Santé sexuelle : concept, ressources et retours...

40
Compte-rendu de la session Santé sexuelle : concept, ressources et retours d'expériences Paris – Centre universitaire des Saints-Pères 10 juin 2015 Session coordonnée par Lucile Bluzat, Inpes Modérateurs : Thierry Troussier, Direction générale de la santé, Lucile Bluzat, Inpes, Yaëlle Amsellem-Mainguy, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, Nicolas Dutriaux, Collège des sages-femmes de France

Transcript of Santé sexuelle : concept, ressources et retours...

Compte-rendu de la session

Santé sexuelle : concept, ressources et retours

d'expériences

Paris – Centre universitaire des Saints-Pères 10 juin 2015

Session coordonnée par Lucile Bluzat, Inpes

Modérateurs : Thierry Troussier, Direction générale de la santé, Lucile Bluzat, Inpes,

Yaëlle Amsellem-Mainguy, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, Nicolas Dutriaux, Collège des sages-femmes de France

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

2

Le concept de santé sexuelle à l’international

Historique du concept

Antonio GERBASE Organisation mondiale de la santé (OMS)

L’OMS a été fondée en 1948 et la chronologie des travaux de l’OMS en matière de santé sexuelle commence en 1974. À chaque étape de cette chronologie, de nouveaux textes formalisent les questions relatives à la santé et aux droits humains. Les particularités culturelles de chaque pays sont ainsi dépassées par des accords internationaux ; ceci n’empêche pas pour autant des pressions politiques, issues de ces particularismes, de s’exercer. En 1974 la santé sexuelle est définie comme « l’intégration des aspects somatiques, affectifs, intellectuels et sociaux de l’être sexué, de manières qui soient positivement épanouissantes et qui valorisent la personnalité, la communication et l’amour ». Outre la santé sexuelle physique, cette définition établit donc une santé sexuelle reproductive, mentale et émotionnelle. En 1994, lors de la conférence internationale sur la population et le développement, des liens explicites sont établis entre la santé sexuelle et la santé reproductive. La notion de santé reproductive défend le droit à une vie sexuelle satisfaisante, et la liberté dans ses choix reproductifs : si, quand et combien de fois procréer. Dans cette nouvelle définition, la santé reproductive élargit l’idée de santé sexuelle : il ne s’agit plus seulement de dispenser conseils et soins, mais aussi d’améliorer la vie et les relations personnelles. En 2004, le concept de santé de la reproduction est inclus dans la stratégie mondiale de l’OMS. Celui de santé sexuelle est inclus, lui, dans la stratégie pour les Maladies sexuellement transmissibles (MST) 2009-2015, et dans la stratégie mondiale sur le Virus de l’immunodéficience humaine (VIH) 2011-2015. Les définitions de ces concepts, discutées lors de l’Assemblée mondiale de la santé, qui est l’organe suprême de l’OMS, sont à utiliser pour la définition des normes techniques au niveau international. L’assemblée qui s’est tenue en mai dernier a ainsi procédé au regroupement de trois stratégies : celle sur le VIH, les MST, et l’hépatite. Ainsi, dans le document issu de cette assemblée, il est désormais question de santé sexuelle en général. De 2002 à 2010 a eu lieu une consultation technique de l’OMS sur la santé sexuelle. Ce travail a établi que la santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité, la possibilité d’avoir des relations sexuelles agréables et sécuritaires, sans coercition, discrimination et violence, et dans le respect des droits sexuels des personnes.

Positions actuelles de l’OMS sur la santé sexuelle

La santé sexuelle emporte, en droit, des éléments conceptuels-clés : elle ne signifie pas seulement l’absence de maladie, mais aussi le respect et l’absence de violence, et le lien avec les droits humains. Le concept de santé sexuelle reste pertinent tout au long de la vie. Il intègre la notion de diversité sexuelle. La santé sexuelle est par ailleurs influencée par les questions de genre et par les manifestations du pouvoir : elle s’appréhende ainsi dans son contexte socio-économique et politique, toute réflexion restant subordonnée au respect des droits individuels humains. Même si les débats peuvent être vifs, les éléments qui viennent d’être énumérés demeurent la position

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

3

officielle de l’OMS. Ce cadre d’analyse de la santé sexuelle intègre donc les droits humains, et des dimensions mentales, émotionnelles, sociales et physiques. Le respect des droits humains est ainsi la condition d’une bonne santé sexuelle.

 Figure 1 – Cadre d’analyse de l’OMS de la santé sexuelle

Le cadre d’action de l’OMS en matière de santé sexuelle s’appuie ainsi sur une démarche d’information et de services. Ceci implique des actions dans le domaine de la contraception, de la santé maternelle, de l’avortement et de la lutte contre les Infections sexuellement transmissibles (IST). Pendant longtemps, certains pays ne finançaient pas l’OMS en raison du volet « avortement ». La terminologie a alors été changée, et l’organisation continue à œuvrer dans le domaine.

Implémentation du concept à l’échelle des États

Quelques exemples d’implémentation du concept peuvent être donnés. D’abord, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), dont le siège est à Atlanta, sont les institutions américaines qui donnent les grandes lignes d’action en matière de santé sexuelle dans le pays. Ainsi, un État américain ou une ville qui met en action un programme, mais qui n’intègre pas le concept de santé sexuelle se met en porte-à-faux avec les normes des CDC, ce qui peut lui occasionner des sanctions juridiques. En Afrique du sud, la stratégie pour la santé sexuelle figure dans le document Sexual and reproductive health and rights 2011-2021, qui intègre la définition de la santé sexuelle de l’OMS. Enfin, le Brésil intègre lui aussi, dans un document de son ministère de la Santé, les normes pour la santé sexuelle et reproductive. La définition de l’OMS y est reprise de façon officielle. Avant l’évidence scientifique, le document met en avant des recommandations basées sur les bonnes pratiques. Pour l’OMS, l’éthique, les droits humains sont de même importance que la santé publique. Dans le domaine, il faut donc à la fois être technique, s’appuyer sur l’évidence,

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

4

mais aussi penser la santé publique sous l’angle culturel et des droits humains. Sans cela, les enjeux de l’implémentation du concept de santé sexuelle ne peuvent être compris.

Echanges avec la salle

De la salle Dans les stratégies de l’OMS, la santé sexuelle est rangée sous la santé reproductive et la stratégie de lutte contre les IST : ne serait-il pas possible, au contraire, d’établir une stratégie santé sexuelle qui inclue la santé reproductive et les IST ? Antonio GERBASE L’opportunité est là, certes. D’un point de vue logique et d’exemplarité, il serait préférable de promouvoir une stratégie de santé sexuelle et reproductive. Mais pour le moment, il s’agit bien de « reproductive strategy », et non de « sexual and reproductive strategy ». Ajouter « sexual » demanderait de discuter de plaisir sexuel avec tous les pays du monde, ce qui pourrait freiner les travaux de l’assemblée mondiale de la santé. La santé n’est certes pas la seule absence de maladie, mais pour faire accepter sa stratégie, l’OMS commence par cette approche. De la salle L’aspect spirituel de la sexualité n’est pas repris par l’OMS dans la dimension mentale ; mais a-t-il été discuté, par exemple, au niveau des CDC, du Brésil ou de l’Afrique du Sud ? Antonio GERBASE Cela n’a pas été fait au Brésil ni en Afrique du Sud. En revanche, des discussions ont eu lieu en Amérique du Nord à ce sujet. De la salle (Guillaume CAMPAGNÉ, interne de médecine en santé publique) Une des critiques qui revient souvent contre la définition de l’OMS, est la notion d’état (émotionnel, spirituel etc.) : cette définition ne reflète pas le caractère adaptatif et dynamique de la santé. Elle réifie la santé. Dans les discussions à l’OMS, la réflexion sur cette nature dynamique de la santé est-elle posée ? Antonio GERBASE L’évolution de l’état de la personne est prise en compte quand il est dit que la sexualité doit s’appréhender dans toute la trajectoire de vie. Il a été très difficile de faire accepter ceci. Si certains souhaitent intégrer des aspects dynamiques de la santé aux définitions de l’OMS, il faut en passer par les ministères de la Santé. L’assemblée ne mettra pas a priori d’efforts sur ce point : ce serait ouvrir une véritable boîte de Pandore.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

5

Des approches développées en France

Construction d’un référentiel en santé sexuelle

Marie AHOUANTO-CHASPOUL Mouvement français pour le Planning familial (MPF)

Historique du travail du Planning familial et présentation du programme GSS

Le Planning familial a développé un nouveau programme ces deux dernières années : le programme Genre et santé sexuelle (GSS) s’inscrit dans la suite logique des programmes précédents : Contraception, sexualité et vulnérabilité en 1998 ; et Réduction des risques sexuels en 2003. Ces programmes, financés par la Direction générale de la santé (DGS), avaient une approche plus fragmentaire, une entrée plus spécifique que celle du programme GSS, mais ils ont néanmoins contribué à offrir aux 750 000 personnes rencontrées annuellement par le MPF des lieux d’échanges autour des questions que peuvent susciter la sexualité, le désir ou non d’enfant, la prévention des IST et les discriminations. Suite à ces expériences, le MPF a donc développé un nouveau programme global afin de mettre davantage en lumière la thématique GSS au sein de ses activités, à la suite duquel un référentiel sur la thématique GSS a été développé. Pour cela, un comité de pilotage a été créé. Ce dernier a tout d’abord réalisé une étude documentaire, composé de données récoltées lors de réunions au sein du Planning et d’entretiens individuels. Le Planning a toujours été un observateur de la société. Depuis plus de 60 ans, il est également un acteur très militant de l’égalité femmes-hommes. Le programme GSS est donc le fruit des programmes précédents. Il est d’une nature collaborative et repose par ailleurs sur une démarche d’éducation populaire1, ce qui est visible dès sa conception. En 2015, le Planning peut ainsi se définir comme un mouvement féministe d’éducation populaire, qui prend en compte toutes les sexualités, défend le droit à la contraception, à l’avortement, et à l’éducation à la sexualité. Il dénonce également et combat toutes les formes de violence, de discrimination et d’inégalités sociales. Il milite pour une société plus juste, fondée sur l’égalité entre les femmes et les hommes, la mixité et la laïcité. Le financement des actions du Planning incombe aujourd’hui aux associations départementales, qui rencontrent cependant des difficultés à répondre aux appels d’offres en la matière. Une circulaire du Premier ministre, qui vise à mettre en avant l’intérêt de l’initiative de projet, est à ce titre en cours d’élaboration.

Le programme GSS : une démarche féministe et d’éducation populaire

Le programme GSS est l’essence même du Planning. Il est fondé sur l’éducation populaire et donne par ailleurs aux femmes la reconnaissance d’elles-mêmes. Il légitime une sexualité féminine en dehors de la procréation. L’éducation populaire rappelle que les enseignants, les professeurs, les experts ne sont pas les seuls à pouvoir assumer l’enseignement : les parents, les membres de la communauté, les concitoyens, les femmes sont également des sources d’apprentissage. Les personnes qui participent aux activités du Planning sont des actrices et non des consommatrices. Ainsi, l’éducation populaire va au-delà des simples réponses aux besoins des

1   L’éducation   populaire   est   un   mode   d’éducation   hors   du   système   éducatif   professionnel.   Cette   approche   comporte   une   forte  dimension  sociale

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

6

personnes, en les aidant à revendiquer leurs droits. Elle encourage par ailleurs le débat et le questionnement et participe au développement d’un sentiment d’indignation face aux inégalités. Dans ce cadre, le MPF, en défendant une approche genrée de la sexualité, souhaite promouvoir une approche globale. Les stratégies de santé publique et communautaire doivent ainsi intégrer le fait que, dans toutes les sociétés, les femmes n’ont pas la même place sociale, autonomie, pouvoir que les hommes, ce qui entraîne des pratiques sociales différentes dont il faut tenir compte pour répondre aux besoins de chacun et ainsi garantir le respect des droits sexuels et reproductifs pour tous. Les femmes sont par ailleurs au cœur de la spécificité du Planning, même si ce dernier tend à s’ouvrir aux hommes. Après avoir été « hôtesses », lors des débuts du Planning elles sont aujourd’hui « animatrices » et œuvrent pour le bon fonctionnement de celui-ci. Le recours à l’éducation populaire dans les stratégies du Planning familial permet donc le vivre-ensemble. C’est un apprentissage à la participation citoyenne ainsi qu’un puissant levier pour lutter contre l’intolérance et les préjugés. L’animatrice, pourtant, n’est ni médecin, ni psychanalyste. Elle adopte une posture, parfois délicate à tenir, d’écoute et d’humilité vis-à-vis des participantes et ne se pose jamais comme experte. Ce sont donc les femmes entre elles qui élaborent la parole. Cette écoute permet l’accès des femmes à l’espace public, en aidant les participantes à devenir rapidement leur propre porte-parole.

