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LA SANT TOTALITAIRE

La sant totalitaireEssai sur la mdicalisation de lexistenceTable des matiresPrologue Comment se soucier de soi dans une sant en miettes?31. O il apparat que ce qui est thrapeutique nest pas toujours mdical13Un dficit thique dans lorganisation du vivant14Un dficit politique20Un dficit subjectif252. Du soucie-toi de toi-mme au connais-toi toi-mme32Le thrapeutique et le iatrique32Le gouvernement du vivant aujourdhui36Malaise dans la sant42Le corps expropri et la maladie du malade49Rationalit mdicale et subjectivit49La clinique: une casuistique?51Le corps: une construction subjective?53La connaissance tragique de la maladie57Lintrus59Une consultation ordinaire61Gurir du psychique71Lthique: un renouveau de la clinique dans les pratiques thrapeutiques?75Lthique: un reste des partis pris mthodologiques?75La polyphonie des discours dans le champ thrapeutique83Rhtorique et propagande des discours de sant publique et de mdecine prventive89Lhypocrisie des rhtoriques de sant publique96Les logiques du consentement: espoirs et illusions de lindividu clair102Des principes aux pratiques du consentement102Le nourrisson savant dans les logiques du consentement110Une culture hypocrite?115Les zones dombre du rationalisme clair118La faute, la culpabilit et la responsabilit122Gense de linstance morale: qu as-tu fait de ton frre?122Dune culpabilit et dune dette infinies130Des consquences dun dsaveu de la dette136Idologies et rationalits mdicales137La passion de lordre dans les logiques de sant mentale143La naturalisation de lhumain143Le diagnostic en questions153Vous avez dit expertise267?163Conclusion174Avertissement181 Tom et Jade, Pour un futur en humanit[...] la ralit psychique est une forme dexistence particulire, quil ne faut pas confondre avec la ralit matrielle.S. Freud, LInterprtation des rvesLa maladie seule me ramena la raison.F. Nietzsche, Ecce HomoElle ne souffre pas dtre oublie, trahie, cest de cette suppression de la douleur, quelle va devenir folle.M. Duras, La Vie matriellePrologue Comment se soucier de soi dans une sant en miettes?Comment peut-on tre malade aujourdhui dans une culture qui transforme k patient en acteur, en usager des soins mdicaux sans souci authentique pour sa souffrance psychique de sujet en dtresse?Trois exemples, tirs de lactualit mouvemente du mois davril 2004 au cours duquel les hommes politiques nont pas su prendre toute la mesure de la condition de lhomme moderne1, nous permettront dillustrer cette question. Cette culture moderne prive simultanment le sujet humain de sa valeur subjective, de ce souci de soi dont nous reparlerons, et de sa fonction politique. Dans cette privation de laction politique et de luvre subjective, lhomme contemporain se voit condamn une spirale, de revemiicatinas sodaks, et de ..consommations solitaires. de,S...bkuiJ>a&mJX- Parmi ces biens sociaux, dont il se trouve reconnu propritaire, consommateur et usager de plein droit, par une lgislation quelque peu harcelante, figure sa sant. Au fil des sicles, les hommes nont cess de lutter contre la maladie, de rechercher le bien-tre physique et une scurit corporelle toujours croissante. notre poque, il est communment admis de placer la sant dans la catgorie du bien. Une telle conception de la maladie et du soin contient la fois des mythes, des idologies et des revendications sociales. Elle traverse lensemble des productions scientifiques, en particulier en mdecine, en sociologie et en conomie de la sant.Voici le premier exemple. Il sagit dun document tlvis soulignant le mrite de linformation^mdicale dans la promotion du patient en tant_ qu'acteur du soin dontil va bnficier. Les images dfilent selon la rhtorique traditionnelle de la publicit: un staff mdical discute des choix thrapeutiques devant une tumeur de la vessie, une image de scanner objective la tumeur, les paroles du patron droulent lintrigue du problme: chimiothrapie? chirurgie? radiothrapie? Le patient est invit donner son avis sur les avantages et les inconvnients des diffrentes stratgies thrapeutiques (choix de prfrences). Gageons que, dans les coulisses du dialogue mdical, les praticiens lui auront expos les donnes probabilistes dduites des travaux internationaux les plus rcents, lauront inform loyalement et lauront clair sur les marges