Sándor Kálai, « "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier »

download Sándor Kálai, « "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier »

of 11

Transcript of Sándor Kálai, « "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier »

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    1/11

    DES YEUX DAVARE, PLEINS DE SOUPONS AIGUS ET DENQUTES

    POLICIRES :

    LE JOURNAL DUNE FEMME DE CHAMBREET LE ROMAN POLICIER

    Le roman le plus clbre de Mirbeau nest certainement pas un roman policier. Detoute faon, il y a des paralllismes entre le rcit policier qui se constitue en genre autonomevers la fin du XIXe sicle et au dbut du XXe et le roman de Mirbeau, qui parat en volumeexactement au tournant du sicle. Mirbeau, tout comme Zola dans saBte humaine, reprend ettransforme les lments du roman policier1. Il est galement noter que ce genre qui tient en quelque sorte le haut du pav dans le domaine de la littrature populaire 2 , se constituecomme une sorte de relais entre la littrature populaire et la littrature destine llite, il

    reprsente en quelque sorte une littrature moyenne.Dans sa prface pour le roman de Mirbeau, Pierre Michel met laccent sur la prsencedlments policiers quil aborde du point de vue de la rception : Et il frustre la curiositdu lecteur, et au premier chef lamateur de romans policiers bien ficels, qui attend quon lui

    fournisse des certitudes et quon lui dvoile la clef de lnigme, et qui a bien du mal secontenter de simples prsomptions. Cest ainsi, par exemple, que Mirbeau se garde biendaffirmer que Joseph est le violeur et lassassin de la petite Claire, il laisse Clestinelentire responsabilit dune intime conviction qui ne sexplique peut-tre que par lesemballements de son imagination.3

    Le commentateur met laccent sur lun des fils de lintrigue romanesque, et sesremarques peuvent nous conduire, dans un premier temps, une rflexion sur lefonctionnement du dispositif des rles du roman policier dans le roman de Mirbeau(Clestine, lenquteur ; Joseph, le suspect ; la petite Claire, la victime et, bien videmmentcette liste est complte par le rle du criminel), en tenant compte dautres affaires (laffaireGeorges, laffaire du vol de largenterie, etc.). Dans un deuxime temps, il conviendradanalyser le dispositif de lenqute (en prenant cette notion dans son sens le plus large). Cestalors quil faudra aborder le thme du regard, le rapport entre homme et femme et les scnesdinterrogatoire. Notre analyse dbouchera sur une rflexion concernant la forme du journal

    en tant que lieu dun discours utopique permettant de renverser les hirarchies sociales.Avant lanalyse dtaille des rles, il est utile daborder lun des paratextes du roman :

    la ddicace.Du point de vue qui est le ntre, il est remarquer que lauteur ddie son roman Jules Huret, clbre journaliste de lpoque, initiateur du grand reportage. Nous avons donc

    1 Il en est de mme dans certains contes de Mirbeau qui mritent dtre analyss sparment.2 Cf. Anne-Marie Thiesse, Les infortunes littraires, carrires de romanciers populaires la Belle

    poque ,Actes de la recherche en sciences sociales, n 60, novembre 1985, pp. 31-46, p. 43. Elle met laccentsur le fait que ce type de rcit parat dans des quotidiens et des magazines lus essentiellement par la frangesuprieure des classes populaires et, dautre part, les auteurs sont dorigine sociale leve, pourvus dune solideformation scolaire et universitaire.

    3 Octave Mirbeau, uvre romanesque, dition critique tablie, prsente et annote par Pierre Michel,Buchet / Chastel Socit Octave Mirbeau, 2001, volume 2, p. 350. Cest cette dition que renvoient lesindications de pages.

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    2/11

    tous les droits de supposer que le roman entier se prsente comme une enqute, la manirede celles de Jules Huret (Enqute sur lvolution littraire,Enqute sur la question sociale) enqute entendre dans son acception la plus large (il sagit, partir des indices, de retrouverles principes qui gouvernent la socit), mais qui implique aussi, bien videmment, le sens

    policier de cette notion (cest--dire retrouver les mobiles du crime et identifier le criminel partir des indices).Dune manire allusive, ce qui est en question dans la ddicace, cest lesthtique de la

    rvlation, au sens mirbellien du terme : luvre dart a essentiellement deux fonctions,insparables lune de lautre, la fonction esthtique et la fonction sociale ; et le processus de lalecture doit mener une prise de conscience de notre nature humaine, cette tristesse et cecomique dtre un homme selon lexpression du ddicateur. Ds le seuil, le roman se placedonc sous le signe de lenqute.

