à cause du grand nombre de conséquences négatives possibles de la pratique sportive, des doutes sur les généralisations quant aux effets bienfaisants sont légitimes. Par contre, nous critiquerons l’objectif de préparation militaire parce que nous sommes contre toutes les sortes de confrontation guerrière. Pourtant, nous ne nions pas que le sport puisse améliorer la capacité physique des soldats et que c’est une condition importante pour l’aptitude au service militaire. L’appréciation de l’aptitude du sport en tant que moyen pour atteindre les objectifs mentionnés ci-dessus n’est alors pas une question de valeur mais d’effet. Aussi longtemps qu’on ne distinguera pas entre la question des objectifs souhaitables et le problème des moyens appropriés, le débat sur l’instrumentalisation tournera en rond. 2.3. Le sport, moyen et but d’éducation Tant qu’existeront la gymnastique, le turnen, les exercices physiques ou le sport, ces pratiques vaudront comme des moyens éducatifs excellents, d’une part pour "une éducation par le sport" et d’autre pour une "éducation au sport". Le but de l’éducation physique est de conférer aux élèves les compétences nécessaires pour faire du sport pendant et après leur scolarité. La référence de cette éducation est le sport hors de l’école : la diversité de ses interprétations, la complexité de ses exigences et la multiplicité de ses formes. L’objectif est la capacité d’être actif dans le sport. Mais, si on considère que cet objectif est intrinsèque, alors l’EPS n’est pas un moyen pour atteindre d’autres buts, mais une partie du système sportif. Dans le cadre d’une éducation par le sport, celui-ci est un moyen pour atteindre des objectifs comme le bien-être, la santé ou la sociabilité, qu’on peut rechercher aussi bien ou mieux par d’autres moyens tels que la méditation, la diététique ou le divertissement. L’objectif est de toute façon plus général que le moyen. Apprendre en cours d’EPS à installer rapidement le matériel de gymnastique aux agrès en partageant le travail, n’apprend pas seulement à manipuler ces appareils mais aussi à travailler en sécurité et efficacement. Qui se concentre sur un apprentissage physique et n’abandonne pas aux premières difficultés, n’apprend pas seulement un exercice sportif mais aussi apprend par soi-même. Qui s’empare du ballon en sport collectif, ne le fait pas seulement pour soi-même mais aussi pour l’équipe, et qui fait une passe sans y être obligé ne se montre pas seulement bon équipier mais aussi, potentiellement, bon partenaire dans la vie.

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Combiner l’efficacité et la sécurité dans le travail, être opiniâtre et savoir s’intégrer dans une équipe sont des manières d’agir que l’école doit encourager non seulement dans une mais dans toutes les matières. Même si l’enseignement est réparti en matières, l’enseignement n’est pas seulement fait de tâches spécifiques à chaque matière, mais aussi de tâches transdisciplinaires. Aucune matière n’est enseignée pour elle-même. Chaque matière est aussi un moyen d’atteindre des objectifs transdisciplinaires. Pour cette raison l’EPS doit toujours être éducation au et par le sport. Le poids qu’on donne à chaque objectif dépend en pratique des conceptions éducatives de l’enseignant. Qui considère l’éducation plutôt comme un moyen privilégié du développement des enfants et des jeunes, accordera sans doute davantage de poids à l’éducation par le sport. Qui considère l’enseignement comme la transmission de qualifications qui ont un sens en dehors de l’école, privilégiera l’éducation au sport. Dans le premier cas, l’EPS est un moyen pour atteindre des objectifs extérieurs au sport, dans le deuxième cas le sport hors de l’école est l’objectif et l’EPS le moyen. Ceux qui critiquent l’instrumentalisation du sport refusent que l’EPS puisse être but et moyen. Ils rejettent "l’éducation par le sport" et veulent réduire l’EPS à une "éducation au sport". Elle est alors amputée d’une moitié de sa mission. Si l’EPS est réduit à des objectifs spécifiques on dénie la dimension d’éducation transdisciplinaire de l’école et on affaiblit la position de l’EPS dans l’ensemble des matières. 2.4. Education à l’autonomie Si avec Schleiermacher on entend par éducation ce que la génération précédente attend de la suivante et ce qu’elle fait d’elle (Schleiermacher 1983, 9-10), les adultes essayent d’utiliser dans l’éducation scolaire les valeurs et les effets positifs du sport en faveur des adolescents, et de les protéger des aspects négatifs du sport. C’est pour cette raison que l’EPS devient une matière scolaire. Les élèves sont obligés de participer aux cours d’EPS et leurs prestations sportives sont évaluées. On prescrit aux enseignants et aux élèves sous forme de programmes ce qu’ils doivent enseigner et apprendre. Une telle institutionnalisation de l’éducation sportive à l’école amène une dimension prescriptible, que l’on peut, si on le souhaite, appeler instrumentalisation pour la reproduction sociale. Mais, cela ne serait qu’un aspect de l’éducation. Chaque éducation a un but, que ce soit la responsabilisation, l’émancipation ou l’autonomisation, et ainsi une fin. Selon Schleiermacher, celle-ci est atteinte quand la génération suivante est émancipée par rapport à la génération précédente et participe de manière indépendante aux tâches morales (Schleiermacher 1983, 15). L’éducation ne peut donc pas être une prescription constante ayant pour objectif l’émancipation. Celle-ci doit plutôt déjà être incluse dans l’éducation. La détermination par des adultes doit être réduite et l’émancipation des adolescents augmenter continuellement. Selon Benner (qui se réfère à Fichte) la pensée pédagogique doit présider au passage de la domination à l’émancipation. Il y a d’un côté, la préparation à une gestion créative de sa vie, et de l’autre, la nécessité de fondre l’automatisation de l’élève sur un appel permanent à sa réflexion et son action (Benner 1987, 56-63). Il en résultent deux paradoxes : l’éducation doit se rendre elle-même obsolète, et elle ne peut y parvenir qu’avec la contribution de l’élève. Qui respecte cette approche doit renoncer à des représentations qui comparent le pédagogue à un jardinier ou à un sculpteur et les élèves à des plantes ou à des pierres. L’homme éduqué n’est pas l’œuvre de pédagogues mais le résultat de ses propres efforts. Personne ne peut être éduqué contre son gré et sans sa participation. Apprendre n’est pas un effet et enseigner n’est pas une cause. Aucun enseignant ne peut se substituer à l’élève dans l’apprentissage. Il peut seulement l’encourager. Cette représentation de l’éducation renonce à

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toute forme d’instrumentalisation. L’émancipation et l’autonomisation sont les raisons qui interdisent une instrumentalisation des élèves, mais pas le fait d’utiliser le sport à des fins éducatives. 2.5. Justification de l’EPS comme discipline obligatoire Qui fait du sport dans un club ou dans un établissement de mise en forme le fait sous sa propre responsabilité et à ses propres frais. Il fait une demande d’adhésion et s’oblige à payer les cotisations. Il pratique le sport de son choix à des horaires, dans les lieux et en compagnie de personnes de son choix. Cette pratique n’a pas besoin de justifier son existence. Qui ne l’apprécie pas peut l’éviter ! L’élève qui participe aux séances d’EPS y est obligé dans le cadre de l’obligation scolaire. En règle générale, il ne peut choisir ni l’enseignant, ni les autres élèves de sa classe. Les contenus et les formes de l’éducation physique sont prescrits. En raison de ces prescriptions et de ces obligations, l’EPS doit justifier son caractère obligatoire. Les adultes doivent expliquer pourquoi ils prescrivent aux adolescents la pratique des APS. Le schéma des fondements d’une discipline scolaire est normalement celui d’une argumentation relative aux moyens et aux fins. Par cette argumentation, on justifie que l’EPS doit rester une discipline d’enseignement (ce qui, en référence à la présence du sport en dehors de l’école est occasionnellement contestée) et que l'on doit lui consacrer au moins trois cours hebdomadaires, en s’appuyant sur les effets sociaux souhaitables que procure la pratique de l’E.P.S. L’argumentation porte soit sur les avantages de sa présence, soit sur les inconvénients relatifs à son absence. On peut distinguer deux justifications (cf. Scherler 1995, 46-47). L’une interne à l’école concernerait un équilibre à trouver face aux sollicitations des autres disciplines. Le mouvement au lieu de l’absence de mouvement, la prise en considération du corps au lieu d’une surestimation du côté cognitif, le plaisir au lieu du sérieux : telles sont les devises relatives à l’importance de l’EPS. Le bien-être des élèves à l’école est ainsi défini comme un but et l’EPS, comme un moyen mis en œuvre contre les effets secondaires indésirables des autres disciplines d’enseignement. C’est la dignité humaine qui s’exprime au travers d’une telle argumentation en faveur d’un équilibre nécessaire. La vie dans l’institution scolaire doit être rendue supportable grâce à l’EPS. Contre elle intervient cependant sa position de second rôle. Une EPS compensatoire ne traite que des symptômes des maladies scolaires, mais pas leurs causes : l’obligation de rester assis, le travail intellectuel, l’absence de plaisir. En dehors de cela, il faut considérer que les récréations, où les élèves peuvent jouer et se mouvoir selon des modalités librement choisies, sont déjà une prévention de ces symptômes maladifs. Une EPS intensive, chargée de contenus et d’apprentissages, n’est pas nécessaire pour rétablir l’équilibre face au manque de mouvement et de plaisir, cela ne peut pas être son rôle unique. De plus, elle peut supposer elle-même des compensations, si elle est faite d’une façon trop spécialisée. La plus importante part des justifications de l’EPS est extrascolaire. Elles comptent sur le fait qu’il faut apprendre différents sports à l’école afin de pouvoir pratiquer un sport choisi en dehors d’elle. Cela signifie selon Robinsohn (1967) que les élèves doivent acquérir à l’école des qualifications afin de pouvoir dans l’avenir surmonter avec compétence et autonomie les passages difficiles de l’existence. En liaison avec cela, ce que l’on entend par de telles situations de vie peut être appréhendé dans le modèle de l’argumentation extrascolaire selon deux variantes : celle interne et celle externe au sport. La justification interne au sport est celle relative à une "éducation pour le sport". On apprend le sport à l’école pour pouvoir le pratiquer à l’école et en dehors. C’est la simplicité de cette justification qui parle en sa faveur. On n’assigne pas de finalités au sport que les

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critiques de l’instrumentalisation refusent comme instrumentales, extra sportives ou déterminées de l’extérieur. Mais contre eux, parle leur caractère "auto-référentiel". "Le sport à cause du sport" n’est pas un argument très convaincant pour justifier des heures d’enseignement obligatoire à l’école, car on peut dire autant de chaque domaine relevant du social. Il faut, au préalable, être persuadé de l’importance du sport pour, dans cette argumentation, approuver sa présence à l’école. Qui est contre le sport ou qui éprouve à son sujet encore quelque doute, n’aura pas en sa possession des arguments pour montrer pour qui et comment le sport est important. La justification externe au sport est celle d’une "éducation par le sport". Les contenus extra sportifs du sport, les contenus transdisciplinaires de l’EPS, le contrat éducatif général de l’école deviennent ici des buts. Cette demande là justement parle en faveur de cette justification. Elle ne se limite pas au contenu disciplinaire de l’EPS, mais contribue également à l’accomplissement du contrat éducatif transdisciplinaire de l’école. Le sport et les activités physiques ne sont ainsi en fait plus qu’un moyen parmi d’autres pour atteindre des objectifs éducatifs généraux. Contre cette justification de l’EPS, on peut d’abord objecter qu’elle ne tient pas ce qu’elle promet. D’autre part, on peut critiquer la définition de finalités propres à l’école mais étrangères au sport. C’est exactement ce que fait la critique instrumentale. Ainsi, la longue liste de ses exemples historiques est une preuve que le recours à des objectifs externes au sport est largement répandu et a manifestement du succès. L’EPS est encore à l’école. Mais, la lutte pour une existence continue à l’école devient de plus en plus dure. Ce que l’on peut exiger d’écoliers en ce qui concerne le volume horaire hebdomadaire est limité par l’organisation de la semaine scolaire en Allemagne en cinq à six demi-journées à l’école. Le nombre des matières et l’étendue de ce qu’exige chacune d’elles ne cessent d’augmenter. Les mesures d’économie dans le budget fédéral et dans celui des Länder s’étendent aussi au domaine de l’éducation. Depuis longtemps une concurrence s’est installée entre les matières, dont la conséquence est une volonté de se supplanter mutuellement. Dans ce contexte, l’EPS a du mal à conserver son acquis de trois heures hebdomadaires, d’autant que peu de matières sont représentées autant que le sport en dehors de l’école. Dans ce contexte de précarité et de danger, il serait maladroit de renoncer à des arguments favorables à l’EPS au nom du risque d’instrumentalisation du sport. Mais, il ne faut pas se payer de belles paroles. On peut se contenter d’invoquer l’efficacité et l’utilité de l’EPS. Le problème est que ces finalités sont plus faciles à mettre en évidence pour l’éducation au sport que pour l’éducation par le sport, mais en déduire trop vite qu’il faut renoncer à la seconde serait dommageable pour les élèves comme pour l’école. Une évaluation de l’EPS s’impose pour vérifier si les objectifs de l’EPS sont atteints et si elle répond à ce qu’elle prétend atteindre. On a le droit d’en douter. Mais, on ne doit pas pour autant renoncer à l’apport transdisciplinaire de l’EPS au nom du risque de l’instrumentalisation. Il faut plutôt s’efforcer de les atteindre par une évaluation de la qualification professionnelle des enseignants. Texte traduit par Marie Estelle Godar

Bibliographie BECKERS, E.: Der Instrumentalisierungsvorwurf. Ende des Nachdenkens oder Alibi für die

eigene Position? In: Sportwissenschaft 23 (1993), 233-258 BECKERS, E.: Darf Sport ein pädagogisches Mittel sein? In: Sportwissenschaft (1994), 82-88 BENNER, D.: Allgemeine Pädagogik. Eine systematisch-problemgeschichtliche Einführung in

die Grundstruktur pädagogischen Denkens und Handelns. Weinheim 1987

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KMK (Hrsg.): Zur Anzahl der Sportstunden an den Allgemeinbildenden Schulen in der Bundesrepublik Deutschland. Zusammenfassung einer Expertenbefragung. Bonn 1992

KURZ, D.: Elemente des Schulsports. Schorndorf 1977 KURZ, D.: Sinn, Folgen und Zwecke. Zur Instrumentalisierungsdebatte im Sport. In:

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(1992), 9-31 SCHALLER, H.-J.: Das Ende der Hermeneutik. In: Sportwissenschaft 23 (1993), 416-422 SCHERLER, K.: Sport in der Schule. In: Rode, J./Philipp, H. (Hrsg.): Sport in Schule, Verein

und Betrieb. Sankt Augustin 1995 SCHERLER, K./SCHIERZ, M.: Sport unterrichten. Schorndorf 21995 SCHLEIERMACHER, F.: Pädagogische Schriften I. Frankfurt/Berlin 1983 SEIFFERT, H.: Einführung in die Wissenschaftstheorie. Band 1. München 101983 VOLKAMER, M.: Zweck oder Wirkung? Zur pädagogischen Instrumentalisierung des Sports.

In: Sportwissenschaft 23 (1993), 423-429 WAHRIG, G: Deutsches Wörterbuch. Gütersloh 1994 (Le chiffre placé en tant qu'exposant indique l'édition à laquelle il est fait référence)

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EVOLUTION DU DEBAT EN DIDACTIQUE DE L'EDUCATION PHYSIQUE

Doris Küpper

Donner une vue d'ensemble de l'état et des tendances de la didactique de l'Education

Physique1 se heurte à plusieurs difficultés : les constellations sociales, les choix politiques, les courants dans le débat pédagogique, qui ont influencé son développement et sa compréhension actuelle, ne peuvent pas être exhaustivement décrits. De plus, il existe des contradictions, des inconstances dans le développement et des obstacles qui entravent l'effort de saisir son évolution.

Pour cette raison, l'exposé qui suit s'attache à décrire seulement quelques étapes marquantes de ce développement et tente de les appréhender dans le cadre des grands courants qui les ont déterminées. Ces étapes ont été retenues au regard de leur contribution à éclairer le débat actuel. Cette présentation ne fait référence qu'à l'ancienne RFA; ceci s'impose d'abord à cause de l'expérience de l'auteur, limitée à cette partie de l'Allemagne. De plus, une prise en compte de la théorisation de la question dans l'ex-RDA, puis de ses nouvelles orientations après 1990, élargirait le débat au point de ne plus pouvoir l'appréhender globalement. 1. Retrouver confiance dans l'importance pédagogique de la culture physique en s'appuyant sur des partenaires extérieurs

Avec la fin de la deuxième guerre mondiale s'ouvre une période d'instabilité. L'utilisation idéologique des exercices physiques par le national-socialisme a profondément discrédité un champ de pratiques, qui s'est laissé manipuler sans grande protestation à des fins diverses : propagande politique, instrument raciste, exploitation des valeurs et des pratiques sportives pour garantir l'aptitude au service armé.

Afin de donner à l'éducation physique une nouvelle légitimité dans le système éducatif, on a eu recours aux arguments d'auteurs faisant autorité en philosophie, en psychologie, en sociologie et en pédagogie. Vierges de tout soupçon, ils étaient alors les meilleurs avocats pour promouvoir l'éducation physique au rang de discipline scolaire2. Un appui fut également trouvé chez un partenaire à la puissance grandissante, le Deutscher Sportbund, qui, depuis sa fondation en 1950, encourageait le développement d'une théorie de l'éducation physique ainsi que l'ancrage de la culture physique dans le système éducatif, et qui avait une forte influence sur la programmation de la politique éducative.

Lorsque l'on résume la situation de l'éducation physique dans les années 50, on peut ainsi constater qu'à une "détresse extérieure" (manque de locaux et d'enseignants) répondait une "détresse intérieure" (quête d'une nouvelle orientation normative de l'éducation physique). Pratique et théorie de l'éducation physique se retrouvaient dans un statut encore

1 Note du traducteur : la discipline d'enseignement scolaire appelée en France "E.P.S." a vécu en Allemagne Fédérale un changement de dénomination : de "Leibeserziehung" (littéralement éducation physique), elle devient "Sportunterricht" (littéralement enseignement du sport) au début des années 70. Nous traduirons ces deux termes par "Education Physique". Ici, "Sportdidaktik" renvoyant donc au milieu scolaire, nous le traduisons par "didactique de l'Education Physique" plutôt que par "didactique du sport". 2 Sur cette idée, on peut se référer, entre autres, à Herman NOHL, Die geistige Bedeutung der Leibesübungen (1951); Helmuth PLESSNER, Die Funktion des Sports in der industriellen Gesellschaft (1956); Philipp LERSCH, Der Sport als Aufgabe unserer Zeit (1958); José ORTEGA Y GASSET, Uber des Lebens sportlich-festlichen Sinn (1955); Eduard SPRANGER, Die Persönlichkeit des Turnlehrers (première édition en 1929 et réédité ensuite dans les années 50).

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instable et mal assuré, alors même qu'il ne manquait ni d'arguments théoriques ni de conséquences pratiques pour accorder à cette discipline une plus grande importance. 2. Démarches autonomes pour une légitimation pédagogique de l'éducation physique dans le contexte didactique de la "Bildungstheorie"3

A la fin des années 50, la pédagogie commence à se différencier comme science à part entière. Les "journées pédagogiques universitaires" (Pädagogische Hochschultage) à Tübingen (1959) et à Trèves (1962) donnent une forte impulsion à l'établissement de la didactique comme discipline particulière de la pédagogie. L'influence grandissante de la "bildungstheoritischen Didaktik"4, développée à partir de la Théorie de la "kategorialen Bildung"5 (cf. Klafki 1963), suscite la volonté, pour chaque matière d'enseignement, d'une reconnaissance de sa propre valeur formative, permettant d'en justifier la contribution spécifique au processus global d'éducation. Cette revendication, développée à partir de la "didactique générale" (Allgemeine Didaktik), trouva un écho auprès d'une théorie de l'éducation physique qui était, déjà depuis les années 50, en quête d'une nouvelle légitimation pédagogique, après s'être appuyée jusqu'alors sur des fondations hétérogènes.

La perspective de conquérir une légitimité pédagogique autonome s'est ainsi ouverte avec le rattachement au modèle didactique général de la "Bildungstheorie". Les plus influents didacticiens de la discipline, sur la base de découvertes anthropologiques fondamentales, ont avancé des propositions, assez cohérentes entre elles, sur la structuration du champ didactique (cf. Bernett 1962; Grupe 1951; Hanebuth 1961; Meste 1969; Paschen 1961; Schmitz 1966, 1967). Les avancées en didactique de la discipline, sous l'influence de la "Bildungstheorie", peuvent se résumer ainsi :

- l'argumentation en éducation physique se dote d'un soubassement anthropologique convaincant;

- dans sa spécifique et irremplaçable mission de formation, la discipline se voit attribuer le domaine (Kategorie) de l'expérience du mouvement, et ceux, qui concrétisent son sens, du jeu, de la compétition, de la performance et de la création de formes corporelles;

- ainsi, sa légitimation pédagogique se détache-t-elle d'une naïve et optimiste conception du transfert, comme de l'affirmation simpliste d'une finalité fonctionnelle de l'éducation, telles qu'on les rencontre dans les préambules des anciennes instructions officielles;

- dans l'ensemble, la légitimité pédagogique de l'éducation physique devient plus crédible et son statut dans le champ de la didactique générale s'en trouve renforcé.

Malgré cette évolution, la discipline reste tributaire du contexte de l'époque, lequel avait pourtant provoqué l'introduction de la "Bildungstheorie" dans sa pensée didactique : ainsi, l'éducation physique n'était pas encore, dans les années 60, une matière reconnue et intégrée au sein de l'université. Il était encore impossible de soutenir une thèse ou d'obtenir une habilitation. La démarche de la "Bildungstheorie", qui exigeait des analyses à la fois d'un niveau élevé d'abstraction, et en même temps cohérentes avec les postulats théoriques de la "didactique générale", donnait pourtant à ses adeptes reconnaissance et réputation scientifique (Cf. Hecker/Küpper 1982). En même temps, ce point fut critiqué: à cause justement du haut degré d'abstraction de la discussion, les propositions didactiques fondées sur la

3 Note du traducteur : la "Bildungstheorie" est un courant didactique né en Allemagne Fédérale à la fin des années 50, liée au nom de Wolfgang Klafki, et qui a fortement influencé l'éducation physique scolaire dans les années 60. 4 Note du traducteur : littéralement "didactique basée sur une théorie de l'éducation". 5 Note du traducteur : littéralement "éducation catégorielle".

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"Bildungstheorie" n'ont quasiment pas influencé la pratique de l'Education Physique. Les pratiques d'enseignement restaient inchangées. 3. La pédagogie par objectifs, signe d'une éducation physique tournée vers des apprentissages disciplinaires dans le cadre de la "Curriculumtheorie"6, et le développement d'une didactique sportive dans un cadre socio-théorique

Dans les années 60, la construction des didactiques générale et disciplinaires a reçu une série de nouvelles impulsions. Celles-ci restaient cependant d'une portée limitée car, se rattachant chacune au cadre d'une théorie de base spécifique, elles ne touchaient qu'une partie restreinte du champ didactique. Cette difficulté devait être surmontée par la tentative d'une réorientation vers la "Curriculumtheorie"; dans le même temps s'accroissait la demande d'objectiver le choix des programmes scolaires, d'expliciter leur implication sociale et de démocratiser le processus des décisions. La méthode présentée par Saul B. Robinsohn (1972) pour la rédaction des programmes scolaires, visait à rendre disponible un instrument remplissant ces attentes, et au-delà à faciliter la construction des programmes scolaires discipline par discipline.

Cette démarche comprenait les étapes suivantes : - analyser les conditions probables de vie que connaîtront les jeunes gens dans

l'avenir; - déterminer les qualifications requises par ces conditions; - leur attribuer des éléments qualifiants, permettant d'acquérir les compétences

envisagées.

Grâce à un contrôle permanent de chacune des étapes, devait être vérifiée la précision des résultats et devaient être modifiées, en cas d'erreur, les décisions injustifiées. Les instances participant au processus de construction des programmes devaient être rationnellement choisies, et les commissions de décisions avoir une légitimité démocratique. La complexité de cette méthode fut également la cause de son échec. Il apparût assez vite, que les objectifs qu'elle se fixait ne pouvaient être atteints que dans des délais importants. Les conditions de vie avaient alors déjà changées avant même qu'on soit arrivé au premier niveau de décision dans la programmation scolaire. C'est pourquoi il n'est pas étonnant que presque aucun résultat ne fut obtenu en matière de programme d'éducation physique. Toutefois, les principes de la "Curriculumtheorie", auxquels on attribuait une certaine cohérence, se sont répandus de plusieurs manières dans les orientations des didactiques disciplinaires.

Pédagogie par objectifs et prévision des futures conditions de vie des jeunes gens sont les mots clés qui se dégagent et qui ont marqué le développement ultérieur de l'éducation physique. Ainsi s'est établie, suite à la revendication d'objectiver le choix des programmes scolaires, une démarche pour opérationnaliser les objectifs d'apprentissages. Cela s'est traduit, selon Mager (1967), par la description des objectifs en terme de comportements observables qu'un apprenant doit pouvoir produire après avoir suivi avec succès une séquence d'apprentissage. En même temps sont spécifiées les conditions dans lesquelles le comportement doit être produit ainsi que les critères permettant de le juger satisfaisant.

L'application rigoureuse de ces prescriptions a des conséquences fâcheuses : seul un petit nombre d'objectifs peuvent, dans le domaine sportif, se définir ainsi ; ceux qui ne peuvent être opérationnalisés sont abandonnés. En conséquence, certaines catégories d'objectifs monopolisent l'intérêt didactique de la discipline. Même si une telle tendance

6 Note du traducteur : cette théorie, à l'origine en opposition à la "Bildungstheorie" de Klafki, jette les fondements de le la pédagogie du "développement curriculaire". L'opposition entre la Bildungstheorie et la Curriculumtheorie a dominé les débats sur l'enseignement en Allemagne Fédérale à la fin des années 60 et au début des années 70.

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n'était pas vraiment recherchée, mais plutôt inconsciemment produite, elle a eu des effets qui ont influencé la pratique de l'éducation physique. Incitation à produire des habiletés fermées, performance dont les normes sont imposées de l'extérieur, reproduction des modèles du sport extrascolaire, sont les idées clés autour desquelles, au début des années 70, s'est focalisée la discussion dans la discipline. Un signe visible de cette évolution est l'abandon du terme "éducation physique" (Leibeserziehung) pour désigner la discipline, au profit des expressions "enseignement du sport" (Sportunterricht) ou "sport scolaire" (Schulsport).

Cette tendance est renforcée par l'intérêt croissant du public pour le sport de haut niveau, motivé entre autres par les Jeux Olympiques de Munich. Par un raccourci simpliste, le sport scolaire a reçu une fonction préparatoire au sport de performance, en partie à cause de l'impact des résultats sportifs sur la comparaison des systèmes politiques.

Cependant, le débat sur la didactique du sport dans les années 70 ne se développe pas dans une seule direction. A côté de la domination de la pédagogie par objectifs s'établissent des démarches qui, s'appuyant sur des modèles socio-théoriques, reconnaissent dans l'enseignement du sport à l'école une instance de socialisation, le mettent en cause à ce titre et proposent de le modifier partiellement. Ces démarches furent influencées par des positions sociocritiques, qui ne purent toutefois pas pénétrer durablement les débats en Education Physique (cf. Rapport du 6ème congrès de l'Education Physique "socialisation et sport"). 4. Critique des concepts de la pédagogie par objectifs, centration de l'éducation physique sur l'apprenant, élargissement du spectre de ses objectifs et de ses pratiques

La mise en cause des fondements de la pédagogie par objectifs conduit, au cours des années 70, à l'émergence de projets alternatifs, plaçant les élèves comme sujets - et non comme objets - de l'éducation et des apprentissages et dégageant de cette position fondamentale des conséquences didactiques.

Dans la confrontation entre deux conceptions de l'éducation physique, l'une centrée sur le produit, l'autre sur le processus (Brodtmann/ Kleine-Tebbe 1973), est critiquée la tendance de la première à restreindre le domaine des objectifs de l'éducation physique, et est reconnue l'importance de l'apprentissage par l'expérience vécue ; à côté d'une économie rationnelle de l'enseignement doivent être permis de fructueux détours, une prise en compte de l'intérêt et des besoins d'apprentissage spontanés des élèves, et la mise en place d'espaces de liberté pour développer des conduites responsables. Cela ne signifie pas laisser "tâtonner" sans but, mais débouche sur des processus d'apprentissage et d'expérience différents, mais tout aussi importants, que ceux d'une démarche purement instructive.

Dans le projet d'une "Education Physique ouverte" (Offener Sportunterricht), conçu par Hildebrandt/Laging (1981) et le Groupe de Travail de Francfort (Frankfurter Arbeitsgruppe 1982), ces nouvelles démarches sont reprises et précisées, parfois avec excès. Leurs propositions ont cependant fortement contribué à élargir la conception du sport et de son enseignement.

Dans une démarche pragmatique, la didactique de l'éducation physique se construit autour d'une position médiane, bien décrite par l'expression "autonomie d'action en sport" (Handlungsfähigkeit im Sport : Kurz 1977). Cette position considère l'"ouverture" du sport et de l'enseignement comme une conception particulière dans le débat sur la didactique de la discipline, et l'intègre dans la définition des constituants de l'éducation physique. Elle marque l'avènement d'une didactique de l'éducation physique devenue plus confiante en elle-même. Sa démarche est d'autant plus pragmatique qu'elle :

- n'est plus soumise à une théorie fondamentale de didactique générale; - synthétise l'ensemble des positions didactiques antérieures en éducation physique,

tout en leur donnant un prolongement critique et constructif; - envisage le caractère évolutif et contingent des réalités du sport extrascolaire;

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- prend en compte le cadre de l'institution scolaire et ses spécificités par rapport à d'autres contextes d'enseignement sportif.

Elle arrive ainsi à définir des critères, pour le choix des contenus de l'éducation physique, qui intègrent, jusqu'à un certain point, les traditions de la discipline et des tendances novatrices.

Le concept d'une didactique pragmatique de l'éducation physique, découlant de l'idée "d'autonomie d'action en sport" (Kurz), fut dans les années 70 largement consensuel, et se concrétisa dans certaines Instructions Officielles et dans les programmes scolaires les accompagnant (particulièrement dans l'Etat de Rhénanie-du-Nord-Westphalie). En même temps, des perspectives didactiques, issues d'une autre vision du corps et du mouvement, se sont affirmées, proposant une alternative à une démarche centrée sur le sport en tant que phénomène sociétal. La démarche didactique de "l'expérience corporelle" (Körpererfahrung) voue son intérêt au sujet agissant, au service duquel le sport devrait être placé, de façon à lui permettre de "vivre son corps et d'en prendre conscience", et de "faire l'expérience, par l'intermédiaire du corps comme médiateur et récepteur de sensations, de l'environnement humain et matériel." (Funke 1987, 96) L'expérience corporelle est présentée comme une "perspective importante" (Treutlein/ Funke/ Sperle 1986, 10) dans la pratique du sport qui, sans être la seule à lui donner du sens, n'en est pas moins centrale et pourtant largement mise à l'écart.

Le débat qui, dans les années 80, a mis l'accent sur l'éducation à la santé par l'éducation physique, permet de constater qu'il s'agit là d'un intérêt pédagogique largement négligé. Bien que ce dernier ait toujours constitué un argument de légitimation traditionnel de l'E.P., il ne se trouve pas concrétisé dans la pratique, ou de façon très limitée. Conformément à une définition actuelle, la santé est conçue comme un tout, dont la conservation, par le maintien d'un équilibre entre les sollicitations, les contraintes quotidiennes, et les ressources individuelles, est partiellement influençable par l'individu. Les possibilités qu'offrent les APS7 pour éduquer à la préservation de la santé sont affirmées et illustrées par des exemples concrets (KM/AOK NRW 1989, 1990, 1993).

Une thème d'argumentation supplémentaire, qui caractérise le débat didactique des années 80, se trouve dans l'analyse approfondie de la socialisation par le sport, et des possibilités de la mettre en pratique (Kleindienst-Cachay 1980; Ungerer-Röhrich 1984; Pühse, 990; Ungerer-Röhrich et al. 1990). 5. Recherche, dans une nouvelle perspective, d'une orientation pédagogique fondamentale disparue

Au début des années 90, l'éducation physique se présente sous un aspect assez hétérogène: la diversité théorique que nous venons de décrire ne rend pas tout à fait compte de sa réalité. L'institution scolaire se montre, à son habitude, résistante aux réformes et les chances de concrétisation des impulsions nouvelles s'en trouvent fortement conditionnées par la souplesse et la disposition des enseignants à mettre en œuvre les innovations. Aussi l'éducation physique actuelle apparaît-elle sous la forme d'un conglomérat de pratiques. Même si des enseignants engagés intègrent, dans leur mise en œuvre pédagogique, des contenus issus de l'expérience corporelle ou de l'éducation à la santé, la pratique quotidienne reste dominée par l'influence des pratiques sportives codifiées et tournée vers la production d'un résultat (cf. Balz 1992). Les Instructions Officielles et les programmes scolaires, dont les conceptions pédagogiques datent encore des années 70, sont quasi exclusivement interprétés comme des règles astreignantes, sans que soient mis à profit, dans un sens réformateur et

7 Note du traducteur : nous traduisons "Bewegung, Spiel und Sport" (littéralement "mouvements, jeux et sports"), expression consacrée désignant les contenus d'enseignement de l'Education Physique, par "Activités Physiques et sportives" (APS).

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pédagogiquement responsable, les espaces de liberté qu'ils ménagent malgré tout. Cependant, l'exigence se fait plus pressante de définir un profil pédagogique précis de l'éducation physique qui dépasse la simple initiation aux techniques sportives et de l'inscrire dans les programmes scolaires. Cette nécessité s'explique par l'évolution du sport extrascolaire, par le cadre de vie des jeunes gens et leurs besoins moteurs et par les attentes de l'école dans le domaine des objectifs transversaux (pour une synthèse cf. Stibbe 1992).

5.1. Evolution du sport extrascolaire

Hors du contexte scolaire, les pratiques physiques, ludiques et sportives ont vu leur contenu, leur signification et leur mode d'organisation tellement modifiés, que les éléments traditionnels de l'Education Physique ne représentent plus qu'une partie restreinte de leur réalité. Ces disciplines traditionnelles (par exemple la gymnastique ou l'athlétisme), qui ont revendiqué un statut dominant en éducation physique, connaissent une désaffection croissante, de la part des adolescents et des jeunes adultes, dans le cadre extrascolaire. L'intérêt des jeunes s'oriente vers d'autres pratiques : roller en ligne, VTT, escalade, surf des neiges, triathlon, aérobic, bodybuilding et jonglage constituent des activités qui entraînent de plus en plus leur adhésion. Sans pouvoir intégrer toutes ces APS au seul motif qu'elles sont à la mode (et d'ailleurs souvent assez vite dépassées), une conception contemporaine de l'éducation physique doit néanmoins permettre de faciliter l'adaptation à l'évolution rapide des pratiques.

L'attrait des jeunes pour certaines de ces activités nouvelles s'explique en ce qu'elles se détachent de l'orientation traditionnelle vers la performance et la compétition. L'expérience en milieu naturel, l'aventure et le risque, la forme et la santé semblent résumer les significations de plus en plus souvent recherchées par les jeunes gens dans leur pratiques physiques spontanées.

Enfin, les modes d'organisation de la pratique sportive ont également changé. Si le sport institutionnalisé joue encore un rôle important, d'autres formes d'organisation se sont établies, et connaissent une extension notable : l'offre sportive commerciale, ou le développement de pratiques "sauvages", non-organisées, constituent des exemples caractéristiques.

5.2. Changements dans le cadre de vie et l'activité motrice des enfants et des adolescents

L'activité motrice dans le cadre de vie pré ou périscolaire permet aux enfants et aux adolescents de vivre des expériences et de développer des compétences favorables à la gestion autonome de leur vie physique ultérieure. Ils créent des conditions sur lesquelles peut s'appuyer l'éducation physique. Par "conditions", il faut entendre aussi bien l'accumulation d'expériences motrices durant l'enfance, que le goût pour la pratique des APS.

Cependant, une série d'analyses a montré qu'on ne peut plus, aujourd'hui, présupposer chez les enfants l'acquisition par le jeu spontané d'un certain degré d'expérience motrice. En effet, des données nombreuses indiquent la transformation actuelle du mode de vie durant l'enfance, que l'on peut résumer par les mots clés: "enfermement à la maison" (Verhäuslichung), "rationalisation de l'emploi du temps" (Verplanung), "insularisation des lieux de vie" (Verinselung), "médiatisation" (Mediatisierung), "isolement" (Vereinzelung), "enfants livrés à eux-mêmes" (Verselbständigung) (cf. entre autres Landau 1992; Schmidt 1993). Même si ces résultats ne peuvent pas être généralisés, l'éducation physique doit les prendre en compte, en permettant l'acquisition de pré-requis avant d'aborder une motricité de type sportif. Ceci suppose de relativiser l'orientation précoce vers les techniques, au profit d'un enseignement fondamental privilégiant les expériences de base qui faciliteront

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l'adaptation ultérieure aux différents types d'activités physiques et sportives (cf. Küpper 1991).

5.3. Références aux exigences pédagogiques transversales de l'institution scolaire

La mission éducative de l'école évolue dans le contexte d'une transformation des conditions et des exigences sociétales. Ceci se concrétise par la révision, généralement tous les 10 à 15 ans, des Instructions Officielles et des programmes scolaires. En raison de la structure fédérale du système d'éducation, ces modifications n'interviennent pas simultanément dans tous les Etats (Länder), ni même, au sein d'un Etat (Land), dans toutes les disciplines ou à tous les niveaux d'enseignement. La centration dominante sur le produit de l'action et sur l'enseignement disciplinaire trouve ses racines, on l'a vu, dans le débat pédagogique des années 70. Depuis, la mission éducative de l'Ecole a connu des évolutions qui lui ont fait prendre de l'avance par rapport à la conception traditionnelle de l'Education Physique. "L'école primaire au service de l'enfant", "individualisation et centration sur l'apprenant l'éducation physique ", "caractère éducatif de l'enseignement" (Erziehender Unterricht) sont les mots clés qui témoignent, malgré des nuances dans la terminologie des Instructions Officielles et des programmes scolaires, de la convergence des orientations éducatives dans les différents Etats. La mise en cohérence de l'Education Physique avec ces orientations contribuerait à lui donner plus d'acuité, et à affermir sa position au sein du système éducatif. La tendance actuelle à la réduction des horaires d'éducation physique montre que cette discipline n'a plus un rôle pédagogique incontesté (cf. Scherler 1995). 6. Perspectives

L'évolution de la didactique de l'éducation physique, seulement esquissée, fait apparaître la diversité des influences qui ont imprégné sa conception actuelle. Cette dernière peut se résumer dans les tendances suivantes.

Les contenus de la discipline s'élargissent au-delà du cadre restreint de l'enseignement des techniques traditionnelles, pour intégrer dans la notion de "culture motrice" (Bewegungskultur) d'autres dimensions, que le terme "sport" ne permet plus de décrire entièrement. Grössing (1993) propose, dans ce but, une catégorisation de contenus.

L'idée que le sport peut être interprété selon des perspectives multiples (Konzept der "Mehrperspektivität") apparaît, dans le contexte de l'éclatement des positions didactiques particulières au sein de la discipline, comme un fondement important de l'orientation de l'éducation physique. Malgré cela, une base normative commune est actuellement recherchée dans le but de dégager, par-delà la multiplicité des perspectives, une position éducative consensuelle (cf. Kurz 1992; Balz 1992). Cet effort réactualise, dans une acception moderne, des conceptions de la "Bildungstheorie" qui avaient été abandonnées (cf. Meinberg 1992; Prohl 1991; Stibbe 1992).

Devant cet arrière-plan sont discutées et proposées des démarches d'enseignement, concernant les principaux pré-requis aux compétences motrices, les structures communes à différentes habiletés sportives, les besoins éducatifs fondamentaux, ou certains aspects cruciaux de la pratique sportive. On trouve des exemples de ces démarches transversales sous des thèmes comme : "capacités d'équilibration", "harmonisation des actions au sein d'un groupe", "accepter les différences dans la pratique sportive", "fitness, mode ou qualité de vie" (cf. Küpper 1991, 1996). Ainsi les Cahiers thématiques ("Sportartübergreifende Angebote") développent des propositions transversales en éducation physique ou encore la revue "Sportunterricht" laisse place à des orientations thématiques ("Themenorientierung"). Dans

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ces démarches, les pratiques sportives sociales ne sont pas éliminées mais leur logique structurelle propre s'efface derrière la poursuite première d'objectifs propres à l'enseignement.

En résumé, on constate que l'évolution du débat sur la didactique de l'éducation physique a suivi un chemin complexe et parfois contradictoire et, qu'en revanche, son aboutissement - aussi hétérogène qu'il puisse paraître - a permis aussi bien la conservation de ce qui, dans la tradition, résistait à l'épreuve du temps, que la mise à jour des déficits et la formulation de perspectives. La phase actuelle de transition vers une nouvelle orientation de la discipline laisse espérer une plus grande prise en compte du droit des enfants et des adolescents à voir renforcer leur développement par les APS sur une base pédagogique qui soit, à la fois, ambitieuse et réaliste. Texte traduit par Olivier Faucon et Stéphanie Schell

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LA DIDACTIQUE DE L’EDUCATION PHYSIQUE ET DU SPORT EN FRANCE

Chantal Amade-Escot

L'émergence en France, il y a à peine 20 à 25 ans d'un champ de recherche que les chercheurs eux-mêmes ont choisi d'appeler "didactiques des disciplines" est sans aucun doute à l'origine du développement dans le secteur des Activités Physiques et Sportives (APS) d'un ensemble de travaux visant à constituer un corpus de connaissances originales liées à l'intervention dans les différents milieux de pratique des APS. Il existait, bien sûr, précédemment des travaux empiriques ou théoriques sur le domaine. Les questions d'enseignement et d'entraînement ont aussi fait l'objet d'élaborations doctrinales qui influencent toujours les cursus de formation. Des recherches sont menées au sein des différentes branches des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS), d'autres empruntent la perspective des Sciences de l'Education. La période actuelle se caractérise par une tentative de regroupement des différents acteurs de la recherche en intervention selon des lignes de force (ou de partage) que nous tenterons de décrire dans cette introduction. A la suite de quoi nous présenterons les caractéristiques des recherches proprement didactiques. Nous avons souligné, il y a déjà quelque temps (Amade-Escot 1989), que le terme de "didactique" dans la langue française est d'un emploi polysémique, sa fréquence d'utilisation dans les textes officiels et le vocabulaire en usage chez les professeurs d'Education Physique et Sportive (EPS) n'en facilite pas la définition. Dans un sens large et imprécis, il désigne toute recherche et toute réflexion sur l'enseignement. Or, justement, la spécificité de la recherche en didactique des disciplines est de délimiter ce qui est de l'ordre du didactique afin de fonder ses objets d'étude. Deux grandes orientations de recherche sont identifiables : - L'orientation classique des Sciences de l'Education. C'est l'acte d'enseigner qui est ici étudié, indépendamment des contenus en jeu. Il s'agit pour le chercheur d'identifier les procédures d'enseignement les plus pertinentes, en vue d'aider les praticiens dans leurs décisions, ce que Martinand (1987) appelle le "génie pédagogique". Dans cette veine, on retrouve les travaux sur l'analyse de l'enseignement, successivement menés en EPS selon le paradigme processus-produit, le paradigme des variables médiatrices, le paradigme écologique et plus récemment le paradigme constructiviste (Siedentop 1995). Influencées par les tendances de la recherche en éducation, auxquelles elles empruntent les cadres théoriques et méthodologiques, ces recherches étudient le processus "enseigner-apprendre" dans ses aspects les plus généraux. Il s'agit des travaux habituellement désignés sous le vocable de "pédagogie du sport et de l'éducation physique". A l'origine assez positivistes, ces recherches se sont diversifiées dans la période récente et s'ouvrent à d'autres méthodologies plus qualitatives (travaux sur la pensée de l'enseignant, sur l'expertise, sur les bases de connaissances, etc.). - L'orientation didactique, au sens donné par la communauté francophone des didacticiens des disciplines. Sa caractéristique et son originalité consistent à étudier les phénomènes d'enseignement et d'entraînement dans ce qu'ils ont de spécifique de la connaissance enseignée. Le terme de didactique, dans ces recherches, peut être rapproché de celui de "didactique spéciale", mais il s'en distingue du fait de l'option cognitiviste et constructiviste au fondement de leurs travaux. Ce sont les interactions des différents acteurs de la situation d'enseignement-apprentissage avec les contenus d'enseignement ou d'entraînement qui focalisent l'attention des chercheurs. Cette direction de recherche a des

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liens avec le programme scientifique dit du "pedagogical content knowledge" développé depuis quelques années en Amérique du Nord. Elle s'en distingue cependant au plan théorique et conceptuel. Une autre ligne de démarcation peut être appréhendée à partir des objets étudiés. Le programme de recherche en didactique ne se limite pas à l'étude de l'organisation de la base de connaissances des intervenants et apprenants et de leurs effets sur les acquisitions, mais intègre l'étude des conditions concrètes de transmission et de transformation de ces connaissances dans la complexité des situations réelles. Le paradigme didactique rassemble un ensemble de travaux dont la spécificité est d'étudier les systèmes de transmission / appropriation de connaissances dans les institutions organisées à cette fin. C'est pourquoi les questions d'entraînement, de récréation et de réadaptation peuvent être étudiées d'un point de vue didactique, au même titre que l'enseignement scolaire. 1. Emergence et spécificité d'un champ de recherche en STAPS : didactique de l'Education Physique et des Activités Physiques et Sportives 1.1. Emergence Les recherches en didactique de l'EPS et des APS sont apparues en France au début des années 1980 dans un contexte particulier aux répercussions profondes : - Création à l'INRP (Institut National de la Recherche Pédagogique) d'une équipe de chercheurs en Education Physique et Sportive au sein du Département de Didactiques des Disciplines de cet institut. - “ Universitarisation ” des formations en STAPS, avec notamment la création d'un troisième cycle sanctionné par un doctorat dans les domaines des sciences du sport. - Refonte des programmes d'études pour l'enseignement secondaire en éducation physique et création de commissions d'experts pour ces programmes associant universitaires, professeurs de terrain et personnalités institutionnelles. En éducation physique, les quinze dernières années ont été marquées par un large débat d'idées, par de profondes modifications dans la formation des enseignants et de nombreuses innovations dans les pratiques scolaires. Par ailleurs, les transformations du contexte universitaire ont distendu les relations qui existaient auparavant entre la formation initiale (essentiellement préparation au métier de professeur d'EPS) et les enseignants de cette discipline. De façon concomitante, le passage d'Unités d'Enseignement et de Recherche en EPS (UEREPS), en Unités de Formation et de Recherche en STAPS (UFRSTAPS), puis en Faculté des Sciences du Sport a eu pour conséquence un désintérêt des universitaires pour les recherches praxéologiques. C'est dans cet espace laissé en jachère, entre innovations et recherches fondamentales, que trouvent place les premières recherches didactiques, d'abord au sein de l'INRP, puis dans quelques centres de recherches universitaires. Dans un premier temps, ce sont les questions relatives à l'enseignement de l'éducation physique dans le second degré qui ont focalisé l'attention des chercheurs. Aujourd'hui, les programmes se sont diversifié et les travaux portent sur l'enseignement primaire et universitaire ou encore sur l'entraînement ou l'animation. Le développement de ce courant de recherche - appelé "Didactique de l'EPS et des APS" - a amené les chercheurs du domaine à se regrouper pour constituer une communauté ayant pour objectifs de : - recenser les recherches didactiques dans les différents milieux d'intervention et fédérer les chercheurs qui se sont engagés dans cette voie ; - dégager la pertinence scientifique et épistémologique de ce type de recherche et affirmer sa place et son rôle dans les STAPS ;

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- créer un lieu de débat scientifique en vue de la constitution progressive d'un corpus théorique et méthodologique autonome. 1.2. Spécificité et originalité des recherches 1.2.1. Spécificité de la "Didactique de l'EPS et des APS" Les recherches en didactique de l'EPS et des APS ont pour ambition d'étudier les phénomènes spécifiques de transmission et d'appropriation des savoirs et savoir-faire de la discipline dans différents milieux d'intervention (scolaire, sportif, loisir, réadaptation). Ces didactiques sectorielles ont pour thématique commune la réflexion sur les activités physiques et sportives en tant qu'objet d'enseignement, d'entraînement, d'animation ou de réhabilitation. Plusieurs axes de travaux peuvent être identifiés. Ils correspondent aux trois pôles en interaction dans tout système didactique : le savoir, l'apprenant, l'intervenant. - Le premier axe concerne les travaux relatifs aux objets d'enseignement. Il s'intéresse à leur nature, à leur statut, à la méthodologie de leur construction, à leur histoire institutionnelle. La dominante de ces recherches est de nature épistémologique et historique. Elles portent sur les savoirs et savoir-faire, enjeux de la transmission scolaire, sportive etc. - Le second axe de recherches porte sur les conditions d'appropriation des contenus. Il s'intéresse à leur construction dans l'apprentissage et/ou l'entraînement, aux pré-requis qu'ils supposent, aux représentations qu'ils mettent en jeu, aux obstacles qu'ils suscitent. La dominante est de type psychologique, c'est l'apprenant qui est ici plus particulièrement étudié. - Le dernier axe porte sur les conditions même de l'intervention didactique. Cette approche plus systémique articule les points précédents. Elle s'intéresse aux situations concrètes de transmission-appropriation des savoirs : l'organisation des séquences et des situations ; l'adaptation à différents publics (classe, club, équipe, etc.) ; l'étude des différents acteurs dans l'interaction didactique. La dominante est praxéologique, c'est l'intervention qui est ici au centre des préoccupations des chercheurs. Les travaux se distinguent toutefois des recherches de type épistémologique, psychologique et pédagogique dans la mesure où ils assument une responsabilité sur les contenus enseignés dans la perspective d'une transformation des pratiques d'intervention. Remarquons toutefois que la démarcation entre les uns et les autres est parfois subtile. Il s'agit le plus souvent d'une question de posture scientifique. Une des spécificités des recherches didactiques est d'adopter d'emblée une perspective pluridisciplinaire en intégrant aux problématiques les connaissances produites par les recherches plus fondamentales menées en STAPS et dont l'utilité pour la didactique ne fait aucun doute. 1.2.2. Originalité de la "Didactique de l'EPS et des APS" Les recherches se proposent de décrire et d'expliciter les phénomènes relatifs aux rapports entre l'enseignement et l'apprentissage des pratiques d'activités physiques. Elles ne se réduisent pas à chercher une bonne manière d'enseigner un savoir ou un savoir-faire fixé. Elles tendent au contraire à remettre en cause profondément les contenus théoriques et pratiques de l'enseignement et les méthodes et procédures qui leur sont associées. Pour ce faire les travaux s'ordonnent autour de deux visées principales : - Produire des connaissances sur le fonctionnement des systèmes didactiques. On trouve à l'origine de cette visée le postulat selon lequel les systèmes didactiques en EPS ou en APS sont des systèmes complexes, mal connus, en raison de la faible prise en compte dans les

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recherches classiques de la dimension relative aux contenus. Les programmes d'étude ont pour but de saisir quels sont ces contenus, leur mode de sélection, d'élaboration et de traitement, la façon dont ils sont transmis et les conditions de leur appropriation. La mise à jour des problèmes, des difficultés, des enjeux, des déterminations qui influencent les processus de transmission appropriation selon les milieux est l'objet même de ces travaux. - Valider des outils d'aide à l'intervention. Dans cette deuxième direction se rangent les recherches de types curriculaires, technologiques et d'ingénierie didactique. Leurs visées sont d'étudier à quelles conditions un enseignement qui n'existe pas devient possible. Il s'agit de recherches orientées par la transformation des systèmes d'intervention, la remise en cause des contenus enseignés et la construction de contenus rénovés. Le travail scientifique consiste en la conception, la réalisation, l'expérimentation et l'évaluation de séquences didactiques. Dans ce cadre, la didactique ne doit pas être réduite à un faisceau de prescriptions, ni même à un mode d'intervention efficace. Les produits qu'elle délivre en direction des praticiens se présentent comme des études de cas, assortis des conditions de possibilité. Il restera toujours à l'intervenant d'assumer la responsabilité de leur utilisation. 1.3. Intégration dans les cursus de formation Paradoxalement à ce qu'une vision naïve laisse supposer, la recherche en didactique de l'éducation physique et du sport est faiblement intégrée dans les cursus de formation. Nous retenons deux indicateurs pour justifier cette affirmation. Le premier est lié à la diversité des discours didactiques, le second est relatif aux caractéristiques des cursus concernés. Trois types de "théories" didactiques sont à distinguer selon les postures et les rôles de leur énonciateurs : - la didactique praticienne, mise en œuvre au jour le jour par les différents intervenants, - la didactique normative, celle des formateurs, des inspecteurs et des programmes et des innovateurs, - la didactique prospective et critique, essentiellement scientifique développée par les chercheurs. La place de ces différents discours dans la formation est singulière. La didactique praticienne et normative est fortement représentée dans les Instituts Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM). Elle y constitue l'essentiel des contenus de formation professionnelle (stages et séminaires). La recherche didactique peut faire l'objet d'informations ponctuelles mais reste marginale. Dans les seconds cycles STAPS intitulés "Education et Motricité" les formations didactiques sont hétérogènes suivant les UFRSTAPS. La didactique scientifique y est faiblement représentée. Ce sont les sciences humaines et biologiques, dites fondamentales, qui constituent le noyau dur des formations. Enfin, il existe aujourd'hui trois lieux institutionnels de formation à la recherche dans le domaine de la didactique de l'EPS et des APS (Universités de Paris XI, Rennes II et Toulouse III). Les études doctorales sont proposées soit dans le cadre des Didactiques des disciplines (formation commune à plusieurs disciplines scientifiques), soit dans le domaine des sciences de l'éducation.