de manuvre dont lquipe dispose dans le cadre des protocoles standardiss de la Mdecine fonde sur des preuves (EBM *) et de la lgislation en vigueur. La lgislation en vigueur ne concerne pas seulement lencadrement lgislatif des actes mdico-chirurgicaux autoriss ou proscrits par les lois dun pays, mais aussi le cadre culturel et dontologique dfini virtuellement par lavis des experts que le Conseil de lOrdre ne manquerait pas de requrir en cas de plainte. Cette lgislation des actes mdicaux se trouve galement cadre par les rationalisations conomiques consensuelles et actuelles des compagnies dassurances sociales: combien de journes dhospitalisation, par exemple? Le patient va srement, ds son retour chez lui, consulter sur Internet les bases de donnes des travaux mdicaux les plus rcents sur sa maladie et son pronostic. Au point mme dacqurir des connaissances mdicales qui feraient rougir de honte nimporte lequel de ses amis mdecins consults inopinment. Le patient avoue devant les camras tlvises sa satisfaction de pouvoir participer au choix thrapeutique et prononce cette phrase: On est vraiment intgr dans lquipe. Dnouement de lintrigue pose par la dtresse psychique du malade: linformation du consommateur de soins, dsormais promu auxiliaire de lquipe mdicale. Mais est-ce la connaissance de ces informations mdicales qui dispose vritablement le malade son traitement, ou bien la fraternit, chaleureuse de l^gjMps. sflignanrftamfinfeici i l?.c^tsips!kfs!sp5cnt en sujet humain-? Ne soyons pas hypocrites: face cette mauvaise nouvelle, cette maldiction des maladies graves, lequel dentre nous ne souhaiterait pas quune quipe de mdecins gieane dw^tmpi^ur.ejpjj^ugj-certes, mais aussi pour lui parler.t./cDutr?, Dans cette civilisation folle de linstrumentation du vivant et de" lobjectivation du sujet humain, comment valuer leffet des paroles, celui de la mlodie de la voix ou encore le bienfait de la vritable prsence de lAutre? Comment et avec quels critres valuer quil fait plus clair quand on parle, comme le disait sa tante le petit garon de lhistoire freudienne, alors quil se trouvait plong dans lobscurit?Mais ce patient, ainsi intgr dans lquipe mdicale le temps dune consultation, restitu dans ses prrogatives sociales davoir faire un choix thrapeutique qui le concerne, que fera-t-il de son angoisse, de ses rves et de ses cauchemars, dans les jours et les nuits qui suivront? Crjrt- idologie de la sant comme, bien,, du corps,comme proprit-sociale, dont lindividu jouk,^laj^e..Jbixfede consquences. La pratique psychanalytique nous a rendus sur ces questions plus prudents que le journaliste du reportage documentaire. Lhystrique sest voue par ses symptmes en d-construire les valeurs: la fonction de lorgane corporel peut tre dtourne de son usage, entame dans son bien pour une autre cause, celle du dsir.Le deuxime exemple concerne le choix-du tEcme deen 2004. Les mdias se rjouissent lenvi: le 7 avril 2004 sera la journe de la scurit routire. Certes, le nombre de morts et de blesss sur les routes de France ne nous laisse pas indiffrents. Il suffit de stre trouv comme soignant, parent ou ami lhpital, en ranimation par exemple, pour se rendre compte du dsastre humain, du drame familial, de lhorreur biologique 2et psychique que constituent ces vnements. L encore, nos pratiques cliniques attestent lvidence que nombre daccidents participent dune psychopathologie de la viequotidienne: meurtres ou suicides, passions du risque, rituels initiatiques dadolescents dsesprs ou antisociaux, bref psychopathie actualisant une position psychique souvent maniaque, addictive, voire masochiste, ou encore franchement dlinquante, ou bien tout simplement ractionnelle la haine conformiste de nos civilisations 3. Cela est incontestable. Mais il est incontestable galement pour nous que cette mdicalisation la dviance, fut-elle routire, constitue un m,Qmept- particulier..de,l5aluattJk^ ct_xk4a /i^caft^soakde cette.pjratiqu.e.jpiciaaappelle la mdecine. Cette dila^l tation du pouvoir sur les vies, cet accroissement du j magistre mdical dans le gouvernement des conduites et des expertises des comportements, ces nouvelles fonctions de rducation et de normalisation psychique de la gdf-^ cine dans la gestion des populations constituent un symptme: dans le liefl social. Si lOMS peut placer sa journe mondiale sous lenseigne fie