SÉANCE 6. LE PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ - Faculté de Droit

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1 Cours de droit de la famille – Licence 1 – Université Cergy-Pontoise – Cours de Mme Maïté Saulier – Année 2016- 2017 SÉANCE 6. LE PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Objectifs de la séance : Comprendre les raisons de l’apparition d’une nouvelle forme de conjugalité et interroger son rapprochement avec le mariage. Genèse et réforme du pacte civil de solidarité Doc. 1. REVET Th., « La loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité », RTD Civ. 2000, p. 173. Doc. 2. J. ROCHFELD, « Réforme du PACS », RTD Civ. 2006, p. 624. La formation du pacte civil de solidarité Doc. 3. Art. 515-3 C. civ. (version en vigueur/version à venir). Les effets personnels du pacte civil de solidarité Doc. 4. Ord. TGI Lille, 5 juin 2002. Doc. 5. Cons. Const., 9 nov. 1999, n°99-419 DC. (Extraits) Les effets patrimoniaux du pacte civil de solidarité Le régime primaire des partenaires - Comparer les articles 515-4 (version en vigueur et version ancienne abrogée), 214 et 220 du Code civil. Le régime patrimonial des partenaires - Rechercher la définition de l’« indivision » / Répondre aux questions suivantes : quels sont les différents régimes applicables aux biens des partenaires ? Après avoir lu les art. 515-5, 515-5-1 et 515-5-3 C. civ., résumez les principes directeurs de ces régimes. Le PACS au-delà des articles 515-1 et s. Doc. 6. Textes de lois rapprochant le mariage et le pacs. Doc. 7. Conseil constitutionnel, QPC 29 juillet 2011. Doc. 8. Conseil constitutionnel, QPC, 29 nov. 2013. Travail à réaliser : Dissertation : « Le pacs, contrat ou institution ? ».

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2017

SÉANCE 6. LE PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ

Objectifs de la séance : Comprendre les raisons de l’apparition d’une nouvelle forme de conjugalité et interroger

son rapprochement avec le mariage.

Genèse et réforme du pacte civil de solidarité

Doc. 1. REVET Th., « La loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité », RTD Civ.

2000, p. 173.

Doc. 2. J. ROCHFELD, « Réforme du PACS », RTD Civ. 2006, p. 624.

La formation du pacte civil de solidarité

Doc. 3. Art. 515-3 C. civ. (version en vigueur/version à venir).

Les effets personnels du pacte civil de solidarité

Doc. 4. Ord. TGI Lille, 5 juin 2002.

Doc. 5. Cons. Const., 9 nov. 1999, n°99-419 DC. (Extraits)

Les effets patrimoniaux du pacte civil de solidarité

Le régime primaire des partenaires

- Comparer les articles 515-4 (version en vigueur et version ancienne abrogée), 214 et 220 du Code civil.

Le régime patrimonial des partenaires

- Rechercher la définition de l’« indivision » / Répondre aux questions suivantes : quels sont les différents

régimes applicables aux biens des partenaires ? Après avoir lu les art. 515-5, 515-5-1 et 515-5-3 C. civ.,

résumez les principes directeurs de ces régimes.

Le PACS au-delà des articles 515-1 et s.

Doc. 6. Textes de lois rapprochant le mariage et le pacs. Doc. 7. Conseil constitutionnel, QPC 29 juillet 2011. Doc. 8. Conseil constitutionnel, QPC, 29 nov. 2013.

Travail à réaliser :

Dissertation : « Le pacs, contrat ou institution ? ».

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Lectures complémentaires : Grimaldi M., « Réflexions sur le pacte civil de solidarité français », Defrénois 2003.813.

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Doc. 1. Th. Revet, « La loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité », RTD Civ. 2000, p. 173.

Dans l'ordre du droit de la famille et du statut personnel, la promulgation de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité constitue un événement de première importance. Cette loi, en effet, entend n'instituer rien moins qu'une nouvelle forme d'organisation juridique de la vie conjugale : ouverte ; notamment, aux unions de personnes de même sexe, et accordant à la volonté, tantôt commune aux deux partenaires tantôt propre à l'un ou l'autre, une place à maints égards ignorée par le droit du mariage, en particulier lors de la rupture. Ces deux traits - qui ne sont pas les seuls - témoignent déjà suffisamment de l'ampleur de l'innovation opérée dans le droit de l'union conjugale. Les causes directes de cette (petite ?) révolution sont bien connues (cf. R. Libchaber, Les forces créatrices du droit ... à propos des contrats d'unions entre concubins, RTD civ. 1998.224 et s.), qui tiennent à deux facteurs cumulés. De première part, la volonté des couples homosexuels, relayée par leurs représentants et autres sympathisants, de se voir appliquer un régime civil, fiscal, social, ... en adéquation avec leur nature d'unions, et d'y parvenir par le truchement

d'une reconnaissance officielle, seule à même - selon les intéressés - d'assurer la pleine admission sociale de ces couples. De deuxième part, la volonté d'une majorité politique de faire droit à ces revendications mais en éconduisant, dans

l'immédiat, toute demande des mêmes en matière de filiation (procréation assistée quand elle est possible, ou, dans tous les cas, adoption), plus que délicate à repousser si l'on admettait un pur et simple mariage entre personnes du même sexe. Dans de telles conditions, était-il d'autre voie que celle de l'union conjugale ... non matrimoniale ? La formule ne semble pas moins marquée d'un certain baroque, au point de faire douter de la réalité même d'une tierce figure entre mariage et concubinage. Un espace existe-t-il seulement entre l'un et l'autre ? Sur quoi, la plupart des

commentateurs s'affranchissent du discours officiel proclamant le caractère sui generis du PACS (cf. notamment, J.-P. Michel et J.-P. Pouliquen, L'élu, l'expert, le citoyen et le Conseil constitutionnel, Le Pacs, Droit de la famille, Hors série, déc. 1999.25), pour appréhender ce dernier tantôt comme une espèce de mariage (bis ou light, selon les lettres ou les goûts, cf. R. Cabrillac, Libre propos sur le PACS, D. 1999.Chron.72; F. Terré, Histoire d'une loi, Le Pacs, préc. p. 29 ; N. Molfessis, La réécriture de la loi relative au PACS par le Conseil constitutionnel, JCP 2000.éd.GI, n° 29), tantôt comme

une espèce de concubinage : O. Hauser, Aujourd'hui et demain, le PACS, Revue juridique Personnes et Famille, nov. 1999.7 ; B. Beignier, Aspects civils, Le Pacs, préc. p. 35 ; P. Catala, Critique de la raison médiatique, idem, p. 63). La seconde proposition se heurte à l'incompatibilité entre la nature contractuelle du PACS (art. 515-1 c. civ., intr. par art.

1er L. 15 nov. 1999 : « Le pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ») et la nature a-contractuelle du concubinage : sauf à

admettre que la loi autorise le contournement des empêchements au mariage, qui ne manquerait pas d'advenir si le

concubinage était un contrat, cette forme de couple ne saurait juridiquement exister que comme « union de fait ». Le code civil l'énonce d'ailleurs désormais, en son nouvel article 515-8 (intr. par l'art. 3 L. 15 nov. 1999) : « Le concubinage est une union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Cette disposition, qui compose à elle seule le nouveau chapitre II « Du concubinage ») du titre XII, lui aussi nouveau, du livre Ier dudit code « Du pacte civil de

solidarité et du concubinage », formé de deux chapitres, dont le premier « Du pacte civil de solidarité », comprend les nouveaux art. 515-1 à 515-7), a pour origine une initiative du Sénat qui entendait, par ce stratagème, satisfaire la demande des couples homosexuels tout en les tenant à une distance du mariage autrement sérieuse que celle établie par le PACS (que le Sénat avait tout bonnement évacué de la proposition de loi) : dans le même mouvement, le Sénat

complétait l'article 144 du code civil afin de le faire débuter par une présentation du mariage mettant clairement en avant son caractère hétérosexuel - « Le mariage est l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officier de l'état civil »... Toutefois, ainsi qu'il était prévisible, l'affaire fit long feu et se retourna même contre l'intention de ses

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promoteurs puisque l'Assemblée nationale rétablit le PACS tout en conservant le principe d'une définition légale du concubinage, seulement complétée de la précision, qu'étrangement (?) les sénateurs n'avaient pas indiquée, que les deux personnes formant le couple de concubins peuvent être de sexe différent ou de même sexe... L'épisode, en tout cas, sera venu souligner légalement l'irréductibilité du PACS (contrat) au concubinage (union de fait). A l'inverse de quoi le pacte civil de solidarité paraît bien proche du mariage, au point de sembler s'en distinguer surtout par une forme précisément destinée à masquer l'ouverture du mariage aux couples homosexuels et les modifications indirectement apportées, à l'occasion, au droit matrimonial. Cette occultation ne constituait-elle pas le seul moyen de concilier la tolérance croissante du corps social à l'égard du couple homosexuel avec la réticence du même à l'endroit de « l'homoparentalité » ? Et la stratégie ne s'est-elle pas révélée de grande efficacité, pour avoir permis l'instauration de

cette forme de mariage dont l'admission officielle aurait pu compromettre l'avènement ? Ces impressions pourront trouver aliments dans la décision 99-419 DC du 9 novembre 1999, rendue par le Conseil constitutionnel à propos de la présente loi du 16 nov. 1999, p. 16962 et s. ; N. Molfessis, article préc. ; G. Drago, La

Constitution « en réserves », Le pacs, préc. p. 46 et s. ; Ph. Blachèr et J.-B. Seube, Le pacs à l'épreuve de la constitution, RD publ. 2000, n° 1) : alors même que, durant l'essentiel de leur appréciation, les juges du Palais-Royal se sont attachés à révéler les profondes et multiples identités de conditions et proximités de régime entre le PACS et le mariage (cf. infra) - faisant ainsi pièce aux dénégations purement incantatoires du gouvernement dans ses observations responsives, par exemple : « Le cadre contractuel ainsi défini est de nature radicalement différente (sic) de l'institution du mariage » ...