    1. LE DISPOSITIF DES RLES

    Comme il sagit dun journal4, tout est vu du point de vue de Clestine, la femme dechambre. Il en dcoule, pour reprendre la terminologie du roman policier, quelle estlenquteur principal. Elle remplit ce rle de trois manires diffrentes. Tout dabord, elleenqute sur elle-mme : il y a en effet des retours en arrire qui remplissent une fonctiondexplication5. On peut penser, par exemple, aux souvenirs denfance de la narratrice, dans lechapitre V. Pour comprendre la situation de Clestine, il faut remonter dans le pass, et,comme le note Serge Duret6, au commencement de sa vie consciente, il y a un cadavre, celui

    de son pre. Ensuite, par la relation de ses souvenirs, elle enqute aussi sur la socit, lapolitique, les murs : certains retours en arrire ont alors une fonction de dnonciation7. Entroisime lieu, dans le prsent de lhistoire raconte, elle enqute sur ses matres, sur leshabitants du village, elle sintresse Joseph, et plus particulirement au crime qui bouleverseson entourage : le viol et lassassinat de la petite Claire.

    Lassassinat de la petite Claire

    Cest cette affaire qui se trouve au centre du roman. Sa particularit, cest que

    lassassin reste tout jamais inconnu, malgr les efforts des enquteurs, officiels ou privs.Cest chez lpicire que Clestine est informe de laffaire : la connaissance quelle ades vnements est donc dj mdiatise. Les femmes qui se runissent l ont leur propreversion de laffaire. Ainsi, Rose, la servante du capitaine Mauger, prtend que lassassin nestautre que M. Lanlaire, mais sa justification pose des problmes :

    4 Sur la forme et le fonctionnement du journal, voir Gabriella Tegyey, Claudine et Clestine: la forme dujournal et son fonctionnement , Cahiers Octave Mirbeau, n 8, 2001, pp. 86-98. Dans cet article, lauteur metlaccent sur lorganisation de lhistoire, la temporalit et la personnalit des narratrices.

    5 Voir larticle de G. Tegyey, ibid., p. 93.6 Serge Duret, ros et Thanatos dans Le Journal dune femme de chambre , Octave Mirbeau, Actes du

    colloque dAngers, Presses de luniversit dAngers, 1992, pp. 249-267, p. 249, article cit par Pierre Michel,op. cit., p. 1263.7 G. Tegyey, op. cit., p. 93.

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    3/11

    Rageusement, Rose sobstine Elle cume elle frappe sur la table de ses grossesmains molles elle se dmne, clamant :

    - Puisque je vous dit que si, moi Puisque jen suis sre, ah! (498)

    On constate que le jugement de Rose nest sous-tendu que par laversion quelleprouve pour M. Lanlaire, et du coup son accusation devient tautologique (jen suis sre parceque jen suis sre). Il en va de mme du jugement des autres. Parmi les coupables possibleson retrouve le pre de la petite fille (Pourquoi le pre ne sest pas intress la disparitionde la petite ? , 499), les deux capucins qui navaient pas bon air, avec leurs sales barbes,qui mendiaient partout (500), et qui sont donc des coupables idaux, ou encore uncolporteur. Conformment au climat politique de laffaire Dreyfus,La Libre Parole dnoncenettement et en bloc les juifs et elle affirme que cest un meurtre rituel (506).

    Clestine qui entend avec curiosit et attention les suppositions formules par les

    autres, retrouve le ressort cach qui sous-tend ces jugements prononcs dune manire trophtive laversion :

    Elles passaient, lune aprs lautre, la revue de tous les gens du pays qui avaient pu

    faire le coup Il se trouve quil y en a des tas tous ceux-l quelles dtestent, tousceux-l contre qui elles ont une jalousie, une rancune, un dpit (500)

    Il nest pas tonnant, ds lors, que laffaire se transforme en un type dhistoire quonaime consommer comme lcrit Clestine : Enfin, avec cette histoire, on va avoir dequoi parler et de se distraire un peu. De cette manire, le meurtre qui bouleverse lordre du

    monde, sadoucit, pour ainsi dire, et devient consommable, les histoires construites partirdes donnes du meurtre servent se divertir, provoquer des frissons. Il est galement remarquer que cette arrire-boutique de lpicire devient un lieu cyberntique le lieu de lacration, de la transmission et de la consommation de linformation : Alors, chacune de cescratures, tasses sur leur chaise, comme des paquets de linge sale, sacharnent raconterune vilenie, un scandale, un crime (422). On comprend que Clestine soit prise denause8.