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2. Panorama des travaux contemporains 2.1. Caractéristiques des pratiques de recherche L'étude des publications contemporaines (thèses, rapports scientifiques, publications) met en évidence trois grandes modalités de pratique scientifique en didactique de l'EPS et des APS : - Des recherches classiques débouchant sur une thèse, menées le plus souvent par des chercheurs individuels dans le cadre des centres universitaires de recherche. - Des recherches en collaboration, associant praticiens et universitaires dans le cadre de projets collectifs subventionnés au plan national par les organismes de recherche ou par les ministères concernés (éducation nationale, jeunesse et sport). - Des recherches-actions associant praticiens et formateurs autour de questions issues du terrain et débouchant sur des publications à destination des professionnels. Ceci mérite cependant d'être nuancé, car l'on trouve des thèses dont l'origine est dans une recherche en collaboration ou des recherches-actions initiées à partir de travaux universitaires. Soulignons néanmoins, la diversité et la pluralité des pratiques scientifiques en fonction des visées et des cadres institutionnels dans lesquels chaque recherche trouve son origine, son financement, son développement. D'emblée, nous sommes face à un domaine de publications et de productions hétérogènes. Cette hétérogénéité fait partie du paysage scientifique du domaine en raison même des aspects praxéologiques et des retombées pratiques qui le délimitent. 2.2. Champs théoriques de référence

La didactique de l'EPS et des APS étudie les processus de transmission et d'acquisition des différents contenus dont elle vise l'appropriation par des apprenants. Cette formule porte en elle-même les options cognitivistes et constructivistes qui sous-tendent ses travaux. Par ailleurs, rappelons que les didactiques des disciplines en France sont répertoriées au sein des sciences cognitives au sens large (CNRS) dans la mesure où leurs problématiques sont relatives à la formation et à la diffusion des savoirs et des connaissances. En l'état actuel des travaux, un certain nombre de concepts communs aux différentes disciplines permettent de délimiter un champ autonome dans lequel s'inscrivent les recherches. 2.2.1. Des "cadres conceptuels" pluri-référencés La recherche en didactique de l'EPS et des APS vise à produire des connaissances utiles à l'intervention à partir de l'étude des systèmes réels complexes. Pour ne pas perdre la complexité des situations étudiées le chercheur s'efforce de ne pas réduire le problème à une seule théorie (que la recherche ne vérifiera pas) mais au contraire, tente de construire un réseau conceptuel d'intelligibilité permettant de le circonscrire, de poser les bonnes questions, d'anticiper sur les méthodologies de recueil et d'analyse des données. Cette tactique implique la constitution d'un "cadre conceptuel" composite et multiréférencé (Van Der Maren 1995) intégrant des modèles partiels suggérés par les diverses orientations théoriques et les différents corpus scientifiques dont le chercheur dispose sur le problème. Différentes disciplines comme l'épistémologie, la psychologie, la sociologie de la connaissance ou des curriculum contribuent à l'élaboration des cadres de référence. A ces disciplines outils s'ajoutent les connaissances produites en STAPS qui sont autant de champs à intégrer par le didacticien. Cette ambition soulève les questions de l'accès à ces connaissances et de validité

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de cet "éclectisme théorique", ce qui est souvent mal compris par la communauté des chercheurs en sciences du sport, plus habitués à une logique mono disciplinaire de la pratique scientifique. Or, ce qui caractérise la pertinence des cadres conceptuels des recherches en didactique - et donc, ce à partir de quoi il faut les juger - c'est leur degré de cohérence interne et non leur inscription dans une tradition théorique univoque. 2.2.2. Les concepts fondamentaux de la didactique des disciplines Les recherches en didactique de l'EPS et des APS ont pour référence commune les concepts élaborés au sein de la communauté des didactiques des disciplines. Le cadre de cet article ne permettant que des développements restreints, nous renvoyons le lecteur à la bibliographie pour d'éventuels approfondissements. Transposition didactique. Issu de la sociologie de l'éducation (Verret 1975) et particulièrement travaillé par différentes disciplines (Chevallard 1991 ; Martinand, 1987), le concept de transposition didactique rend compte des inévitables transformations subies par tout objet de savoir dès lors qu'il devient objet d'enseignement. Cette définition a pour intérêt de centrer le chercheur sur les formes prises par les pratiques d'activités physiques et sportives au cours de leur enseignement. Le concept de transposition didactique impose de questionner l'origine des contenus, leur formalisation, leurs relations avec les savoirs experts de la littérature technique, avec les savoirs scientifiques, leur genèse en tant qu'objet d'enseignement, d'entraînement, d'initiation etc. L'éclairage apporté par le concept de transposition didactique apparaît essentiel dès lors que se pose la question du renouvellement des contenus dans les différents milieux d'intervention. Pratiques sociales de référence. Si toute situation d'enseignement présuppose un savoir socialement existant, enjeu de la transmission, l'intérêt du concept de "pratiques sociales de référence" est d'élargir la question de la transposition des savoirs à celles des pratiques. Dans notre discipline où les objets d'enseignement sont d'emblée des activités physiques, le concept de "pratiques de référence" oblige à s'interroger sur les choix à effectuer en liaison avec les finalités de l'intervention. Pour chaque APS, il existe une pluralité de formes de pratiques socialement ou historiquement différentiées ou encore inventées aux fins de formation. Les objets d'enseignement, d'entraînement etc. se renouvellent rapidement (sans doute plus vite que dans d'autres disciplines), leur dimension instrumentale prime sur l'acquisition de savoirs formels. Toutes ces remarques montrent à l'évidence que, pour construire les activités d'intervention, la question de la référence mérite d'être approfondie. Obstacles Les obstacles qui intéressent le didacticien sont épistémologiques, techniques, ontogénétiques et didactiques. Ces notions, travaillées à la fois par les chercheurs en didactique et les psychologues, renouvellent les questions relatives aux apprentissages scolaires et sportifs. L'intérêt de cette notion, empruntée à l'épistémologie réside dans l'idée que l'obstacle est "dans l'acte même de connaître, et que l'on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites". La notion d'obstacle permet de raisonner la question des apprentissages comme dépassement d'une motricité spontanée, afin d'identifier les ruptures et les sauts de complexité qui les accompagnent.

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Contrat didactique et situation didactique. Alors que les notions de transposition didactique et de pratiques sociales de référence se situent en amont de l'acte d'intervention, ces deux concepts renvoient aux phénomènes en jeu dans l'interaction didactique. - Le terme de contrat didactique "détermine explicitement pour une petite part, mais surtout implicitement ce que chaque partenaire va avoir à charge de gérer et dont il sera, comptable devant l'autre". Ce contrat est "spécifique de la connaissance enseignée", et c'est paradoxalement de ses ruptures que dépend l'avancée du projet didactique. - Le terme de situation didactique renvoie à "l'ensemble des rapports établis explicitement et/ou implicitement entre un élève ou un groupe d'élèves, un certain milieu (comprenant éventuellement des instruments ou des objets) et un système éducatif (le professeur) aux fins de faire approprier à ces élèves un savoir constitué ou en voie de constitution" (Brousseau 1986).

Les concepts de situation et de contrat sont utiles pour l'observation et l'analyse des situations réelles d'enseignement-apprentissage. Ils permettent de comprendre les avancées, les blocages, les résistances et les reprises sans cesse observées dans le décours des séquences. La temporalité didactique n'est ni linéaire, ni cumulative. D'autre part, certains phénomènes inévitables scandent le processus. Ils se déroulent à l'insu de l'intervenant et des apprenants qui sont, ainsi, assujettis à des contraintes limitant leur marge de manœuvre. L'identification de ces déterminations, explicables en partie par les rapports que chacun des acteurs entretient avec les contenus de la situation, constitue, in fine, l'objet des recherches. Représentations. Les représentations sont des modèles implicites qui organisent les actions des sujets dans les situations. En tant qu'activités mentales de construction du réel, les rapports des représentations à l'action imposent dans notre domaine un approfondissement des recherches sur les aspects fonctionnels et sociaux de leur construction afin de mieux saisir quelles sont les structures d'accueil et les modèles d'action des sujets impliqués dans le processus d'enseignement-apprentissage. L'identification des rôles joués par ces représentations est déterminante pour comprendre les stratégies des apprenants, de la même façon que les différentes conceptions de la matière enseignée par les intervenants influencent leur enseignement. 2.3. Diversité des travaux et acquis des recherches Nous n'évoquerons ci-après que les thèses ou rapports de recherches parus ou en cours, ainsi que les principaux résultats aux travers des publications concernant le plus souvent le milieu scolaire. 2.3.1. L'étude du fonctionnement didactique en éducation physique Les premiers travaux initiés à l'INRP ont porté sur l'analyse de l'enseignement de l'EPS en collège. Quelques traits caractéristiques de l'enseignement usuel ont été identifiés. Les contenus se transmettent essentiellement au cours des réalisations des élèves. Ils sont le plus souvent, référés à des modèles gestuels tirés de descriptions techniques parfois obsolètes et peu adaptées aux caractéristiques motrices des élèves. Les évaluations formatives visent essentiellement la réduction de l'écart entre la pratique de l'élève et un modèle normé (Marsenach, Merand 1987). La démarche transpositive de choix et de structuration des contenus privilégie un découpage élémentaire de la pratique. Ces éléments sont présentés de façon décontextualisée. L'introduction toutes les dix minutes environ, d'un nouveau contenu

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d'enseignement semble préjudiciable aux acquisitions (Marsenach et al. 1991). Face à ces difficultés, les professeurs ont tendance à refermer les situations problèmes qu'ils planifient et réduisent les exigences de la tâche à quelques traits de surface, ce qui en renforce le caractère artificiel. Certains moments critiques ont été ainsi mis en évidence. L'entrée dans les situations est une phase décisive, d'une part, parce que les élèves ont tendance à modifier les conditions initiales de l'exercice dans le sens d'une simplification, d'autre part parce que le professeur intervient souvent prématurément ne laissant pas aux élèves le temps des adaptations motrices préalables aux activités d'apprentissage. Lors des échanges avec les élèves ce sont les réponses allant dans le sens recherché par l'enseignant qui sont valorisées, or le plus souvent il s'agit de réponses liées au contrat didactique sans rapport avec les réelles prestations des élèves (Amade-Escot et Leziart 1996). Certains obstacles à l'enseignement ont été identifiés. Une recherche menée à partir de l'analyse d'incidents critiques relevés lors de séquences d'enseignement de natation (Reffugi 1994) met en évidence des constantes liées au fonctionnement des élèves et aux connaissances mobilisées par les enseignants. Leurs conceptions des contenus, élaborées dans une pédagogie de l'écart au modèle, deviennent des obstacles dans la conduite des situations problèmes. De l'ensemble de ces travaux il ressort que le rapport aux contenus d'enseignement (à la fois chez le professeur et chez les élèves) sont à l'origine du fonctionnement didactique. Ces traits saillants de l'enseignement en EPS peuvent apparaître très pessimistes. La régularité avec laquelle ils ont été observés (y compris dans des protocoles d'enseignement très innovants) laisse à penser qu'il s'agit de contraintes inhérentes au système. Les hypothèses actuelles (partagées par différentes disciplines scolaires) suggèrent l'existence de déterminations profondes imposant des ajustements à l'insu des acteurs. Il apparaît ainsi un processus subtil de transformation, d'élaboration en acte des contenus d'enseignement sur lequel vient achopper toute tentative volontariste de modification comme, par exemple, dans les programmes. Une meilleure connaissance de ces déterminations apparaît nécessaire pour fonder et accompagner les stratégies d'amélioration du système d'enseignement voulues par les instances responsables. Ceci plaide aussi pour une conception moins prescriptive des formations initiales et continuées. 2.3.2. Recherches d'aide à la décision Plusieurs recherches récentes se sont attaquées aux difficultés d'enseignement repérées dans les recherches descriptives décrites précédemment. Pour l'essentiel ces travaux ont été développés au collège, une seule recherche recensée porte sur des propositions d'enseignement à l'école maternelle (Lebas 1994). - Des contenus rénovés articulés avec les finalités sociales de l'éducation physique ont fait l'objet d'expériences en collaboration avec des praticiens. Les rapports scientifiques présentent des analyses de cas et/ou de séquences associées à des outils informatiques ou audiovisuels. Différentes activités physiques ont été ainsi explorées dans la perspective de l'éducation à la santé par l'entraînement à l'endurance aérobie (Merand et Delhemmes 1988) ou à la sécurité par l'intermédiaire du basket-ball (Merand, 1989). - Des recherches d'ingénierie didactique. Les caractéristiques de ces recherches sont de réaliser un projet précis de transformation des contenus d'enseignement, sur la base d'analyse préalable des points de dysfonctionnements de l'enseignement usuel. La conception didactique s'appuie sur les connaissances scientifiques disponibles et sur une analyse épistémologique et technologique des contenus. Son développement en situation réelle permet un ajustement continuel de la conception aux besoins et aux contraintes des milieux dans lesquels elle s'insère. L'analyse a posteriori - qui constitue la forme de validation dans cette

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méthodologie de recherche - vise à discerner ce qui était possible dans ce qui ne s'est pas produit et ce qui est nécessaire dans ce qui est produit. Ce faisant, au-delà des propositions pour l'enseignement, les travaux, ainsi menés, dégagent un ensemble de connaissances sur le fonctionnement du système didactique permettant d'approfondir la compréhension de ce dernier. Quatre publications, dont une thèse, rendent compte de cette orientation de recherche dans la période actuelle (Marsenach 1994; Delhemmes 1995; Loquet 1995; Goirand 1996). Parmi les thèses soutenues ou en voie de soutenance, plusieurs recherches technologiques identifient les conditions de l'introduction de nouveaux contenus à partir de l'évaluation de leurs effets. Mareau (1991) actualise les contenus d'un enseignement universitaire du service de tennis sur la base de travaux pratiques permettant aux étudiants de relier les données issues de la pratique et les données mécaniques. Amans-Passaga (1997) propose une étude visant la formation à la détection et à l'utilisation des informations relatives aux spécificités de l'adversaire chez des joueuses de volley-ball de niveau régional. La mise au point d'un outil informatique d'évaluation (Cleuziou 1994) a été réalisée pour aider les enseignants à étalonner leurs barèmes en fonction des contenus d'enseignement, des caractéristiques des élèves et des conditions matérielles de la pratique. La recherche de Barbot (1995) évalue les effets d'un cycle d'enseignement de sport de combat avec des élèves de seconde dans les conditions scolaires normales et fonde ainsi le choix d'une forme de pratique scolaire du judo. Parallèlement à ces travaux, il nous faut signaler les publications de didactique normative produites dans le cadre de groupes de réflexion sur les programmes dans différentes régions. Ces études financées par les organismes de formation continue, ne peuvent pas être considérées comme des recherches. Elles proposent le plus souvent des comptes-rendus d'innovation présentés comme des solutions didactiques aux problèmes de la pratique. 2.3.3 Recherches sur les représentations, les conceptions et les savoirs des formateurs, des enseignants ou des élèves Un certain nombre de travaux universitaires rendent compte de cette orientation de recherche. L'étude des représentations de l'action dans les processus d'enseignement et de formation en rugby (David 1994) souligne la complexité de cette variable dès lors que le formateur ou l'enseignant cherche à s'appuyer sur elle. Deux registres de fonctionnement des savoirs ont été mis en évidence chez les professeurs d'EPS et leurs élèves dans les activités athlétiques (Barrue 1994). Leur mobilisation conjoncturelle suivant, qu'il s'agisse d'agir ou de comprendre, invite à nuancer les prescriptions pour l'enseignement de l'EPS et suggère des approfondissements en vue de leur harmonisation. Enfin, la thèse de Robin (en cours) s'interroge sur les conceptions de l'enseignement de la gymnastique scolaire véhiculées par les leaders pédagogiques. L'étude de la genèse des différentes théories d'action des auteurs permet d'isoler les îlots de rationalité qui structurent le savoir à enseigner en gymnastique. Ce travail contribue à mieux situer quels sont les savoirs de référence aux pratiques scolaires et approfondit par là même les phénomènes transpositifs en éducation physique. 2.3.4. Recherches sur les savoirs et les textes des programmes Un premier groupe de recherches s'intéresse à la genèse des discours et des savoirs techniques. Ces perspectives ont été ouvertes dans le cadre de travaux d'épistémologie historique (Arnaud 1986; Vigarello 1978; Vives 1986). Dans la lignée de ces préoccupations la thèse de Terret (1994) porte sur l'histoire de la construction et de la diffusion des savoirs

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sportifs en natation. Dans une autre perspective, l'ouvrage collectif sur "l'histoire culturelle du sport" (Metzler et Goirand 1996) propose une synthèse des questions posées à l'histoire des techniques et des règlements à partir de préoccupations didactiques. C'est à partir de l'analyse des tactiques d'attaque en volley-ball extraites d'archives vidéographiques de matches internationaux qu'une thèse en cours cherche à comprendre comment évoluent les techniques corporelles et se constituent les savoirs experts (Fournier, en cours). L'étude des textes officiels et de la revue professionnelle "Education physique et sport" constitue une seconde piste de travaux. Trois périodes rendent compte des conceptions de l'enseignement de la natation dans les programmes d'EPS (Pelayo et Terret 1994). Si des modalités contrastées de transposition didactique caractérisent l'enseignement de la boxe française et anglaise au début du siècle, on assiste, dans la période actuelle, à l'émergence de l'intention stratégique comme contenu d'enseignement du judo en EPS assumant la contingence de la rencontre de l'élève au savoir (Terrisse 1994a, 1996). Signalons enfin quelques travaux centrés sur l'étude des discours didactiques officiels contemporains pour en dégager les implicites et les présupposés idéologiques (Mons 1994). 2.3.5. Recherches sur les formations Ces orientations de recherche ont pour objet la didactique en tant que discipline de formation des enseignants. Deux types de travaux peuvent être repérés : ceux qui orientent les contenus didactiques de la formation ; ceux qui décrivent les modalités de mises en œuvre et leurs effets. Dans le premier groupe, on recense des travaux associant des enseignants de terrain à l'expérimentation de contenus selon les principes de la recherche-action. Les publications de la Revue Spirales (1986, 1987, 1990, 1991 1993, 1994, 1995) rendent compte de ce travail et ont débouché sur deux colloques réunissant chercheurs et praticiens. Une étude en cours, menée dans la perspective d'une action sur le système de formation, évalue le rôle de la pratique réflexive sur l'acquisition de compétences professionnelles d'ordre didactique (Euzet JP ; Meard J 1997).

L'étude des formations initiales à la didactique dans les UFRSTAPS montre une grande hétérogénéité des modèles de formation (Amade-Escot 1991). Leurs effets sur les compétences didactiques des professeurs novices sont limités. Les conceptions des formateurs et des enseignants à propos des contenus à enseigner y apparaissent déterminantes. Leur transformation n'est pas aisée. Elle relève de processus à long terme et engage les savoirs professionnels des intervenants (Leziart 1992). Les travaux tendent à accréditer l'idée que les évolutions obéissent à des logiques complexes et que l'on n'introduit pas impunément de nouveaux contenus d'enseignement sans entraîner des répercussions sur l'ensemble (Amade-Escot, Leziart 1996). Un observatoire des effets de la formation par la recherche dans le cadre du mémoire professionnel, pointe, en les nuançant, les transformations positives induites sur la pratique des enseignants novices (Amade-Escot C., Barrue J.P., Dugrand M., Terrisse A. 1992). Par ailleurs, l'étude de 6 vidéogrammes didactiques français dans les activités physiques et sportives a mis en évidence que ces outils de formation (à une exception) se limitent à la transmission d'une information technique. Le processus de construction de ces savoirs par l'intervenant n'est pas pris en compte par les concepteurs des vidéogrammes ce qui semble limiter l'opérationnalité des productions audiovisuelles (Bironneau, 1994).

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3. Perspectives, acquis, rayonnement des recherches en didactique de l'EPS et des APS 3.1. Un réseau de chercheurs fédérés autour d'orientations communes La spécificité de ce champ de recherche en voie de constitution est de rassembler les acteurs de différentes institutions autour d'un programme de travail qui peut être résumé en quelques grandes orientations : - L'ancrage dans les STAPS à la fois pour des raisons d'identification et de reconnaissance des recherches au sein de la communauté nationale et internationale des chercheurs en sciences du sport, mais aussi et surtout, pour des raisons épistémologiques. Les connaissances produites dans les divers domaines des sciences du sport (étiquetés en France sous le sigle STAPS) apparaissent incontournables pour nourrir des recherches centrées sur l'intervention dans le domaine des APS. - L'investigation de tous les milieux d'intervention (scolaire, sportif, loisir, réadaptation) du point de vue de la transmission/appropriation des connaissances et des savoirs et savoir-faire spécifiques du milieu considéré selon un double objectif de compréhension des phénomènes et/ou de transformation de l'intervention. - L'étroite relation avec les formations initiales et continues dans la mesure où ces dernières sont souvent le lieu d'émergence des questions pertinentes pour la recherche, en même temps qu'elles attestent, en retour, la validation de leurs retombées pratiques. - La nature des collaborations entre chercheurs et praticiens dans lesquelles le rapport de science à pratique se fonde sur une épistémologie en rupture avec celle de la science appliquée. - L'ouverture à des méthodologies de recherche diversifiées, expérimentales et qualitatives, selon le principe que la recherche de preuve ne constitue pas l'unique canon de scientificité du travail. 3.2. Des exigences d'évaluation et de contrôle Consciente des problèmes de diffusion et de régulation de la production scientifique, la communauté française des chercheurs en didactique de l'EPS et des APS s'est dotée de moyens d'évaluation. Quatre centres de recherche autour d'équipes constituées et reconnues au niveau national sont identifiables (INRP, Orsay, Rennes et Toulouse), elles assurent la formation de jeunes chercheurs (DEA et thèses). Il existe aussi des équipes de didacticiens reconnues localement comme à Lyon et Nice. Enfin, des didacticiens plus isolés travaillent dans des équipes de recherche des UFRSTAPS, en relation avec d'autres courants de recherche en éducation ou en apprentissage. Une douzaine de doctorats ont été soutenus en France dans ce champ depuis dix ans. Les thèses sont soutenues en STAPS ou en didactiques des disciplines dans la plupart des cas. Un séminaire national bi-annuel rassemble les différents chercheurs autour de problématiques théoriques et méthodologiques qui leur sont propres. D'autre part, la didactique se situant au carrefour de champs scientifiques cousins comme l'épistémologie, la psychologie, la pédagogie, la sociologie de la connaissance, etc., le séminaire s'ouvre chaque année à un domaine connexe ou à une équipe de recherche ayant des intérêts proches afin de nouer les nécessaires coopérations scientifiques et d'élargir les problématiques à d'autres horizons. Enfin, une publication nationale à comité de lecture - "Impulsions" - se donne pour objectif de diffuser les travaux originaux et des contributions théoriques au sein de la communauté.

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3.3. Situation dans la communauté scientifique nationale et internationale Les recherches en didactique de l'EPS et des APS se situent au carrefour de plusieurs communautés scientifiques tant nationales qu'internationales. De cette position d'intersection elles tirent leur pertinence mais aussi toute leur instabilité. 3.3.1. Vis à vis des Sciences de l'Education Parce qu'elles étudient fondamentalement les processus éducatifs, les recherches en didactique de l'EPS et des APS appartiennent en France aux Sciences de l'Education et notamment au champ des didactiques des disciplines scolaires. De nombreux chercheurs en EPS publient et communiquent dans des revues et des colloques en Sciences de l'Education. Le rattachement à cette communauté scientifique est lié aux cadres de référence et aux concepts fondamentaux de ce domaine scientifique (cf. chapitre précédent). Il s'agit pour les didacticiens de l'EPS de confronter leurs résultats et leurs méthodes avec ceux d'autres disciplines scolaires. Cette confrontation assure le renouvellement des questions de recherche et rend possible la critique des pairs dans le cadre d'une communauté de recherche élargie. Ces relations sont nécessaires car la masse des chercheurs en didactique de l'EPS et des APS est insuffisamment critique pour que ces régulations scientifiques puissent jouer en leur sein. Mais secondairement, cet accrochage aux didactiques disciplinaires, notamment scientifiques et technologiques, posent des problèmes de pertinence des cadres théoriques et conceptuels. Emprunte-t-on sans conséquence des concepts nés de l'étude de savoirs discursifs ou savants ? C'est sur ce travail d'épistémologie interne que se focalise aujourd'hui la réflexion (Leziart 1992; Bouthier 1993; Terrisse 1994b; Amade-Escot et Marsenach 1995; Loquet 1996) 3.3.2. Vis à vis des Sciences du Sport Parce que leurs travaux contribuent au développement des connaissances dans le domaine des activités physiques et du sport, les didacticiens revendiquent d'appartenir à la communauté des chercheurs en STAPS. Ils participent aux différentes instances évaluatives de cette discipline à l'échelon local et national. Ils publient dans les deux revues françaises "Revue STAPS" et "Science et Motricité". Plusieurs colloques organisés par les associations de chercheurs français (AFRAPS, ACAPS) ouvrent leurs portes aux chercheurs en didactique de l'EPS et des APS, leurs travaux y sont discutés et leur accrochage à la discipline académique d'origine est ainsi rendu possible. Cette position à l'intérieur des STAPS reste fragile. D'abord parce que les recherches à visée praxéologique (pour ne pas utiliser le terme de science de l'action) ont mauvaise presse au sein de la communauté française des sciences du sport. Nous prendrons comme indicateur de cet état de fait, la difficulté qu'ont les chercheurs en didactique à obtenir les postes universitaires dont le profil correspond à leur compétence scientifique. La scientificité des recherches est souvent mise en question par des fondamentalistes peu enclins, dans cette période de restrictions budgétaires, à diversifier les orientations de recherches subventionnées. 3.3.3. Vis à vis de la communauté internationale des chercheurs en EPS Enfin, parce que la plupart des recherches portent sur les questions de l'enseignement scolaire les didacticiens appartiennent à la communauté internationale des chercheurs en EPS. Ils participent aux congrès de l'AIESEP et trouvent, là, tout naturellement une communauté internationale à même de saisir et de juger de l'intérêt de leur travaux. La politique de diffusion et de reconnaissance de la recherche française sur le terrain de l'éducation physique

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est, cependant, relativement récente. Peu enclins à communiquer en anglais, frileux, les didacticiens français sont restés trop longtemps en dehors des instances scientifiques internationales. Un premier colloque international sur l'actualité des recherches en EPS a eu lieu à Toulouse en mai 1996. Les travaux didactiques ont trouvé place dans les débats. Soulignons aussi que les chercheurs français en didactique publient insuffisamment dans les revues internationales du domaine comme "European Physical Education Journal" ; "Quest", "JTPE" ; "Avante" etc. La faible visibilité des recherches françaises en EPS est sans doute un obstacle à leur développement, or cette condition est essentielle pour ce domaine de recherche. Pour conclure nous retiendrons que les recherches françaises en didactique de l'EPS et des APS émergent dès les années quatre-vingt dans un contexte complexe lié à l'installation des Sciences du Sport dans le monde universitaire. Développés prioritairement dans le domaine de l'enseignement de l'éducation physique, comme le signale une recension récente (Marsenachet et Amade-Escot 1993), les travaux tendent à élargir le champ de leurs préoccupations tout en s'efforçant d'asseoir leur visibilité aux plans national et international. La reconnaissance, par les sciences du sport, d'un domaine d'investigation scientifique portant sur les phénomènes d'enseignement, d'entraînement et de formation aux activités physiques et sportives dans ce qu'ils ont de spécifique au sujet des contenus transmis devrait contribuer à leur donner un sens et une légitimité originale.

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PSYCHOLOGIE DU SPORT ET APPRENTISSAGE MOTEUR

Si la psychologie s'est intéressée très tôt aux phénomènes de l'apprentissage, dans le contexte des sciences du sport, le corpus de connaissances liés à l'apprentissage s'est peu à peu autonomisé de la psychologie sous l'influence des travaux américains. Au cours des deux dernières décennies, psychologie du sport et apprentissage moteur ont connu un important développement à la mesure des attentes des praticiens et des pédagogues pour améliorer les conditions de l'efficience motrice. S'il s'avère qu'en France comme en Allemagne, l'attrait et l'appel du terrain tendent à privilégier l'orientation science appliquée pour la psychologie du sport, il n'en va pas de même pour l'apprentissage moteur. Il semble qu'en France, l'orientation privilégiée est celle des sciences expérimentales pour l'apprentissage moteur alors qu'en Allemagne on perçoit une influence marquée par les recherches et des développements théoriques et spéculatifs américains dans ce domaine.

Les contributions présentées retrace le développement et l'état des connaissances et des recherches en psychologie du sport et en apprentissage moteur soulignant comment les contextes et les débats infléchissent les orientations de recherche à l'intérieur de chacun des pays.

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Hans Eberspächer

LA PSYCHOLOGIE DU SPORT EN ALLEMAGNE

Hans Eberspächer 1. Objet de la recherche

La psychologie du sport est l’une des disciplines faisant partie des sciences du sport. C’est un domaine de plus en plus pris en compte par la psychologie. Elle a pour objet la description, l’explication, l’étude prévisionnelle et l’étude des changements des conditions et des effets des actions et des comportements humains, dans le champ social du sport. En principe la psychologie du sport s’attache aujourd’hui à considérer que les comportements et les actions s’établissent à partir des interactions entre les personnes (par exemple : les sportifs, les entraîneurs, les fonctionnaires, les spectateurs, etc.), leur entourage et leur environnement matériel (par exemple : les agrès, les infrastructures sportives, etc.). Dans l’analyse des interactions personne-environnement, les modalités fondamentales et spécifiques du point de vue psychologique sont que les conditions objectives (transphénoménales) ne deviennent psychiquement efficientes que par l’expérience subjective (Eberspächer 1993; Kunath & Schellenberger 1991). Le sport prend différentes formes : sport de haut niveau, activités sportives d’entretien ou de loisirs, sport professionnel, toujours en réponse à des demandes, fondées par l’objet lui-même et/ou par des normes concernant la façon de pratiquer, dépendant des relations personne-environnement. Les actions ne sont pas en elles-mêmes sportives ou non sportives, mais sont construites ou interprétées comme telles sur la base des systèmes de relations normatifs et/ou objectifs. Selon la nature des prescriptions, normatives ou objectives, les actions sportives remplissent différentes fonctions : - agir, dans le sens d’une optimisation des relations personne-environnement; - représenter, dans le sens d’une caractérisation d’un sujet et de son état, de son bien-être par rapport à l’environnement social; - vivre dans le sens d’une expérience subjective des conditions matérielles et sociales. 2. Thèmes et problèmes de la psychologie du sport

Au premier plan s’offrent à la psychologie du sport trois problèmes fondamentaux à résoudre.

2.1. Description des conditions et des effets des processus et des états psychiques La description des conditions et des effets des processus et des états psychiques dans

la pratique sportive, par exemple, le développement de méthodes appropriées à ce problème (Rieder, Eberspächer, Feige & Hahn 1975; Essing 1980; Schellenberger 1983; Kunath & Schellenberger, 1991; Singer 1991; Eberspächer 1993). Pour toute approche psychologique, la description peut se rapporter à quatre perspectives fondamentales : la première relative à la psychologie générale, la seconde à la psychologie du développement, une troisième à la psychologie sociale, la dernière à la psychologie différentielle.

La perspective de la psychologie générale met au premier plan les questions relatives aux relations individuelles. Ici, on demande en principe à la psychologie du sport d’étudier les conditions et le fonctionnement du psychisme avant, pendant et après l’action en sport. Cette perspective se concrétise, entre autres, par des études spécifiques d’habilités sportives (Nitsch

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Hans Eberspächer

1975; Bäumler & Brengelmann 1986; Thomas 1995), par des études sur l’observation, par des études sur le fait de percevoir et des études sur la perception (Sonnenschein 1987), sur l’émotion (Schwenkmezger 1985b; Hackfort 1986a; Kleine & Schwarzer, 1991) ou sur les attitudes (Becker 1976; Kenyon 1968; Singer, Eberspächer, Bös & Rehs 1980; Bielefeld 1981).

Dans la perspective de la psychologie sociale, on s’intéresse aux conditions et aux effets des comportements et des actions dans les systèmes sociaux. On étudie avant tout des groupes, des jeux, le fait de jouer (Grupe, Gabler & Göhner 1983; Bierhoff-Alfermann 1986 ; Kunath & Schellenberger 1991; Pühse 1994), l’agressivité (Gabler 1976b) et la violence (Pilz et al. 1982).

Dans la perspective de la psychologie développementale, on examine les processus et les états psychiques dépendant d’une succession de transformations systématiques qui s’opèrent tout au long de la vie. Au centre des interrogations se trouvent le développement moteur (Willimczik & Grosser 1979; Irmischer & Fischer 1989), le développement social ainsi que les problèmes des apprentissages moteurs (Pöhlmann 1986) et sociaux (Ungerer-Röhrich et al. 1990). A côté des questions traditionnelles relatives aux effets du sport sur le développement de l’enfant et de l’adolescent (Neumann 1964; Scherler 1975; Allmer 1983 ; Thomas, 1995), on assiste au cours des dernières années à la multiplication de recherches de plus en plus différenciées, sur le sport du 3e âge (Meusel 1980, 1995; Singer 1981; Baumann 1992), du fait qu’aujourd’hui on conçoit de plus en plus les processus du développement comme un phénomène de déroulant tout au long de la vie.

La perspective de la psychologie différentielle tend à examiner les différences interindividuelles et leurs déterminants. Ici, le problème se pose de trois manières : le sport et la personnalité (Singer & Haase 1975; Kirkaldy et al. 1984; Bierhoff-Alfermann 1986), le sexe et l’appartenance au genre masculin ou féminin comme déterminant de l’action sportive (Bierhoff-Alfermann 1977; Pfister 1983) et le talent (Ruoff 1979; Adolph 1979).

2.2. Le développement de concepts théoriques La psychologie du sport se donne un second problème à résoudre : le développement

de concepts théoriques servant de référence pour éclairer ou prédire les déterminants et les effets des personnes et des états psychiques lors de la pratique sportive. Dès le début, il était étroitement associé aux concepts théoriques ayant cours dans le débat actuel de la psychologie du sport. En Allemagne aujourd’hui, la discussion théorique est influencée par des arguments et des modèles issus des théories de l’action qui trouvent leurs fondements dans les concepts suivant : - Hackers (1973) a développé un modèle tenant compte des comparaisons, des transformations et des rétroactions (VVR-Modell), qui a été transféré par Volpert (1971) et Nitsch (1975) aux questions de la psychologie du sport; - Le modèle TOTE (Test-Operation- Test-Exit-Modelle) à partir duquel Kaminski (1972, 1973), en premier, décrivit le déroulement de gestes sportifs en fonction d'actions multiples comprises comme chaîne où se succèdent les essais et les procédures de réajustement. - La psychologie de la forme (ou théorie de la Gestalt) dont les effets fructueux pour l'analyse du mouvement en sport ont été montrés par Kohl (1956).

2.3. Le développement de méthodes Les psychologues du sport voient un troisième problème dans le développement de

méthodes pour modifier ou optimiser les processus et les états psychiques, afin d’améliorer les comportements et l’action. On entend par là l’étude des éléments psychologiques portant

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Hans Eberspächer

sur les stratégies d’apprentissage, d’entraînement, les stratégies thérapeutiques, les stratégies concernant les techniques d’entraînement ne faisant pas appel à la motricité (Volpert 1976), l’instruction programmée et l’enseignement programmé (Ungerer 1971; Daugs 1979; Renzland, 1985), les méthodes et les moyens de la régulation psychologique (Frester 1976; Eberspächer 1979, 1995; Sonnenschein 1984), le sport comme thérapie (Kiphard 1970; Rieder 1971; Rümmele 1990, 1991); les programmes de développement de processus psychiques spécifiques, par exemple, des programmes améliorant la motivation (Wessling-Lünnemann 1985; Ilg 1991). 3. Champs de recherche de la psychologie du sport

Dans les perspectives évoquées, les trois problèmes fondamentaux de la psychologie du sport sont plus particulièrement étudiés dans quatre champs d’action sportive : le sport de haut niveau, le sport de loisir, l’éducation physique et sportive et les thérapies par le sport. A l’heure actuelle, aucune théorie n’a su, de manière convaincante, délimiter ces différents domaines, ainsi prévaut jusqu’à aujourd’hui une argumentation plutôt pragmatique. Dans la recherche, les approches orientées vers la résolution de problèmes particuliers sont prépondérantes par rapport aux approches orientées vers la recherche fondamentale, c’est-à-dire que l’effort porte plus particulièrement sur l’éclaircissement de questions posées par la pratique. Ces dernières années, on assiste néanmoins à un rééquilibrage en faveur des contributions portant sur les aspects fondamentaux.

3.1. Sport de haut niveau Aujourd’hui encore, les efforts de la recherche sont essentiellement consacrés au sport

de performance, en particulier au sport de haut niveau, bien qu’il semble s’opérer de manière plus évidente un transfert vers les autres champs d’action. Le large intérêt public suscité par le sport de haut niveau et la résolution de problème psychologique dans le but d’améliorer les performances au plus haut niveau sont les raisons qui expliquent cette suprématie. En liaison étroite avec cela, on note l’intérêt que portent au développement des connaissances les institutions d’aide à la recherche dans le domaine du sport. Une autre raison pourrait être que, traditionnellement, dans le sport de haut niveau, la résolution des problèmes sociaux et comportementaux est du ressort de la psychologie du sport. La pédagogie et la sociologie du sport restent au second plan bien que dans les discussions récentes se dessine la tendance d’inclure des aspects pédagogiques et sociologiques dans les recherches concernant le sport de haut niveau.

Pour caractériser les activités de recherche concernant le sport de haut niveau, la différenciation entre recherche appliquée sur le terrain et recherche fondamentale est pertinente parce que dans tous les domaines de la recherche en psychologie du sport, cette différenciation se dégage de la manière la plus significative dans le sport de haut niveau.

L’optimisation des conditions et des effets psychologiques avant, pendant et après l’effort sportif se trouve au centre des intérêts de la recherche appliquée sur le terrain. On étudie les méthodes et procédures pour faciliter l’information, la formation initiale et continue, le conseil, l’assistance et les interventions systématiques avec des techniques d’entraînement fondées sur des processus psychologiques chez les athlètes, les entraîneurs et les accompagnateurs (Gabler, Eberspächer, Hahn, Kern & Schilling 1979; Seiler 1994).

Dans l’approche plutôt axée sur la recherche fondamentale, ce sont les préoccupations relatives aux aspects émotionnels et motivationnels de l’action sportive qui ont, jusque-là, été thématisées de manière prépondérante. En s’occupant de la description des conditions

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spécifiques et des caractéristiques personnelles (par exemple : dans la détection des talents), les psychologues du sport s’intéressent au domaine de la psychologie différentielle.

La régulation de l’action et des conditions de l’action avant, pendant et après l’activité sportive constitue un autre domaine central. La régulation psychique de l’action se produit par des moyens et des techniques d’entraînement psychologiques ou mentaux (Eberspächer 1979, 1995). L’apparition, le traitement et les répercussions de conflits ont été particulièrement étudiés dans les équipes de sports collectifs (Cachay 1978; Fritsch 1983). L’étude des effets du sport de haut niveau sur les caractéristiques de la personnalité (Sack 1980; Thomas 1995) est une contribution traditionnelle de la psychologie du sport. Dans la période récente, cette problématique, conditionnée par l’abaissement de l’âge autorisé pour participer au sport de haut niveau et les nouveaux problèmes relatifs à cela, concernant le domaine de l’enfance et de la jeunesse, fut approfondie et différenciée (Kaminski, Mayer & Ruoff 1984; Fuchs 1990).

Dans l’exploration du contexte de l’action sportive concernant le domaine du sport de haut niveau, les spectateurs et leurs comportements agressifs sont de plus en plus mis en avant. Mais, il semble que l’environnement personnel proche du sportif, comme l’arbitre, l’entraîneur, l’accompagnateur, les médias, etc. ont plutôt été en marge des préoccupations scientifiques.

Le développement et l’expérimentation de moyens et de méthodes d’entraînement fondés sur la psychologie ont surtout alimenté l’étude de la régulation de l’action et celle des formes d’entraînement portant sur les processus non moteurs, comme l’entraînement mental (Eberspächer 1995) et l’entraînement par observation (Volpert 1976; Narciss 1993; Seiler 1995).

3.2. Sport loisir Si l’on prenait comme critère le nombre de personnes sur lesquelles portent les études,

le sport de loisir serait le champ d’action le plus intensivement étudié par la psychologie du sport. Mais on ne peut pas encore considérer que les recherches en psychologie dans le domaine du loisir soient établies, parce que les cohortes de pratiquants qui ont été étudiées n’avaient que la fonction de groupes de comparaison, de contrôle. L’élaboration d’une conception théorique concluante en psychologie du sport relative au domaine de recherche "sport de loisir" n’a pas encore vu le jour. Les nombreux aspects de la différenciation des facteurs personnels, relatifs à l’environnement et à la tâche (Schlagenhauf 1977), aux exigences sur lesquels se fonde la diversité de l’attrait du sport pour tous peut d’autre part poser des problèmes considérables à la recherche sur le plan théorique et méthodologique.

Hackfort (1986, 1993) et Schwenkmezger (1986) ont montré dans quelle direction pourrait s’orienter la discussion au sujet de la méthode, en essayant de relier les activités des sports de loisir grâce aux concepts des théories de l’action. Au centre des préoccupations de la psychologie des sports de loisir, on étudia de manière quantitative les comportements lors du temps libre pour des groupes d’âge et de statuts différents (Jütting 1976, 1983), également les modalités motivationnelles comme les intérêts, les attentes et les attitudes (Hecker 1977), ainsi que les changements quant aux manières de se percevoir qui en résultent, ou encore les effets psychiques (Weber 1982; Abele & Brehm 1984; Abele, Brehm & Gall 1991).

3.3. Education physique

En regard de la différenciation de l’espace intérieur des sciences du sport, l’éducation

physique et sportive compte plutôt comme un domaine central de la recherche en pédagogie sportive. Pourtant, rendre l’EPS accessible à la psychologie du sport à l’aide de recherches institutionnalisées est régulièrement réclamé (Feige 1964; Widmer 1972, 1978; Singer &

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Wessling-Lünnemann 1986). Cette demande trouve réponse, là surtout où des pédagogues du sport travaillent empiriquement et se servent des contributions théoriques et méthodologiques de la psychologie. Cela apparaît de manière significative dans l’étude de l’enseignement, en particulier dans l’analyse des comportements des enseignants et des élèves (Hanke 1980; Treutlein, Janalik & Hanke 1992).

La demande, à l’égard d’un effort de recherche plus intense et plus approfondi en psychologie du sport, dans le domaine de l’EPS, se fonde en premier lieu, sur les conditions qui permettent de distinguer les disciplines scolaires de l’EPS (par exemple par la motricité, par l’espace ou par les contacts corporels) ainsi que de distinguer le sport pratiqué en dehors de l’EPS (sport obligatoire, notes, contraintes temporelles). Ces critères font apparaître que la transposition de connaissances non spécifiques issues d’autres disciplines apparaît pour le moins problématique.

3.4. La thérapie par le sport

La thérapie par le sport devient pour la psychologie du sport objet de recherche dans la mesure où, fondées sur la psychologie et les sciences du sport, des méthodes de prévention (Schlicht 1994), de réhabilitation (Hermann & Eberspächer 1994) ou thérapeutiques (Rümmele 1990, 1991) trouvent des applications chez les personnes présentant des déficiences corporelles ou mentales (Rieder 1971). Les avantages que présente l'apport des habiletés sportives dans la thérapie reposent sur la prise en compte par celle-ci de la totalité de l’individu et de l’intégralité de la personne en liaison avec son action. Dans la mesure où l’action sportive comporte une dimension sociale, il semble par ailleurs, qu’à côté des aspects non verbaux qui ouvrent un large champ d’application, la relation sociale soit significative. Finalement, le sport et les APS en général facilitent la démarche qui consiste à s’engager dans une thérapie, dans la mesure où cela se fait dans un contexte positif et détendu (Knobloch 1979).

On peut distinguer trois approches concernant les thérapies sportives (Nitsch & Nitsch 1979) : − la thérapie par le sport. Les expériences se situent par exemple dans le domaine des courses d’endurance (Weber 1985, 1992) et de la thérapie par le jeu; − le sport comme moyen de la thérapie a été utilisé avec succès dans des programmes faisant progresser la motivation chez des déficients mentaux (Bauer 1978) ou dans des programmes de développement de la psychomotricité (Volkamer 1972); − le sport comme adjuvant à la thérapie a fait, entre autres, ses preuves dans les soins des dépressions et de l’alcoolisme (Weber 1985; Schwenkmezger 1985) ainsi que dans ceux portés aux personnes âgées (Meusel 1995).

Un nombre considérable de publications concernant des programmes ou des études fondamentales, portant sur des thérapies sportives ou thérapies par le sport, sont parus ces dernières années (Rümmele 1990, 1991). Généralement, les auteurs reconnaissent une valeur positive à ces travaux. D’autre part, la terminologie imprécise montre une grande naïveté théorique. On peut déplorer un manque significatif de preuves empiriques concernant les effets des thérapies sportives. En fin de compte, on peut s’attendre à ce que les prochaines années permettent l’approfondissement et l’élargissement des possibilités qu’offrent les thérapies sportives. 4. Contribution à l’histoire de la psychologie du sport

L’étude du développement historique de la psychologie du sport fait apparaître qu’elle ne s’est pas formée comme discipline faisant partie de la psychologie, en Europe de l’Ouest et

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aux Etats-Unis au moins. Elle s’est constituée pour l’essentiel à partir des programmes de recherche et d’intérêts pour des connaissances particulières. Il faut relativiser le point de vue généralement répandu de la psychologie comme "science mère". La psychologie du sport, restée presque oubliée pendant des décennies par la psychologie, s’est développée au milieu du XXe siècle à partir du sport, des théories de l’éducation physique (Theorie der Leibeserziehung) et des sciences du sport. Le statut de la psychologie du sport par rapport à la famille que constitue la psychologie pourrait être celui de l’enfant trouvé faisant tous les efforts afin d’être intégré et reconnu au sein de cette famille. En réalité, on peut observer de manière croissante depuis quelques années les signes d’un rapprochement entre mère et enfant trouvé : la psychologie du sport émerge comme mot clé dans les manuels de psychologie et des ouvrages standards ; des questionnements se rapportant au sujet ont leur place dans des colloques et des congrès de psychologie. Les fédérations et associations de psychologues trouvent aussi des points d’ancrage institutionnels, par exemple, en érigeant des curriculum communs et en instaurant des actions de formation continue.

Les motifs pour lesquels on se préoccupa, à côté d’une théorie de l’éducation physique en Allemagne, des questions relatives aux sciences du sport et en particulier celles relevant de la psychologie du sport, furent d’approfondir théoriquement l’éducation physique et de la faire reconnaître comme discipline universitaire dans les universités et les écoles supérieures, comme "preuve" de sa scientificité.

Conditionnées par des différences socio-politiques fondamentales du système des sciences, il semble toutefois que l’ex-Union Soviétique, avant la seconde Guerre Mondiale, et dans les pays de l’Est après 1960, l’organisation et la structuration institutionnelle se sont d’abord faites de manière plus planifiées et selon un processus plus évident que ce ne fut le cas en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis.

Si l’on survole d’un point de vue historique la genèse de la psychologie du sport au niveau mondial, une première phase, à partir de la fin du XIXe siècle, se caractérise par peu de contributions et de travaux de recherche qui abordent les problèmes de l’action sportive. Une seconde phase, au milieu des années 1920, se caractérise par la fondation de laboratoires de recherche en psychologie du sport qui mettent surtout l’accent sur les problèmes fondamentaux de la psychologie, de manière plus caractéristique encore sur les recherches en psychophysique. A Berlin, le laboratoire de l’Ecole supérieure d’éducation physique pour l’Allemagne et la Prusse s’est développé sous la direction de Schulte et Sippel. A Leningrad, c’est Rudik (1924) qui créa un laboratoire de psychologie du sport ; en Illinois, Griffith (1926, 1928) s’engage dans une telle voie, qui resta toutefois aux Etats-Unis sans conséquences universitaires, tout comme pour Schulte en fin de compte, que l’on peut désigner comme le premier vrai psychologue de la psychologie du sport allemande. Il publia dans une série de Monographies (1921, 1925, 1927) ses conceptions et ses théories de la psychologie du sport, dont l’orientation était très fortement psychotechnique, dans la lignée de Münsterberg, et se préoccupa d’expliciter des contenus disciplinaires et la psychotechnique, faisant un effort tout particulier pour atteindre les objectifs "pratiques". La diversité et l’orientation intellectuelle de ses travaux en liaison étroite avec la pratique sportive supposent, aujourd’hui encore, la comparaison avec les travaux internationaux actuels.

A Leipzig, au milieu des années 1930, l’Institut de psychologie de l’université publia une série de recherches concernant le problème de la forme du mouvement sous la direction de Krueger et Klemm. Klemm formula aussi vingt principes directeurs pour une psychologie de l’Education Physique (1938). Après la seconde guerre mondiale, les débuts de la psychologie du sport tombèrent de différentes manières dans l’oubli, à l’exception peut-être de l’ex-Union Soviétique. Dans les débats théoriques de la République Fédérale Allemande dominèrent alors, concernant les problèmes de l’E.P., les points de vue de la biologie et de la médecine, ainsi que de l’histoire et de la "Bildungstheorie" (courant pédagogique et

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didactique des années 1950 et 1960). Les contributions de la psychologie du sport apparaissent de manière isolée, sans qu’on leur attache de l’importance. La thèse soutenue par Kohl, en 1956 portant sur le problème de la sensorimotricité, fondamentale du point de vue théorique et pratique apparut comme une contribution significative à la compréhension de l’intégration du mouvement et de la perception mais resta sans effets pendant de longues années (Kohl 1956).

Le début de la troisième phase du développement de la psychologie du sport date des années soixante. Elle se caractérise par l’organisation, l’institutionnalisation et la communication internationale. En RFA, on créa en 1964 la première chaire de la théorie de l’E.P. En 1961, on créa à Leipzig, en République Démocratique Allemande, un institut de psychologie du sport à l’Institut supérieur pour la culture corporelle (Deutsche Hochschule für Körperkultur - DHFK). En 1965, c’est à l’Ecole supérieure allemande des sports à Cologne, que l’on créa une chaire de psychologie. On peut observer des évolutions similaires, mais selon des dynamiques différentes, à l’échelle mondiale, à partir du milieu des années 1960. En 1965, l’année où fut fondée la Société Internationale de Psychologie du Sport (ISSP), eu également lieu à Rome le premier congrès international de psychologie du sport. Peu après en 1968, la FEPSAC (Fédération Européenne de Psychologie du Sport et d’Activité Corporelle) fut créée, et dans la foulée, l’année suivante en RFA l’association des psychologues du sport allemands (ASP - Arbeitsgemeinschaft Sportpsychologie).

L’essor que prit enfin la psychologie du sport à partir de la fin des années 1960, semble avoir été le fait de l’extension prise par les études scientifiques dans le contexte d’une promotion du sport de haut niveau. Par ailleurs, la place croissante prise par les sciences sociales et comportementales dans les sciences en général joua également un rôle. Le soutien apporté à la préparation scientifique de l’équipe ouest-allemande des Jeux Olympiques de Munich en 1972 fut, sans conteste, une condition particulièrement favorable à l’essor de la psychologie du sport et spécifique à l’Allemagne. En Allemagne aujourd’hui, la psychologie du sport est représentée par vingt professeurs d’université. Dans la plupart des instituts en sciences du sport (Institute für Sportwissenschaft - UFRSTAPS), la participation à des cours de psychologie est obligatoire pour tous les étudiants ; mais, la psychologie du sport n’est pas encore ancrée dans les formations diplômantes des psychologues (maîtrise). L’association des psychologues du sport allemands (ASP) comporte environ 240 membres.

L’image de la psychologie du sport est aujourd’hui, aux yeux du grand public, imprégnée des lignes de force des travaux réalisés à son origine : le sport de haut niveau, qui utilise des méthodes plus ou moins secrètes, opaques parfois, afin de produire des athlètes au rendement toujours accru. De telles représentations sont renforcées par la presse et les médias, qui s’intéressent davantage aux effets sensationnels, voire à l’absence d’effet, qui n’éclairent aucunement les aspects fondamentaux sous-jacents. La relation de la psychologie du sport aux sciences proches comme la psychologie et les sciences du sport, peut être caractérisée par le fait que, dans le cas des sciences du sport, aussi bien sur le plan théorique, mais avant tout du point de vue méthodologique, on peut observer d’importantes influences. Le rapport à la psychologie du point de vue théorique et méthodologique est caractérisé par la prise en compte tardive de positions qui sont simplement transférées sur des problèmes de la psychologie du sport.

Ce transfert pose un problème. En effet, les positions théoriques et méthodologiques et également les problèmes liés au contenu de la psychologie ne recouvrent que partiellement les problèmes et les questions qui sont importants pour la psychologie du sport. Cela a pour conséquence l’accumulation de données dont la validité interne est assurée mais dont la validité externe reste problématique. Ces divergences se développent par exemple lors de l’application de questionnaires de personnalité, non spécifique, à des échantillons de sportifs. La psychologie du sport ne peut plus se restreindre au rôle d’une science appliquée ; elle

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devrait faire des efforts importants pour diminuer les déficits dans le domaine des connaissances en s’occupant davantage de recherche fondamentale. Texte traduit par : Marie Estelle Godar

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(Le chiffre placé en tant qu'exposant indique l'édition à laquelle il est fait référence)

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LA PSYCHOLOGIE DU SPORT EN FRANCE EMERGENCE D'UNE SCIENCE APPLIQUEE

MULTI-REFERENCEE

Anne Marcellini La psychologie du sport en France est un champ en plein développement depuis les années 1960 qui fait preuve d'une activité importante, en particulier, depuis une quinzaine d'années. Regroupant au départ essentiellement des enseignants d'éducation physique et Sportive ayant enrichi leur formation par celle de psychologue, elle intéresse aujourd'hui des enseignants-chercheurs issus des STAPS1, des entraîneurs et des éducateurs sportifs, mais aussi (c'est plus récent) des psychologues, psychothérapeutes, psychanalystes et des chercheurs en psychologie retenant le sport comme objet d'analyse privilégié.

La création de diplômes universitaires de "psychologie et sport"2 et la multiplication des colloques et journées d'études sur ce thème peuvent être lues comme des indicateurs de l'activité qui règne autour des questions liant sport et psychologie. La thématique de l'apprentissage moteur en France sera dans cet ouvrage traitée dans un article spécifique (Nourrit et Delignières). Je tenterai ici de rendre compte d'autres orientations de travail principalement retenues en France, en m'attachant plus particulièrement à présenter les axes de recherche qui sont reliés à des formes d'intervention et de pratique. Ce faisant, je tenterai de rendre compte à la fois du développement de pratiques originales et de l'enrichissement et de la complexification théoriques qui s'en dégagent. En effet, comme le soulignait M. Bouet, en 1992, "S'il est un trait qui semble caractériser la situation actuelle en France, c'est le rapport étroit et exigeant qui apparaît entre, d'une part, une recherche théoriquement et méthodologiquement toujours plus renforcée et, d'autre part, l'implication pratique de psychologues du sport soucieux de qualité scientifique et d'éthique professionnelle" (Bouet 1992, 47). 1. Des théories multiples, un regard interactionniste et le souci du "terrain" Comme le souligne Marc Lévêque (1995, 13), les travaux récents en psychologie du sport ont pour objectif une meilleure compréhension du sportif dans son environnement et "se focalisent sur l'interaction entre les ressources de l'athlète et le contexte matériel, humain, symbolique dans lequel il évolue". On assiste alors à un abandon progressif des recherches menées dans une perspective causale simple en cherchant par exemple à identifier des caractéristiques psychologiques chez les acteurs susceptibles d'influencer la performance (trait de personnalité, style de leadership des entraîneurs etc.). C'est l'interaction sujet-environnement qui devient objet central de la recherche dans un projet d'appréhension de la complexité de l'acte sportif, et ceci aussi bien dans les approches cognitives, que dans celles qui s'intéressent à la dimension affective du fonctionnement du sujet ou dans les perspectives psychosociales prenant en compte la dimension groupale.

