Science ouverte et injustice cognitive, conférence de Yaoundé 2016
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SCIENCE OUVERTE ET JUSTICE COGNITIVE
FLORENCE PIRON
UNIVERSITÉ LAVAL, ASSOCIATION SCIENCE ET BIEN COMMUN - PROJET [email protected]
LA FRACTURE NUMÉRIQUE ET LA FRACTURE ÉCONOMIQUE SE RETROUVENT DANS LA FRACTURE COGNITIVE ENTRE NORD ET SUD.
La quantité de publications scientifiques en 2001
LA JUSTICE COGNITIVE SELON SHIV VISVANATHAN, ANTHROPOLOGUE INDIENCognitive justice recognizes the right of different forms of knowledge to co-exist but adds that this plurality goes beyond tolerance or liberalism to an active recognition of the need for diversity. It demands recognition of knowledge: not just as method, but also as a culture and a way of life.
• Reconnaissance active de la diversité des savoirs• Reconnaissance des savoirs et de leur valeur égale• Vision pluraliste des savoirs• Tout savoir est intégré dans une culture, a sa propre cosmologie, fait partie
de la vie• Injustice cognitive : mépris et ignorance par l’élite scientifique et politique
d’un pays des savoirs… Savoirs des Suds Savoirs des femmes Savoirs des personnes analphabètes et marginalisées Savoirs dans des langues non hégémoniques/coloniales Savoirs non théorisés Savoirs des sciences humaines et sociales
L’IDÉAL DE JUSTICE COGNITIVE• Celui de l’égalité en valeur de tous les savoirs
humains, qu’ils soient ou non scientifiques, pour assurer un développement social durable des collectivités locales.
• La reconnaissance de cette égalité des savoirs permet de valoriser les savoirs locaux au lieu de les mépriser ou de les ignorer.
• La justice cognitive valorise un dialogue égalitaire entre des savoirs différents, incluant le savoir scientifique, mais tous humains.
• Elle considère comme normal que la recherche scientifique soit en harmonie avec les besoins et préoccupations de la société, qu’elle se mette au service du bien commun.
CET IDÉAL EST-IL COMPATIBLE AVEC LE CADRE NORMATIF DOMINANT DE LA SCIENCE?
Selon ce cadre positiviste :la scientificité d’un savoir est garantie par la capacité de ses auteurs à prouver qu’il respecte un cadre normatif précis, enseigné à l’université, qui le distingue des autres savoirs :
• Objectivité = absence de subjectivité et d’émotions dans le texte, neutralité axiologique et décontextualisation = preuve de l’universalité du savoir produit
• le refus de toute influence/ingérence du marché, de la société civile, de l’État ou du monde non-universitaire
• Méthode et langage scientifique, rattachement institutionnel, publications
• La science positiviste se construit sur l’exclusion des autres savoirs et sur le statut élitiste de ses acteurs.
• Elle ne peut pas structurellement s’ouvrir aux savoirs non-scientifiques et aux acteurs non-scientifiques
• La justice cognitive n’est pas compatible avec le positivisme
À LA RECHERCHE D’UNE AUTRE ÉPISTÉMOLOGIE
Une autre façon de pratiquer la recherche scientifique et de la diffuser qui aurait le potentiel de susciter plus de justice cognitive- Ouverture aux non-scientifiques (science citoyenne,
participative, collaborative)- Ouverture aux autres savoirs (science inclusive, science
pluraliste)Mais aussi, grâce aux technologies numériques- Ouverture à plus d’accessibilité aux savoirs scientifiques
diffusés sous la forme d’articles scientifiques- Pluralité de modes de diffusion et de partage des savoirsLa science ouverte?
DEUX VERSIONS (AU MOINS) DE LA SCIENCE OUVERTE• Pour certains, elle se limite au mouvement vers le libre
accès aux ressources scientifiques compatible avec le paradigme positiviste qui
domine le système actuel de la recherche scientifique.
• Pour d’autres, elle propose un changement épistémologique profond en s’ouvrant à l’inclusion en son sein • des savoirs locaux (traditionnels, endogènes,
expérientiels, pratiques, etc.)• des préoccupations des communautés locales • d’une pluralité de langues• d’une pluralité d’épistémologies et de manières de
produire de la connaissance• d’une pluralité de modes et de lieux de diffusion.
LA SCIENCE OUVERTE COMME OUTIL DE JUSTICE COGNITIVE
• Si elle reste positiviste, elle vise avant tout à maximiser la productivité des chercheurs dans leur univers d’économie du savoir.
• Pour devenir un outil de justice cognitive, elle doit d’abord prendre conscience des injustices cognitives et mettre ses capacités d’ouverture au service de la lutte contre les injustices cognitives.
• FAQ : http://www.projetsoha.org/?page_id=1264
INJUSTICE COGNITIVEUne injustice cognitive est une situation, un phénomène, une politique ou une attitude qui empêche les étudiants, étudiantes, chercheurs et chercheuses de déployer le plein potentiel de leur capacité de recherche scientifique en faveur du développement durable local de leur pays.Pour les chercheurs des Suds, plusieurs injustices sont particulièrement puissantes et difficiles à renverser.Le projet SOHA vise à lutter contre ces injustices en les identifiant, en les documentant et en favorisant l’empowerment des étudiants, étudiantes, chercheurs et chercheuses d’Haïti et d’Afrique francophone pour mieux les contrer.