    Le meurtre devient donc rcit, fait divers mme. Par ce support quest le journal, laFrance entire sera au courant de laffaire : On sarrache les journaux de la rgion et de

    Paris qui le racontent (506). Le roman met en scne le phnomne typique de la culturemdiatique : la lecture de la presse populaire et le traitement mdiatique des affairessanglantes. Il nest pas du tout tonnant que M. Lanlaire soit un lecteur assidu du Petit

    Journal, le quotidien populaire fond par Mose Millaud en fvrier 1863 et qui utiliselargement le fait divers sanglant. mile Gaboriau, lauteur des premiers romans policiersfranais, est journaliste du Petit Journalet y publie certains de ses romans judiciaires9.

    8 son tour son journal, tableau sinistre de la misre de ltre humain est capable de provoquer la mmechose.

    9 Citons Jacques Dubois qui parle de la relation troite entre le fait divers et le roman policier propos de

    Gaboriau : Le plus notable nest pas quil conjugue avec bonheur deux modes dcriture, celui du chroniqueuret celui du romancier, mais quil passe sans heurt de lun lautre parce quils appartiennent un continuumtroit: du fait divers au rcit denqute et dnigme, on demeure dans la mme thmatique, la mme tonalit (un

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    4/11

    Conformment la situation politique, le journal est antismite lpoque de laffaireDreyfus. Les paroles de M. Lanlaire, Tiens, Encore une femme coupe en morceaux (427), mettent en lumire la nature de la consommation quotidienne des faits divers.

    Lenqute officielle naboutit rien : Donc, nulle part, nul indice qui puisse mettre

    la justice sur les traces du coupable. Il parat que ce crime fait ladmiration des magistrats etquil a t commis avec une habilet surprenante, sans doute par des professionnels pardes Parisiens. (507). Laffaire, comme Clestine la prvu avec lucidit, est classe.

    Cest galement autour de ce crime que le rapport entre Clestine et Joseph secristallise. Comme presque tout le monde, Clestine, elle aussi, procde sa propre enquteconcernant lassassinat de la petite fille. Selon ses prsuppositions et ses convictions, lecoupable nest autre que Joseph, le personnage le plus nigmatique du roman. On peutsoutenir que cest justement par cette accusation que Clestine donne plus de consistance cethomme, qui chappe sans cesse toute dfinition. Il y a des signes, relevs par elle, qui

    pourraient renvoyer sa culpabilit : par exemple, elle a peur de son norme mchoire debte cruelle et sensuelle (501)10, il a une bouche de crime, et ses yeux de crime (582), et,ne sachant rien de son pass11, elle se demande do il vient : [e] st-ce le bagne quilrappelle ou le couvent? (504).

    Elle essaie de mener son enqute : cest justement lhabilet diabolique de lassassin,qui ne laisse aucune trace compromettante, qui lui permet daccuser Joseph. Elle recherchegalement les indices de la frocit de Joseph par exemple, sa manire jouissive de tuer lescanards en faisant durer leur agonie , ensuite elle lui pose directement la question. Latranquillit de Joseph augmente la fois la terreur et le dsir de Clestine. son tour, le

    lecteur reste perplexe, parce que les convictions de Clestine sexpliquent sans doute par lesgrossissements de son imagination Clestine attribue le crime Joseph , sans que,toutefois, linnocence ventuelle de celui-ci soit prouve.

    Dans cette affaire, seul le rle de la victime est rempli dune manire satisfaisante,cest--dire conforme aux rgles du roman policier. Dans la reprsentation de ce fil delintrigue, ces rgles sont particulirement mises mal.

    mixte de tension et de gratuit), comme aussi dans la mme stratgie de rendement. , in Jacques Dubois, LeRoman policier ou la modernit, Paris, Nathan, 1992, p. 17.

    10

    La mchoire dansLa Bte humaine de Zola, conformment dailleurs aux thories de Cesare Lombrososur le criminel-n, est le signe vident de la culpabilit de Jacques : Il venait davoir vingt-six ans, galementde grande taille, trs brun, beau garon au visage rond et rgulier, mais que gtaient des mchoires trop fortes., in mile Zola, Les Rougon-Macquart, dition intgrale publie sous la direction dArmand Lanoux, tudes,notes et variantes par Henri Mitterand, Bibliothque de la Pliade, Paris, Fasquelle-Gallimard, 1966, t. IV., p.1026. Au moment de lassassinat de Sverine, ce sont justement les mchoires qui rendent le visage de Jacquesmconnaissable le rcit reprend et module la description antrieure : Il avait sa tte ronde de beau garon,ses cheveux friss, ses moustaches trs noires, ses yeux diamants dor, mais sa mchoire infrieure avanaittellement, dans une sorte de coup de gueule, quil sen trouvait dfigur (1294). La mchoire comme indice estassocie galement lincertitude de lidentit du personnage.