L'orientation des recherches vers une prise en compte de la complexité est étroitement liée à la question de l'application des résultats au terrain. La demande du milieu sportif et

1 STAPS : Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. Sigle définissant les établissements et diplômes universitaires français menant aux différents métiers du sport. 2 DU : Diplôme Universitaire "Psychologie et Sport" à Reims. DESS Psychologie et Sport : Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées créé conjointement par l'UFR STAPS et l'UFR de Psychologie de Montpellier.

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social, le désir de reconnaissance de la spécificité et de l'utilité de la psychologie par le milieu sportif obligent à des allers-retours avec le "terrain" : il est à la fois le lieu d'émergence des questionnements et des problèmes et le lieu d'expérimentation de nouvelles façons d'agir. En ce sens, nous pourrions dire que toute recherche en psychologie du sport est une recherche appliquée, voire une recherche-action.

Les "terrains" de la psychologie du sport français sont multiples : des plus grands stades, aux cours d'écoles, en passant par les espaces sportifs des centres dits de "rééducation". Cette science en construction a su, en France, maintenir un intérêt pour tous les sujets engagés dans les pratiques physiques et sportives, qu'ils soient "champions-idoles", élèves "ordinaires", personnes handicapées ou en difficulté, ou encore personnes âgées. C'est pourquoi nous présenterons ici non seulement des travaux relatifs au secteur de la haute performance, mais aussi, dans un second temps, ceux concernant un sport plus "quotidien", quoique parfois "extraordinaire". 2. De la séduction du haut niveau Le secteur du sport de haut niveau exerce une attraction certaine sur les chercheurs et praticiens en psychologie du sport. Celui-ci commence, en retour, à les questionner, et les travaux portant sur la thématique de la haute performance et de l'extrême sont nombreux. Progressivement les méthodes d'intervention sur ce terrain se sont précisées, spécifiées, et ont contribué au développement de connaissances nouvelles. Je présente ici différentes formes de pratiques psychologiques qui constituent, me semble-t-il, le paysage concret de la psychologie du sport en France.

2.1. La "préparation mentale" à l'épreuve compétitive : ou comment "Etre dedans"? On différencie généralement en France la préparation psychologique, approche globale, de ce que l'on désigne comme "préparation mentale" et qui renvoie à l'utilisation de techniques très précises en vue d'une épreuve. "La distinction tient [aussi] à la temporalité, car si la préparation mentale vise certains aspects du comportement à l'approche de la compétition, la préparation psychologique cible la mobilisation de l'ensemble des ressources et se situe donc beaucoup plus à distance de la situation compétitive." (Lévêque 1993, 62)

Cette "préparation mentale" est souvent distinguée d'une véritable approche psychologique dans la mesure où "la notion de "mental" renvoie à une lecture mécaniciste du psychisme : à l'instar du muscle, l'appareil psychique est assimilé à un organe.[...] C'est un leurre d'adhérer à la fascination de la maîtrise réductionniste et illusoire supportée par cette notion instrumentale du fonctionnement psychique" (Carrier 1993, 62). J. Moraguès explique bien aussi que "la vision d'une possible "gonflette" psychique n'a rien à voir avec la psychologie clinique" (1993, 62).

Cependant, autour de la thématique de la préparation mentale, on recense moins de réflexions et de recherches que de type d'intervenants, qu'ils soient psychologues, "préparateurs mentaux" (par reproduction du vocable "préparateur physique"), ou plus simplement spécialistes de techniques diverses supposées aider les athlètes à accéder à un état psychique optimal pour l'épreuve. En effet, cet espace d'intervention est peut-être, aujourd'hui en France, le plus "encombré" de "spécialistes" divers qui tentent de faire preuve de la plus grande efficacité pratique, c'est-à-dire de "faire gagner" les athlètes qu'ils préparent. On y trouve des psychologues se référant au modèle cognitif, utilisant des techniques diverses visant à la maîtrise émotionnelle (imagerie mentale, répétition mentale, focalisation de la

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pensée etc.), des spécialistes du "management", se référant aux vulgarisations psychologiques aujourd'hui classiques de la "pensée positive" et de la "planification des objectifs", et faisant grand usage de la suggestion, des tenants de la P.N.L3, des militants de la méthode Feldenkraïs, des sophrologues, des relaxateurs, des hypnotiseurs, mais aussi des "guérisseurs et sorciers" déclarés comme tels… Les pratiques sont donc innombrables mais peu divulguées.

Si de nombreux travaux ont mis en évidence les effets positifs des techniques cognitives obtenus en laboratoire (Thomas 1991), les recherches sur les autres modalités de préparation sont, quant à elles, relativement rares. Si le halo de secret entourant certaines de ces pratiques, et mêmes certains praticiens est encore vivace, c'est peut-être parce qu'au-delà des pratiques diversifiées, c'est souvent "la pensée magique" qui opère. E. Hahn, en 1977 déjà, avait analysé les pratiques superstitieuses des sportifs et souligné les différentes fonctions de la pensée magique utiles aux sportifs (mécanisme de défense, de protection, facteur de motivation, mécanisme de concentration, diminution du stress). Malgré cette analyse pertinente, il considérait ces pratiques comme "absurdes" et exprimait la volonté de les remplacer par "de meilleurs procédés pour surmonter le stress". C. Le Scanff (1992) enrichira la réflexion par le recours à des données anthropologiques plus larges qui lui permettront d'associer la notion "d'état idéal de performance" aux théories générales concernant les "états modifiés de conscience" au sens où les définit Arnold M. Ludwig (1968). Dans la même perspective positiviste que E. Hahn, elle propose alors de mettre en place des procédures d'évaluation "objectives des effets des techniques de préparation mentale [qui permettraient] d'éviter leur glissement vers l'irrationnel" (Le Scanff 1992, 91).

Nous avons réalisé une analyse de type ethnopsychologique des modalités "spontanées" de préparation à l'épreuve de boxeurs de haut niveau (Marcellini 1993). Cette étude met en évidence un principe récurrent dans les modes d'induction de cet état de conscience modifié particulier qu'est l'état idéal de performance dans le sport : la mise en jeu d'une structure de ritualisation et de croyance. On peut alors proposer l'idée selon laquelle c'est la structure de la préparation mentale qui est opérante et non pas les contenus (absurdes, irrationnels ou autres), qui, par ailleurs sont très fluctuants pour un même athlète au cours du temps. Ce résultat recoupe les préoccupations de Weinberg et al. (1991) quant à la temporalité dans les préparations mentales en sport. Ces recherches prônent un détachement de l'attention portée aux contenus des techniques de préparation mentale, pour une meilleure centration sur la structuration des temps pré-compétitifs et sur le sens que donnent les athlètes aux contenus.

Ces résultats divers, nourris par l'observation du terrain, questionnent en retour les programmes de préparation psychologique et d'entraînement mental proposés aux athlètes et amènent un affinement progressif des modes de gestion des temps pré-compétitifs. Au-delà de la notion de préparation psychologique, une approche plus globale du sujet sportif s'est largement développée en France en se centrant sur la compréhension et le dépassement des "blocages" psychologiques.

2.2. De l'échec, des douleurs et des malaises dans le sport : l'inconscient à l'oeuvre Un axe d'intervention psychologique s'est développé récemment dans le secteur sportif, fondé sur le modèle des psychothérapies individuelles d'inspiration analytique. Principalement pratiqué par des psychologues cliniciens et des psychanalystes (les pionniers en la matière avaient fondé le GREPAS4, ce type d'intervention répond à des demandes 3 P.N.L. : Programmation neurolinguistique. 4 GREPAS : Groupe de Recherches et d'Etudes Psychanalytiques sur les Activités Sportives. Association de réflexion et d'analyse du sujet sportif, en référence à l'oeuvre de Freud et aux travaux de Lacan.

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individuelles (de sportifs, mais aussi d'entraîneurs ou de parents) relatives à des difficultés s'exprimant dans le champ de la pratique sportive. Pour les sportifs, les demandes émergent lorsque surviennent des contre-performances, ou des baisses de performance inexplicables, des difficultés de gestion des émotions en situation compétitive, des problèmes somatiques (douleurs, blessures répétitives), des problèmes de motivation, ou bien des difficultés relationnelles avec les entraîneurs ou les familles. Pour les entraîneurs, c'est souvent des questionnements sur des difficultés dans la gestion du groupe et de ses conflits, et dans les relations avec les athlètes qui les amènent jusqu'au psychologue. Cette forme d'intervention conserve souvent le cadre classique des dispositifs de parole des psychothérapies ou psychanalyses ordinaires, l'athlète rencontrant le psychologue individuellement, au cours de séances régulières (Champignoux 1993; Labridy 1993). Si certains lieux d'accueil ont été conçus volontairement hors de l'espace sportif (Bilard et Lollini 1991) pour mieux garantir l'indépendance et le secret professionnel (comme la Clinique du Sport de Paris, le Centre de Psychologie Sportive de Montpellier5), d'autres lieux de consultation sont plus intégrés aux structures sportives (par exemple à l'INSEP6, à Paris). Cette position d'intégration du lieu de consultation psychologique au milieu sportif, si on peut penser qu'elle facilite parfois les demandes des athlètes (par sa proximité géographique en particulier), pose en retour des difficultés au thérapeute comme à l'athlète au regard de la dépendance vis à vis de l'institution sportive qu'elle peut générer. Ces interventions de type thérapeutique avec les sportifs, si elles reposaient, au départ, essentiellement sur la théorie psychanalytique, se sont progressivement spécifiées et ouvertes à d'autres références théoriques. L'expérience de la brièveté des suivis nécessaires à la résolution de la majorité des problèmes a amené une attention particulière aux modélisations portant sur les psychothérapies brèves (Lollini 1996). Les travaux les plus récents y ajoutent l'apport théorique et pratique des thérapies stratégiques développées en particulier par P. Watzlawick (1978), ainsi que la mise en place de dispositifs de parole médiés par des techniques corporelles comme la relaxation par exemple (Morhain 1993). Pour J. Moraguès, psychologue clinicien, l'analyse de l'état de performance, s'il se nourrit des paradigmes du corps représenté et du corps pulsionnel, met également en évidence le fait "qu'il y a une dimension du corps qui échappe à la logique de la représentation et donc au modèle théorique psychanalytique freudien." (Moraguès 1993, 227). Il y aurait une double présence du corps dans la performance sportive : une présence imaginaire et symbolique, régie par la représentation, et une "présence sensationnelle du corps" (Moraguès 1993, 233). Cette idée s'articule sur l'analyse de l'"aesthésique sportive" (Birouste 1991). Le travail de J. Moraguès sur le traitement des contre-performances l'amène à soutenir la thèse suivante: "L'état de performance est un mode d'être au monde qui tire son fondement de l'organisation originaire de la pulsion - la motion - dans le mouvement" (Moraguès 1994, 15). En se centrant sur le paradigme de la corporalité, il soutient l'idée selon laquelle c'est dans une présence sensationnelle du corps, hors représentation, que peut se comprendre "l'état de performance". Il appelle alors à un dépassement de la seule référence au modèle freudien, pour s'ancrer dans une perspective plus anthropologique. Cette ouverture théorique rejaillit ensuite sur une réflexion portant sur les techniques d'intervention psychologique pertinentes dans le travail avec les sportifs (en particulier l'hypnose Ericksonnienne).

5 Centre de Psychologie Sportive : C.P.S., un premier centre a été créé en 1989 à Montpellier dans le cadre de l'Office Départemental des Sports de l'Hérault, puis deux autres centres ont ensuite vu le jour (Béziers en 1990, et Lunel en 1991). 6 INSEP : Institut National des Sports et de l'Education Physique. Centre d'entraînement et de formation des athlètes de haut-niveau, Etablissement relevant du Ministère Jeunesse et Sport.

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2.3. La difficile place de l'entraîneur : vers des procédures de formation psychologique des entraîneurs sportifs

Une pratique encore peu développée, celle des groupes de parole d'entraîneurs, a été proposée par différents intervenants (Labridy, Ragni; Moraguès et Lollini au C.P.S. de Montpellier depuis 1993). Cette forme d'intervention psychologique, reprenant les principes du groupe "Balint", vise à l'élucidation des difficultés que peuvent rencontrer les entraîneurs au cours de la relation pédagogique intense qu'ils entretiennent avec les athlètes. Cette modalité de travail du psychologue du sport s'appuie sur un projet de formation psychologique des entraîneurs. Elle vise l'accès de ces derniers à une distanciation nécessaire à la prise de conscience des transferts et contre-transferts en jeu dans la relation d'entraînement. Elle doit permettre aux entraîneurs de mieux comprendre ce qui se joue dans la relation entraîneur/entraîné (Labridy 1993), les investissements affectifs inconscients qui peuvent s'y cristalliser, et ainsi faciliter leur positionnement ainsi que l'identification des problèmes. Pour les entraîneurs de jeunes athlètes, les relations entraîneur/parents peuvent également s'avérer problématiques. Les groupes de paroles offrent la possibilité d'élucidation des conflits de rôles et permettent l'éclaircissement des places respectives des différents acteurs entourant le jeune sportif (Lollini 1996). Les techniques du psychodrame sont également utilisées, en particulier dans un second temps de la formation dit "d'approfondissement" (C.P.S. de Montpellier).

Ce type d'intervention et les recherches afférentes se réfèrent principalement à la théorie psychanalytique. Mais, peu de publications théoriques sont disponibles à ce jour à propos de ces expériences originales.

2.4. De l'intervention ponctuelle du psychologue à sa pleine association : l'implication du psychologue auprès d'un groupe

Un axe de réflexion important en France s'est développé autour des questions relatives à l'intervention du psychologue dans le milieu sportif, en essayant d'analyser les modalités de participation et d'implication de celui-ci dans un groupe ou une équipe sportive. Cette modalité de travail du psychologue du sport est très récente en France : Edgar Thill l'a initiée au cours d'une première collaboration avec la Fédération Française de voile de 1978 à 1984. Marc Lévêque, en pérennisant l'expérience, a abondamment contribué à la formalisation et à la théorisation de ce mode d'intervention spécifique du psychologue sportif "associé" à une équipe. Il souligne en particulier que "le psychologue n'est pas investi d'une crédibilité préétablie. [Qu'] il lui appartient plutôt de la gagner, de faire valoir et respecter les modalités propres de sa perception et de sa compréhension" (Lévêque 1993, 21). Pour définir la position du psychologue travaillant auprès d'une équipe, M. Lévêque tient à se démarquer des notions de suivi psychologique, d'assistance psychologique, ou d'expertise-conseil en psychologie qui peuvent être associées à l'idée de surveillance, de contrôle des athlètes, ou laisser à penser que ceux-ci seraient démunis devant les difficultés. Il leur préfère le terme d'"implication" qui suppose "la réciprocité", et "l'immersion" dans la réalité sportive. Le psychologue ainsi "impliqué" peut jouer un rôle d'accompagnement des athlètes, de régulation institutionnelle. M. Lévêque (1993) fait des propositions méthodologiques permettant de cerner ce qu'il appelle, en référence à P. Héry (1989, 28), "la position de tiers-inclus" du psychologue clinicien auprès d'une équipe. Il doit pour cela devenir "observateur-participant", ethnographe du microcosme de l'équipe, se positionner entre inclusion et marginalité, être à la fois disponible et désengagé.

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"Trouver sa place" en tant que psychologue auprès d'une équipe, c'est donc "la construire" dans un espace "étroit" et peu "stable". L'expérience, les compétences du psychologue, mais aussi le contexte dans lequel celui-ci est sollicité sont ici déterminants. Trop souvent encore, ce sont les situations de crise qui suscitent l'appel (au secours ?) au psychologue, ce qui compromet l'instauration d'un travail "serein" (Le Scanff 1995).

A partir de cette place "marginale", les psychologues travaillant auprès des équipes utilisent des outils très divers, issus des approches clinique, psychosociale, cognitive (Thill 1989), mais aussi des modélisations systémiques permettant de prendre en compte toutes les articulations du système. Cette place spécifique de psychologue donne accès à un regard nouveau sur le vécu relationnel de l'athlète avec son entraîneur, avec le groupe d'athlètes, avec l'institution fédérale, avec ses sponsors, ou encore avec les médias et les supporters (Lévêque et . Heuze 1995). En complément des analyses cognitives qui cherchent à évaluer l'impact des facteurs contextuels sur les processus de traitement de l'information, pour identifier des caractéristiques d'environnement susceptibles d'influencer la performance (Delignières 1991; Famose 1993), la lecture clinique des relations sujet-environnement montre comment l'espace sportif devient "structure d'accueil aux problématiques narcissiques". Il faut souligner que ces différents types d'interventions du psychologue du sport dans le secteur du haut niveau ne vont pas sans difficultés. En effet, le milieu sportif attend des résultats concrets, et souvent rapides et l'intervenant se voit tiraillé entre une position classique (faite d'écoute, d'aide à une meilleure compréhension de soi) et une position interventionniste visant à l'optimisation de la performance. Dans ce secteur de la haute performance, les thématiques de recherche, même si elles restent marquées par la logique de l'optimisation de la performance (attente majeure du milieu sportif), se sont progressivement élargies par une attention nouvelle au bien-être psychologique des sportifs et également des entraîneurs, à la question difficile des fins de carrière, à l'étude de la violence, de l'agressivité et de la transgression en sport (Pfister 1986; Avanzini et Pfister 1991) ainsi qu'au problème grandissant du dopage sportif (Louveau et al. 1995). Mais au-delà du sport de haut niveau, une place importante est accordée à des pratiques sportives plus "communes". La psychologie du sport en France a toujours maintenu une attention forte envers les questions relatives au sport "quotidien", sport de rue, sport scolaire mais aussi au sport "adapté" à des publics "marginalisés". Les pratiques auxquelles sont reliées les recherches en ce domaine sont plus souvent psychopédagogiques, que purement psychologiques. On retrouve ici les traces des premiers psychologues du sport, tout d'abord professeurs d'E.P.S.7. 3. Une psychologie du sport "au quotidien"

3.1. Approche psychologique de l'éducation physique scolaire

Dans le secteur scolaire, la psychologie du sport s'est intéressée tout d'abord aux élèves, puis aux enseignants d'E.P.S., pour s'attacher ensuite aux interactions enseignant-enseignés. En ce qui concerne l'apprentissage moteur et sportif, de nombreux travaux expérimentaux ont étudié dans une perspective cognitive la difficile question de la motivation (J.P. Famose 1990). Ces recherches mobilisant les concepts de motivation intrinsèque, extrinsèque, de dissonance cognitive et la théorie de buts motivationnels de J.G. Nicholls 7 E.P.S. : Education Physique et Sportive, discipline d'enseignement obligatoire à l'école.

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(1984) débouchent sur la mise en évidence de l'interaction entre motivation et apprentissage. Elles provoquent ainsi la réflexion sur les procédures d'enseignement à développer en E.P.S. pour développer "l'envie d'apprendre" des élèves.

Mais l'approche purement cognitive de l'apprentissage moteur (Famose, Fleurance & Touchard 1990) pose question en particulier dans l'utilisation pratique des données sur le terrain (Goirand 1991; Delignières 1992; Cadopi 1993; Huesca 1993). Ces difficultés ouvrent alors à la prise en compte des théories écologiques qui remettent en cause le recours nécessaire aux représentations dans l'apprentissage moteur et le contrôle du mouvement (Temprado et Laurent 1995). Ces deux orientations théoriques (cognitive et écologique) sont complétées par une attention récente pour une approche conative qui s'articule avec une formalisation des correspondances entre étape conative et méthode pédagogique à privilégier (Bui-Xuan 1993; Canal 1993). Un certain nombre de travaux se sont attachés aux enseignants d'E.P.S., et en particulier à leurs représentations des A.P.S.8, pour souligner les distinctions que ceux-ci opéraient entre sport, A.P.S. et E.P.S., et les difficultés de positionnement de l'enseignant d'E.P.S. dans le système scolaire (Gleyse 1991). La question des représentations de la discipline scolaire E.P.S a abouti au repérage de la dévalorisation de cette matière par l'ensemble des acteurs du système scolaire. Pour J. Gleyse (1993), c'est la proximité avec le corps de l'élève en E.P.S. qui pose problème dans un système qui proscrit le contact corporel (Pujade-Renaud 1983). L'acte d'enseignement en E.P.S. est également appréhendé dans une perspective plus interactionniste, voire systémique. M. Durand, P.H. Fagot et J. Riff soulignent l'importance de différents facteurs comme : "les stratégies d'apprentissage, le climat de la classe, le temps d'apprentissage, la relation pédagogique" (Durand, Fagot et Riff 1993, 240) ainsi que leurs interactions réciproques. Cette volonté d'approche globale amène les auteurs à se référer de façon complémentaire aux processus cognitifs et métacognitifs, aux facteurs psychosociaux, à l'identification de l'inévitable "rationalité limitée" de l'enseignant et donc aux processus inconscients à l'œuvre dans la relation enseignant-enseignés. Cette logique d'approche scientifique permet de relier les résultats de recherches unidimensionnelles pour proposer une modélisation qui, en prenant en compte la complexité de l'enseignement de l'E.P.S., peut devenir référence pour l'action.

3.2. Psychologie du sport et populations "marginales" ou "en difficulté"

La psychologie du sport inclut également l'étude d'une réalité multiforme : celle du sport organisé pour des publics spécifiques tels que les personnes handicapées, les jeunes en difficulté d'adaptation sociale, les chômeurs, cohorte grandissante d'exclus du monde du travail, ou encore les personnes présentant des pathologies diverses (cardiopathies, allergies, problèmes respiratoires, porteurs du VIH, maladies mentales etc.). Cet axe de recherche et d'intervention se retrouve particulièrement étudié dans une filière de spécialisation universitaire appelée "Activités Physiques Adaptées" (A.P.A.)9. La problématique centrale de l'ensemble des travaux repose sur l'évaluation de l'impact des différents types de pratique sportive (pratique sportive compétitive ou non, en milieu ordinaire ou en milieu spécialisé)

8 A.P.S. : Activités Physiques et Sportives. 9 Les filières A.P.A. proposent une spécialisation des professeurs d'E.P.S lors du 2ème cycle universitaire, débouchant sur un diplôme de maîtrise STAPS Option APA. Ce diplôme permet d'exercer, en tant que professeur d'E.P.S. spécialisé dans différentes structures accueillant des publics spécifiques (personnes handicapées, détenus, asthmatiques, toxicomanes, alcooliques, blessés médullaires, personnes âgées, malades mentaux etc....).

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sur le développement psycho-affectif des sujets, ainsi que sur l'environnement humain de ceux-ci. Dans ce champ, historiquement les travaux et les interventions ont tout d'abord concerné les publics dits classiquement "handicapés" et plus particulièrement les déficients intellectuels. Cet état de fait est directement relié à la réalité de l'intervention sportive qui a pris son essor dans l'espace institutionnel de prise en charge des personnes handicapées mentales, enfants ou adultes. Ensuite l'intérêt scientifique et les pratiques se sont élargies à d'autres publics.

De nombreux travaux se sont intéressés à l'impact que pouvait avoir la pratique sportive des personnes handicapées sur les représentations sociales que les "valides" entretenaient à leur égard. Les principaux résultats de ces travaux de psychologie sociale montrent que la caractéristique de personne sportive associée au handicap modifie les représentations dans un sens positif. G. Bruant et J.P. Génolini (1994) précisent en outre que lorsqu'on interroge des sportifs à propos des personnes handicapées mentales sportives, cela les amène à une catégorisation des personnes handicapées : les sportives sont perçues comme plus dynamiques psychologiquement et physiquement que les non sportives. Mais lorsqu'on interroge des non-sportifs, on aboutit à une catégorisation du sport : le sport des personnes handicapées mentales est purifié des aspects négatifs du sport. L'analyse des représentations du handicap mental a aussi été menée à l'intérieur même des organisations sportives spécialisées, et a montré qu'au sein même du Sport Adapté10 "la tuteurisation" fréquente ne permet pas la participation réelle des sportifs handicapés à la vie associative (Bruant 1991).

A l'interface du psychologique et du social se développent aussi des recherches centrées sur les sujets "handicapés", en particulier sur le repérage des rôles que peut jouer la pratique sportive dans la résolution des crises identitaires observables chez ces sujets (Bilard 1995; Broyer 1995; Marcellini 1991; Bui-Xuan et Marcellini 1993). Il apparaît que la pratique "adaptée" des A.P.S., pour les personnes dévalorisées, offre le support possible d'un positionnement identitaire positif, aboutissement d'une redynamisation physique et psychologique (Bui-Xuan, Marcellini et Mikulovic 1996). Ces travaux contribuent à la compréhension de la fonction du sport dans les trajectoires de vie de ces personnes "en difficulté", ainsi qu'à la formalisation des conditions de réussite des projets d'intégration sociale.

Certains travaux se sont plus particulièrement intéressés au sens attribué à la compétition sportive par les personnes handicapées mentales afin d'en évaluer les conséquences psychologiques positives ou négatives (Brunet 1991). Plus récemment, G. Ninot (1995, 224) s'est penché sur "les mécanismes d'adaptation à la compétition d'adolescentes déficientes intellectuelles" et a mis en évidence les différents modes de "coping" utilisés par ces adolescentes pour gérer les défaites. Il a souligné la prédominance et la permanence d'un seul coping pour chaque adolescente. Ces travaux alimentent les débats contradictoires portant sur la pertinence de la compétition pour les sportifs handicapés et sur les formes qu'elle devrait (ou ne devrait pas) prendre.

Les travaux s'intéressant aux interactions entre maladie mentale (en particulier psychose, autisme infantile) et activités physiques sont marqués par les théories psychanalytiques (Therme 1991; Labridy 1995) et s'attachent à les relier à des formes d'intervention en A.P.S. permettant une évolution positive des sujets.

Toutes les connaissances spécifiques construites par ces travaux sont les bases de référence de l'intervention des professeurs en A.P.A., qu'ils poursuivent des buts

10 Sport Adapté : vocable définissant les pratiques sportives organisées spécifiquement à l'intention des personnes handicapées mentales, dans le cadre d'une fédération sportive reconnue : la F.F.S.A. (Fédération Française du Sport Adapté).

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d'apprentissage moteur, de maturation affective, de socialisation, ou qu'ils aient pour mission de contribuer à un projet thérapeutique et/ou d'intégration sociale.

Il faut noter l'intérêt récent dans ce champ pour le concept de qualité de vie, issu du champ médical, mais qui s'immisce aussi bien dans la réflexion psychologique que dans l'approche sociale (A. Goode 1994). L'articulation entre pratique sportive et qualité de vie chez les publics étudiés ici est certainement appelée à se développer. On le voit, les chercheurs et praticiens en psychologie du sport en France ont fait le choix de la diversité des modèles d'analyse et des situations étudiées. Ils affinent progressivement aussi bien leurs théories de référence que leurs logiques d'intervention, dans un mouvement d'allers-retours entre recherche et terrain. En s'ouvrant à la dimension sociale, voire anthropologique, ils se donnent les moyens d'aborder la complexité de l'acte sportif.

Nous n'avons évidemment pas pu être ici exhaustifs, tant les problématiques se précisent et se développent aujourd'hui (et je me vois obligée de m'excuser par avance de cette présentation forcément orientée par ma propre subjectivité). Mais, nous devons signaler qu'une des particularités de la psychologie du sport française réside aussi dans la large gamme d'intérêts de nombreux chercheurs qui les amène à produire des connaissances aussi bien sur sport de haut niveau, que sur l'E.P.S ou sur la rencontre entre sport et handicap. Pour conclure, on peut souhaiter que la psychologie du sport française continue sa "révolution", en suivant la voie ouverte par J. Bruner "... Car la culture donne forme à l'esprit" (1990). De l'approche fragmentaire, analytique et déterministe de ses débuts, à la centration actuelle sur l'interaction sujet-environnement, se dessine déjà l'ouverture à la signification comme concept central d'une psychologie du sport articulant théories et pratiques dans la complexité et trouvant ainsi sa place de science humaine appliquée.

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APPRENTISSAGE MOTEUR

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1. Remarques introductives

L’apprentissage moteur représente, à côté des domaines liés à l’analyse des processus de gestes sportifs, visibles de l’extérieur, et du développement moteur, un des piliers de la cinésiologie, particulièrement important pour la formation des professeurs d’EPS et pour le sport scolaire. La notion d’apprentissage moteur est largement utilisée dans les sciences du sport, alors qu’en psychologie, on lui préfère des dénominations plus précises telles que apprentissage psycho-sensori-moteur. Au centre de l’apprentissage moteur, il y a, d’une part, la question globale de l’organisation centrale interne des processus d’apprentissage moteur et les questions des processus de guidage du système nerveux central et périphérique en fonction des techniques sportives. D’autre part, il y a la question de l’évaluation du point de vue de technologique des conditions externes dans lesquelles se déroulent des processus d’apprentissage moteur. La tâche directrice consiste dans la recherche d’une structuration efficiente entre la présentation de l’information et le retour de l’information. Elles consiste également dans la réalisation optimale des conditions de l’apprentissage moteur et des exercices dans le but de trouver une solution rapide aux problèmes de la pratique sportive.

Cette contribution donne un aperçu du progrès scientifique des connaissances et des tendances actuelles des approches théoriques de l’apprentissage moteur en R.F.A.. L’analyse scientifique des processus de la réalisation de mouvements volontaires chez l’être humain a une longue tradition dans la psychologie, la neurophysiologie, la biochimie et les sciences du sport, ce que révèle la diversité des possibilités du champ d’investigation. Depuis le début du siècle, il y a un débat et une activité de recherche plus ou moins intense, au sujet de l’apprentissage moteur, au cours desquels de nombreuses théories d’apprentissage et de coordination ont été formulées et modifiées. Des travaux scientifiques anciens se restreignirent à des tentatives de transposition des lois de théories générales d’apprentissage, telles que les théories de la liaison stimulus - réponse (Thorndike 1913; Pawlov 1927; Skinner 1951), dans le domaine de l’apprentissage moteur. A l’opposé, dans la recherche actuelle en motricité, s’imposent des théories spécifiques de l’apprentissage moteur dans lesquelles, l’être humain y est plutôt considéré comme un système de traitement d’informations que comme un système passif d’exécution de réponses.

Parmi les conditions incontournables des processus d’apprentissage moteur, citons l’action de percevoir qui peut comprendre des aspects visuels, verbaux, kinesthésiques, tactiles et vestibulaires. D’après de Marées (1987), les aires de motivation du cortex ainsi que le système nerveux périphérique remplissent la fonction d’instance primaire de commande (centre de décision) d’actions motrices. Le système transmet l’excitation qui est la commande d’action au cortex d’associations (centre d’efficience) à partir duquel des projets de programmes moteurs, acquis ou appris de manière abstraite, peuvent être mis à disposition. A partir des informations périphériques, ces esquisses de mouvements, encore incomplets, sont transposées, par le cervelet (mouvements balistiques) ou par les ganglions de base (mouvements lents, continus), compte tenu des informations périphériques, en programmes de mouvements susceptibles de se dérouler dans un cadre spatio-temporel. Par la commande intermédiaire du cortex moteur (centre exécutif) et au moyen d’une motricité adaptée, les programmes spécifiques sont transmis en tant qu’efférents moteurs (descendants), via le tronc cérébral et les motoneurones, à la musculature du squelette. Pendant et après l’action motrice,

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l’individu est informé en continuité sur les afférencess périphériques (ascendants), sur l’exécution du mouvement et le résultat (réafférences).

Des publications de vulgarisation dans les domaines de la neurophysiologie ou de la psychologie cognitive tendent à montrer que l’énigme du contrôle des mouvements par le système nerveux central est résolue. Mais, la science en est encore loin. D’une part, les neurologues sont capables de fournir des informations pour expliquer la constitution et le fonctionnement des “ wetware ”, (des neurones, des synapses, des processus bioélectriques et biochimiques du cerveau). Toutefois, les découvertes neurophysiologiques importantes ne doivent pas faire oublier qu’il y a encore beaucoup de questions sans réponse en particulier la portée psychologique des “ wetware ” quant à l’explication de l’apprentissage moteur. D’autre part, les psychologues se perdent en spéculations, afin de savoir comment le cerveau code les informations. Les modèles empruntés à l’informatique, tels que codes digitaux, binaires ou réseaux analogues travaillant en parallèle, sont sûrement les travaux les plus connus et les plus couronnés de succès de la psychologie expérimentale pour expliquer le traitement de l’information par l’être humain. Mais, à peine sortie de “ l’école maternelle ”, certaines perspectives sont déjà critiquées par de nouvelles alternatives. Malgré les remarquables activités de recherche que l’on peut observer au cours des dernières années et le progrès constant des connaissances en la matière, une théorie irréfutable de l’apprentissage moteur fait défaut jusqu’à ce jour (et ne sera probablement jamais trouvée à cause de la complexité du comportement humain).

En Allemagne, dans le domaine de la recherche en motricité, on remarque, depuis les années 70, un intérêt nettement croissant pour l’analyse théorique et expérimentale de thèmes concernant l’apprentissage moteur. Les recherches actuelles émanent, en règle générale, d’instances universitaires dont les activités sont financées, sous forme de demande de subvention ou de missions de recherche, pour la plupart par un tiers : l’Institut Fédéral des Sciences du Sport (BISp à Cologne), la Communauté Allemande de la Recherche (DFG), la Fondation Volkswagen, la Fédération Allemande du Sport (DSB), les comités régionaux sportifs des Länder (LSB), les fédérations spécialisées (comme la Fédération d’athlétisme) et divers ministères fédéraux. L’arrêt du développement de la recherche scientifique ne saurait être envisagé à court et moyen terme, à partir des faits actuels. Etant donné le développement de cette science, il faut plutôt s’attendre à une plus grande différenciation, une plus grande spécialisation et une expansion de la recherche en motricité, en raison de la complexité du domaine de recherche et dans le but de pouvoir tirer des lois générales plus rationnelles et plus fondées. Parmi les domaines de recherche à prendre davantage en considération à l’avenir figurent la psychologie cognitive, la neurobiologie et la technologie de l’apprentissage et de l’enseignement. Cette perspective optimiste est soulignée de manière éloquente par une recherche1 de références bibliographiques sur l’apprentissage moteur qui met en évidence une production de 2068 articles.

La perspective évoquée plus haut est également reflétée par des colloques consacrés régulièrement au thème de l’apprentissage moteur (cf. Roth 1989a). Aussi, dans le cadre de la formation scientifique de base, dans les cycles d’études des sciences du sport, la cinésiologie et, avec elle, l’apprentissage moteur, jouissent en R.F.A. - tout comme d’autres sciences (pédagogiques, sociales ou celle de l’entraînement) - d’un important rayonnement comme le suggère l’analyse des titres des enseignements de 70 instituts des sciences du sport de la RFA (Schädlich 1994 - 1996). D’après cette source, on a consacré entre 151 et 183 cours synoptiques et cours spéciaux par semestre dans le domaine de la cinésiologie pendant les cinq derniers semestres. Quant à l’importance des thèmes en cinésiologie, Roth (1995) put

1 Cette recherche a eu pour support la banque de données “ Spolit ” de l’Institut Fédéral des Sciences du Sport (édition 3/1996).

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montrer, à partir d’une enquête faite auprès de professeurs stagiaires (n = 29) du land de Bade-Wurtemberg que des thèmes, comme les méthodes de l’apprentissage moteur, sont jugés très utiles à la maîtrise des exigences de la pratique quotidienne du sport scolaire.

2 Etat de la recherche et tendances actuelles en R.F.A.

Les théories relatives à l’apprentissage moteur sont classées, d’ordinaire en R.F.A.,

d’après les points de vue de la psychologie et des sciences du sport, en approches orientées vers les processus (vers la recherche fondamentale) et en approches orientées vers les résultats (vers l’application pratique) (cf. Roth 1982, 1987; Heuer 1983; Mechling 1992). Dans les approches orientées vers les processus, il s’agit généralement d’évaluer les processus internes de guidage moteur et ceux des fonctions qui sont à la base de la coordination et de l’apprentissage de mouvements volontaires complexes. Les questions et les études expérimentales des approches orientées vers les résultats se fixent avant tout pour finalité l’étude des variations des conditions d’apprentissage, eu égard à l’utilité, l’efficience et la capacité de transformer en routine la réalisation de consignes d’apprentissage et de déroulement de processus de l’exercice. Dans les comptes-rendus de recherche, on accorde plus d’importance aux approches orientées vers les processus à cause de nombreuses innovations apparues dans les 20 dernières années.

2.1 Présentation des approches orientées vers les processus Les différentes conceptions théoriques sur la structuration de mouvements coordonnés

sont extrêmement controversées. Des tentatives d’assimilation de l’information (Motor-Approaches) expliquent le comportement humain moteur à coups d’instructions, de représentations explicites. Elles se font un principe de partir de l’idée que la maîtrise de mouvements simples et complexes dépend, tout d’abord, de la capacité de l’organisme à sélectionner certains stimulus parmi un nombre considérable de stimulus différents. Cette capacité de l’organisme doit permettre de transmettre rapidement des informations, de les mettre en mémoire et de faire appel à des informations et des représentations du système central. Dans la littérature, sont définis trois types fondamentaux de structure des “ Motor Approaches ”. Les théories, si longtemps controversées, du Open-Loop (guidage en boucle ouverte) et du Closed-Loop (régulation) constituent les deux premiers types fondamentaux de structure, qui posent la question de savoir dans quelle mesure des régulations motrices d’action relèvent plutôt de représentations centrales ou de processus de perception. Elles ne sont plus que rarement abordées dans les publications récentes depuis la parution des Mixed-Approaches, le troisième type fondamental de structure. Dans cette dernière, les structures de mémoire du système nerveux central et les mécanismes de fonctions périphériques ne s’opposent pas mais se complètent pour représenter les modifications du contrôle moteur.

Une avalanche de critiques sur le concept fondamental des Mixed Approaches et de ses découvertes empiriques est formulée récemment et de manière fondamentale par d’autres théories,. Il s’agit, en premier lieu, des hypothèses théoriques de régulation des actes et des tentatives caractérisées par l’émergence des connaissances, appelées théories psycho-écologiques des actes (Action-Approaches). D’autres théories acquièrent aussi une importance croissante, eu égard aux débats en psychologie actuellement : conceptions de la théorie du système (Haken 1990), conceptions connectionnistes (Jordan 1990) et récemment conceptions modularistes (Hossner 1995) qui ne jouent, pour le moment, qu’un rôle marginal dans la recherche en motricité. Est mise en question, par principe, la détermination explicite de la périphérie par la représentation centrale (hiérarchie); à sa place, on favorise une indétermination de la périphérie (hétérarchie) ainsi qu’une émergence immanente au système

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(auto-organisation) de l’activité humaine. Dans les paragraphes suivants, seront esquissées les plus importantes conceptions théoriques et les étapes du développement des approches de l’apprentissage moteur qui influencent particulièrement la recherche en motricité des sciences allemandes du sport depuis les années 70. L’attention principale sera portée sur les structures de traitement de l’information, longtemps favorisées, mais à présent soumises à une critique croissante. Par ailleurs, seront indiquées - en relation avec le changement de paradigme auquel il est fait allusion depuis peu - des tendances novatrices actuellement discutées et des „lanceurs de nouvelles tendances“ théoriques (Tableau 1)

Auteurs Concept de contrôle de mouvement

Contenu des structures de contrôle des neurones

Adaptation à des conditions de situation

Schmidt (1975)

Séparation du programme et des paramètres

Relations constantes de temps et de force

Paramètres temporels/ dynamiques (MT, formes de force absolues)

Heuer (1989)

Séparation du programme et des paramètres

Relations constantes de temps et de force, mécanisme de fonctions oscillatoires

Paramètres temporels/dynamiques (temps du mouvement, formes de force absolues)

Vogt (1988)

Séparation du programme et des paramètres

Relations constantes de fréquences et d’amplitudes

Paramètres de tâches temporels/dynamiques principes d’ordre indépendants des tâches

Wulf (1985)

Séparation du programme et des paramètres

Points d’équilibre constants

Paramètres de mouvements métriques

Munzert (1989)

Schéma de motricité et séparation des paramètres

Constantes topologiques, expériences à partir du choix des paramètres

Paramètres métriques/ topologiques (distance absolue, dimension des angles)

Meinel & Schnabel (1987)

Guidage préliminaire du programme et régulation du système

Principales valeurs distinctives constantes temporelles/dynamiques, estimation des valeurs de consigne sensorielles

Processus de régulation (amplitude du mouvement, valeurs des angles)

Turvey (1977)

Structures de coordination, paramètres d’ordre

Enchaînement de groupes musculaires travaillant en synergie

Paramètre de Tuning, paramètres de contrôle

Tableau 1: Présentation des quelques travaux et de leur orientation théorique 2.1.1 Représentation interne du mouvement : ébauches de traitement de

l’information Les théories classiques des programmes (modèles Open-Loop - structures de guidage

en boucle ouverte) occupent une place importante dans les ébauches concernant le traitement de l’information. Par principe, elles partent de l’idée fondamentale de guidage de programmes selon laquelle des programmes moteurs autonomes, mis en mémoire centrale et contenant des

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instructions établies avec précision sur le déroulement du mouvement, assurent le guidage de mouvements balistiques (<250 ms) indépendant du feedback (Lashley 1917; Henry & Rogers 1960; Keele 1968; Rosenbaum et al. 1983). L’idée clé des tenants de la position centraliste, -l’existence de programmes de mouvements (mémorisés par le système central sous forme de représentations)- peut être justifiée par des analyses de probabilité, vu les résultats (indirects) de nombreuses études de désafférentation. Par contre, l’indépendance de la rétroaction (feedback) s’avère indéfendable (Roth 1989a; Wollny 1993). Les positions centralistes furent fort critiquées par les tenants des théories de la régulation motrice (modèles Closed Loop) qui propagèrent un guidage préliminaire de programmes à régulation permanente du système, en premier lieu, eu égard à l’économie manifestement manquante dans la relation préconisée 1 - 1 entre mouvements générés et programmes moteur mémorisés (Von Holst 1954; Anochin 1967; Bernstein 1967, 1988; Adams 1971; Meinel & Schnabel 1976; Ungerer 1977). En Allemagne, au sein de la recherche en motricité les structures de régulation d’Adams, de Meinel & Schnabel et d’Ungerer ont atteint leur plus grand degré de notoriété. D’après les conceptions cybernétiques, les actions motrices procèdent d’une juxtaposition de différentes séquences de mouvements, mis en route par des programmes moteurs rudimentaires. Le comportement qui en résulte (comportement en output) dépend d’une régulation du système, influencée en permanence de manière sensorielle. Sur la base d’expériences antérieures avec des situations problèmes semblables, le système nerveux central détermine une valeur de consigne - référence de conformité pour l’exécution du mouvement (trace perceptive) - qui, pendant l’exécution du mouvement, est comparée en permanence avec la rétroaction (feedback) extéro et proprioceptive (valeur réelle). En cas de divergence entre la valeur de consigne et la valeur réelle, on a recours à des corrections adéquates, destinées à réduire et à éliminer les erreurs.

Depuis la publication des “ Mixed Approaches ” développées dans l’espace linguistique anglophone (par exemple Pew 1974; Schmidt 1975), la polémique stérile entre tentatives de théories centralistes et périphéralistes, a largement pris fin. Les “ Mixed Approaches ” sont, pour l’essentiel, fondées sur l’idée de séparation des programmes et des paramètres, selon laquelle - par analogie avec les algorithmes des ordinateurs - un programme type hiérarchiquement structuré ne fixe que peu d’éléments fondamentaux - des constantes structurelles spécifiques d’habileté - et délimite, par définition, une classe plus ou moins étendue de mouvements semblables (solution du problème de la mémoire centrale).

Des précisions particulièrement claires sont fournies, dans le cadre de la recherche américaine en psychomotricité pour les habiletés physiques de base, par la „Théorie des programmes moteurs généralisés“ (théorie des GMP) de Richard A. Schmidt (1975, 1976, 1988), dont la validité, à quelques déductions près, peut être étendue aussi aux habiletés pluriarticulaires typiques du sport (cf. Heuer 1983; Roth 1983, 1988-1991; Wollny 1985, 1988-1991a; Wollny & Schimanski 1989; Wulf 1985, 1994). Le fondement théorique partiel est constitué par l’hypothèse de la quantité de mouvements par rapport au temps, selon laquelle les muscles moteur essentiels sont coordonnés par des représentations centrales, à savoir les programmes moteurs généralisés (GMP). Ils ne contiennent qu’une structure élémentaire composée de trois caractéristiques invariables, abstraites, temporelles et dynamiques : le découpage en séquences, le timing relatif et l’utilisation de la force relative. Ces trois constantes ordonnent aux muscles le début et la fin de leur phase d’activité ainsi que l’intensité avec laquelle l’utilisation de la force doit se dérouler. Le réglage fin des programmes moteurs généralisés s’explique par l’adjonction de l’hypothèse de constance de la forme, le deuxième fondement partiel de la théorie des GMP. D’après celui-ci, les schèmes moteurs des quantités de mouvements par rapport au temps, peuvent, dans une certaine mesure et comme pour une bande élastique, être augmentés ou diminués proportionnellement (solution au problème de l’inédit), au point de vue temporel (horizontal) et/ou dynamique par

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l’introduction dans le GMP, peu avant le début du mouvement, de paramètres d’exécution métriques (temps total des mouvements, formes de travail absolues, sélection des muscles), sans qu’au niveau de l’observation, les constantes caractéristiques d’un revers de tennis de table, par exemple, ne soient modifiées quand on varie la vitesse de frappe.

Dans sa Schema Theory of Diskrete Motor Skill Learning, Schmidt (1975) érige en postulat, le troisième fondement partiel, la fonction des deux systèmes de mémoire, chacun fonctionnant de manière partiellement autonome. Le “ Recall-Schema ” est important pour le choix des valeurs spécifiques de paramètres et le pilotage de mouvements rapides (<200 ms). Il se développe à partir d’une mise en relation systématique des expériences relatives aux conditions de situation de départ, aux valeurs des paramètres choisies et aux informations sur le résultat du mouvement. Le traitement sensoriel de l’information et le contrôle des mouvements lents (>200 ms jusqu’à environ 5 sec) relèvent du „Recognition-Schema“, formé à partir des conditions de la situation de départ, du feedback sensoriel des mouvements et des informations quant au résultat du mouvement. Si l’expérience motrice est suffisante, il faudra déterminer, par interpolation voire extrapolation, entre les lois abstraites et les conditions de départ, des valeurs adéquates de paramètres et de consignes. A partir de la théorie des GMP et des schémas, on peut tirer, pour la pratique sportive, de remarquables hypothèses théoriques de coordination qui sont formulées dans la Variability of Practise-Hypothèse. Celle-ci dit, en résumé, que la qualité et l’efficacité des lois des schémas, est influencée d’une part par la quantité et la qualité des essais de „Knowledge of Results“; d’autre part, qu’elle représente une fonction positive du nombre (fréquence d’exercices) et du seuil de variations des valeurs expérimentales, au sein d’une classe de mouvements.

Malgré de nombreuses découvertes empiriques, d’évidences anecdotiques et d’hypothèses plausibles, les conjectures principales de la théorie des GMP et des schémas qui n’ont pas perdu leur actualité même après 15 ans dans la recherche allemande en motricité, ne sont pas restées sans oppositions critiques. Des publications plus récentes, en langue allemande, ont pour sujet, entre autres, des approches plausibles qui tiennent certes à l’idée fondamentale de la séparation des programmes et des paramètres, mais qui formulent d’amples précisions sur le contenu, ainsi que sur des modifications à la Théorie des GMP et des schémas. Dans ce qui suit, quatre positions opposées, discutées en R.F.A., seront esquissées en fonction de leur proximité voire distance par rapport à la Théorie des GMP et des schémas et à l’aide de leurs hypothèses structurelles immanentes seront interrogées sur leur capacité à rendre compte du contrôle de la stabilité et de la variabilité motrices.

A partir de la Théorie des GPM, les hypothèses les plus proches quant à la stabilité motrice sont dans le Concept de programme moteur de Herbert Heuer (1984b, 1988a, 1989). Les programmes moteurs cadres contiennent, selon Heuer, surtout des relations de temps et de force, des constantes internes au programme, mais qui présentent cependant une plus grande variabilité. D’après cette prémisse, les programmes moteurs cadres ne semblent pas contrôler uniquement une structure de mouvements temporelle et dynamique, mais aussi des mouvements légèrement décalés les uns par rapport aux autres dans le temps (Timing). Heuer considère le „Timing“ relatif en tant que phénomène avant tout stratégique, qu’il ne faut pas attendre pour chaque action motrice volontaire mais uniquement pour un nombre limité de formes de mouvements naturels (rythmes fondamentaux de mouvements, rotations et déroulements cycliques). A côté de relations constantes de temps et de force, il semble que, sous forme de séquences constantes de modulations, internes au programme, des mécanismes de fonctions oscillatoires (Cruse et al. 1988b) soient aussi intégrés dans le contrôle moteur de l’être humain, et en partie bien plus grande que celle admise jusqu’ici (Hollerbach 1981). L’adaptation du programme ne se fait pas exclusivement avant le début du mouvement, comme postulé dans la Théorie des GMP, mais aussi pendant l’exécution du mouvement, grâce à des processus complexes et multiples de mise en paramètres. A côté de schémas

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moteur (sélection de valeurs métriques de paramètres), diverses classes de „Constraints“ (contraintes) physiques et psychiques, tout comme les espaces actuellement utiles (des domaines d’action définis par le nombre de degrés de liberté) et les fonctions des coûts et des profits intrinsèques (relatifs à l’organisme) et extrinsèques (relatifs à l’environnement et aux tâches à exécuter), jouent un rôle décisif dans la détermination de valeurs paramétriques adéquates (cf. Cruse & al. 1988a, 1988b; Heuer & Schmidt 1988).

Comme la Théorie des GMP, Stefan Vogt (1988) soutient, dans son Concept de régulation de la motricité humaine, développé à partir du modèle de codage des données de Fourier de Gallistel (1980, 1981), la conception que l’organisation spatio-temporelle des mouvements humains est définie par des constantes de programmes fondamentales. Néanmoins, la stabilité dans le comportement moteur n’est pas contrôlée par des représentations métriques de temps et de force mais en premier lieu, par les propriétés naturelles d’oscillations, propres au système moteur et à ses sous-unités dépendantes. Ces dernières sont contrôlées au moyen de composantes oscillatoires autonomes, de représentations centrales stables dans le temps et pour toutes tâches à accomplir, sous forme de simples oscillations de sinus. Ces oscillations sont codées en engrammes abstraits hiérarchisés pour constituer des représentations de type Fourier de bases constantes, sous formes de valeurs de fréquence (temps) et d’amplitude (dynamiques). Ces représentations de type de Fourier ne peuvent être modifiées qu’en dépendance réciproque, par des paramètres spécifiques, relatifs aux tâches. Un seul engramme guide une classe de mouvements rythmiques et cycliques semblables par la mise en circuit d’instances centrales subordonnées et d’oscillateurs spécifiques (fournisseurs périodiques internes de temps), relatifs au système nerveux central. Alors que les mouvements unidirectionnels sont considérés en tant que somme d’oscillations individuelles de sinus, les formes de mouvements multidirectionnels, rythmiques et cycliques doivent, par référence au principe de superposition de Gallistel (1980) être coordonnés par un ensemble d’engrammes individuels et d’oscillateurs.

D’après les découvertes de Gibson (1982) en psychologie de la forme, l’adaptation spatio-temporelle d’éléments de programmes de base constants se déroule avant et pendant le mouvement, au moyen de principes d’ordre généraux, indépendants des tâches à accomplir, et des paramètres de tâches particuliers, tels que la fréquence absolue, le niveau d’amplitude absolu, le type de déroulement (mouvement ronds ou anguleux) ainsi que la dimension et les relations dans le temps des éléments d’un schème moteur. En raison de la perspective adoptée, les valeurs des paramètres doivent être tirés directement de l’environnement et utilisés pour le planning et le contrôle moteur proprement dit, sans processus conscients d’explication et de schémas, sur la base de classes de „Constraints“ perçues en périphérie (conditions immanentes au système, situation problème, conditions actuelles de l’environnement) ainsi que de configurations externes et internes d’influx.

Comme dans Heuer, le concept des schémas de Gabrielle Wulf (1985, 1989) ne représente pas une théorie entièrement nouvelle de l’apprentissage moteur. En s'appuyant sur une nouvelle définition des contenus des programmes moteurs généralisés, ainsi que des schémas Recall et Recognition, Wulf essaie de résoudre les contradictions logiques de la Théorie des GMP et des schémas, relatives aux découvertes empiriques qui ont conduit à l’hypothèse de „Mass-Spring“ de Asatryan et Fel’dman (1965). Selon Wulf, les mouvements unidirectionnels sans caractéristiques particulières exigées quand à la durée des mouvements, ne sont pas contrôlés au moyen de schémas de quantités de mouvements par rapport au temps, mais conformément à l’hypothèse de „Mass-Spring“, par de simples points d’équilibre pré-programmables („Equilibrium-Points“) entre les régimes de tension des muscles agonistes-antagonistes, qui permettent de déterminer la position finale des mouvements partiels, sans même connaître la situation de départ actuelle et sans programmer la structure temporelle de l’activité musculaire (Fel’dman 1966a,b). Pour des mouvements complexes multidirectionnels

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qui font intervenir plusieurs articulations et extrémités du corps, il faut supposer pourtant, par extension de l’hypothèse de „Mass-Spring“, un supplément d’informations internes programmées, relatives à la coordination des „Equilibrium-Points“ différentes parce que les programmes de „Mass-Spring“ ne déterminent finalement que des situations d’équilibre de groupes musculaires agonistes-antagonistes isolés et non le déroulement temporel de plusieurs actions isolées. Il est vrai que la validité de cette hypothèse n’est pas encore démontrée par l’expérience. Wulf déclare la disponibilité variable des programmes moteurs „Mass-Spring“ en accord avec la Théorie des GMP, au moyen de paramètres métriques moteurs légèrement modifiables (temps moteur, vitesse motrice), déterminés par des schémas moteurs, dans lesquels la situation spécifique de départ du système moteur ne compte pas parmi les éléments fondamentaux essentiels pour le développement de règles systématiques de schémas.

Au centre de la théorie de régulation de l’action se trouve le Concept de schéma de motricité de Jörn Munzert (1987, 1989) auquel il faut attribuer une grande probabilité de succès dans des situations d’environnement variables, grâce à ses représentations motrices flexibles. Il y a là l'hypothèse d’une organisation hiérarchique-hétérarchique d’un comportement moteur inscrit dans le temps et d’une coordination motrice établie d’après des lois fondamentales de la cybernétique (Hacker 1980; Bernstein 1988). Dans sa tentative de précision de la GMP, l'auteur ne touche pratiquement pas à l’idée fondamentale de cette dernière, la séparation des programmes et des paramètres. Munzert considère les structures de contrôle du système nerveux central (les schémas de motricité) comme des représentations spécifiques de tâches de déroulement moteur, certes construites de manière hiérarchique mais dont le déroulement hiérarchique n’est pas stocké de manière explicite. Les schémas de motricité contiennent des composantes qualitatives, topologiques et fondamentales, telles que le genre et le nombre de changements de direction, le nombre de points d’intersection et d’inversion pendant le déroulement moteur, de même qu’ouverture ou fermeture du mouvement mais aussi ces constantes qui contiennent certes un chiffre mais pas de données relatives à une dimension spécifique. Parallèlement à l’aspect de constance, les schémas de motricité comprennent aussi des facteurs de variabilité, c’est-à-dire d’expériences relatives au choix de paramètres spécifiques d’exécution. C’est ainsi que Munzert s’oppose à une séparation des programmes-cadres moteurs et des „Recall-Schèmes“.