Les modalités pratiques et enjeux du programme GSS

Le nouveau programme GSS est composé d’un module de base de quatre jours, sous la forme d’un premier groupe de parole, qui tourne autour des questions de représentations du masculin, du féminin, de la sexualité. Ce travail permet de définir la santé sexuelle et de renforcer les compétences pour aborder les contextes et les risques liés à la sexualité. À cela s’ajoutent trois modules complémentaires de deux jours chacun, sur les thèmes « genre, IST, VIH » ; « genre et violence » ; « avortement, contraception et parentalité ». L’objectif de cette formation est de favoriser une approche positive de la sexualité, qui s’inscrive dans les droits humains et la prise en compte des rapports de genre. L’important dans cette formation est le mode participatif axé sur les femmes du groupe. Il convient ainsi de ne pas dire aux femmes ce qu’elles doivent faire mais de les entendre dire ce qu’elles font. La dynamique de groupe permet par ailleurs aux femmes de prendre de la distance par rapport à leur vécu et à la société et les aide à prendre conscience de leur statut social. Les groupes de paroles sont composés d’une douzaine de femmes qui se réunissent six à sept fois en moyenne, avec un entretien par semaine. Il n’y a aucune hiérarchie dans les groupes de parole, car l’animatrice est une femme parmi les femmes. Les valeurs, les traditions et les croyances de chaque participant doivent être prises en compte au sein de ces groupes afin de favoriser la confiance et le respect des participantes. La réappropriation de la notion de santé sexuelle et de bien-être repose d’abord sur l’estime de soi et de sa santé. La question des violences domestiques, notamment envers les femmes migrantes, doit par ailleurs être abordée dans ces groupes. Les femmes migrantes sont en effet en situation de grande vulnérabilité parfois, ce qui les pousse à développer des stratégies de survie qui aggravent leur fragilité. Il convient ainsi de les écouter et de les aider savoir « dire non ». Enfin, il n’est pas rare que les femmes qui participent à ces groupes deviennent ensuite bénévoles pour le Planning, ce qui participe au dynamisme de la structure, mais peut parfois être complexe en termes de gestion.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

7

Echanges avec la salle

De la salle (Sophie GISSELMANN, coordinatrice d’Atelier santé ville – ASV) La loi de 2001 pour l’éducation sexuelle du cours préparatoire à la terminale existe. Or, chacun sait que dans les faits, la question n’avance pas. Y a-t-il, au niveau du gouvernement, des possibilités de débloquer des fonds pour appliquer cette loi ? Par ailleurs, dans certains territoires, notamment dans l’Aisne, la présence du MPF ou de structures semblables est bien trop mince. Marie AHOUANTO-CHASPOUL Il faudra, en l’espèce, suivre la nouvelle directive du Premier ministre, qui pourrait peut-être redonner aux structures associatives un peu de marge de manœuvre. De la salle (Vic CONDAMIN, chargée de projet-prévention pour une caisse d’assurance-maladie) Il a été beaucoup question d’épanouissement de la femme dans la sexualité et d’intégration de tous les aspects de la sexualité. Y a-t-il des démarches similaires mises en place pour les hommes, d’abord pour leur faire intégrer, à eux aussi, ces différentes dimensions, mais aussi pour leur faire comprendre que les femmes aussi doivent les intégrer ? Si l’effort est surtout fait auprès du public féminin, quels en sont réellement les impacts ? Il est sans doute difficile d’intervenir auprès des hommes sur ces sujets-là, mais ce n’est pas parce que cela est difficile qu’il ne faut pas le faire. Marie AHOUANTO-CHASPOUL Le MPF travaille avec les hommes. Ils sont de plus en plus présents et participent notamment à des groupes. Certains groupes sont d’ailleurs exclusivement masculins. A priori, les autres structures que le MPF font le même effort. De la salle (Muriel AMELLER, conseillère technique responsable du service social en faveur des élèves de l’Aisne) Il est bien dommage en effet qu’il n’y ait pas assez d’associations dans l’Aisne, un département en grande difficulté sur les violences sexuelles et la santé des femmes. En revanche, beaucoup d’actions y sont menées pour l’éducation à la sexualité. Il existe en effet beaucoup de formations en lien avec les directives nationales. Le genre est de plus en plus travaillé dans les établissements scolaires. Le plus difficile reste cependant de former ceux qui assurent cette éducation. Les problèmes commencent par ailleurs à être examinés de manière sexo-spécifique : il est de plus en plus possible de parler de droits humains, et plus seulement de droits de l’homme. De la salle (Hervé BAUDOIN, association SIDA Info Service) Il est précisé que le MPF accueille aussi les hommes. Quel est l’objet de leur démarche, et quelles sont leurs demandes ? D’autre part, le programme GSS est très intéressant, la thématique du genre n’étant pas facile à traiter. Est-ce qu’il existe des difficultés à l’aborder dans les groupes ? Certaines communautés réactionnaires sont assez opposées à cette thématique. Par exemple, au sein même de l’Éducation nationale, il n’est pas simple d’aborder le sujet. Marie AHOUANTO-CHASPOUL Il y a quelques mois, une affaire a fait débat : des parents n’envoyaient plus leurs enfants à l’école. Les femmes d’un groupe, qui portaient toutes le voile, ont expliqué qu’elles avaient reçu, par les réseaux sociaux, des messages leur expliquant pourquoi ne pas envoyer leurs enfants à l’école. La discussion en groupe a permis de clarifier la question, et leurs enfants sont retournés en classe. Le groupe revêt ainsi une importance fondamentale.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

8

De la salle (Carine FAVIER, coprésidente du MPF) Le MPF fait tout ce qui est possible pour développer son réseau dans l’Aisne. Le MPF du Nord, en particulier, essaie de soutenir cette démarche et la structuration en fédération régionale facilite cela. Pour ce qui est de l’implication des hommes, le MPF s’appuie surtout sur les militantes femmes. Il comprend néanmoins quelques hommes, dont des présidents d’association. Ce qui a changé ces dix dernières années est l’approche : au lieu de penser « droit des femmes » au sens défensif, le mouvement a pris une approche « genre », et examine désormais la question du masculin et du féminin. Ceci a amené le MPF à interroger la santé sexuelle des femmes séropositives et celle des lesbiennes. Il travaille par ailleurs avec les femmes sur leurs rapports avec les hommes. En outre, le MPF compte 40 % de groupes mixtes et travaille, avec des jeunes en particulier, sur les rapports hommes-femmes. Par rapport à la question du genre, il a cependant été difficile d’intervenir, même dans des établissements où le MPF était présent depuis longtemps. Des rencontres ont ainsi été menées avec des associations de quartier, notamment autour de ces journées du retrait de l’école. Le but est d’expliquer que travailler sur le genre ne va pas rendre tous les élèves hétérosexuels, homosexuels, ou changer leurs façons de penser, mais va questionner les rapports sociaux. Cela demande, dans le contexte actuel, d’être extrêmement concret et précis, d’expliquer beaucoup et d’aller sur le terrain. Le MPF doit démontrer qu’il n’est pas dans le rejet des hommes. En discutant avec les adversaires des théories du genre, en leur montrant les chiffres des violences faites aux femmes, il devient possible de travailler ensemble sur les questions d’égalité. Il faut donc en revenir à des démarches très concrètes, sur le terrain, pour travailler globalement ces questions de genre.

Toucher les publics vulnérables : des approches communautaires

Alain BONNINEAU Association AIDES

Le dépistage communautaire

L’approche d’AIDES de la santé sexuelle découle de quatre ans d’actions de réduction des risques. Il y a quelques années, AIDES a en effet souhaité prendre part à la fin de l’épidémie de SIDA. Un des outils les plus appropriés était le dépistage, et particulièrement le dépistage communautaire. Les chiffres montrent l’activité croissante de l’association dans ce domaine : entre 2011 et 2014, elle a ainsi effectué 11 238 dépistages, pour 860 cas positifs. La routine de dépistage, aujourd’hui, se maintient. La volonté est aussi d’aller vers les publics plus vulnérables. 61 % des dépistages concernent des Hommes ayants des rapports sexuels avec des hommes (HSH), des travailleurs du sexe, des usagers de drogues par voie intraveineuse, des personnes transsexuelles, des personnes nées à l’étranger. Il est à noter que lors de ces campagnes, 17 % des HSH, 42 % des hommes hétérosexuels nés à l’étranger et 29 % des femmes nées à l’étranger faisaient le test pour la première fois. Cela montre une vraie efficience de l’offre de dépistage et souligne qu’AIDES ne se trompe pas en allant auprès de ces publics. C’est par ailleurs principalement vers l’extérieur qu’AIDES rencontre les personnes-cibles. Il est donc important d’adapter le test : il doit évoluer selon les régions et les populations. À l’issue de ces dépistages, certains éléments clés ont émergé d’une enquête sur la satisfaction menée auprès du public bénéficiaire de ces dépistages. Le niveau de satisfaction, d’abord : 96 % des personnes rencontrées sont satisfaites de bénéficier du dépistage. Les entretiens de satisfaction ne portent pas seulement sur l’offre de dépistage, mais aussi sur la santé sexuelle en général et les besoins non couverts. Il en ressort, chez les femmes, une préoccupation importante : deux sur trois sont

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

9

intéressées par la contraception, l’avortement ou le suivi gynécologique. Sept femmes sur dix nées à l’étranger ont des attentes plus grandes que les femmes d’origine française, au sujet du désir d’enfant ou du plaisir dans la sexualité. Par ailleurs, les HSH et les femmes sont intéressés par les informations concernant les violences entre partenaires. Les HSH sont aussi demandeurs de services concernant leur santé anale, ainsi que 45 % des femmes et 32 % des hommes hétérosexuels.

La participation à l’étude Ipergay

Après trois ans de campagne pour le dépistage communautaire, AIDES a eu la volonté de travailler avec la recherche biomédicale. Il semblait important à l’association d’articuler son travail avec les données de la recherche, pour avoir plus de poids dans l’information apportée. Elle s’est ainsi associée à l’étude Ipergay, une recherche biomédicale en santé sexuelle auprès des HSH. Il s’agissait plus exactement d’un essai en direction d’hommes (HSH) exposés aux risques de contracter le VIH avec deux bras, l’un placebo, l’autre prenant le Truvada®, un traitement permettant de réduire ces risques. Il ressort de l’essai la validation de l’intérêt du médicament comme moyen de prévention, pour les HSH en fort risque de contamination au VIH, et la pertinence d’un accompagnement individualisé. L’essai se passait en lien avec les acteurs communautaires d’AIDES et les services hospitaliers. Travailler en lien direct avec des équipes médicales a été une nouveauté pour AIDES. L’association disposait, grâce à celles-ci, de services extrêmement soucieux de la qualité de l’accompagnement. Les intervenants communautaires, eux-mêmes issus de la communauté HSH, permettaient par ailleurs une meilleure qualité de l’entretien. Les suivis étaient individualisés, avec une périodicité des rendez-vous médicaux bimensuels, et du counseling2 en santé sexuelle. Les personnes recevaient des informations et un suivi médical, mais aussi un accompagnement, ce qui est une des bases de l’activité d’AIDES. Au-delà de ces rendez-vous bimensuels, les personnes avaient des entretiens téléphoniques post-test négatif. Ensuite, elles disposaient d’accompagnements sur sollicitation de leur part, par téléphone, SMS, courriel ou rendez-vous de santé sexuelle, que ce soit à leur initiative ou à celle de l’association. En appui s’ajoutaient également des groupes d’auto-support mensuels. Des personnes séronégatives participant à l’essai se rassemblaient ainsi mensuellement, à titre volontaire, pour discuter, trouver ensemble des solutions, mettre en œuvre des stratégies, partager les expériences, etc. Cela a entretenu leur volonté de rester dans le protocole, même après plus de trois ans de participation. Une solide communauté de personnes s’est ainsi créée. Des besoins en matière de santé sexuelle identifiés sur le champ d’intervention d’AIDES, une capacité à rejoindre des publics exposés, une expérience positive dans l’accompagnement par les pairs, avec les professionnels de santé : pour AIDES, ces trois éléments, issus du projet, renforcent son offre de santé sexuelle.

Le parcours en santé sexuelle

Pour AIDES, l’offre en santé sexuelle repose sur un parcours. Ainsi, à leur arrivée dans la structure, les personnes sont orientées vers le protocole OSS (Offre Santé Sexuelle). Elles rencontrent alors un intervenant d’AIDES, qui lui présente ce processus de parcours en santé sexuelle, qui est personnalisé. Ensuite vient une analyse des besoins de la personne, avec une identification de sa réalité. Puis la personne construit en fonction de ses priorités, avec les accompagnants, son projet personnel. Au gré du parcours, sans contrainte de temps, des bilans d’étape sont proposés, débordant des aspects sexuels vers les domaines administratifs, sociaux, etc. Le parcours en santé sexuelle est en effet une démarche globale. Cette démarche est fondée sur une approche communautaire et en partenariat avec les professionnels de soins : à partir du moment où des

2  Le  counsellingcounselingcounselling  est  une  forme  d’accompagnement  psychologique  et  social  

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

10

questions spécifiques sont abordées dans le parcours, des approches plus techniques sont nécessaires. Cette offre inclut la création d’un dispositif de suivi et d’évaluation basé sur les parcours de santé des personnes, l’évolution de leur autonomie, et leur satisfaction sur l’accompagnement. A titre d’illustration, le cas de sites pilotes en région PACA peut être cité. Il s’agissait d’un travail mené en direction des transsexuels, des femmes migrantes et des personnes en situation de prostitution à Marseille et à Nice. Les actions ont ainsi consisté en des entretiens avec une gynécologue dans les quartiers précarisés via l’unité mobile d’AIDES. À cela se sont ajoutées des permanences de santé sexuelle, proposant dépistages des IST et consultations, un soutien dans des temps collectifs destinés aux personnes trans et un accompagnement individuel. En ce qui concerne l’avenir du projet, des outils supplémentaires vont être mis en œuvre : la constitution d’un réseau, des consultations médicales, la création d’une mallette de réduction des risques pour les toxicomanes, la distribution de tests de grossesse, etc.  

 Figure 2 – Schéma de mise en œuvre du « parcours en santé sexuelle »

La démarche évaluative

Pour ce qui est de l’évaluation des impacts, un outil sera créé à l’issue de la phase pilote pour compléter l’existant « DOLORES » (données locales du réseau) qui recense les données provenant de tous les acteurs du réseau Aides. À partir de ces données, AIDES peut répondre à des besoins spécifiques. Cela nous permet aussi d’observer certains indicateurs et d’estimer leur « score » dans la démarche de soins et de prévention de la vie sexuelle. Les scores sont en cours de construction, dans le respect des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), de l’OMS et du rapport Morlat. Ce recours aux scores permet de mieux décider d’un dépistage, d’une vaccination, d’un suivi et de l’amélioration de l’accès aux droits. En pratique, un auto-questionnaire sert de soutien à l’entretien initial qui évalue, auprès des personnes, les besoins initiaux, les améliorations dans le recours aux services de santé sexuelle, leurs connaissances et leur satisfaction, les ressources mises en œuvre et le chemin parcouru. Ces données sont anonymisées puis saisies sur un outil en ligne et

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

11

les personnes concernées disposent d’un accès total aux informations les concernant et la possibilité de les supprimer. Les outils mis en place sont par ailleurs réutilisables tout au long du parcours. Le projet qui vient d’être présenté reste en construction et se bâtit progressivement. Il permet à AIDES d’investir de nouveaux espaces. Il suppose une évaluation de l’expérimentation, avec les partenariats historiques mais aussi nouveaux : l’arrivée du concept de santé sexuelle a ouvert l’association à d’autres partenaires.