    11 Pendant labsence de Joseph, Clestine essaie de fouiller la chambre de celui-ci en qute des indicesrvlateurs, soit en rapport avec le crime, soit en rapport avec lhomme lui-mme, mais elle ne trouve rien : Les objets quil possde sont muets, comme sa bouche, intraversables comme ses yeux et comme son front Le

    reste de la journe, jai eu devant moi, rellement devant moi, la figure de Joseph, nigmatique, ricanante etbourrue, tour tour (591). Le mystre qui entoure Joseph et qui excite limagination de Clestine renvoiedune manire indirecte aux problmes didentit de Clestine.

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    5/11

    Le vol de largenterie

    Il semble quentre le cadavre de la petite Claire retrouv dans la fort de Raillon et lepetit caf de Cherbourg, il y ait une liaison secrte, invisible, comme le pense dailleurs

    Clestine, et cette liaison est renforce par un chanon intermdiaire : la disparition delargenterie des matres. Laffaire suscite de nouveau des enqutes, prives ou officielles, et ily a une nouvelle rpartition des rles. Les victimes sont les matres, Mme et M. Lanlaire, lesenquteurs officiels sont les magistrats, les privs sont, de nouveau, Clestine, et aussi etsurtout Mme Lanlaire: Elle avait chaque jour des combinaisons nouvelles et biscornues,quelle transmettait aux magistrats, lesquels, fatigus de ces billeveses, ne lui rpondaientmme plus (659). Le ou les malfaiteur(s) reste(nt) non-identifis, en revanche conformment la logique de lordre social les premiers suspects sont les serviteurs. Dansce cas, le journal mme de Clestine risque fort de constituer un indice compromettant pour

    elle et pour Joseph.Tout comme pendant laffaire de la petite Claire, les habitants sont proccups par lecrime. Il y a une quantit de criminels possibles : les gens du pays afflurent, demandant dposer. Lun avait vu un homme blond qui ne lui revenait pas ; lautre, un homme brunqui avait lair drle. Bref, lenqute demeura vaine. (658) Le procureur de la Rpubliquena aucune piste :

    Il va sans dire quon examina aussi les alles du jardin, les plates-bandes, les murs, les

    brches des haies, la petite cour donnant sur la ruelle, afin de relever des traces de pas etdescalades Mais la terre tait sche et dure ; il fut impossible dy dcouvrir lamoindre empreinte, le moindre indice. La grille, les murs, les brches des haies gardaient

    jalousement leur secret. (657-658)

    Ds lors la justice ne tarde pas abandonner dfinitivement linstruction : son avis, lecoup a t excut par dexperts cambrioleurs de Paris. (659)

    Le savoir de Clestine sur laffaire est, de nouveau, mdiatis, parce quelle tient sesinformations du rcit que Joseph fait aux magistrats (653). Elle est cependant persuade de saculpabilit, et, paralllement, elle se sent de plus en plus attire par lui : cest que tout crime

    le meurtre principalement a des correspondances secrtes avec lamour Eh bien, oui,

    l! un beau crime mempoigne comme un beau mle (655)12.

    12 Quant lassassinat de la petite Claire, on lit les mots suivants : Malgr lhorreur sincre quinspirece meurtre, je sens parfaitement que, pour la plupart de ces cratures [il sagit des femmes qui se trouvent chezlpicire], le viol et les images obscnes quil voque, en sont, pas tout fait une excuse, mais certainement uneattnuation car le viol, cest encore de lamour (498).

    Cest ici quil faut parler dune autre affaire qui remonte au pass de Clestine et o lamour et le crimesont inextricablement lis lun lautre. Il sagit de laffaire Georges, voque dans le chapitre VII et qui remplitgalement la fonction de miroir : on constate que, dans tous les cas, la fascination rotique est insparable dumeurtre. Georges, qui est gravement malade, connat pour la premire fois dans sa vie les dlices de lamourdans les bras de Clestine. Tout comme dans La Peau de chagrin de Balzac, ici aussi la dpense de tropdnergie mne la mort prcoce. Clestine le tue, tout en acceptant de se sacrifier elle-mme, puisquelle

    risque dtre contamine par la maladie. Elle est galement consciente du fait que, si elle se refuse au moribond,elle commet galement un crime. Ce qui fait la particularit de cette affaire, cest lambigut des rles : Georgeset Clestine sont la fois victimes et meurtriers.

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    6/11

    Comme le crime a quelque chose de violent, de solennel, de justicier, de religieux (655), Clestine, de mme que certains anarchistes, considre ce vol comme une sorte dertablissement de lquilibre social : Ce qui leur arrive, cest la justice. En les dpouillantdune partie de leurs biens, en donnant de lair aux trsors enfouis, les bons voleurs ont

    rtabli lquilibre (655). On constate l quun point de vue strictement social donne un sensbien prcis loxymore bons voleurs. Si Clestine, comme elle le dit, na aucun scrupule jouir de largent de Joseph, de largent vol. (663), cest qu ses yeux tout cet argent a djt vol. Cette constatation nous mne nous interroger sur le crime comme fondement delordre social.