L’adaptation des constantes de programmes à des troubles imprévus se fait par variations de paramètres qualitatifs et topologiques, quantitatifs et métriques (distance géométrique absolue, permutation droite - gauche, localisation des mouvements latéraux de changement de direction, dimension des angles). Les limites d’extension et de compression des constantes de programmes sont déterminées, en l’occurrence, par la variabilité des paramètres d’exécution topologiques dont elles sont directement dépendantes. Les informations relatives à la détermination des valeurs paramétriques, peuvent être directement tirées de l’environnement (Gibson 1982) par l’individu, en fonction du codage amodal des contenus de programmes et de l’interférence supposée des processus de pensée cognitive, de perception visuelle et d’exécution motrice, sans ´l'intervention de mécanismes d’analyse supplémentaire. Reste sans réponse chez Munzert, la question de savoir comment la différenciation en constante topologique de qualité et en processus de mise en paramètres métriques de quantité, peut être transposée à des mouvements complexes.

Les différents arguments théoriques actuellement très controversés et les découvertes empiriques des „Mixed Approaches“ indiquent, tout comme le débat du „Open Loop ou Closed Loop“, que le comportement moteur dépend sans doute de mécanismes de contrôle du système nerveux central, différents et superposés. Le champ du contrôle moteur, c’est-à-dire le choix du genre et de la forme d’un mode de contrôle moteur déterminé, semble être, en l’occurrence, très étroitement lié avec la tâche motrice à résoudre (précision ou pression du temps), les conditions de situation de départ (ouvert ou fermé), la structure temporelle du

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déroulement moteur (rythmique ou arythmique), le niveau d’apprentissage (néophyte ou extrêmement exercé) et les exigences d’attention individuelles. Les programmes moteurs cadres et les schémas représentent dans ce sens, un des différents mécanismes de contrôle central concevable.

2.1.2 Changement de paradigme et „luttes de tendances“

L’état actuel des discussions à propos de l’apprentissage moteur est caractérisé par un

changement de paradigme qui se dessine de plus en plus clairement, et par des luttes de tendances analogues à celles qui précédèrent le processus d’abandon du paradigme behavioriste (Daugs 1995; Neumann 1992, 1993). Il faut citer d’une part, un abandon que l’on qualifiera de radical, des tentatives de traitement de l’information, semblables à celles des ordinateurs, longtemps favorisées et couronnées de succès, au profit d’une plus forte accentuation et évaluation des mécanismes émergents de contrôle moteur : synergies fonctionnelles ou "functional synergies" (Bernstein 1967), réseaux de neurones (Edelmann 1975) et structures coordinatrices (Turvey 1977). De tels mécanismes de fonction sont supposés à un niveau de régulation bas. Ils ne dépendent pas d’un contrôle central continu et prennent en charge une grande part dans l’exécution d’actions motrices volontaires. D’autre part, dans la controverse au sujet de l’action motrice, les connaissances et hypothèses de conceptions psychoécologiques comme perception et action s’imposent de plus en plus, car contrairement à la psychologie traditionnelle de la cognition, ces conceptions ne considèrent pas la perception, la pensée et le mouvement comme des processus centraux autonomes, mais comme des engrenages alternatifs d’à-priori fondamentaux. Actuellement, dans le cadre de la recherche de concepts alternatifs théoriques, apparaissent également de nombreuses conceptions de structures, en partie très fugaces, liées à la théorie du système, aux connections ou aux modules. Il faut souligner, à ce propos, la transposition de l’hypothèse de la modularité, de Fodor (1983) au domaine de la recherche en motricité dans les sciences du sport (Hossner 1995). Cette transposition déclencha en quelque sorte, un premier et sérieux „signal de départ empirique en vue de la chasse aux modules de motricité“ (Roth 1995, cité dans Hossner 1995, 11). En ce qui concerne l’hypothèse de modularité qui, dans la recherche en langues, perception et intelligence, fait partie des théories classiques, il s’agit d’une structure fonctionnelle d’estimation qui s’inspire autant de conceptions classiques de structures orientées vers l’aspect fonctionnel du comportement moteur (computional-functional model) qu’elle intègre des connaissances plus récentes du connectionnisme, relatives aux mécanismes de structure, d’organisation et de fonction du système nerveux humain. L’idée fondamentale de l’hypothèse de modularité se fonde, en l’occurrence, sur l'existence supposée d’une organisation modulaire partielle des processus de contrôle moteur. Pour un exposé complet de l’hypothèse de modularité de Fodor, il y a lieu de se reporter au travail de Hossner (1995). Dans cette contribution, l'accent est mis sur l’exposé des hypothèses fondamentales des „Action-Approaches“ que de nombreuses publications ont, entre temps, largement répandues en R.F.A.

Pour les représentants des théories psychoécologiques de l’action (Action-Approaches), actuellement tournées de manière très diverses vers l’activité, l’évaluation des multiples relations être humain-environnement et les degrés de liberté de l’appareil moteur sont au centre des préoccupations. Il s’en suit une tentative de dépister des règles écologiques et des informations constantes, relatives à l’environnement, pour les intégrer directement. à l’aide de processus d’attention et d’explication, dans le planning et le contrôle moteur. Les caractéristiques essentielles des „Action-Approaches“ sont exposées dans leur conception radicalement périphérique de la coordination motrice de l’être humain, c’est-à-dire non seulement la négation, mais aussi le renoncement rigoureux à toute forme de représentations

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motrices du système nerveux central. Avec grand enthousiasme, on propage l’idée d’un enchaînement de base à priori de la perception et du comportement moteur, de même celle d’une dynamique propre, générale et immanente au système et celle d’une organisation autonome du système de motricité. L’un des principaux représentants des „Actions-Approaches“ dans le domaine de la motricité est Turvey (1977) dont la conception intègre les hypothèses du psychologue américain de la perception Gibson (1982) et du neuropsychologue soviétique Bernstein (1988). Turvey voit une solution intéressante associant des „Degrees-of-Freedom“ et des „Context-Conditioned-Variability-Problems“, visibles dans de nombreuses théories d’apprentissage moteur et de coordination motrice, dans une structure de commandement hiérarchique à plusieurs niveaux du système central. Il en résulte que ce ne sont pas les programmes moteurs du système nerveux central qui contrôlent le comportement moteur, mais que des centres supérieurs du système nerveux central activent, au moyen d’impulsions des neurones particuliers, des systèmes biologiques qui ont une organisation propre : les structures coordinatrices (Turvey 1977) qui, de leur côté, assurent la régulation d’un groupement de muscles déterminé. D’après Turvey, les structures coordinatrices représentent des systèmes de tâches spécifiques, dépendant de la situation, à durée limitée, conçus selon le principe du jeu de construction, figés ou imbriqués de manière flexible, qui contrôlent de manière autonome les habilités motrices et compensent les perturbations externes. Le déroulement moteur est déterminé par l’intermédiaire d’une formulation abstraite des principales valeurs caractéristiques, sous forme de données qualitatives et topologiques (géométrie spatio-temporelle de l’activité motrice). La constance des structures coordinatrices doit être recherchée dans le niveau supérieur de transfert du système nerveux central; son organisation relève de diverses „Constraints“ (contraintes).

L’adaptation adéquate des structures coordinatrices à la situation (Tuning) est rendue dépendante de la modulation de l’activité des circuits inférieurs de neurones de la moelle épinière par des paramètres de „Tuning“ qui influencent principalement les variables métriques motrices telles que le temps absolu d’activité et le niveau d’activité neuromusculaire. Les valeurs paramétriques, dépendantes de la situation, peuvent être tirées directement de l’environnement avec une quantité minimale de processus centraux d’attention et de traitement, et utilisées pour la planification, la réalisation et le contrôle moteur, eu égard à l’interaction généralement admise comme inséparable, réciproquement conditionnée mais aussi limitée, des processus de perception visuelle et d’action motrice.

Dans les paragraphes précédents, il a été montré que le changement actuel de paradigme dont il est fait allusion dans la recherche en motricité, est caractérisé par un abandon radical des tentatives de traitement de l’information et, en même temps, par un recours, jusqu’ici encore hésitant, à des théories psychoécologiques de l’action ou à des conceptions plus récentes de théories de la cognition. La polémique menée au niveau théorique, entre „Motor- et Action-Approaches“ en particulier, semble pourtant encore relativement stérile. D’un côté, il est fait état, selon le cas, d’évidences expérimentales et anecdotiques qui ne se rapportent, qu’en partie, à des situations et des mouvements complexes tout aussi hétérogènes et contradictoires que les tentatives d’explication théoriques dans le cadre desquelles elles sont interprétées. En outre, il faut noter que les chercheurs, orientés vers l’action, n’ont pas réussi à produire jusqu’à aujourd’hui, des preuves empiriques irréfutables de leurs affirmations générales au sujet du contrôle moteur volontaire. Sur ce point, ils se trouvent en bon voisinage avec les concepts des „Motor-Approaches“. D’autre part, une comparaison entre „Motor-Approaches“ et „Action-Approaches“ est difficile, voire impossible, parce que les hypothèses théoriques fondamentales diffèrent de trop et englobent des problématiques, des réalités et des stratégies d’analyse nettement divergentes les unes des autres.

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Dans diverses publications au sujet de la controverse „Motor-Action“, Epstein (1986), Beek et Meijer (1988), Cruse et al. (1988a), Heuer (1988a), Schmidt 1988, Roth (1989a) et Daugs (1995) soutiennent la conception que les deux tentatives d’explication présentent chacune leurs avantages et leurs points forts. Certes, aucune des deux approches n’est en mesure de répondre précisément à la question de l’organisation d’actions motrices et de processus d’apprentissage; pourtant „Motor-Approaches“ et „Action-Approaches“ devraient débattre davantage des insuffisances de leurs hypothèses fondamentales. „Les différences d’inspiration, de conception et de méthodologie devraient, en l’occurrence, être acceptées de part et d’autre et les voies en vue d’une confrontation empirique (ultérieure) être laissées ouvertes“ (Roth 1989a, 40). Un modèle de solution, comme le suggère la controverse „Open-Closed-Loop“ est tout aussi envisageable, en l'absence de cadre théorique commun, à partir des expérimentations sur les décisions qui pourraient faire la différence entre les diverses conceptions. Il faut tendre vers une multiplicité de méthodes et de connaissances, qui tient largement compte, aussi bien de la mise en œuvre parallèle de divers plans de recherche et de manières de procéder que des découvertes actuelles de la psychologie, de la neurophysiologie, de la biochimie et des sciences du sport.

2.2 Essai d'explication des théories relatives à l’apprentissage moteur orientées

vers un résultat Les tentatives d’explication relatives à l’apprentissage moteur et orientées vers un

résultat (application) assument une fonction importante pour établir des passerelles - encore en souffrance - par dessus le fameux „fossé existant entre théorie et pratique“, décrit de multiples fois de manière métaphorique. Elles font porter les efforts de leur recherche, entre autres, sur les caractéristiques des procédés et méthodes d’enseignement typiques du sport et sur les processus d’apprentissage moteur. L'objectif recherché est de mettre à disposition d’un groupe cible de professeurs d’EPS et d’entraîneurs, conformément à leurs intérêts, des aides à la décision („recettes de cuisine“), éprouvées empiriquement et prometteuses de réussite, en vue d’une organisation effective et économique des processus d’apprentissage et des exercices relatifs à la pratique sportive. Lors du franchissement du „fossé existant entre la théorie et la pratique“, on procède la plupart du temps en se référant à la théorie (méthode déductive), alors que les spéculations issues de la pratique et justifiées par l’expérience (méthode inductive) ne furent appréhendées scientifiquement jusqu’ici que dans deux projets de l’Institut fédéral des Sciences du sport (BISp) sur les thèmes „Connaissances de l’entraîneur, relatives au feedback“ (Hanke & Woermann 1983) et „Entraînement technique dans le sport de haut niveau“ du groupe de Roth (1997). Encore non conventionnelle pour la cinésiologie, la méthode de recherche adoptée pour des deux études est fondée sur l’inventaire et l’analyse du savoir pragmatique interindividuel (conceptions théoriques du quotidien) d’entraîneurs expérimentés et couronnés de succès, appréhendé comme "aperçu supra individuel" des opinions relatives à la pratique : les théories du quotidien (théories subjectives d’entraîneurs).

D’après Roth (1987, 256) et sur une base théorique, empiriquement confirmée, de „structure fondamentale, informationnelle des processus d’enseignement et d’apprentissage“, les orientations de la recherche allemande orientée vers un résultat porte essentiellement sur trois domaines de problèmes de l’apprentissage moteur :

- la présentation de l’information (par exemple : Ungerer 1977; Daugs et al. 1984, 1989; Blischke 1986; Schaller 1987),

- la rétroaction de l’information (par exemple : Daugs & Reinhard 1984; Daugs 1988; Rockmann-Rüger 1991; Fehres 1992; Scherler & Schierz 1992),

- les conditions d’exercices, telles que séries méthodiques d’exercices selon le principe de l’approche graduelle, des aides pédagogiques réduites ou de la

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répartition en unités fonctionnelles partielles (Fetz 1975), pratique massée ou distribuée, apprentissage global ou partiel (par exemple : Daugs et al. 1984), recyclage (Fetz 1975), pratique répétitive ou variée (par exemple : Roth 1989a; Hossner 1995), entraînement mental (par exemple Hotz 1986) ou interférence de contextes (Wulf 1994).

Malgré un grand nombre de travaux de recherche, il n’existe jusqu’ici d’affirmations plausibles et clairement délimitées que pour quelques sujets de recherche cités précédemment. L’état des connaissances est caractérisé, en majorité, par des affirmations contradictoires, contestables ou seulement de portée générale très limitée et, en partie, par l’absence totale d'analyse des situations expérimentales.

La présentation de l’information, lors de l’enseignement et de l’apprentissage moteur, se fait au moyen d’une description et/ou par une démonstration de la technique sportive à transmettre. Une importante fonction de communication revient, selon les lois naturelles en l’occurrence, au canal verbal et visuel d’information. Médias d’enseignement (par exemple : technique photographique, cinématographique et vidéo, visiocartes, croquis, aides pédagogiques, consigne programmées), consignes linguistiques et imagées (par exemple : textes, images, métaphores), consignes autodidactes, démonstrations par autrui, moyens généraux d’information et principes généraux de communication comptent, en l’occurence, parmi les sujets de recherche les plus fréquemment appréhendés. En l'état actuel des connaissances, il est possible d’établir d’une manière générale que l’information, donnée au préalable, n’est pas seulement caractérisée par un degré extrêmement élevé d’individualisation quant aux capacités particulières, aux traits de personnalité, au niveau de développement, au niveau d’exigence et à l’adéquation à la situation, mais qu’elle doit satisfaire également à des critères variables de quantité et de qualité, afin que des conceptions motrices précises puissent être élaborées d’une manière effective et économique. Il existe des connaissances détaillées relatives à la quantité d’informations (quantité) et aux critères qualitatifs (qualité) tels que la vitesse de démonstration, la situation et la distance par rapport à l’apprenant, au langage technique, au choix des mots, au volume du son, au comportement non-verbal ou la conformité à l’âge et au développement (Ungerer 1997; Roth 1984). Mais en s’appuyant sur Gallwey (1977), Gallwey & Kriegel (1977) et Kohl (1956), on se référera également, lors de la présentation de l’information, au vécu subjectif de l’individu.

L’efficacité du feedback des informations, des consignes de corrections lors des entraînements et de la compétition, une équipe scientifique autonome s’en occupe depuis des années : la recherche sur le feedback, dont les multiples résultats et alternatives d’actions ont été considérablement appréciés dans la pratique sportive (Roth 1985b). Parmi les constats dans la recherche sur la forme de feedback, c’est-à-dire la nature, la fonction, l’amplitude, la structure temporelle et la précision du feedback (Knowledge of Results and Performance), on relèvera que les corrections (rétroactions combinées de valeurs actualisées et de valeurs de référence) sont plus efficaces - preuves à l’appui - que les commentaires (présentations isolées de valeurs actualisées et de valeurs de référence). On préférera, en l’occurrence, les informations qualitatives du feedback aux rétroactions quantitatives. Les consignes de correction devraient être données avec le plus de précision possible mais, cependant, en tenant compte de l’âge de l’individu et de ses expériences motrices antérieures (biographie motrice). En ce qui concerne la structure temporelle des effets du feedback, nous sommes également en présence de nombreux résultats empiriques. La fréquence du feedback devrait englober 30% des tentatives d’exercices au minimum et 70% au maximum. Lors de la suite chronologique de tentatives d’exercices et d’informations du feedback et, compte tenu de la complexité de la tâche à exécuter, de l’âge et de l’importance des apprentissages dans la biographie motrice de l’apprenant, on considérera comme pré-feedback optimal (écart entre la tentative d’exercice et le feedback) un intervalle de 5 à 30 secondes et comme intervalle de post-feedback (écart

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entre le feedback et la tentative d’exercice suivante) un temps minimum de traitement de 15 secondes.

D’indiscutables consignes de décision, fondées d'un point de vue théorique et empiriquement, ne sont présentes qu’en petit nombre pour l’ensemble des questions relatives à la réalisation des conditions d’exercices. Mais, elles seraient sans aucun doute d’une grande importance pour l’enseignement et l’apprentissage en sport, en particulier pour la réalisation correcte des conditions d’exercices, de même que pour l’entraînement technique et tactique. Au cours des dernières années, il faut noter un intérêt très prononcé de la recherche pour l’assimilation des techniques motrices dans le sport. Ceci est prouvé par l'état de la théorie et des constats quoique extrêmement controversé, de même que par le nombre élevé de concepts méthodologiques dans l'entraînement et dans l’enseignement. Les questions relatives à la réalisation optimale des conditions d’exercices, destinées à l’optimisation motrice, ont une importance indiscutable. A l'exception de quelques stratégies pragmatiques de simplification et quelques avis intuitifs que des entraîneurs expérimentés ont tirés de la pratique, il faut déplorer un manque presque total de constations empiriques destinées à l’entraînement des sportifs avancés (Wollny 1994).

Les aides à la décision, en vue de la réalisation concrète des exercices, lors de l’assimilation de techniques du sport, concernent en premier lieu des alternatives, telles que pratique massée ou distribuée, méthode d’apprentissage globale ou analytique, méthode d’enseignement répétitive ou variée. Cependant, le niveau empirique des résultats, pour ce qui est de la préférence donnée à une des alternatives, est soit vague, soit inexistant. Ceci est justifié avant tout par le fait que de nombreux facteurs d’influence supplémentaires (structure des mouvements de référence, nature et caractéristiques exigées par la tâche à accomplir, expériences antérieures d’apprentissages importants, variables de situation) sont à prendre en considération, en vue d’affirmations indiscutables (Roth 1987; Mechling 1992). Quelques-unes des alternatives controversées, citées précédemment, sont étayées par l’une ou l’autre consigne de décision de portée générale. Daugs et al. (1984), par exemple, purent montrer, à l’appui d’une nouvelle analyse de 52 examens relatifs à la pratique massée ou distribuée, que la pratique répartie avait, en général, de meilleurs effets sur l’apprentissage que les manières de procéder massées. Magill (1981, cité dans Roth 1985a) et Daugs et al. (1984) recommandent la méthode globale pour les actions motrices à niveau élevé d’organisation et faible degré de complexité, alors qu’à faible niveau d’organisation et degré élevé de complexité, c’est la méthode analytique qui représente la démarche pédagogique la plus adéquate. Avec comme toile de fond la Théorie des GMP, Roth (1989a) et Wollny (1993) attirent l’attention sur le fait que les habilités motrices réalisées dans un environnement imprévisible nécessite des conditions d'apprentissage en situations variées et changeantes. Pour le développement d'habiletés stables, le choix de paramètres de programmes adaptés sera facilité par la mise en place de situations variées. Au rang des tentatives actuelles de mise à disposition d’aides à la décision destinées à la réalisation systématique des situations d’enseignement et d’apprentissage, on peut retenir „l’Alphabet de l’entraînement technique“ de Roth (1990, 1991), qui est fondé à la fois sur la Théorie des GMP et des Schémas, de Schmidt (1976, 1988). Dans le cadre d’une restructuration de l’entraînement technique sont présentées des stratégies fondamentales de simplification, relatives à la théorie, telles que les principes de réduction de programmes et des lois des schémas, de soutien d’éléments, de programmes (moteurs) constants et de modification de paramètres de programmes (moteurs) variables. Ces stratégies, que l’on prendra en considération lors de la planification et de l’exécution des processus d’enseignement et d’apprentissage, favoriseront, en fonction de l’état actuel des connaissances, un apprentissage moteur efficace.

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Texte traduit par René Maeder , relu et adapté par Dominique Keller et Charles Pigeassou

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(Le chiffre placé en tant qu'exposant indique l'édition à laquelle il est fait référence)

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Déborah Nourrit et Didier Delignières

L'APPRENTISSAGE MOTEUR : EVOLUTIONS RECENTES ET PERSPECTIVES ACTUELLES DE LA

RECHERCHE

Déborah Nourrit et Didier Delignières On fait souvent l'amalgame, dans le domaine des sciences du sport, entre les théories du contrôle moteur et celles de l'apprentissage. Il faut rappeler que les premières renvoient à un problème de production (le sujet doit actualiser une habileté qu'il a antérieurement acquise), et les secondes à un problème d'acquisition. Un certain nombre d'auteurs, dans des revues récentes sur le sujet, ont clairement montré que ces deux types d'approches étaient fortement cloisonnés, et que l'une était peu susceptible d'étayer le développement de l'autre (Newell 1991 ; Whiting, Vogt & Vereijken 1992).

Nous nous intéresserons plus précisément, dans ce texte, à l'évolution récente des théories de l'apprentissage et à leur prise en compte dans le domaine des sciences du sport. Il ne s'agira que d'un rapide panorama, qui tentera de mettre en lumière les principales tendances et les perspectives de développement. 1. La place de la recherche sur l'apprentissage moteur dans les sciences du sport 1.1. Emprunts et analogies Historiquement, et en particulier dans le domaine de l'éducation physique, les problèmes de l'apprentissage moteur ont principalement été traités par l'importation de théories élaborées en dehors du domaine de la motricité. On peut notamment noter les emprunts massifs réalisés dans les années 1970 aux théories du développement de Piaget ou de Wallon (Mérand 1970; Carrasco 1979).

Il est évident qu'à l'époque les théories disponibles concernant l'apprentissage étaient, avant tout, des modèles du conditionnement, peu susceptibles d'étayer une éducation physique aux perspectives humanistes. Mais on doit noter une tendance persistante des théoriciens de l'éducation physique, du moins en France, à étayer leurs réflexions sur l'apprentissage moteur moins en se basant sur les recherches réalisées spécifiquement dans ce domaine, qu'en raisonnant par analogie vis-à-vis de modèles scientifiques ou didactiques élaborés hors du champ de la motricité. 1.2. Introduction des théories de l'apprentissage moteur Il a fallu attendre l'émergence des modèles cognitivistes de l'apprentissage et du contrôle moteur pour que des théories spécifiques à la motricité soient enfin prises en compte. On peut noter à ce sujet l'influence déterminante des travaux de Famose (Famose, Bertsch, Champion et Durand 1983 ; Famose, 1990). Il nous semble que ces travaux ont profondément marqué la réflexion didactique de l'éducation physique. On peut cependant supposer que cet engouement pour les théories cognitivistes n'était pas neutre : l'idée que la motricité était sous la dépendance d'un traitement de l'information, donc d'opérations plus ou moins rationnelles, voire intelligentes, était en convergence avec l'image que l'éducation physique avait besoin de donner de son domaine (Delignières 1991).

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Néanmoins cette prise en compte des théories de l'apprentissage moteur nous paraît limitée, et fréquemment biaisée. Trois remarques convergent dans ce constat :

a.- Il nous semble que le plus souvent, les théories de l'apprentissage ne sont prises en compte que pour légitimer a posteriori des choix didactiques reposant davantage sur des postulats idéologiques que sur une réelle démarche d'élaboration scientifique. b.- Les travaux sur l'apprentissage moteur, tant en France qu'à l'étranger, demeurent relativement rares. La plupart des laboratoires centrent leurs efforts sur des problématiques de contrôle moteur, et les réflexions concernant l'apprentissage ne sont le plus souvent que des corollaires issus des théories du contrôle. c.- Sur le plan international, les théories cognitivistes sont de plus en plus contestées, notamment par l'émergence de l'approche dynamique. Certains laboratoires français occupent d'ailleurs une place de premier plan dans cette émergence (voir par exemple Pailhous & Laurent 1995). Mais il nous semble que la diffusion de ces nouveaux modèles, notamment dans le domaine de l'apprentissage, soit encore restreinte.

Ce texte va s'attacher à décrire les postulats de base des principales approches de l'apprentissage, leurs développements théoriques et leurs perspectives d'évolution. Il ne pourra s'agir que d'une analyse très superficielle, et nous incitons le lecteur à consulter pour approfondissement de textes cités en référence. 2. L'approche cognitiviste Le postulat majeur de cette approche est que la performance motrice est le résultat d'un traitement de l'information : l'information prélevée par les organes sensoriels est soumise à des calculs, enrichie en référence à d'autres informations stockées en mémoire, transformée en intentions d'action et en informations prescriptives pour le système effecteur. L'organisation spatio-temporelle de la motricité (la coordination) est sous le contrôle de représentations : les programmes moteurs.

Une étape majeure de l'évolution des théories cognitivistes de l'apprentissage moteur a été la proposition, par Schmidt (1982), du concept de programme moteur généralisé. Antérieurement, on considérait que l'apprentissage débouchait sur la construction de programmes spécifiques. Cette conception posait un évident problème de stockage (on arrivait rapidement à un nombre extrêmement élevé de programmes à conserver en mémoire). Schmidt postule que le sujet ne stocke pas un programme exhaustif (c'est-à-dire l'ensemble des instructions spécifiques permettant la mobilisation des muscles impliqués dans l'action), mais une architecture globale du mouvement, principalement à base rythmique. Une telle conception suppose néanmoins que le sujet, à partir de cette structure temporelle, élabore avant l'action un programme moteur opérationnel.

L'apprentissage, dans cette perspective, consiste en un affinement progressif de l'ensemble des processus qui assurent le traitement de l'information. Le sujet apprend ainsi à identifier avec rapidité et précision les éléments pertinents de la situation à laquelle il est confronté, à déterminer avec justesse la réponse à apporter, à adapter les paramètres du programme généralisé aux caractéristiques actuelles de la tâche, et à corriger ses erreurs en cours d'exécution. 2.1. Variables dépendantes et tâches utilisées Dans la mesure où le processus déterminant la performance est un traitement de l'information, on considère que la difficulté de la tâche affecte la durée du traitement nécessaire. Les variables dépendantes principalement utilisées pour rendre compte de la

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performance sont donc de nature chronométrique : temps de réaction ou temps de mouvement. De nombreux travaux ont également eu recours à des scores d'erreur, c'est-à-dire d'écart entre une performance escomptée et une performance effectivement réalisée. Le score d'erreur est alors sensé refléter un déficit temporel, entre le temps qui aurait été nécessaire au traitement optimal de l'information, et le temps qui était réellement disponible pour ce traitement.

La nature de ces variables est déterminante dans le choix des tâches servant de support aux expérimentations. De nombreux travaux ont porté sur des tâches de temps de réaction, dans lesquelles les sujets devaient apporter des réponses relativement simples à l'apparition plus ou moins probable de signaux visuels ou sonores. On trouve également nombre d'expérimentations sur des tâches simples de pointage, de positionnement linéaire ou encore de lancer de balles ou de fléchettes, tâches se prêtant à la mesure d'un écart à un résultat escompté (par exemple : Durand, Famose et Bertsch 1985; Durand et Barna 1987). 2.2. Les étapes de l'apprentissage Les cognitivistes ont décrit l'apprentissage comme une succession d'étapes. D'une manière générale on s'accorde à dire qu'un premier stade est marqué par un recours massif aux processus cognitifs conscients : le sujet cherche à comprendre le but de la tâche, et à organiser une réponse pertinente. A ce niveau, la demande attentionnelle est très élevée et toute distraction entraîne une détérioration importante de la performance. Le résultat de cette première étape va être l'élaboration d'un programme moteur grossier, permettant au sujet de produire une réponse qui, bien que grossière et heurtée, satisfait aux exigences premières de la tâche.

Une seconde étape est caractérisée par un affinement progressif du programme moteur. Le sujet améliore le timing de son action, élimine les actions parasites. Parallèlement on observe une progressive automatisation des processus : l'attention du sujet est de moins en moins sollicitée pour contrôler l'action en cours. Une troisième étape est marquée par l'automatisation complète des processus : la performance est produite avec une efficacité et une efficience maximale, sans nécessiter de recours aux processus attentionnels.

On peut noter que ces étapes s'enchaînent progressivement et sans ruptures marquées, et que l'apprentissage est conçu comme un processus essentiellement continu. Un certain nombre d'auteurs ont étayé cette idée en montrant que la performance, lors de l'apprentissage, évoluait selon une fonction puissance du temps. Cette description continue de l'apprentissage a cependant été critiquée par Newell (1991), comme artefact lié à l'unidimensionalité des variables dépendantes prises en compte. 2.3. Variables affectant l'apprentissage Les théories cognitives ont généré un certain nombre d'hypothèses, relatives au rôle que certaines variables pouvaient jouer dans la facilitation de l'apprentissage d'une tâche motrice. Nous nous contenterons de présenter ici les hypothèses ayant suscité les lignes de recherche les plus significatives : a.- L'apprentissage nécessite une adaptation de la quantité d'information à traiter aux capacités actuelles de traitement de l'apprenant. Le principe de progressivité consiste à réduire dans un premier temps la difficulté des tâches, puis de renforcer progressivement le niveau d'exigences au cours de l'apprentissage. Famose, Durand et Bertsch (1985) ont montré qu'une démarche d'augmentation progressive de l'incertitude est plus efficace qu'une méthode confrontant directement les sujets à une difficulté maximale. Le principe de progressivité doit

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cependant porter sur des variables pertinentes, vis-à-vis de l'apprentissage visé. Ainsi, on a pu montrer que dans l'apprentissage d'une tâche d'anticipation-coïncidence, la manipulation de la variable incertitude spatiale était une procédure efficace, alors que la variable grandeur d'erreur permise n'avait guère de pertinence (Durand, Famose et Bertsch 1985). b.- La variabilité des conditions d'acquisition est bénéfique à l'apprentissage. La théorie de Schmidt suggère que l'acquisition d'une habileté, dans des conditions variées, permette de renforcer l'adaptabilité du programme moteur généralisé. Cette hypothèse a été testée à de multiples reprises. D'une manière générale ces expériences montrent qu'un groupe à pratique fixe obtient de meilleures performances qu'un groupe à pratique variable durant les sessions d'apprentissage. Néanmoins le groupe à pratique variable se montre supérieur lors de tests de transfert. c.- Le feedback est nécessaire à l'apprentissage. Le feedback renvoie à l'ensemble des informations que le sujet peut recevoir en retour sur sa prestation. On parle de feedback intrinsèque lorsque l'information est issue de la pratique même, et de feedback extrinsèque ou augmenté lorsque l'information est apportée par un tiers. On distingue également, en fonction de la nature des informations procurées aux sujets, la connaissance des résultats (CR) qui renseigne sur l'écart au but visé et la connaissance de la performance (CP) qui renvoie à une information sur les moyens (caractéristiques cinématiques, stratégies, etc.) mis en oeuvre pour atteindre le but.

De nombreux travaux de laboratoire ont montré que sans CR, il n'y avait pas d'apprentissage. Par exemple Noë, Pauwels et Buekers (1984) montrent dans une tâche de tir de la tête au football, qu'un groupe recevant une CR obtient de meilleures performance qu'un groupe contrôle. Ces travaux ne doivent cependant pas être pris au pied de la lettre. Dans les situations réelles, les sujets reçoivent généralement suffisamment de feedback intrinsèque pour être informés des résultats de leurs actions. Vereijken et Whiting (1990) ont par exemple montré que dans une tâche d'apprentissage sur simulateur de ski, les sujets ne tiraient aucun bénéfice particulier de feedbacks augmentés sur divers aspects de leur performance. Il est certain que dans la mesure où la tâche fournit en elle-même suffisamment d'informations quant à la congruence du résultat obtenu avec le résultat désiré, une information ajoutée est redondante et superflue.

Un certain nombre d'auteurs ont suggéré que la connaissance des résultats est plus intéressante pour l'apprentissage d'une habileté ouverte, et la connaissance de la performance pour l'apprentissage d'une habileté fermée. Par exemple, Cooper et Rothstein (1979) ont montré, dans des tâches de tennis, que la connaissance des résultats était plus efficace dans le cadre d'échanges, et la connaissance de la performance pour l'apprentissage d'une habileté fermée comme le service. d.- L'apprentissage est lié à la formation et à l'utilisation de représentations ou d'images, du mouvement à réaliser. Cette hypothèse a été avancée par de nombreux chercheurs, et notamment ceux qui travaillent sur l'apprentissage des habiletés dites "morphocinétiques". Dans ce cas, la présentation de modèles (visuels ou rythmiques) du mouvement à réaliser semble nécessaire (Cadopi 1995). On suppose alors que le sujet se forme un "modèle interne", une représentation de ce qu'il faut faire, à partir des informations qu'il traite et mémorise, représentation qui va ensuite être transposée en action motrice. Carroll et Bandura (1990) ont démontré que l'effet de l'observation d'un modèle sur la qualité de la reproduction était entièrement médié par la précision de la représentation cognitive que le sujet avait élaborée : c'est-à-dire qu'il n'y a plus de lien significatif entre le nombre d'observations du modèle et la précision de la reproduction, si l'on contrôle l'effet de la précision de l'image motrice.

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En conclusion, l'apprentissage d'un point de vue cognitiviste est vu comme l'amélioration progressive des processus de traitement de l'information qui sous-tendent la performance. L'enseignant peut faciliter l'apprentissage, soit en dosant la quantité d'information à traiter, soit en prodiguant au sujet certaines informations déterminantes. 3. Contributions de l'approche dynamique L'approche cognitiviste du contrôle moteur repose principalement sur la notion de programme moteur, en tant que représentation prescriptive élaborée à un niveau central. Certains chercheurs ont critiqué le bien fondé de cette notion : l'argument principal est qu'un acte moteur complexe nécessite le contrôle d'un tel nombre de degrés de liberté, qu'une programmation centrale exhaustive est difficilement envisageable. 3.1. Contraintes et auto-organisation Les dynamiciens soutiennent que les régularités des patterns de mouvement ne sont pas représentées dans des programmes, mais au contraire qu'elles émergent naturellement d'interactions complexes entre de nombreux éléments liés. Ce phénomène serait analogue à la façon dont de nombreux systèmes physiques complexes s'organisent et se structurent sans aucun programme central ni ensemble de commande.

Selon Newell (1986), le sujet est confronté à un système de contraintes, que l'on peut distinguer en contraintes environnementales (conditions ambiantes), contraintes liées à la tâche, et contraintes liées à l'organisme. L'idée centrale de l'approche dynamique est que ces contraintes restreignent le nombre de solutions susceptibles d'émerger de leur système. On peut noter que les contraintes ici évoquées sont avant tout de nature matérielle. D'autres types de contraintes peuvent être pris en considération, de nature plus symbolique : il s'agit notamment des intentions que le sujet poursuit dans la tâche. Ces intentions peuvent résulter soit d'instructions, de consignes qui ont été données par un expérimentateur ou un enseignant, soit de représentations que le sujet a de la tâche qui lui est proposée. Les normes culturelles, dictant des manières légitimes de faire face à une tâche donnée, constituent sans doute également un déterminant important de ces contraintes cognitives (on peut ici citer les travaux de Mauss (1950), sur les techniques du corps).

Plutôt que d'être conçue comme planifiée et organisée par une instance centrale, la coordination est pensée comme le résultat d'une auto-organisation du système effecteur, à partir du système de contraintes. Dans ce cadre, la complexité qui constituait un obstacle au pouvoir explicatif des théories cognitives représente plutôt un atout : un certain nombre d'approches théoriques considère en effet que les processus d'auto-organisation ne se développent qu'à partir du moment où le système possède un certain niveau critique de complexité.

Pour caractériser cet ensemble de contraintes, au sein duquel va se déployer l'activité adaptative du sujet, on utilise le terne d'espace de travail perceptivo-moteur. L'espace de travail ne peut pas être considéré de manière statique, et dans ce sens il se différencie du concept classique de tâche. Il s'agit d'une construction dynamique, qui naît de l'interaction entre perception et action. En outre l'espace de travail va évoluer avec l'apprentissage, le sujet possédant de nouvelles ressources et prenant en compte de nouvelles contraintes.

Le mouvement est caractérisé par une coordination ou pattern, que l'on peut définir dans un premier temps comme l'organisation spatio-temporelle des degrés de liberté du système. Les contraintes restreignant les possibilités du système, on peut définir un espace des états, représentant l'ensemble des coordinations possibles dans un espace de travail donné.

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Les chercheurs, afin d'analyser la coordination et la dynamique de son évolution, ont recours à des variables qui tentent de la résumer, de la "capter" dans son ensemble. Ces variables sont appelées variables collectives ou paramètres d'ordre. L'identification de ces variables collectives constitue souvent le premier enjeu d'une recherche, dans le cadre de l'approche dynamique. L'usage de ces variables collectives constitue une alternative fondamentale aux méthodes chronométriques de l'approche cognitiviste : alors que pour les cognitivistes, le temps est la variable première (en référence à la durée des traitements nécessaires pour organiser et contrôler le mouvement), les dynamiciens s'intéressent davantage à la topologie du mouvement et à son organisation spatio-temporelle.

Les dynamiciens se sont principalement intéressés à des mouvements cycliques, tels que la marche, la course ou des tâches plus artificielles telles que des coordinations bimanuelles. Les mouvements des membres sont le plus souvent modélisés en tant qu'oscillateurs périodiques, caractérisés par l'amplitude et la fréquence de leurs oscillations. La coordination est alors fréquemment caractérisée comme le couplage de plusieurs oscillateurs. Dans ce cas, la variable collective est définie comme le décalage de phase entre deux oscillateurs principaux. Par exemple, Vereijken (1991) étudie une tâche sur simulateur de ski. La variable collective qu'elle détermine est le décalage de phase entre les mouvements cycliques du chariot, et les oscillations verticales du centre de gravité. Le paramètre d'ordre est donc une variable construite par l'expérimentateur destinée à résumer de manière quantitative une coordination qualitative par nature.

Dans une tâche donnée, certaines coordinations semblent être adoptées préférentiellement. On remarque alors que les sujets présentent d'essai en essai ou d'un cycle à l'autre une grande stabilité de pattern (ceci étant révélé par la variabilité du paramètre d'ordre). Par contre, lorsque le sujet s'écarte de ces coordinations préférentielles, le pattern est beaucoup plus variable. Ces coordinations préférentielles, caractérisées par la stabilité, sont appelées attracteurs. Lorsque le sujet se met en mouvement, dans une tâche précédemment apprise, on remarque qu'après une phase de transition la variable collective vient rapidement se caler sur l'attracteur. En outre, dans le cas de perturbation accidentelle du geste (donc de désorganisation de la coordination), le système revient rapidement sur l'attracteur. L'attracteur constitue donc une zone privilégiée de l'espace des états, et tend à capter et retenir la coordination. 3.2. Tâches de coordination et tâches de contrôle Les dynamiciens ont introduit des définitions très précises des termes coordination et contrôle, souvent confondus par les cognitivistes. La coordination correspond au mode d'organisation spatio-temporelle des degrés de liberté. La notion de contrôle renvoie quant à elle à l'adaptation momentanée d'un mode de coordination aux caractéristiques précise d'une tâche donnée.

Ces définitions permettent de distinguer deux types de tâches : les tâches à buts de coordination, dans lesquelles le sujet ne possède pas la coordination adéquate, et va donc devoir la construire, et les tâches à buts de contrôle, dans lesquelles le sujet va devoir adapter aux contraintes actuelles une coordination précédemment acquise. 3.2.1. L'apprentissage dans les tâches de contrôle Dans une tâche de contrôle, le sujet est d'emblée capable de produire un pattern de mouvement voisin de la coordination à apprendre. C'est par exemple le cas dans des tâches relativement simples ou des tâches renvoyant à une motricité sur-apprise, telle que la

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locomotion. En d'autres termes, le sujet a d'emblée accès à l'espace des états comprenant la coordination qu'il doit apprendre.

Deux cas de figure peuvent alors se présenter. Dans le premier la coordination à apprendre constitue un attracteur naturel de l'espace des états. Le problème posé au sujet est de découvrir cet attracteur, et on peut dire alors qu'il y a convergence entre le but assigné au sujet et la dynamique intrinsèque du système (Zanone & Kelso 1992).

On peut supposer que dans des tâches relativement simples, l'attracteur s'impose directement, c'est-à-dire qu'il émerge naturellement des contraintes. Newell, Kugler, Van Emmerick et McDonald (1989) suggèrent cependant que dans la plupart des cas le sujet doit se livrer à une véritable exploration de l'espace de travail, afin de localiser l'attracteur, et proposent une analyse des stratégies plus ou moins systématiques utilisées pour mener à bien cette exploration. Un certain nombre de travaux suggèrent en outre que l'efficience énergétique constitue dans ces tâches une référence fondamentale pour orienter cette recherche de solution (Sparrow 1983). La coordination à apprendre peut également être assez différente des solutions naturelles. C'est fréquemment le cas dans le cadre de motricités éminemment culturelles, comme la danse ou la gymnastique. Dans ce cas il y a compétition entre le but assigné et la dynamique intrinsèque du système. Par exemple Zanone et Kelso (1992) étudient l'apprentissage d'une tâche bimanuelle consistant à mobiliser les deux index avec un décalage de phase de 90°. Dans ces tâches, les décalages 0° et 180° constituent des attracteurs naturels du système, et que le décalage 90° constitue à l'inverse une coordination particulièrement instable.

L'expérience montre que l'apprentissage permet aux sujets de modifier la dynamique de l'espace de travail, et de former un nouvel attracteur sur le décalage nouvellement appris : on remarque, suite à l'apprentissage, que la nouvelle coordination est devenue particulièrement stable, et qu'elle tend comme les attracteurs naturels à attirer les coordinations proches.

Cette expérience montre clairement que les consignes relatives à la coordination à apprendre constituent des contraintes cognitives, contribuant au même titre que les autres types de contraintes à la structuration de l'espace de travail, et susceptibles de forcer les oscillateurs naturels du système (Pailhous & Thinus-Blanc 1994). 3.2.2. L'apprentissage dans les tâches de coordination Dans les tâches de coordination, le sujet ne dispose pas de pattern satisfaisant pour répondre, même de manière imparfaite, aux exigences de la situation. C'est-à-dire que le sujet n'a pas encore accès au mode de coordination dans lequel se situe l'attracteur visé : il se situe face à un problème nouveau dans lequel aucune des coordinations qu'il a pu précédemment élaborer ne sont satisfaisantes.

Les approches cognitivistes de l'apprentissage, et notamment la théorie du schéma de Schmidt (1982), n'ont paradoxalement pas donné de réponse satisfaisante au problème fondamental de la nouveauté. Lorsqu'un sujet est confronté à un problème nouveau, Schmidt suppose qu'il fait appel à un programme moteur généralisé antérieurement constitué, ayant un certain degré de validité dans le cadre de la tâche actuelle, et qui va être adapté à ses caractéristiques. Il s'agit en fait davantage d'une théorie du transfert que d'une théorie de l'apprentissage.

Par ailleurs, alors que les approches cognitivistes, basant leurs analyses sur des variables chronométriques, tendaient à modéliser l'apprentissage comme un affinement

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progressif et continu, les approches analysant l'évolution des patterns mettent plutôt l'accent sur les discontinuités et les ruptures (Newell 1991). Certains travaux ont montré qu'au cours de l'apprentissage, les sujets adoptent successivement plusieurs modes de coordination, qualitativement différents (Vereijken 1991; Nourrit, Delignières et Micaleff 1996).

Il semble que ces coordinations successives puissent être caractérisées par un investissement de plus en plus important des degrés de liberté du corps, une amplitude de mouvement de plus en plus élevée, et une utilisation accrue des propriétés dynamiques de l'environnement. Dans les premiers temps de l'apprentissage, le sujet ne semble prendre en compte qu'un espace de travail réduit, et la solution qu'il trouve dans cet espace a pour fonction de lui permettre de prendre en compte des contraintes jusque là ignorées, et donc de changer d'espace de travail. Ce n'est que petit à petit que le sujet va accéder à l'espace de travail terminal, qui lui permettra de découvrir l'attracteur caractéristique de l'expertise.

Les propositions de Bernstein (1967) sont cohérentes avec cette hypothèse d'une simplification préliminaire de l'espace de travail. Selon l'auteur, l'apprentissage est le processus par lequel le sujet parvient peu à peu à maîtriser ses degrés de liberté, c'est-à-dire à les transformer en un système plus simple, et contrôlable. Une solution initiale consiste à "geler" un certain nombre de ces degrés de liberté. Ceci peut passer soit par une fixation articulaire d'une partie du corps, soit par le couplage temporaire entre deux ou plusieurs degrés de liberté (par exemple en mobilisant en phase deux articulations). Cette stratégie permet au sujet de ne conserver que quelques paramètres libres, et par-là de résoudre dans un premier temps le problème du contrôle. Cette stratégie va permettre au sujet d'apporter une première réponse à la tâche. Un certain nombre de travaux ont confirmé cette intuition concernant le gel initial des degrés de liberté, chez les sujets débutants (Vereijken 1991; Newell & van Emmerick 1989; Nourrit, Delignières et Micaleff 1996).

Selon Bernstein, les progrès de l'habileté sont caractérisés dans une seconde étape par une libération graduelle du contrôle rigide des degrés de liberté, et leur incorporation dans un système dynamique contrôlable. C'est-à-dire que les degrés de liberté ne sont pas libérés de manière anarchique, mais sont intégrés de manière progressive dans des structures coordinatives. Une structure coordinative est conçue comme un assemblage temporaire de synergies musculaires, destiné à réduire les degrés de liberté contrôlés par le sujet (Whiting, Vogt & Vereijken 1992). Elle s'exprime notamment par le couplage de certains groupes fonctionnels, par des mécanismes de compensation réciproque, etc. Les degrés de liberté inclus dans une structure coordinative sont contraints à agir comme une seule et unique unité fonctionnelle.

En conclusion, l'approche dynamique apporte donc un éclairage nouveau sur l'apprentissage, minorant le rôle du contrôle central et mettant en avant celui des contraintes environnementales, des propriétés de l'organisme, et des processus d'auto-organisation. Notons cependant que la pertinence de cette approche se limite aux problèmes de coordination motrice, et ne concerne pas les aspects décisionnels de l'habileté. 4. Apprentissage moteur et connaissances Une troisième approche, distincte des deux premières, met au centre de ses préoccupations le concept de base de connaissance, c'est-à-dire l'ensemble de connaissances, notamment sous forme déclarative, que le sujet possède sur l'activité qu'il pratique (Davids & Myers 1990; Thomas, French & Humphries 1986; Wall, 1986). D'une manière générale, les recherches sur l'apprentissage moteur ont porté sur des tâches artificielles, à propos desquelles les sujets n'avaient ni expérience antérieure, ni connaissances spécifiques. Il en va tout

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autrement des apprentissages réalisés dans le contexte réel des cours d'éducation physique ou en sport.

Les auteurs de ce courant reprochent aux approches classiques de l'apprentissage et du contrôle moteur de ne s'intéresser qu'aux aspects formels de la performance, en négligeant l'importance des bases de connaissances implicites sous-tendant l'action. Selon ces auteurs, les différences entre experts et novices d'une part, mais également entre enfants et adultes, sont largement attribuables aux différences de richesse et de structuration de leurs bases de connaissances respectives. On a ainsi montré que des experts étaient capables de percevoir et de retenir davantage d'informations sur des situations de jeu en sports collectifs, et que cette supériorité était plus liée aux connaissances qu'ils avaient sur l'activité qu'à des aptitudes perceptives plus développées (Allard, Graham & Paarsalu 1980).

Bien que cette approche soit davantage centrée sur le concept d'expertise que sur celui d'apprentissage, elle permet de formuler un certain nombre d'hypothèses relatives à l'acquisition d'habiletés nouvelles. Les bases de connaissances spécifiques, d'une manière générale, semblent faciliter l'apprentissage de tâches nouvelles : les experts sont susceptibles d'élaborer des stratégies de résolution de problème plus efficaces, dans des situations inédites de leur domaine (Kerr, Hughes, Blais & Toward 1992). Il est donc important de prendre en compte les bases de connaissances que possèdent les sujets avant d'entreprendre un apprentissage donné.

Certains travaux suggèrent néanmoins que certains types d'habileté sont davantage influencés que d'autres par les connaissances dont dispose le sujet. Une expérimentation de French et Thomas (1987) a notamment montré que si le versant stratégique de l'habileté, en basket-ball (c'est-à-dire la pertinence des décisions prises en jeu), était lié aux connaissances déclaratives dont disposait le sujet, le versant technique (c'est-à-dire la qualité des réalisations motrices) en était davantage indépendant. On peut faire l'hypothèse générale que les connaissances déclaratives ont une influence plus déterminante dans le domaine des habiletés stratégiques que dans celui des habiletés techniques (Delignières 1992; Abernethy, Thomas & Thomas 1994). Il n'est sans doute pas neutre que les didacticiens qui en France ont mis l'accent sur l'importance des connaissances déclaratives aient basé leurs approches sur l'enseignement de sports collectifs (par exemple : Bouthier 1988 ou Gréhaigne, Billard, Guillon & Roche 1989). 5. Perspectives de développement de la recherche sur l'apprentissage moteur Il n'est jamais aisé de faire émerger une vison prospective dans un champ en pleine évolution. Nous retiendrons cependant deux idées principales qui nous semblent prédictives de l'évolution de la recherche sur l'apprentissage moteur : a. Les travaux que nous avons évoqués dans ce texte n'ont certes pas tous été réalisés par des chercheurs travaillant dans le domaine des sciences du sport. Longtemps la recherche dans notre domaine a été tributaire d'approches extérieures. Il nous semble que dans notre domaine les développements futurs des travaux sur l'apprentissage doivent passer par une prise en compte claire des caractéristiques de la motricité requise dans les activités sportives, c'est-à-dire le plus souvent une activité mobilisant l'ensemble du corps, et soumise à une forte pression temporelle.

La motricité sportive est essentiellement complexe. L'erreur fondamentale des approches classiques de l'apprentissage a été de réduire cette complexité en focalisant l'analyse sur des variables dépendantes unidimensionnelles, le plus souvent chronométriques. Il nous semble que l'approche dynamique, mettant en avant le concept de coordination, a fait franchir à la recherche une étape irréversible : à l'avenir, les chercheurs tenteront

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Déborah Nourrit et Didier Delignières

d'appréhender directement la complexité de la motricité, sans chercher à la réduire a priori dans des modélisations trop simplistes. b. Nous avons fréquemment évoqué dans ce texte un ensemble de distinctions, notamment entre tâches de coordination et tâches de contrôle, ou encore entre habiletés stratégiques et habiletés tactiques. Ces classifications des tâches nous semblent fondamentales. Par exemple l'examen de la littérature montre que dans l'ensemble, les expérimentations qui ont montré l'intérêt de la pratique variable par rapport à la pratique fixe ont porté sur des tâches de contrôle. La seule expérience ayant utilisé une tâche de coordination (Den Brinker, Stäbler, Whiting & van Wieringen 1985) n'a mis en évidence aucune supériorité du groupe à pratique variable dans une tâche de transfert. Magill et Schoenfelder-Zohdi (1995), suite à une analyse de la littérature, suggèrent que la démonstration ne serait efficace que dans le cadre des tâches de coordination, mais d'un faible intérêt en ce qui concerne les tâches de contrôle. Nous avons enfin évoqué la sensibilité différentielle des habiletés stratégiques et techniques aux pratiques de verbalisation.

Ceci suggère que la pertinence des théories de l'apprentissage est essentiellement locale, et qu'il serait illusoire de rechercher une théorie générale, rendant compte de l'ensemble des processus d'acquisition. Les perspectives de développement se situent moins dans la recherche d'une synthèse entre ces différents courants que dans la délimitation de leurs pertinences respectives.

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(Le chiffre placé en tant qu'exposant indique l'édition à laquelle il est fait référence)

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SOCIOLOGIE DU SPORT Si la sociologie générale s'est développée en France dès le début du XIXème siècle, ce n'est que beaucoup plus tard au cours de la deuxième partie du XXème siècle qu'apparaissent les analyses sociologiques consacrées au sport. En Allemagne, les travaux sociologiques sur le sport ont démarré au début du siècle. L'impact des travaux et des contributions dans ce domaine ont acquis, au cours des décennies, une reconnaissance qui positionne la sociologie du sport comme un champ spécifique de la sociologie. Cet état de fait est beaucoup plus marqué en Allemagne qu'en France. La présence et l'influence de systèmes théoriques dans la sociologie française expliquent, en partie, cette situation ainsi que la prépondérance de certaines orientations et thématiques (par exemple : le corps). Aujourd'hui, il semble qu'en Allemagne la dynamique de la sociologie du sport passe par une différenciation plus grande des thématiques traitées (culture, déviance, organisation) alors qu'en France le renouvellement se réalise par l'établissement de liaisons et de "tensions" avec les sciences voisines telles que l'anthropologie, l'ethnologie, la géographie, l'économie ou encore la gestion pour étudier les phénomènes sportifs.

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Gunter A. Pilz

SOCIOLOGIE DU SPORT EN ALLEMAGNE

Gunter A. Pilz

1. Histoire de l’évolution et des conditions originelles de la sociologie du sport Au XIXe siècle déjà, le sport était un thème d’interrogations sociologiques. On

débattit en premier lieu, de l’origine du sport, de la relation entre le sport et la culture, de sport et de religion. C’est que beaucoup de "Classiques" de la sociologie, tels que Max Weber, Georg Simmel, Leopold von Wiese, Max Scheler et Thorstein Veblen, jusqu’à Norbert Elias, par exemple, se sont toujours préoccupés de sport dans leurs travaux (Voigt, Thieme 1993, 134).