- le juge constitutionnel a pourtant fini par entonner lui aussi l'air de la différence, lorsqu'il s'aperçut que son entreprise de (re)qualification du PACS allait le conduire à valider l'introduction de la répudiation en droit français : par un

remarquable tête-à-queue, il a alors fait sienne l'idée que « le pacte civil de solidarité est un contrat étranger au mariage

; qu'en conséquence, sa rupture unilatérale ne saurait être qualifiée de répudiation ». il est vrai qu'à l'évidence, le Haut conseil était résolu à ne pas censurer une loi dont il n'entendait pas, pour autant, passer sous silence les motifs qu'il pouvait avoir de la censurer..., ce qui lui a imposé bien des contorsions, même en s'autorisant à apporter moult précisions au texte soumis au contrôle de constitutionnalité (voir la puissante critique de N. Molfessis, article préc. n°

5). Au final, la décision du 9 novembre 1999 suggère que si le PACS n'est pas le mariage, il n'est pas moins un mariage. Bien qu'aucune définition légale du mariage n'existe en droit positif, l'accord se faisait sans peine, à la veille de l'entrée en vigueur de la loi du 15 novembre 1999, sur son appréhension comme l'« acte juridique solennel par lequel un homme

et une femme établissent entre eux une union dont la loi civile règle impérativement les conditions, les effets et la dissolution » (F. Terré et D. Fenouillet, Les personnes, la famille, les incapacités, Dalloz, 6e éd. n° 326). Si la vocation à la génération était incluse dans l'union de deux personnes des sexes différents, la procréation ne constituait pas pour

autant un élément de la définition civile du mariage (Ph. Malaurie, Droit civil, La famille, Cujas, n° 103) - on admet le mariage in extremis ou entre personnes incapables de procréer. Quant à sa qualité d'« institution » (cf. notamment, G. Cornu, Droit civil, La famille, 6e éd. p. 155), elle demeurait invariablement discutée ne serait-ce que parce que la catégorie se révèle, somme toute, incertaine (rappr. J. Carbonnier, Droit civil, il, La famille, PUF, Thémis, 20e éd. 1999, p. 369 et 373). Aux termes de l'article 515-1 du code civil, « le pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune » ; selon le premier alinéa de l'article 515-3 du même code, le pacte civil de solidarité fait l'objet d'une « déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel (ses signataires) fixent leur résidence commune » ; après vérifications (art. 515-3, al. 2), cette déclaration conduit à l'inscription du pacte sur un registre spécial, par quoi il acquiert date certaine et devient

opposable « aux tiers », précise le texte, c'est l'al. 6 de l'art. 515-3....). Quant à ses conditions, le PACS diffère donc du mariage du titre V du livre I du code civil par son possible caractère homosexuel et, dans une moindre mesure, par une

limitation du rôle du formalisme à l'acquisition de la date certaine et à l'opposabilité. Or de telles différences n'opposent pas fondamentalement pacte civil de solidarité et mariage, non dans la forme que donnent à celui-ci les articles 144 et

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suivants du code civil mais dans ce qu'il semble être devenu substantiellement, par une évolution contribuant, précisément, à expliquer l'avènement d'une seconde figure d'union conjugale. Que le PACS ne soit pas le mariage (II) ne l'empêche donc pas d'être un mariage (I). I. - Le pacs est un mariage a) Plus distant que jamais du sacrement et de la transcendance, faisant une part sans cesse croissante à l'indépendance des époux et à leurs volontés, de plus en plus placé, statistiquement, sous le signe de la dissolubilité, ainsi semble bien se présenter, substantiellement, l'union matrimoniale de cette fin de millénaire. Progressivement mais sûrement, elle se ramène à une libre association sexuelle en vue d'une vie commune, nouée entre deux personnes entendant de moins

en moins voir leur individualité altérée par la conjugalité. La dimension contractuelle occupe donc, dans l'union matrimoniale « post-moderne », une position d'importance toujours croissante. Le taux sans cesse grandissant de divorces ne marque-t-il que le mariage est désormais largement tributaire de l'élection permanente de l'autre ? La

volonté est même si prégnante qu'elle devrait finir par bouter le juge hors du prononcé des ruptures suffisamment consensuelles. Certes, le mariage continue de requérir une certaine altérité familiale et ne peut pas être conclu en double

par la même personne, exigences dont l'importance sociale est telle qu'elle appelle une vérification de leur respect au moment même de la rencontre des volontés. Mais il n'y a pas contradiction à ce que les interdits sociaux majeurs perdurent alors même que le volontarisme matrimonial se renforce dans l'union sexuelle. Les conditions de validité du

PACS témoignent précisément du contraire. Selon le nouvel article 515-2 du code civil, « A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité : 1°) entre

ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus ; 2°) entre deux personnes dont l'une est engagée dans les liens du mariage ; 3°) entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité ». Un formalisme de vérification est institué, simplement un peu moins rigoureux que celui du mariage des articles 144 et suivants : selon le 1er alinéa du nouvel article 515-3 du code civil, « deux personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration au greffe du tribunal d'instance

dans le ressort duquel elles fixent leur résidence » ; « à peine d'irrecevabilité », elles doivent joindre à leur déclaration les documents permettant de vérifier le respect des conditions énoncées à l'article 515-2 (art. 515-3, al. 2) ; la déclaration n'est pas expressément requise à peine de nullité du pacte de solidarité : le 6e alinéa de l'article 515-3 du code civil ne

faisant que subordonner l'acquisition de la date certaine et l'opposabilité du PACS à son inscription sur le registre spécial du greffe du tribunal d'instance, a contrario, le PACS non-inscrit ni déclaré ne doit-il pas être tenu pour valable inter partes (J. Hauser, article préc. p. 8) ? Toutefois, le 1er alinéa de l'article 515-3 n'érige-t-il pas la déclaration du PACS en

une obligation requise per se ? Selon ce texte, en effet, « deux personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence commune » (nous soulignons). Or l'exigence n'est-elle pas en pleine harmonie avec la nécessité de vérifier, au plus près de la rencontre des volontés, le respect des conditions spéciales de validité du PACS, vu l'importance sociale desdites conditions ? D'où une nullité qui pourrait frapper le pacte non déclaré alors même que le législateur ne l'a pas

expressément indiqué. Quoiqu'il en soit sur ce point, ces conditions révèlent combien le PACS ressortit substantiellement au mariage : en contemplation des empêchements de l'article 515-2 du code civil, le Conseil constitutionnel n'a pu que constater la teneur nécessairement sexuelle de la relation nouée par les signataires d'un pacte civil de solidarité, expliquant, par une exégèse aussi élémentaire qu'implacable, que seule la copula carnalis « justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité

du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l'inceste, soit évitent une violation de l'obligation de fidélité découlant du mariage »... Si le PACS n'était pas un mariage, il serait impossible de justifier

l'interdiction faite aux personnes se trouvant déjà dans les liens du mariage de conclure un pacte civil de solidarité (art.