Echanges avec la salle De la salle (Agnès AYME, Agence régionale de santé – ARS – d’Auvergne) Les mesures de gain d’autonomie des personnes en fin de parcours listent-elles simplement les personnes qui quittent le parcours, ou bien des indicateurs permettent-ils de qualifier et de quantifier ce gain ? Il est question de « parcours ». Cette approche est beaucoup utilisée à l’ARS, sur diverses problématiques. Les parcours sont pensés pour éviter les ruptures de prise en charge. Un effort est fait sur l’organisation et la planification. Est-ce aussi un des enjeux du parcours présenté ici ? Alain BONNINEAU Pour AIDES, un certain nombre d’observations sont faites durant les entretiens, pour savoir si la personne est allée voir de nouveaux acteurs par rapport aux besoins qu’elle a formulés. Ceci peut être quantifié et noté. L’autonomie se traduit ensuite par la sortie du parcours, mais aussi par la mobilisation d’autres membres de sa communauté dans le parcours, les rencontres avec des professionnels de santé, etc. Cependant, le risque de rupture existe. Il n’y a pas de systématisme dans le parcours. L’association peut effectuer des relances avec ses outils de communication, pour éviter les ruptures, mais la personne reste responsable de son parcours. L’indicateur de continuité n’est ici, a priori, pas nécessaire. De la salle (Nicolas DUTRIAUX, Collège national des sages-femmes) Les sages-femmes ne sont-elles pas associées aux actions ? Alain BONNINEAU Quelques partenaires professionnels ont été cités, mais il y en a d’autres. Les sages-femmes jouent ici un rôle important. Elles ne sont cependant pas encore intégrées dans les expérimentations mises en place, mais les actions d’AIDES, en l’occurrence, sont encore en construction. Il serait judicieux que l’association rencontre les sages-femmes et travaille avec elles.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

12

Comment toucher les jeunes ? Yaëlle AMSELLEM-MAINGUY Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP)

Il s’agit à présent de s’intéresser à la question plus spécifique des jeunes, de croiser les questions de santé sexuelle et celles du discours au public jeune. La santé des jeunes retient en permanence l’attention des pouvoirs publics. De nombreuses structures dédiées à la jeunesse incluent dans leurs actions la dimension « santé ». De leur côté, les dispositifs de santé généralistes développent de plus en plus d’actions en direction des jeunes. Or, cette politique de santé se construit encore souvent sur les représentations liées aux risques de cette classe d’âge ; comme si seuls les jeunes avaient des comportements spécifiques et nécessitaient des actions dédiées. Il faut relever la faiblesse de la participation des jeunes dans l’élaboration des politiques publiques les concernant. Cette sous-représentation suscite chez eux un sentiment de stigmatisation par la société adulte. D’une certaine manière, pour réduire cette distance et mieux prendre en compte les attentes des jeunes, une solution consiste à se tourner vers la prévention par les pairs. Celle-ci doit être vue comme une sorte d’action en éducation pour la santé, dans une dynamique complémentaire, et pas du tout concurrentielle, avec les autres formes de prévention et d’éducation à la santé. Au cœur de cette démarche se trouve la participation active et interactive des individus, dont le principe repose sur la construction d’une dynamique relationnelle, au sein de laquelle agit la ressemblance entre l’individu qui possède le rôle d’intervenant, et celui qui occupe le rôle de destinataire. Ainsi, il convient de s’interroger sur comment l’on peut toucher le public jeune avec la prévention par les pairs.

Prévention par les pairs

Jennifer CONSTANT Association française pour la contraception (AFC)

L’AFC est une association composée essentiellement de professionnels : gynécologues, conseillères conjugales et familiales, sages-femmes, etc. Principalement destinée à la formation d’autres professionnels, elle se consacre aussi à l’information du public. Elle tient notamment annuellement un congrès international sur la contraception. Pour l’information du public, elle dispose également d’un site Internet de référence : lors de la polémique sur les pilules de troisième génération, par exemple, celui-ci a été extrêmement consulté.

Modalités de l’information par les pairs3

AFC jeunes est une antenne de l’AFC. C’est celle-ci qui sera présentée plus spécialement ici. Le principe de son action est l’information par les pairs. L’AFC s’appuie ainsi sur des jeunes pour faire l’information aux jeunes. Ceux-ci doivent être volontaires, et le sujet de la contraception doit les intéresser. En général, ce sont eux qui se proposent. Il s’agit pour 1/3 de garçons. Une fois agréés, ils sont formés par groupes de dix par une gynécologue, une chargée de mission à l’éducation à la sexualité et une sage-femme. La formation a lieu durant un week-end, en 3  L’information  par  les  pairs  consiste  à  diffuser  l’information  auprès  d’une  communauté  par  des  membres  de  cette  communauté

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

13

immersion complète, dans la maison de campagne de la gynécologue. Le but n’est pas de faire d’eux des professionnels. Même si certains de ces jeunes sont issus de milieux professionnels de santé, l’association se félicite de compter dans ses rangs des jeunes de toutes origines : les premiers ont déjà pris le biais du langage médicalisé ; ils ne sont plus tout à fait des « pairs ». Une fois que les jeunes recrutés ont reçu la formation, ils peuvent participer aux projets d’information du public et, tous les ans, à une journée ou une soirée de remise à niveau sur l’actualité de la contraception. Les ambassadeurs de l’AFC vont porter l’information, principalement, en milieu festif. L’objectif est que le jeune intéressé puisse venir solliciter l’information par lui-même. La présence prend ainsi la forme d’un ou plusieurs stands sur les festivals. Autour du stand, les ambassadeurs utilisent un quiz pour interpeller le public. Il s’agit de questions vrai-faux portant sur la contraception.

Résultats de l’action

Depuis 2011, cette action perdure, avec plus d’une centaine de jeunes ambassadeurs formés. Chaque année, un groupe au minimum est formé. L’AFC couvre ainsi entre trois et dix événements par an, de type festival, comme celui des Solidays. Les jeunes ambassadeurs arrivent à faire remplir de 500 à 1 300 quiz par événement. Une multitude de personnes sont ainsi informées. Au début du projet, l’AFC devait aller à la recherche de candidats ambassadeurs. Aujourd’hui, elle connaît un afflux quotidien de nouvelles candidatures. Dans ses outils d’évaluation figure une analyse des quiz récoltés durant l’année. Les questions suivent au plus près l’actualité de la contraception, et combattent les idées reçues persistantes. Cette analyse annuelle permet de définir si les lignes bougent dans les mentalités. Hélas, les résultats sont désespérément stables. Parmi les outils, il est aussi possible d’englober la satisfaction des ambassadeurs. À l’issue de la formation, ceux-ci remplissent en effet un questionnaire relatif à l’utilité de la formation. En principe, les retours sont plutôt bons. Parmi les autres outils d’évaluation, il faut aussi signaler la satisfaction des organisateurs et des partenaires. La démarche a été exportée en région Bretagne. Elle a très bien démarré, avec un premier groupe de jeunes ambassadeurs. Puis, les amis d’amis se sont proposés. Or, le financement de l’ARS a été stoppé dès la deuxième année de l’action, alors qu’un premier groupe existait et que des actions avaient été menées sur trois festivals, à la satisfaction des organisateurs. Un des arguments avancés par l’ARS était que la prévention par les pairs n’était « ni efficace ni satisfaisante », ceci alors que l’ARS Île-de-France se félicite, elle, de la démarche, et en fait un axe prioritaire de son plan d’actions.

Bénéfices secondaires

L’intérêt principal de l’action consiste donc à former des jeunes qui feront ensuite, eux-mêmes, l’information. Mais au fur et à mesure qu’elle était développée, une multitude de bénéfices secondaires a été relevée, et notamment une véritable professionnalisation du sujet de la contraception. Plusieurs des ambassadeurs, en effet, ont valorisé leur participation à l’action dans leur projet de fin d’étude, voire ont monté, dans leur université, un café santé. Tous les ans, des jeunes rapportent qu’ils ont valorisé cette action dans leur curriculum vitae en tant qu’expérience associative. À diplôme identique, ils disent trouver plus facilement un emploi. En dehors de l’information par les pairs, l’AFC a d’autres besoins en main-d’œuvre abondante. Ainsi, tous les ans, des jeunes se portent volontaires pour des actions annexes de l’association. Nous avons par ailleurs constaté un vrai gain d’autonomie des jeunes participants, et un remarquable développement personnel. Le fait de se trouver en immersion dans un groupe où chacun a la parole, puis au contact du public, transforme littéralement certains caractères. Ces

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

14

jeunes deviennent également des personnes ressources pour leur entourage. Une fois qu’ils sont intégrés dans l’action, les ambassadeurs intéressent leurs amis. De cette façon, la bonne information est aussi délivrée à leur entourage. Enfin, ces jeunes disposent pour eux-mêmes d’un accès facilité aux professionnels de santé, et vice-versa, au-delà du lien soignant-soigné.

Exportation du projet

Du côté des perspectives, l’AFC essaie de développer le projet dans d’autres régions. Elle est toujours disponible pour partager son expérience. Ces actions nécessitent la participation de professionnels de santé très impliqués. Certes, le recrutement auprès des jeunes peut démarrer difficilement, mais une fois que les premiers ambassadeurs sont trouvés, ils se chargent de rabattre d’autres candidats. Les principales difficultés du projet sont, d’abord, le manque de temps dédié : les professionnels de santé doivent en effet réserver de leur temps de travail pour s’impliquer dans l’action. Par ailleurs, il est de plus en plus difficile d’obtenir des facilités de la part des partenaires, pour être présents dans les festivals. Les budgets, de leur côté, diminuent : l’AFC recherche toujours de nouvelles idées pour financer ses actions.

Echanges avec la salle Yaëlle AMSELLEM-MAINGUY Quel est le profil des jeunes, leur âge, leur milieu social d’origine ? Ceci a une influence sur la formation effectuée et sur les publics que ces ambassadeurs arrivent à toucher. Jennifer CONSTANT Telle est aussi la richesse de ce programme : les jeunes viennent de tous horizons. Ils ont de 17 à 25 ans. Le recrutement a commencé avec les propres enfants des professionnels de santé, les amis de ces jeunes, les cousins, etc. De fil en aiguille, l’action commence à être connue. Les étudiants des métiers de santé sont certes bien représentés : ils se sentent a priori plus investis. Les ambassadeurs viennent de tous milieux, ce qui a causé quelques craintes dans les débuts : comment faire, dans un groupe, si les jeunes à former n’en sont pas au même niveau d’éducation et d’expérience ? Mais la mixité et la dynamique de groupe fonctionnent à plein, et l’inquiétude a été dissipée. De la salle (Aurélie GAONAC'H, coordinatrice de projets à la Fédération des associations générales étudiantes – FAGE) La FAGE intervient essentiellement par la prévention par les pairs et comprend parmi ses jeunes un certain nombre d’étudiants des filières de santé. Elle est également souvent confrontée, dans ses démarches pour obtenir des financements, à la question du turn-over des jeunes ambassadeurs, et du besoin perpétuel d’en reformer. L’AFC est-elle handicapée par ce contre-argument du turn-over ? Comment y répond-elle ? Par ailleurs, il a été question de partenaires comme l’ARS. Y a-t-il d’autres partenaires de terrain ou financiers ? L’AFC est-elle uniquement centrée sur la contraception ou intervient-elle aussi sur des questions d’IST ? Enfin, dans quelle mesure les dispositifs de service civique peuvent-ils répondre à la demande de jeunes pairs à former ? Jennifer CONSTANT L’AFC s’était effectivement renseignée sur le dispositif du service civique, mais n’a pas engagé d’actions en lien avec ce dernier pour le moment. Concernant les soutiens, sur les premières années du projet, l’AFC a été financée par la Région Île-de-France. Mais celle-ci ne finançait l’action qu’à hauteur de 50 % de son budget. Il a été compliqué de trouver les 50 % restants. Par ailleurs, elle ne pouvait financer la même action que deux années d’affilée. Au bout de deux ans, tout s’est donc arrêté. Aujourd’hui, ce sont ses fonds propres que l’AFC injecte régulièrement dans ses actions, mais ceci ne pourra pas durer très longtemps.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

15

Le turn-over ne lui a jamais vraiment été opposé par ses financeurs. Certes, il existe : l’AFC dispose d’une centaine de jeunes formés, mais plus le temps passe, plus ils prennent de l’âge, et moins ils deviennent légitimes sur le projet. Chaque année, ainsi, le groupe connaît des pertes. L’AFC n’intervient absolument pas sur les IST : l’objet de l’association est uniquement l’information sur la contraception. Ceci est délibéré, pour essayer de séparer l’association qui est toujours faite entre sexualité et IST. Ainsi, le slogan de l’association est « la contraception pour le plaisir ». Quant aux autres partenaires, l’AFC n’a pas d’autres financeurs. Sur le terrain, elle travaille avec les universités, les Services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS), le conseil régional, Solidarité SIDA, le MPF, etc. Il ne s’agit donc pas seulement de partenaires très institutionnels. Par ailleurs, aucun partage de fonds ou d’action commune n’est en cours pour le moment. De la salle (Christelle GOUGEON, ARS Haute-Normandie) Ce qui est présenté comme bénéfice secondaire de l’action n’en serait-il pas le bénéfice principal ? L’impact d’une intervention auprès des jeunes dans le milieu festif, sur un temps très court, est un peu compliqué à évaluer. En revanche, le fait d’être pair éducateur renforce beaucoup ses propres capacités. Concernant le transfert de l’action en région, peut-être qu’une des façons de réussir ce transfert est de s’appuyer sur des associations locales très implantées régionalement. Parfois, elles bénéficient de financements anciens, inscrits dans les contrats d’actualisation, et qui permettent d’aller au-delà de difficultés financières ponctuelles connues par l’AFC. Jennifer CONSTANT Cela est peut-être juste, effectivement, concernant les bénéfices secondaires. Les dossiers de demande de subvention de l’AFC pourraient de ce fait être tournés autrement. Cependant, il lui est surtout demandé du quantitatif. Le fait que 1 300 quiz soient remplis par événement est un argument fort, du moins auprès de certains partenaires. Concernant les associations locales, l’AFC les a en effet approchées. Mais elles rencontrent de telles difficultés de financement qu’elles craignent, sur les festivals, de se voir concurrencées. Pour exporter le projet dans d’autres régions, l’idée est d’être présents au démarrage, mais qu’ensuite chaque antenne agisse en autonomie, avec ses partenaires locaux. Un autre bénéfice secondaire qui n’a pas été évoqué, est la rencontre de professionnels de santé incapables de toucher les jeunes en raison de l’éloignement des centres de planification.