SEPT INJUSTICES COGNITIVES• Les barrières financières et numériques dans l’accès aux
publications scientifiques• L’hégémonie de l’anglais et, dans une moindre mesure, du
français comme langue de science• Accès difficile à Internet et faible littératie numérique des
étudiants et étudiantes• Mépris pour les savoirs locaux, socialement et culturellement
pertinents• Coupure entre les priorités de la recherche et celles de la
société, des communautés locales• Absence d’infrastructure de recherche dans les universités des
Suds• Aliénation épistémique : devoir penser dans une épistémologie
et des catégories de pensée post-coloniales
PEUT-ON CHANGER LA SITUATION?Oui!La science actuelle n’est pas une fatalité.Elle est dominée par un cadre normatif qui ne se soucie pas des injustices cognitives, qui est inspiré par l’économie du savoir et le capitalisme cognitif.Une autre science est possible et existe déjà, aux marges de la science hégémonique : une science qui aspire au bien commun, à la justice cognitive et sociale, au respect des savoirs locaux contre la « cruauté » de l’épistémé occidentale (dixit Michel Foucault).C’est vers cette science que travaillent l’Association science et bien commun et le projet SOHA
UNE AUTRE SCIENCE EST POSSIBLEUn cadre alternatif : la science ouverte juste (dans les pays du Nord)
• Publier en libre accès• Faire de l’évaluation ouverte• Partager ses travaux, ses données et ses ressources sur
le web et avec les médias sociaux• Traduire ses articles pour les rendre accessibles à un plus
large public• Dialoguer, commenter (au lieu du secret et de la peur)• Intégrer des non-scientifiques au processus de recherche• Intégrer des savoirs autres que scientifiques : savoirs
locaux traditionnels, expérientiels, politiques, etc.• Décider de l’agenda de la recherche selon les priorités de
la société, le bien commun• Privilégier les logiciels libres et les ressources éducatives
libresEt dans les pays du Sud?
ET DANS LES PAYS DES SUDS?CRÉONS LA SCIENCE OUVERTE JUSTE• Accès au web exigé pour tous les étudiants et étudiantes• Fin de la pédagogie de l’humiliation• Ouverture de l’université (des professeurs) aux langues
locales, aux savoirs locaux• Apprentissage collectif rapide des outils du web
scientifique libre• Pression pour que les chercheurs du Nord et des Suds
déposent en libre accès leurs publications• Adaptation locale du modèle de boutique de science• Financement d’une infrastructure de recherche Et surtout• Empowerment des chercheurs et étudiants pour qu’ils et
elles créent un nouveau cadre normatif qui soit plus inclusif
LANCEMENT À YAOUNDÉ ET CAP-HAÏTIEN DE LA DEUXIÈME ENQUÊTE SOHAPorte sur les pratiques informationnelles et de citation des étudiants et étudiantes d’Haïti et d’Afrique francophone. Elle a été construite à partir des projets de mémoire et de thèse d’étudiants sénégalais et haïtiens et, bien sûr, du projet SOHA. Une belle expérience de travail collaboratif!Cette enquête prend la forme d’un questionnaire en ligne qui compte 3 sections : 1) Qui êtes-vous? 2) Vos pratiques informationnelles 3) Vos pratiques de citation. Ce questionnaire prend de 10 à 15 minutes à remplir en ligne. Il est anonyme. Vous pouvez utiliser les nombreux espaces de commentaire libre pour compléter les réponses fermées si vous le souhaitez.Date limite pour répondre : 30 juin 2016http://projetsoha.org
ÉDITIONS SCIENCE ET BIEN COMMUN• Proposer un livre aux Éditions science et bien commun, c’est accepter de
partager les valeurs portées par leur projet éditorial :• la publication numérique en libre accès, en plus des autres formats• la pluridisciplinarité, dans la mesure du possible• le plurilinguisme qui encourage à publier en plusieurs langues, notamment
dans des langues nationales africaines ou en créole, en plus du français• l’internationalisation, qui conduit à vouloir rassembler des auteurs et auteures
de différents pays ou à écrire en ayant à l’esprit un public issu de différents pays, de différentes cultures
• mais surtout la justice cognitive : • chaque livre collectif, même s’il s’agit des actes d’un colloque, devrait aspirer
à la parité entre femmes et hommes, entre juniors et seniors, entre auteurs et auteures issues du Nord et issues du Sud (des Suds); en tout cas, tous les livres devront éviter un déséquilibre flagrant entre ces points de vue;
• chaque livre, même rédigé par une seule personne, devrait s’efforcer d’inclure des références à la fois aux pays du Nord et aux pays des Suds, dans ses thèmes ou dans sa bibliographie;
• chaque livre devrait viser l’accessibilité et la « lisibilité », réduisant au maximum le jargon, même s’il est à vocation scientifique et évalué par les pairs.
CETTE PRÉSENTATIONEst sous licence Creative Commons:
Vous pouvez l’utiliser, telle quelle ou en la modifiant, pour vos activités d’enseignement ou de formation.Elle fait partie des communs de la connaissance, elle appartient à tous.
À vous de jouer!