linscurit routire, alorsr,ir'T cniHlf. r-p pasjbjhmp^^? La pdagogie? La religion? Lamour? La famille? La politique? Lthique? Allons donc, mme la psychanalyse et la souffrance psychique nont pas su chapper au contrle sanitaire... au sanitai-rement correct.Le troisime exemple est justement lexamen le mme jour, le 7 avril 2004, par lAssemble nationale, dun amendement dit Accoyer, puis Giraud, puis Matti, concernant lencadrement lgislatif des psychothrapies dans la loi de sant publique. Qui a le droit de pratiquer des psychothrapies? Pourquoi et comment rglementer de telles pratiques? Depuis le vote lunanimit en premire lecture de lamendement Accoyer le 8 octobre 2003 lAssemble nationale par un faible nombre de dputs, les psys ont ouvert un espace public de dbats et de dialogues intellectuels auquel la moite torpeur de notre culture nolibrale ne nous avait plus habitus. Les mdias se sont largement fait lcho de cette rvolte des psys habilement et redoutablement gre par le ministre de la Sant, Jean-Franois Matti, qui a russi le12 dcembre 2003 faire voler en clats le front uni des opposants cette mdicalisation outrancire de la souf-france psychique. Passons sur Pliistoire des vnements produits par cet amendement Accoyer, adopt en janvier 2004 au Snat dans une atmosphre passionne et lourde de dbats houleux au cours desquels certains snateurs furent particulirement brillants, Jack Ralite et Jean-Pierre Sueur par exemple. Cet amendement est revenu en deuxime lecture lAssemble nationale le 7 avril 2004 sous la nouvelle appellation damendement Dubernard. Et le dbat continue... Laissons de ct la logique des vnements pour examiner plus prcisment ce qui nous intresse ici: linstrumentation de la vie psychique par linsertion dans une logique hyginiste de sant publique des praticiens du souci de soi, du soin de la souffrance psychique4.Mais, pralablement, remarquons que cet amendement Accoyer nest pas luvre dun homme politique particulirement extrmiste et pris follement de scurit. En tant que prsident du SIUEERPP nous avons rencontr le Dr Accoyer, promoteur de lAmendement, le professeur Giraud, rapporteur au Snat, le Dr Alain Corvez, conseiller du professeur Jean-Franois Matti, etc., et nous avons chaque fois apprci la qualit dcoute chaleureuse, attentive et intelligente de nos interlocuteurs. Ce ntaient pas des militants de lextrme, possds dhyginisme ou hants par ce totalitarisme rampant de la Sant publique qubcoise. Non, chaque fois le dialogue sest poursuivi dans lcoute et le respect, jusqu son point dimpasse: comment peut-on soigner des gens, qui plus est fragiliss mentalement, sans diplmes?Nous sommes l au cur du problme qui nous occupe dans ce prologue: la connaissance^ en mdecine ou en psychologie, organise-t-elle lpitimemefit les pratigi^ sociales de la subjectivit, du souci de soi, ou celles-ci relvent-elles dune autre logique? Les rponses cette, question dterminent la place du sujet moderne par rapport son inscription et sa participation dans la vie de la cit (le politique), sa manire de diriger sa conduite (lthique), au statut quil accorde la science dans lespace socioculturel o il volue (lpistmologique). Disons-le demble trs clairement: lamendement Accoyer ne relve pas dun choix politique, au sens traditionnel du terme, mais procde dune logique initie depuis longtemps, poursuivie sans tat dme rcemment par la gauche alors que Bernard Kouchner tait ministre de la Sant. Cette logique place lcart de conduite, lal souffrance psychique, le gouvernement des comportements sous lemprise de lexpertise sanitaire, sous lgide dune nouvelle police des corps et de lme. La sant devient un problme politique et la nolitjque de sant participe dune normalisation collective- des Comportements rige en politique dEtat En massifiant et en uniformisant les conduites, la politique de sant publique les exproprie de leur singularit par des expertises prcoces du comportement *. On pourrait penser que nous exagrons. Prenons un exemple clinique. Il sagit dun enfant e sixjyis que ses symptmes ont conduit, sur lincitation de lcole, une consultation en pdopsychiatrie. Ces symptmes ne nous paraissent pas probants. Ce petit garon ne souffre daucune phobie, terreur nocturne, nursie, retard scolaire, anorexie, conversions somatiques, violences contre lui-mme ou contre dautres, etc. Non, il a t simplement