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515-2, 2° c. civ.) : seul un contrat ayant le même objet que le mariage peut par sa simple existence violer l'obligation de fidélité s'imposant aux époux et qui leur interdit d'avoir des relations sexuelles avec un tiers ; scellant une union sexuelle, le PACS oblige bien chaque partenaire à avoir une relation sexuelle avec l'autre (peu importe que la loi n'énonce pas expressément cette obligation puisqu'elle est inhérente à l'objet du pacte civil de solidarité) ; la conclusion d'un PACS par une personne déjà mariée la placerait donc, immédiatement, en situation d'infidélité et même, foncièrement, en état de bigamie. Le Conseil constitutionnel n'a d'ailleurs pas manqué d'invoquer l'article 515-2-2° pour expliquer en quoi la loi déférée n'autorise pas la bigamie. Au soutien de la même conclusion, il a fait également état de l'interdiction, édictée par le 3° de l'article 515-2, de conclure un PACS quand on est déjà dans les liens d'un tel contrat, ce qui en souligne encore la nature matrimoniale. Précisément, alors, cette même disposition révèle aussi que les signataires d'un PACS

sont tenus d'une obligation d'exclusivité identique à celle que la loi fait aux époux des articles 144 et suivants : sans un

tel devoir, il ne serait pas possible de justifier l'interdiction de conclure un PACS quand on est déjà engagé dans ce pacte. La nature matrimoniale du PACS est donc singulièrement marquée. Peut-être certains estimeront-ils, néanmoins, que

s'agissant des PACS homosexuels, la reprise des empêchements familiaux n'est qu'artifice destiné à forcer leur inclusion (officieuse) dans le giron du mariage, car les motifs justifiant ces empêchements ne vaudraient pas pour ce type de couples. Pourtant, si une partie de ces interdits a effectivement pour but de prévenir les procréations consanguines, problème qui ne se pose pas en l'occurrence, les empêchements familiaux sont loin d'être fondés sur cette seule considération : avant tout, ils prohibent l'acte sexuel en tant que tel lorsqu'il a lieu entre personnes unies par un étroit

degré de parenté ou d'alliance, parce que cet interdit est humainement et socialement fondateur. Au point qu'en comparaison, la prévention des procréations consanguines pourrait paraître secondaire... Or la défense des relations

sexuelles entre personnes ayant entre elles un étroit degré de parenté ou d'alliance est aussi impérieuse quand la relation

est homosexuelle que lorsqu'elle est hétérosexuelle, d'où la nécessaire reprise, en matière de PACS, de ce type d'empêchement. L'essence matrimoniale du PACS s'affirme donc puissamment et cela vient, en grande part, de ce que ce contrat s'inscrit étroitement dans l'évolution même du mariage : l'ouverture de l'union matrimoniale aux unions homosexuelles n'est-

elle pas appelée par la dissociation désormais importante entre relation sexuelle et procréation, qui recentre de plus en plus l'union sexuelle sur l'acte sexuel ? n est constant que la contraception et l'avortement entament profondément le lien qui a si longtemps fortement uni la relation sexuelle et la procréation : après avoir constitué, durant des millénaires,

la suite toujours (plus ou moins) possible de l'acte sexuel, la procréation n'en est aujourd'hui qu'un résultat volontairement et ponctuellement recherché - quitte, même, à se passer de l'acte sexuel lorsqu'il ne permet pas une grossesse qu'heureusement l'assistance médicale assure, parfois. L'union sexuelle s'en trouve bien recentrée sur son

expression première et souvent unique, l'acte sexuel. Par suite, le caractère nécessairement hétérosexuel de l'union matrimoniale n'en perd-il pas l'un de ses fondements essentiels ? Dès lors, sera-t-il possible de maintenir longtemps que « ce qui donne au mariage sa définition la plus profonde, la plus anthropologique, c'est la présomption de paternité » G. Carbonnier, op. cit. p. 697) - tandis qu'en outre l'établissement direct de la filiation est en passe de devenir une formalité (médicale)... ? Dans l'immédiat, il paraîtra difficile de fonder une négation de l'essence matrimoniale du PACS

sur le seul constat que son régime ne se préoccupe pas de filiation. b) Les quelques obligations et orientations expressément énoncées par la loi du 15 novembre 1999 à titre de régime du pacte civil de solidarité mentionnent des effets qui ressortissent à ceux d'une union sexuelle scellée en vue d'une vie commune (on s'en tiendra ici aux seuls effets civils, mais les quelques autres - fiscaux, sociaux, etc., cf. art. 4 à 14 de la loi - confirment l'analyse). La vie commune n'appelle-t-elle pas, nécessairement, l'« aide mutuelle » que l'alinéa 1 de

l'article 515-4 du code civil fait précisément devoir aux partenaires de s'apporter ? Il en va de même de la solidarité passive qui leur est imposée pour les « dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les

dépenses relatives au logement commun » (art. 515-4, al. 2, c. civ.) : le pacte arrêtant le principe d'une vie commune, au sens fort que lui donne l'union sexuelle qui la fonde, dans l'ordre patrimonial la réalisation de cet objet se manifeste,

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élémentairement, par des dépenses dont la cause est la satisfaction des besoins d'un couple qui, au regard desdites dépenses, constitue une entité aux composantes indissociables - le logement conjugal n'est pas l'addition des logements des membres du couple... ; d'où une solidarité on ne peut plus naturelle pour ce type de dépenses. Semblablement, c'est parce que le PACS établit une union sexuelle en vue d'une vie commune que l'article 515-5 du code civil retient, à titre supplétif de volonté, la mise en commun des biens acquis à titre onéreux durant le cours de ce contrat. S'agissant des meubles meublants, l'article 515-5 alinéa 1er invite les partenaires au pacte civil de solidarité à indiquer, dans la convention constitutive de leur union, « s'ils entendent (les) soumettre au régime de l'indivision », et lorsque les intéressés ne se sont pas prononcés, le même texte présume indivis par moitié les meubles meublants acquis à titre onéreux durant le pacte. La présomption joue également quand la date d'acquisition ne peut être établie. Elle devrait

même prévaloir, semble-t-il, lorsque les partenaires ont expressément écarté le régime de t'indivision dans le contrat

constitutif du PACS mais qu'aucun d'eux ne parvient à prouver sa propriété personnelle de tel meuble meublant (notamment du fait de l'absence de présomption conventionnelle) : si le rejet de l'indivision marque le choix du maintien

de l'exclusivité dans la propriété, sauf présomption conventionnelle il incombe à qui se prétend propriétaire d'en faire la preuve et il faut donc envisager l'hypothèse d'une insuffisante démonstration, or l'existence d'une union conjugale milite, dans ce cas, en faveur de la propriété indivise plutôt que de la propriété personnelle la plus vraisemblable - c'est ce que prévoit l'article 1538 dernier alinéa du code civil pour la séparation de biens. Pour les biens autres que les meubles meublants, la présomption d'indivision pour moitié joue lorsque l'acte d'acquisition ou de souscription n'en dispose

autrement (art. 515-5, al. 2, c. civ.), donc même si la convention constitutive du PACS exclut a priori et de façon générale l'indivision. Les quelques éléments exprès du régime du PACS sont bien déterminés par l'essence matrimoniale de ce

contrat. De toute évidence, le droit conjugal des articles 144 et suivants du code civil a grandement inspiré le législateur

dans l'élaboration du régime du PACS. La proximité n'est-elle ainsi frappante entre l'article 515-4 alinéa 2 et l'article 220 alinéa 1 du code civil ? Cette démarche d'emprunt est fondée sur l'identité de raison, puisque le pacte civil de solidarité est une espèce de mariage. Le droit conjugal des articles 144 et suivants est pourtant loin d'avoir été entièrement repris en matière de PACS. Les promoteurs de la loi du 15 novembre 1999 ont plutôt pratiqué une sorte de

law shopping les conduisant à choisir les dispositions qu'ils jugeaient bonnes pour le PACS et à laisser les autres aux seules personnes mariées en vertu des articles 144 et suivants. Le pacte civil de solidarité est donc un mariage allégé d'une partie non négligeable des contraintes qui s'imposent aux conjoints « traditionnels », en particulier des devoirs

moraux impliqués par l'union sexuelle : ainsi l'obligation d'aide mutuelle entre partenaires est-elle limitée aux concours matériels, alors que l'union sexuelle contractée en vue d'une vie commune impose tout autant un soutien moral. Mais, précisément, les obligations étroitement inhérentes à une union sexuelle peuvent-elles être exclues du régime du PACS

du seul fait que la loi ne les a pas prévues expressément ? Le silence de la loi a-t-il jamais empêché aux solutions de principe de s'imposer ? La loi n'est-elle pas toujours complétée de ce qui est inscrit dans sa logique, le législateur se serait-il refusé à énoncer telle ou telle de ces conséquences ? Dès avant la promulgation de la loi du 15 novembre 1999, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs mis à jour quelques-uns des effets implicites du pacte civil de solidarité : caractère obligatoire et impérativité de la vie commune au sens matériel et charnel (sur laquelle cf., en matière matrimoniale, J.-

M. Bruguière, Le devoir conjugal, Philosophie du code et morale du juge, D. 2000.Chron.l0 et s.) ; impérativité de l'aide mutuelle et matérielle, qui ne peut donc être supprimée par le contrat auquel la loi confie le soin de déterminer les modalités de cette obligation (art. 515-4, al. 1, in fine) ; dans le silence du pacte, faculté pour le juge de définir les modalités de l'aide matérielle en fonction de la situation respective des partenaires (rappr. art. 214 c. civ.) ; exclusion de la solidarité pour les dettes excessives de la vie courante et du logement commun (rappr. art. 220 al. 2 c. civ.) ; etc. Ces

composantes du régime du PACS découlent si évidemment de sa nature matrimoniale que la contestation de leur légitimité à participer au gouvernement dudit pacte suppose la démonstration préalable de l'objet non matrimonial de

ce contrat. En attendant, on ne pourra que savoir gré au juge constitutionnel d'avoir montré le bien-fondé d'un recours au droit du mariage pour l'explicitation de moult effets du PACS. Aussi bien, dès lors, la dimension morale du devoir