Aide à distance sur Internet avec Fil santé jeunes

Mirentxu BACQUERIE Fil santé jeunes (FSJ)

FSJ est un dispositif porté par l’École des parents et éducateurs d’Île-de-France (EPE-IDF). Ce dispositif d’aide à distance en santé comprend, outre une présence sur Internet, une ligne téléphonique. Celle-ci a été créée en 1995 à l’initiative du ministère de la Santé. Au fil des années, elle s’est largement étoffée, grâce à l’intérêt des jeunes appelants et des matériaux collectés. FSJ participe aussi, modestement, à « l’observatoire national » des difficultés des jeunes en matière de santé.

Des moyens de contact pour toutes les tranches d’âge

La ligne d’appel, anonyme et gratuite, est ouverte tous les jours de 9h à 23h. Récemment, les horaires d’ouverture ont été quelque peu réduits, sans néanmoins que cela conduise à la déperdition de la fréquentation. L’effectif comprend une trentaine de professionnels de santé : psychologues, médecins et une conseillère conjugale et familiale. L’âge des appelants, 12 à 25 ans,

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

16

évolue. Ceux-ci vieillissent et continuent à appeler FSJ. La moyenne d’âge tourne ainsi aujourd’hui autour de 20 ans. Les appels ont le plus souvent pour objet la santé physique, psychologique et sociale. FSJ dispose d’un site Internet interactif qui propose aux jeunes d’échanger entre pairs depuis 2001. Comme il a été dit précédemment, l’aide entre pairs est absolument nécessaire, et trouve toute sa pertinence dans le dispositif. FSJ modère les échanges sur les forums a priori; mais cette modération est connue des internautes et s’effectue en toute transparence. Les écoutants rédacteurs de FSJ sont joignables au téléphone de 9h à 23h pour un entretien dans l’anonymat. Les jeunes ont aussi recours au site Internet pour obtenir des informations ou rejoindre un lieu de soutien entre pairs. Le chat collectif (Habbo) capte une autre population, un peu plus jeune que celle des appelants par téléphone, ou de ceux qui postent des questions ou fréquentent le forum, même si cela est également fonction des thèmes abordés lors des sessions. Pour certains jeunes, l’écrit est le moyen le plus accessible pour échanger. FSJ permet ainsi à chacun de se raconter au plus intime. De la même façon que toutes les lignes d’appel de santé ou sociales, aujourd’hui, l’activité téléphonique du FSJ est en baisse. Cependant, cette baisse est compensée par une montée de fréquentation des moyens plus connectés.

Profils et questions des appelants

Pour donner quelques chiffres, 69 % des appels viennent de province ; près de 40 % des appelants sont mineurs, et 72 % sont des filles. 45 % des appels concernent la contraception et la sexualité. Sur le forum Internet, les mêmes questions sont posées : chez les garçons, un des fils de discussion les plus importants est celui sur la puberté, quant aux filles, le plus actif est celui des premières règles. C’est là une tendance de fond, malgré l’information qui est a priori bien disponible sur le sujet par ailleurs. Sur le site, la santé sexuelle n’est pas nommée en tant que telle : il est question de santé tout court. Les chiffres de fréquentation du site sont conséquents. Une des forces du dispositif FSJ est de pouvoir proposer aux jeunes appelants 26 000 adresses utiles, mises à jour, qui permettent un adressage vers les structures ressources au plus près du domicile des jeunes.

Réseaux sociaux

Outre le forum, le site leur offre un espace intitulé « Pose tes questions ». Par ce biais, les jeunes peuvent obtenir une réponse par un professionnel dans les 48 à 72 heures ; à quoi s’ajoutent des articles, des quiz, et deux enquêtes par an qui actualisent certaines connaissances. Des tchats collectifs sur des thèmes définis sont également organisés, deux après-midi par semaine, par sessions de 20 minutes, sous la forme d’un espace (un autobus) dans le monde virtuel Habbo.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

17

 Figure 13 – L’autobus du FSJ dans le monde virtuel Habbo

La présence du FSJ sur Habbo a été récemment questionnée, en raison des difficultés financières de la société propriétaire. Les jeunes se sont alors mobilisés auprès d’elle pour obtenir la réouverture de l’autobus ; ceci prouve l’utilité sociale du dispositif. En 2014, les tchats ont fait participer 2 500 jeunes, dans des tranches d’âge plus jeunes que sur les autres canaux. FSJ est également présent sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Le FSJ propose toute une gamme de supports de communication. Pour disposer de prospectus, d’affiches et de cartes-pocket, il suffit de les demander par e-mail à [email protected]

Echanges avec la salle Alain BONNINEAU Concernant les événements autour de la santé sexuelle, la présentation qui a été faite est un peu technique. Comment, dans ce rapport à distance avec les jeunes, évoquer avec eux la notion de plaisir, de découverte du plaisir, et des zones érogènes ? Cela relève aussi de la santé sexuelle. Est-ce abordé ou non ? Mirentxu BACQUERIE Ces aspects sont abordés si le jeune en parle. Il peut tout à fait interroger le FSJ sur ces questions, mais c’est à lui de les évoquer. Tout ce qui tourne autour du plaisir, des pratiques, est fonction de l’entretien qui va être mené. Les questions ne sont jamais évacuées, mais la réponse est toujours donnée dans le respect de la personnalité de l’appelant, et sans chercher à lui imposer un mode d’emploi. De la salle Du côté des dispositifs virtuels, il a été question de Habbo, de Facebook, etc. Le partenariat a-t-il été contractualisé avec Habbo ? Y a-t-il eu des prestations offertes gracieusement au FSJ ? L’organisme, par ailleurs, dispose-t-il d’un community manager pour gérer les réseaux sociaux ? Si oui, est-ce un spécialiste des réseaux sociaux, ou bien de l’accueil téléphonique à distance ? Mirentxu BACQUERIE Nous n’avons pas les ressources financières pour embaucher un community manager. En revanche, nous avons développé des compétences en interne qui nous permettent de gérer très correctement les réseaux sociaux sur lesquels on retrouve FSJ. Pour ce qui est de Habbo, sa présence ne coûte à

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

18

FSJ que le temps d’animation, et l’équipement. La société propriétaire prend à sa charge tout le support technique de sa prestation. Yaëlle AMSELLEM-MAINGUY FSJ a 20 ans. Que peut-on dire sur l’évolution du public et de ses demandes ? Mirentxu BACQUERIE Pour les jeunes, la contraception est devenue très compliquée. Ils posent beaucoup de questions, et se disent perdus. Il en va de même à propos du VIH : certains jeunes de 17 ans appellent pour se faire expliquer la transmission du virus. Ces demandes perdurent. Concernant la sexualité, les pratiques changent un peu. Mais contrairement au discours des medias, il n’est pas question de pornographie dans les interrogations des jeunes. Certains appelants montrent nettement leur insouciance ; confiants dans la pilule du lendemain, le « vaccin » contre le SIDA, etc. Les messages de santé pertinents doivent être répétés tous les jours.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

19

Les enjeux spécifiques du milieu scolaire en matière de sexualité

Les enjeux de l’éducation à la sexualité en France

Véronique GASTÉ Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), ministère de l’Éducation nationale

Le souci de l’éducation à la sexualité au ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, remonte officiellement à la circulaire Fontanet de 1973. À cette époque, cette éducation consiste essentiellement en une information sur les aspects physiologiques de la sexualité (les organes génitaux) et sur la transmission de la vie. Dans les années 1980, avec l’arrivée du SIDA notamment, une nouvelle impulsion est donnée à ce domaine. Une autre circulaire est alors émise en 1996. Elle préconise deux heures par an d’« information et d’éducation sexuelles » pour les classes de quatrième et de troisième. Enfin, une nouvelle circulaire du 19 novembre 1998 mentionne un nouvel objectif : celui de prendre en compte la sexualité dans toutes ses dimensions, et non plus exclusivement par son aspect biologique.

Du biologique au psychoaffectif

Si le terme employé est « éducation à la sexualité », c’est bien pour prendre en considération l’ensemble des dimensions de cette éducation, en lien avec les valeurs de la République, qui fondent le service public d’éducation, et en particulier son principe de neutralité et son corollaire, la laïcité. La formulation « éducation à la vie affective » est évitée, pour rester en dehors du champ de l’intimité de l’individu, qui relève de la famille et des convictions. L’éducation à la sexualité recouvre plusieurs dimensions, notamment la dimension biologique, ce qui comprend l’anatomie, la physiologie et la reproduction. Mais depuis 1998, l’Education nationale investit également le champ psychoaffectif, en considérant que le jeune enfant, par l’observation des adultes et des enfants de son entourage, s’imprègne d’un certain nombre de codes qui vont construire son identité sexuelle. L’éducation, de manière informelle, influence la construction identitaire des individus. Il est impossible de faire fi de cette dimension quand il est question d’éducation à la sexualité.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

20

Figure 4 – Les différentes dimensions de l’éducation à la sexualité

L’éducation à la sexualité ne vise pas à entrer dans le champ de l’intimité, mais à accompagner les jeunes dans leur cheminement psychoaffectif, tout en respectant leur sphère privée. Bien sûr, le champ social interfère avec cette construction identitaire : non seulement les lois exercent leur influence sur le jeune, mais c’est aussi et surtout le cas de son environnement en matière de medias, de réseaux sociaux, etc. L’aspect social de la sexualité humaine est souvent ignoré par ces jeunes. Ils n’ont pas conscience que les normes sont construites culturellement. Elles leur apparaissent comme innées. Il s’agit là aussi de les accompagner dans la déconstruction de ces normes et de ces stéréotypes dans une culture donnée. Cette dimension sociale reçoit une attention particulière dans la démarche de l’Education nationale. Tout professeur est habilité à faire de l’éducation à la sexualité à partir du moment où il a été formé, et où il conduit, dans le cadre de sa progression pédagogique, une réflexion sur le champ social. Ainsi, un professeur d’espagnol, avec la projection d’un film de Pedro Almodovar en classe, peut tout à fait accompagner ses élèves dans une réflexion sur la construction de l’identité sexuelle. La circulaire du 17 février 2003 rappelle par ailleurs que l’éducation à la sexualité aborde de nombreux champs : « l’éducation à la sexualité à l’école est inséparable des connaissances biologiques sur le développement et le fonctionnement du corps humain, mais elle intègre tout autant sinon plus une réflexion sur ses dimensions psychologiques, affectives, sociales, culturelles et éthiques. Elle doit ainsi permettre d’approcher dans leur complexité et leur diversité, les situations vécues par les hommes et les femmes dans les relations interpersonnelles, familiales et sociales. »

Trois séances par an et par élève

Cette circulaire a permis l’inscription, dans le code de l’éducation, de trois séances annuelles d’éducation à la sexualité, de manière obligatoire, à tous les niveaux de la scolarité. La loi pour la refondation de l’école du 8 juillet 2013 a réaffirmé l’importance de la promotion de la santé et de l’éducation à la sexualité. Les séances prescrites par la circulaire peuvent être assurées par les personnels de santé des établissements, mais également par les enseignants, les conseillers principaux d’éducation, ainsi que par des intervenants extérieurs. Tous ces intervenants doivent avoir suivi une formation.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

21

À l’école, c’est l’enseignant qui choisit, en fonction des opportunités, le moment où il effectue ces séances d’éducation à la sexualité, en lien avec le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, et en lien, aussi, avec les enseignements. Au collège et au lycée, les séances sont articulées avec les programmes, mais là aussi, dans l’esprit du socle commun. Elles sont prises en charge par des personnes volontaires, formées et, si possible, en collaboration avec des intervenants extérieurs. Le ministère de l’Education nationale privilégie autant que faire se peut les intervenants extérieurs faisant partie de structures associatives agréées. Il encourage très fortement les interventions en binôme : quand un intervenant extérieur souhaite faire une séance d’éducation à la sexualité dans un établissement, il est fondamental qu’un personnel d’enseignement, d’éducation sociale ou de santé soit présent. Ceci pour plusieurs raisons : cette présence garantit un cadre éthique ; le personnel d’éducation connaît les élèves et peut les reprendre en cas de débordement. Il joue aussi le rôle de témoin éventuel. Les intervenants, qu’ils soient internes ou externes, sont attentifs à un certain nombre de principes éthiques : promotion de l’égalité filles-garçons ; respect des principes de laïcité et de neutralité ; respect des lois et des circulaires en vigueur ; inscription dans la sphère publique. Par ailleurs, ils s’efforcent de partir des préoccupations, des demandes et des besoins exprimés par les jeunes, et de favoriser les échanges entre eux. L’éducation à la sexualité s’entend avant tout comme une invitation au dialogue et non comme un discours. Bien sûr, seule l’organisation de groupes à effectifs réduits permet ce dialogue. Le ministère rencontre cependant quelques freins qui l’empêchent d’atteindre les objectifs de trois séances par an et par niveau : l’emploi du temps des élèves, déjà surchargé par les actions à programmer ; trop souvent, le fait que cette éducation soit obligatoire est méconnu, ainsi que la préconisation de trois séances par an.

Formation des personnels

Le ministère souhaite absolument sortir de l’approche biomédicale de la sexualité. Il est donc essentiel que tous les enseignants s’emparent de cette éducation, à condition d’être formés. Un des meilleurs leviers disponibles pour atteindre les objectifs en matière d’éducation à la sexualité est la formation. 380 formateurs sont aujourd’hui disponibles, ainsi que 40 000 intervenants. Une marge de progrès existe, rapportée aux 9 millions d’élèves (hors étudiants) et aux 850 000 enseignants. Depuis 2012, chaque recteur a par ailleurs mis en place une équipe pluri-catégorielle de pilotage académique de l’éducation à la sexualité. Les enjeux actuels de cette éducation sont : déployer des formations interinstitutionnelles, par exemple en partenariat avec les ARS, et sensibiliser l’ensemble de la communauté éducative à la sexualité primaire. La DGESCO a construit en 2014 un parcours M@gistère de formation en ligne. Il s’adresse aux personnels d’encadrement, aux chefs d’établissement et aux inspecteurs de circonscription. La loi de la refondation de l’école permet d’accentuer également cet effort de formation : elle inscrit comme enjeu fondamental la coéducation. Celle-ci s’entend tant au niveau du développement des partenariats qu’au niveau des parents. Le ministère a ainsi noué des partenariats avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), mais aussi avec la Mutuelle générale de l’Education nationale (MGEN), l’association d’Action documentation santé pour l’Education nationale (ADOSEN), Sidaction et d’autres associations agréées. Les parents, eux, sont sollicités pour contribuer à la construction de projets éducatifs : à compter de la rentrée 2015, des Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté départementaux (CESCD) sont mis en place, dans lesquels siègent les représentants des parents.