    Crime et ordre social

    part les crimes dont on a dj parl, il y en a encore dautres qui sont voqus dune

    manire ou dune autre dans le roman. Il semble que, comme dans les romans de Balzac,lordre de la socit reprsente repose sur des crimes ignors. Au dbut de son journal, dansle deuxime chapitre, Clestine dit que le riche est quelquefois meurtrier (406). Cetteconstatation est trs riche de sens.

    On apprend ainsi que le pre de Monsieur fut condamn dix ans de rclusion, cequi, en comparaison des faux, abus de confiance, vols, crimes de toute sorte quil avaitcommis, fut jug trs doux (401). M. Lanlaire a donc bien hrit dun argent qui a t vol13.Selon toute vraisemblance, le pre de Madame, marchand dhommes, tait pire encore.Clestine partage avec le lecteur lhistoire louche (545) de largenterie : Le pre de

    Madame serait rentr dans ses fonds, et grce une circonstance que jignore, il aurait gardlargenterie par dessus le march Un tour de filou patant ! (545). Selon cette logique,le voleur en loccurrence Madame Lanlaire, qui a hrit de largenterie vole seragalement vol son tour14. Lordre nest que dsordre, et le mouvement (de largent et des

    biens dun propritaire lautre) nest pas seulement le signe de lpoque, mais aussi celui duroman15.

    Le rapport entre le matre et le domestique est fond sur lexploitation de ce dernier.Les matres sont en fait des vicieux qui exigent des autres des vertus (571), cependant que ledomestique est un monstrueux hybride humaine (496), qui se trouve entre deux classes et

    qui est contamin par les vices de la bourgeoisie. Le domestique na pas le choix : il doitaccepter le rle du vol, le rle de la victime, car pour lui, il ny a pas de justice: Quedeviendrait la socit si un domestique pouvait avoir raison dun matre ? Il ny aurait plus

    Tout en prouvant de la douleur, Clestine est prudente, parce quelle se considre comme coupable : misre humaine ! Il y avait quelque chose de plus spontan que ma douleur, de plus puissant que monpouvante, ctaient mon ignoble prudence et mes bas calculs (487). Elle fait disparatre ce qui pourraitlaccuser. Ainsi, le meurtre, si cen est bien un, reste inaperu pour tout le monde. Cette affaire attire aussi notreattention sur un fait cardinal : il devient de plus en plus difficile de dfinir dune manire prcise le crime.

    13 Dans le chapitre VII (p. 456), Mme Lanlaire qualifie elle-mme de voleur le pre de son mari.14 Il est donc tout fait logique de supposer que Clestine, la bourgeoise, sera galement vole une fois.15 Par la reprsentation des crimes ignors, le roman subvertit, une fois de plus, les rgles du roman

    policier.

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    7/11

    de socit, Mademoiselle Ce serait lanarchie (565), comme lexplique le juge de paix Clestine.

    Il savre donc impossible de rparer le crime commis envers les domestiques,dautant plus que les lois de cette socit sont intriorises par eux. Il doivent subir la honte

    des regards policiers (572) des matres. Ces derniers sont donc naturellement associs la police, qui est lincarnation de la loi16. Les femmes de chambre sont aussi voles par lesplaceuses elles-mmes17, et mme, pour comble, exploites par les charitables surs deNeuilly :

    Leur truc tait simple et cest peine si elles le dissimulaient. Elles ne plaaient que lesfilles incapables de leur tre utiles. Celles dont elles pouvaient tirer un profit quelconque,elles les gardaient prisonnires, abusant de leurs talents, de leur force, de leur navet.Comble de la charit chrtienne, elles avaient trouv le moyen davoir des domestiques,des ouvrires qui les payassent et quelles dpouillaient, sans un remords, avec un

    inconcevable cynisme, de leurs modestes ressources, de leurs toutes petites conomies,aprs avoir gagn sur leur travail(569)

    Pour survivre, lexploit est donc incit commettre son tour des crimes. Lexempleparfait en est lhistoire raconte par le jardinier dans le chapitre XV : sil veut obtenir la placechez la comtesse, il doit renoncer, avec sa femme enceinte, avoir un enfant ; ils sont donccondamns soit la strilit, soit lavortement clandestin, soit linfanticide. Dune manirevraiment absurde, cest la maternit qui devient un crime.