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d'aide mutuelle pourrait-elle être judiciairement déclarée, de même que l'interdiction pour chaque partenaire d'avoir une relation sexuelle avec un tiers (cf. supra). Rationnellement fondée, la méthode permettra en outre de limiter quelque peu les difficultés inévitablement créées par une loi qui ne répond qu'à un nombre singulièrement faible des multiples problèmes immanquablement engendrés par l'instauration d'un contrat si riche d'implications personnelles et patrimoniales. L'équilibre entre les obligations réciproques des membres d'une société conjugale, leur nécessaire indépendance personnelle et le respect des droits des tiers, eux-mêmes si divers, est autrement plus délicat à approcher que ne le pensaient, ou n'ont feint de le penser les promoteurs du texte commenté. Dans l'intérêt des parties prenantes directes et indirectes au pacte civil de solidarité, son invention aurait supposé une (autre) préparation. Mais on sait bien que cette façon de procéder n'est plus vraiment

au goût du jour. D'autant qu'en l'occurrence, il aura sûrement été craint qu'à trop s'en remettre aux gens de droit, même

acquis au projet, on en retarde l'avènement au point d'émousser une détermination de la majorité parlementaire qui n'a jamais été indéfectible. Toujours est-il que si le pacte civil de solidarité était contrat sui generis, le régime insuffisant

que lui donne la loi annoncerait bien des décisions hasardeuses avant qu'un système un peu cohérent ne se mette en place. Mais, parce qu'elle offre au contrat des articles 515-1 et suivants du code civil la riche expérience du droit conjugal des articles 144 et suivants, la nature matrimoniale du PACS évite ce risque majeur. Tout n'est évidemment pas réglé pour autant, car le droit matrimonial traditionnel ne saurait dans sa totalité régir le pacte civil de solidarité : imagine-t-on le juge étendre au PACS les dispositions nettement exorbitantes du droit commun, comme celle exigeant l'accord

de chacun des époux à l'acte de disposition du logement de la famille et des meubles meublants qui le composent quoiqu'un seul en ait la propriété (art. 215, al. 3, c. civ.) ? En l'absence d'extension expresse au pacte civil de solidarité,

seule une identité totale entre PACS et mariage des articles 144 et suivants pourrait justifier l'application (prétorienne)

au premier des dispositions du régime du second les plus dérogatoires au droit commun, or, en l'état, aucune identité totale n'existe entre le PACS et le mariage des articles 144 et suivants du code civil. II. - Le pacs n'est pas le mariage

a) Si les différences sont assez nombreuses entre le pacte civil de solidarité et le mariage des articles 144 et suivants du code civil, elles sont loin d'avoir une égale signification. Bien des règles gouvernant le mariage « traditionnel » auraient pu - et donc dû - être reprises pour le pacte civil, mais ne l'ont pas été du fait de la relative précipitation avec laquelle la

loi du 15 novembre 1999 a été élaborée, et de la volonté de ses promoteurs de ne pas en rajouter dans l'affirmation de la nature matrimoniale du PACS. D'une façon ou d'une autre, à un moment ou à un autre, ces dispositions devraient donc être étendues au PACS puisqu'aucune incompatibilité ne s'y oppose et que l'essence matrimoniale de ce contrat

l'appelle : dispositions purement conjugales non encore reprises du régime primaire impératif des articles 212 et suivants ; maints éléments des régimes de séparation de biens ou de communauté, selon que les partenaires auront, ou non, opté pour l'indivision (la communauté est-elle autre chose qu'une indivision ?). En revanche, s'agissant de la portée de l'union sexuelle et de la vigueur de l'engagement souscrit, les différences sont plus nettes entre le droit du mariage des articles 144 et suivants et celui du pacte des articles 515-1 et suivants.

Parce qu'il peut unir des personnes « de sexe différent ou de même sexe » (art. 515-1 c. civ.), le pacte civil de solidarité est un mariage qui ne se préoccupe pas de procréation : en l'état des sciences et des techniques médicales, les personnes de même sexe ne procréent pas ensemble. Au regard du droit, l'union sexuelle formalisée dans le PACS trouve donc sa fin dans l'acte sexuel. Si, comme on a pu le relever (supra), ce fait n'empêche pas qu'il y ait mariage, il rend ce mariage sans effet en matière de filiation. Concernant les pactes unissant des personnes de même sexe, cette incompétence

pourra sembler largement indifférente puisque la question de la procréation ne se pose pas directement : l'essentiel n'est-il l'admissibilité d'un mariage nonobstant l'impossibilité pour une union sexuelle de conduire à la génération ?

Néanmoins, l'incompétence du PACS en matière de procréation interdit aux partenaires de se prévaloir de leur union

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officielle au soutien d'une demande d'aide médicale à la procréation - quand elle est possible -, ou d'adoption - dans tous les cas - : la relation sexuelle constituant, juridiquement, la fin de l'union sexuelle consacrée dans le pacte civil de solidarité, cet acte ne confère au couple de partenaires aucun droit à l'enfant. L'affirmation vaut tout autant lorsque les signataires d'un PACS sont de sexe différent : l'incompétence du droit du pacte civil de solidarité en matière de filiation place la procréation émanant de partenaires sous la seule égide du régime ordinaire de la filiation naturelle. Et s'il est vrai qu'étant ouverte aux « couples » nécessairement hétérosexuels (cf. not. art. L. 152-2 c. santé publ.), l'aide médicale à la procréation le sera aux signataires homme et femme d'un PACS, ce contrat n'ajoute rien, sur ce point, au droit positif, puisque la notion de couple inclut déjà les concubins (qui peut le plus...). L'objet de « pure conjugalité » G. Carbonnier, op. cit. p. 697) du pacte civil de solidarité se confirme donc. On se gardera certes d'exclure que ce contrat n'en vienne à servir de présomption de fait dans quelque procès en

recherche de paternité naturelle, ou qu'il ne finisse même par imposer une réforme ouvrant aux « pacsés » de sexe différent comme de même sexe l'aide à la procréation et à l'adoption : pourra-t-on éviter longtemps l'admission de

quelques liens entre la conjugalité officialisée par le PACS et la parentalité permise ou promise par l'hétérosexualité des partenaires ? Or la réunion de couples hétérosexuels et homosexuels en une formule unique institue entre eux une solidarité de destin qui permet aux seconds de prétendre bénéficier des avantages ouverts au premiers... (rappr. R. Cabrillac, article préc. p. 74). Pourtant, la dissociation que le PACS consacre entre conjugalité et parentalité s'inscrit dans un mouvement qui suggère sa persistance malgré une (éventuelle) reconnaissance de liens entre PACS et filiation (supra

et infra).PACS et mariage des articles 144 et suivants se distinguent encore quant à la vigueur de l'engagement souscrit par les signataires de ces actes, celle du premier étant indéniablement moindre que celle du second. Ainsi, le pacte civil

de solidarité peut-il être à tout moment modifié par décision conjointe de ses signataires (art. 515-3, al. 7, et Décr. n°

99-1989 du 21 déc. 1999, art. 3), conformément au principe de liberté contractuelle (rappr. art. 1134 al. 2 C. civ.). Et une faculté de modification unilatérale et partielle résulte du droit de chaque indivisaire de demander le partage (art. 815 C. civ. solution déjà admise pour les biens indivis des époux séparés de biens), dont le Conseil constitutionnel a fort justement indiqué, à l'occasion, qu'il participe du caractère fondamental de la propriété puisque le droit de mettre fin à

l'indivision assure la défense de l'exclusivité, essence de la propriété. Une importante mutabilité du PACS est donc permise par la large place laissée, dans son gouvernement direct, à la liberté contractuelle et au régime commun de la propriété. D'où la distance, à cet égard, avec un droit matrimonial « ordinaire », qui n'exclut pas la mutabilité mais qui

la soumet à des conditions la restreignant assurément (cf. H. Lécuyer, Le PACS (désormais) sous toutes ses coutures, Droit de la famille, janv. 2000.6. Adde, J. Thierry, Faut-il supprimer le contrôle judiciaire du changement de régime matrimonial ?, D. 2000.Chron.68 - réponse négative). En résultera-t-il l'instabilité de nombreux pactes ? Peut-être,

dans un premier temps, des ajustements s'opéreront-ils, au fur et à mesure de la découverte des (éventuels) inconvénients de telles formules proposées par les notaires. Pour c autant, la crainte d'une inconstance généralisée et permanente pourra sembler infondée, ne serait-ce que parce que les patrimoines en cause ne devraient guère le justifier. Au demeurant, si la liberté de modifier le PACS devait conduire à maintes fraudes, la chasse commencerait...