Avec son livre "Sport et culture", Steinitzer (1910) a appréhendé, pour la première fois plus en détail, des questions sociales du sport et a analysé de manière critique le sport de haut niveau. Le premier ouvrage plus important, titré "Sociologie du sport", a été publié par Risse (1921). Avec ce sujet, Risse voulut soutenir sa thèse de doctorat auprès d’Alfred Weber. Cependant Weber en dissuada Risse en lui indiquant, d’une part, la place controversée que la sociologie tenait à l’époque, vis-à-vis de facultés aussi anciennes que vénérables. D’autre part, il lui fit remarquer que la compréhension nécessaire pour la relation entre la vie et le sport, manquerait assurément à ses autres examinateurs, eux aussi "blanchis" sous les honneurs (Risse 1984, 7). Cette anecdote atteste de manière éloquente, que pendant longtemps, le sport ne trouva pas de considération auprès des sociologues, quant à l’intérêt social du phénomène "sport", ni la sociologie du sport de reconnaissance en tant que sociologie autonome et spécifique. Aussi le sport fut-il pris en considération dans le champ d’investigation d’autres sociologies spécifiques (par exemple : sociologie de la culture, sociologie des loisirs) et dans des théories sociologiques (par exemple : théories conflictuelles, théories des groupes sociaux, voir à ce sujet Lüschen 1966). Cette tradition introduite par les Classiques de la sociologie, à savoir, appréhender le sport et en traiter, fut reprise et poursuivie par Plessner (1956) avec ses thèses sur la relation entre le développement des sociétés industrielles modernes et la naissance du sport. Elle le fut aussi par Habermas (1958) et Linde (1967) qui débattirent de ces thèses. Des travaux de Linde et Heinemann (1968) sur la relation entre les performances scolaires et sportives, de Lenk (1966) sur la signification de conflits au sein des équipes d’aviron, de Klein et Christians (1966) sur la structure de groupes et les performances des équipes de basket-ball, ainsi que ceux de Hammerich (1972) sur les carrières professionnelles de sportifs de haut niveau, complètent l’éventail des champs d’investigation sociologiques appréhendés par des sociologues, parallèlement à leurs autres centres de recherche, pendant la première phase de l’évolution de la sociologie du sport (Heinemann, 1990, 28-29).

La sociologie du sport ne devient science autonome ou discipline partielle de la sociologie que dans la deuxième partie des années 1970. C’est un caractère particulier de la sociologie du sport que d’être issue d’une part, d’intérêts différenciés d’ordre sociologique, de l’autre, d’intérêts différenciés d’ordre spécifiquement sportif. Ces derniers, en l’occurrence, ont à la fois une base pratique (celle du sport organisé) ainsi qu’une base théorique dans les nouvelles sciences du sport, en tant que science appliquée (Rigauer 1982, 14). Ainsi la sociologie du sport se trouve à la croisée des intérêts du sport, des sciences du sport et de la sociologie (Rigauer, 1982).

Comme cela a été résumé par Lüschen et Weis (1976, 15), les moteurs essentiels de l’évolution de la sociologie et des sciences du sport en discipline partielle autonome, à la fois de la sociologie, tout comme des sciences du sport, furent :

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Gunter A. Pilz

1. "l’extension générale de la sociologie et de ses champs d’investigation légitimes ”, liée à l’expansion des ressources matérielles et personnelles ;

2. la "reconnaissance du sport en tant qu’objet de recherche légitime" ; 3. "l’extension de l’institution qu’est le sport, liée à la nécessité de l’examen

scientifique", encouragée autant par la sociologie et les sciences du sport que par les pouvoirs publics et les fédérations sportives ;

4. "le champ de la sociologie du sport et les jeunes scientifiques intéressés, encouragés par une série de représentants qui font autorité dans la sociologie générale" (par exemple : König, Plessner, Schelsky, Elias) et par la "création d’un comité de recherche spécifique au sein de l’International Sociological Association".

Ce processus fut accéléré par le "mauvais" classement des athlètes masculins et féminins de la République Fédérale Allemande aux Jeux Olympiques de Mexico, en 1968, et par les très grands espoirs quant aux classement de ces mêmes athlètes aux Jeux Olympiques de Munich, en 1972. Il en résulta que ce fut avant tout le sport organisé qui encouragea et força l’installation d’instituts en sciences du sport dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur. Ceci conduisit à une importance et à une institutionnalisation croissantes des sciences du sport et dans leur sillage, la sociologie du sport devint, elle aussi et de plus en plus, partie intégrante de la formation des professeurs de sport. Conformément à cette situation, des chaires de professeurs de sociologie du sport furent créées en nombre croissant dans les instituts des sciences du sport des établissements d’enseignement supérieur.

A cette évolution, correspond la fondation de deux différentes organisations

scientifiques de sociologues du sport. D’abord, la section de sociologie du sport de l’Union Allemande des Sciences du sport (DVS), fondée en 1982, et ensuite la section de sociologie du sport de la Société Allemande de Sociologie (DGS), fondée en 1984, à partir du constat que la sociologie du sport ne peut être dissociée de sa science mère, la sociologie, car dans cette dernière aussi sont développées les théories de la connaissance, les fondements et les instruments méthodologiques de la pensée et de la pratique sociologiques (Rigauer, 1982). Même si les membres des deux sections sont en grande partie identiques, s’ajoutent en plus dans la section de sociologie du sport de la DVS, ces sociologues du sport précisément qui se sentent plus rattachés aux sciences du sport. Conformément aux deux organisations, les thèmes exploités dans les sections vont, soit plus en direction du sport, d’applications pratiques et d’interrogations des sciences du sport, soit davantage en direction de questions théoriques de sociologie générale mais, en l’occurrence, sans délaisser entièrement les autres termes et le sens du problème, selon le cas.

La revendication de la sociologie du sport d’être reconnue en tant que sociologie spécifique (Voigt, Thieme, 1993) résulte, d’une part, de l’importance croissante du sport dans la société, de l’autre, de la richesse du phénomène "sport" pour les connaissances sociologiques et l’élaboration de théories. Elias (1966, 1970), par exemple, précise sa sociologie de figuration et explique son concept de figuration, le football à l’appui. Bourdieu (1982) précise son concept d’habitus et décrit les styles de vie, différents en fonction des classes sociales et de l’espace social, en prenant exemple sur les comportements différents lors de la pratique sportive ou par le choix et la pratique de disciplines sportives bien précises.

La sociologie du sport des années 1970 fut d’abord très marquée par le débat critique

de la “ nouvelle Gauche ”, avec le sport qualifié de "bourgeois", avant tout le sport de haut niveau. A l’appui de la théorie critique de l’Ecole de Francfort, et en partie, à l’appui de théories néo-marxistes, le sport fut décrété comme partie intégrante de la société des classes (Vinnai 1972), de la fin de la société capitaliste (Böhme et al., 1972), comme "reproduction

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de la main d’œuvre" (Maier 1975) ou dans le contexte, de "conditions de structures marchandes" (Rigauer 1979)1. Cette critique, en partie très acerbe du sport bourgeois et de la théorie bourgeoise du sport, contribua beaucoup à la menace de voir la sociologie du sport rester accrochée dans ses "blocs de départ". C’est avant tout le sport organisé qui compliqua, longtemps, la reconnaissance entière de la sociologie du sport et même de toute recherche sportive orientée dans la direction des sciences sociales. Les premières investigations empiriques plus importantes, en particulier dans le domaine de l’organisation sociologique des fédérations sportives et du club (Schlagenhauf 1977 ; Timm 1979 ; Winkler et Karhausen 1985 et Winkler 1988) ainsi que les investigations sur la relation entre le sport de haut niveau et le système de la société (Pfetsch, Beutel, Stork et Treutlein 1975) contribuèrent à vaincre les préjugés et à faire reconnaître la sociologie du sport, y compris auprès d’organisations sportives. Cependant, toutes les barrières n’ont pas été surmontées jusqu’à ce jour, ce qui - aujourd’hui avant tout - est lié au fait que les résultats des recherches et les questions soulevées par la sociologie du sport réfutent souvent ou, du moins, mettent en cause l’évidence de concepts souvent traditionnels, perçus comme allant de soi, et partiellement, des concepts existentiels des organisations sportives, par exemple l’importance et l’influence sociale du sport (fair-play et promotion de la santé).

2. Interdépendance de la sociologie du sport avec d’autres sociologies spécifiques

Comme le sport est très étroitement lié avec les loisirs et les occupations de loisirs,

comme il a affaire au corps et au corporel (le sport est, d’après Rittner, une forme d’organisation spécifique de contact avec le corps et avec les dispositions du corps), comme le sport est exercé habituellement de manière organisée et fait ainsi partie d’organisations, comme il est lié à des valeurs culturelles et à des idéologies et qu’en fonction de l’âge et du sexe, il est en partie pratiqué avec une intensité, une fréquence et une manière différentes, la sociologie du sport tire d’importantes connaissances d’autres sociologies particulières, comme par exemple de la sociologie des loisirs, de celles de l’organisation, de la culture, des classes d’âge, des familles et de la médecine, de même que de la sociologie du corps ou de la sociologie de la paix et des conflits. Cette dernière avant tout est sollicitée, eu égard à la question de la fonction pacificatrice et unificatrice, mais aussi eu égard au problème de la violence, du manque de sportivité, de l’imposture (par exemple : le dopage) dans le sport et autour de lui.

3. Contribution de la sociologie du sport à la sociologie générale comme d’autres sociologies particulières ainsi qu’aux sciences du sport

Ce flot d’informations et de connaissances n’est pourtant pas à sens unique. La

sociologie du sport a aussi livré d’importantes connaissances à des sociologies particulières, tout comme à la sociologie générale. Dans cette mesure, nous ne sommes pas persuadés que l’évaluation de Voigt et Thieme (1993, 129) rende bien compte du niveau de développement actuel de la sociologie du sport et de ses centres de recherche, lorsque ces auteurs affirment que la sociologie du sport manquerait de reconnaissance de toute part : du côté du sport car elle donnerait des consignes d’action à peine concrètes ; du côté de la société qui ne pourrait constater que peu de choses quantifiables (par exemple : l’amélioration des performances) ou du côté de la sociologie, en raison des contributions de la sociologie du sport trop peu nombreuses en vue de l’élaboration de théories sociologiques. De ce fait, la sociologie du sport serait une science peu développée. Il est peut-être exact que la qualité des travaux de la

1 A ce sujet se reporter à Heinemann (1990, 30).

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sociologie du sport n’atteint pas une masse critique de contributions, mais ceci n’est-il pas valable non plus pour la sociologie générale, tout comme pour les sociologies particulières ? L’évaluation de Voigt et Thieme méconnaît d’une part la contribution appréciable que la sociologie du sport a réalisée et réalise toujours, dans le cadre de l’élaboration d’une théorie des sciences du sport. Ainsi par exemple, Bette (1992) par ses thèses contribue à la réflexion sur les sciences du sport. Dans ce contexte, il est tout à fait remarquable de constater qu’après avoir été, à ses débuts, très marquée par la pédagogie du sport et sous l’influence de cette dernière, la sociologie du sport s’est à présent si bien établie au sein des sciences du sport que même des postes de C42 de pédagogie et de didactique du sport sont complétés d'un pôle de sociologie quand ils sont déclarés vacants et que, de plus en plus, de sociologues du sport se bousculent au portillon pour les occuper. Cette évaluation méconnaît également que c’est précisément dans le domaine des problèmes d’actualité particulièrement brûlants de notre société - tels l’apprentissage social (Cachay 1978), l’éducation à la santé, la conscience de la santé, la conscience de l’environnement et la prévention de la violence - que la sociologie du sport a livré et livre des contributions tout à fait dignes d’être montrées, autant en ce qui concerne l’élaboration générale de théories que pour la solution concrète de problèmes (Bette 1989; Becker, Pilz 1988; Cachay 1988; Franke 1986; Klein 1989; Pilz 1989; Rittner 1985).

4. Sport et environnement comme domaine d’études de la sociologie du sport

C’est le mérite de Digel (1989) - à partir de la théorie de Beck, de la société du risque et de la thèse de l’individualisation - et celui de Cachay (1988) - à partir de la théorie du système, de Luhmann - que d’avoir appréhendé la problématique du sport et de l’environnement, sous l’angle de l’accentuation des différences du sport et de l’importance croissante des sports de nature, d’aventures et de risques, et d’avoir fourni des propositions constructives destinées à résoudre les problèmes.

Certes, Cachay comme Digel y montrent que face à ces évolutions négatives, le sport n’est ni aveugle "ni dépourvu d’esprit critique pour ce qui le concerne lui, ainsi que le type de son évolution" (Cachay 1988, 323). Mais le vrai problème est de savoir, comment le sport et ses organisations traduisent cette (auto)critique en stratégies et programmes, afin de trouver des solutions. Ainsi la stratégie du "Sport pour tous" dont le but avoué est d’inciter la plus grande fraction de la population à la pratique sportive, menace-t-elle d’aggraver encore davantage le conflit entre le sport et l’environnement. Cachay (1988, 330) demande à juste titre si, "liée à cette stratégie, l’énorme expansion du sport ne porte pas déjà en elle un besoin de limites : à savoir que le sport est certes nécessaire mais que toujours plus de sport devient de moins en moins utile".

Digel, en outre, rend attentif au problème de l’étroite interdépendance du sport et des fédérations du sport d’élite avec l’industrie des articles de sport, des loisirs et du tourisme. Cette interdépendance provoque de sérieux doutes quant à la crédibilité des efforts du mouvement sportif de prendre en main le problème de l’environnement. Les propositions de solution sont aussi simples que conséquentes : il s’agit de ramener le sport le plus possible dans les zones urbaines, de créer des possibilités de pratique sportive à proximité des lieux d’habitation, ce qui suppose toutefois que le problème du bruit soit résolu en faveur du sport. De plus, "le mouvement sportif ne doit pas seulement accepter des discussions sur les limites de son système, mais même les encourager" (Cachay 1988, 331), ce qui revient à dire que les disciplines sportives devraient être examinées quant à leur compatibilité avec

2 Il s’agit de la catégorie la plus élevée de poste de professeur d’Université.

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l’environnement, et des disciplines sportives très préjudiciables à l’environnement (par exemple : disciplines sportives motorisées), le cas échéant, exclues du mouvement sportif et interdites. 5. Sport et santé : des relations plus compliquées qu’on ne croit

Qui contredirait l’affirmation suivante : "Le sport, c’est la santé" ? Dans presque toutes les revues de sport comme de médecine, nous pouvons lire : "Qui pratique le sport, vit plus sainement". Ici aussi, c’est le mérite de la sociologie du sport, avant tout autour de l’Institut de sociologie du sport de Cologne et des recherches sur les loisirs, d’avoir montré que la "contradiction entre le stéréotype "Le sport, c’est la santé" et les faits empiriquement établis est extrêmement importante" (Mrazek 1986, 97) et qu’il n’y a jusqu’à présent aucune preuve suffisante d’une concordance directe entre la pratique fréquente d’une activité sportive et l’amélioration de la santé de la population" (Mücke 1986, 191).

Dans l’analyse critique du champ problématique sport et santé, il ne s’agit pas d’une remise en question générale de l’importance du sport au service d’habitudes de vie saines mais d’une analyse délibérément critique de la manière d’introduire le sport au service d’une vie saine et dans l’éducation à la santé. Un point fondamental était et est toujours controversé en partie : la réduction du concept de santé à la forme corporelle et physique, de la part de la médecine sportive et, avant tout, des représentants du sport organisé. A juste titre, Mrazek (1986) rendit attentif au fait que réduire le sport de santé à des composantes biologiques, physiologiques s’avérait insuffisant et risquait plutôt de porter préjudice à la santé, à la joie de vivre et à la qualité de vie des êtres humains qui agissaient en fonction de ces prémisses. Le motif de la santé, surtout pour les plus jeunes pratiquants de sport et ceux qui sont déjà membres d’associations sportives depuis longtemps, "n’est pas assez fort pour transformer la pratique sportive en habitude de comportement stable ” (Mücke 1986, 202). En outre, comme les recherches attiraient expressément l’attention sur le fait que le motif de la santé est plutôt un motif de la classe moyenne bourgeoise, il est fort à craindre, d’après Mücke (1986, 203), que "prôner le motif de la santé, par exemple "Santé et bien-être, grâce au Trimming 130", devrait plutôt renforcer la ségrégation partielle existante, qu’apporter une contribution à une plus grande intégration sportive des couches sociales défavorisées". C’est pourquoi, Rittner (1986) et Mrazek (1986) demandent à juste titre d’intégrer la portée des styles de vie et des milieux sociaux dans les soins de santé et propagent, conformément à cela, un concept de santé orienté vers le style de vie.

La conclusion qui en résulte pour la pratique du sport (santé), est que l’éducation à la santé, dans et par le sport, ne saurait être couronnée de succès que si, parallèlement à la bonne santé physique, on prend aussi en compte, de manière "adaptée", le bien psychique et social. Dans ce contexte, la signification du mot "adapté" s'appuie moins sur les valeurs dites universelles que l’on peut objectiver, que sur l’insertion de l’individu dans le monde de la vie et de la structure de ses besoins. Il s’agit donc - c’est la conséquence de l’état actuel des recherches de la sociologie du sport - d’instaurer un équilibre orienté vers le monde de la vie et des besoins, entre sérieux et plaisir, contrainte et spontanéité, entre inutilité et moyen pour parvenir à un but. Par voie de conséquence, les programmes de pure mise en forme et le principe de la santé, élevé au rang d’absolutisme, sont de plus en plus remplacés par des offres de sport et santé qui, à partir de groupes ciblés ou des besoins de personnes intéressées, tentent toujours de satisfaire à un équilibre spécifique des perspectives individuelles de santé (Pilz 1991).

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6. Violence dans le sport, autour du sport et par le sport C’est avant tout le mérite d’Elias (1975) d’avoir montré que la violence dans le

domaine du sport n’était nullement une conséquence contemporaine du sport moderne. Des Jeux Olympiques antiques, nous ont été transmis brutalité extrême, dopage et même des excès de la part des spectateurs (Pilz 1982). Mais si ces manifestations correspondaient au seuil de violence, toléré par la société antique, aujourd’hui la violence est largement soumise à un "tabou" profond de la part de la société.

La discussion scientifique au sujet du phénomène de violence s’engagea au début des

années 1970, d’abord avec la question de l’agression des sportifs. En même temps, le devant de la scène fut occupé avant tout par des questions, essentiellement traitées par des psychologues et des pédagogues du sport sur la catharsis, la diminution de l’agressivité par le sport, les compétitions sportives au service de "l’hygiène sociale" que constituait l’élimination de l’agressivité. A partir de 1980 et avant tout, depuis les événements de Bruxelles en 1985, la violence des spectateurs, en particulier celle des fans et des hooligans, entre dans le domaine de l’intérêt scientifique. Par ailleurs, la violence des sportifs est traitée plus intensément quant à ses relations sociales et immanentes au système, grâce à la mise en place d’une discussion et d’une recherche sociologiques (Lenk et Pilz 1989). Il s’y avère que, malgré les fonctions éducatives et sociales tant louées du sport, c’est-à-dire l’éducation à l’esprit sportif, chevaleresque, à l’honnêteté et la camaraderie, le sport de haut niveau, orienté vers la réussite, est plutôt une instance d’insertion sociale d’accoutumance au manque d’esprit sportif, à la violence et à l’imposture. Dans leur jeunesse déjà, les sportifs, membres d’associations, apprennent que dans l’intérêt de la réussite sportive, il est important et juste d’enfreindre les règles. Ceci est valable pour les garçons comme pour les filles (Pilz 1982, 1993). Ainsi les recherches de la sociologie du sport ont montré que la violence n’était pas l’apanage des sportifs masculins, pas une question de sexe, mais une question de définition du champ respectif, de la situation respective dans laquelle les intéressés agissaient. Dans un champ d’action, orienté vers la réussite, les sportives ne se comportent pas autrement que les sportifs, pour ce qui est du recours à la violence, au dopage, au manque d’esprit sportif et à l’imposture (Pilz 1982).

Quant à la question de savoir comment les organisations sportives abordent ce problème et essaient de le traiter, Bette (1989, 199 et suivantes) distingue trois "morales particulières" : la morale interne officielle du sport de haut niveau dont les composantes principales, le postulat de sportivité et les règles codifiées, sont contenues dans les statuts ; "la morale clandestine, subversive, nécessairement opaque est toujours secrète pour imposer sans vergogne son propre code". "Le dopage, la déviance par imposture et illusion et d’autres formes d’une illégalité utile" sont, selon les conclusions de Bette (1989, 200), "l’expression d’une morale partielle qui prend au sérieux le code-système et, de fait, renonce à en tenir compte". Et pendant ce temps, les organisations sportives ne cessent de dissimuler cette morale clandestine immanente au système, en évitant de mettre les violations des règles sur leur compte, celui des conditions dans lesquelles les sportifs doivent concourir, mais en les attribuant, de manière personnalisée, individualisée, à la volonté exacerbée de vaincre des athlètes. Conformément à cela, se développe une morale du milieu, tournée vers l’extérieur, plus ou moins liée avec la morale interne, qui critique et sanctionne les mesures de la morale clandestine (Bette 1989, 200). Elle est toujours active - mais bon gré mal gré seulement et pour le moins prudemment - lorsque les valeurs sociales positives, attribuées au sport, sont démythifiées par des indiscrétions devenues publiques ou des scandales, et démasquées comme faux-semblants. C’est, en majeure partie, le mérite des recherches de la sociologie du sport d’avoir démasqué, dans ce domaine, des déclarations du mouvement sportif concernant

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le sport de haut niveau des enfants et le problème du dopage (Bette 1994; Treutlein 1994; Bette & Schimank 1995), des initiatives des fédérations sportives pour promouvoir l’esprit sportif (fairness), comme autant de tactiques destinées à servir d’alibi, d’apaisement et de dissimulation. D’une part, elles doivent calmer les spectateurs et les groupes externes concernés (surtout les sponsors). D’autre part, elles ne servent qu’à maintenir le système du sport d’élite, y compris sa morale clandestine du "tout ou rien". En ce qui concerne finalement l’analyse de la culture des fans de football, et en priorité celle des hooligans, des recherches en sociologie du sport ont mis en évidence dans ce domaine (Bruder et al. 1988; Becker, Pilz 1988; Pilz 1993), que le sport n’était pas seulement victime de cette violence, que la brutalité des fans de football et des hooligans n’avait pas seulement des racines sociales, mais qu’elle était un fait maison, immanente au sport. Par ailleurs, les recherches ont montré que le comportement violent des hooligans était, en premier lieu, une réponse aux situations problématiques de leur vie actuelle.

Mais, les découvertes des recherches de la sociologie du sport, au sujet des excès et

des bagarres lors de rencontres de football, ont aussi eu des retombées sur la recherche de la violence en général, sur la pédagogie sociale et sur la politique (voir par exemple : rapport "Sport et violence" de Pilz et al., 1982; rapport "Comportement et culture de fans" de Bruder et al., 1988 ; rapport du Gouvernement Fédéral sur la violence, de Schwind et al. 1990). Le "Concept national sport et sécurité", traité à l'instigation de la Chancellerie, n’a pas seulement repris les revendications des recherches de la sociologie du sport mais est même en train de les mettre en pratique actuellement, en priorité pour ce qui concerne l’institution de projets de fans et l’assistance socio-pédagogique des fans. Suite à la revendication du "Concept national sport et sécurité", l’institution de projets de vocation socio-pédagogique destinés aux fans est mise en œuvre de manière systématique dans toutes les villes qui hébergent une équipe en première division fédérale de football et en seconde division fédérale de football, dans les villes qui possèdent un potentiel de violence analogue. Les travaux de sociologie du sport, au sujet de la disponibilité à la violence dans l’entourage des milieux du football, ont également contribué de manière fondamentale, à une meilleure appréciation des fonctionnaires de police dans ce domaine et à des réactions plus appropriées. Dans sa session du 6-7 juin 1991, la conférence des ministres du sport des Länder a fini par s’inspirer en priorité et à l’unanimité, parallèlement à des revendications (socio)pédagogiques, des catalogues structurels de mesures, issus de la recherche en sociologie du sport. Certes, dans la pratique, les réalisations concrètes dans ce domaine se font encore attendre. Ici, tout comme pour le rapport du Gouvernement Fédéral sur la violence est mis clairement à jour le fossé entre déclarations d’intention politiques d’une part, et réalisation pratique de l’autre.

D’autres domaines de travail importants dont la sociologie du sport s’est occupée plus

intensément dans les dernières années, concernent des questions de relation entre sport et économie (Heinemann 1984, 1995) ; de sport et médias (Digel 1983); associations, clubs et fédérations (Heinemann, Schubert 1994; Horch 1982; Winkler, Karhausen 1985); sport et individualisation (Bette 1993); différenciation du sport (Schimank 1988; Stichweh 1990, 1994), différenciation du sport de masse (Schimank 1992); sociologie du corps (Rittner 1984: Bette 1989); sociologie du sport de haut niveau (Becker 1987; Bette 1984; Bette 1989, 165-230; Rose 1991); consultation scientifique (Bette 1991, 1996; Rütten 1992); sport et sexe (Klein 1983; Abraham 1986), domaine dans lequel une commission "Femme et recherche dans les sciences du sport", avant tout sous la responsabilité de sociologues du sport féminines (Kröner, Pfister), pousse au développement d’une théorie féministe du sport.

Malgré cette impression d’ensemble positive, la sociologie du sport devra à l’avenir, élever son niveau méthodologique comme son niveau méthodique, si elle veut satisfaire à

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l’importance croissante du sport dans notre société, à la "sportivisation de la société", et au but des sociologies spécifiques - c’est-à-dire décrire, critiquer, dévoiler mais aussi transformer, contribuer à l’élaboration de théories et faire des prévisions - afin de continuer à pouvoir fournir des réponses valables aux multiples questions et problèmes de la pratique sportive.

Texte traduit par René Maeder

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Charles Pigeassou

EMERGENCE ET TRAJECTOIRE D’UNE SOCIOLOGIE DES PRATIQUES SPORTIVES ET

LUDOSPORTIVES

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Il n’est jamais très facile de situer dans l’histoire des idées, les discours et les écrits fondateurs d’une réflexion à caractère sociologique sur les phénomènes sportifs. S’il est vrai, qu’à l’inverse de l’Allemagne, il n’est pas publié d’ouvrage ou de document sur le domaine de la sociologie du sport au cours de la première moitié du vingtième siècle, des réflexions sociologiques à propos du sport et du corps ne sont pas totalement absentes de la scène discursive et savante. Ainsi, par exemple, trouve t-on chez Pierre De Coubertin une approche des rapports du sport et de la question sociale, dont l’inspiration est puisée à la source de Frédéric Le Play, dans un dessein plus idéologique que sociologique. Plus scientifique sera l’approche de Marcel Mauss (1968) à propos des "techniques du corps" lors d’une conférence en 1936, ce document constituant un texte de référence pionnier dans la réflexion sociologique française en matière de pratiques corporelles.

Au cours de cette période, réduite trop souvent à des discours apologétiques sur le sport auxquels répondent des critiques, la réflexion sur les phénomènes sportifs ne se démarque pas de l’idéologie sportive ou antisportive. Pourtant, au chevet du sport s’affairent des secteurs scientifiques tels que la biologie. Faut-il voir, dans ce décalage, une prise de conscience tardive de l’influence du milieu social : le sport semble avoir été assimilé plus à une activité physique qu’à une activité sociale (Jeu 1981).

Dans la deuxième partie du vingtième siècle, le développement de la sociologie du sport en France a été marqué par des dynamiques, des orientations et des changements. Ces phénomènes replacés dans leur environnement scientifique et institutionnel décrivent la trajectoire d'une branche naissante d'un secteur spécialisé de la sociologie. Agrégés, ces faits permettent de construire une périodisation traçant les phases de développement de ce secteur. 1. Phase pionnière : émergence d’une sociologie positiviste sur les loisirs, le jeu et le sport

L’émergence d’une réflexion sociologique sur le sport peut être située à partir de la seconde moitié du vingtième siècle. En effet, les premières études à caractère sociologique rencontrent le sport par l’intermédiaire du jeu et des loisirs dans les années 1950 (Caillois 1958; Dumazedier et al. 1950).

A partir des années 1950, la sociologie positiviste nettement marquée d’une philosophie

humaniste et sociale se développe autour de J. Dumazedier sur l'étude du loisir et des modèles culturels, dans le cadre du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). En s’appuyant sur une méthodologie d’enquête à visée quantitative, l’objet de la recherche tend à caractériser la montée d'une civilisation du loisir à partir d'une différence de plus en plus marquée entre le temps du travail et le temps libre et à étudier la place occupée par le sport par rapport à d'autres activités telles que le bricolage, la lecture ou le jardinage. On peut considérer cette approche comme fondatrice d'une sociologie, d’inspiration philosophique et sociale, apologétique du sport défini comme pratique libératrice de l'individu, s'inscrivant dans une perspective du développement de la société de consommation.

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2. Phase d’installation : une sociologie du sport naissante s’installe dans le panorama des sciences sociales, des travaux sociologiques d’inspiration variée apparaissent (1960-1970) Le contexte de la fin des années 1950 est marqué par un changement de paysage politique qui décline de nouveaux desseins pour la France. L'environnement économique et social se transforme dégageant une forte croissance, créant une évolution des mentalités caractérisée par un développement des loisirs et une divulgation des pratiques sportives dont l'importance politique s'accroît avec la médiatisation télévisuelle des Jeux olympiques. Ces éléments conjoncturels mais également structurels vont donner aux phénomènes sportifs une assise sociale, creuset et ferment des premiers éléments d'une sociologie du sport entre 1960 et 1970. La lisibilité sportive s’affichant, les activités sportives deviennent un fait social "total" (selon l’expression de Marcel Mauss) caractérisé par des enjeux et des phénomènes qui attirent l’attention et qui vont être progressivement investis par des études et des travaux à caractère sociologique. Fondées sur des démarches critiques ou apologétiques, les publications de cette période s'organisent à partir de paradigmes disciplinaires distincts et de différents centres d'intérêt. J. Dumazedier (1962) développe une sociologie des loisirs qui s’intéresse marginalement au sport. G. Magnane (1964) étudie, sous l’angle sociologique, les phénomènes sportifs afin de situer et d’apprécier leur impact dans la culture contemporaine. Cette étude fondatrice - la première à porter le titre de "sociologie du sport" - a rencontré beaucoup d’obstacles de la part du monde sportif et se décrit comme une approche empirique des faits sportifs. E. Seidler (1964) propose une histoire des rapports entre la presse et le sport dans laquelle de multiples observations sociologiques prennent place. J.-M. Brohm, à partir de la revue Partisans créée au début des années 1960, essaime des observations critiques sur le sport (1964) et formule le projet d’une sociologie politique du sport. J. Ulmann (1965) développe le projet d’une philosophie de l'éducation qui prend comme objet le corps et ne saurait se désintéresser de l’éducation physique et du sport. La Commission de la doctrine - commission instituée par les pouvoirs publics depuis 1962 - publie l’Essai de doctrine du sport (1965) qui dévoile une approche idéologique du sport déjà en décalage avec des observations sociologiques. Meynaud (1966) étudie les relations entre, d’une part les pouvoirs publics et, d’autre part, les milieux sportifs à partir d’une approche en sociologie politique et science politique. M. Bouet (1968) propose, dans un ouvrage ambitieux et encyclopédique, une interprétation de la signification du sport qui repose essentiellement sur les fonctions du sport. D’inspiration philosophique (phénoménologique) et socio-historique, ce document exploite des références étrangères - en particulier les travaux de l’allemand G. Lüschen - pour construire des "éléments d’analyse sociologique" qui véhiculent un essai de classification et une approche des différences de pratique en fonction des facteurs sociaux, culturels et économiques. S’attachant davantage à une perspective psychosociologique, M. Bouet (1969) proposera une étude des motivations des sportifs en utilisant le support d’une enquête empirique. A la fin de l'année 1968, un numéro spécial de la revue Partisans intitulé "Sport, culture et répression" marquera l’avènement d’un courant de sociologie critique d’inspiration freudo-marxiste, marqué par les travaux de l’école de Francfort. Le panorama des principaux travaux, d’une décennie qui a vu l’émergence d’une réflexion sociologique sur le sport, met en évidence une phase de caractérisation de l’objet et de mise à distance progressive des thèmes de l’idéologie sportive. Les acteurs proviennent des différents champs scientifiques des sciences sociales, observant les faits sportifs avec leur

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propre paradigme, dévoilant des facettes d’une idéologie spontanée sur le sport et contribuant à accumuler des matériaux pour le développement d’une sociologie prenant le sport pour objet.

3. Phase de développement. C'est une phase de quête et de renouvellement des paradigmes sociologiques. Elle couvre la période comprise entre 1970 et 1978 Elle est marquée par l’affirmation de trois courants : sociologie politique du sport, sociologie historique des rapports entre l'éducation et le corps, et sociologie du corps. A cela on pourrait ajouter les travaux plus philosophiques de B. Jeu sur le sport. En effet, cet auteur publie (1975) un essai philosophique sur les rapports entre le sport, la mort et la violence mettant en évidence les relations mythologiques et anthropologiques qui fondent les sports. On pourrait, en outre, mentionner l’ouvrage de R. Thomas (1975) qui analyse les rapports entre la réussite sportive de haut niveau et les facteurs psychologiques et sociologiques. D’un point de vue sociologique, le constat de départ, une inégale représentation des différentes catégories socioprofessionnelles dans les équipes olympiques, conduit l’auteur à s’interroger sur l’action d’un mécanisme filtre qui jouerait entre les différentes classes sociales.

Le courant de sociologie politique du sport qui avait pris naissance autour de la revue

Partisans va se développer et se renforcer en créant la revue Quel Corps ? en avril 1975. Issu de la mouvance de l'École émancipée, courant syndical des personnels du ministère de l'Éducation nationale, ce groupe de militants regroupés autour de J.-M. Brohm développera au cours de cette période une prolifique littérature sociologisante sur une critique radicale du sport en rebondissant sur les événements sportifs de cette période. Indépendamment du côté provocateur et parfois outrancier des formes et des formules utilisées, cette philosophie freudo-marxiste s’installe sur la scène sociologique en démontrant que le sport fonctionne comme un "appareil idéologique d'État servant au contrôle des classes dominées". Le sport est un instrument de répression et de reproduction du modèle de société dominant. J.-M. Brohm (1975; 1976a; 1976b) souligne le caractère homothétique de l’institution sportive et de la société capitaliste et celui des crises qui la traverse. Il délivre de nombreuses réflexions sur les conditions d’une libération des corps et sur les possibilités d’une réification du corps. Cette analyse marxiste de la genèse et de la structure de l’institution sportive sera parachevée par la publication d’un ouvrage (1993) qui s’annonce comme un testament. Ce courant critique s’opposera violemment à une sociologie positiviste et apologétique du sport. Rejetée ou acceptée, cette perspective va introduire une prise de distance progressive avec les thématiques traditionnelles de l’idéologie sportive. Elle sera adoptée par une partie des enseignants d’éducation physique.

Les autres courants qui se développent pendant cette période paraissent subordonnés à

des soucis exacerbés du corps : des approches socio-historiques sur le phénomène éducatif ou sur l'exercice physique avec une perspective épistémologique se multiplient. Ici, l’omniprésence du corps voile celle du sport.

Marquée par l’irruption du corps sur la scène sociale, la sociologie du sport est placée en situation de concurrence avec des savoirs nouveaux en provenance des sciences humaines mais dont l'inscription disciplinaire s’avoue d’autant moins précise que ces savoirs se définissent comme "transversaux". L'apparition de ces questionnements sociaux à propos du corps semble accroître les obstacles pour la constitution d'une sociologie du sport dont le chantier prometteur de la phase précédente demeure en friche.

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C’est à partir des thèses de Luc Boltanski sur "Les usages sociaux du corps" (1971) que se développe une sociologie du corps à laquelle puisera celle du sport. L. Boltanski prolonge et affine les schémas d'analyse des techniques du corps de M. Mauss. Cet auteur, à partir de l’analyse des déterminants socioculturels et socio-économiques, met en évidence la manière dont les différents groupes sociaux investissent leur corps. Cette approche va servir, ultérieurement, de référence et de point d’ancrage à l'étude des pratiques sportives dont le vecteur est l’usage du corps. Mais, c’est à partir de l’histoire que va se renouveler le regard sociologique sur le sport en prenant pour cible le corps. Les travaux socio-historiques de J. Thibault (1972; 1977) ou ceux de G. Vigarello (1978), bien que s’inscrivant dans deux écoles distinctes, tracent les contours d’une histoire des exercices corporels où le sport ne devient qu’une figure moderne des pratiques qui ont pris le corps pour cible.

Un troisième courant sociologique, incarné par les travaux de M. Bernard, développe une orientation épistémologique (1972), esthétique (1976) et pédagogique (M. Bernard et al. 1978) à propos du corps débouchant sur des perspectives de pratiques alternatives ou sur des réflexions plus philosophiques.

4. Phase d'affirmation d'une sociologie du sport. C'est une phase d’appropriation paradigmatique. La quatrième phase du développement d’une réflexion sociologique sur le sport se déroule de la fin des années soixante-dix (1978) au milieu des années quatre-vingt (1985) Cette phase se caractérise par une centration et un enracinement sur une modélisation sociologique du développement de l'histoire des pratiques d'exercices corporels. En effet, après les travaux précurseurs de L. Boltanski, J. Defrance (1976; 1978) inaugure, avec ses recherches sur l’histoire sociale de la gymnastique, les nouveaux développements d’une sociologie historique des pratiques et des exercices corporels. Dans cette configuration, les thèses de P. Bourdieu trouvent un écho et mobilisent des artisans pour féconder le paradigme du structuralisme critique à l’épreuve des pratiques sportives. En participant au VIIè congrès international de l’HISPA, en 1978, P. Bourdieu introduit un appareil conceptuel qui faisait cruellement défaut en sociologie du sport et ouvre un vaste projet programmatique qui séduit une génération de chercheurs en sociologie. C’est C. Pociello qui, dans le contexte institutionnel adapté de l’INSEP, reprenant ce paradigme développera une "sociologie des sports". Le passage du singulier au pluriel - sociologie du sport à sociologie des sports - est l’annonce d’une polarité nouvelle dans l’univers naissant d’une sociologie du sport. Cet avènement est le résultat d’une conjoncture où se mêlent l’aura grandissante d’un paradigme sociologique attractif et l’entrée en formation supérieure à l’INSEP d’enseignants d’éducation physique et sportive. En trouvant un terrain propice à de nouvelles approches sociologiques, une équipe se met en place sous la conduite de C. Pociello pour développer des travaux privilégiant, d’une part, l’étude des relations d’homologie structurale entre les comportements sportifs et la stratification sociale et, d’autre part, l’analyse des déterminations socioculturelles dans les médiations techniques qu’impliquent les activités physiques. Dans la perspective tracée, des travaux prenant en compte différentes pratiques se développent (rugby, athlétisme, arts martiaux, canoë-kayak, expression corporelle, voile, etc.) mais le projet caressé d’un hypothétique système des sports demeurera un chantier ouvert, la plupart des études ne s’intéressant qu’à des groupes réduits de pratiques sportives. Bien que ce courant ait été dominant donnant parfois l’impression d’être hégémonique, il générera de multiples travaux mais ne donnera lieu qu’à un nombre limité de publications (C. Pociello 1981, 1983). Il culminera en 1983 avec le VIIIè

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Symposium de l’ICSS organisé par la société française de sociologie et le laboratoire de sociologie de l’INSEP.

Au cours de cette période, d’autres recherches témoignent du développement des polarités d’une sociologie du sport. Sous forme de travaux, Y. Le Pogam (1979) étudie la logique sociale de la différenciation des pratiques sportives en s’appuyant sur l’outil statistique et en utilisant une approche qualitative, J.-P. Augustin et A. Garrigou (1985) analysent la constitution et le développement des phénomènes de pouvoir dans les associations sportives de rugby. A côté de cela, des essais paraissent sur la morale dans le sport (M. Cornaert 1980), sur le sport populaire (R. Moustard 1983) ou encore sur le mythe olympique (J.-M. Brohm 1981). Aux marges de la sociologie du sport, l’orientation historique des recherches s’amplifie en prenant pour objet le sport (A. Ehrenberg, 1980), l’éducation physique et le corps (P. Arnaud 1981, 1983; A. Rauch 1982, 1983). De même, des travaux en sociologie ou en anthropologie du corps (F. Loux 1979; F. Duvignaud 1981; J.-M. Berthelot 1983; D. Le Breton 1985) irriguent les thèmes et les avancées d’une sociologie du sport.

Il faut également noter qu’au cours de cette période, alors que la sociologie des sports occupe le devant de la scène, se constituent avec une meilleure lisibilité d'autres espaces de réflexion en sociologie du sport tels que la dynamique spatiale des pratiques sportives (A. Haumont 1975; J.-P. Augustin 1978; M. Pinçon-Charlot, P. Rendu, 1981) ou encore l’émergence d’une socio-économie du sport (F. Di Ruzza et B. Gerbier, 1977; C. Malenfant-Dauriac, 1977).

Lors de cette phase, on observe une effervescence autour d’une sociologie focalisée

autour d’un paradigme (l'habitus développé par P. Bourdieu) qui fonctionne comme une révélation, il n’en demeure pas moins que des occasions d’échanges et de confrontations dans une optique de transversalité se développent (Revue Esprit 1982; Revue Le Débat 1982). Un autre phénomène caractérise cette période, c'est la constitution de domaines d’études et la constitution d’écoles de pensée qui se singularisent et revendiquent une légitimité. En quelque sorte, en même temps que se positionne la sociologie du sport dans les sciences du sport, l’appropriation d’une légitimité dans le champ de la sociologie du sport passe par un phénomène de "raidissement disciplinaire".

5. Phase topique : elle couvre la deuxième moitié de la décennie quatre-vingt L’implosion des phénomènes sportifs sur la scène sociale tout autant que leur complexité croissante banalisent l’intérêt et l’impact de l'orientation structuraliste que le pouvoir heuristique d’un modèle avait pu faire grandir. On assiste à un renouvellement et à une redistribution des questionnements, moins orientés sur les sports au travers des phénomènes d’appropriation et de stratification sociales que sur les phénomènes sportifs dans leurs dimensions sociales. Des thématiques poursuivent leur cheminement telles l’histoire du sport (Y. Léziart 1989) et de l’exercice physique ou encore l’anthropologie et la sociologie du corps en s’autonomisant. D’autres émergent dans le panorama de la sociologie du sport : le changement dans ses dimensions techniques, sous la forme de l’innovation (Revue Culture Technique 1985) ou sociales (Sport et changement social 1987 ; Sciences sociales et sports 1988) dans les domaines des loisirs, des organisations (B. Ramanantsoa, C. Thiéry-Baslé 1989) des politiques (M. Amar 1987; W. Andreff 1989), de l’aménagement, des consommations ou des valeurs (J.-P. Callède 1987). Le constat est celui d’un déplacement des polarités de la sociologie du sport vers une sociologie des activités physiques et sportives conduisant à des approches pluridisciplinaires qui nécessitent le recours à d’autres sciences sociales telles que l’économie, la démographie, la géographie ou encore l’ethnologie donnant

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lieu à des travaux de socio-économie (B. Michon et al., 1987; B. Michon, F. Ohl 1989), de socio-démographie (P. Irlinger et al. 1987) ou de socio-géographie (D. Mathieu, J. Praicheux 1987).

A l’évidence l’extension de la sociologie du sport se nourrit d’autres secteurs de la sociologie et s’abreuve à d’autres savoirs. Cette ouverture, que certains pourraient analyser comme un éclatement, s’inscrit également dans l’attrait que provoque l’explosion culturelle du sport pour les chercheurs d’autres domaines en sciences sociales. Des relais et des articulations nouvelles s’amorcent. Cette extension correspond aussi à la multiplication des options théoriques en sociologie pour cerner une complexité sociale qui se prête de plus en plus difficilement à une modélisation.

La position du sport dans le champ des pratiques sociales éveille des intérêts d’organismes publics (INSEE, CREDOC) mais aussi de l’institution sportive (CNOSF...) pour l'analyse sociale des activités physiques. Des enquêtes sont menées ou reconduites pour recueillir des informations sur des consommations ou pour évaluer des évolutions dans les pratiques de loisirs sportifs. En définitive, au cours de cette période, ce qui prévaut c’est l’installation de dynamiques autour de centres d’intérêts qui donnent à la sociologie du sport de nouvelles dimensions et de nouveaux interlocuteurs : les économistes, les géographes, les anthropologues, les démographes. Les lieux de production essaiment et se délocalisent en province, les manifestations scientifiques (congrès, journées d’étude) se multiplient. Tout cela entraîne une dilution des positions acquises par l’introduction de nouvelles structures dans le domaine de la recherche et un élargissement du cercle des chercheurs. Au cours de cette phase que nous avons qualifiée de topique, le domaine de la sociologie du sport s’est étendu et s’est diversifié ce qui lui a donné une visibilité nouvelle et a élargi le nombre de chercheurs qui se réclament de la sociologie.

6. Phase d'affirmation institutionnelle. La période la plus récente qui couvre la décennie quatre-vingt-dix est marquée par l'institutionnalisation croissante de la recherche en sport Cette recherche fait son entrée au CNRS dans le cadre de groupes de recherche pluridisciplinaire à partir de 1992. Cette situation installe comme domaine de recherche le sport tout en légitimant certains lieux de production de savoirs. Peut-on espérer, de cette position, une nouvelle dynamique de la recherche ou au contraire s’attendre à l’émergence de rivalités en tant que symptômes de la constitution de territoires ?

Toutefois, depuis 1990, le fait le plus marquant concerne une orientation dominante prise par la sociologie du sport : le développement des recherches appliquées. La prise de conscience que les pratiques sportives n’échappaient pas aux contraintes des pratiques sociales a plongé le monde sportif dans des situations-problèmes de développement, de concurrence ou d’alternatives à des projets. D’autre part, la complexité des faits sociaux tendant à réduire le recours aux paradigmes explicatifs, les chercheurs ont trouvé dans la recherche appliquée de nouveaux lieux de savoirs. Enfin, les évolutions des formations en STAPS, amenant la création de maîtrise et de Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées en management intégrant de fortes valences sociologiques, ont placé les facultés des sciences du sport en interlocuteur privilégié des demandes du monde sportif. Organisations sportives, collectivités territoriales, fédérations se sont adressées à la sociologie du sport pour résoudre des problèmes de dysfonctionnement ou pour préparer leur politique et leurs objectifs. A titre d’exemple, on peut mentionner le libellé de contrats signés qui a donné lieu à des recherches de sociologie appliquée : l’emploi sportif en Charente (J.-P. Chaze, C. Pigeassou 1993), audit de la politique sportive du Conseil Général du Gard (G. Haye et al., 1996).

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Néanmoins, il serait réducteur de s’en tenir à ces déterminations pour caractériser la production sociologique au cours de cette période. En effet, la production s’est amplifiée quantitativement et les orientations se sont nettement segmentées. Le panorama présenté n’a pas la prétention d’être exhaustif mais il a pour objectif de situer les orientations caractérisées et les travaux qui s’y référent. Tout d’abord, les relations établies entre la sociologie du sport et l’histoire du sport ou l’économie du sport tendent à se distendre. En histoire, sous l’effet d’une séparation plus nette entre les choix d’une méthode historique, l’histoire sociale se replace dans le champ de l’histoire. De ce point de vue, l'étude historique du Tour de France (P. Gaboriau 1995) et l’histoire en mouvement (R. Hubscher et al., 1992) échappent au domaine de la sociologie. En économie, les enquêtes sur l’impact économique du sport qu’il soit localisé à une région ou à des pays européens mettent en évidence l’ascendance de choix et de concepts économiques.

Dans le domaine strict de la sociologie du sport, les travaux publiés au cours de cette

période se réfèrent explicitement à différents paradigmes. M. Jamet (1991), dans une perspective actionnaliste, pose la question du rapport entre les déterminations "actancielles" et les déterminations structurelles dans le développement des activités physiques et sportives après la seconde guerre mondiale. A. M. Waser (1995), utilise un modèle référé au structuralisme critique pour construire une sociologie du tennis dans la période contemporaine. Plus atypique apparaît la contribution de P. Sansot à la sociologie du sport dont la théorisation se porte dans le champ de l’anthropo-sociologie. En s’appuyant sur la poésie du sensible, P. Sansot nous fait pénétrer dans l’imaginaire et le sacré qui entoure la fête du rugby (1990). Dans une perspective plus ethnologique, C. Bromberger (1995) s’attache à comprendre la ferveur qui anime les supporters de football et M. Segalen (1994) montre comment la course à pied constitue une expression de la culture et de la société urbaine.

D’autres travaux plus thématiques s’inscrivent dans le domaine de la sociologie du sport : la part des femmes (A. Davisse, C. Louveau 1991), l'héroïsme sportif (P. Duret 1993), l’étude du surf-atlantique (J.-P. Augustin 1994). Parfois, il devient difficile de distinguer entre l’essai sociologique, plus interprétatif, et le travail de recherche sociologique, plus méthodique. C’est pourtant dans la première catégorie que nous classerons des travaux portant sur le corps extrême (P. Baudy 1991), sur les cultures sportives (C. Pociello, 1995) ou encore la culture des sports de glisse (A. Loret, 1995). La production sociologique s’exprime aussi à partir des congrès qui se sont multipliés au cours de la période 1990-1993. C’est en effet pas moins de cinq congrès ou colloques de sociologie du sport qui ont donné lieu à des actes denses permettant d’évaluer le développement et les avancées de la réflexion sociologique dans le domaine du sport. 7. Bilan et perspectives

Le parcours décrit par la sociologie du sport en France met en évidence son positionnement dans le domaine des sciences du sport et dans le secteur des sciences sociales. Si la sociologie du sport a perdu, au début des années 1980, sa primauté au profit du domaine des approches psychologiques, elle demeure dynamique tant par le jeu ouvert de ses relations interdisciplinaires que par le renouvellement de ses thématiques. Parmi les thèmes sociologiques étudiés, celui des pratiques sportives et de leurs modes d’expression s’avère le plus attractif et se décline selon de nombreuses orientations au rang desquelles on peut mentionner la sociabilité, les formes du changement, la construction identitaire. Une seconde thématique majeure se condense sous le thème de l’environnement sportif et se caractérise par des recherches portant sur l’expression des pouvoirs et des enjeux à propos des espaces, des

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équipements, des investissements humains, techniques et économiques. Les options théoriques se diversifient : au "structuralisme critique" s’ajoutent "l’actionalisme", l’analyse stratégique, l’analyse systémique, l’anthropologie sociologique, l’ethnologie, l’ethno-méthodologie. Des tentatives interdisciplinaires amorcées se prolongent ici ou là avec la géographie, la démographie, la sociologie politique, l’économie.

Cette périodisation d'une histoire de la sociologie du sport permet de distinguer six

phases suffisamment caractéristiques pour les singulariser au travers de leur dynamique. Le choix des ruptures, dont on peut relever à la fois la pertinence au regard des éléments choisis et l’arbitraire dans un positionnement précis, force la lisibilité des évolutions en globalisant les phénomènes. Il convient de souligner que chaque période s’inscrit dans une continuité où interférent les traces d'un passé récent et les signes annonciateurs d'un avenir et c’est dans cette dialectique que se construit le présent et se dévoilent les ruptures.

Au terme de ce panorama, il y a lieu de s’interroger sur la place de la sociologie du

sport en sociologie. Deux questions s’imposent : l’une porte sur la réalité scientifique de cette sociologie, l’autre sur la spécificité de ce domaine spécialisé de la sociologie. Incontestablement, la réalité scientifique d’une sociologie du sport ne fait plus de doute, elle affiche des productions de plus en plus nombreuses dont la qualité n’a rien à envier à d’autres secteurs (J.-P. Durand, R. Weil 1989). Plus délicate est la réponse à donner à la deuxième question. En effet, il apparaît, jusqu’à présent, que les travaux dans le domaine de la sociologie du sport se spécifient plus par le domaine d’intervention - les pratiques d’activités physiques et sportives - que par la conceptualisation qui en est produite. S’il est légitime de s’interroger sur cet état, doit-on en regard des autres secteurs spécialisés s’en alarmer. Cette situation de dépendance et de rattachement par rapport à une sociologie générale devrait permettre d’insuffler une dynamique nouvelle à une sociologie du sport courtisée par d’autres secteurs en sciences sociales qui ont compris tout l’intérêt qu’ils pouvaient tirer d’une pratique sociale dont on mesure l’impact. Les repères de la sociologie du sport se sont élargis, et délimiter la sociologie du sport constitue un exercice périlleux. L’effervescence et les dynamiques observées au cours des quinze dernières années ont amené une dilatation et une revitalisation de la sociologie du sport en bousculant l’ordre établi. Mais n’est-ce pas au prix de ce désordre que tiennent la pérennité et la bonne santé d’une sociologie du sport ?

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HISTOIRE DU SPORT La place et le développement de l'histoire du sport ont connu des trajectoires contrastées en France et en Allemagne. En Allemagne, l'histoire du sport joua un rôle très important pendant les années cinquante et soixante au sein des "Institue für Leibesübungen" (établissement équivalent aux UER EPS) à côté de la pédagogie du sport et de la médecine du sport. Avec le développement et l’institutionnalisation des autres disciplines des sciences du sport, l’histoire a perdu progressivement cette position centrale. Aujourd’hui, elle joue plutôt un rôle secondaire. Les thèmes prépondérants furent l’histoire du sport sous le troisième Reich, l’histoire contemporaine et l’histoire des sports.

En France, l’histoire du sport a gagné un statut et a joué un rôle de plus en plus marqué au cours des trente dernières années. Elle figure parmi les matières et les épreuves du concours de recrutement des enseignants d'éducation physique (CAPEPS et agrégation) et se trouve par conséquent dans les programmes des cursus d'études dans les différents UFR STAPS et à l'IUFM. Dans ce contexte, on comprend facilement que l’histoire du sport en France se soit particulièrement attachée à l’histoire de l’éducation physique et des institutions scolaires. Comme en histoire en France, en général, la période de Vichy n'est pas une période particulièrement étudiée par l’histoire du sport française.

Pendant deux décennies sous l'impulsion de professeurs d'éducation physique, une proximité marquée entre l’histoire du sport et la sociologie du sport s'est développée en France, ce qui n'était pas le cas en Allemagne. Aujourd'hui, une diversité d'objets et de méthodes traverse l'histoire du sport aussi bien en France qu'en Allemagne.

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ETAT ACTUEL ET TENDANCES DE L'HISTOIRE DU SPORT EN ALLEMAGNE

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L'accueil des sciences historiques par la société ne soulève pas toujours un profond

enthousiasme, mais l'intérêt pour l'histoire s'effectue par vagues ou par rebondissements. La controverse concernant le livre de Goldhagen tout au long de laquelle bon nombre de sujets refoulés par le public ayant trait à la "question de la culpabilité" ont été ravivés en est un exemple typique. Le sport ne connaît (malheureusement ?) qu'exceptionnellement une telle attention et il est alors souvent question de sujets épineux tels que le dopage ces dernières années ou la manipulation de la tradition olympique en Allemagne nazie ou par ses organisateurs. A l'origine l'histoire du sport ne se restreint cependant pas à de sombres analyses : elle se veut fidèle à la réalité vécue des hommes et doit en outre éclairer les structures politiques et sociales.