Parcours éducatif de santé

Le ministère doit aussi développer la déconstruction des stéréotypes des jeunes gens, par l’éducation aux medias, à l’information et à la liberté d’expression, ceci pour leur apprendre à

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

22

faire des choix libres et éclairés dans le cadre de leur propre santé. Ainsi, à la rentrée de septembre 2015, un parcours éducatif de santé sera créé. L’adjectif « éducatif » met l’accent sur l’aspect pédagogique du parcours, avant son aspect sanitaire : l’action de l’Éducation nationale s’inscrit ainsi dans le cadre d’une politique éducative de santé. Ce parcours éducatif de santé sera structuré autour de trois axes : l’éducation à la santé, dans laquelle l’éducation à la sexualité aura bien sûr toute sa place ; la prévention (un ensemble d’actions développera les dimensions éducatives et sociales, en lien avec les priorités de santé définies sur le territoire ; là aussi des actions d’éducation à la sexualité auront toute leur place) ; et enfin, l’éducation environnementale. Un ensemble de pistes de réflexions restent ouvertes. L’implication de la communauté éducative, des parents et de l’ensemble des personnels est essentielle pour répondre à ces enjeux actuels en matière d’éducation à la sexualité.

Echanges avec la salle De la salle Connaît-on le pourcentage d’établissements qui respectent la préconisation des trois séances ? Un gros frein existe à cette mise en place, du fait des parents d’élèves, du manque de plages horaires, etc. Que penserait le ministère de la mise en place de mesures incitatives, voire de mesures punitives, pour les établissements ? Par ailleurs, plutôt que de faire des séances sous une forme différente des heures de cours, pourquoi ne pas directement les intégrer dans le programme de connaissances, par exemple parler de l’aspect psycho-social en Education civique, juridique et sociale (ECJS), de la contraception et des IST en Sciences de la vie et de la Terre (SVT), etc. Pourquoi ne pas mettre ces connaissances au programme, plutôt que de créer des enseignements à part ? Sans compter que le fait de noter, de vérifier la connaissance de l’élève, pourrait être plus incitatif. Véronique GASTÉ Concernant les chiffres, une enquête a été menée mais reste inédite. Les chiffres bruts sont intéressants : les élèves ont bénéficié de séances dans 90 % des collèges Éclair (éducation prioritaire). 77 % des collèges en ont organisé, tous établissements confondus, ainsi que 61 % des Lycées d’enseignement général et technologique (LEGT) et 64 % des Lycées professionnels (LP). Les chiffres sont encourageants, pour une éducation qui n’est pas simple à organiser. Les réactions polémiques aux « ABCD de l’égalité » en 2013-2014 ont rendu glissant ce terrain déjà sensible. Cela a effectivement pu constituer un frein pour le développement des actions. Désormais, le ministère continue à organiser l’éducation à la sexualité, mais sans l’afficher de manière ostentatoire et surtout, en explicitant son action. Quant à être coercitif, il n’apparaît pas que cela soit la meilleure des solutions. Interdire un comportement à une personne est le meilleur moyen de créer chez elle une conduite provocatrice. Or, le ministère a à cœur, au contraire, d’apprendre aux élèves à faire des choix libres, éclairés et responsables ; cet objectif ne peut pas passer par la voie de la coercition. Pour les notes, certes, dans l’esprit d’un adolescent, ce qui est noté est ce qui a de la valeur. Mais les expériences des classes sans notes conduites depuis quelques années montrent que les élèves sont sensibles à ce que renvoie l’adulte par des appréciations éclairantes sur leurs atouts et leurs manques. Il faut dépasser cette idée de notes-sanctions aux effets anxiogènes. Par ailleurs l’intégration de l’éducation à la sexualité dans les programmes a d’ores et déjà lieu, en SVT, en Education physique et sportive (EPS), etc. Pourquoi pas aussi, en effet, en ECJS ? Le conseil supérieur des programmes, instauré par Madame la ministre, est en charge de ces questions. Il appartient à chaque institution ou association de le saisir pour être force de proposition.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

23

De la salle (Intervenant au MPF dans l’ouest de la France) Il serait dommageable que ces contenus entrent dans les heures d’enseignement ; les intervenants en éducation sexuelle ne sont pas dans une posture d’enseignement, rien n’est ici à valider par les élèves. Ceux-ci, dans ces rencontres, sont extrêmement présents ; il s’agit d’une parole collective, échangée en groupe-classe. Le fait que ce temps soit différent de l’enseignement est extrêmement précieux. En outre, l’expérience montre qu’il y a très rarement des réactions négatives de parents. De la salle (Sophie GISSELMANN) Le ministère compte-t-il débloquer des financements pour le parcours éducatif de santé ? Les établissements n’ont pas forcément de moyens pour faire intervenir des prestataires extérieurs. Sur les chiffres des élèves ayant bénéficié d’éducation à la santé, s’agit-il d’une séance dans leur cursus, ou des trois séances par an préconisées ? Enfin, à propos de l’implication des parents : dans certains établissements, ceux-ci ne viennent même pas chercher le bulletin de leur enfant ; dans ce cadre, comment imagine-t-on travailler étroitement avec eux ? Véronique GASTÉ Le parcours éducatif de santé sera en lien avec les programmes d’enseignement et avec le socle commun. Il n’y a pas de financement envisagé. Tout doit être mis en cohérence, de façon à ne pas complexifier la vie des élèves. Le parcours éducatif de santé aura comme objectif de rendre visible ce qui se fait déjà et de déployer ce qui se fait de manière insuffisante. Les chiffres portaient sur les établissements ayant mis en place des actions d’éducation à la sexualité. De manière un peu plus précise, 46 % des collèges déclarent réaliser au moins une séance d’éducation à la sexualité dans l’année. La plupart n’atteignent pas les trois séances préconisées. Le nombre moyen de séances organisées dans l’année par l’élève est de 1,7. Les LEGT sont 68 % à organiser au moins une séance, et 28 % à en organiser au moins deux. Là aussi, les trois séances ne sont pas atteintes : la moyenne est de 1,3 par an et par élève. Pour en revenir aux parents, ces acteurs ont une place primordiale. Ils sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Les parents issus de classe dite « moyenne » franchissent assez aisément les portes des établissements. Les parents issus de classe dite « favorisée » s’investissent très fortement dans les établissements. Il s’agit donc de réfléchir davantage à des modes de communication prenant en compte les cultures familiales. La réflexion porte par exemple sur l’ouverture d’espaces parents au sein des établissements. Ils ont été institués par la loi de refondation, mais doivent encore être créés. Dans le cadre de ces espaces, les parents pourraient être informés des thématiques travaillées avec les CESCD. La réflexion se poursuit sur la coéducation et l’implication des parents. Il appartient à chacun, au ministère, de réfléchir à la communication vers les parents d’élèves. À titre d’exemple, les journées des excellences (remises de diplômes), dans les établissements techniques, ont un grand succès auprès des parents. De la salle (Sandra BOUDOUL, ARS Centre-Val-de-Loire) Des équipes de pilotage académique pluri-catégorielles ont été évoquées. Quels sont leurs missions et leurs objectifs ? L’ARS Centre-Val-de-Loire a développé un partenariat avec son rectorat d’académie. L’ARS finance ainsi des associations pour intervenir dans les établissements, mais n’a pas la liste des établissements où les personnes sont formées ni celle des établissements où les conseils départementaux interviennent. Les équipes qui ont été évoquées peuvent-elles faciliter ce développement ? Véronique GASTÉ Le partenariat, par nature, est complexe. La relation doit être négociée de part et d’autre. Les équipes académiques de pilotage en éducation à la sexualité sont pluri-catégorielles : elles sont formées de médecins et d’infirmiers, mais aussi d’inspecteurs et de personnels de direction. Ces deniers sont responsables du pilotage des actions concernées. Ces équipes ont pour rôle de

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

24

conseiller le recteur sur le pilotage de l’éducation à la sexualité, d’impulser les formations, et de poursuivre le développement des formateurs en éducation à la sexualité. Les ARS sont parmi les principaux interlocuteurs des rectorats. Pour obtenir des données sur les établissements participant à l’éducation à la sexualité, ou bien les noms des formateurs, il faut s’adresser à l’équipe académique. De la salle (Sandra BOUDOUL) L’ARS a conventionné avec le rectorat pour cet échange de données. Pour percevoir ne serait-ce que des données statistiques, l’interlocutrice en région a demandé à l’ARS d’équiper ses infirmières d’ordinateurs portables. Ce faisant, la liste des collèges où les personnes sont formées risque d’être encore plus difficile à obtenir. Véronique GASTÉ La conseillère technique infirmière ne représente pas à elle seule l’équipe académique. D’autres interlocuteurs sont disponibles dans l’équipe. De la salle Il faut ajouter que des assistantes de service social, fortement mobilisées, siègent elles aussi dans les équipes évoquées. Ce qui plaide en faveur des séances hors cours est que cela libère la parole des élèves, sur des domaines intimes, ce qui permet de faire le relais, sur des faits exprimés, avec les personnels sociaux ou infirmiers de l’établissement. Il est important de pouvoir ainsi rebondir et accompagner les jeunes.

Un projet de développement de la santé sexuelle à l’école : l’exemple suisse romand

Caroline JACOT-DESCOMBES Cheffe de projet, SANTE SEXUELLE Suisse

La fondation SANTE SEXUELLE Suisse regroupe les associations professionnelles en conseil et éducation sexuelle (dont ARTANES) et des services de plannings familiaux et d’éducation sexuelle: il s'agit d'un modèle spécifique. Les spécialistes en santé sexuelle de ces services interviennent dans les écoles en Suisse romande mais ne sont pas forcément attachés au personnel éducatif. La fondation est par ailleurs membre de la Fédération internationale de planification familiale (IPPF4). Elle relève ainsi d’un certain nombre de cadres de référence internationaux. Il sera exposé comment, en Suisse, la prévention a laissé la place à l’éducation à la santé sexuelle, même si le terme est encore peu employé. Celui d’« éducation sexuelle » reste le plus répandu. Il existe des divergences d’intérêt en la matière, entre l’État, la société civile, les professionnels et les milieux associatifs. Le processus est le même qu’en France et dans d’autres pays : l’État souhaite résoudre un certain nombre de problèmes que la société civile n’arrive pas à résoudre. L’État donne alors un mandat public. Un bon exemple de ce processus est la prise en compte des grossesses précoces ou des IST. Parallèlement à cela, la Suisse a vu les parents jouer un grand rôle dans la mise sur pied de son programme d’éducation sexuelle. Les parents souhaitaient en effet que l’école joue un rôle dans la question. Comme en France, beaucoup d’organisations très militantes, dans l’esprit des années 1960 et de la libération de la femme, ont voulu développer une éducation sexuelle pas seulement destinée à résoudre les problèmes, mais aussi et surtout à

4 International planned parenthood federation

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

25

informer les femmes pour qu’elles découvrent ce qu’est le plaisir. La pensée était ainsi radicalement différente de celle formalisée par l’État.

Le point de vue de l’État

La Suisse n’est pas un État centralisé mais fédéraliste. Elle obéit ainsi au principe de subsidiarité : ce sont les personnes les plus concernées qui endossent chaque responsabilité. L’éducation sexuelle revient donc très clairement aux parents. Or, cela doit être répété en permanence, surtout à l’heure actuelle, où la fondation subit les attaques de certains groupes politiques. Ceux-ci voudraient inscrire dans la constitution fédérale, au plus haut niveau, que l’éducation sexuelle est l’affaire des parents. La fondation reconnaît cette évidence : les parents jouent un rôle énorme dans l’éducation sexuelle implicite, informelle, par leurs comportements avec leurs enfants. Un autre élément intéressant est le mandat de prévention : celui-ci intervient dans trois domaines, les IST, les IG (interruptions de grossesse) et la prévention des abus sexuels. Il s’applique au niveau intermédiaire des cantons (équivalents aux régions françaises). Dans ce cadre, chaque canton a la possibilité de développer sa propre approche. Cela leur offre, tout comme cela est le cas en France, une très grande diversité de mise en œuvre de l’éducation sexuelle. La confédération, au niveau le plus haut, se limite dans ce domaine à des tâches spécifiques, qui demandent absolument une harmonisation sur tout le territoire. C’est notamment le cas de la prévention du VIH et des IST ; il est primordial que chaque jeune puisse systématiquement recevoir une information a minima. La diffusion de cette information passe par l’école. Les cadres de référence de ce mandat public sont notamment ceux de la constitution fédérale. Celle-ci a une approche très intéressante pour la fondation : elle affirme un droit à l’enseignement de base, et le besoin de protection des enfants et des jeunes. Cette porte d’entrée légitime parfaitement l’action d’éducation sexuelle. Au niveau plus régional, des plans-cadres cernent d’autres thèmes liés eux aussi à l’éducation sexuelle, notamment celui du genre. Tout comme la France, la Suisse a révisé ces dernières années ses grands plans scolaires et a introduit l’éducation sexuelle dès quatre ans en Suisse romande. Elle a repris tous les contenus biologiques, enseignés aussi en France, et y a ajouté tout un travail lié aux stéréotypes de genre, qui accompagne la progression de l’élève, notamment au travers d’une réflexion sur les medias. Ce mandat public s’appuie également sur un certain nombre de textes légaux et également sur un monitorage. Certains chiffres, mesurés de manière périodique, servent d’indicateurs. Les responsables se fondent sur eux pour tenter de définir ce qu’est la santé sexuelle des jeunes. Ces responsables se cantonnent à une approche-risque : qu’est-ce qui dysfonctionne dans telle population ? Ce qui touche actuellement le plus le politique, dans le domaine de la santé sexuelle des jeunes, est l’abus sexuel. En passant par cette porte d’entrée, il est possible d’obtenir des fonds et de faire accepter des programmes dans leur ensemble. Avec la seule approche positive, il serait sans doute impossible d’obtenir de l’aide du mandat public. Les chiffres indiquent aussi que de manière générale, la fondation est très efficace Ce qui pose aussi, paradoxalement, beaucoup de problèmes : lors de la mise en place du dernier grand programme national VIH-IST, les jeunes, ayant un comportement relativement exemplaire par rapport aux autres tranches d’âge, n'ont pas été considérés comme un public cible spécifique. La question était même posée : pourquoi faire des programmes spécifiques, puisque ces publics se comportent si bien ?