La moindre vigueur du PACS par rapport au mariage des articles 144 et suivants du code civil se mesure aussi par un régime de rupture autrement plus souple. Tandis que le mariage traditionnel ne peut, du vivant des époux, être rompu qu'au terme d'un processus judiciaire, en vertu d'un accord entre époux ou pour des motifs limités, étayés et contrôlés, et avec une organisation judiciaire ou judiciairement approuvée de la vie post-conjugale, en dehors du décès, la cessation du PACS dépend essentiellement de la volonté individuelle ou conjointe des partenaires. Chacun d'eux est investi du

droit de mettre fin à l'union, en signifiant à l'autre une décision effective trois mois après l'accomplissement de cette formalité lorsqu'une copie en a été adressée au greffier du tribunal d'instance qui a reçu le pacte civil (art. 515-7, al. 2 et

10, Décr. n° 99- 1089 du 21 déc. 1999, art. 6) ; les deux partenaires peuvent convenir d'une rupture qui produit effet dès l'inscription, en marge de l'acte initial, de la déclaration conjointe adressée par écrit au greffe du tribunal d'instance

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dans le ressort duquel l'un des partenaires a sa résidence (art. 515- 7, al. 1 et 9 et 9, Décr. n° 99-1089 du 21 déc. 1999, art. 6) ; le PACS prend également fin par le mariage de l'un de ses signataires, à la date de cet acte, sachant que le nouveau marié doit informer son ex-partenaire par voie de signification dont il adresse copie, avec une de son acte de naissance, au greffe du tribunal d'instance qui a reçu le pacte civil (art. 515-7, al. 3 et Il ; Décr. n° 99-1089 du 21 déc. 1999, art. 6). Dans tous les cas, « les partenaires (leurs successeurs, en cas de décès) procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité » (dernier al. de l'art. 515-7 c. civ.). « A défaut d'accord, précise in fine cette disposition, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi ». La libre rupture constitue bien la règle cardinale du pacte civil de solidarité. Aucune considération (même l'intérêt de

l'autre partenaire) n'est susceptible d'empêcher à la décision unilatérale de rupture de produire effet. La situation du partenaire ne saurait interférer qu'au niveau de l'appréciation de la conformité de la résiliation à l'exigence générale de civilité (art. 1382 c. civ., cf. Cons. const. décis. préc.), sinon de loyauté (art. 1135 c. civ., cf. N. Molfessis, article préc. n°

22). Mais on ne devrait raisonnablement pas escompter que, par une politique de dommages-intérêts dissuasifs, le contrôle judiciaire a posteriori freine la liberté de rupture du pacte civil de solidarité. Est-ce à dire que ce contrat soit foncièrement précaire ? Que la loi ne cherche pas à imposer une durée signifie-t-il qu'elle encourage la brièveté ? Certes, les ruptures anticipées (au regard du terme fatal qu'est le décès) pourraient être nombreuses mais la cause en sera la désaffection à l'égard du partenaire : c'est parce que l'union conjugale est fondée

sur l'amour que sa durée est devenue aussi incertaine que celle du sentiment. Et qu'il est probablement vain de chercher à contrarier juridiquement cet ordre des choses. Dès lors, la place centrale de la volonté dans la rupture du PACS ne

marque-t-elle pas, surtout, l'aboutissement du processus de refondation de l'union matrimoniale sur le sentiment ? La définition du mariage des articles 144 et suivants du code civil ne semble pas moins inclure toujours la durée : n'est-il pas, selon le doyen Carbonnier (op. cit. p. 368), l'acte « par lequel un homme et une femme qui se sont mutuellement choisis s'engagent à vivre ensemble jusqu'à la mort (que l'engagement ne soit pas toujours tenu ne change rien au sens de l'acte initial) » ? En limitant la part de la volonté dans la formation de l'union, la participation de l'autorité publique

n'affirme-t-elle pas l'importance sociale d'une stabilité conjugale dont la protection est alors recherchée grâce - parallélisme des formes - à l'intervention judiciaire lors de la rupture ? Pourtant, au moment même où le PACS arrive à la vie positive, on évoque le divorce extrajudiciaire, comme si le principe de libre rupture que consacre le nouveau

contrat conjugal gagnait, aussi, la forme traditionnelle d'union matrimoniale, devenant donc un élément substantiel du mariage...

b) L'avènement d'une forme de mariage distincte de celle des articles 144 et suivants du code civil - jusqu'alors unique expression de l'union matrimoniale - ne peut qu'affecter l'architecture générale du droit matrimonial : le genre mariage émerge (supra), et le mariage des articles 144 et suivants du code civil devient l'(autre) espèce de mariage ? n se distingue du genre par sa nécessaire hétérosexualité, qui marque le maintien de l'éventualité de la procréation dans la conception de l'union sexuelle propre à cette forme de mariage. C'est pourquoi ce mariage est compétent en matière de filiation

(présomption de paternité), et du fait de la perspective d'enfant, son régime impose un minimum de stabilité et un contrôle préalable des conditions et des conséquences de la rupture. En revanche, le mariage des articles 515-1 et suivants s'en tient, sur ce point, à la conception substantielle de l'union sexuelle : il est mariage de « pure conjugalité », d'où la large place faite à la liberté (individuelle et conjointe) dans l'existence et les conditions de l'union (l'ordre public y étant minimal, même après les précisions apportées par le Conseil constitutionnel). Et les deux formes de mariage ne

pourront que s'influencer réciproquement, et leurs rapprochements s'intégrer à la définition substantielle de l'union matrimoniale.

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Toutefois, l'on peut douter qu'une éventuelle satisfaction des revendications parentales des signataires de pactes civils de solidarité (essentiellement homosexuels, à cet égard) marque le retour de la procréation dans la conception de l'union sexuelle constitutive de la définition générique du mariage : le PACS étant le fruit du recentrage du mariage sur la conjugalité, comment ce processus pourrait-il être contrarié par une création de liens entre homosexualité et parentalité, qui ne ferait que le prolonger ? La distinction entre conjugalité et parentalité ne constitue-t-elle pas, même, la condition première de l'accès des homosexuels à un état de parent dont l'admission suppose, en effet, qu'au modèle de la relation entre la progéniture et le couple de ses géniteurs succède celui de la relation entre chaque parent et l'enfant ? Ce n'est donc pas pour des raisons tactiques que le pacte civil de solidarité ne confère pas un « droit à l'enfant » au couple de ses signataires pris ès qualités (cf. supra) : le PACS s'inscrit dans le mouvement de renforcement de la dimension

individuelle du « droit à l'enfant ». Dès lors, s'il favorise l'assouvissement de la demande d'homoparentalité, c'est

seulement en apportant à la reconnaissance sociale de l'homosexualité une contribution telle qu'elle annonce déjà l'étape suivante. Reste (simplement...) à savoir si le mariage des articles 144 et suivants peut résister à la dissociation entre

conjugalité et parentalité... Autrement dit, si la vocation du pacte civil de solidarité n'est pas de devenir le mariage...

Doc. 2. J. Rochfeld, « Réforme du PACS », RTD Civ. 2006, p. 624.

Pacs, mariage, contrat : les dynamiques concurrentes

Le remaniement du PACS s'est subrepticement invité dans la réforme du droit des successions et des libéralités. Alors que, pour une fois, nous avions affaire à une réflexion d'ensemble assez cohérente, l'intrus est intervenu, par le biais d'amendements déposés par le gouvernement lors des discussions à l'Assemblée nationale, sur le fondement du travail de réflexion synthétisé dans le rapport remis au Garde des Sceaux le 30 novembre 2004 (Le pacte civil de solidarité. Réflexions et propositions de

réforme, rapp. remis à D. Perben, spéc. p. 8 et s. ; cf. les regrets de la Commission des lois du Sénat, déplorant l'insertion de dispositions de cette importance n'ayant pas de rapport avec le droit des successions, rapp. Sénat, n° 343, p. 299). Le PACS (ci-après le pacte) n'en est pas, néanmoins, à sa première réforme masquée (cf. en dernier lieu, la loi de finances n° 2004-1484 du

30 déc. 2004, JO 31 déc. 2004, p. 22567 ; RTD civ. 2005.474, obs. A.-M. Leroyer, réformant sa fiscalité). Mais, en l'occurrence, la réforme est de taille. En effet, bien que conçue comme répondant aux difficultés techniques, identifiées tout au long des premières années

d'application du régime imparfait de 1999 (complexité du régime des biens, absence de toute exception au régime de solidarité des dettes, difficulté pour les tiers d'établir si une personne est pacsée ou non), elle n'en procède pas moins à un alignement très net, que la réforme originelle n'avait pas mené aussi largement, du pacte sur certains effets patrimoniaux du mariage. Il s'agit donc de progresser vers un mariage patrimonial. En creux, on lira en conséquence la confirmation d'une nouvelle conjugalité purement horizontale, détachée des idées de famille et de procréation. On peut alors se demander quelles sont les

implications de celle-ci sur les deux notions voisines du pacte, à savoir le mariage et le contrat. Le pacs, vers un mariage patrimonial En premier lieu, la présente réforme place le pacte du côté mariage, mais d'un mariage patrimonial (cf., déjà en ce sens, les commentaires du projet de réforme, H. Fulchiron, Quel avenir pour le pacs ?, Defrénois, 2005.1286). Que ce soit par son

institutionnalisation accrue ou par la confirmation d'effets patrimoniaux très proches du régime primaire des articles 212 et suivants, la situation des partenaires rejoint, dans une certaine mesure, celle des époux. Les âpres discussions relatives à la

nature juridique du pacte trouveraient donc ici un début d'épilogue (de l'affirmation, not. par le Conseil constitutionnel, de son