Il est difficile, ainsi que nous venons de le voir, de concevoir de façon "équilibrée" un aperçu sur l'état actuel et les tendances d'une discipline partielle des sciences sportives et de rendre justice à tous les scientifiques ainsi qu'à leurs différents objets d'étude et à leurs méthodes de travail. L'ampleur du domaine et le manque de temps ne le permettent pas. Afin que ce texte ne se résume pas à une bibliographie1 "commentée", l'accent sera mis sur l'histoire contemporaine.2 A ceci s'ajoutent d'autres champs d'étude élaborés tels que la naissance du sport moderne, l'évolution du sport au XIXe siècle ainsi que le sport dans l'antiquité ou dans les temps modernes.3

1. La place de l'histoire du sport dans les études et les sciences du sport

A l'heure actuelle, Joachim K. Rühl mène une enquête sur les points fondamentaux de la recherche scientifique et les contenus du sport en tant que matière dans les facultés de sport allemandes. Les résultats n'ont pas encore été publiés. Malgré la reconnaissance croissante que l'histoire du sport connaît dans le public, dans les fédérations ou dans le cadre de l'assimilation de l'histoire de la RDA, il est à craindre que la représentation universitaire se soit détériorée, étant donnée que cette discipline n'est pas mentionnée dans les programmes d'environ un tiers des facultés ou des instituts en sciences du sport.

1 Voici quelques éléments bibliographiques facilement accessibles sur les différents sujets : Pahncke (1967, 1989), Krüger (1979), Teichler (1984), Nitsch (1987, 1989), Pfister (1990, 1996), Pfeiffer et Spitzer (1990). 2 Hajo Bernett évaluait dans un de ses derniers articles («Neue Aspekte der Zeitgeschichte des Sports») en 1995 que « de toutes les ramifications de l'histoire sportive ... l'histoire contemporaine était la plus productive», mais déplorait les déficits du côté théorique. 3 Sur ce thème, on peut consulter les ouvrages suivants en langue allemande : Grupe, O.: Einführung in die Theorie der Leibeserziehung und des Sports. 5e édition, Schorndorf 1980. En langue anglaise peuvent être recommandés les textes dans: Journal of Sport History 17 (1990), H.2. Une publication française mettant l'accent sur l'histoire contemporaine et les relations franco-allemandes : Delaplace, J. M./ Treutlein, G./ Spitzer, G. (Eds..): Le sport et l’Education Physique en France et en Allemagne. Contribution à une approche socio-historique des relations entre les deux pays. Actes du symposium franco-allemand d’histoire du sport et de l’éducation physique. UFRSTAPS Montpellier Septembre 1992. Editions AFRAPS Février 1994. Voir également Ueberhorst, H. (Hrsg.) : Geschichte der Leibesübungen. Berlin 1980 ff.

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On ne peut plus parler, de nos jours, d'une prédominance traditionnelle de l'histoire, de la pédagogie et de la médecine sportive dans les études.4 Cela est, en partie, dû à la position différente que l'histoire occupe dans les programmes universitaires depuis le changement de modèle lors des efforts de réforme entrepris dans les années 1960 et 1970. En tête se trouvait le sud de l'Allemagne où, dans environ deux tiers des facultés, l'histoire sportive ne figure plus au programme.5

Le nombre de postes de professeurs dans l'enseignement supérieur a diminué ; la création d'un professorat d'histoire sportive contemporaine peut donc être perçue comme une compensation de la suppression des chaires à Bochum (Prof. émérite. Dr. H. Ueberhorst) et Bonn (Prof. Dr. H. Bernett). Il n'existe à l'heure actuelle plus que cinq professorats spécifiques à Berlin (C3)6, à Brême (C2), à Potsdam (C3) et à Cologne (C4 et C3). Des professorats associant l'histoire sportive en tant que matière et/ou en tant qu'objet de recherche se trouvent à Göttingen (C4), à Münster (C4) ainsi qu'à Essen, à Fribourg, à Hambourg, à Coblence, à Mayence et à Wuppertal (C2 et C3). C'est la raison pour laquelle une partie importante des travaux est effectuée dans le domaine non-universitaire.

Les institutions extra-universitaires qui font fonction de musées font également de façon limitée de la recherche (et ceci avec une orientation vers leurs objectifs didactiques). Les institutions existantes sans activités publiques se consacrent de préférence à des projets limités à l'histoire sportive régionale (en particulier l'Institut d'histoire sportive de Basse-Saxe, Hoya, NISH) ou à des recherches à partir de demandes limitées dans le temps pour une occasion particulière (projet du comité du sport allemand - DSB - 1988-1990 et de l’institut Olympique Allemand - DOI - 1991-1994).7

C'est en 1995 que l'Institut fédéral des sciences du sport (BISp) à Cologne fut pour la première fois commanditaire (et en partie donneur d'ordre) de plusieurs projets de recherche importants au sujet de l'histoire contemporaine à la fois : trois projets sur l'histoire de la RDA, un projet sur le rôle de la femme dans le sport de [haute] compétition et un projet sur la surveillance du sport de compétition en RDA par les services secrets est-allemands. En outre, le BISP soutient des études en histoire sportive (Le rapport de l'année 1995 rend compte de plus de vingt projets dont les modes de financement sont différents).8

Au niveau national plus de cent historiens spécialisés en histoire sportive sont regroupés dans la "section d'histoire sportive" qui fait partie de la "Deutsche Vereinigung für Sportwissenschaft" (association allemande des sciences du sport, dvs), dont quelques membres sont originaires de pays européens voisins. Le niveau international se caractérise par un certain nombre de ramifications : il n'existe plus en tant qu'organisation mondiale depuis la disparition des blocs politiques que l'ISHPES, auquel viennent s'ajouter d'importantes organisations nationales, notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, dans lesquelles bon nombre d'historiens allemands sont actifs (ainsi Prof. Dr. Gertrud Pfister de l'université de Berlin est présidente de l'ISHPES). Il en résulte que le taux de publications allemandes 4 Voir l'étude comparative internationale actuelle de la France et de l'Allemagne: O. J. Schantz / E. C. Trumpp: Research in sport history in France and Germany (1980-1990). Dans: B. Svoboda / A. Rychteky (Hrsg.) : Physical activity for life: East and west, south and north. Aachen 1995, 272-277 et le texte dans ce livre. 5 Voir W. Buss / Frantz Nitsch : Thesen zur Situation der Sportgeschichte in der Bundesrepublik Deutschland. Dans: Sozial- und Zeitgeschichte des Sports 3 (1989), H. 1, 74-75. Les données empiriques furent évaluées à partir de la série de publications mise sur pied par Rühl «Das Studium der Sportwissenschaft». Il s'agit ici du semestre d'hiver 1987/88, réd. Fischer / reiter, Wetzlar 1987. 6 Les professeurs d'universités sont répertoriés en trois catégories C2, C3 et C4. La catégorie C4 est la plus élevée. 7 Nok (Hrsg.) : Rückkehr nach Olympia. München 1989. DSB (Hrsg.): Wege aus der Not zur Einheit. Teil I und II. Schorndorf 1990 et 1991. Nish (Hrsg.) : Sport in Hannover. O. O. 1991. Cette série de publications va bien au-delà des limites régionales. 8 BISP (Hrsg.) : Sportwissenschaftliche Forschungsprojekte. Erhebung 1995. Köln 1996.

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dans les périodiques de l'organisation est élevé. Les échanges entre historiens allemands et français n'avancent cependant qu'à petits pas, malgré les congrès qui ont eu lieu entre-temps, un fait qui doit, en premier lieu, être imputé aux difficultés de communication linguistique. 2. Travaux contemporains sur l'évolution au XXe siècle

L'un des personnages les plus importants de l'histoire du sport contemporaine et de la culture du mouvement, Hajo Bernett, qui disparut il y a peu de temps, aborda dans son "Trendbericht" publié dans la revue "Sportunterricht" plusieurs domaines traditionnels. Otto Schantz et Eva Trumpp obtinrent dans leur étude comparative des résultats similaires.

Le sport joue un rôle de plus en plus important dans la culture du quotidien et des masses. Il se transforme et progresse de façon impressionnante,9 ce qui pourrait même faire peur. Ce développement est accéléré par la diffusion du sport par les médias. Les fonctions historiques du sport justifient qu'il fasse l'objet d'études scientifiques, afin d'acquérir des connaissances sûres sur son origine et les étapes de son évolution. Le tableau 1 offre un aperçu des champs d'étude, que nous avons élaboré de façon empirique, et des concepts de l'histoire sportive permettant de caractériser les ouvrages contemporains sur l'évolution du sport au XXe siècle. Dans la colonne de gauche sont inscrits 21 champs d'étude traditionnels. La ligne supérieure contient les méthodes employées. La couleur des cases représente l'importance quantitative (évaluée par des experts) : les cases sombres indiquent que les recherches ont été intenses et que des résultats précis ont été obtenus. Le gris clair signifie que les études n'ont été que sporadiques. Les cases les plus «intéressantes» cependant sont celles qui ne sont pas colorées : elles représentent des espaces vierges dans l'histoire contemporaine. Dans la suite de l'article, les concepts qui se trouvent dans la ligne supérieure seront traités dans l'ordre du tableau.

9 La suite de l'article se base dans la partie concernant l'histoire contemporaine sur le texte de l'auteur «Aktuelle Konzepte zur Zeitgeschichte des Sports unter Berücksichtigung der Diskussion in der Geschichtswissenschaft» dans : Sozial- und Zeitgeschichte des Sports 1994, H. 3, S. 54-73. Les citations se trouvent dans cet article.

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Tableau 1: Sujets et méthodes de recherche de l'histoire contemporaine en Allemagne Source: Spitzer 1994

Histoire sportive en RDA sous le parti unique

Histoire contemporaine pluraliste en RFA

Histoire sociale

Histoire quotidienne

Histoire des mentalités

1. «Sport bourgeois des classes moyennes»

2. «Sport des classes ouvrières»

3. Zones de l'ouest et RFA

4. Zone d'occupation soviétique et RDA

5. Sport scolaire

6. Sport universitaire

7. Sport féminin

8. Différentes disciplines

9. Sport juif

10. Sport professionnel

11. Symbolique et cérémonie

12. Sport non-associatif

13. Minorités ethniques

14. «Sport spectacle»

15. Situations de vie particulières

16.Armée, administration, institutions

17. Sport «alternatif»

18. Tourisme

19. Le sport et les médias

20. Le sport en Europe

21. Sciences du sport

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2.1. L'histoire du sport en RDA

De par la constitution politique, le modèle est-allemand était conçu de façon légitimiste. L'histoire du sport en RDA, influencée par le parti unique et inconciliable avec la conception libérale des sciences, se consacra d'abord à l'évolution du sport depuis 1918. L'évolution de la "culture physique" moderne devait être expliquée à l'aide du matérialisme historique et dialectique en s'appuyant sur son caractère de classe. Des dossiers du "Staatliches Komitee für Körperkultur und Sport beim Ministerrat der DDR" (un comité rattaché au Conseil des ministres de la RDA) prouvent que des "cadres" responsables de l'histoire sportive furent formés de façon méthodique. Leurs missions étaient très précises quant à la fonction de leurs travaux et de leurs résultats ou contenus. L'étape suivante consistait dans l'élaboration d'un aperçu global par des collectifs d'auteurs. Les directives venaient du parti unique, le SED. L'objectif était d'engendrer, dans le cadre des sciences historiques marxistes-léninistes, une conception de l'histoire nationale nouvelle. Il en découla également l'appréciation positive de l'aile communiste du mouvement sportif ouvrier historique qui aurait débouché sur la "culture physique socialiste". En tant que discipline partielle des sciences sportives marxistes-léninistes, elle avait pour objet l'histoire de la culture physique, des disciplines et des sciences du sport. A partir de 1968 une nouvelle fonction vint s'ajouter aux autres : la manipulation de la conception de l'histoire par la "propagande historique".10

Malgré l'influence du parti unique qui jouait un rôle déterminant dans la recherche et l'enseignement11, l'histoire sportive de la RDA a sans aucun doute aussi eu des mérites : elle a cristallisé très tôt et de façon impitoyable - bien que souvent déformée - l'instrumentalisation politique du sport organisé en notre siècle ainsi que sa réceptivité aux idéologies (en utilisant des sources primaires) et les a intégrés dans des théories.12 Ceci, ainsi que le reproche global de continuité envers le sport de la classe "bourgeoise", a motivé de façon productive la recherche en Allemagne de l'Ouest. A l'Ouest, l'opinion que l'histoire du sport à l'Est n'avait plus été sujette à de nouvelles impulsions depuis les années 1980, parce qu'elle se serait empêtrée dans des positions de plus en plus dogmatiques, était très répandue. Cette vision de 10 La surveillance politique des résultats faisait partie de la mission politique. Concernant les années 1950, voir : Spitzer 1994a et 1995a. 11 L'Olympia Archiv du comité d'organisation des Jeux Olympiques de 1936 fut utilisé de façon intense par le Comité national olympique (NOK) de la RDA, ainsi que le démontre le registre des utilisateurs des archives. Les charges politiques de fonctionnaires à l'Ouest, la politique du sport de l'Allemagne nazie et la persécution de sportifs ouvriers communistes étaient les principaux sujets. Il est frappant de constater que le Comité Olympique International ait été épargné malgré sa manière d'agir et son orientation politique. (Bundesarchiv, sections de Potsdam, 469 dossiers, Sign. 70 Or1 à Or3). A.Krüger (Göttingen) était, à l'époque, le seul utilisateur ouest-allemand. Voir à ce sujet : Hans Joachim Teichler : «Die Ausspähung des westdeutschen Sports durch das Mfs in den 60er und 70er Jahren» ainsi que la réponse de Arnd Krüger : «Auditur et altera pars oder wie man Kontaktperson Assistent wird.». Les deux textes se trouvent dans: G. Spitzer et H. Braun (Hrsg.) : Der geteilte deutsche Sport. Tagung der Sektion Sportgeschichte vom 24.-26. März 1995 in Potsdam. Schriften der Deutschen Vereinigung für Sportwissenschaft. Hamburg 1996 (en cours de publication). Un fait que les chercheurs ignoraient jusqu'à la chute du mur de Berlin était que les archives du parti unique (SED) disposaient de dossiers très détaillés datant de la dictature nazie. (Ils se trouvent entre-temps aux archives fédérales sous «Stiftung Archive und Massenorganisationen der eh. DDR».). Lors de ses recherches, l'auteur y trouva des dossiers du RSH - Reichsicherheitshauptamt der Gestapo (la police secrète du troisième Reich) - et en exploita les extraits concernant le sport (Abt. IV, alte Sign. Pst 3 / 320ff). Ces informations sur le sport avait été analysées avant la réunification par 23 historiens de la RDA ! 12 Une remarque sur la perception de l'historiographie sportive de la RDA en Allemagne de l'Ouest : la nécessité de vues d'ensemble se ressent particulièrement lorsque l'on considère la génération "1968" qui opposa longtemps à l'ouvrage synthétique de Saubrier ses connaissances d'histoire fondées sur "l'histoire de la culture physique" descriptive et d'orientation théologique jusqu'à ce que l'histoire contemporaine pluraliste puisse exposer ses premiers résultats.

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l'extérieur doit cependant être relativisée car la "Fachgruppe Geschichte der Körperkultur" (groupe spécialisé en histoire de la culture physique) se consacra pendant les dernières années d'existence de la RDA, sous la présidence de Wonneberger, également à des tendances historiques récentes. Ce groupe, auquel les historiens en RDA étaient forcés d'adhérer, faisait partie du "Wissenschaftlicher Rat des Staatssekretärs für Körperkultur und Sport" (Conseil scientifique du secrétaire d'état de la Culture physique et du Sport). Une nouvelle orientation quant aux sources de quelques recherches et travaux depuis 1980 fut une des conséquences de cette évolution : tendances régionalistes allant du sport communal à l'évolution scolaire depuis 1945. Un projet d'histoire régionale de grande envergure, concernant Berlin, est resté en suspens. Ses résultats éventuels ne pourraient faire l'objet que de spéculations. 3. Le modèle pluraliste ouest-allemand

Le terme "Zeitgeschichte" (histoire contemporaine) fut introduite dans le débat ouest-allemand par Ritter en 1949. Cette nouvelle discipline avait pour tâche d'expliquer comment avait pu se produire la "catastrophe historique" du national-socialisme. La formule aussi simple que connue, dont Rothfels se servit en 1953 pour défendre de façon primaire du point de vue méthodologique et chronologique son concept de la "Zeitgeschichte als Aufgabe" (l'histoire contemporaine en tant que devoir), peut paraître étonnante de nos jours : l'histoire contemporaine serait "l'époque des contemporains et l'étude scientifique de cette époque" en se référant à la "nouvelle période de l'histoire universelle depuis 1917". Les connaissances furent acquises selon des techniques classiques utilisées par l'historiographie allemande (recherche et critique de sources et exposés). Les témoignages de personnes ayant vécu l'histoire récente fournirent un outil nouveau à la recherche.

Une histoire contemporaine du sport travaillant de manière très méthodologique put déjà s'établir dans les années 1960. Par analogie avec la discipline mère, le sujet principal fut en premier lieu l'époque nazie : l'analyse de la politique du sport nazi et l'instrumentalisation du sport scolaire, du sport des associations et du sport des clubs. Il en résulte que cette époque de l'histoire du sport allemand peut être considérée comme celle dont l'étude fut la plus approfondie. La constatation que certains milieux du sport allemand avaient contribué de façon active à l'intégration du sport nazi, fit de la République de Weimar un objet d'étude supplémentaire. Etant donné que le sujet principal de la discipline était l'analyse des idéologies, la logique voulait que le sport en RDA soit également pris en considération.

La forme primaire, pour ainsi dire classique, de l'histoire contemporaine ouest-allemande est toujours utilisée de nos jours. Elle est capable de définir les fonctions, les interdépendances et les instrumentalisations du sport dans et par la société, l'état et la politique. Eisenberg (1984, 184) pense pouvoir constater une "réduction de l'histoire contemporaine à la politique du sport". Une telle constatation pourrait être fondée sur le fait que l'introduction la plus récente à l'histoire du sport du XXe siècle de M. Krüger (1993) résume en un aperçu global les études essentiellement politico-historiques, et ceci , pendant de longs passages, sous forme de compte-rendu. Une telle œuvre rassemble nécessairement une multitude de sujets, entre autres du point de vue (central) de la politique du sport. La base empirique de Krüger fournit, en fin de compte, une introduction contenant une analyse politique et critique de l'histoire contemporaine du sport.

L'étude de cas précis ou les recherches biographiques effectuées ont souvent quitté ce niveau supérieur global pour thématiser des questions de niveau inférieur (par exemple dans les associations ou les clubs, dans l’EPS ou dans les études) ou se consacrer à l'analyse de l'histoire des idées, dans une coupe longitudinale. L'extension des sources de base a entre temps été reconnue : données statistiques, médias, sources telles que les "interviews

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diachroniques" (c'est-à-dire des témoignages de témoins de l’époque). Ces interviews diachroniques constituent une méthode faisant partie de "l'oral history" qui fut introduite par Niethammer en RFA. 4. L'histoire sociale du sport

Selon Mommsen, l'historiographie allemande connut un "changement de perspective du système de souveraineté vers le monde du quotidien" (1991, 154). Ce changement se répercuta également sur l'histoire contemporaine du sport et engendra une extension fructueuse de la problématique, même si l'historien, Arnd Krüger (université de Göttingen), en avait prédit l'échec en 1979. Cette approche multidimensionnelle et la perception de l'histoire comme "science sociale historique" (Kocka 1986) ou "histoire de société" (Wehler) se sont imposées dans de nombreux domaines (d'ailleurs sans désaccord sur les méthodes qui existent dans les disciplines mères !) et jouent à l'heure actuelle un rôle primordial dans des domaines tels que celui du sport ouvrier ou de l'histoire féminine. Il est en général question à un niveau inférieur - aux limites bien définies - de préférences ou de motifs sportifs ou de formes d'organisation en relation avec des conditions socio-économiques et politiques. Il est plus rare de voir traiter à un niveau supérieur - plus global - les fonctions sociales de l'exercice physique ou de la création d'organisations.13

Le projet de recherche sur les débuts du DSB (Association du sport allemand) a illustré les possibilités d'analyse socio-historique de l'évolution du sport pendant l'après-guerre. La nouveauté de ce concept de recherche résidait dans la tentative de se rapprocher de la "réalité vécue des hommes". Afin d'y parvenir, les différentes problématiques furent liées avec les méthodes déjà présentées. On obtint ainsi un tableau comprenant les différents sujets d'études et les concepts méthodiques correspondants. Des questions sur les problèmes d'organisation et sur des causes d'évolutions régionales particulières, la pratique du sport et le quotidien, mais aussi les valeurs et les objectifs furent l'objet d'analyses. De nombreuses biographies brèves rendent plus claires les mentalités et les structures sociales. Ce projet n'a malheureusement pas été maintenu et l'étude des années 1950 et 1960 reste à réaliser.

D'autres problématiques socio-historiques sont appliquées au sport. Des études (voisines du domaine de la sociologie) furent développées à partir des travaux sur le préjudice causé aux femmes (Kuhns & Hausen 1983). L'histoire sociale est considérée depuis Gertrud Pfister (1990) comme étant l'accès actuel et la transition vers une histoire des sexes intégrative.14

5. Histoire des mentalités et du quotidien

L'histoire du quotidien, en tant que discipline appartenant à l'histoire du sport, se recoupe avec le concept de "l'histoire vue par en bas" (Frei 1988), qui croit se rapprocher du quotidien en reconstituant la réalité vécue sur place à l'aide "d'ateliers d'histoire". Elle désire compléter la "grande" historiographie par ce changement de perspective. Le sport a

13 L'intégration de cette perspective est un objectif de la revue «Sozial- und Zeitgeschichte des Sports». Il n'y a que quelques années que naquit à l'université européenne de Florence (1993) où l'accent est mis sur l'histoire sociale, l'idée de comparaisons intéressantes du moins dans la zone européenne pour le 19ème et le 20ème siècle. A l'étranger, en particulier en Grande-Bretagne, l'histoire sociale du sport est d'ailleurs également traitée par la science mère. 14 Le rapport de recherche détaillé de G. Pfister offre un aperçu actuel. G. Pfister : Zur Geschichte des Körpers und seiner Kultur - Gymnastik und Turnen im gesellschaftlichen Modernisierungsprozeß. Dans: H. J. Teichler / I. Diekmann (Hsg.) : Körper, Kultur und Ideologie. Sport und Zeitgeist im 19. und 20. Jahrhundert. Beltz- Athenäum: Berlin 1996.

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particulièrement besoin de résultats sûrs15, afin de pouvoir faire face à une critique courante du milieu non-scientifique à l'endroit de l'histoire contemporaine critique, selon lequel "à la base", ou plus précisément dans les associations ou les cours scolaires, "la réalité était toute autre". Les études régionales effectuées jusqu'à présent semblent promettre une extension de la base de données.

L'histoire des mentalités ou "l'histoire psychologique" est partie intégrante de l'histoire culturelle et fit son apparition dans l'école de la nouvelle histoire. Celle-ci, à l'aide de ses méthodes et de ses théories, tente, selon Raulff (1987, 89), "d'élucider le processus de l'évolution humaine en elle-même, ou plutôt, les processus définissant l'évolution individuelle des hommes". Elle ne se limite pas à l'époque actuelle, mais a également recours à l'anthropologie historique et aux travaux de Norbert Elias et de Philippe Aries. Il existe un grand nombre de variantes. Le tout est complété par l'étude historique des curriculum vitæ, si l'on s'intéresse au "fond socio-économique" afin de pouvoir définir les origines des actions effectives (Voges 1987, 13).16

L’étude intéressante de Schulze (1992) sur la "société de l’expérience vécue" (Erlebnisgesellschaft), traite l’évolution des mentalités dans l’ancienne RFA - entre autres dans le domaine du sport - et se réfère à certains endroits à la théorie de Raschke (1987). Elle mérite également d’être prise en considération en ce qui concerne l’histoire du sport. L'auteur y développe de façon fructueuse les travaux de Beck sur la "société du risque" (Risikogesellschaft) et met en évidence la faille entre l’ancienne République Fédérale qui se trouve, depuis environ dix ans, dans une phase de "transition socioculturelle" et les nouveaux "Länder" (régions est-allemandes) qui doivent traverser des processus de transformation douloureux.

"L'assimilation raisonnée et subjective" de l'époque nazie (Thamer 1992) est également applicable aux "(faux)jumeaux allemands" et la socialisation des deux côtés du mur. Dans son rapport qui mérite d'être lu, Erker (1993) ne décrit plus "l'Ouest doré" comme époque glorieuse. Ce ne sont que les bouleversements de 1989-1990, représentant aux yeux de Erker la coupure la plus importante dans l'histoire de la République fédérale d'Allemagne, qui offrent cette nouvelle perspective. Cette situation actuelle engendrée par la "révolution pacifique" inciterait-elle, peut-être, à une nouvelle orientation qui laisserait derrière elle les débats sur la perspective à adopter et ainsi sur le choix de la méthode ? Les études comparatives n'ont malheureusement pas encore trouvé d'application en histoire sportive, mais pourraient être enrichissantes du point de vue de la méthodologie et de la base empirique. 6. Perspectives institutionnelles et thématiques dans le domaine de l'histoire du sport

A l'Est comme à l'Ouest, l'histoire du sport en tant que discipline faisant partie des études de sport est toujours menacée.17 Le modèle des "domaines d'étude" constituant les facultés sportives permet d'un côté d'intégrer l’histoire du sport dans l'enseignement des cours donnés par des sociologues ; de l'autre, il permet de ne plus procéder lors de la planification des programmes de façon purement spécifique aux disciplines, ce qui peut avoir pour conséquence le rejet des aspects historiques du sport au rang de discipline facultative. En 15 Herbert Dierker (1991) a utilisé - comme base empirique de sa thèse de doctorat - environ 1600 pages provenant d’interviews (transcrites par lui-même) pour en arriver à 20 pages imprimées. 16 Voir le mépris de l'évolution sportive dans la zone d'occupation soviétique chez les fonctionnaires sportifs de la RFA (dans Spitzer 1989). 17 Spitzer, G. : Zur Diskussion gestellt: Perspektiven der Sportgeschichte in den jungen Bundesländern - Überlegungen zum Memorandum zur Förderung von Sportwissenschaft und Sport. Dans: Sozial- und Zeitgeschichte des Sports 6 (1992), H. 2, 90-94.

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dépit de notre approbation envers la coopération interdisciplinaire et l'estime que nous portons aux collègues travaillant pour la plupart de façon sociologique, il faut considérer l'existence de la discipline comme menacée à moyen terme, entre autres aussi par la logique de la politique de distribution des postes.

Il faut également noter que la durée de vie des projets dans le domaine du sport est déjà très brève. En général celle-ci s'étend sur deux années au maximum ; les projets d'histoire (par exemple de la "Deutsche Forschungsgemeinschaft", DFG) normalement sur cinq années. La perspective d'exercer une profession dans le domaine de l'histoire sportive doit sembler peu attrayante lors du choix des disciplines, si l'on considère le processus de qualification de la relève scientifique. Si les conditions continuent à évoluer de la sorte, cette discipline ne fera, au mieux, plus que l'objet de mémoires ou de dissertations liées à des projets. Aussi bien l'autofinancement que les perspectives professionnelles sont un frein aux projets d'habilitation.18

Dans les sciences du sport, les conditions pour un développement égal des facultés des sports (URF STAPS) ne seraient plus existantes à partir du moment où, face à la crise économique, on assistait à une désolidarisation à l'intérieur des disciplines faisant partie des sciences humaines, ce qui serait le pire des aboutissements. Cela pourrait par exemple être le cas, si la pédagogie restait, elle aussi, menacée contrairement aux professorats davantage orientés vers les sciences appliquées.

On peut opposer à ce scénario pessimiste la multitude et la fécondité des thèmes des problématiques substantielles, ainsi que l'illustrent ces quelques exemples :

1. Des recherches socio-historiques ou sur le monde du quotidien peuvent fournir dans le domaine de la socialisation et des mentalités des résultats irremplaçables sur l'influence du sport dans des conditions historiques spécifiques.

2. La question concernant la consolidation politique réelle des aides matérielles destinées aux "associations libres" définies par la loi comme "associations idéales" à buts non-lucratifs, met en évidence les conditions d'entretien du sport organisé, extérieur à l'autofinancement : du professeur d’EPS à l'entraîneur national, de l'office des sports au centre de préparation Olympique (Olympiastützpunkt - OSP).

3. Le remplacement radical du corps d'enseignants en 1945-1946 dans la zone d'occupation soviétique ainsi que la socialisation de plusieurs générations d'élèves (et de professeurs de sports) pendant quarante ans, demandent à être étudiés.19

4. L'accès aux archives de la RDA rend pour la première fois possible des études comparatives, mais aussi, grâce aux nouvelles sources disponibles pour la recherche pluraliste, l'acquisition de connaissances supplémentaires concernant d'autres époques. Les continuités et les ruptures thématisent l'extension à des problématiques plus générales.

5. Concernant l'histoire des mentalités : au niveau des apparences le culte de la cérémonie, des pratiques paramilitaires ainsi que la familiarisation avec les armes sont des traits caractéristiques du sport en RDA qui sont plus proches du Troisième Reich que du sport ouvrier (bien développé) de la République de Weimar. Tout ceci a-t-il laissé des traces dans les mentalités et généré une prédisposition à la violence encore vivante de nos jours ? Y a-t-il des ressemblances structurelles avec l'Ouest ?

18 La majorité des dissertations et des habilitations en cours sont d'orientation socio-historique : «Sport et culture sous la République de Weimar», «Sport et Médias», «Sport et l’urbanisation à l’exemple de Hambourg» et «Le sport ouvrier dans le land de Hesse aux temps du régime nazi». 19 Il doit être mis en doute qu'il existe un domaine de l'histoire exclusivement consacré au sport scolaire tel que l'avait formulé Naul en 1990. Pour connaître l'état actuel de la recherche, voir Grossbrömer (1994, 11-27).

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6. Si l'on quitte le milieu des sportifs, il devrait être particulièrement intéressant de prêter attention au groupe de fonctionnaires de l'après-guerre tout en pensant au "remplacement radical des élites" (Klessmann 1988) dans la zone d'occupation soviétique et "l'échec" de la "dénazification" (entnazifizierung) à l'Ouest. Des "spécialistes éprouvés" (c'est ainsi que Willi Daume les qualifiait encore en 1988 !) tels que Carl Diem, Karl Ritter von Halt ou Guido von Mengden, rejetés à l'Est, n'ont eu le droit de faire don de leur expérience accumulée sous la république et sous la dictature qu'à l'Ouest. Dans la zone soviétique en revanche, le remplacement des élites s'effectua de façon rapide, consciencieuse et durable et c'est justement dans le sport que les "jeunes élites" eurent bientôt l'occasion de se manifester. Manfred Ewald20 devint en 1952, à l'âge de 26 ans Secrétaire d'état dans le Comité public de la Culture physique et du Sport et obtint à l'âge de 38 ans l'ordre du mérite en or, la plus haute distinction. Comment se conduirent ces élites ? Quels étaient leurs motifs ? Il serait bon aussi, à cet endroit, d'analyser le comportement des fonctionnaires en RDA. Quels étaient les effets de la fréquentation de la puissance du parti unifié SED sous la menace constante de la disgrâce : l'avertissement du 17 juin 1953, le protectionnisme, un système où les nominations à des fonctions politiques étaient suivies en moins d'un mois (!) de la révocation de cadres. Est-ce la raison pour laquelle il existait, parallèlement à l'argumentation officielle - dans l'ombre et ignorée des dossiers - une seconde manière de penser relativement apolitique et pragmatique et une façon d'agir adéquate ? La réalisation d'objectifs personnels dans les différents services par le biais d'une coopération conspiratrice avec le ministère de la Sûreté intérieure en est une forme pervertie. Quelle était l'idée que ces cadres manifestement ambitieux se faisaient du sport et essayaient-ils de conserver ce qui ressemblerait à des "valeurs fondamentales du sport" et de les préserver de l’instrumentalisation ? Ce sont là des questions dont les réponses peuvent expliquer les évolutions contradictoires du sport en RDA.

7. Parallèlement, des problématiques d'orientation plutôt sociologique concernant l'ancienne et la nouvelle République fédérale sont dignes d'intérêt : la description de Raschke (1987) de l'ascension de groupes sociaux à l'aide des critères tels que la dominance, l'orientation vers la puissance ou la culture, et le type de mobilisation devrait être analysée, étant donné qu'il serait possible du point de vue sociologique ou interdisciplinaire d'en tirer des conclusions sur le sport au XXe siècle.

Il ne s'agit ici naturellement que d'un échantillon de problématiques possibles qui se

trouveraient enrichies de façons multiples par l'aspect de la comparaison internationale. L'ensemble des sujets traités jusqu'à ce jour est intéressant. En plus, les problématiques actuelles devront être étudiées de façon plus approfondie : l'histoire de l'organisation et de la politique sportive sera complétée par des aspects socio-historiques et des aspects liés au quotidien. Il faut également espérer qu'une intégration de ces perspectives aura lieu. Texte traduit par Ulrike Gräter

20 1944 NSDAP (parti national socialiste nazi), 1945 KPD (parti communiste allemand), 1946 SED (parti unifié communiste-social démocrate).

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Jean-Michel Delaplace

HISTOIRE DU SPORT ET DE L’EDUCATION PHYSIQUE

Jean-Michel Delaplace

1. Place et positionnement de l’histoire du sport et de l’éducation physique (E.P.) dans les sciences du sport

Le séminaire organisé par la Commission Permanente d’Histoire de l’EPS de l’E.N.S.E.P.S. (sous la direction de Jacques Thibault) au CREPS de Voiron du 3 au 6 décembre 1974, avait pour thème "la réflexion historique en éducation physique et sportive"1. Comme le précisait à l’époque son président, "l’objectif de ce rassemblement était tout d’abord de définir, parmi les différents apports des sciences humaines utilisées au cours des études d’éducation physique, les caractères d’une réflexion plus particulièrement historique"2. Depuis les thèses de doctorat de Jacques Ulmann et Jacques Thibault, le début des années 1970 a été marqué par un renouvellement des travaux historiques et surtout des méthodes utilisées par les chercheurs3. Bertrand During en fait d’ailleurs l’inventaire en 19804.en soulignant le passage de travaux historiographiques plus ou moins complets et renseignés à une histoire critique. A cette époque, il propose une typologie des travaux s’articulant autour de cinq grandes orientations, incluant les catégories d’hypothèses et les méthodes utilisées par les chercheurs :

1- une "histoire des systèmes d’idées", fondée par les travaux de Jacques Ulmann (1965).

2- une "étude historique du processus éducatif en rapport avec l’histoire des civilisations", initiée par Jacques Thibault (1972)5.

3- "une autre tentative de prise en compte de la complexité de l’objet et de la multiplicité des déterminismes : le corps redressé - histoire d’un pouvoir pédagogique", Georges Vigarello (1978).

4- une "histoire sociale des activités physiques", dont l’initiative (et l’orientation marxiste) est attribuée par Bertrand During à Jacques Rouyer (1969).

5- une "histoire sociale des pratiques d’exercice corporel", qui marque, avec les travaux de Jacques Defrance (1978), une pénétration importante de la sociologie, de ses concepts et ses méthodes, dans le corpus de l’histoire du sport et de l’éducation physique.

Cette multiplicité dans l’approche d’un même corpus, celui de l’histoire du sport et de l’éducation physique, révèle à la fois la diversité des formations des auteurs ainsi que celle des enjeux. Ainsi les publications concernant l’histoire de l’éducation physique et de ses enseignants sont-elles plus nombreuses, dans les années 1980, que celles portant sur le (ou les) sport(s). Il est patent de remarquer la très forte implication des enseignants d’E.P.S. dans le premier type de travaux, certains allant même jusqu’à revendiquer la nécessité de faire 1 Gilbert Andrieu, Propos sur l’enseignement de l’histoire des pratiques corporelles, suivis des Actes du séminaire de Voiron 1974, Centre de Recherche en STAPS, Paris X Nanterre, 1987. 2 idem, 41. 3 On peut citer également le rôle joué par la création d’une "section Histoire" à l’E.N.S.E.P.S. de Chatenay en 1970 sur le thème : "l’interprétation historique dans l’évolution des types d’activités physiques" et qui permit à de nombreux professeurs-sessionnaires de se confronter à des travaux de recherche historique sous la direction de Jacques Thibault ou de Georges Vigarello. 4 Bertrand During, "Historiens de l’éducation physique", in numéro spécial Histoire, Travaux et Recherches en E.P.S. n° 6, mars 1980, 7-16. 5 Il parle aussi pour désigner l’orientation des travaux de Thibault "d’histoire des mentalités".

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partie du "sérail" pour l’entreprise. Cette attitude est certainement révélatrice d’un enjeu identitaire et professionnel, la recherche des "racines" jouant un rôle fédérateur en fondant les revendications.

On la retrouve d’ailleurs dans les programmes de formation des enseignants d’E.P.S. (surtout dans ceux des professeurs), d’abord sous l’appellation "méthodologie", puis sous celle d’histoire des Activités Physiques et Sportives (A.P.S.). Cet enseignement consistait surtout dans la présentation descriptive des différentes méthodes d’éducation physique et des biographies de leurs auteurs, conduisant souvent les formateurs à pérenniser des clichés plus ou moins caricaturaux (par exemple : la guerre des méthodes ou la sportivisation de l’éducation physique).

Une première évolution est venue avec les travaux de J. Ulmann (1965) puis de J. Thibault (1972), ces derniers particulièrement mettant en exergue la question de la "légitimité scolaire" de l’E.P.S.. Dès lors, les chercheurs en histoire de l’éducation physique ne pouvaient plus se permettre d’ignorer la multiplicité des déterminismes expliquant son évolution. Cette "re-contextualisation" de l’histoire de l’E.P.S., en mettant à jour les déterminismes sociaux sur l’objet, n’allait pas manquer de séduire les sociologues.

Que ce soit par intérêt, syndical et corporatif, pour mettre en exergue les jeux et surtout, les enjeux de pouvoir ou pour renouveler et valoriser les perspectives d’une sociologie du sport marginalisée à ce moment, force est de constater, à la fin des années 1970, la publication de nombreux ouvrages et articles de qualité utilisant des approches, concepts et outils méthodologiques empruntés à la sociologie. Ce renouvellement méthodologique dans l’approche du corpus de l’histoire de l’éducation physique allait avoir deux conséquences majeures.

La première a été de voir apparaître de nouvelles "têtes", sociologues de formation (J. Defrance, J.P. Callède, J.P. Augustin, A. Garigou, P. Gaboriau, etc.), dans le petit monde des STAPS.

La deuxième, induite aussi par la précédente, a été d’assister à un élargissement de l’objet des recherches, avec notamment un nouvel intérêt des chercheurs pour les sports, l’étude de leur apparition, leur diffusion et des manifestations liées à leur environnement. Qu’il s’agisse d’études monographiques (J-P.Augustin et A. Garrigou 1985, C. Pociello 1983) ou de projets à visées plus théoriques (C. Pociello 1981), l’histoire des sports et de l’éducation physique s’est ainsi enrichie de nouveaux travaux et de nouvelles approches. Parmi ces dernières, il ne faudrait pas oublier les travaux de sociologie critique de J.M. Brohm (1976) dont les positions idéologiques et méthodologiques le conduisent à "revisiter" l’histoire des sports (1981) et de l’éducation physique6.

Dans le même temps où des sociologues exploraient ce corpus, des historiens commençaient aussi à s’y intéresser, et bien sûr, notoriété oblige, plus particulièrement par l’histoire du sport. M. Amar (1987), P. Lanfranchi (1988), A. Wahl (1989), R. Ubscher (1992) et quelques autres ont inauguré de nouvelles pistes pour les historiens contemporains et permis de faire reconnaître les travaux "indigènes" par les plus prestigieuses sociétés historiques (le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques par exemple7).

Aujourd’hui, cette diversité des méthodes et les productions sont suffisamment abondantes pour que les travaux de recherche en histoire du sport et de l’éducation physique fassent l’objet de formations doctorales. Mais si potentiellement, les intitulés des D.E.A. laissent aux étudiants la possibilité d’envisager des recherches historiques, rares et confidentiels sont les laboratoires et équipes susceptibles de les accueillir. Par contre, on 6 Il précise sa position dans un "complément" à l’article de F. Baillette "on ne civilisera jamais les yetis", intitulé "la critique, mode d’emploi", in Dossier EPS n°15, Editions Revue E.P.S., 1994, 217-219. 7 Une section "histoire des jeux et des sports" a été créée en 1992 ; 3 tomes des actes sont parus (Editions du C.T.H.S.).

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observe de plus en plus un intéressement des sociologues et historiens aux thématiques sportives principalement8.

2. Panorama des travaux contemporains en histoire du sport et de l’éducation physique

Ce chapitre a été en partie alimenté par les réponses à un questionnaire adressé aux

chercheurs (en l’absence de réponse, les travaux les plus connus des chercheurs ont été indiqués).

Bertrand DURING (Université de Picardie) B. During s’est intéressé d’une part, du point de vue des idées, savoirs, savoirs

techniques, aux fondements des formes caractéristiques de l’éducation physique au XXe siècle. D’autre part, il a développé des travaux se rapportant à l’histoire sociale et aux systèmes de valeur qui s’illustrent dans les institutions sportives. Enfin, il a eu à de nombreuses reprises des contacts avec des historiens allemands et a participé notamment à la rédaction de la version française du dictionnaire trilingue en Sciences du Sport (Hofman Verlag 1987).

Georges VIGARELLO (Université de Paris V - Ecole des Hautes Etudes en

Sciences Sociales (EHESS)) Agrégé de philosophie (1969), Georges Vigarello inaugure une nouvelle direction de

recherche en histoire du sport et de l’éducation physique avec sa thèse de doctorat d’Etat es lettres (1977) intitulée "le corps redressé, culture et pédagogie". Il avait auparavant dirigé le Centre de recherche d’histoire du sport de l’INSEP (de 1975 à 1979). La caractéristique principale de ses premiers travaux tient certainement dans la mise en exergue de l’existence d’un pouvoir pédagogique dont les effets sont particulièrement patents dans l’éducation corporelle de la jeunesse française. Le cadre méthodologique utilisé voisine déjà avec la sociologie, mais la rigueur (et l’importance) du travail historiographique s’accorde avec les méthodes de l’histoire. On peut d’ailleurs tout à fait considérer qu’il s’agit là de travaux d’histoire sociale. Cette première exploration des "voies de l’autorité" en éducation physique le conduit normalement à l’expertise de l’évolution des moyens employés, prémisses à des recherches plus épistémologiques. Aujourd’hui, Georges Vigarello se partage entre des productions plus sociologiques et ethnologiques et des travaux historiques de grande qualité, notamment lorsqu’il s’intéresse aux itinéraires de l’hygiène et de la santé et exhume de façon critique et commentée, des ouvrages méconnus.

Jacques DEFRANCE (Université de Paris XI) Jacques Defrance a étudié l’institution du sport en France au XXe siècle et notamment

les processus constitutifs de l’institutionnalisation, à savoir : la technicisation, les légitimations dans divers espaces (science, école, santé, etc.), l’autonomisation du champ sportif, la professionnalisation, les relations à l’Etat et au politique, etc. Les références théoriques de l’auteur se situent dans la sociologie des processus de civilisation des mœurs et de formation de l’Etat (N. Elias) et dans la sociologie du champ et de l’habitus (P. Bourdieu). Jacques Defrance envisage de prolonger son travail de comparaisons internationales, déjà

8 Pour preuve, dans l’ouvrage dirigé par P. Arnaud, "les origines du sport ouvrier en Europe", sur 14 auteurs ayant collaboré à l’ouvrage, deux seulement (dont P. Arnaud) sont Professeurs en S.T.A.P.S., tous les autres étant spécialistes d’histoire contemporaine !

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engagé avec l’Angleterre et le Canada, en direction des Etats-unis et éventuellement de l’Allemagne et d’un petit pays européen.

Christian POCIELLO (Université de Paris-Sud Orsay XI-) Membre de l’équipe “ vigarellienne ” de l’INSEP, Christian Pociello précise en 1980

quels sont "les éléments pour la constitution d’une histoire sociale des pratiques sportives"9. En fait, il s’agit surtout de la présentation des problématiques socio-historiques que pose l’étude du développement, de la diversification et des transformations des pratiques sportives. Au-delà de l’affirmation de l’interdisciplinarité du projet, Christian Pociello ne cache pas son intention de comprendre l’histoire comme une "science des transformations"10.

Et effectivement, la suite féconde de ses innombrables travaux se situe toujours entre histoire et sociologie, entre ethnologie et anthropologie. Qu’il s’agisse d’une certaine "vision" du rugby, où la mise en exergue des métaphores indigènes permet de mieux dégager les styles et leur origine11, d’un travail plus fondamental (et plus sociologique !) sur le système des sports et la façon de l’appréhender12, ou même d’une esquisse prospectiviste des loisirs sportifs dans la société française13, les travaux de Christian Pociello révèlent toujours sa prédilection pour les théories de P. Bourdieu et les méthodologies sociologiques14.

Pierre ARNAUD (Université Claude Bernard - Lyon I) Docteur d’Etat es lettres et sciences humaines depuis 1986, Pierre Arnaud a

commencé ses travaux de recherche sous la direction du Professeur Guy Avanzini, affirmant très tôt sa prédilection pour l’histoire de l’éducation physique15. Il en a exploré les grands auteurs, les méthodes, les sociétés et les écoles qui en organisaient l’enseignement et il a, entre autre, mis en évidence le processus de recherche par les enseignants, de mise en conformité de l’éducation physique avec les normes scolaires (orthodoxie scolaire) et les enjeux sous-tendus par cette démarche16. Dans l’étude de cet autre aspect des pratiques corporelles, il va aussi mettre en évidence des mécanismes originaux dans l’apparition et la diffusion des sports, comme par exemple celui de la "sociabilité sportive".

En résumé, ses travaux, tant sur le plan de la richesse historiographique (originalité et prolixité des sources d’archives notamment, recueil de témoignages, etc.), que sur celui des hypothèses qui renouvellent l’approche de l’histoire de l’éducation physique et du sport (ou des sports), sont exemplaires et font aujourd’hui école parmi les jeunes (et moins jeunes !) chercheurs en histoire.

9 Titre de son article in Travaux et recherches en EPS, numéro spécial Histoire, n° 6, mars 1980,.68-83. 10 Idem, 83. 11 Pociello C., Le Rugby ou la guerre des styles, Paris, Editions A.M. Métailié, 1983. 12 Pociello C., Pratiques sportives et demandes sociales, Travaux et Recherches en EPS, numéro spécial Sociologie du Sport, n° 5, Paris, INSEP, 1979, 31-48. 13 Pociello C., Le futur comme une nouvelle forme d’enjeu. Les tendances d’évolution des loisirs sportifs dans la société française ; enjeux, stratégies et prospective, in Clément J-P., Defrance J., Pociello C., Sport et Pouvoirs au XXe siècle. Enjeux culturels, sociaux et politiques des Educations Physiques, des Sports et des Loisirs dans les sociétés industrielles (années 20- années 90), Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1994, 139-175. 14 Il est aussi l’inventeur du concept de "sites d’aventures sportives"; cf. in Documents, illustrations et plaquette de présentation, inédits du Centre de Recherches sur la Culture Sportive, de 1988 à 1992. 15 Ses deux thèses sont éloquentes à ce sujet : Le corps a sa raison ou de la finalité de l’éducation physique, thèse de troisième cycle, université Lyon 2, 1978, 2 tomes et Le sportsman, l’Ecolier et le Gymnaste ; la mise en forme scolaire de la culture physique (1869-1914), thèse d’Etat, université Lyon 2, 1986, 3 tomes. 16 Dans son ouvrage Les savoirs du corps, éducation physique et éducation intellectuelle dans le système scolaire français, Toulouse, Privat, 1985.

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Thierry TERRET (Université Claude Bernard Lyon I) Thierry Terret fait partie de cette nouvelle génération de chercheurs qui, bien qu’issus

de la formation des professeurs d’éducation physique (il est agrégé d’EPS), n’ont pas eu la même relation à l’objet éducation physique en tant qu’objet de recherches que leurs prédécesseurs. Il centre ses travaux sur les pratiques et les institutions sportives, même si son itinéraire professionnel (il est maître de conférences à l’IUFM de Lyon) et ses études en sciences de l’éducation17 le confrontent à l’histoire de l’éducation physique. Dès ses premiers travaux (1986), Thierry Terret affirme la dimension historique de sa recherche, ce qui est particulièrement patent dans la compilation historiographique imposante de sa thèse de doctorat et l’originalité de son approche de l’histoire des bains et de la natation : "il s’agit, pour l’essentiel, d’étudier les pratiques d’exercices physiques dans leurs relations et implications avec les facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, juridiques, éducatifs propres à chaque société"18. L’ensemble de ses travaux, achevés ou en cours, peut se comprendre comme un effort de compréhension de deux grandes questions.

1. Comment apparaissent, se diffusent et se modifient les activités physiques et sportives ? Ce point est au cœur des préoccupations du laboratoire depuis 1985. A partir de différents exemples pris en natation, sports d’hiver, danse, éducation physique, il étudie particulièrement la manière dont une pratique :

- se forme dans un contexte spécifique, - se diversifie en fonction du milieu géographique, socioculturel, politique ou

économique dans lequel elle s’inscrit, - se transforme dans l’espace et dans le temps. 2. Quelles relations les activités physiques et sportives entretiennent-elles avec les

différentes identités ? Cette notion d’identité recouvre deux aspects complémentaires : l’unité (ce qui fonde

la cohésion) et la spécificité (ce qui fonde la différenciation). Elle peut ensuite s’appliquer à un individu, à un groupe ou à un objet social particulier (une pratique, un espace, une institution...). Ses travaux portent surtout sur les deux derniers aspects.

Jean-Michel DELAPLACE (Université de Montpellier I) Les travaux portent principalement sur l’histoire de l’éducation physique, de ses

enseignants et de ses méthodes. D’abord influencé par les approches marxistes de l’histoire pratiquées dans l’équipe d’histoire ancienne et de protohistoire du professeur Pierre Lévêque. Ses travaux sont largement inspirés, d’un point de vue méthodologique, par ceux de F. Braudel (1969) et G. Barraclough (1980).

Christian VIVIER (Université de Besançon) Christian Vivier a soutenu une thèse de doctorat en STAPS intitulée "L’aventure

canotière, du canotage à l’aviron - Histoire de la Nautique bisontine (1865-1930)". Ses recherches portent sur :

- histoire du sport en Franche-Comté (XIXe-XXe siècles) - histoire de l’éducation physique et plus particulièrement des manuels d’EP (XIXe-

XXe siècles). - réflexion méthodologique sur l’histoire de l’EP et des sports.

André RAUCH (Université de Strasbourg)

17 Il est titulaire d’une maîtrise en sciences de l’éducation obtenue à l’université de Lyon 2 en 1986. 18 Extrait de l'Habilitation à Diriger des Recherche in HDR, 18.

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André Rauch est Docteur ès Lettres et Sciences Humaines dont la thèse de Doctorat d’Etat (sciences de l’éducation) a pour titre : "Le corps, territoire d’un impératif culturel. Histoire d’un questionnement" (Paris 1981).

Si André Rauch interroge avec maestria dans ses travaux le corpus historique des sports et de l’éducation physique, c’est toujours avec, en filigrane, une perspective "morale" (au sens philosophique). Il y a en effet toujours une "leçon" à retenir de l’histoire et André Rauch est particulièrement habile à nous la faire découvrir19.

Cette façon d’aborder l’histoire, qui voisine tantôt avec les méthodes de l’anthropologie, tantôt avec celles de la philosophie ou de l’épistémologie, non seulement caractérise les recherches d’André Rauch, mais inaugure aussi un "style", une "école".

Gilbert ANDRIEU (Université de Bordeaux II) Gilbert Andrieu inscrit ses recherches dans le droit fil de celles de son maître, le

professeur Jacques Thibault (┼), notamment en ce qui concerne son approche de l’histoire de l’éducation physique20. Ainsi qu’il aime à le répéter, "faire l’histoire de l’E.P., c’est un peu faire l’histoire de toutes les histoires, ne serait-ce que pour mieux pénétrer la nature des influences : histoire politique, histoire militaire, histoire des sciences et de la médecine, histoire des religions et des idées, histoire des arts, histoire des techniques..."21. Et on trouve cette conception de l’histoire "totale" mise en œuvre dans chacune de ses publications et en particulier, dans sa thèse de Doctorat d’Etat "l’Homme et la Force" (soutenue le 24 janvier 1987).

Jean-Louis GAY-LESCOT (Université de Bordeaux) Jean Louis Gay-Lescot est Docteur en Histoire Contemporaine. Sa thèse,

"L’Education Générale et Sportive de l’Etat français de Vichy (1940-1944)", (université de Bordeaux 1988) fait suite à une thèse de doctorat de 3e cycle, en Histoire contemporaine également, ayant pour titre : "Le développement du mouvement associatif sportif et de l’éducation physique en Ile et Vilaine de 1870 à 1939" (université de Rennes 1985).

Gérard BRUANT (Université de Toulouse III) Les travaux historiques de Gérard Bruant portent principalement sur l’histoire des

techniques sportives et en particulier les techniques athlétiques. Spécialiste des méthodes de la psychosociologie, Gérard Bruant explore aussi le champ de l’histoire sociale, cette spécialité donnant à ses travaux de recherche historique un éclairage anthropologique.

Bibliographie AMAR M., Nés pour courir, Grenoble 1987

19 J’en veux pour preuve cet exemple emprunté à l’introduction de son ouvrage Le corps en éducation physique : "le récit qui suit n’est donc pas tout à fait neutre : il voudrait montrer la prégnance d’une situation tellement dominante qu’elle disqualifie ceux qui viseraient à l’attaquer globalement ou qui, au lieu d’amener le renversement souhaité, réactivent le révolu. Ce n’est pas bénir l’entraînement moderne que d’en révéler les fondements solides ; c’est à l’inverse, fournir une arme à ceux qui s’emploient à le reconquérir", 12. 20 Il rappelle son amitié et son admiration pour Jacques Thibault dans l’épitaphe qu’il lui dédie, Il était un ami, au début de son ouvrage Enjeux et débats en E.P. : une histoire contemporaine, avril 1992. 21 In Andrieu G., L’EP au XXe siècle : une histoire des pratiques, Les cahiers de l’EPS, Joinville le Pont, Actio, 1990, 11.

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ANDRIEU G., La culture physique - Textes choisis et introduits par G. ANDRIEU (Bibliographie d’Ed. Desbonnet; Bibliographie et textes du début du siècle), Nanterre, Centre de Recherches en STAPS, UFR STAPS Paris X, 1987

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Page 158: Sciences Du Sport 1998

Otto J. Schantz et Eva C. Trumpp

THEMATIQUES DE L'HISTORIOGRAPHIE DU SPORT EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE (1980-1990).

UNE COMPARAISON INTERCULTURELLE

Otto J. Schantz et Eva C. Trumpp

Cette étude quantitative est une comparaison de l'historiographie du sport entre la France et l'Allemagne pour la période allant de 1980 à 1990. Son objectif est de montrer dans quelle mesure le choix des sujets dépend des influences culturelles. Le contenu d'un total de 656 publications a été analysé. La plupart de ces publications ont été écrites par des historiens du sport. Les publications des historiens qui ne sont pas originaires des sciences du sport ont été prises en considération si celles-ci sont publiées dans des revues spécifiques aux sciences du sport. Les méthodes appliquées sont essentiellement des méthodes quantitatives. Les résul-tats montrent des différences culturelles. La discussion de ces résultats tient compte des cau-ses institutionnelles, politiques et historiques.