signal par lcole lquipe de pdopsychiatrie parce quau cours dune rcration il avait profit que le portail soit rest ouvert pour aller se promener avec un autre enfant de son ge dans la ville... Cette petite escapade a t diagnostique fugue! Nul doute que certains diagnostics sont prononcs sous le coup de leffet produit sur celui qui les nonce, comme un effet de la vrit qui laffecte par le discours ou le comportement dun semblable. Nous voulons dire par l que le gros mot du diagnostic de fugue pour une petite escapade se trouve sans doute la hauteur de la frayeur que cette absence buissonnire a pu produire sur linstitutrice. Pour peu que ce petit garon se soit quelque peu agit en classe et quil soit malheureusement pour lui tomb sur un psychiatre vtrinaire, il aura t sans nul doute trait par la Ritaline ou quelque autre psychotrope. tout prendre, dans les temps obscurs de notre civilisation, il aurait reu une bonne correction, ce qui sans doute se serait rvl moins dangereux queses drogues. .licites... Mais nos moyens de sanction ont chang, les rcompenses et les punitions qui venaient vali^J der positivement ou invalider ngativement nos compor-1 tements se sont mdicalises.Foucault5 montre qu partir du XVIIIe sicle, lcart de conduite, linfraction dfinie par la loi, se trouve apprci dun point de vue psychologico-moral, lequel participe tablir la sanction pnale. Donc, on nest plus puni seulement pour la faute commise, mais galement pour les dterminations psychologiques et morales c^ui ^auraient pouss sa ralisation. plus linfr^ctW^qui.se'1tmUY^sancOftiae, mais galement le caractre de celui 1 qui la commet. Le dlinquant nest plus seulement puni / pour la transgression accomplie mais aussi en tant que sujet psychologique, moral, thique. Cette fiction du: sujet ainsi conu savre le produit dune technique et dune pratique de discours qui sappelle la psychiatrie... Nous sommes l un moment particulier de la culture au cours duquel lexpertise psychiatrique va aider les magistrats faire passer le sujet dlinquant du rang dinculp au statut de condamn. Ce rle nouveau dumdecin dans lhistoire sest trouv sans cesse peaufin au cours du XIXe sicle en participant toujours davantage non seulement au contrle hyginiste des corps mais encore la police psychologique des mes, des comportements et des discours. Au cours du XXe sicle la multiplication des machines gurir et prvenir les maladies industrialise et uniformise les pratiques mdicales de surveillance des conduites.Non seulement, la psychiatrie et la psychologie des comportements participent caractriser les fautes et tablir de quelles dterminations elles relvent, mais encore elles participent dans leurs pratiques laccomplissement mme ^de la sanction. On punitjjioijis parce quon corrige davantage. Ces nouvelles corrections des comportements et des paroles se trouvent lgitimes par la formation scientifique. de leurs acteurs tout en recevant la bndiction morale dune nouvelle religion laque laquelle participe la mdecine de masse. Cest en effet plus soft de parler de thrapies cognitivo-comportementales (TCC) que de carotte et de bton, mme si les oprateurs et les principes qui mettent en uvre ce mode de sanction demeurent semblables: renforcer positivement certains comportements et en sanctionner ngativement dautres. Simplement, les TCC constituent des modes de sanction davantage rationaliss, aseptiss, anesthsis, socialiss que les rcompenses et punitions traditionnelles des temps obscurs o nous tions dresss et corrigs pour tre comme il *faut. Dans cette neurozoologie des comportements, les psychologues de lenfant et de ladolescent seront bientt recruts parmi les primatologues... Aprs avoir trait les animaux comme des btes, on finira bien par traiter lhomme sans humanit: cest parce que cette unit delespce na rien dimaginaire [...] que la socit de masse, o rgne lhomme-animal social, et o lon pourrait, semble-t-il, assurer mondialement la survie de lespce, peut dans le mme temps menacer danantir lhumanit 6.Donc comme nous venons de le constater, la condition de lhomme moderne partir des XVIIe et.XVinex sicles dispose et prpare rayn&mQt dy^ mental^ dont les troubles7 peuvent tre rduqus par _des fausses sciences, mais valus objectivmeflt. Ces fausses sciences lui apprennent ainsi comment il faut se comporter dans sa vie pour bien se porter dans sa