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caractère de contrat « spécifique », étranger à la sphère du mariage, décis. du 9 nov. 1999, JO 16 nov. 1999, p. 16962 ; à sa qualification en mariage ou en mariage édulcoré, cf. R. Cabrillac, Libre propos sur le PACS, D. 1999.Chron.72; N. Molfessis, La réécriture de la loi relative au PACS par le Conseil constitutionnel, JCP G 2000.I, n° 29 ; Th. Revet, RTD civ. 2000.173; en passant par le concubinage, cf. J. Hauser, Aujourd'hui et demain, le PACS, RJPF nov. 1999.7 ; voire par l'institution, D. Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in La contractualisation de la famille, Economica, 2001, p. 81). L'institutionnalisation Au titre de l'alignement sur le mariage, tout d'abord, on note l'institutionnalisation accrue du pacte : il fait son entrée dans l'état civil des partenaires. Si sa déclaration demeure reçue par le greffe du tribunal d'instance du lieu de résidence des futurs

partenaires et ne migre toujours pas vers les mairies (au soutien de cette orientation, cf. rapp. Sénat, préc. p. 300 ; on remarque que la loi ne précise plus les pièces exigées, état civil et certificat de non-pacs), mention sera désormais faite de sa déclaration ainsi que de l'identité du partenaire en marge de l'acte de naissance de chacun (art. 515-3-1 ; de toute convention modificative

également ; comp. avec la disparition de certaines publicités en matière de mariage, ord. n° 2005-428 du 6 mai 2005 relative aux incapacités en matière commerciale et à la publicité du régime matrimonial des commerçants, RTD civ. 2005.653 et s.; pour

les personnes de nationalités étrangère nées à l'étranger, une déclaration sera portée sur un registre tenu au greffe du TGI). La mention jouera, de même, un rôle lors de la dissolution du pacte. Auparavant, les partenaires devaient adresser une déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance de leur résidence commune (consentement mutuel) ou une déclaration

de rupture et une signification par huissier au partenaire, puis une copie au greffe du tribunal d'instance qui avait établi le pacte initial (résiliation unilatérale), le PACS prenant fin trois mois après la signification. Désormais, le greffier du tribunal d'instance

enregistre la dissolution et fait procéder à l'inscription en marge de l'acte de naissance. La date des effets de la dissolution est, en cas de mariage ou de décès, la date de l'événement, ce qui ne réalise aucun changement par rapport à la situation antérieure. Elle est, en cas de dissolution et pour les partenaires, la date de l'enregistrement au greffe, ce qui supprime le délai antérieur de trois mois en cas de rupture unilatérale. Dans les rapports avec les tiers, la date est celle de la mention en marge de l'acte de naissance. Cette mention illustre bien la nouvelle articulation entre les caractères public et privé du pacte, notamment si on la compare aux résistances antérieures tenant au refus de toute institutionnalisation et à la protection de la vie privée (cf. Cons. const. décis. préc. cons. 29 : « la conclusion d'un pacte civil de solidarité ne donne lieu à l'établissement d'aucun acte d'état civil, l'état civil

des personnes qui le concluent ne subissant aucune modification » ; adde délibération de la CNIL n° 99-056 du 25 nov. 1999, mettant en garde contre les risques d'homophobie ; encore récemment, rép. min. JO 27 avr. 2004, p. 3187). La réforme ne s'imposa d'ailleurs pas sans mal puisque l'hésitation fut grande entre une version édulcorée de cette mention, ne faisant

apparaître que l'existence du pacte sans précision de l'identité du partenaire (le greffe du tribunal d'instance restant seul détenteur « des secrets des partenaires »), et la version définitive prévoyant la mention de cette identité. Les plus enthousiastes y liront une véritable institutionnalisation de cette forme de conjugalité, ainsi qu'une bonne nouvelle, la fin de la peur d'une homophobie latente et d'une possible discrimination. Les plus sceptiques la jugeront a minima, comme l'utilisation d'un procédé « habile » par lequel on « évite le symbole d'un PACS enregistré devant l'officier de l'état civil, tout en assurant une publicité

efficace que seule permet l'acte de naissance ». Pour ces derniers, l'état civil ne serait alors utilisé que « dans sa fonction technique, dépouillé de toute dimension symbolique » (cf. H. Fulchiron, article préc. p. 1286) et, ce, pour mettre fin au problème pratique que ne manqua pas de soulever le système précédent : en l'absence de cette mention, les tiers demandaient au greffe des tribunaux d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire des certificats de « non-PACS » (sur le fondement de deux décrets du 21 déc. 1999, limitant le nombre de personnes pouvant accéder aux registres). En conséquence, les greffes étaient

assaillis de demandes. La nouvelle publicité conditionnant l'opposabilité du pacs aux tiers (art. 515-3-1, al. 2), il suffira désormais de consulter l'acte de naissance (art. 515-3, 515-3-1 et 515-7 du c. civ.).

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Par ailleurs, toujours au titre des mesures montrant l'ancrage institutionnel d'un pacs quittant les rivages du contrat de droit privé liant deux parties par un simple arrangement discret, on relèvera que si les conditions de fond de la formation du pacte ne changent pas (certaines se teintaient déjà des conditions du lien d'alliance institutionnel, cf. les interdits de l'art. 515-2), la forme de la conclusion du pacte s'ouvre désormais à l'acte authentique (art. 515-3). Auparavant, l'obligation de produire au greffe le contrat en doubles exemplaires originaux faisait, en pratique, obstacle à l'établissement d'un tel acte et orientait vers celui sous seing privé. Cette modification est donc non seulement opportune - l'acte authentique conférant date certaine au pacte à l'égard des parties et des tiers -, mais traduit, sur le plan théorique, que le pacte s'implante dans la société en tant qu'institution valant bien le détour par un notaire. Alignement sur certains effets patrimoniaux du mariage Au titre d'un certain alignement patrimonial du pacs sur les effets du mariage, ensuite, on remarquera l'avènement d'un véritable régime « primaire » patrimonial. Plus exactement, seules certaines des dispositions relèvent de l'idée de régime

primaire en ce qu'elles sont impératives, tandis que d'autres, bien que calquées sur le régime primaire du mariage, peuvent être écartées par une convention contraire. Quant au régime général des biens, il s'oriente vers une forme de séparation de biens. Procédons à un petit catalogue du nouveau régime « primaire ». Au plan des effets personnels, l'alignement est assez mince : on retrouve l'obligation de communauté de vie qui existait déjà (art. 215, al. 1er pour le mariage ; art. 515-4 pour le pacs). Au plan des effets patrimoniaux, en revanche, l'alignement est massif.

A titre impératif, on conserve de la précédente mouture l'obligation d'aide matérielle, précision étant désormais faite que, sauf convention, elle intervient proportionnellement aux facultés respectives (art. 515-4, cf. art. 214 ; ne manquent ici, par rapport

au mariage, que les sanctions prévues en cas de non-exécution). Elle s'adjoint l'obligation « d'assistance réciproque » (ibid. art. 212 ; cf. rapp. fait au nom de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants, 2006, p. 93-96). On retrouve la solidarité, dans une version précisée : elle intervient à l'égard des dettes « contractées » (on notera l'importation des ambiguïtés du mariage, pour lequel on sait qu'une extension aux dettes légales s'est produite) ; pour « les besoins de la vie courante » (on relève la disparition de la référence au logement commun, mais le maintien de l'incertitude sur le champ d'application

possiblement très large), exception faite des « dépenses manifestement excessives » (mais sans que les critères en soient posés, comme dans l'art. 220, et sans référence aux crédits ; art. 515-4, al. 2). Enfin, sauf convention contraire, l'autonomie mobilière des partenaires (art. 222 ; art. 515-5, al. 3) ainsi que leur autonomie à l'égard des biens personnels (art. 225 ; art. 515-5, al. 1er)

font leur entrée. Que manque-t-il alors pour que n'ait été totalement importé le régime primaire des époux ? Grossièrement, sont absentes les dispositions, même patrimoniales, qui en appellent à l'idée de famille et d'enfant. Cette orientation fut, on le sait, la condition

sine qua non du vote de la loi de 1999 (cf. R. Libchaber, RTD civ. 2002.611). Elle perdure dans la nouvelle version. Cela se vérifie pour les effets personnels (rien sur la question de la fidélité alors même que la question s'est posée en jurisprudence, cf. TGI Lille, ord. 5 juin 2002, D. 2003.514, note X. Labbée, RJPF 2003.38, note S. Valory, RTD civ. 2003.270, obs. J. Hauser; rien sur la question de l'autorité parentale ou sur la filiation, cf. la proposition de loi de J.-P. Michel, déposée à l'AN le 26 sept. 2001 tendant à compléter certaines dispositions relatives à l'adoption et plaidant pour une extension de l'adoption simple au partenaire de

l'adoptant ; contra rép. min. n° 14187, JO Sénat Q, 3 mars 2005, p. 615 : le pacs « n'a pas vocation à faire naître des droits parentaux »). Cela est vrai, également, pour les effets patrimoniaux : pas de protection du logement familial à l'instar des règles posées par l'article 215 alinéa 3, sauf le droit temporaire du partenaire survivant pendant un an de bénéficier du droit de jouissance gratuite du logement du couple (art. 515-6, al. 1 et 2 ; aligné sur l'art. 763, avec cette nuance que ce droit n'est pas ici

d'ordre public et pourra donc être supprimé par testament ; V., déjà, l'art. 14 L. du 6 juill. 1989 pour le bail ; adde art. 515-6, al. 2 et la possibilité d'une attribution préférentielle qui, lorsque le logement appartenait entièrement au défunt, doit être prévue par testament et se fera sous réserve d'une compensation envers la succession) ; pas de délimitation du champ de la solidarité