1. But de la comparaison interculturelle

Le travail suivant est une étude quantitative, qui, dans le cadre d'un projet plus vaste, a comme objectif de comparer les thématiques de recherche de l'histoire du sport en France et en Allemagne Fédérale pour la période de 1980 à 19901. Il nous semble qu'il y a trois raisons essentielles qui justifient les comparaisons de la production de recherche originaire de différentes cultures :

• du point de vue de la sociologie de la connaissance de telles comparaisons nous renseignent sur une éventuelle dépendance culturelle et contextuelle de la production scientifique ;

• d'un point de vue pragmatique elles donnent lieu à l'autoréflexion, aident à découvrir des faiblesses ou des points forts et ouvrent des perspectives pour des recherches futures ;

• sur le plan de la communication interculturelle elles représentent une contri-bution à la connaissance et à la meilleure compréhension de la production scientifique d'autres pays.

Les recherches en sciences sociales et en sciences humaines semblent, plus que les sciences naturelles2, dépendre du contexte institutionnel, politique et culturel dont elles sont issues, contexte qui varie selon la culture ou selon le pays (par exemple Galtung 1981; Schriewer & Keiner 1992; Bonss et al. 1993; Trumpp, 1995). D'éventuelles différences en ce qui concerne le choix thématique et la variété dans la production en histoire du sport, peuvent avoir leurs origines, par exemple, dans les différences historiques et institutionnelles qui exi-tent entre la France et l'Allemagne. Tandis que le système éducatif français est centralisé et toutes les unités de recherche en sport reçoivent des directives de Paris qui cadrent plus ou

1 Le texte suivant est basé sur les données d'une étude dont des extraits ont été présentés pour la première fois lors de la 9e conférence biennale de l'International Society for Comparative Physical Education and Sport en 1994 à Prague (Schantz & Trumpp 1995). 2 Si on considère selon Karin Knorr-Cetina (1991, 245) la science comme "une rationalité interprétative", les différences entre les sciences naturelles et les sciences humaines s'estompent car les deux construisent alors leur savoir sur la base des conditions théoriques liées à la culture et à la tradition (cf. aussi Gadamer 1965).

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Otto J. Schantz et Eva C. Trumpp

moins leurs actions, les instituts de sport allemands profitent en ce qui concerne leurs ensei-gnements d'une indépendance plus large, grâce au système éducatif fédéral.3

2. Etats des recherches Des recherches quantitatives sur la production de recherche en histoire du sport en France et/ou en Allemagne ne sont pas connues4. La plupart des tours d'horizon, des juge-ments ou des comparaisons de cette production sont basés sur les impressions et les connais-sances individuelles de spécialistes. Ces impressions subjectives sont très utiles pour juger le niveau d'une discipline. L'étude quantitative qui suit ne vise aucunement à discréditer de tels jugements d'experts, mais elle se considère comme une étude complémentaire qui, en ce qui concerne les thématiques de recherche, est plus exigeante sur les critères d'objectivité et de représentativité. Krüger et During décrivent dès 1987 les différents intérêts de recherche de l'histoire du sport et des activités physiques en France et en Allemagne. Selon eux, les axes principaux de la recherche des historiens allemands concernent la période du national-socialisme, les jeux olympiques modernes, le mouvement du sport ouvrier et la gymnastique. En France par contre, on se concentre sur l'histoire des institutions sportives, sur des aspects historiques de l'éducation, sur la santé et sur l'hygiène, le rôle des militaires et de l'armée et l'histoire de l'éducation physique dans le système scolaire français. Krüger (Krüger & During 1989) cons-tate que l'histoire du sport est une partie intégrale des sciences du sport5 allemandes, et qu'elle est beaucoup moins considérée comme partie des sciences historiques générales.6 En France par contre l'histoire du sport est, selon During, plus liée à l'historiographie sociale et politique (Krüger & During 1987). Arnaud (1988) souligne la variété des sujets de l'historiographie française du sport français des années 1980. A coté du thème central qui est l'éducation physique, des recherches ont été effectuées sur "les spécialités sportives, le sport scolaire, le sport militaire, le sport corporatif ou travailliste..." (1988, 475), Arnaud constate aussi que dans ces écrits qui se limi-tent essentiellement au XIXe et au début du XXe siècle "l'histoire politique semble prendre le pas aujourd'hui sur l'histoire de l'éducation ou l'histoire sociale" en démythifiant l'essence "soi-disant a-politique du sport" (1988, 475). Pour l'histoire du sport en Allemagne, Langenfeld (1989, 90; 1992, 433) énumère en-tre autres les sujets suivants sur lesquels il faudrait faire davantage de recherches : "des pério-des et sections ou des sujets négligés dans l'histoire du sport récente ou contemporaine [...] comme l'histoire régionale ou locale, l'époque de Bismarck, les guerres mondiales, la Répu-blique de Weimar, le sport aristocrate, le sport à l'entreprise, le journalisme sportif, le sport

3 Vers la fin des années 1980, on comptait 24 instituts universitaires de sciences du sport (U.F.R. - S.T.A.P.S.) en France et 55 en Allemagne. Actuellement il y en a 31 en France (en septembre 1996). Due à l'unification allemande le nombre des instituts de sciences du sport a augmenté considérablement en Allemagne après 1990. 4 Arnaud (1988, 480-483) fait une analyse statistique des productions en histoire de sport pour la période de 1981 à 1987, mais cette analyse se limite sur les deux variables qui sont l'origine institutionnelle des auteurs et le type de texte (thèse, livre, article de revue etc.). 5 Nous utilisons ici le terme de sciences du sport pour désigner les S.T.A.P.S. (Sciences et techniques des activi-tés physiques et sportives) car ce terme est utilisé en Allemagne (au singulier et au pluriel) et de plus en plus aussi en France quand on s'adresse à la communauté scientifique internationale. Le champ sémantique du terme sport est en général plus large en langue allemande qu'en langue française. 6 D'après Langenfeld (1987), ce sont entre autres des raisons d'organisation qui font que l'histoire du Sport fait partie des sciences du sport (analogue à l'histoire des sciences, l'histoire d'art, l'histoire de la littérature etc.), car les sciences historiques seraient incapables de gérer une telle différenciation.

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professionnel, les équipements sportifs, le financement du sport, des familles de sport (comme le sport d'hiver, le tourisme, le sport automobile, l'aviation etc.)"7. 3. Méthode

Pour des raisons d'opérationalisation pragmatiques, nous avons choisi la nation comme critère de différenciation culturelle (Dieckmann 1970, 27-29). Le choix de la période sur laquelle porte notre étude (1980 - 1990) se justifie par l'évolution spécifique des sciences du sport dans les deux pays. Les sciences du sport en France sont une discipline jeune et il en est de même avec l'histoire du sport. C'est à la fin des années 1970, début des années 1980 que les sciences du sport commencent à s'établir en intégrant l'université et en fondant en 1980 la revue STAPS 8, qui se veut interdisciplinaire et veut couvrir toute la diversité de la discipline. Depuis 1982 il y a la possibilité d'obtenir le doctorat en S.T.A.P.S.. Au début des années 1990, le paysage des sciences du sport en Allemagne change considérablement, suite à l'unification des deux Allemagnes. C'est pourquoi l'année 1990 peut être considérée comme césure pertinente. Les banques de données Heracles et Sportdokumentation ont servi comme bases pour la sélection de notre corpus. Le dépouillement de banques de données pour les sciences hu-maines et les sciences sociales (par exemple Francis) compléta ces recherches. Au total 656 publications couvrant la période de début 1980 à la fin 1990 ont été in-clues dans notre corpus. Nous avons tenu compte des travaux des auteurs qui n'ont pas de formation S.T.A.P.S., uniquement, s'ils travaillent dans un département de sport ou si leur travail a été publié dans un périodique, un recueil ou des actes de congrès publiés dans le do-maine des S.T.A.P.S..9 Par contre, les productions des auteurs originaires des S.T.A.P.S. pu-bliées dans des périodiques ou des recueils d'autres provenances que les S.T.A.P.S. figurent dans notre corpus. Une grille d'analyse de contenu servait pour analyser les différentes publications. Le classement en catégories se faisait à l'aide du texte intégral ou des résumés. Après le calcul des différents paramètres statistiques descriptifs, le test de chi-deux fut appliqué afin de tester l'influence du facteur de "culture" sur les variables dépendantes. 4. Résultats

Avec 435 travaux, le nombre des publications scientifiques allemandes est presque deux fois plus élevé que celui des productions françaises (221). Dans la deuxième moitié de la période analysée le nombre des publications augmente considérablement, plus en Allemagne qu'en France. Le pourcentage des monographies publiées par des historiens du sport allemands est particulièrement important, (D 23% vs. F 11%), les historiens français privilégient les publi-cations sous forme d'article (F 37% vs. D 28%; p = .001). Tandis que la production allemande comprend six bibliographies et un manuel d'histoire, aucun texte de ce genre ne se trouve dans le corpus français. 7 Traduit par les auteurs. 8 Acronyme pour les sciences du sport françaises : Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. 9 En raison d'un manque de critères précis pour classer des travaux comme étant des travaux d'histoire du sport, nous avons décidé d'adopter cette définition opérationnelle, autrement une différenciation entre travaux en his-toire sociale générale par exemple et histoire de sport n'aurait pas pu être possible. (Quels critères appliquer à des travaux concernant les soins du corps ou l'hygiène pour les considérer oui ou non comme travaux d'histoire de sport ?).

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Les auteurs français publient presque exclusivement dans leur langue maternelle (99,5%); les historiens allemands, par contre, ont publié 5,5 % de leurs travaux en anglais et 1,1 % en français (p = .001). Dans les deux pays la plupart des travaux ne sont signés que par un seul auteur (D 91,3% vs. F 94,1%). Avec 11,4 % le taux de femmes parmi les auteurs est deux fois plus élevé en Allemagne qu'en France (5,4%; p = .037). La plupart des textes français traitent des périodes après 1800 (plus de 80%), tandis que les intérêts des chercheurs allemands sont repartis plus régulièrement sur les différentes époques (p < .001) : Epoque Pourcentage du corpus

français Pourcentage du corpusallemand

Antiquité,

(dont l'antiquité grecque)

2,1%

(1,8%)

8,5%

(6,2%)

Moyen-âge et Renaissance 6,3% 6,2%

Le XIXe et le XXe siècles 42,5% 25,1%

Uniquement le XIXe siècle 9,5% -

Uniquement le XXe siècle 14,9% 12%

Le XXe siècle avant Vichy ou avant 1933

6,3% 11,5%

La période de Vichy-ou la période du national-socialisme

1,4% 7,8%

La période après 1945 7,7% - Tableau 1 : Comparaison des taux des époques traitées Dans les deux pays les quatre thèmes principaux sont : histoire de l'E.P.S., l'histoire de sports spécifiques, des études biographiques (surtout Coubertin en France et Jahn et Diem en Allemagne) et l'histoire du sport en général. Pourtant les taux de ces quatre sujets sont signifi-cativement différents en France et en Allemagne (p < .001) : plus de 22,2 % des textes fran-çais concernent l'histoire de l'E.P.S. mais le pourcentage des travaux traitant de ce thème est de moitié moins élevé chez les chercheurs allemands (D 10, 3 %) ; 6,9% des publications en allemand portent sur la gymnastique par contre seulement 1,8 % des productions françaises. De même l'intérêt pour les Jeux olympiques modernes (8,5 %) et antiques (1,8 %) est nette-ment plus prononcé en Allemagne qu'en France où le taux des travaux sur les Jeux de l'Anti-quité est deux fois moins élevé (0,9 %) ; les Jeux modernes suscitent encore beaucoup moins d'intérêt chez les historiens français (1,8 %) que chez leurs collègues de la RFA. Des diffé-rences évidentes se trouvent aussi pour les travaux sur le mouvement sportif ouvrier (D 7,1% vs. F 3,6%) et le sport des femmes (D 4,8% vs. F 1,8%). Pour les deux sujets le taux de publi-cations est le double en Allemagne par rapport à celui de la France.

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EPSdiff. sports

personnalitéssport en gén.

J.O. modernessport ouvrier

politiquegymnastique

0 5 10 15 20 25

%

FD

Figure 1 : Pourcentage des huit thèmes les plus représentés dans les publications

allemandes (D) et françaises (F) en histoire du Sport (1980-1990). Les auteurs français se concentrent sur l'historiographie nationale, uniquement 13,2% des travaux portent sur des sujets dépassant les frontières nationales, contrairement à 35,4% des études des chercheurs allemands (p = .000). L'intérêt pour l'histoire régionale est similaire dans les deux pays (D 13,3% vs. F 12,7%). 5. Discussion des résultats Il est évident que l'histoire française du sport se concentre sur l'évolution de l'E.P.S. dans les deux derniers siècles. Bien que Naul (1990) pense constater une renaissance de l'his-toire de l'éducation physique scolaire en Allemagne, nos données montrent une répartition plus régulière des thèmes et des époques dans la recherche en histoire du sport en Allemagne. Les réalités politiques et institutionnelles des deux pays peuvent nous livrer des explications possibles concernant ces différences. Tandis que la formation des professeurs de collèges et de lycées se limite sur une ma-tière, les professeurs de sport allemands doivent enseigner au moins une ou souvent plusieurs matières supplémentaires. Les historiens du sport allemands ont alors en général réalisé des études universitaires en histoire. Cette formation explique peut-être que le nombre de ceux qui travaillent sur les périodes avant le XVIIIe siècle est plus important en RFA qu'en France. Le travail avec des textes en langues anciennes et d'autres sources anciennes demande une formation spécifique. Ceux qui ne possèdent pas cette formation sont plus ou moins limités à travailler sur l'histoire récente. Mais comme en Allemagne la formation des professeurs de lycées se concentre sur l'histoire récente, les études sur les activités physiques du Moyen Age ou de l'Antiquité n'y sont pas légion, bien qu'elles soient toujours nettement plus importantes qu'en France (Krüger 1990, 265). L'intérêt particulier que les historiens français affichent pour l'éducation physique du XIXe et XXe siècle peut s'expliquer par leurs obligations d'enseignement, dont fait partie la préparation au C.A.P.E.P.S. (Certificat d'Aptitude Professionnel en Education Physique et Sportive) et à l'agrégation en E.P.S.. Un écrit de ces concours porte depuis 1983 obligatoire-ment sur des aspects historiques de l'éducation physique en France (Arnaud 1988, 470; Néau-met 1993). Tout naturellement les cours destinés à la préparation des concours mettent l'ac-

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cent sur cette thématique. Il est compréhensible que beaucoup d'historiens français orientent leurs recherches sur ces thèmes, soit par intérêt réel ou par opportunisme, un motif qu'il ne faudrait pas sous-estimer dans le processus de la recherche. Or, il n'est pas étonnant qu'une certaine dynamique inhérente se développe qui mène à une production accrue dans le do-maine de l'éducation physique des temps modernes. Toutes les raisons énumérées précédemment font que les études sur les activités phy-siques du Moyen Age ou de l'Antiquité sont presque exclusivement le ressort des historiens qui ne sont pas originaires des S.T.A.P.S. Quand, lors des années 1960, les historiens allemands ont commencé à s'occuper de la période national-socialiste, leurs collègues des sciences du sport s'attaquaient au rôle du sport de cette période (Ueberhorst, 1990; Bernett, 1992). Depuis, le sport n'était plus considéré comme un phénomène soi-disant apolitique. Tandis que ce thème fut traité en Allemagne avec un attrait croissant, des publications sur le rôle du sport pendant la période de Vichy restaient rares. Ce n'est que depuis les procès de crime de guerre contre Barbie et Touvier que le pu-blic français s'intéresse vraiment à cette époque. Il y a certainement plusieurs raisons qui ex-pliquent que les historiens du sport négligeaient ce sujet durant les années 1980. Le soi-disant syndrome de Vichy10 peut être considéré comme une de ces raisons. Longtemps on a eu du mal à faire une analyse critique de cette époque et ses aspects peu glorieux (Hellmann 1996; Conan et Rousso 1994)11. Une autre raison, qui n'est pas tout à fait indépendante de la pre-mière, est l'accès difficile aux documents d'archives de cette période, dû à une législation plus restrictive et à des règlements internes souvent plus opaques qu'en Allemagne (Combe 1994; Greilsamer, de Roux 1996; Oldenhage 1985; 1986).12

Le nombre important de publications françaises concernant les activités physiques et sportives locales, et la sociabilité dans les clubs sportifs, reflète la tradition anthropologique de l'Ecole des Annales (Bourdé et Martin, 1983; Süssmuth, 1984) dans l'historiographie fran-çaise. Au cours des années 1980, l'intérêt pour l'histoire du sport régionale et locale augmenta considérablement en Allemagne. Mais bien que de tels travaux soient rédigés en grand nom-bre chaque année, la plupart d'eux n'ont pas pu être pris en considération pour notre analyse, car ils sont le plus souvent l'œuvre d'autodidactes sans formation universitaire en histoire ou en sciences du sport et ne se trouvent que, rarement, dans des publications des S.T.A.P.S.. Et pourtant ces travaux sont souvent d'une grande qualité ; utilisant "à la fois les points de vue de l'histoire sociale et de l'histoire politique", elles témoignent "d'une connaissance détaillée des faits". (Krüger 1990, 38). Pierre Arnaud explique le fait qu'en France les historiens du sport ne publient que ra-rement des monographies par la prudence des éditeurs qui n'aiment pas s'aventurer sur un terrain qui manque de reconnaissance officielle. (Arnaud et Chartier, 1988). L'historien français Marcel Spivak (1980, 19) disait de l'historiographie du sport alle-mande "qu'elle piétine et vit en vase clos" et qu'elle se limite sur un "cercle étroit de spécialis-tes". C'est plutôt au niveau l'histoire du sport français que nous avons pu constater un renfer-mement sur le plan national dans les années 1980. Le manque de productions en langues étrangères semble être symptomatique en raison de la politique de francophonie encouragée 10 Dans un livre portant ce titre Henry Rousso (1987) écrit l'histoire de la mémoire de Vichy. 11 Les historiens allemands ont, par rapport à leurs collègues français, relativement tôt commencé à travailler sur la période du national-socialisme. Pourtant, il leur fallait un certain temps d'hésitation. En ce qui concerne l'his-toriographie de la République Fédérale de l'Allemagne, Wolfgang Benz constate "que les historiens des univer-sités affichaient une grande réserve dans les premières années [après 1945, annotation des auteurs] qu'ils ne sortaient de cette réserve que très tard, dans les années 1960 ou même encore plus tard." (Benz 1992, 16). 12 Nous remercions Dr Thomas Trumpp, directeur des Archives fédérales de l'Allemagne, qui nous a donné des renseignements précieux concernant ce problème.

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par le gouvernement (E.g. Cerquiglini, 1992). Il y a des spécialistes de la communication qui pensent que dans certaines disciplines de sciences sociales et sciences humaines la recherche française est menacée d'isolation, si elle ne réussit pas à vaincre sa résistance contre l'anglais comme lingua franca (Skudlik, 1990, 105 et 159). Bien que notre corpus ne soit pas exhaustif, nous pensons qu'il peut quand-même être considéré comme représentatif pour la période analysée. La catégorisation en thèmes a quel-quefois posé des problèmes, vu le fait que certaines productions couvrent plusieurs thèmes. D'autre part, il faut dire que les périodes historiques ne sont pas toujours identiques dans les deux pays. Mais elles furent choisies de manière à représenter une équivalence fonctionnelle. Malgré ces limites nous pensons que notre analyse illustre bien quelques différences entre l'historiographie du sport en France et en Allemagne qui sont dues à des situations cultu-relles spécifiques qui distinguent les sciences du sport et l'histoire du sport dans les deux pays. Cette étude essentiellement quantitative demande bien sûr un approfondissement quali-tatif qui est en cours de réalisation.

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POUR EN SAVOIR PLUS SUR L'EDUCATION PHYSIQUE ET LE

SPORT EN ALLEMAGNE

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Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

EDUCATION PHYSIQUE ET SPORT EN ALLEMAGNE : ORGANISATION ET ORIENTATIONS

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein 1. Eléments socio-politiques différenciant l'Allemagne de la France

La République Fédérale d'Allemagne est un état constitutionnel, démocratique, parlementaire qui est organisé sous le modèle fédéral. L'aspect distinctif par rapport à l'état français est la structure fédérale qui ne peut être modifiée par aucun amendement à la constitution. Ses régions (Länder), entités de la structure fédérale, sont au nombre de 16 depuis la réunification. Elles possèdent toutes les éléments constitutifs d'un état et détiennent leurs droits souverains que d'elles-mêmes. La constitution et les limites de ces régions se sont réalisées au cours de l'histoire de ce pays depuis le moyen âge jusqu'à la période contemporaine.

La république fédérale (Bund) s'attache à promouvoir le fonctionnement de ses institutions sur un fond d'unité idéologique parfaitement adapté au jeu démocratique. Les fondements de la république fédérale sont exprimés par la loi fondamentale (1949) qui accorde une large part aux institutions constitutionnelles. La constitution donne au Bund le droit de législation exclusif dans une dizaine de domaines, en particulier ceux des affaires étrangères, de la nationalité, de la monnaie, ceux des transports (chemin de fer, trafic aérien) et le sport de haut niveau national et international. Les Länder sont compétence pour légiférer dans une vingtaine de domaines dont le droit (droit civil, droit général) et l'organisation judiciaire, le développement de la recherche scientifique.

L'autonomie des Länder est complète dans le domaine de l'éducation, de la culture et du sport (sport de masse et sport de haut niveau régional). Il n'y a pas de ministère fédéral de l'éducation correspondant à la définition et aux attributions du Ministère de l'Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie. Les ministres de l'Education et des Affaires Culturelles des différents Länder sont, en tant qu'autorité de tutelle compétents pour l'administration du système scolaire. C'est aux Länder que reviennent la plupart des prérogatives et des responsabilités en matière d'éducation. Les instances de coordination sont la Conférence permanente des ministres, simple secrétariat sans réel pouvoir, et à celle-ci s'ajoute, dans le domaine universitaire, la Conférence des recteurs.

Le sport dans les Länder est rattaché à l'éducation et relève du même ministère. Au sein de la conférence permanente, une commission a été mise en place depuis 1975. Cette commission a pour fonction de coordonner afin d'assurer une cohérence au développement du sport dans les différents Länder en s'appuyant sur les échanges réguliers d'informations, d'idées et d'expériences et sur l'élaboration de propositions, de recommandations et de directives. Elle laisse à chaque état l'initiative et la souveraineté dans la détermination et la mise en place de politique sportive.

La France, malgré les évolutions depuis les lois de décentralisation, demeure très largement centralisée comparée à l'Allemagne. L'éducation apparaît comme un domaine révélateur des différences entre les deux pays qui recoupent des aspects politiques, administratifs et culturels. L'objet de ce chapitre consistera moins à décrire le système éducatif, en rapport avec le sport et l'éducation physique que de caractériser les éléments singuliers et les évolutions constatées dans le système éducatif en Allemagne. S'il est, hélas, trop souvent constaté en France que les réformes du système éducatif se succèdent sans pour autant régler les problèmes soulevés, constate-t-on ces mêmes effets récurrents en Allemagne ? Peut-on parler d'un modèle éducatif allemand ?

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Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

2. Les acteurs politiques du développement sportif

Une forte dynamique caractérise le développement sportif en Allemagne. L'importance des demandes en matières d'animation et d'équipements sportifs ne faiblit pas depuis plusieurs décennies. Elle a cristallisé une participation actives des collectivités et des individus et a induit une mise en commun des ressources et des volontés. Le gouvernement fédéral, ceux des Länder, les municipalités, les milieux industriels, les sociétés de pari et de jeux apportent au développement du sport une contribution majeure. Néanmoins, les organisations du sport allemand conservent une très large indépendance tout en tirant bénéfice de puissantes collaborations.

Le gouvernement fédéral encourage les différentes initiatives servant l'éducation physique et le sport dans le respect de l'administration autonome du sport (Deutscher Sportbund, DSB) et des prérogatives des Länder. Il finance un certain nombre d'actions et réalise des projets dans le cadre du ministère de l'intérieur. Les gouvernements des Länder ont une part prépondérante dans l'administration publique du sport et assurent un soutien financier majeur. Au niveau des municipalités, quatre groupements (conseil des villes, union des villes, conseil de districts, conseil des communes) et les communautés de travail au sein des offices des sports constituent une force agissante aux plans des échanges d'idées, d'expériences et d'initiatives ainsi que par les réseaux mobilisés. Le mouvement sportif civil constitue un interlocuteur puissant, indépendant et fortement décentralisé qui repose sur des structures situées à différents niveaux : associations, fédérations, ligues des Länder groupés au niveau fédéral au sein de la ligue allemande des sports (Deutscher Sportbund, DSB). L'importance sociale et culturelle du sport traditionnel en Allemagne a incité les milieux industriels à apporter une contribution importante et régulière au mouvement sportif. 3. Quelques repères sur le système éducatif.

Pour comprendre l'originalité du système éducatif allemand, il est nécessaire de le replacer dans l'histoire politique de l'état allemand. La création de zones, de frontières a entraîné, au cours de l'histoire, un morcellement des initiatives et une diversité de conceptions. Cet état de fait s'est traduit jusque dans la loi fondamentale de la république fédérale qui stipule dans l'article 7 que l'enseignement dans son ensemble est du domaine de la souveraineté culturelle des Länder. Plusieurs aspects sont caractéristiques : - la décentralisation qui a généré pratiquement une législation scolaire particulière par

Länder, - une volonté de coordination affirmée par la conférence permanente des ministres de

l'éducation des Länder afin de sauvegarder l'unité de la culture, - l'entité éducation et confession qui prévaut encore de nos jours.

Ces éléments suscitent deux commentaires. L'autonomie des Länder ne permet que de donner une vision générale du système éducatif qui se veut une généralisation prudente étant donnée l'existence de différences sensibles entre les Länder.

La place légale de l'enseignement religieux donne un sens particulier à la terminologie école privée. Il y a deux formes d'écoles en Allemagne : les écoles d'Etat et les écoles privées. L'Allemagne n'a pas connu la même "guerre d'école" (privé-public) que la France au début de ce siècle. Actuellement, plus de 90 % des écoles sont des écoles d'Etat. Les écoles privées sont subventionnées par l'Etat, elles reçoivent plus de 90 % der leur budget par l'Etat. Toutes les écoles se trouvent sous la tutelle des Ministères de la culture des différents Länder. La coordination nécessaire (et minimale dans un pays fédéral) est procurée par la conférence des représentants des ministères de la culture (KMK). Cette conférence a installé une commission

192

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Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

193

qui s'occupe de l'éducation physique et du sport. Il n'existe pas de curriculum prescrits par le gouvernement de Bonn, chaque Länd élabore ses curriculum.

2.1. La structure du système scolaire

Le système scolaire comprend 3 cycles : le cycle primaire, le cycle secondaire I, le

cycle secondaire II. La figure 1 présente l'organisation des études en France et en Allemagne. Le cycle primaire se déroule de la première à la quatrième classe (6 à 10 ans). La

scolarité obligatoire a été introduite en 1920. L'objectif principal de l'éducation à l'école primaire qui consiste à développer la personnalité de tout écolier quel que soit le milieu dont il sort n'est que partiellement atteint.

Le cycle secondaire I va de la 5ème à la 10ème classe (11 à 16 ans). Il comporte 3 catégories d'établissements : Hauptschule, Realschule et Gymnasium, quelques fois regroupés en une seule unité (Gesamtschule) dans certains Länder. Il y a, en plus, des écoles spécialisées pour des handicapés.

Dans les écoles primaires comme dans le secondaire I les élèves sont regroupés par classes, la moyenne est de 25 élèves. Les classes sont très stables. Un changement n'est fait que dans les cours de religion et assez souvent dans les cours d'EPS. Les classes sont suivies plusieurs années de suite par les mêmes enseignants. Il s'établit des liens étroits entre les élèves, mais aussi entre ceux-ci et leurs enseignants qui les connaissent relativement bien. Cette situation favorise l'installation d'un climat favorable et un suivi plus aisé. Dans les établissements de l'école primaire comme dans le secondaire I, chaque classe a sa propre salle dans laquelle elle restera pendant des années. Les enseignants changent de salle, pas les élèves.

Avec la diminution des effectifs pendant les années 80, l'échec scolaire s'est raréfié parce que les écoles essayaient d'avoir un maximum d'élèves pour ne pas perdre des postes d'enseignants et pour ne pas mettre en jeu l'existence de l'établissement. L'échec scolaire était évité au prix d'un certain nivellement par le bas.

L'atout du système scolaire allemand est l'enseignement professionnel (Duales System). La plupart de ceux qui ne suivent pas un cursus dans un lycée (en vue d'obtenir le bac ou Abitur) apprennent un métier. Ils passent environ 3 ans comme apprenti. Pendant ce temps-là, ils suivent des cours à l'école d'apprentissage à temps partiel (le système dualiste allemand). L'école professionnelle à temps partiel est obligatoire pour tous les jeunes de moins de dix-huit ans qui ne fréquentent pas d'autres écoles. La fréquentation est obligatoire même si les jeunes ne sont pas en apprentissage. L'apprentissage en RFA se fait surtout à l'atelier où le jeune reçoit une formation pratique. En moyenne, l'enseignement dans les écoles d'apprentissage à temps partiel est étalé sur huit heures par semaine. Neufs apprentis sur dix en RFA sont formés dans les trois grands secteurs : industrie, commerce et artisanat.

Le cycle secondaire II est composé des classes terminales (11ème à 13ème classe), appelé "Gymnasiale Oberstufe" (classes supérieures des lycées). La durée totale de la scolarité jusqu'au bac est de 12 ans pour les filières rapides et de 13 ans pour les filières lentes.

Le système d'évaluation comporte des singularités par rapport au système français. Il comporte des contrôles continus pendant l'année avec deux relevés par an. Les notes données vont de 1 à 6 à l'école primaire1 et dans le secondaire I. En ce qui concerne le secondaire II,

1 Toutefois, les élèves de 6 à 8 ans ne reçoivent pas de notes, mais un jugement global.

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(Hochschulen) Durchschnitts- (Fachhochschulen) ABITUR alter: (Fachhochschulen)

Lehrabschlußzeugnis

1319

(Grandes Écoles) Bac

(Universités) BTn BT

DUALES SYSTEM

(Lehre+Berufsschule)

1218

Terminale

BEP (2ans) CAP (3ans)

Oder Berufsfachschule Mittlere Reife

1117

1 re LYCÉE LYCÉE CAP CFA

z.B. 10. Haupt schuljahr Abschlußzeugnis d. Hauptschule

1016

2 e PROFESSIONNEL

915

3 e cycle d'orientation

CPA

814

4 e cycle d'orientation CPPN

713

5 e cycle d'observation COLLÉGE

in SPD-Ländern

ORIENTIERUNGSSTUFE6

12

6 e cycle d'observation

Auch „FÖRDERSTUFE“ 5

11

CM2 cycle moyen

410

CM1 cycle moyen

GRUNDSCHULE 3

9

CE2 cycle élémentaire ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE

28

CE1 cycle élémentaire

17

CP (cycle préparatoire)

(Kindergarten) 6

ÉCOLE MATERNELLE

5

Figure 1 : Comparaison des étapes du système scolaire en France et en Allemagne

G E S A M T S C H U L E

G Y M N A S I U M REAL-

SCHULE

FA C H GY MN A S I U M

Fach- ober- schule

HAUPT- SCHULE

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Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

les évaluations se distribuent entre 15 et 0 points. Toutes les notes des classes 12 et 13 comptent pour le baccalauréat. Le bac consiste en des épreuves écrites et des oraux.

L'enseignement se déroule entre 8 heures et 13 heures presque exclusivement le matin, ci-inclus le samedi (un samedi sur deux est libre). Les élèves des écoles primaires ont entre 20 et 25 cours de 45 minutes, les élèves du secondaire entre 30 et 32 cours. Toutes les matières dites importantes sont enseignées quatre à six fois par semaine, les autres 2 à 3 fois par semaines comme l'EPS.

3.2. Ecoles privées

La plupart des écoles privées sont des écoles de confession catholique ou protestante. Parmi les écoles privées, il faut mentionner également les Waldorf-Schulen (école de Waldorf), fondées par Rudolf Steiner (1861-1925), le père de l'anthroposophie. L'anthroposophie est une théorie concernant l'entité de l'homme par une approche spirituelle. La pédagogie de l'anthroposophie repose sur quelques particularités. Les matières dites secondaires ou moins importantes dans les écoles publiques ont une grande importance dans les écoles Waldorf, par exemple l'art, les travaux pratiques comme la menuiserie, le jardinage. L'éducation physique se déroule en partie sous le nom d'eurythmie : expression de contenus spirituels par un langage corporel. L'enseignement est organisé par semaines et ateliers. Il n'y a pas de notes jusqu'à la fin du secondaire II.

3.3. Quelques caractéristiques du système éducatif allemand

L'éducation reste de la responsabilité de la famille, la responsabilité de l'école est plutôt centrée sur l'instruction. Il ne faut pas commencer l'instruction trop tôt, c'est pourquoi il n'y a pas de scolarité avant l'âge de six ans. D'après la législation allemande, l'influence des parents est très grande dans le système éducatif. Leurs représentants ont des places dans le conseil de l'école, ils peuvent bien surveiller et influencer le fonctionnement de l'établissement.

La durée des séquences pédagogiques est de 45 minutes séparées par des pauses de 5 minutes. La matinée est entrecoupée par deux pauses: vingt minutes entre le troisième et le quatrième cours, dix minutes entre le cinquième et le sixième cours. On peut discuter la durée de ces cours dans des matières comme l'EPS, le dessin ou la musique. Dans les matières théoriques comme les langues ou les mathématiques, il semble que lors des cours de 45 minutes l'attention des élèves soit plus soutenue et la fatigue de l'enseignant bien moindre.

La formule allemande permet, en principe, de libérer tout l'après-midi mais quelques cours se déroulent parfois. Ceux-ci sont réservés aux activités personnelles des élèves et à leurs devoirs. Parfois, il y a une certaine offre d'activités faite par l'établissement telles que les activités sportives. Dans plusieurs matières, les enseignants demandent des devoirs qui doivent être réalisés en dehors du temps scolaire. Le sport et surtout le sport de compétition restent le domaine des clubs qui s'en occupent mais assez souvent des moniteurs et des entraîneurs non formés interviennent pour l'entraînement des jeunes. 4. L'éducation physique et le sport à l'école

Les aléas de l'histoire, les préjugés, l'évolution économique et sociale ont constamment obligé l'éducation physique à réaffirmer sa place dans le système éducatif, bien qu'elle est bénéficiée d'une situation favorable durant le 3ème Reich tant du point du volume horaire (4 heures d'EPS avant 1939) que de son statut (l'EPS occupait une place notoire dans l'évaluation). L'éducation physique a bénéficié pendant les années 1960 à 1980 d'une position

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favorable suite à de nombreux travaux scientifiques montrant l'apport de l'éducation corporelle à l'éducation. Si l'opposition universitaire s'est faite plus discrète, ce sont les compressions budgétaires qui mettent à l'ordre du jour l'intérêt de l'éducation physique. Ce n'est qu'à partir de 1955, que les Länder ont été sensibilisés à l'importance de l'éducation physique dans la scolarité (Mémoire du DSB). A partir de cette date, les différentes instances ont collaboré pour définir de façon plus précise la place de l'éducation physique dans le concept d'éducation (Bildung). De cette confrontation sont nés des propositions sur : - les masses horaires réservées à l'E.P dans l'horaire général, - la prospection, la formation et le perfectionnement d'enseignants d'E.P.S qualifiés, - l'encouragement à la construction d'installations sportives, - la collaboration écoles-clubs.

4.1. Le Sportunterricht : l'enseignement du sport Dans les emplois du temps et les programmes, les différentes activités physiques

pratiquées à l'école sont englobées dans une appellation unique sport. Le Sportunterricht (enseignement sportif) a remplacé l'ancien "Leibeserziehung" (éducation physique) ou le Turnen (terme crée par Jahn). Cette substitution a pour conséquence que les termes "leçon de gym" ou "éducation physique" sont remplacés par le mot "sport" ou "enseignement sportif", malgré les difficultés qui résultent de ce choix terminologique. Les activités de base du sport scolaire sont l'athlétisme, la gymnastique aux agrès, la gymnastique, les jeux sportifs collectifs, la natation, et la danse. Un des buts de la réforme du curriculum sportif est d'offrir également d'autres disciplines sportives, en premier lieu celles qui ont une valeur particulière pour les loisirs et celles qui incitent les élèves à pratiquer le sport au-delà la scolarité. Il existe une tendance à introduire la mixité dans l'enseignement sportif, ceci à tous les niveaux. L'introduction d'un enseignement sportif aux horaires des écoles professionnelles se heurte à quelques difficultés; particulièrement dans les écoles professionnelles à temps partiel, le sport n'a pas encore trouvé sa place parmi les créneaux horaires prévus dans l'emploi du temps. L'après midi les élèves ont en général la possibilité de participer aux activités sportives organisées pour eux dans les unions et les clubs sportifs au niveau local. L'adhésion est obligatoire au club. Celle-ci coûte environ 18 francs par mois pour les moins chères et cela peut aller jusqu'à 1000 francs par an pour les activités les plus prestigieuses (par exemple : le tennis) et davantage pour le golf. Les clubs pour ces activités reçoivent des municipalités et des Länder des subventions de l'ordre de 10 francs par heure d'activité organisée pour un moniteur diplômé.

4.2. Programmes d'études en éducation physique

Les instructions officielles prévoient 3 cours de 45 minutes de sport par semaine mais en réalité plus de 70% des établissements n'effectuent que 2 cours de 45 minutes par semaine. En Bavière, 4 cours de 45 minutes sont de règle mais, aujourd'hui, deux cours sont assurés par des intervenants sportifs si l'emploi du temps le permet. Dans le primaire comme dans le Secondaire I, les activités pratiquées correspondent, dans l'ensemble, au contenu des programmes français. Pour le secondaire II, deux particularités méritent d'être signalées.

1. Dans certains établissements les élèves ont la possibilité de choisir le sport comme discipline optionnelle pour le baccalauréat. Dans ce cas, ils ont 6 cours d'EPS par semaine dont deux sont consacrées aux connaissances théoriques, et 4 à la pratique approfondie de différents sports. La théorie sportive fait alors partie intégrale des épreuves écrites du baccalauréat. Dans le "Leistungskurs Sport" (sport comme discipline optionnelle), la tendance vers une intellectualisation de l'enseignement, présente à tous les niveaux, est très manifeste.

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2. Dans la 12ème et la 13ème classes, les cours non optionnels se déroulent à partir d'un un mode de travail par centres d'intérêt, plus individualisé et différencié. Dans le "Kurssystem", les élèves peuvent faire un certain choix de programme.

S'il n'y a pas trop de différences entre les curriculum en Allemagne fédérale et en France, il faut noter quand même une différence avec l'ex-RDA. On a surestimé en France, le système sportif, l'éducation physique et les sciences sportives de l'ex-RDA. Comme la RDA voulait faire preuve de l'efficacité de son système politique, elle réalisait d'importants investissements dans le sport de haut niveau et dans les recherches concernant cette partie du système sportif sans oublier le dopage. Les sports de masse et de loisir étaient négligés. Si l'on prend en compte le rapport établi entre le nombre d'installations sportives et le nombre d'habitants, la RFA avait quatre fois plus d'installations sportives, la France deux fois plus que la RDA. Le sport de masse était peu développé. La sélection des jeunes sportifs était érigée en système et n'accordait qu'une faible importance à l'individu. L'éducation physique partait d'un modèle de représentation du fonctionnement humain mécaniste : l'homme objet. Cet homme objet devait être mis au service d'une politique. Cette stratégie s'est déployée en mettant l'accent sur : - l'importance du développement des capacités coordinatrices, - la méthodologie de l'entraînement en expérimentant le paramètre intensité (des recherches importantes on été menées dans les années 50 et 60), - une rationalisation poussée dans la mise en place de l'entraînement qui compensait des conditions matérielles limitées, - une focalisation sur l'apprentissage des habiletés motrices de bases, - une exigence forte de résultats pédagogiques matérialisée par des niveaux de performances à atteindre (élaborées après des moyennes nationales).

Dans ce contexte, les curriculum étaient élaborées d'une façon très détaillée. Les enseignants n'avaient que très peu de liberté de réaliser leur conception d'enseignement. La conception était prescrite, l'adaptation nécessaire à la personnalité de l'enseignant ou aux conditions matérielles n'était que peu permise. L'éducation physique avait pour objectif de déboucher sur l'excellence sportive. Mais, en RDA il y avait deux systèmes de sport de compétition parallèles. Le sport de haut niveau était organisé dans des clubs de sport. Seuls les membres de ces clubs avaient le droit de prendre part dans des championnats nationaux. Pour tous les autres, il y avait des clubs d'école, d'entreprise et d'université. Ceux-ci ne pouvaient prendre part que dans les championnats dits les "petits" championnats de la RDA, même s'ils avaient de très bonnes performances.

Depuis la mise en place du système de dopage à partir des années 1968, le sport de haut niveau était concentré sur peu de sports, surtout ceux qui garantissaient un bon rendement de médailles, c'est-à-dire l'athlétisme, la natation, l'haltérophilie, le patinage de vitesse, l'aviron et pour lesquels l'action de traitements spécifiques (dopage) procurait un avantage considérable. 5. Le personnel enseignant

A l'école primaire est en place un système de maîtres polyvalents malgré la formation reçue par les étudiants qui ont le choix de n'étudier que sur 2 ou 3 matières. L'enseignement du sport est dispensé par l'instituteur, au même titre que celui des autres disciplines. Des tentatives ont été faites pour réduire la polyvalence des maîtres. Mais, elles n'ont rien donné de concluant et l'on revient désormais à l'ancien système de l'instituteur généraliste. Dans le secondaire, dans la grande majorité des cas, les cours d'EPS sont assurés par des enseignants bivalents, formés pour la plupart à l'université, sauf au Baden-Württemberg où les instituteurs

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et les enseignants de la Hauptschule et de la Realschule sont formés dans des universités de pédagogie (Pädagogische Hochschule). En Rhénanie-Palatinat, de telles écoles sont nommées universités des sciences de l'éducation.

5.1. L'enseignant d'éducation physique Accès aux métiers d'enseignant Les examens de fin d'études à l'université donnent droit d'accès au professorat stagiaire

après la réussite au premier examen d'Etat. A l'issue du stage, le deuxième Staatsexamen donne le droit de présenter sa candidature à un emploi d'enseignant dans le Länd d'origine ou dans un autre. Le recrutement se fait en fonction des places disponibles et d'après les notes acquises dans le deuxième Staatsexamen.

Obligations de service Les obligations sont à peu près les mêmes dans les différents Länder, à savoir un

horaire global de 28 à 29 cours dans le primaire, de 24 à 28 cours dans le secondaire I et de 23 à 24 cours dans le secondaire II. La participation des enseignants d'EPS aux activités que les élèves pratiquent l'après-midi dans les clubs est absolument facultative. S'il y a des activités dans le cadre de l'école, seuls les cours figurent dans les obligations de service.

Rémunération Tous les instituteurs sont classés dans la catégorie A12, les enseignants du secondaire

dans la catégorie A13. Une partie des professeurs de lycées peuvent accéder à la catégorie supérieure A14. L'indice A13 comprend douze échelons, le passage d'un échelon à l'autre était automatique, on avance tous les deux ou trois ans d'un échelon. La plupart des enseignants arrivent au dernier échelon en moyenne entre 50 et 55 ans. L'éventail de salaires mensuels bruts correspondant à cette grille s'échelonne de 4500 à 7000 DM mais la rémunération porte sur 13 mois. Les instituteurs gagnent mensuellement environ 700 DM de moins.

Congés et vacances Le nombre de jours de vacances est à peu près le même dans toute l'Allemagne : 5 à 6

semaines de grandes vacances (juin/juillet/août/septembre), des vacances d'automne (4 à 8 jours, pendant la deuxième quinzaine du mois d'octobre), des vacances de Noël (du 23 au 6 janvier), une semaine à la mi-carême, deux semaines à Paques et d'une à deux semaines à la Pentecôte.

Vie associative Le droit allemand n'autorise la création de syndicats que par branches d'activité. Il

existe un syndicat pour l'ensemble des enseignants, depuis le primaire jusqu'à l'université. Comme tous les enseignants sont des fonctionnaires, il n'ont pas le droit de grève. Dans le domaine du sport il y a deux association du type amicale : la Deutscher Sportlehrer-Verband (DSLV) pour les enseignants en général et la Deutscher Sportlehrer für Sportwissenschaft (DVS) pour les unités d'enseignement et de recherche des universités. 6. La formation universitaire dans le domaine des sciences du sport

La formation des sciences du sport s'effectue dans 64 institutions reconnues. A l'exception de l'Institut Fédéral pour les sciences du sport (Bundesinstitut für

198

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199

Sportwissenschaften), ces institutions2 sont intégrées dans les universités. L'école supérieure des sports de Cologne a le statut d'université. Dans ces institutions, les sciences du sport ont acquis un statut de discipline scientifique autonome. Elles comprennent les disciplines traditionnelles telles que l'anthropologie, I'histoire, la pédagogie, la philosophie, la psychologie, 1a médecine, l'économie, le management et la sociologie, ou des matières comme 1'entraînement, la santé et les loisirs. Dans leur plus grande majorité, les instituts des sciences du sport offrent la possibilité de préparer le doctorat ou de se préparer à une carrière dans l'enseignement supérieur. La recherche et l'enseignement sont généralement associés dans les formations. Mais, cette idée d'intégration de la recherche et de l'enseignement ne semble plus, dans l'université de masse d'aujourd'hui, une stratégie très adaptée.

Les diplômes présentés peuvent être préparés en totalité ou en partie, dans les universités et les écoles supérieures des différents Länder. S'il y a un recrutement, les universités ne recrutent pas sur concours mais sur dossier scolaire. Pour entrer dans un UFR STAPS, dans quelques Länder il faut passer en plus un test d'entrée.

6.1. Le cursus du "Staatsexamen " vise la formation des enseignants d'EPS

La durée des études dépend de la profession visée. En Allemagne, pour assurer les fonctions d'instituteur à l'école primaire ou d'enseignant à la Hauptschule ou la Realschule, les étudiants doivent suivre un minimum de 6 à 7 semestres. Pour devenir professeur de lycée, les étudiants suivent un minimum de 8 semestres. La formation de professeur d’EPS consiste en deux parties : la formation à l’université et la période de professeur stagiaire. La plupart des universités organisent les études de la manière suivante : 1. les études de base (Grundstudium): du 1er au 4ème semestre, 2. les études approfondies (Hauptstudium): du 5ème au 8ème semestre.

Dans tous les Länder la bivalence est prescrite. Cela signifie que l'étudiant ne suit pas uniquement des cours de sciences du sport, mais aussi des cours d'une deuxième ou d'une troisième matière. En outre, sa formation comprend des cours de pédagogie, de psychologie, de sociologie et de philosophie. Les possibilités de combiner les matières varient selon les Länders. Au cours des études il est nécessaire que l'étudiant accomplisse dans chaque matière environ 80 cours de 45 minutes pour les huit semestres. Un semestre représente environ 14 semaines de cours (en hiver 4 mois, en été 3 mois). La qualité et la proportion des études théoriques et pratiques (apprentissage des différents sports) ainsi que les examens d'entrée, les examens de contrôle et les examens de fin d'études varient considérablement selon les Länder. L'orientation pédagogique de l'université allemande est la suivante : il faut laisser

2 Ces institutions regroupent les écoles supérieures techniques (Technische Hochschulen), les écoles supérieures de pédagogie qui n'existent plus que dans le Länd du Baden-Württemberg (ailleurs elles sont intégrées à l'université) et les instituts en sciences du sport.

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200

Habilitation

Doctorat Doctorat

8 ans

Promotion Doctorat

(Diplom)

12 Mastère

z.T. 11

11 Doctorat

Semester 10 5

3er

Agrégation

Diplom

9 Cycle CAPES/CAPET

8 4

Maîtrise

7 2er

6 3

Cycle Licence

5

Vor-prüfung 4

2 DEUG/DEUGST

3 CLASSES PREPARA-

1er

2 1

TOIRESU.F.R. SANTÉ

Cycle

1 Divers U.F.R.

Semestre. Année Scolaire

F

I U

M

BT S

STS

DU T

IU T

UNI VERSI TÉS

D E A

D E S S

C H I R U R G I E

D E N T A I R E

UN I

V.

P H A R M A C I E

UN I

V.

M É D I C I N E

Figure 2 : Comparaison des systèmes universitaires français et allemand

GR A N D E S

E C O L E S

Haupt-studium

Grund-studium

Magister-examina

Staats- examina

U N I V E R S I T Ä T E N

FACHHOCHSCHULEN

P Ä D.

H O C H S C H U L E N

K U N S T H O C H S C H U L E N

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Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

une bonne partie du temps au travail individuel pour développer le sens de la responsabilité. L'hypothèse implicite repose sur le fait que le travail individuel permet, à la longue, un

meilleur rendement que le travail dans le cadre des enseignements. Les cours doivent initier les étudiants à des recherches personnelles.

Comme les études en Allemagne ne sont pas organisées en année d'études comme en France, les étudiants prennent plus de temps pour obtenir le niveau visé, en moyenne entre 5 à 6 ans pour l'examen terminal. D'une façon plus générale, les étudiants allemands sont plus âgés que leurs homologues français.

Après le premier examen d'état, il faut que le candidat enseigne en qualité d'enseignant stagiaire ou de professeur stagiaire; la durée varie entre seize mois et deux ans. Il s'agit là d'une formation pédagogique, une combinaison d'un stage dans une école et des cours didactiques à suivre dans la formation. Les stagiaires enseignent leurs matières dans toutes les classes. Pendant la première partie de leur stage, il sont conseillés en permanence par les professeurs de chaque classe concernée, qui suivent les cours du stagiaire avec les élèves. Pendant la deuxième partie de leur stage, ils sont en responsabilité. Ils doivent enseigner entre 8 à 12 cours à 45 minutes. Ils sont encadrés, en plus, par des "didacticiens" qui assurent une formation pédagogique et didactique de la matière choisie dans des séminaires. C'est dans ces séminaires que les stagiaires apprennent comment on enseigne par exemple le saut en hauteur à une classe de troisième, le nazisme à une classe de première en histoire ou l'orthographe à une classe de sixième. De plus, des cours de pédagogie, de psychologie et de sociologie appliquées font partie de la formation. Normalement ces cours sont assurés par des instituteurs ou professeurs experts et expérimentés. A la suite de cette formation professionnelle suivra le deuxième examen d'état (Zweites Staatsexamen). La formation n’est terminée qu’après ces deux phases de formation. Ainsi, tous ceux qui ont réussi à passer le premier „Staatsexamen“, ont en principe le droit d’essayer le professorat stagiaire.

6.2. Les études "Diplom"

Avec les programmes d'études "Diplom" (durée minimum 7 semestres), les universités s'orientent vers des profils professionnels spécifiques en dehors de l'éducation physique scolaire. Dans cette filière, l'étudiant choisit une seule matière. La formation est sanctionnée par un examen universitaire. Plusieurs carrières professionnelles sont possibles, selon les spécialisations suivies pendant les études. Le curriculum est construit autour : - des études de base : 80 cours de 45 minutes portant sur la théorie et la pratique des APS,

et sur les sciences du sport, - des études approfondies : 60 cours de 45 minutes portant sur des connaissances

spécifiques à une orientation professionnelles ou des sujets généraux à options. Les études se terminent par une épreuve écrite dans la matière principale choisie.

6.3. Les études "Magister"

La durée de ces études est de 8 semestres au minimum. L'évaluation est réalisée par un

examen universitaire. Différentes orientations professionnelles sont possibles selon les enseignements suivis au cours des études. La structure des études est semblable à celle du Staatsexamen. Dans la filière Magister, l'étudiant peut choisir deux matières principales ou une matière principale et deux matières secondaires. Il existe des possibilités de combinaison avec des matières présentées dans d'autres facultés. Les exigences sont supérieures à celles du "Staatsexamen", mais inférieures à celles de la "Promotion".

6.4. Les études "Promotion" (doctorat)

201

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Pour être admis au niveau des études de doctorat (Promotion), le candidat doit avoir

passé le "Staatsexamen" ou le "Magisterexamen" (avec de très bons résultats). Le doctorat consiste en l'élaboration d'une thèse de doctorat (Dissertation) et d'un examen oral (soutenance) ou d'un examen. Seul le doctorat permet de poursuivre une carrière scientifique. 7. La recherche en sciences du sport

Les sciences du sport sont reconnues aujourd'hui comme sciences transversales intégrées. Elles analysent les phénomènes sportifs et du mouvement humain et, du fait de leur position intermédiaire entre sciences humaines et sciences naturelles, emploient des méthodes issues de celles-ci comme de celles-là. En RFA, on s'accorde à dire que les sciences du sport sont à considérer comme des sciences de l'action, qu'elles découlent de la pratique sportive et qu'elles ont une rétroaction sur celle-ci. Le travail scientifique est axé sur l'objet de recherche " sport", l'activité sportive et l'homme pratiquant le sport.

La recherche dans le domaine des sciences du sport s'est développée dans les instituts en sciences du sport et plus largement dans le cadre de l'université3. Les initiatives en matière de recherche peuvent provenir principalement de deux sources différentes : des chercheurs en sciences du sport ou de l'Institut national en sciences du sport à Cologne. Cette organisation a pour objectif de coordonner et de relayer un grand nombre de projets. Fondée par le Ministère de l'Intérieur du gouvernement fédéral sur la demande conjuguée du mouvement sportif (DSB) et de l'université (instituts en sciences du sport), cet institut finance certains projets qui lui sont soumis et impulse des programmes de recherche par appel d'offre pour le sport de haut niveau4. Ces deux voies constituent les sources majeures du financement de la recherche en sciences du sport. D'autres possibilités existent. L'une est constituée par les projets soumis et retenus ou initiés par les instances organisatrices et politiques : les Länder et les communes. L'autre possibilité est constituée par un financement privé en provenance du monde de l'industrie et des services. Enfin, au sein de l'université et au sein des facultés, des crédits provenant de la dotation globale peuvent être ventilés, sur décision des instances académiques, dans des activités de soutien aux programmes de recherche. Ce panorama met en évidence une certaine similarité avec le système français de financement de la recherche en sport.