Le point de vue de la société civile

La Suisse romande s’appuie sur le « modèle externe », composé de professionnels. Ceux-ci ont reçu une formation professionnalisante à l’université, dans différents domaines comme le social, la santé ou l’enseignement, puis entrent en formation continue. Employés par des services ou des

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

26

organisations, ils interviennent dans les écoles. Ainsi, dans la partie francophone, chaque élève a droit à des sessions relatives à l’éducation sexuelle durant toute sa scolarité. Le programme démarre en principe à partir de quatre ans et s’étend jusqu’à quinze ans, voire après quinze ans dans certaines écoles. Le modèle externe présente une approche coopérative : les parents sont associés à l’éducation sexuelle de manière systématique. Au début de la scolarité de leur enfant, ils reçoivent une lettre d’information qui leur explique le principe de cette éducation sexuelle. Ils sont aussi invités à des séances d’information où les éducateurs exposent le contenu de ces séances. C’est là une bonne occasion pour les parents de poser des questions sur la partie de l’éducation sexuelle qui leur revient : beaucoup encore, même aujourd’hui, se demandent comment parler de sexualité à leur enfant. Le système autorise également des dispenses. Tout parent peut s’opposer à ce que son enfant assiste au cours d’éducation sexuelle. C’est là un grand sujet de débat : faut-il supprimer le système de dispense ? Le contexte politique est très sensible ; il semble que la Suisse ne soit pas prête à cette suppression. Or, les statistiques montrent que les dispenses sont très rares : l’encadrement parvient souvent à convaincre les parents de l’utilité de ces séances, etc. Le modèle externe a par ailleurs de solides fondations légales, et repose sur des bases internationales. Le modèle a toujours eu une approche de promotion positive. Sa première référence est évidemment la charte d’Ottawa de 1987. Puis vient la convention relative aux droits de l’enfant. Celle-ci est souvent invoquée dans le débat avec les parents, puisqu’elle donne des droits à l’enfant en matière d’éducation à la sexualité. La définition de la santé sexuelle de l’OMS est elle aussi une base fondamentale : elle affirme que la santé sexuelle ne peut pas se limiter au mal-être et au risque. À cela s’ajoute la déclaration de l’IPPF de 2008 sur les droits sexuels, ainsi que les standards de 2010 pour l’éducation sexuelle. Ceux-ci précisent, âge par âge, les contenus que devrait avoir un programme d’éducation sexuelle pour un enfant et un jeune, mais ne disent rien sur la répartition des compétences entre parents, école et autres acteurs. Il ne se limite pas aux contenus biologiques, mais aborde aussi les droits, les dimensions sociales, etc. Ce qui a aidé la fondation à être aujourd’hui tout à fait crédible aux yeux de l’État est la reconnaissance, dans la définition de l’OMS, du concept de santé sexuelle au niveau international. C’est, aussi, le fait qu’elle promeut une approche positive et l’idée que, pour maintenir la santé sexuelle, il faut protéger les droits sexuels de chacun. Cette éducation à la santé sexuelle commence dès la naissance de l’individu, et continue tout au long de son enfance, de son adolescence mais aussi de son âge adulte. Or, c’est bien là l’intérêt de la fondation, dont le programme va de l’enfance à la vieillesse. Le public âgé, d’ailleurs, est de plus en plus important et demandeur. La définition de la santé sexuelle de l’OMS est aussi très utile en ce qu’elle affirme que l’individu est au centre de sa santé sexuelle, qu’il peut développer et renforcer ses compétences, pour être autonome et faire ses choix. Elle proclame aussi que cet individu est sujet de droit, ce qui signifie que l’État doit mettre en place des conditions-cadres pour que ces droits en matière de sexualité soient respectés. C’est là ce qui a permis le consensus entre ce que souhaite l’État et ce que souhaite la société civile.

Le système mis en place

Depuis que le consensus est établi entre la fondation et les autres acteurs, sur la définition de la santé sexuelle, plusieurs documents capitaux sont apparus pour expliquer la santé sexuelle. L’un d’eux est la charte éthique ARTANES. ARTANES est une association de professionnels de l’éducation sexuelle en Suisse romande. La charte explique ce qu’est l’éducation sexuelle, en rapport avec les droits humains et l’approche positive. Il est distribué systématiquement aux soirées des parents. En 2014, la fondation a par ailleurs repris les standards de l’OMS pour l’éducation sexuelle en Europe, et les a adaptés à la Suisse romande en proposant la répartition des tâches entre les enseignants et les spécialistes de cette éducation. Dans le modèle appliqué, les intervenants

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

27

extérieurs doivent absolument collaborer avec les enseignants. Sauf pour les petites classes (quatre-huit ans), l’enseignant ne reste pas dans la classe. En revanche, après le cours, une sorte de débriefing a lieu entre l’intervenant extérieur et l’enseignant. Ceci permet justement d’assurer une continuité et d’informer le maître du déroulement de la séance. La fondation estime que le cours d’éducation sexuelle donné par les spécialistes en Suisse romande représente deux à quatre heures d’intervention tous les deux ans. Ce cours est complété par les enseignants qui doivent y aborder les thèmes liés à la sexualité de manière transversale, c’est-à-dire à travers un cours de langue, d’histoire, d’éducation physique, etc. Dans ce cadre de référence, toute une série de séquences didactiques leur a été proposée. Ils peuvent justement s’appuyer sur elles pour construire des cours liés à la santé sexuelle. Ce modèle, établi avec les professionnels, les parents, et les institutions, se base sur une formation universitaire. Les personnes qui sortent de l’université ont un titre reconnu par la fondation, ce qui permet à l’ensemble des services d’éducation sexuelle de les distinguer. La formation continue est elle aussi primordiale. Les questions de sexualité ne sont pas évidentes, ainsi l’éducateur se doit de suivre des formations continues tout au long de sa carrière. Il y a 10-15 ans, l’État, tant au niveau fédéral que cantonal, ignorait même le domaine que recouvrait la santé sexuelle. Il était en effet uniquement question de prévention du VIH, de grossesses non désirées etc. Dans le même temps, depuis 30-40 ans, la fondation et d’autres organisations ont fait un important travail de lobbying pour expliquer formellement leur action. C’est grâce à cette porte d’entrée sur les droits humains qu’elle a pu convaincre l’État d’instaurer l’éducation à la santé sexuelle. L’approche de promotion, au niveau notamment des publics jeunes, est indispensable pour que la sexualité reste belle.

Echanges avec la salle De la salle Concernant le modèle externe, qu’en est-il de l’évaluation des actions ? Il paraît facile d’évaluer la prévention, à travers la réduction des risques, mais évaluer l’approche positive pose question. Par ailleurs, ce modèle a-t-il été comparé avec la Suisse italienne et la Suisse allemande ? Caroline JACOT-DESCOMBES En effet, l’impact ne s’évalue pas ou très difficilement : il faudrait suivre des cohortes sur des années. Il a été dit que les premiers éducateurs sont les parents. Malheureusement, le déterminisme est ici impressionnant : de manière générale, l’environnement social joue un rôle prépondérant dans l’éducation sexuelle. Du côté de l’école, l’éducation sexuelle dispose d’une dizaine d’heures maximum sur toute une scolarité. Dans ce cadre, comment l’impact de cette dizaine d’heures peut-il être mesuré sur le comportement d’élèves et d’adultes ? En revanche, il est possible de déterminer combien de jeunes, suite à une session, ont pu obtenir des ressources supplémentaires ou consulter un service particulier. Ainsi, les actions de prévention de l’homophobie ont des suites mesurables. Dans une classe, quand un ou deux élèves concernés par ce problème entendent un discours très intégratif, l’on sait à quel point cela peut être aidant pour eux. Un projet est par ailleurs mené pour déterminer s'il est possible de mesurer l’évaluation de l’impact de ces cours d’éducation sexuelle avec approche positive, sur la prévention des abus sexuels. Les résultats ne seront pas disponibles avant un an et demi. Enfin, dans la littérature spécialisée, beaucoup d’évaluations sont décrites, mais il est difficile d’aboutir à des conclusions solides.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

28

De la salle Un des chantiers sur lesquels il est possible de travailler serait l’identification de facteurs de protection sur la santé ; ceci permettrait de trouver des indicateurs liés au bien-être et à une approche positive. De la salle Concernant les indicateurs, un groupe de l’OMS s’est réuni récemment. Leurs travaux ne sont cependant pas publiés. Le principe de ces derniers repose sur une enquête menée auprès d’HSH, sur des questions de santé sexuelle. Les indicateurs recherchés sur la sécurité sont assez habituels : utilisation de préservatif lors du dernier rapport sexuel ou lors du premier de sa vie ; autonomie ; le fait de savoir dire non ; satisfaction lors du dernier rapport sexuel, etc. Peut-être que ces indicateurs, qui sont encore au stade expérimental, peuvent être utilisés en l’espèce ? Caroline JACOT-DESCOMBES Au niveau international, plusieurs groupes travaillent sur les indicateurs. La fondation a par ailleurs publié en 2002 un ouvrage intitulé Indicateurs de la santé sexuelle. Le problème n’est pas dans la disponibilité des indicateurs, mais dans la liaison à établir entre les programmes scolaires de quelques heures, et le comportement futur des personnes. Et c’est bien ce qui est demandé par les instances. Des comparaisons ont été effectuées entre les régions, notamment avec la Suisse alémanique. Or, même si elle suit un autre modèle, nous ne remarquons pas de vraie différence de résultats.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

29

Ressources et projets en santé sexuelle

Un projet de lutte contre les violences conjugales en maternité

La grossesse comme révélateur des maltraitances

Mathilde DELESPINE Sage-femme, Réseau périnatal Naître dans l’est francilien (NEF), Seine-Saint-Denis

La période prénatale et la grossesse sont des facteurs aggravants des violences faites aux femmes, pour des femmes qui subissent habituellement des violences ou qui en ont subi dans une période révolue de leur vie. Un conjoint bienveillant ne devient pas violent parce que sa femme est enceinte, mais à l’occasion de la grossesse, la femme va identifier les comportements comme de la violence, identification qu’elle n’effectuait pas jusque-là. Il peut s’agir de violence verbale, insidieuse, qui va se transformer en violence physique ou sexuelle pendant la grossesse ou juste après l’accouchement. Pour une femme qui ne vit pas des violences dans sa vie quotidienne mais qui a subi des violences dans sa vie antérieure, il est prouvé que pendant la grossesse, un réveil du syndrome de stress post-traumatique peut survenir : en effet, la grossesse occasionne une phase de réorganisation appelée la « transparence psychique ». La femme enceinte réinterroge ainsi sa vie, ce qui peut la mettre en difficulté si elle ne se trouve pas dans un contexte de vie relativement bienveillant. Les conséquences des maltraitances sont d’abord, évidemment, des lésions traumatiques directes : 42 % des femmes victimes de violences conjugales signalent des blessures consécutives à l’acte de violence. Les conséquences psycho-traumatiques ont elles aussi de lourdes répercussions sur la santé. Une enquête montre ainsi une augmentation de toutes les maladies obstétricales, notamment un fort taux d’accouchement prématuré, avec des conséquences très graves sur la santé du nouveau-né ; beaucoup souffrent également de diabète et d’hypertension. Il paraissait donc important de profiter de la période périnatale pour faire du repérage systématique des maltraitances. C’est un vrai sujet médical ; or, la patiente n’est pas forcément avertie que le professionnel de santé qui suit sa grossesse est aussi concerné par les questions de maltraitance. Le silence et l’isolement dans lesquels la femme demeure ne relèvent par ailleurs pas de son choix propre mais d’une injonction de l’agresseur. Il est important pour les professionnels de santé de briser cette loi du silence.

Instaurer un climat de confiance

NEF en vient à recommander que toute femme accompagnée dans le cadre du suivi obstétrical ou gynécologique commence son suivi par un temps de rencontre sur le plan médical ou humain. Dans ce temps de rencontre, qui peut être appelé « anamnèse », des questions sont à poser, sous une forme propre, avec la femme seule. Une question possible est : « Avez-vous déjà subi dans votre vie des choses qui vous ont fait du mal et qui continuent à vous faire du mal aujourd’hui ? » Cela ouvre sur de nombreuses confidences : dépression, troubles du comportement alimentaire, violences, etc. Les réactions des patientes sont très bonnes, qu’elles aient été victimes ou non de violences. Le Collectif féministe contre le viol (CFCV) a schématisé une stratégie dans un tableau en deux colonnes (voir ci-après). À gauche figurent les aspects de la stratégie de l’agresseur. Ainsi, le professionnel de santé, entre autre, doit dans son action faire tout le contraire. Ces actions figurent dans la colonne de droite. L’agresseur, qu’il s’agisse de violence conjugale ou

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

30

intrafamiliale, isole la victime, la prive de ses ressources sociales, psychiques, financières, la dévalorise, place la culpabilité sur elle, instaure un climat de terreur, assure son impunité et se montre sous son meilleur jour envers les personnes de l’extérieur.  