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autour des notions d'entretien du « ménage » et d'« éducation des enfants » (cf. art. 220) ; pas de protection de l'intérêt de la famille en situation de crise (cf. art. 220-1). Certaines dispositions d'autonomie manquent aussi. On pense à l'autonomie professionnelle (art. 223) et à l'autonomie bancaire (art. 221). Peut-être cette dernière lacune s'explique-t-elle par leur caractère d'évidence et leur lien avec les gains et salaires, composantes de la sphère d'indépendance des partenaires s'il en est. On retrouve d'ailleurs ces gains dans la liste des biens restant toujours propriété exclusive des partenaires (au titre des « deniers perçus », cf. infra, art. 515-5-2). On n'en regrettera pas moins que ce qui est dit d'un côté (autonomies mobilières ou à l'égard des biens personnels) ne soit pas réaffirmé de l'autre. Dans ce prolongement, d'ailleurs, la méthode législative peut être critiquée dans son ensemble. Les nouvelles dispositions emploient des expressions connues du régime primaire du mariage (« dettes contractées » ; « dépenses manifestement

excessives »...). Mais elles le font dans un contexte qui se voudrait différent, articulé autour d'une cohérence spécifique. Or,

nombres des formulations utilisées se sont révélées ambiguës lorsqu'il a fallu les appliquer au mariage (cf. le champ de la solidarité, ses limites...). On peut inférer qu'il en ira de même pour le pacs. Dès lors, non seulement il peut sembler contestable

de reprendre de telles expressions mais, en outre, cela peut paraître contraire à la volonté d'entourer le pacs d'un régime spécifique. En conséquence, soit les juges estimeront que le pacs doit se lire comme un système clos et ne raisonneront que dans le cadre ainsi fixé. Mais, on assistera alors au développement, à l'égard des mêmes expressions, de plusieurs interprétations concurrentes. Soit, plus probablement, les tribunaux importeront les interprétations effectuées à l'égard du mariage, éludant ainsi les différences du pacs. Il en irait de même pour les lacunes relevées. La méthode employée est donc à même de renforcer

l'alignement du pacte sur les effets patrimoniaux du mariage. Par ailleurs, le nouveau régime des biens des partenaires se rapproche de la situation d'époux séparés de biens (approuvant

cette orientation, comme conforme à l'esprit d'indépendance matérielle attaché au pacte, cf. H. Fulchiron, article préc. ; comp.

la proposition de loi sénatoriale n° 162, du 27 janv. 2005, proposant la transposition du régime de la communauté réduite aux acquêts). Le système antérieur était jugé complexe, ambigu et dangereux (cf. not. le commentaire de B. Beigner des formules de pacs, Dr. fam. avr. 2000.13). Complexe par sa double présomption d'indivision selon le type de biens (indivision de moitié pour les meubles meublants dont les partenaires feraient l'acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacs

ou lorsque la date d'acquisition de ces biens ne peut être établie ; indivision pour les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte si l'acte d'acquisition ou de souscription n'en dispose autrement). Ambigu du fait de son champ d'application incertain (quid des revenus, deniers, et des biens créés après la signature

du pacs ?). Dangereux en ce que l'indivision peut s'avérer extrêmement injuste pour des partenaires restés dans l'ignorance de ses effets radicaux. Désormais, la séparation des patrimoines est la règle, sauf convention initiale ou modificative contraire prévoyant l'indivision (celle-ci intervient alors à compter de l'enregistrement et est de moitié). Une « masse » de biens

répertoriés demeure néanmoins propriété exclusive des partenaires : les deniers perçus postérieurement à la conclusion du pacte et « non employés à l'acquisition d'un bien » ; les biens créés et leurs accessoires ; les biens à caractères personnels... (art. 515-5-2). On notera que ces dispositions ne s'appliqueront de plein droit qu'aux pacs conclus après l'entrée en vigueur de la loi, sauf pour les partenaires ayant conclu un pacte sous l'empire de la loi ancienne, à user de la faculté de soumettre celui-ci aux dispositions de la loi nouvelle par convention modificative. Enfin, on relèvera un rapprochement plus vague du pacs et du mariage en matière successorale. Le pacte ne donnait jusqu'alors aucun droit particulier (pas de vocation successorale ; pas de mécanisme spécifique de donation ; donations et successions bénéficiant seulement d'un abattement de 57 000 euros et de deux taux d'imposition, 40 % jusqu'à 15 000 euros, 50 % au-delà ; le bénéfice de l'abattement de 20 % sur la valeur de la résidence principale du couple ayant néanmoins été étendu par la loi de finances pour 2005). Les partenaires n'héritent toujours pas l'un de l'autre et une disposition testamentaire reste nécessaire,

les limites de la quotité disponible ordinaire demeurant. Cependant, les droits du partenaire survivant sont indirectement améliorés grâce à l'attribution préférentielle. Cette dernière peut désormais porter sur l'entreprise libérale, les sociétés de

capitaux et le droit au logement (art. 831-3, cf. supra). La succession reste donc sous l'emprise de la volonté du défunt et des héritiers et demeure assez éloignée du mariage (cf. supra, obs. A.-M. Leroyer).

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On le constate, il se produit donc une « matrimonialisation » du pacte (cf. A. Bénabent, Audition devant la Mission d'information, préc. t. II, p. 299). On l'a regrettée, au nom de la perte de spécificité et d'intérêt du mariage (cf. par ex. P. de Viguerie, ibid. p. 264 et s.). Les tenants d'un contrat purement patrimonial, non institutionnalisé, pourraient, de même, ne plus y trouver leur compte. On l'a, à l'inverse, jugée insuffisante, au regard notamment de la consécration des notions famille et de parenté homosexuelles (par ex. M. Gross, ibid. p. 243 et s.). Pour autant, il s'agit d'un mariage « aplati », réduit à sa dimension horizontale, de conjugalité entre deux individus, ainsi que majoritairement patrimoniale. Or, en inversant la perspective, on peut, en retour, se demander ce que le pacs, instituant cette nouvelle conjugalité, est à même de révéler du mariage civil ainsi que du contrat. Mutations des notions de mariage civil et de contrat De la notion de mariage civil A l'égard du mariage, tout d'abord, les mutations dont le pacs se fait le reflet ne sont pas insignifiantes. En premier lieu, en ce

qu'il détache la conjugalité de toute verticalité, c'est-à-dire de toute vocation à la procréation (voire, de façon plus imagée, de l'alliance spirituelle), pour concrétiser une organisation horizontale de relations patrimoniales, le pacte concentre les

changements connus par le mariage civil. En effet, ce dernier, mystérieux à son origine, a aujourd'hui abandonné ses fondements canoniques à deux égards, qui se retrouvent ici : il ne se marquerait plus par une « vocation reproductrice » ; il ne reposerait plus sur « l'engagement spirituel » des époux (cf. R. Libchaber, La notion de mariage, civil, in Mélanges Ph. Jestaz,

Dalloz, 2006, p. 326, spéc. n° 7, p. 330, s'appuyant, pour identifier ces fondements, sur J. Gaudemet, Mariage et procréation : les aspects historiques, Rev. dr. canon. 1995.245 et s.). Le pacs, dès son avènement, a mis en oeuvre cette désarticulation entre

conjugalité et parenté et, ce, d'autant plus nettement que la vocation à la parenté en a été explicitement écartée. Dès lors, il s'entoure des montages auxquels la parenté donne actuellement lieu (particulièrement chez les couples homosexuels, cf. not. F. Millet, L'homoparentalité : essai d'une approche juridique, Defrénois, 2005.743). Plus exactement, le pacte se fait le lieu de la mise en oeuvre et de la confirmation de deux types de dissociation.