tte et dans son corps.Comment en sommes-nous arrivs l? Cest la fois une vieille histoire que nous voquerons dans le chapitre suivant et une histoire plus rcente dont le dveloppement actuel organise le champ des pratiques de sant et auquel cet ouvrage se trouve consacr. Comment en est-on arriv ce que le pathos de la souffrance psychique et de la connaissance tragique8 quil convoque soit rduit un trouble du comportement vou tre redress par les TCC ou tre anesthsi par les psychotropes?La question de cette mdicalisation de lexistence a t aborde sous diffrents angles par plusieurs auteursLA SANT TOTALITAIRE la suite de Michel ^JFoucault, en particulier Petr Skrabanekdouard (Zarifian9, Pierre ^ach et Daniel Delano 10*> ou encore Elisabeth Roudinesco11. Notre contribution personnelle cette problmatique consiste montrer comment le mdical, en tant que distinct du thrapeutique, tend indfiniment et frocement Rduire ltre (lex-sistence) qui se drobe sa rationa-j lit et par l mme le constitue. Il sagit non seulement | de dconstruire lidologie mdicale qui prescrit sociale-/ ment des conduites au nom dune soi-disant descriptionI scientifique de la ralit, mais aussi de .montrer par quelsI ressorts symboliques ces processus, dcjationalisation et de V_flonalisarioa.Qj3Kat. La haine du singulier, en tant que figure de ltre, accompagne la haine de la parole et du langage. Or, cette mdicalisation de lexistence pourrait se transformer en idologie totalitaire, fasciste12, apte lgitimer ladministration des conduites individuelles et la mystification des masses, si au nom de la science mdicale le vivant se trouvait converti dans un ftichisme de la marchandise, objet industriel selon de nouvellesnormes sociales, morales et politiques. Alors, lindustrie jsult^relle analyse en leur temps paitfHorkheimer,. etQjjdorno13 Ajouterait une industrie sanitaire qua-drillantT espace social et politique^de^ lhumain, prolongeant la meaniMiQflmipjMd^ et alinante du traYail,.s,t,dii,ipi&:..-Une telle mdicalisation de ltre ne relverait pas de? seuls mdecins et professionnels de sant^ mais procderait davantage dune idologie de biopolitigrfe des pnpii-JajiXiSt Le sujet humain ne serait plus quun exemplaire de^son espce et perdrait sa valeur de cas unique. Adorno14 remarquait dj qu Auschwitz, ce ntait pas lindividu qui mourait mais lexemplaire. Ce triomphe de la pense cognitivo-instrumentale, de la rationalit calculatrice, de sa dilatation technique et de son extension de masse accomplit lautodestruction de la Raison par elle-mme. Lorsque cette forme dalination sociale et psychologique saccomplit au sein mme de la pense et du langage leur tour instrumentaliss,ruins dans leur fondement potique et politique, il nest plus possible de la dconstruire. Il nest plus possible de vivre en tant qu'tre, dexister en tant quhumain, seule subsiste la carcasse dun-exemplaire de lespce. Alors saccomplit ce que Georg Lukacs a dcrit comme rification, pulvrisation du subjectif comme de lobjectif dans la pseudo-objectivit des formes, au rang desquellesviennent en premier lieu la marchandise et son valuation. Alors, il ne faut pas dire quune heure [de travail] dun homme vaut une heure dun autre homme, mais plutt quun homme dune heure vaut un autre homme dune heure. Le temps est tout, lhomme nest plus rien; il est tout au plus la carcasse du temps15.Cest en ce sens que nous parlons ici de la mdicalisation de lexistence, comme dune construction-lotiSle et intersubjective qui appartient de pied en cap,^ c^aps- sa gense comme dans sa fonction, une struture 'd' la culture moderne et du malaise par excellence de sa civilisation. Dans cette pathologie de la rationalit cognitivo-instrumentale, ladaptation au pouvoir du progrs implique le progrs du pouvoir, et par consquent une rptition de ces rgressions qui prouvent au progrs - pas seulement celui qui est une faillite, mais au progrs-russite -, qu.est le.,cxi,y;aire du progrs. La maldiction du progrs irrsistible est la rgression irrsistible16. La mdicalisation de lexistence et la marchandisation des expriences de vie vont ensemble.Afin dloigner le cauchemar de cette mdicalisation de lexistence, les auteurs du prsent ouvrage exgo^nj: comment il est possible daccueillir je retour duVsoei . ^de soi au sein de la mdecine moderne. Mdecine pour laquelle ils partagent le mme respect et nourrissent