 Figure 5 – La stratégie de l’auteur vs. La stratégie de l’accompagnant

 Les professionnels, notamment en périnatalité, disposent de nombreux outils pour instaurer le climat contraire : pour sortir une femme de l’isolement, quand elle est enceinte, lui proposer de faire des séances de préparation à la naissance et à la parentalité ; ceci la revalorise, lui permet de prendre soin d’elle, de sa santé, et lui montre toutes les compétences dont elle dispose. Ces séances lui permettent également de rencontrer d’autres femmes enceintes. Les professionnels s’appuient aussi sur la loi pour remettre la culpabilité dans le bon sens : ce n’est pas de la faute de la femme si elle est victime de violences, mais de celle de l’agresseur ; ce n’est pas de sa faute si l’agresseur peut être inquiété par la justice, etc. Il s’agit aussi de mettre la femme, avec ses moyens, en sécurité, et de refuser la violence. Ces femmes s’entendent répéter qu’elles ne doivent plus se taire ni accepter la violence : lorsque les professionnels sont victimes de violences, notamment verbales, par ces mêmes agresseurs, il est important que l’institution réagisse. Autrement, l’impression de toute-puissance de l’agresseur sera confirmée. Tout ce qui, dans les actions du professionnel, réhabilite la personne en tant que sujet, actrice de sa vie, est susceptible de l’aider. Ainsi, la sage-femme, avant de toucher la patiente pendant l’examen obstétrical, lui demande son accord. Il faut veiller à ne pas reproduire le sentiment d’abandon que ces femmes ont pu vivre. Pour cela, elles doivent bien comprendre les limites de leur accompagnement. Chacun cadre son intervention pour que la patiente sache combien elle peut s’investir dans la relation thérapeutique. Dans cette prise en charge globale, si tous les éléments de vie de la patiente ne sont pas appréhendés, les actions préventives et thérapeutiques peuvent être mises à mal. Un exemple est celui de cette patiente qui souffrait de diabète gestationnel. La diabétologue ne savait pas que la femme était victime de violences conjugales : le conjoint, pour « punir » son épouse, lui prenait son appareil de surveillance glycémique. À la consultation, personne ne comprenait pourquoi les données de surveillance de la patiente étaient complètement anarchiques.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

31

L’enquête

Lorsque NEF est arrivé sur le projet, plusieurs maternités du réseau étaient déjà impliquées, ainsi que des professionnels libéraux et de la Protection maternelle et infantile (PMI). NEF a choisi de s’intéresser aux seules maternités. C’est ainsi que l’action a commencé, puis elle s’est étendue. À Aulnay-sous-Bois, une psychologue spécialisée en psycho-traumas exerce aux urgences centrales. La maternité bénéficie de cet accompagnement pour ses patientes enceintes. À Saint-Denis se trouve une unité pour les femmes excisées, ce qui offre, entre autre, au personnel, une culture d’accompagnement des femmes victimes de violence. À Montreuil, un projet est actif depuis 2009 autour des violences faites aux femmes, avec la formation de l’ensemble de l’équipe sur ce sujet. Par ailleurs, dans chaque maternité publique, un « staff de parentalité » ou « staff médico-social » fait travailler ensemble des acteurs de la ville et de l’hôpital autour des situations des femmes les plus vulnérables. Suite à un état des lieux, il est ressorti que le plus grand besoin initial dans les établissements était un besoin de formation. Pour remédier à cela, des formations ont été tenues sur site, pour toute l’équipe. 36 % de sages-femmes, 25 % de médecins, ainsi que d’autres professions y ont participé. Avant le démarrage du projet de lutte contre les violences conjugales en maternité, les personnels participant à l’action donnaient beaucoup de réponses erronées. En effet, 72 % des répondants sous-estimaient la fréquence des viols. Il apparaissait aussi un manque de repérage : dans la pratique clinique habituelle, 44 % des personnes rencontraient une femme victime de violences une fois par an, 28 % moins d’une fois par an. 35 % se disaient incapables de parler de violence, par manque de formation. NEF a donc créé un outil d’aide personnalisé, dans chaque établissement, qui a été partagé aux professionnels libéraux et en PMI. Il permet de trouver rapidement le nom d’une personne-ressource. Une fois les outils créés et les formations lancées, NEF a proposé aux maternités de participer à une première enquête. Six maternités ont accepté. Toutes les personnes qui effectuent des consultations prénatales ont alors posé certaines questions aux patientes. Le questionnaire explorait l’ensemble des formes de violences. 691 questionnaires ont été distribués. Ce questionnaire n’a pas engorgé les plannings des professionnels. Aucune femme n’a eu de réaction négative. Les professionnels ont su poser ces questions qui sortent de leur pratique habituelle, ceci grâce à l’alibi de l’enquête. En fin de semaine, l’impression des professionnels sondés était que ces questions pourraient relever de la pratique habituelle. Le questionnaire a connu 4 % de refus. Il était conseillé aux professionnels de mener ces entretiens avec les femmes seules. Cela n’a pas été toujours possible. Lorsque le conjoint était présent, la qualité des réponses a été dégradée : soit il n’y avait aucune réponse, soit aucune détection de violence. Sur les 663 répondantes, 244 ont déclaré avoir subi au moins une fois dans leur vie au moins un type de violence. 20 % signalaient deux types de violence. Les violences étaient réparties de la même manière que dans le cadre des enquêtes nationales. Le territoire de l’enquête, la Seine-Saint-Denis, n’y fait rien. Ainsi, 32 % des femmes ont déclaré avoir été victimes de violences verbales, 22 % de violences physiques, 11 % de violences sexuelles, 9,2 % d’excision (ceci, en revanche, est spécifique à l’Ile-de-France). Ressortait aussi le chiffre de 1 % de mariages forcés, ce qui est conséquent, s’agissant de grosses maternités avec 3 000 accouchements par an. Le moment des violences subies confirme, lui aussi, d’autres statistiques : les violences physiques sont vécues dans l’enfance, l’adolescence et la vie conjugale, et les violences sexuelles dans l’enfance et l’adolescence.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

32

 Figure 6 – Types de violences subies en fonction des différents « temps » de la vie

Des actions dans tout l’environnement périnatal

Une fois que ce travail avec les maternités a été achevé, au bout de 6-12 mois, NEF s’est ouvert vers les professionnels libéraux. Des formations leur ont été proposées et les outils d’aide à l’orientation leur ont été confiés. Le travail a été initié avec les PMI, les centres de santé, un centre spécialisé sur les addictions et la parentalité, et les centres spécialisés en addictions, car les vulnérabilités peuvent être croisées. Tous les six mois, les internes arrivant dans les maternités sont par ailleurs formés et des protocoles sont rédigés, sans effacer la spécificité de chaque situation. Des modèles de certificats médicaux sont également diffusés aux professionnels. Un travail a aussi été mené avec les Ateliers santé ville et les délégués aux droits des femmes : les municipalités peuvent s’avérer un vrai soutien. Le réseau NEF travaille avec 9 villes, chiffre qui a pour vocation à croitre, d’autant plus que le territoire du réseau s’est agrandi. En janvier 2013, au commencement du projet, le réseau périnatal ne couvrait que la Seine-Saint-Denis. Un an plus tard, les autorités ont déclaré que ce réseau couvrait aussi le nord de la Seine-et-Marne. Très rapidement, en 2015, un travail spécifique aux violences sexuelles a été lancé. Il regroupe tous les acteurs de la lutte contre les violences sexuelles, ce qui dépasse les professions de santé : la justice, la Préfecture, le service social, etc. Une des idées est de mettre en place un protocole, comme il en existe déjà dans les Hauts-de-Seine, pour que lorsqu’une femme est hospitalisée dans un établissement gynécologique et obstétrical pour des violences, la police puisse se déplacer pour prendre sa plainte, et qu’elle puisse avoir accès sur place à l’unité médico-judiciaire. Une nouvelle session de sensibilisation sur les violences sexuelles a également eu lieu récemment, avec l’écriture d’un protocole sur l’accueil d’une femme victime de violences sexuelles aux urgences. Une enquête a par ailleurs été menée sur une semaine dans deux maternités : 13 femmes ont révélé avoir subi au moins un viol et 18 femmes ont évoqué, avec un interne, une ou plusieurs agressions sexuelles. Cela a incité ces maternités, dans les dossiers obstétricaux, à introduire des questions sur les violences. En revanche, au sein des urgences gynéco-obstétricales, la charge de travail étant importante et imprévisible, la proposition de repérage systématique est plus difficile à accepter. Les résultats de l’enquête ont d’ores et déjà permis d’inclure la question dans le dossier des urgences de l’une des maternités sondée. Pour conclure, le projet du réseau porte ses fruits. Néanmoins, il est indispensable de rester endurant en raison du turn-over important des professionnels. Il faut, d’une certaine façon,

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

33

toujours recommencer à zéro, refaire les formations, etc. Les outils d’aide à l’orientation sont nominatifs, et doivent ainsi être souvent tenus à jour. Ceci nous pousse à rester pro-actifs. Ainsi pour pérenniser ce qui a été mis en place, le réseau comporte un groupe de référents, avec un référent par établissement, chargé d’effectuer la veille.

Echanges avec la salle De la salle (Albertine PABINGUI, GAMS5 Rhône-Alpes) Quel accompagnement est effectué auprès des femmes excisées ? Y a-t-il des demandes de réparation ? Travaillez-vous avec des associations communautaires ? Mathilde DELESPINE Une unité d’accompagnement des femmes excisées existait à la maternité de Montreuil. Elle a déménagé en 2012 au Kremlin-Bicêtre, dans une autre maternité. Comme cette unité était présente, l’équipe de Montreuil est restée très sensibilisée à la problématique. Il existe également au niveau du réseau une procédure expliquant la conduite à tenir, en consultation prénatale et en salle d’accouchement. Les femmes victimes de violences peuvent en effet bénéficier de consultations prénatales dédiées. Ceci permet de détecter des troubles dus à l’excision. Une unité fonctionne aussi à Saint-Denis. L’unité qui a déménagé au Kremlin-Bicêtre était favorable à un accompagnement pluridisciplinaire et personnalisé, et pratiquait assez peu d’opération au final. L’esprit est le même à Saint-Denis. De la salle (Nicolas DUTRIAUX) Le dispositif sera-t-il élargi aux pères ? Concernant les violences sexuelles dans l’enfance, les deux sexes en subissent à égalité. Des enquêtes sont attendues au sujet de pathologies auto-immunes qui seraient liées à des antécédents de violences sexuelles dans l’enfance. L’on sait aussi que les victimes peuvent devenir bourreaux. Mathilde DELESPINE C’est une question très intéressante. Lors de la première consultation prénatale, les membres du réseau conseillent que le père ne soit pas présent pour les questions de dépistage. Il peut entrer dans le cabinet par la suite. Il ne s’agit pas d’exclure les conjoints bienveillants. Pour ce qui est des conjoints violents, un centre à Pantin anime des groupes de responsabilisation des auteurs de violences conjugales ; les volontaires peuvent y être orientés car les personnes qui accompagnent les victimes et les auteurs doivent être des équipes professionnelles bien distinctes. Aucune réflexion n’a cependant été menée pour poser des questions aux conjoints avant la survenue de comportements violents. De la salle (Ella THOMAS, Sage-femme hospitalière à Argenteuil) Qu’en est-il de la formation initiale des étudiants sages-femmes et des étudiants en médecine et en métiers du social ? Mathilde DELESPINE Ce domaine progresse. La Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a mis en place plusieurs groupes de travail regroupant plusieurs types de profession. Des modules de formation initiale ou continue ont été instaurés, avec notamment le visionnage de courts-métrages pédagogiques, un dossier d’accompagnement des films contenant outils, conseils, etc. Ces outils ont été créés pour chaque

5 Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

34

profession par leurs représentants au sein de la mission. Un décret incite fortement à insérer ces questions dans la formation initiale des sages-femmes. Pour l’examen national classant des médecins, les questions sur les violences sexuelles ont été renforcées. Plus il y aura de questions, plus il y aura de formations. Des concepts très innovants sont aussi étudiés : certaines universités organisent des séances de double écoute avec le CFCV. Les étudiants en médecine y consacrent une demi-journée dans leurs études. De tels outils émanent véritablement du terrain.

Création d’un réseau santé sexuelle en Pays-de-la-Loire : freins et leviers

Une situation préoccupante

Florence RAMBAUD-GRESLIER Directrice du Réseau régional de santé sexuelle (RRSS) des Pays-de-la-Loire

Les Pays-de-la-Loire comptent cinq départements qui regroupent 3,6 millions d’habitants pour une densité de population légèrement supérieure à la moyenne nationale. 25 % de la population a moins de 25 ans, 9 % plus de 75 ans. 35,2 % des jeunes sont scolarisés, au premier degré, dans le secteur privé ; 41 % le sont au second degré. Cela joue un rôle dans les politiques de prévention et d’intervention scolaire. La région est hétérogène : elle comprend des départements ruraux, avec une démographie médicale parfois inquiétante. D’autres voient leur population augmenter cinq fois en été, avec ce que cela implique en termes de demandes de soins. De manière globale, la démographie médicale est inquiétante, tant pour les médecins que pour les sages-femmes et gynécologues. La consommation d’alcool chez les jeunes se situe très au-dessus de la moyenne nationale. La situation sanitaire est plutôt favorable par rapport à la moyenne nationale, mais l’offre de santé, elle, reste plus défavorable. L’idée du RRSS est née d’une demande forte de l’ARS des Pays-de-la-Loire, qui souhaitait une structure régionale unique en santé sexuelle. Les Réseaux VIH (REVIH) ne couvraient que certains territoires. L’ARS souhaitait donc un grand réseau de coordination des acteurs, qui absorberait les REVIH. Les acteurs de territoire, centres de planification, conseils généraux, etc. étaient eux aussi en travail sur des perspectives de partenariats et de réseau. Le portage a été assuré par le Comité régional de lutte contre le VIH (COREVIH) des Pays-de-la-Loire, dans une démarche de recherche-action : comment était-il possible de penser une politique de coordination en santé sexuelle ? Un travail d’identification de l’opportunité, de la faisabilité et de validation a été mené par les acteurs sur les attentes et la terminologie. Le concept de santé sexuelle défini par l’OMS couvrait au mieux les réalités territoriales et problématiques identifiées. La réflexion autour de ce RRSS a également permis d‘associer les différentes institutions locales et a contraint à penser la stratégique et la santé sexuelle au-delà du champ de compétences de l’ARS, notamment sur les questions de violences.