    Le roman nous prsente donc une socit essentiellement criminelle, o une partie

    importante de la population, les exploits, devient criminelle sans le vouloir ou doit subir lecrime : On rage, on se rvolte, et, finalement, on se dit que mieux vaut encore tre vole,que de crever, comme des chiens, dans la rue Le monde est joliment mal fichu, voil ce quiest sr (592). On peut ruser, on peut mme voler les matres (comme le fait probablementJoseph, et, avec lui, Clestine), mais il semble bien quon ne puisse pas sortir de cette logique.Une manire de la pervertir, de lintrieur, est, comme on va le voir, lcriture.

    2. LE DISPOSITIF DE LENQUTE

    Comme on la dj dit, lacception du terme denqute est plus large, cestseulement en partie quil est associ dans le roman lenqute policire. Le journal deClestine est un instrument de connaissance de soi18 : Je tche couvrir ce bruit ridicule dubruit de mes souvenirs anciens, et je ressasse passionnment ce pass, afin de reconstruire

    16 Le titre de cette tude, citation tire du roman, renforce cette constatation : dans ce cas il sagit des yeuxde la matresse, Mme Lanlaire.

    17 Si, aprs des discussions, des enqutes humiliantes et de plus humiliantes marchandages, vousparvenez vous arranger avec une de ces bourgeoises rapaces, vous devez la placeuse trois pour cent surtoute une anne de gages Tant pis, par exemple, si vous ne restez que dix jours dans la place quelle vous aprocure. Cela ne la regarde pas son compte est bon, et la commission entire exige. Ah ! elles connaissent le

    truc ; elles savent o elles vous envoient et que vous reviendrez bientt (592).18 Voir larticle dj cit de Gabriella Tegyey, p. 94. Des objets, par exemple la photo de M. Jean,matrialisent en quelque sorte le pass de Clestine.

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    8/11

    avec ses morceaux pars lillusion dun avenir, encore (471). Mais ds le dbut du roman, lethme du regard est prsent, cest ce qui lie entre eux les lments du dispositif de lenqute.Lanalyse du premier souvenir voqu par lauteur du journal peut tre rvlatrice: il sagit deson arrive chez M. Rabour, en Touraine. Pendant la route, [le] cocher me regardait du coin

    de lil. Je lexaminais de mme (383). Le regard ne scrute pas seulement la surface, ilessaie de capter la profondeur, lexamen de Clestine mne une connaissance qui semblesre : Je vis tout de suite que javais affaire un rustre, un paysan mal dgrossi, undomestique pas styl et qui na jamais servi dans les grandes maisons (383). Grce sonsavoir dj acquis, grce aussi sa capacit de rvler les choses caches, Clestine russit saisir lidentit des tres du moins cest ce quelle simagine19.

    La lutte des regards continue : la gouvernante de M. Rabour regarde son tour lanouvelle venue : Ses yeux gris indiquaient la mchancet, une mchancet froide, rflchieet vicieuse. la faon tranquille et cruelle dont elle vous regardait, vous fouillait lme et la

    chair, elle vous faisait presque rougir (384). Par ce qui est visible, par ce qui est offertcomme indice, le regard pntrant essaie de saisir lessence, lidentit, dans sa nuditconcrte.

    Dans ces exemples, le regard tablit une relation interpersonnelle entre gaux (femmede chambre cocher, femme de chambre gouvernante), mais dans dautres cas le regard meten rapport lhomme et la femme : il sagit de la premire rencontre entre M. Rabour etClestine. Il est le matre, mais cette fois la relation sociale nest pas accentue. Ce qui est misen vidence ici, cest avant tout la relation entre le regard et la sexualit. M. Rabour na pasun regard dshabilleur : Depuis le moment o il est entr dans le salon, ses yeux restaient

    obstinment fixs sur mes bottines (385). Le regard port sur cet objet indique ce qui nestpas encore rvl, la perversion sexuelle du matre. Lindication de cette direction du regard,rvlateur de ses dsirs est en mme temps un signe textuel : il sagit l dun prolepse, le textefait rfrence ce qui est venir, cest--dire la reprsentation de cette perversit dans unescne devenue clbre.

    Le rapport entre M. Lanlaire et Clestine constitue une autre variation de ce dispositif. partir des signes du corps, Clestine est capable, de nouveau, didentifier le caractre :

    Les cheveux drus et friss, son cou de taureau, ses mollets de lutteur, ses lvres

    charnues, trs rouges et souriantes, attestent la force et la bonne humeur Je parie quilest port sur la chose, lui Jai vu cela, tout de suite, son nez mobile, flaireur, sensuel, ses yeux extrmement brillants, doux en mme temps que rigolos. [] Comme la

    plupart des hommes peu intelligents et de muscles dvelopps, il est dune grandetimidit. (393)

    Il va de soi que le regard de Monsieur est un regard dshabilleur, essayant dimaginer ce quise cache sous les vtements.