le mme espoir: tenter de lui rendre sa dignit humaine.Lun est psychanalyste et entend dans le quotidien de sa pratique les souffrances les plus diverses dposes et l dans le corps et dans le rve, en soi et entre soi, par des patients qui parfois sont mdecins, ou psychologues, soignants, ou bien encore enfants ou parents, bref dans ce pluriel des singuliers17 qui fait advenir lhumain. Dans tous les cas, il a appris que la vritable souffrance dans la souffrance, cest son non-sens, et que lon souffrej moins lorsquon souffre pour quelquun ou pour quelque! chose. De cette illusion aussi, il sait qu linstar de ses] patients, il doit gurir pour moins souffrir du dsenchantement invitable quelle porte en germe. Ces processus dillusion et de dsillusion structurent les relations thrapeutiques pour le meilleur et pour le pire, dans les passions damour et de haine, comme dans leur mlan-colisation.Lautre est mdecin physiologiste, forme la biologie humaine et aux neurosciences, ainsi qu la psychopathologie clinique. Dans le cadre hospitalier dun laboratoire dexploration fonctionnelle respiratoire elle prserve un espace de parole, un instant de dire18, tous les patients qui consultent pour un bilan et une valuation de leur fonction respiratoire. Elle a tenu le pari dintroduire au sein dun service des plus techno-scientifiques de la mdecine un temps pour la prise en charge de la dimension humaine de la douleur du malade.Tous deux sont praticiens, enseignants et chercheurs. Ils ont entendu des centaines de fois et dans plusieurspays des praticiens chevronns de la mdecine ou de la psychopathologie, pdiatres, dermatologues, mdecins gnralistes, etc., ainsi que des tudiants de ces disciplines, leur parler de cette dimension humaine du soin qui uvre dans le colloque singulier. chaque fois que la parole est parlante, on se rapproche davantage de ltre et de ses drles de formations qui bordent ce rel dont nat le dsir: rves, lapsus, transferts, thories et dlires...Cet ouvrage procde du vif de leurs expriences cliniques lhpital et en libral. Les rcits cliniques voqus sont composs de fragments dhistoires ^^u^s 'et entendues au cours de leurs pratiques. Le e.vni thujue de discrtion et de rserve les oblige ne livrer de ces expriences que le strict ncessaire pour montrer ce quils veulent dire. vouloir le dmontrer au lecteur, il aurait fallu entrer dans le dtail du dialogue o, par le jeu des quivoques de la langue, des liens syntaxiques et de ces drles de concidences sonores, le discours inconscient scrit comme un texte, que son auteur feint de ne pas savoir lire. Cela se rvle strictement impossible dans la plupart des cas cliniques voqus, issus du travail analytique quils conduisent. Nous esprons nanmoins que le lecteur pourra sapproprier ces histoires par la simplicit de leur vocation et lappel lexprience intime que chacun peut faire partir delles dans son rapport son propre corps comme celui des autres. Il y retrouvera sans doute ce sentiment dinquitante tranget qui accompagne notre exprience corporelle quotidienne, si familire et si trange la fois. Sentiment dinquitante tranget qui se dduit de ce que cette exprience corporelle provient ds le dpart de lAutre. Cest de ce lieu que le mdecin reoit lappel du malade qui souffre et qui sangoisse. Do cette trange exprience de la confiance que le mdecin reoit, comme sujet suppos savoir ce qui se passe sur le sol natal de notre corps: Je mtais livr au mdecin avec une telle confiance que, du jour o il ma annonc que jtais guri, jai cru aveuglment ma gurison et jai cess de croire aux douleurs qui continuaient de me tourmenter19.Le prsent ouvrage constitue laboutissement dune srie darticles et de confrences raliss depuis 1991 partir des rflexions communes des auteurs. Elles ont t loccasion daller chercher des concepts chez dautres pour mener bien un travail faisant rfrence des uvres thoriques et cliniques trs diverses, construites dans des perspectives parfois divergentes, voire contradictoires, mais qui, chacune leur manire, permettent de penser ce quil en est des rapports actuels du sujet et de la mdecine. Les diffrents chapitres tracent lun aprs lautre un chemin, la fois rflexif et polmique, dans le traitement de cette question; mais ils possdent aussi chacun une certaine autonomie, ce qui laisse libre le lecteur dy construire son propre parcours.Haj,