Deux aspects méritent d'être soulignés pour les incidences et les possibles répercussions sur l'évolution de la recherche dans les sciences du sport. Le premier aspect concerne le recrutement des enseignants chercheurs. Au cours des cinq dernières années, le recrutement en France s'est accéléré alors qu'il s'est réduit en Allemagne5. Malgré un plus grand nombre d'instituts en sciences du sport, l'effectif du personnel académique de rang universitaire stagne en Allemagne. Le deuxième aspect, qui découle en partie du premier, se caractérise par une dispersion plus grande des chercheurs et la faiblesse du potentiel des équipes constituées. Les équipes en Allemagne sont constituées, en général, de deux (exceptionnellement trois) enseignants chercheurs dans les instituts ou les facultés et la 3 Les études en sciences du sport se réalisent dans des établissements universitaires qui ont pour nom institut (les plus nombreux), faculté ou université (Cologne). 4 Depuis quelques années, les programmes de recherche sont exclusivement orientés vers le sport de haut niveau. Plus de la moitié des moyens sont réservés, dans le domaine de la recherche, à la médecine du sport. 5 On ne peut comparer le nombre d'étudiants dans les facultés ou les instituts en sciences du sport car il existe en Allemagne une bivalence. Par exemple à l'Institut des sciences du sport d'Heidelberg, il y a environ 900 étudiants ce qui correspond à 450 étudiants qui feraient des études à plein temps en sport. Dans cet institut, il y a 17 enseignants titulaires dont 3 ont le titre de professeur d'université. La taille des instituts est généralement plus faible qu'en France mais on dénombre plus de 60 instituts. Cette structuration ne permet pas une représentation de toutes les disciplines en sciences du sport dans chaque institut ou faculté.

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perspective d'une agrégation de forces est faible, alors qu'en France semble se dessiner une dynamique de recrutement d'enseignants chercheurs (temporaires ?) autour d'équipes constituées ou en émergence. Des stratégies institutionnelles se dessinent mais auront-elles une incidence sur le développement de la recherche dans le domaine des sciences du sport dans les pays respectifs ? C'est certainement dans la volonté politique affichée dans les deux pays de mieux évaluer les activités de la recherche que résident les potentialités d'une dynamique dans ce domaine6. 8. La place de l'EPS et du sport à l'école et à l'université

Les développements historiques montrent que l'éducation physique est contrainte d'affirmer sa légitimité dans l'éducation. Les analyses des ministres de la culture, celles des fédérations et du DSB convergent pour stigmatiser le fait que: "Les exercices physiques font partie de l'éducation de la jeunesse. Formation et éducation sont mises en question si l'éducation physique n'est pas ou n'est insuffisamment pratiquée. L'activité gymnique et sportive est nécessaire pour maintenir la jeunesse en bonne santé". Toutefois, il est à remarquer que le rôle des sciences du sport est devenu plus important à partir du moment où les Jeux Olympiques de 1972 ont été accordés à la RFA en 1966. Depuis la fin des années soixante, les universités ont cessé de freiner le développement de cette matière.

8.1. L'organisation du sport à l'école

Il n'existe pas d'organisme spécial comparable à l'UNSS. Partant du principe que chez l'enfant et chez les jeunes la compétition sportive constitue un motif puissant pour l'activité sportive, des compétitions sportives scolaires sont organisées. Les compétitions qui ont lieu répondent à deux programmes proposés pour l'ensemble des Länder.

Les Bundesjugendspiele : jeux sportifs fédéraux pour la jeunesse ont pour but de donner aux élèves le goût de la compétition sportive. En été, ils proposent une compétition en athlétisme (une compétition de 3 ou 4 épreuves : un sprint, un saut, un lancer et parfois une course de demi-fond) et, en hiver, une compétition en gymnastique aux agrès. L'organisation de ces jeux se fait dans le cadre des cours d'EPS ou dans celui d'une fête sportive de l'école. Les élèves les bien classés (plus de la moitié) reçoivent soit le diplôme du vainqueur soit un diplôme d'honneur. Chaque établissement est entièrement libre de participer ou non à ces jeux. L'évaluation se fait au moyen d'un système de points permettant de comparer entre eux des élèves d'âges différents ainsi que des classes et des établissements de grandeur différente.

Jugend trainiert für Olympia (la jeunesse s'entraîne pour les Jeux Olympiques). Il s'agit de compétitions avec éliminatoires entre équipes scolaires (disputées dans une douzaine de disciplines), successivement au niveau des villes, des régions et du Land, avec une finale fédérale à Berlin pour les sports d'été et, en différents endroits, pour les sports d'hiver. L'objectif spécifique de ce programme est la détection et la promotion des jeunes espoirs sportifs pour le haut niveau. C'est pourquoi il est organisé en coopération étroite avec les fédérations des différents sports.

Il existe par ailleurs un concours de natation des écoles d'Allemagne. Ce concours sportif a pour but de recenser le pourcentage des élèves d'un groupe d'âge possédant le certificat de "Freischwimmer" (nageur confirmé). On appelle "Freischwimmer" celui qui peut nager 15 minutes et qui réalise un plongeon.

8.2. L'organisation du sport universitaire 6 Malgré un nombre d'enseignants de rang universitaire limité, la recherche en sciences du sport en Allemagne poursuit une dynamique soutenue.

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Le sport de compétition est géré par la fédération du sport universitaire qui s'appelle

ADH (Allgemeiner Deutscher Hochschulsportverband). L'organisation est différente de la structure de la FNSU, il n'y a presque pas de personnel. La plus grande partie du travail est conduite par des bénévoles, par des enseignants des UFR STAPS (là où il y a une intégration de l'UFR STAPS et du SUAPS) et surtout par des étudiants. La tâche de la fédération du sport universitaire est différente de la tâche de la FNSU. Non seulement, elle organise les compétitions du sport universitaire en coopération avec les SUAPS, les clubs et les fédérations mais elle participe au développement de conceptions pour le sport de masse. Le sport universitaire s'adresse à tous les étudiants et à tous les autres membres de l'université et peut se pratiquer en tant que sport de détente et de loisir ou en tant que sport de compétition. A l'inverse de l'ex-RDA où tous les étudiants ont dû participer à un sport obligatoire, il n'y a pas de sport obligatoire à l'université. Actuellement ,il y a environ 30% des étudiants de toutes les matières qui prennent part dans le sport universitaire.

8.3. Le sport en Allemagne fédérale.

La pratique sportive concerne aujourd'hui 25 millions personnes, membres des clubs ou des associations, qui participent de façon plus ou moins active à des compétitions ou à un entraînement dans plus de 80 disciplines. Dans le sport non organisé, c'est également 16 millions de personnes pratiquant un sport quasi quotidiennement pour entretenir leur forme physique. Des campagnes promotionnelles telles que "Le sport, c'est bien mieux dans un club !", visent à attirer de nouvelles couches de la population. Cette pratique mobilise 1,5 millions de bénévoles engagés dans 80 000 clubs. Au-delà, de l'impact de la pratique sur le public, les journalistes et les éditeurs utilisent la force d'attraction du sport pour faire passer ou vendre d'autres contenus. De même, les chaînes de télévision cherchent à s'attirer les faveurs du public par le sport. Les entreprises industrielles puisent dans la symbolique du sport pour développer la publicité de leur produits et gagner des parts de marché. Les fabricants d'articles de sport multiplient les produits et essaient d'en tirer profit. Enfin, l'état apporte un soutien financier conséquent aux fédérations et aux grandes manifestations sportives internationales permettant de créer les conditions favorables au bon déroulement des compétitions. Il en attend des effets promotionnels dans les domaines politique, commercial et culturel.

Les sports préférés des allemands sont le football, le handball, l'athlétisme, le tennis, la natation, le tennis de table, le volley-ball, le ski. Malgré l'importance du sport dans la société actuelle, il n'est pas encore considéré comme faisant totalement partie de la culture. Un présentateur de télévision allemand a commenté, récemment, le passage d'un reportage d'un match de football à un spectacle de ballet par cette formule : "et maintenant, passons à la vraie culture !". Toutefois, le sport est considéré, à l'heure actuelle, dans la société allemande comme un droit des citoyens dans une société humaine. Ce droit est repris dans la constitution des différents Länder en l'inscrivant comme un devoir politique

Face aux possibilités professionnelles et aux exigences multiples de la société moderne, il existe une série de possibilités de formation non universitaire pour des enseignants sportifs, entraîneurs, moniteurs, administrateurs. Toutes ces voies de formation mènent à un diplôme reconnu par l'Etat. A cela s'ajoutent les stages organisés par les Confédérations des Länder ou les fédérations sportives en vue de l'obtention de brevets de moniteur, d'entraîneur ou d'enseignant spécialisé. 9. Le poids de l'héritage

9.1. Des changements lents

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En Allemagne, avec le système scolaire de la demi-journée, le sport extrascolaire a

une place plus importante qu’en France. Malgré le fait que le sport non organisé et le sport commercial (par exemple : les centre de remise en forme -“Sportstudios“) ont bien progressé les dernières décennies, le sport organisé (clubs sportifs, fédérations) joue toujours un rôle prépondérant (publicité du DSB : „Le sport procure plus de plaisir dans un club sportif“ - „Sport ist im Verein am schönsten“).

Toutefois, il y a une inégalité de chances concernant l’accès dans les clubs, si l'on prend en considération particulièrement le sexe et le niveau socioéconomique (Kurz, Sack & Brinkhoff 1992). Il existe des barrières d'accès à la pratique du sport d'excellence. Une fille d’une couche sociale populaire, habitant une commune de campagne, n’a presque pas de chances de parvenir à une pratique d'excellence, tandis que le garçon d’une famille aisée habitant une ville a toutes les chances d'y parvenir. Ce qui fait que dans l’élite sportive allemande il y a une structure sociale différente de l’élite sportive française (Gebauer, Braun, Suaud 1998), le système français semblerait plus ouvert et permettrait plus l’accès des jeunes de couches sociales peu favorisées vers l’élite. Ainsi, dans les équipes nationales françaises, il y a plus d’enfants d’immigrés que dans les équipes allemandes en raison des effets du sport scolaire.

D’après les recherches de Kurz et al., une enquête représentative concernant les comportements des jeunes dans le domaine du sport met en évidence qu'au cours de leur jeunesse presque 80 % des enfants entre 8 et 14 ans sont membre d’un club sportif au moins pendant une période. Mais, on observe des mouvements dans l'affiliation des jeunes aux clubs : il est plus difficile que par le passé de les faire rester dans le même sport. En moyenne, les jeunes changent de sport environ trois fois. Comme la plupart des enfants commencent leur carrière de sportif dans un club d’athlétisme ou de gymnastique, il y a très peu de chances que ces jeunes soient encore membres de ces club et de ces fédérations à l’âge adulte.

Depuis le début des années 1970, il y a eu un changement de structure dans les lycées allemands. Jusqu’à cette période, tous les élèves suivaient les mêmes enseignements c’est-à-dire les élèves restaient ensembles jusqu’au bac et devaient tous suivre les mêmes matières et les mêmes contenus. Avec la „reformierte Oberstufe“ (réforme des deux dernières années au lycée), les élèves ont la possibilité d'exercer certains choix. Ils peuvent choisir 4 matières, dans lesquelles ils reçoivent un enseignement renforcé. Par exemple, si l'EPS fait partie de ce choix, ils reçoivent 6 cours par semaines qui couvrent les cours théoriques. L'évaluation pour le bac comporte une épreuve écrite et des tests notés dans différents sports. L’idée de cette réforme était que les élèves puissent se spécialiser dans des domaines qui les intéressent et ainsi mieux se préparer aux études à l’université. Mais, comme le numerus clausus existe dans un nombre non négligeable de disciplines à l’université (prenant en compte la moyenne des notes reçues au bac), les élèves ont tendance à choisir les matières les plus porteuses concernant l'évaluation - particulièrement les matières dites "molles" comme l’EPS, la musique, la biologie - et éviter les matières "dures" comme les langues, les mathématiques ou l’allemand. C’est la raison pour laquelle l’université aujourd’hui se plaint d’un manque de connaissances générales des étudiants des „premières années“ (Studienanfänger), particulièrement dans le domaine de la rédaction et de la réflexion.

9.2. La tentation du modèle est-allemand Depuis les années 1990, le sport allemand est continuellement ébranlé par le

phénomène du dopage. Après la réunification, le sport ouest-allemand a essayé d’intégrer rapidement dans ses structures les entraîneurs qui s’étaient distingués dans la formation de champions. Le sport est-allemand était „surpeuplé“ par un nombre impressionnant de

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personnes entourant les sportifs de haut niveau. Par exemple, on dénombrait plus de 600 entraîneurs à temps plein dans l’athlétisme et plus de 600 chercheurs dans le centre de recherche dans le domaine du sport de haut niveau (Forschungsinstitut für Körperkultur und Sport : FKS7). Après la réunification, les dirigeants ouest-allemands ont dû faire un choix; sans avoir pris connaissance des documents secrets concernant le dopage systématique de la ex-RDA. Le choix des „meilleurs“ a créé un problème au sport allemand unifié. A partir de 1997, des procès se sont succédés, à Berlin, contre des entraîneurs, des médecins et des dirigeants qui avaient organisé et réalisé un dopage systématique des athlètes prescrit par l’Etat. Les procès ont touché des personnes en activité en Allemagne et à l'étranger car une partie des entraîneurs a trouvé des postes d'entraîneurs à l’étranger. Ainsi par exemple, l’ancien entraîneur en chef de la fédération d’athlétisme est-allemande, Eckart Arbeit, qui avait travaillé avec les sprinters grecs, a failli devenir entraîneur en chef de l'équipe d'athlétisme d’Australie.

Ce problème historique du dopage en ex-RDA a été minoré et même nié en Allemagne. Mais, comme c’était aussi un problème de dopage de mineurs, ce problème relève pas seulement du sport mais également du droit en général. Même d’après les lois de l’ex-RDA, beaucoup de ces pratiques étaient interdites malgré le fait qu’elles étaient prescrites par l’Etat. Une partie des médias (surtout le „Spiegel“, la „Süddeutsche Zeitung“ et la „Frankfurter Allgemeine“) ont toujours dénoncé ce comportement douteux des dirigeants du sport allemands unifiés, un comportement que l’on peut trouver partout dans le monde : la logique du sport de haut niveau (gagner le plus souvent, éviter des échecs) s'impose par rapport aux discours éducatifs sur le sport (sport humain, sportif autonome etc.).

Le sport est-allemand a réalisé ses succès à partir de phénomènes identifiés. - La sélection d’éléments doués très systématique (tous les enfants de la RDA, environ 250 000 par an, ont été observés par des spécialistes). Après cette première sélection, environ 180 000 étaient entraînés dans des associations sportives de l’école pendant quelques temps. Après un an, environ 10% étaient intégrés dans les centres d’entraînement du DTSB (Deutscher Turn- und Sportbund - le CNOS est-allemand). Là, ils s'entraînaient pendant 6 à 10 heures par semaine. Environ 1% a été intégré, en fin de compte, dans les „Kinder- und Jugendsportschulen - KJS - écoles spécialisées pour les jeunes sportifs de haut niveau, les „éléments doués“. - L’organisation méthodique du sport de haut niveau (avec une masse de personnes motivées - le sport de haut niveau procurait l'opportunité d’une ascension sociale et la possibilité de voyages à l’étranger) et la centration sur les éléments doués (ceux qui n'offraient pas un potentiel suffisant étaient éliminés du système, parfois malgré des performances de niveau mondial). - Le financement excessif du système du sport de haut niveau (en même temps il y avait très peu de financement et d’installations sportives pour le sport de masse et le sport scolaire) - Le dopage systématique.

Il y a des dirigeants, comme le haut fonctionnaire de l’escrime Emil Beck, qui rêvent de ce système et qui essayent d’influencer les politiciens de copier ce système ou d’installer un système comparable (au moins concernant des écoles spécialisées). Ces dirigeants ne comprennent pas que l’on ne peut pas isoler une partie d’un système social complètement différent et le transférer dans un autre système social. La condition nécessaire des écoles spécialisées était la sélection systématique. Elle ne peut pas se faire de la même manière dans un pays démocratique.

Le sport organisé (Deutscher Sport-Bund/Nationales Olympisches Komitee, les fédérations) a intégré le sport est-allemand, c’est-à-dire que l'on a reproduit les structures

7 C’était dans le FKS que la plupart des recherches secrètes de la RDA a été faite.

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ouest-allemandes mais le taux de participation dans le sport organisé est-allemand demeure bien inférieur à celui de l’Allemagne de l’ouest parce que les habitants est-allemands ne sont pas encore habitués à cette situation. Une situation assez similaire existe dans le domaine de l’éducation. Après 1990, il y avait une coopération entre respectivement un Land est-allemand et un ou deux Länder ouest-allemands. Dans la plupart des cas, le Land est-allemand a repris les structures ouest-allemandes (et les conflits) et les programmes.

Pour augmenter les chances des clubs et en fin de compte aussi les chances du sport de haut niveau, presque tous les ministères de la culture des Länder (responsables du sport scolaire et du sport dans les clubs) ont organisé des programmes concernant la coopération entre les écoles et les clubs, pour aider les clubs dans leur recherche de talents sportifs et les récupérer (Kooperation Schule - Verein). Par ce moyen, les clubs ont accès à l’école et peuvent faire de la publicité pour leur sports. Ils font une offre (subventionnée par le Land) aux enfants qui veulent apprendre et pratiquer tel ou tel sport. Pendant un premier temps les enfants ne doivent pas devenir membre du club. L’idéologie de cette approche est fondée sur les résultats des recherches de Kurz et al., qui disent que les enfants qui pratiquent un sport dans un club sont plus sains, plus sociaux et moins exposés à une situation de risque concernant les drogues, le tabagisme ou la délinquance.

9.3. Education physique et sport : unité ou fracture, un débat en cours

Parmi les didacticiens et les pédagogues de l’EPS, il existe aujourd’hui un malaise entre, d’une part, la faible différence entre le sport pratiqué dans les clubs et le sport pratiqué à l’école (prépondérance des contenus sportifs et des objectifs liés à ces contenus) et, d’autre part, concernant la terminologie. Pendant la période des Jeux Olympiques de Munich (1972), les termes „Leibeserziehung“ (éducation physique) et „Leibesübungen“ (activités physiques) ont été remplacés par le terme „Sportunterricht“8 ce qui a conduit à une dépendance de l’EPS vis à vis du sport organisé (le sport organisé et ses règles comme modèle) et à une „éducation pour le sport“ (cf. l’article de Karlheinz Scherler). Aujourd’hui, de nombreux pédagogues aimeraient bien corriger ce développement. Stefan Groessing (1993) par exemple a proposé de remplacer le terme „Sportlehrer“ (enseignant de sport“) par le terme „Bewegungserzieher“ : professeur ou éducateur dans le domaine des mouvements.

Revendiquer une éducation physique Les problèmes actuels de l’EPS sont provoqués par la crise économique de

l’Allemagne causée en partie par l’unification et des énormes transferts économiques dans les nouveaux Länder (tous les anciens Länder ont dû diminuer leur budget). Les politiciens réfléchissent dans quels domaines ils peuvent économiser de l’argent. Dans le domaine de l’éducation, la discipline la plus menacée est le „Sportunterricht“ par le fait qu’il ne se distingue pas assez du sport fait dans les clubs. Il y a même des politiciens qui disent que l’éducation physique peut être remplacée par le sport dans les clubs. Une partie des Länders a diminué le nombre de cours d’EPS par semaine pour une partie des classes de 3 à 2, en Bavière de 4 à 2. Certains Länder souhaitent offrir la possibilité de faire du sport pendant l’après-midi, celui-ci serait organisé et enseigné par des moniteurs et des entraîneurs. Le Landessportbund de Hambourg s’est prononcé contre cette solution proposée par le gouvernement social-démocrate de Hambourg parce que, d’une part, la plupart des moniteurs (généralement bénévoles) et des entraîneurs ont un travail régulier et ne sont pas disponibles l’après-midi. D’autre part, il y a le risque que ces gens-là qui normalement exercent un travail

8 En 1973, le nom de la revue „Leibeserziehung“ a été changé en „Sportunterricht“.

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bénévole dans les clubs, pourraient arrêter cette activité bénévole dans les clubs et accomplir le travail payé de substituts („remplaçants“) des professeurs d’EPS.

Certains Länder essayent de suivre le modèle développé en Suisse dans le domaine de „l’école en mouvement“9, proposé et organisé par Urs Illi, le président de l’association des enseignants d’EPS suisse. L'école en mouvement (Bewegte Schule) s'intéresse à une réorganisation des rythmes scolaires dans la perspective de mieux prendre en compte le rythme biologique de l'enfant et l'importance du mouvement dans le développement de l'enfant. Cette orientation présente un intérêt (plus de mouvement pour les enfants) et un risque (remplacement futur des cours d’éducation physique par l’intégration du mouvement dans d’autres cours). Les problèmes rencontrés par l'éducation physique en Allemagne

Les problèmes rencontrés habituellement dans tous les Länder pour l'organisation de l'EPS sont bien repérés. Ils peuvent être formulés ainsi : 1. Les trois cours d’EPS ne suffisent pas pour réaliser les programmes d’EPS. 2. Les cours d’EPS sont assez souvent supprimés quand d'autres activités se superposent à l’école (par exemple le passage d'un examen ou réaliser une excursion) ou lorsque existe un déficit d’installations sportives. C’est pourquoi la moyenne réelle des cours d’EPS s’approche plutôt des 2 cours par semaine. Comme les installations sont parfois loin de l’école (par exemple les piscines pour lesquelles il y a un temps de déplacement) le temps prescrit de 135 minutes par semaine peut se réduire à moins de 65 minutes par semaine. 3. L’EPS à l’école primaire est enseignée par des instituteurs en partie non formés pour ce travail (jusqu’à 70 % des instituteurs). 4. L’arrivée de nouvelles matières (par exemple l’informatique) demande une réduction des horaires des matières traditionnelles pour ne pas augmenter le temps total d'enseignement. C’est l’EPS qui est pointée ou mise en cause chaque fois. 5. On discute aussi de réduire le temps passé à l’école jusqu’au bac (13 ans en RFA, 12 ans en RDA). Les anciens Länder sont actuellement à 13 ans, une partie des nouveaux Länders est restée à 12 ans. Dans les anciens Länder, on débat sur la réduction horaire qui impliquerait de devoir accomplir les programmes actuels pendant un temps réduit, ce qui constitue encore une menace pour les 3 cours d’EPS par semaine. 6. Un problème plus fondamental se pose : le nombre de sports explose et un choix de support d'enseignement s'impose pour „l'enseignement du sport“. Quels sports doivent être enseignés à l’école ? Quels devraient être les objectifs, les contenus, les méthodes ? Une discussion est engagée mais elle n'apparaît pas encore intense ni assez aboutie.

Le problème des professeurs d’EPS chômeurs est une réalité bien installée. Cette situation a pour cause des effets structurels de démographie : − Le pic de natalité le plus fort en Allemagne de l’Ouest a eu lieu en 1976. Depuis 1976, le

taux de naissance a diminué de moitié, avec pour résultat que pendant les années 1960-1970 suite au taux croissant de naissances, on a donné un poste à chacun des stagiaires qui avait réussi à passer le deuxième Staatsexamen (après la période de professeur stagiaire) ce qui a provoqué une importante augmentation des postes d'enseignants. Pendant les années 80 - avec la diminution du nombre d’élèves - très peu de jeunes professeurs ont eu la chance d’obtenir un poste ce qui a provoqué un vieillissement du corps enseignant. Les dernières années le nombre d’élèves a de nouveau commencé à augmenter contre les attentes des experts (affluence d'immigrants ou de personnes qui ont demandé l’asile, de

9 Ce modèle suit en partie l’exemple du tiers temps pédagogique en France ou les essais faits en Allemagne dans le domaine de la „tägliche Bewegungszeit“ (du temps pour le mouvement chaque jour). L’idée est d’intégrer du mouvement dans les cours et de changer les pauses vers des pauses „en mouvement“.

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personnes de descendance allemande ou germanique des pays de l’est, etc.). En dépit de cette nouvelle réalité et malgré la montée croissante de retraités (les nombreux professeurs qui ont eu un poste pendant les années 60 s’approchent de la fin de leur carrière professionnelle), les Länder ont supprimé des postes. De plus, ils ont essayé de limiter les problèmes financiers par l’augmentation du nombre de cours statutaire à réaliser par les enseignants (professeurs dans un lycée 24, dans une Realschule 28, dans une école primaire 29), par l’augmentation du nombre d’élèves par classe et par le décalage des départs en retraite (pour le moment entre 63 et 65 ans). Ces éléments ont pour conséquence que la moyenne d’âge des enseignants s’élève à environ 47 ans (et dans les universités à plus de 50 ans) et que, dans de nombreuses écoles, il y a aucun enseignant de moins de 40 ou 45 ans. Cette situation est catastrophique, surtout pour l’EPS, qui est dynamisé avec l’énergie de jeunes professeurs. De plus, comme les professeurs allemands ont une bivalence ou une trivalence, les professeurs d’EPS qui ont plus de 50 ans ont tendance à se retirer de l’EPS et à se spécialiser sur leurs autres matières. Cela provoque une certaine démotivation de ceux qui doivent assurer les cours d’EPS.

− Le problème est pire dans les nouveaux Länder (l’ex-RDA). La RDA avait le taux de naissance le plus bas de l’Europe. Malgré ce fait, le taux de naissance a chuté énormément après le changement politique. Ici également s'est produit l’effet qu’il y a trop d’enseignants, ce qui provoque un vieillissement du corps enseignant et un manque d'opportunités professionnelles pour les jeunes enseignants.

− Les chances actuelles, pour ceux qui ont passé le premier et le deuxième Staatsexamen, d’avoir un poste s’élèvent actuellement en Baden-Württemberg à 20% pour les lycées en ce qui concerne les garçons, 40% pour les lycées en ce qui concerne les filles et les Realschule et 70 % pour les écoles primaires et les Hauptschule.

La mixité dans les cours d’EPS est toujours un problème en Allemagne. En moyenne

pour les Länder, la mixité est permise dans les classes 1 à 6 (6 à 12 ans) et les classes 12 et 13 du lycée. Pendant une longue période, beaucoup d’enseignants ont lutté pour la mixité afin d'avoir le même statut que les autres matières et atteindre des objectifs sociaux. Aujourd’hui, ce sont surtout les féministes qui demandent des cours séparés pour donner de meilleures chances aux filles et pour ne pas les mettre en situation dévalorisante par rapport aux garçons dans le cadre de certains sports.

Une des grandes discussion au cours des années 70 était la question de savoir si les futurs enseignants ont besoin de fortes habiletés motrices et même de performances dans les différents sports pendant les études et dans les examens (le problème de "Eigenrealisation"). Pendant les années cinquante et soixante, la théorie n’existait presque pas dans la formation de professeurs d’EPS (sauf en pédagogie, en didactique et en histoire du sport). La solution était différente selon les Länder : plus traditionnelle dans le sud de la RFA (importance de la capacité motrice au Baden-Württemberg et en Bavière) et plus orienté vers la théorie dans le nord. Les dernières années, les positions convergent dans le sens d'une importance croissante de la didactique et de la méthodologie facilitant un rapprochement de la théorie et de la pratique dans la formation de futurs enseignants d’EPS. Au Baden-Württemberg, à partir de l’année 2000 les étudiants d’EPS des universités doivent suivre 80 cours pendant leurs études et dans ce volume 12 cours sont réservés à la didactique.

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Organigramme du sport en République Fédérale d'Allemagne

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Comité International Olympique (CIO)

Assemblée Générale des Comités Olympiques nationaux (ANOC) Comités Olympiques Européens (ENOC)

Comité Olympique Allemand NOK Comité Directeur Assemblée générale des Fédérations Olympiques

Comité d’aide aux sportifs allemands

Conférence Allemande du Sport

Mouvement Sportif Instances Fédérales Länder Commune Partis politiques

Président de la RFA

Conférence des Ministres du Sport Conférence des Ministres de la Culture

des Landers

Parlement Allemand Commission du Sport

Gouvernement Fédéral Ministère de l’Intérieur

Institut National des Sciences du Sport

Association des représentants des communes

Parlement des Länders

Gouvernement du Länd Ministre du Sport

Ministre de la Culture

Département Office du Sport

District Office du Sport

Commune Office Municipal du Sport

Deutscher Sportbund

Organisations membres

Assemblée Générale Représentants des : Landessportbünde Fédérations Sportives Sportverbände mit

besonderer Aufgabenstellung

Wissenschaft und Bildung Förderverband

Organisations membres

Assemblée des Présidents Présidents des Landessportbünde Fédérations Sportives Sportverbände mit

besonderer Aufgabenstellung

Wissenschaft und Bildung Förderverband

Comité Directeur a) Membres du Bureau b) Membres du Comité Directeur

Landes- sportbünde

Spitzen-verbände

Clubs et associations membres

Bezirks-, Kreis- und Stadt-Sportbünde

Bezirks- und Kreisfach-verbände

Landesfach- verbände

Comité scientifique

Sportverbände mit besonderen

Aufgaben-stellungen

Förder-verbände

Verbände für Wissenschaft und Bildung

(DBS, DSLV)

Page 188: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

Organisation Allemagne France Organisme de formation universitaire

Institute für Sportwissenschaft der Universitäten Abteilungen Sportpädagogik der Pädagogischen Hochschulen

U.F.R. S.T.A.P.S Faculté des sciences du sport et de l'éducation physique

Association de chercheurs Société Savantes

Deutsche Vereinigung für Sportwissenschaft (dvs)

Association Francophone pour la Recherche en A.P.S (A.F.R.A.P.S.) Association des chercheurs en A.P.S. (A.C.A.P.S.) Société française de psychologie du sport Société française de management du sport

Fédération du sport universitaire

Allgemeiner deutscher Hochschulsportverband (ADH)

Fédération Nationale du Sport Universitaire (F.N.S.U.)

Service sportif au sein des universités

Institut für Hochschulsport Service Universitaire des Activités Physiques et Sportives (S.U.A.P.S.)

Service sportif au sein des facultés

Association sportive (A.S.)

Association professionnelle des enseignants d'EPS

Deutscher Sportlehrer Verband (DSLV)

Association des Enseignants Français d’E.P.S. (Amicale E.P.S.) Syndicat National de l’E.P. (Sportlehrergewerkschaft)

Fédération du sport scolaire Union nationale du sport scolaire (UNSS) Union Sportive de l’Enseignement du Premier Degré (U.S.E.P.)

Organisme de formation continue

Akademien, Institute für Lehrerfortbildung auf Länderebene

Mission Académique de Formation des Personnels de l’Education Nationale (M.A.F.P.E.N.)

Ministère en charge des sports Bundesministerium des Inneren (BMI)

Ministère de la Jeunesse et des Sports

Ministère en charge de l'éducation

Kultusministerien der Länder Ministère de l’Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie

Organisation du mouvement sportif

Deutscher Sport Bund (DSB) Nationales Olympisches Komitee (NOK)

Comité National Olympique du Sport Français (C.N.S.O.F.)

Centre de préparation sportive Olympiastützpunkte Bundesleistungszentren

Institut National des Sports et de l'Education Physique (INSEP) Centres Régionaux de l’Education Physique et Sportive (C.R.E.P.S.)

Revue professionnelle publiée par des organisations

Sportunterricht Sportpädagogik Körpererziehung Sportwissenschaft Sportpsychologie Sozial- und Zeitgeschichte des Sports Leistungssport Olympisches Feuer Olympische Jugend

Revue Education Physique et Sportive (Revues EPS, Revue EPS1) Revue STAPS (A.F.R.A.P.S.) Revue Science et Motricité Spirale Corps et Culture

Identification des principales organisations en relation avec le sport et l'EP

212

Page 189: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

ADRESSE DES INSTITUTS EN SCIENCE S DU SPORT EN ALLEMAGNE

Universität Augsburg Lehrstuhl für Sportpädagogik

Universitätsstr. 3 86159 Augsburg

Tel: 0821/598-2801 Fax: 0821/598-2828

Otto-Friedrich-Universität Bamberg Sportzentrum

Feldkirchenstr. 21 96052 Bamberg

Tel: 0951/863-1939 Fax: 0951/863-1200

Universität Bayreuth Institut für Sportwissenschaft

Universitätsstr. 30 95440 Bayreuth

Tel: 0921/551 Fax: 0921/553468

Freie Universität Berlin Institut für Sportwissenschaft

Hagenstr. 56 14193 Berlin

Tel: 030/82600-416 Fax: 030/8266376

Humboldt- Universität zu Berlin Institut für Sportwissenschaft

Konrad-Wolf-Str. 45 13055 Berlin

Tel: 030/9717-2601 Fax: 030/9717-2602

Universität Bielefeld Abteilung Sportwissenschaft

Postfach 100131 33501 Bielefeld

Tel: 0521/106-6116 Fax: 0521/106-6129

Ruhr-Universität Bochum Fakultät für Sportwissenschaft

Stiepeler Str. 129 44780 Bochum

Tel: 0234/700-7793 Fax: 0234/7094246

Rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität Bonn Institut für Sportwissenschaft und Sport

Nachtigallenweg 86 53127 Bonn

Tel: 0228/738213-19 Fax: 0228/738210

Technische Universität C. Wilhelmina Braunschweig Seminar für Sportwissenschaft und Sportpädagogik

Pockelsstr.11 38106 Braunschweig

Tel: 0531/391-2821 Fax: 0531/391-8115

Universität Bremen Fachbereich 09, Studiengang Sportwissenschaft

Badgasteiner Straße, Sportturm - 28334 Bremen

Tel: 0421/218 Fax: 0421/218-4577

Technische Universität Chemnitz-Zwickau Zwickau: Phil. Fakultät, Fachgebiet Sport

Thüringer Weg 11 9126 Chemnitz

Tel: 0371/5314525 Fax: 0375/5312925

Technische Hochschule Darmstadt Institut für Sportwissenschaft

Magdalenenstr. 27 64289 Darmstadt

Tel: 06151/16-3161 Fax: 06151/163661

Universität Dortmund Institut für Sport und seine Didaktik

Otto-Hahn-Str. 3 44227 Dortmund

Tel: 0231/755-4103 Fax: 0231/755-4487

Technische Universität Dresden Institut für Schul- und Grundschulpädagogik

Mommsenstraße 13 01062 Dresden

Tel: 0351/463-3952 Fax: 0351/463-7243

Heinrich-Heine-Universität Düsseldorf Institut für Sportwissenschaft

Universitätsstr. 1, Gebäude 28.01 - 40225 Düsseldorf

Tel: 0211/81-12031 Fax: 0211/81-14886

Katholische Universität Eichstätt Philosophisch-Pädagogische Fakultät

Ostenstr. 26-28 85072 Eichstätt

Tel: 08421/2028-0 Fax: 08421/89981

Pädagogische Hochschule Erfurt Institut für Sport- und Bewegungswissenschaften

Nordhäuser Str. 63 99089 Erfurt

Tel: 0361/737-1069 Fax: 0361/737-1930

Friedrich-Alexander-Universität Erlangen-Nürnberg - Institut für Sportwissenschaft

Regensburger Str. 160 90478 Nürnberg

Tel: 0911/5302-562 Fax: 0911/5302-578

Friedrich-Alexander-Universität Erlangen-Nürnberg - Sportzentrum

Gebbertstr. 123 b 91058 Erlangen

Tel: 09131/85-8170 Fax: 09131/858198

Universität Gesamthochschule Essen Fachbereich 2, Sportpädagogik

Gladbecker Str. 180 45141 Essen

Tel: 0201/1837225 Fax: 0201/1837224

Bildungswissenschaftliche Hochschule Mürwiker Str. 77 Tel: 0461/3130-0

213

Page 190: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

Flensburg - Universität Institut für Sport und seine Didaktik

24943 Flensburg Fax: 0461/38543

Johann Wolfgang Goethe-Universität Frankfurt Institut für Sportwissenschaften

Ginnheimer Landstr. 39 60487 Frankfurt/Main

Tel: 069/798-24511 Fax: 069/798-24554

Albert-Ludwigs-Universität Freiburg Institut für Sport und Sportwissenschaft

Schwarzwaldstr. 175 79117 Freiburg

Tel: 0761/20345-11 Fax: 0761/203-4534

Pädagogische Hochschule Freiburg Fach Sport und Sportpädagogik

Schwarzwaldstr. 175 79117 Freiburg

Tel: 0761/2034573

Justus-Liebig-Universität Gießen Institut für Sportwissenschaft im Fachbereich 05

Kugelberg 62 35394 Gießen

Tel: 0641/702-5325 Fax: 0641/702-5328

Georg-August-Universität Göttingen Institut für Sportwissenschaften

Sprangerweg 2 37075 Göttingen

Tel: 0551/395-653 Fax: 0551/395641

Ernst-Moritz-Arndt-Universität Greifswald Institut für Sportwissenschaft

Hans-Fallada-Str. 2 17487 Greifswald

Tel: 03834/502289

Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg Institut für Sportwissenschaft

Selkestr.9, Haus F 6122 Halle/S.

Tel: 0345/552-4420 Fax: 0345/552-7054

Universität Hamburg Fachbereich Sportwissenschaft

Mollerstr. 10 20148 Hamburg

Tel: 040/4123-2474 Fax: 040/4123-5666

Universität Hamburg Arbeitsbereich Bewegung, Spiel und Sport

Von-Melle-Park 8 20146 Hamburg

Tel: 040/4123-3198 Fax: 040/4123-2112

Universität Hannover Institut für Sportwissenschaft

Am Moritzwinkel 6 30167 Hannover

Tel: 0511/762-5128 Fax: 0511/762-2196

Universität Hannover Lehrgebiet Sport und Sportpädagogik

Bismarckstr. 2 30173 Hannover

Tel: 0511/762-8558

Universität Heidelberg Institut für Sport und Sportwissenschaft

Im Neuenheimer Feld 70069120 Heidelberg

Tel: 06221/56-3922 Fax: 06221/56-4387

Pädagogische Hochschule Heidelberg Fach Leibeserziehung/Sportpädagogik

Im Neuenheimer Feld 71060120 Heidelberg

Tel: 06221/477-605 Fax: 06221/477-607

Universität Hildesheim Institut für Sportwissenschaft/Sportpädagogik

Marienburger Platz 22 31141 Hildesheim

Tel: 05121/883-260 Fax: 05121/883268

Friedrich-Schiller-Universität Institut für Sportwissenschaft

Seidelstr. 20 07749 Jena

Tel: 03641/630129 Fax: 03641/630115

Universität Fridericiana Karlsruhe (TH) Insitut für Sport und Sportwissenschaften

Kaiserstr. 12 76128 Karlsruhe

Tel: 0721/608-2611 Fax: 0721/6084841

Pädagogische Hochschule Karlsruhe Fakultät V, Sportpädagogik

Bismarckstr. 10 76133 Karlsruhe

Tel: 0721/925-4086 Fax: 0721/4000

Universität-Gesamthochschule Kassel Fachrichtung Sportwissenschaft

Heinrich-Plett-Str. 40 43109 Kassel

Tel: 0561/8044416 Fax: 0561/804 4340

Christian-Albrechts-Universität zu Kiel Institut für Sport und Sportwissenschaften

Olshausenstr. 74 24098 Kiel

Tel: 0431/8801 Fax: 0431/880-3783

Universität Koblenz-Landau, Abteilung Koblenz Institut für Sportwissenschaften

Rheinau 1 56075 Koblenz

Tel: 0261/9119-369 Fax: 0261/9119-367

Universität Koblenz-Landau, Abteilung Landau Institut für Sportwissenschaften

Im Fort 7 76829 Landau

Tel: 06341/280-245 Fax: 06341/280-245

214

Page 191: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

Deutsche Sporthochschule Köln Pädagogisches Seminar

Carl-Diem-Weg 6 50933 Köln

Tel: 0221/4982-450 Fax: 0221/4971782

Deutsche Sporthochschule Köln Institut für Rehabilitation und Behindertensport

Carl-Diem-Weg 6 50933 Köln

Tel: 0221/4982-471 Fax: 0221/497 1726

Deutsche Sporthochschule Köln Fachbereich III, Sportdidaktik u. -methodik

Carl-Diem-Weg 6 50933 Köln

Tel: 0221/4982-456

Universität Konstanz Fachgruppe Sportwissenschaft

Universitätsstr. 10 78434 Konstanz

Tel: 07531/88-3651

Universität Leipzig Fakultät Sportwissenschaft

Friedrich-Ludwig-Jahnallee 59 - 04109 Leipzig

Tel: 0341/ 9731600 Fax: 0341/9731695

Pädagogische Hochschule Ludwigsburg Fachbereich V, Fach Sportpädagogik

Reuteallee 46 71634 Ludwigsburg

Tel: 07141/140-0 Fax: 07141/140434

Universität Lüneburg Institut für Spiel- und Bewegungserziehung

Scharnhorststraße 1 21335 Lüneburg

Tel: 04131/781116 Fax: 04131/781116

Otto-von-Guericke-Universität Magdeburg Institut für Sportwissenschaft

Stresemannstr. 23 39104 Magdeburg

Tel: 0391/6714720 Fax: 0391/6714705

Johannes Gutenberg-Universität Fachbereich Sport

Albert-Schweitzer-Str. 2255099 Mainz

Tel: 06131/39-3506 Fax: 06131/39-3525

Philipps-Universität Marburg Insitut für Sportwissenschaft und Motologie

Barfüßerstr. 1 35037 Marburg

Tel: 06421/28-3958 Fax: 06421/28- 3973

Technische Universität München Zentralinstitut für Sportwissenschaften

Connollystr. 32 80809 München

Tel: 089/289-01 Fax: 089/289-24555

Universität der Bundeswehr München Institut für Sportwissenschaft und Sport

Werner-Heisenberg-Weg 39 85577 Neubiberg

Tel: 089/6004-4182 Fax: 089/6004-3560

Westfälische Wilhelms-Universität Münster Fachbereich 20 Sportwissenschaft

Horstmarer Landweg 62 b48149 Münster

Tel: 0251/83-2300 Fax: 0251/83-4862

Carl v. Ossietzky Universität Oldenburg Fachbereich 5, Sportwissenschaft

Uhlhornsweg 26111 Oldenburg

Tel: 0441/798-3153 Fax: 0441/798-2144

Universität Osnabrück Fachgebiet Sport und Sportwissenschaft

Jahnstr. 41 49069 Osnabrück

Tel: 0541/969-4297 Fax: 0541/969-4297

Universität-Gesamthochschule Paderborn Fachbereich 2 - Sportwissenschaft

Warburger Str. 100 33095 Paderborn

Tel: 05251/60-3137 Fax: 05251/60-3547

Universität Passau Sportzentrum

Innstr.45 94030 Passau

Tel: 0851/509-1751 Fax: 0851/509-1752

Universität Potsdam Institut für Sportwissenschaft

Am Neuen Palais 14415 Potsdam

Tel: 0331/977-0 Fax: 0331/977-1043

Universität Regensburg Institut für Sportwissenschaft

Universitätsstr. 31 93053 Regensburg

Tel: 0941/943-2517 Fax: 0941/943-4490

Universität Rostock Institut für Sportwissenschaft

Ulmenstr. 69 18051 Rostock

Tel: 0381/49827-46 Fax: 0381/49827-47

Universität des Saarlandes Sportwissenschaftliches Institut

Postfach 151150 66041 Saarbrücken

Tel: 0681/302-2504 Fax: 0681/302-4091

Pädagogische Hochschule Schwäbisch Gmünd Fach Sport/Sportpädagogik

Oberbettringerstraße 200 73525 Schwäbisch Gmünd

Tel: 07171/6061 Fax: 07171/606212

Universität Stuttgart Allmandring 28 Tel: 0711/685-3152

215

Page 192: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

Institut für Sportwissenschaft 70569 Stuttgart Fax: 0711/685-3165 Universität Tübingen Institut für Sportwissenschaft

Wilhelmstr. 124 72074 Tübingen

Tel: 07071/2972629 Fax: 07071/21572

Hochschule Vechta Fachbereich I Sportwissenschaft

Driverstr. 22 49364 Vechta

Tel: 04441/15-1 Fax: 04441/15444

Pädagogische Hochschulle Weingarten Fach Sportpädagogik

Kirchplatz 2 88250 Weingarten

Tel: 0751/5010 Fax: 0751/501200

Julius-Maximilians-Universität Würzburg Institut für Sportwissenschaft/Sportzentrum

Judenbühlweg 11 97082 Würzburg

Tel: 0931/888 -6590 Fax: 0931/888 -6505

Bergische Universität – Gesamthochschule Wuppertal Betriebseinheit Sportwissenschaft

Gaußstr. 20 42097 Wuppertal

Tel: 0202/439-2009 Fax: 0202/439-2009

216

Page 193: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

Situation géographique des Instituts en Sciences du sport en Allemagne

217

Page 194: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

ADRESSE DES FACULTES EN SCIENCE S DU SPORT EN FRANCE

Université de Picardie Jules-Verne Faculté des Sciences du Sport d’Amiens

3, rue des Louvels 80036 Amiens Cedex 01

Tel: 0322.82.77.28 Fax: 0322.82.78.44

Université des Antilles-Guyane U.F.R.S.T.A.P.S des Antilles-Guyane

Campus Universitaire de Fouillole - B.P.592 97159 Point-à-Pitre

Tel: 019.590.93.86.17 Fax: 019.590.93.86.16

Université de Besançon U.F.R.S.T.A.P.S de Besançon

31, rue de l’Epitaphe 25000 Besançon

Tel: 0381.48.32.60 Fax: 0381.53.78.38

Université de Bordeaux 2 Faculté des Sciences du Sport et de l’EP de Bordeaux

Domaine Universitaire, av. Camille-Jullian 33405 Talence Cedex

Tel: 0556.84.52.00 Fax: 0446.84.94.89

Université de Caen U.F.R.S.T.A.P.S de Caen

Boulevard du Maréchal-Juin 14032 Caen

Tel: 0231.44.34.40 Fax: 0231.95.13.96

Université du Littoral Division S.T.A.P.S de Calais

9, quai de la Citadelle -- B.P.1022 59375 Dunkerque Cedex

Tel: 0328.23.73.31 Fax: 0328.23.73.13

Université de Clermont-Ferrand 2 U.F.R.S.T.A.P.S de Clermont-Ferrand

Ens. Universitaire les Céseaux - B.P.104 63172 Aubière Cedex

Tel: 0473.40.75.35 Fax: 0473.40.74.46

Université de Corté Division S.T.A.P.S. de Corté

U.F.R. des Sciences et techn. - Dom. Grosseti Quart.St.Antoine, B.P.252 20250 Corté

Tel: 0494.45.0054 Fax: 0495.45.0085

Université de Bourgogne U.F.R.S.T.A.P.S de Dijon

Campus Universitaire de Montmuzard - B.P.138 21004 Dijon Cedex

Tel: 0380.39.67.10 Fax: 0380.39.67.02

Université de Grenoble 1 U.F.R.S.T.A.P.S de Grenoble

Domaine Universitaire - B.P.53 38041 Grenoble Cedex 9

Tel: 0476.51.46.94 Fax: 0476.51.44.69

Université d’Artois Division S.T.A.P.S. de Liévain

Chemin des Manufactures - B.P.38 62801 Liévain Cedex

Tel: 0321.44.85.44 Fax: 0321.44.87.50

Université de Lille 2 Faculté des Sciences du Sport et de l’EP de Lille

9, rue de l’université 59790 Ronchin

Tel: 0320.52.52.85 Fax: 0320.88.73.63.

Université de Limoges Division S.T.A.P.S. de Limoges

Faculté des Sciences, 123, av. Albert Thomas 87060 Limoges Cedex

Tel: 0555.45.73.91 Fax: 0555.45.72.01

Université de Lyon 1 U.F.R.S.T.A.P.S de Lyon - Faculté des Sciences du Sport

27-29, bd. du 11 novembre 69622 Villeurbanne Cedex

Tel: 0477.44.83.44 Fax: 0472.44.80.27

Université d’Aix-Marseille 2 Faculté des Sciences du Sport de Marseille

163, Av. de Luminy B.P.910 13288 Marseille Cedex 9

Tel: 0491.17.04.12 Fax: 0491.17.04.15

218

Page 195: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

Université de Montpellier 1 U.F.R.S.T.A.P.S de Montpellier

700, Av. du Pic St.Loup 34090 Montpellier

Tel: 0467.54.62.22 Fax: 0467.04.22.17

Université de Nancy 1 U.F.R.S.T.A.P.S de Nancy

30, rue du Jardin Botanique 54600 Villers-Les-Nancy

Tel: 0383.90.56.00 Fax: 0383.90.28.42

Université de Nantes U.F.R.S.T.A.P.S de Nantes

3, bd. de Guy Mollet 44300 Nantes

Tel: 0240.76.00.84 Fax: 0240.76.00.97

Université de Nice Faculté des Sciences du Sport de Nice - U.F.R.S.T.A.P.S

65, Avenue de Valrose 06100 Nice

Tel: 0493.51.06.00 Fax: 0493.52.16.46

Université d’Orléans Faculté des Sciences du Sport d’Orléans - U.F.R.S.T.A.P.S

Rue de Vendôme - B.P.6749 45067 Orléans Cedex 2

Tel: 0238.41.71.78 Fax: 0238.41.72.60

Université de Paris 5 René-Descartes U.F.R.S.T.A.P.S de Paris 5

1, rue Lacretelle 75015 Paris

Tel: (1)48.28.58.83 Fax: (1).45.30.24.93

Université de Paris 10 Nanterre U.F.R.S.T.A.P.S de Paris 10

200, Av. de la République 92000 Nanterre

Tel: (1)40.97.76.90 Fax: (1.)30.97.76.91

Université de Paris 11 Orsay U.F.R.S.T.A.P.S de Paris 11

Division S.T.A.P.S., Université Paris 11, Bât. 335 91405 Orsay Cedex

Tel: (1)69.41.61.57 Fax: (1)69.41.62.37

Université de Paris 12 Créteil U.F.R.S.T.A.P.S de Paris 12

Faculté des Sciences de l’Education et Sciences Sociales 200, Av. du Gal-de-Gaulle 94010 Créteil Cedex

Tel: (1)45.17.19.56 Fax: (1)45.17.19.40

Université de Paris 13 Bobigny Département S.T.A.P.S. de Paris 13

U.F.R. S.M.B.H. Léonard de Vinci 93017 Bobigny Cedex

Tel : 01.48.38.76.17 Fax: 01.48.38.77.77

Université de Pau et des Pays de l'Adour Division S.T.A.P.S. de Pau-Tarbes

55, Avenue d'Azereix 65000 Tarbes

Tel: 05.62.34.81.69 Fax: 05.62.44.14.56

Université de Perpignan, Département S.T.A.P.S. de Perpignan

56, Avenue de Villeneuve 66860 Perpignan

Tel: 04.68.66.21.27 Fax: 04.68.66.17.03

Université de Poitiers U.F.R.S.T.A.P.S de Poitiers

4, allée Jean-Monnet 86000 Poitiers

Tel: 05.49.45.33.43 Fax: 05.49.45.33.96

Université de Reims Division S.T.A.P.S.

Complexe Sportif Universitaire Moulin de la Housse 51100 Reims

Tel: 03.26.05.38.90 Fax: 03.26.05.38.06

Université de Rennes U.F.R.S.T.A.P.S de Rennes

Campus de la Harpe - Av. Charles-Tillon 35044 Rennes Cedex

Tel: 02.99.14.17.60 Fax: 02.99.14.17.70

219

Page 196: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

Université de la Réunion Département .S.T.A.P.S de La Réunion

Antenne du Tampon 117, rue du Gal Ailleret 97430 Tampon

Tel: 02.62.57.95.70 Fax: 02.62.57.95.71

Université de Rouen Faculté des Sciences du Sport et de l’EP de Rouen

Université de Rouen - 76831 Mont-Saint-Aignan Cedex

Tel: 02.35.14.81.50 Fax: 02.35.10.07.12

Université de Saint-Etienne Jean Monnet Division S.T.A.P.S. de Saint-Etienne

3, Impasse Georges Clémenceau 42100 Saint-Etienne

Tel: 04.77.41.64.10 Fax/ 04.77.21.65.03

Université de Strasbourg 2 U.F.R.S.T.A.P.S. de Strasbourg

14, rue René Descartes 67084 Strasbourg Cedex

Tel: 03.88.15.72.40 Fax: 03.88.4174.75

Université de Toulon Division S.T.A.P.S. de Toulon

Avenue de l'Université 83130 La Garde

Tel: 04.94.14.22.81 Fax: 04.94.14.22.78

Université de Toulouse 3 - Paul Sabatier U.F.R.S.T.A.P.S. de Toulouse

118, route de Narbonne 31062 Toulouse Cedex

Tel: 05.61.55.66.32 Fax. 05.61.55.82.17

Université de Valenciennes Division S.T.A.P.S.

Le Mont-Houy - B.P.311 59304 Valenciennes Cedex

Tel: 03.27.14.13.26 Fax: 03. 27.14.11.00

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Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

Situation géographique des principales Facultés en Sciences du sport en France

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Page 198: Sciences Du Sport 1998

Charles Pigeassou et Gerhard Treutlein

ADRESSE DES AUTEURS

Prof. Dr. Chantal Amade-Escot - IUFM 56, Avenue de l’URSS - F-31078 Toulouse CEDEX

Prof. Dr. Erich Beyer

Friedrich-Naumann-Str. 47 - D-76187 Karlsrhuhe

Jean Michel Delaplace - Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique 700, Avenue du Pic St.Loup - F-34090 Montpellier Prof. Dr.Didier Delignières - Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique

700, Avenue du Pic St.Loup - F-34090 Montpellier

Prof. Dr. Knut Dietrich - Universität Hamburg - Fachbereich Sportwissenschaft (FB 19) Mollerstr.10 - D-20148 Hamburg Prof. Dr. Hans Eberspächer - Universität Heidelberg - Institut für Sport und Sportwissenschaft - Im

Neuenheimer Feld 710 - D-69120 Heidelberg Inspecteur Général. Alain Hébrard - Inspection Générale de l'Education Nationale - Groupe EPS 42, rue de la Vanne - F-92120 Montrouge Prof. Doris Küpper - Bergische Universität - Gesamthochschule Wuppertal

Betriebseinheit Sportwissenschaft und Allgemeiner Hochschulsport im FB 3 - Gaußstr.20, Pf. 100127 - D-42092 Wuppertal

Prof. Dr. Gerd Landau - Universität Gesamthochschule Essen - FB 2,

Sportpädagogik - Gladbecker Str.180, Pf.103764 - D-45141 Essen Dr. Anne Marcellini - Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique

700, Avenue du Pic St.Loup - F-34090 Montpellier

Dr. Deborah Nourrit - Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique

700, Avenue du Pic St.Loup - F-34090 Montpellier

Dr. Gunter Pilz - Universität Hannover - Institut für Sportwissenschaft

Am Moritzwinkel 6 - D-30167 Hannover

Dr. Charles Pigeassou - Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique

700, Avenue du Pic St.Loup - F-34090 Montpellier

Dr. Otto J.Schantz - U.F.R. STAPS 14, rue René Descartes - F-67084 Strasbourg Cedex

Prof. Dr. Karheinz Scherler - Universität Hamburg - Arbeitsbereich Bewegung, Spiel und

Sport - Von-Melle-Park 8, D-20146 Hamburg Dr. Giselher Spitzer - Universität Potsdam - Institut für Sportwissenschaft

Am Neuen Palais, Pf. 601553 - D-14415 Potsdam

Prof. Dr. Gerhard Treutlein - Pädagogische Hochschule Heidelberg - Abteilung Sport-pädagogik/Leibeserziehung - Im Neuenheimer Feld 710 - D-69120 Heidelberg

Dr. Eva Trumpp - Johannes-Gutenberg-Universität Mainz - Englisches Seminar

Sprachwissenschaftliche Abteilung - Jakob-Balder-Weg 18 - D-55122 Mainz

Dr. Reiner Wollny - Universität Heidelberg - Institut für Sport und Sportwissenschaft Im Neuenheimer Feld 710 - D-69120 Heidelberg

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