    19 Sans oublier toutefois le fait que Clestine ne connat pas encore Joseph, qui reste tout jamais une

    nigme pour elle. Cest ce qui peut expliquer en partie cette attirance quelle prouve envers lui. Ds lespremiers moments, elle considre le regard de Joseph comme gnant (398), et son silence, signe de sonimpntrabilit, la trouble.

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    9/11

    Le travail du regard enquteur peut tre complt par celui de lodorat, galementinstrument de connaissance : Il dgage je ne sais quoi de puissant et aussi une odeur demle un fumet de fauve, pntrant et chaud (395). Ce qui est en jeu dans ces regardscroiss, cest la sexualit, en principe interdite, entre le matre et la servante. Le dsir nu peut

    tre saisi par des signes qui le trahissent : Et sur sa personne robuste, fortementmuscle, je reconnaissais les signes les plus vidents de lexaltation amoureuse.20 (436)Une autre variation stablit entre la matresse et la servante, dont lexemple parfait est

    fourni par le rapport entre Mme Lanlaire et Clestine. Dans ce cas, le rapport entre lespositions, qui dcoule de la relation sociale, entre prioritairement en jeu : la matresse occupela position haute, Clestine la position basse. Madame a des yeux davare, pleins de

    soupons aigus et denqutes policiers (389). La loi se trouve aux cts de celui qui tientla position haute. Conformment cette logique, la scne se transforme tout de suite en uninterrogatoire, o Mme Lanlaire joue le rle de lenquteur, et Clestine celui du suspect :

    Lorsque, en minterrogeant sur ceci, sur cela, sur mes aptitudes et sur mon pass, elle maregard avec cette imprudence tranquille et sournoise de vieux douanier quelles ont toutes 21 (389).

    Le chapitre XV nous rapporte des interrogatoires comparables qui ont lieu chez laplaceuse, Mme Paulhat-Durand. Il sagit alors de la rencontre de [] trois tres vulgaires[la placeuse, la matresse et la femme de chambre],en ce vulgaire dcor. [] Cela me parut, moi, un drame norme, ces trois personnes qui taient l, silencieuses et se regardant

    Jeus la sensation que jassistais une tragdie sociale, terrible, angoissante, pire quunassassinat ! (610). Ces mots de Clestine sont lourds de signification. Cest lexistence mme

    de ce dispositif runissant trois personnes qui constitue le vritable crime, et ce qui estrellement tragique, cest quil semble quil ny ait aucune possibilit de subvertir cesdonnes. Pendant cet interrogatoire mticuleux, mchant, criminel (611), chacun joue unrle bien dtermin et qui correspond aux rles bien connus du roman policier : la matressetient celui de lenquteur, la placeuse celui du tmoin, la femme de chambre est force occuper le rle du suspect, voire du criminel.

    Toutefois, on ne peut subvertir les donnes de ce dispositif que de lintrieur, et cestjustement le journal qui est en le moyen et le support : la femme de chambre, condamne aurle du suspect, y prend en effet la position de la matresse, celle de lenquteur, et, vice-

    versa, la matresse se retrouve dans la position infrieure. Cest la femme de chambre quiregarde et cest la matresse qui est, son tour, regarde. Revanche sociale qui saccomplitdans et par lcriture, lieu dune sorte de discours utopique, dans le sens que Michel deCerteau donne cette notion :

    20 Ce qui fait la particularit de cette scne, cest le ddoublement du dispositif : Mme Lanlaire pie sonmari, qui pie Clestine.

    21 La nouvelle venue est forcment expose aux regards : Ils [cest--dire les matres] mobservaient,chacun, selon les ides qui les mnent, conduits, chacun, par une curiosit diffrente (396). On constate donc

    que, en quelque sorte, cest le regard qui cre son objet. tant donn que cette fois lobjet est une femme dechambre, outre les questions de lidentit, de la connaissance, cest la question sociale qui se pose avec acuit :Clestine est un objet exploiter.

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    10/11

    Mille faons de jouer / djouer le jeu de lautre, cest--dire lespace constitu pardautres, caractrisent lactivit, subtile, tenace, rsistante, de groupes qui, faute davoirun propre, doivent se dbrouiller dans un rseau de forces et de reprsentations tablies.