La constitution du réseau

Le RSSS a ainsi été créé en 2012 sous la forme d’une association loi 1901. Cette formule garantissait une certaine indépendance, même si l’agence est membre associé. Les objectifs du réseau sont le développement et la promotion d’une approche globale positive et non normative de la santé sexuelle. L’ARS a défini le RRSS en structure régionale d’appui et d’expertise (SRAE). Ses missions de départ étaient la coordination, le soutien à la prévention et la facilitation du parcours de soins. Aujourd’hui, c’est tout le parcours de santé qui est épaulé par la structure. L’idée est de rassembler un vaste champ d’acteurs, des acteurs de proximité – ceux qui n’ont pas comme cœur de métier la santé sexuelle mais qui, pour des raisons d’accueil de public, font face à la

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

35

question – aux opérateurs en santé sexuelle, ayant une offre de soins ou de prévention-promotion. Une des craintes initiales était la dimension régionale du RRSS et la difficulté de faire collaborer des professionnels des extrémités du territoire en prenant en compte les réalités de terrain de chaque département. La structure fonctionne avec un CA constitué de partenaires régionaux, d’associations, des élus départementaux et de membres associés comme le Rectorat, l’ARS, le Conseil régional, etc. Le réseau comprend aussi des Comités territoriaux de concertation (CTC), qui se retrouvent deux ou trois fois par an dans chaque département. Ces instances de « démocratie sanitaire » sont destinées à faire agir les acteurs de terrain sur leur territoire. Le rapport d’orientation du réseau est élaboré à la lumière de ces travaux. Les CTC rassemblent par ailleurs des entités très hétérogènes : inspection académique, structures d’accueil de publics, services hospitaliers, etc. Le RRSS bénéficie d’un financement unique de l’ARS, à la faveur d’un CPOM (contrat pluri annuel d’objectifs et de moyens). Il profite également d’autres types de soutiens de ses partenaires, par la mise à disposition de locaux, d’intervenants, etc. Il ne se substitue pas aux acteurs, ne faisant aucune offre de soins et de prévention, ni aux autorités de tutelle, dans la définition des priorités ou l’orientation des financements. Une directrice médicale porte des missions de veille et d’alerte, de définition de perspectives de santé publique en santé sexuelle, et de coordination médicale, notamment autour de projet d’action de sensibilisation et d’information à destination du 1er recours. Une secrétaire travaille à mi-temps. Trois animatrices territoriales assurent l’ancrage territorial dans les départements de la région et mènent des missions de coordination et d’animation des dynamiques locales en fonction des ressources. Elles ont une mission régionale d’identification des ressources et de mise en réseau. Les outils régionaux ont pour objectif de soutenir le maillage. Ils prennent notamment la forme d’une plate-forme Internet de diffusion de l’offre de formation et des actions ; d’une cartographie interactive des ressources regroupant toutes les informations pratiques sur chaque professionnel ; d’une newsletter publiée tous les deux mois et lue par 2 000 inscrits (le réseau comportant 120 adhérents) ; et d’une première journée régionale en 2015 de rencontre des acteurs. Celle-ci a réuni 300 participants pour des plénières et des tables rondes. Le thème pour 2016 sera la connaissance et la reconnaissance des droits des usagers en matière de santé sexuelle.

Noëmie DEKEUWER Animatrice, coordinatrice du RRSS Pays-de-la-Loire

Voici à présent des exemples concrets pouvant être mis en place en fonction des besoins repérés avec les acteurs de terrain. Les réponses peuvent prendre la forme de veille et d’alerte. Cela a été le cas avec le site ivg.gouv, lorsque de nombreux acteurs ont signalé des erreurs sur le site ; le réseau a ensuite fait connaître ces erreurs au ministère de la Santé. Le RRSS peut par ailleurs effectuer des diagnostics plus approfondis sur des bassins particuliers, à propos de l’accès des usagers à l’information, à la prévention, et aux soins, notamment dans les zones rurales. Le réseau conçoit également des outils comme la plaquette Conduite à tenir face à une demande d’IVG. Celle-ci a été diffusée aux professionnels du premier recours. À l’intérieur, un marque-page spécifique au département rappelle les ressources disponibles. Du côté de l’appui technique et méthodologique, le RRSS peut accompagner un projet, mettre en place des temps forts de type colloque, table ronde ou des groupes d’échange de pratiques et de renforcement. Ces groupes peuvent se placer à l’échelle de la région, du département ou même d’un bassin. Ils peuvent porter sur une thématique ou sur une approche globale de la santé sexuelle : le réseau s’ajuste aux besoins émis sur le terrain.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

36

La « dynamique planification en Vendée »

Pour finir, voici l’exemple d’une action concluante, qui a été menée en Vendée. Il s’agit de la « dynamique planification en Vendée ». Par « planification », on entend la contraception et l’accès à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Les adhérents ont pointé le besoin de cette planification, justifié par l’affluence touristique de la période estivale. La dynamique a été impulsée par le CTC. Les objectifs étaient les suivants : - susciter et renforcer les liens entre acteurs - contribuer à l’amélioration de la qualité des pratiques professionnelles - assurer la veille scientifique et réglementaire - informer et communiquer, valoriser l’existant L’animatrice du RRSS a rencontré les structures concernées. La dynamique s’est ensuite traduite, en janvier 2014, par la création d’un groupe de travail qui comprend des professionnels médicaux, paramédicaux, de l’éducation, médico-sociaux, des associations, des institutions, etc. La première étape était de se réunir et de se connaître. Cette année 2014 a vu la création d’un annuaire reprenant les missions et actions de chacun, ainsi que l’organisation d’une table ronde sur l’accès à la contraception en Vendée. L’idée était que ce type d’événement ne soit pas une fin en soi, mais crée du lien. La journée a rencontré un grand succès et les professionnels-les ont émis le souhait de poursuivre leur engagement dans le groupe de travail mais en élargissant son objet d’étude à l’approche globale de la vie affective et sexuelle. Une action de 2015 portera sur la mise en place de temps de sensibilisation pour les acteurs du premier recours dans le sud-Vendée, victime de désertification médicale. La demande qui remonte des acteurs de terrain est celle d’une information sur la sexologie, les violences et les IST. Une autre action serait la préparation d’un temps fort, a priori pour 2016, sur la thématique de la santé sexuelle des mineurs.

Echanges avec la salle De la salle (Marie SERGENT, Responsable de la Fédération régionale des acteurs en promotion de la santé – FRAPS – Indre-et-Loire) La FRAPS fait à la fois office d’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) et de pôle de compétences, le tout pour la région Centre. Elle coordonne également le réseau santé sexualité, qui existe depuis 25 ans. Il a été furtivement question des IREPS. Quel lien est fait dans les Pays-de-la-Loire avec l’IREPS ? Son potentiel dans cette thématique est-il exploité ? Noëmie DEKEUWER L’IREPS a été partie prenante dans la préfiguration du réseau. Elle a notamment été membre du CA pendant les deux premières années du réseau. Sur des projets précis, son implication est assez simple ; son champ de compétences diffère de celui du réseau. En revanche, la mise en place d’un réseau, surtout institutionnel, n’est pas anodine. Les articulations sont encore à réfléchir sur certaines thématiques ou territoires. La chance du réseau est qu’il travaille en bonne intelligence et en capacité de dialogue, sans compter que le champ de la santé sexuelle est très vaste. La question se posera aussi pour la mise en place des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CGIDD). Les Pays-de-la-Loire disposent déjà d’équivalents : les centres fédératifs prévention-dépistage. De la salle (Fabienne LO RE, Médecin-inspecteur à l’ARS Martinique) Quelle articulation existe-il avec le réseau périnatal et le COREVIH ? En ce qui concerne par exemple les IVG et la contraception, ces questions apparaissent aussi dans les circulaires des réseaux de périnatalité.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

37

Noëmie DEKEUWER L’articulation avec le COREVIH s’est faite assez simplement : celui-ci a porté la préfiguration du réseau dans les Pays-de-la-Loire. Il se positionne clairement sur les données épidémiologiques et les structures d’expertise VIH. Quant au réseau sécurité naissance, il portait déjà dans la région une dynamique sur l’IVG. Aujourd’hui, certains projets sont menés de front avec le RRSS, notamment une enquête de satisfaction des femmes. Le réseau sécurité naissance conservera ses missions sur l’analyse des données IVG, le recueil et la diffusion des données. En revanche, pour ce qui est de la dynamique de coopération, de renforcement des compétences et notamment la qualité de l’accès, cela revient à un groupe de travail régional du RRSS. La dernière réunion de ce groupe a porté sur les IVG et sur le hors-délai. Le réseau sécurité naissance ne se place pas sur ce champ d’échange de pratiques et de renforcement des compétences. De la salle (Amandine FREMONT, coordinatrice d’un contrat local de santé en région Centre) Concernant l’annuaire, ce type d’outil fait souvent débat quant à son efficacité et sa pertinence. Comment celui-ci a-t-il été construit ? Est-il actualisé ? Est-il mobilisé ? Noëmie DEKEUWER L’outil, consultable en ligne, a été long à élaborer, à cause de ce souci de pertinence. Ce n’est pas un annuaire des adhérents, mais des ressources. À en croire les statistiques, la page est plutôt bien consultée. Le choix a été de ne pas faire figurer de noms dans l’annuaire, pour qu’il ne soit pas trop souvent pris en défaut. Il est déjà très lourd de tenir à jour les actualités du réseau sur le site. De la salle (Amandine FREMONT) L’outil a-t-il été construit avec les acteurs ? Noëmie DEKEUWER Le site répondait à une demande forte de l’ARS et a bénéficié de son soutien. Ainsi, dès la préfiguration du RRSS, un travail sur le site Internet a été mené. Durant la première année, une version initiale du site a été évaluée, à la suite de quoi le réseau a reçu de nombreux retours des CTC et des partenaires. La version actuelle de l’outil est en ligne depuis mars. Il sera, à terme, à nouveau évalué.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

38

Conclusion de la journée Thierry TROUSSIER Chaire Santé sexuelle Unesco

2015 est une année d’innovation : il est désormais question, au niveau national, des stratégies de santé sexuelle. Le Haut comité de santé publique (HCSP) a été saisi pour donner des recommandations sur ces stratégies. En 2016, avec l’approche des CeGIDD, l’évaluation et les recommandations du HCSP permettront certainement d’implémenter ces stratégies et d’aller encore plus loin. « Comment continuer ? » sera la grande question. Le concept de santé sexuelle est issu de la volonté de dépasser les aspects négatifs associés à la sexualité. Il n’était plus guère possible d’augmenter les bons résultats sur les grands problèmes identifiés. Les chiffres stagnaient, tant en santé reproductive que du côté des IST et du VIH. Par ailleurs, les violences faites aux femmes, entre autres, ne se répartissent pas par catégories socio-économiques et touchent toutes les populations. L’exemple d’action donné pour l’Île-de-France est remarquable et devrait être généralisé. Cependant, il est inacceptable qu’en 2015, ce problème existe encore. La définition de l’OMS de la santé sexuelle porte sur les aspects physique, sécuritaire, social et mental de l’existence humaine. Le seul moyen pour obtenir, en l’espèce, des résultats tangibles, est d’adopter l’angle des droits humains. Ceci ressort bien dans l’exposé effectué par le MPF : le mouvement est issu des droits humains. La France a mis un certain temps à les respecter. L’enjeu, en 2015, n’est plus seulement les quatre dimensions de la santé sexuelle, mais le lien qui existe, au quotidien, entre les droits humains et la sexualité. La promotion des droits sexuels comme droits humains est indispensable. Elle se place au-dessus des cultures et des rituels. Le mot « autonomie » (empowerment6) a été prononcé, à juste titre : s’il n’est pas possible de dire non à une relation, les problèmes de rupture sécuritaire en découleront nécessairement. La relation ne pourra pas être satisfaisante. Différentes approches ont été présentées dans la journée : l’éducation populaire ; la sortie active des violences (MPF) ; l’approche communautaire (AIDES) avec son historique ancrée dans la discrimination. Des points communs se dégagent entre tous, à l’aune, justement, des droits humains. Plusieurs exemples ont ensuite été donnés sur des parcours. Le parcours de santé, sur lequel il faut se concentrer, est une réforme de santé portée directement par Madame la ministre. La santé sexuelle est une possibilité des parcours pouvant être mis en place. Les modèles présentés par les intervenants ont montré, en la matière, leur côté pratique. Lors de la présentation de l’éducation sexuelle, il a été dit que celle-ci a lieu tout au long de la vie. Le travail d’approche par les pairs, de son côté, est très intéressant et efficace, avec certaines limites. Pour l’éducation à la sexualité, les propositions de l’Éducation nationale ont bien été entendues. La démarche est formidable, et doit absolument être appliquée. Entre la volonté et la mise en pratique, les difficultés ont bien été exposées. L’importance de l’écoute des jeunes a été amplement démontrée. Enfin, concernant les réseaux, le RRSS a exprimé une véritable valeur organisationnelle. C’est un modèle différent, qui fonctionne lui aussi. Pour ce qui est des formations, il en existe plusieurs types. Avec l’irruption du concept de santé sexuelle, les personnes travaillant dans les CeGIDD devront se mettre à niveau.

6 Gain d’autonomie dans sa vie sexuelle, de manière à réduire les risques

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

39

Que retenir, en fin de compte, de cette journée ? Le mot-clé était sans conteste les « droits humains » : comment les promouvoir, les appliquer, et les intégrer ? Ensuite venait le terme d’« éthique » : jusqu’où aller ? Comment y arriver ? Enfin, le dernier enseignement est que rien ne peut se faire isolément ; le partenariat est la clé. En matière de santé sexuelle, il est indispensable de former des maillages entre professionnels. Telle est aussi la conviction de l’Inpes.

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences

40

Sigles ADOSEN : Action documentation santé pour l’Education nationale AFC : Association française pour la contraception ARS : Agence régionale de santé ASV : Atelier santé ville CA : Conseil d’administration CDC : Center for Disease Control and Prevention CESCD : Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté départemental CFCV : Collectif féministe contre le viol CGIDD : Centre gratuit d’information, de dépistage, et de diagnostic COREVIH : Comité régional de lutte contre le VIH CTC : Comité territorial de concertation DGESCO : Direction générale de l'enseignement scolaire DGS : Direction générale de la santé ECJS : Education civique, juridique et sociale EPE-IDF : Ecole des parents et des éducateurs d’Ile-de-France EPS : Education physique et sportive FAGE : Fédération des associations générales étudiantes FRAPS : Fédération régionale des acteurs en promotion de la santé FSJ : Fil santé jeunes GAMS : Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants GSS : Genre et santé sexuelle HAS : Haute autorité de santé HCSP : Haut comité de santé publique INJEP : Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire INPES : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé IPPF : International planned parenthood federation IREPS : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé IST : Infection sexuellement transmissible IVG : Interruption volontaire de grossesse LEGT : Lycée d’enseignement général et technologique LP : Lycée professionnel MGEN : Mutuelle générale de l’Education nationale MIPROF : Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains MPF : Mouvement pour le planning familial MST : Maladie sexuellement transmissible NEF : Naître dans l’est francilien (Réseau) OMS : Organisation mondiale de la santé PMI : Protection maternelle et infantile PRS : Projet régional de santé REVIH : Réseau VIH RRSS : Réseau régional de santé sexuelle SRAE : Structure régionale d’appui et d’expertise SUMPPS : Service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé SVT : Sciences de la vie et de la Terre VIH : Virus de l’immunodéficience humaine