    Il faut faire avec . Dans ces stratagmes de combattants, il y a un art des coups, unplaisir tourner les rgles dun espace contraignant22. (soulign par lauteur)

    Pour pouvoir regarder, il faut un il: Je possdais dj un il trs sr. Rien que de

    traverser rapidement un intrieur parisien, je savais en juger les habitudes, les murs, et,bien que les meubles mentent autant que les visages, il tait rare que je me trompasse (546). Cette capacit de lire les choses, les tres, le monde, et de pntrer par le regard

    jusqu lessence sexprime dans des mtaphores : Ce nest pas de ma faute si les mes,dont on arrache les voileset quon montre nu, exhalent un si forte odeur de pourriture (382). La nudit renvoie toujours lessence dune chose ou dun tre: De cette faon, elledeviennent pour vous autre chose quune matresse, presque une amie ou une complice,

    souvent une esclave (407). propos de Mme Lanlaire, Clestine crit : Je connais cestypes de femmes et je ne me trompe point lclat de leur teint. Cest rose dessus, oui, etdedans cest pourri (391). Il en dcoule quil y a un rapport mtonymique entre les treset leur maison, cette dernire servant cacher la vrit nue :

    De lextrieur, mon Dieu ! avec les grands massifs darbres qui lencadrent

    somptueusement et les jardins qui descendent jusqu la rivire en pentes molles, ornsde vastes pelouses rectangulaires, elle a lair de quelque chose Mais lintrieurcest triste, vieux, branlant, et cela sent le renferm (390-391)

    Les vrais criminels sont les riches, qui ne sont sauvs que par lapparence :

    Tout ce quun intrieur respect, tout ce quune famille honnte peuvent cacher desalets, de vices honteux, de crimes bas, sous les apparences de la vertu ah ! je connaisa ! Ils sont beau tre riches, avoir des frusques de soie et de velours, des meublesdors : ils ont beau se laver dans des machines dargent et de faire de la piaffe je lesconnais! a nest pas propre Et leur cur est plus dgotant que ne ltait le lit dema mre23. (451)

    Le journal devient donc le lieu de la rsistance, le lieu du surgissement dun discoursde ceux qui sont privs, justement, de tout discours. Mais, la fin du roman, on constate queClestine, compagne dun criminel suppos et qui du coup en est la complice, dfaut dtreelle-mme criminelle, prend effectivement la place des matres : elle devient son tour ladtentrice de la loi. Dans ce nouveau dispositif, cest Clestine qui aura la position haute, etses bonnes la position basse : Ce quelles sont exigeantes, les bonnes, Cherbourg, etchapardeuses, et dvergondes ! Non, cest incroyable, et cest dgotant (664). Est-ce

    22 Michel de Certeau,LInvention du quotidien, I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990, pp. 35-36.23 Comme dit Pierre Michel (note 44 du chapitre V, p. 1264.), Clestine peut tre considre comme leporte-parole du romancier en dfinissant ici une esthtique de la rvlation. On a dj vu que la ddicace de

    Mirbeau renforce cet aspect en qualifiant luvre de livre sans hypocrisie (377).

  • 8/14/2019 Sndor Klai, "Le Journal d'une femme de chambre" et le roman policier

    11/11

    une revanche ? Est-ce la dfaite de Clestine ? Est-ce laveuglement24 ? Le lecteur est prisdamertume : le journal retrace en fait litinraire social dune femme vers une position

    bourgeoise. Toutefois, lexistence du journal lui-mme prouve la possibilit dune analyseclaire des mcanismes dun ordre social, permet de parler de loppression des faibles, mais

    aussi de limitation des matres par des servantes : en fin de compte, il est le compte rendulucide de la perptuation du mme ordre injuste, de limpossibilit dy chapper, puisque,mme si on occupe la position haute, on obit encore aux impratifs du dispositif. Dautre

    part, conformment cette logique, un(e) autre doit prendre la position du faible lascensionde Clestine cre une position pour une femme de chambre. Le cercle est vicieux, il fautvivre avec, mais le journal tmoigne galement du fait que le re-surgissement dun discoursqui rend compte des tactiques25 dune femme de chambre est dsormais possible.

    Sndor KLAIUniversit de Debrecen (Hongrie)

    24 Dans la note 119 du dernier chapitre (p. 1312), Pierre Michel fait la synthse des diffrents typesdinterprtation concernant le dnouement du roman.

    25 Par rapport aux stratgies, [] jappelle tactique laction calcule qui dtermine labsence dunpropre. Alors aucune dtermination de lextriorit ne lui fournit la condition dune autonomie. La tactique napour lieu que celui de lautre. Aussi doit-elle jouer avec le terrain qui lui est impos, tel que lorganise la loi

    dune force trangre. Elle na pas le moyen de se teniren elle-mme, distance, dans une position de retrait,de prvision et de rassemblement de soi : elle est mouvement lintrieur du champ de vision de lennemi,comme le disait von Blow, et dans un espace contrl par lui , in. Michel de Certeau, op. cit., pp. 60-61.