La première est celle de la conjugalité et de la parenté. La structure du couple n'apparaît plus liée à l'accueil d'un enfant (cf. le présupposé inverse sur lequel repose le mariage canonique, rattachant les enfants aux couples et selon lequel « il y a dans le mariage, inscrit dès l'origine, un consentement à tous les enfants à naître, qu'ils soient ou non biologiquement issus du mariage

», R. Libchaber, article préc. n° 8, p. 332). Inversement, l'établissement de liens de filiation unilinéaire rattachant chacun des parents à l'enfant (sauf dans le couple marié pour lequel la présomption de paternité demeure), ou unilatérale par le biais de l'adoption simple, intervient du fait de chaque individu qui, quels que soient son sexe et/ou ses liens institutionnels ou non avec

un autre, tente d'établir un lien de filiation. Certes, à l'égard de l'adoption, la conjugalité du futur parent - notamment l'existence d'un pacs - peut intervenir comme critère de la pertinence de son prononcé. Mais elle n'est plus tant considérée en tant que structure - critère structurel - que comme un élément permettant de juger de la qualité du cadre de vie offert à l'enfant ainsi que de sa stabilité - critère qualitatif (cf. TGI Paris, 27 juin 2001, Dr. fam. 2002.18, note P. Murat, JCP G 2001.I.101, n° 9, obs. J. Rubellin-Devichi, admettant l'adoption simple par une femme, des trois filles eues par sa compagne, par insémination artificielle

effectuée à l'étranger ; TGI Clermont-Ferrand, 24 mars 2006, inédit, prononçant l'adoption d'un petit garçon de 2 ans par la compagne de sa mère biologique au motif que l'enfant « a, depuis sa naissance, vécu avec (les deux femmes) dans un cadre stable et harmonieux où des liens affectifs ont été tissés et des repères acquis par l'enfant, ainsi que relevé par l'enquête sociale », affaire désormais pendante devant la Cour d'appel de Riom). La seconde dissociation confirmée, qui intervient dans le fil de la première, est celle de la parenté et de la fonction d'éducation. Celle-ci se concrétise au travers de l'exercice de l'autorité parentale. Normalement, elle est attachée au lien de filiation. Or, le couple de partenaires n'étant plus automatiquement composé de parents au lien de filiation établi avec l'enfant, autorité

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parentale et lien de filiation peuvent se trouver dissociés. Par le biais de la délégation, l'autorité est alors exercée par une personne vivant avec l'enfant (sur le fondement la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale). Dans ces hypothèses, abstraction n'est pas faite du couple d'accueil, mais les capacités de celui-ci sont de nouveau évaluées, non en termes de structures, mais de critères qualitatifs relevant de la capacité d'éducation, du partenaire demandeur notamment (cf. TGI Paris, 2 juill. 2004, qui « attribue » l'autorité parentale à la mère biologique, afin qu'elle l'exerce conjointement avec la mère adoptive ; Civ. 1re, 24 févr. 2006, Bull. civ. I, à paraître, admettant le partage de l'autorité parentale au sein d'un couple d'homosexuelles liées par un pacs et élevant depuis leur naissance deux petites filles conçues aux Pays-Bas par insémination artificielle, non sans avoir relevé que les enfants vivaient au sein d'une « union stable et continue » et avoir évoqué la conformité à « l'intérêt supérieur de l'enfant »). Le pacs, parce que conçu à l'écart de la parenté, n'a donc fait que mettre en lumière des

évolutions consommées. Mais alors, au vu de ces mutations et du mélange de parti pris patrimonial et d'alignement sur le mariage sur lesquels se fonde la présente réforme, émerge la question centrale que l'évolution inachevée du pacs invite à explorer. D'un côté, le législateur

peut choisir de continuer à faire évoluer conjugalité, parenté et fonction d'éducation selon cette tendance divergente. Les dynamiques du mariage, du pacs, du concubinage convergeraient alors. Cette direction induirait d'entériner, au côté de la figure du parent biologique, celle du « bon » parent, voire du « parent capable » (sur cette expression, cf. M. Boisson, A. Verjus, La parenté, une action de citoyenneté. Une synthèse des travaux récents sur le lien familial et la fonction parentale (1993-2004), CAF, dossier d'étude, n° 62, nov. 2004.27) et, indépendamment d'une situation matrimoniale donnée et d'une structure de

couple parental, d'en poser des critères qualitatifs, tels ceux mis en avant dans les décisions précitées (cadre de vie harmonieux, stabilité affective). Par ailleurs, elle renforcerait une tendance déjà identifiée (relativement au contrat de responsabilité

parentale, par exemple, RTD civ. 2006.399), celle de l'intervention d'un « personnel qualifié » pour évaluer l'« activité »

parentale et détenant « la bonne définition du métier de parents » (cf. le renvoi à une enquête sociale dans les décisions préc., voire à une expertise ; la tendance habite déjà l'octroi de l'agrément à l'adoption ; cf. F. de Singly, Sociologie de la famille contemporaine, Nathan, 1993). D'un autre côté, sous le coup de la demande sociale, des couples homosexuels notamment, l'évolution pourrait se faire en sens contraire, par la réintégration de l'association de la conjugalité et de la parenté dans le pacs.

La conclusion de ce dernier ouvrirait alors à la parenté, c'est-à-dire notamment aux possibilités de procréation médicalement assistées ou d'adoption. Le paradoxe serait alors de voir revenir cette association par la fenêtre du pacs alors qu'elle a été chassée par la porte du mariage (ou du moins qu'elle s'y est affaiblie, cf. la présomption de paternité qui demeure). En second lieu, le pacs figurerait la composante moderne d'élection permanente du lien (cf. sur ce point, Th. Revet, préc.). Il s'approche ainsi beaucoup de la forme la plus contractuelle du mariage, celle de 1792 et de l'époque intermédiaire révolutionnaire, notamment si l'on considère les causes de dissolution (consentement mutuel ; révocation judiciaire, par le biais

du divorce pour faute ; résiliation unilatérale accordée en raison de la durée indéterminée, par le biais du divorce pour incompatibilité d'humeur... ; sur ce rappel historique, cf. R. Libchaber, article préc. n° 6, p. 329). L'avènement du pacte et son alignement progressif bouclerait ainsi une boucle historique qui, de l'explosion des divorces et de la volonté affichée de retour à la stabilité du mariage sur le fondement d'une « conception rigide » d'essence canonique (R. Libchaber, article préc. n° 6, p. 329), s'achève aujourd'hui par l'admission d'un lien fluide facile à délier. Pour autant, le mariage a déjà opéré cette évolution et l'on aboutit, en définitive et de nouveau, à la question de la pertinence de deux institutions concurrentes, évoluant dans des directions similaires. Soit le pacs ne s'inscrira que comme l'institution intermédiaire, permettant de révéler les mutations du mariage, avant que celui-ci les admette, et l'absorbe (cf. l'idée de « moratoire », R. Libchaber, RTD civ. 2002, préc.). Le pacs aurait alors permis au mariage d'enregistrer les changements mis en lumière. Soit les deux institutions perdureront, mais il deviendra difficile de faire vivre, selon deux dynamiques différentes

(deux conjugalité, deux conceptions de la parenté), sur le fondement de règles très proches, deux institutions (cf. sur la possible absorption par le mariage civil, R. Libchaber, article préc. n° 4 et s. p. 327 et s.). De la notion de contrat

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Dans une seconde perspective, on peut se demander si la matrimonialisation du pacs ne va pas sans incidence sur la figure du contrat. Le pacs reste-t-il, d'ailleurs, un contrat ? Si le contractuel demeure, c'est un contractuel un peu particulier qui invite à creuser la notion de pacte. Or, lorsqu'il s'entoure d'une définition précise, ce qui est rare, ce dernier est présenté comme une « espèce de convention » qui se caractériserait par la présence d'une « certaine solennité » et qui établirait « en général un ordre durable ou engager(ait) gravement l'avenir » (G. Cornu, Vocabulaire juridique Capitant, Puf, v° Pacte). Il opérerait ainsi un mélange de contractuel et d'institutionnel. Or, ce mélange est visible dans le pacs, à deux égards. D'un côté, le pacte reste imprégné de l'élection du lien, nous l'avons vu, et de ses conséquences. La volonté y demeure centrale : elle préside toujours à sa création (choix initial ; possibilité d'insérer de multiples dispositions, cf. les clauses de répartition des

biens, sous réserve de l'art. 515-5-2, d'indemnisation du partenaire en cas de rupture...) ; à ses modifications ; à sa dissolution

(cf. la compétence du juge du contrat, Douai, 27 févr. 2003, AJ Famille 2003.313; CE 23 mai 2003, D. 2003.IR.1665, RJPF 2003-9, p. 33, RTD civ. 2003.684, obs. J. Hauser, énonçant que « la lettre et l'esprit de la loi donnent compétence au juge du contrat,

c'est à dire le tribunal de grande instance pour statuer sur les conséquences de la rupture d'un PACS » ; selon le taux de compétence, on peut penser au tribunal d'instance, voire au juge de proximité ; le juge aux affaires familiales n'intervient que s'il est saisi du sort des enfants). Mais elle s'entoure, cependant, des mesures de publicité énoncées, à forte composante institutionnelle ainsi que d'une mesure d'enregistrement. D'ailleurs, il semblerait que celle-ci révèle aujourd'hui sa nature : même entre les parties, la volonté seule ne suffit pas à ce que les effets du pacte se développent. En effet, l'enregistrement est

désormais nécessaire à cet égard, outre qu'il confère date certaine (art. 513-3-1, al. 2). La précision est bienvenue car l'effet de la mesure n'avait pas manqué de soulever des problèmes théoriques et pratiques, notamment en cas de refus du greffe

d'enregistrer un pacte (pour l'analyse d'une décision de refus, RTD civ. 2003.684, obs. J. Hauser). Quel était le rôle de cet

enregistrement à l'égard du pacte, des parties, comme des tiers : élément constitutif du contrat ou simple condition d'opposabilité aux tiers (J. Hauser, Le PACS est-il un contrat consensuel ou un contrat solennel ?, Defrénois, 2001.673) ? Dorénavant, il semble que les pactes non enregistrés ne soient pas nuls, mais dépourvus d'effets. Quid, dès lors, aucun délai d'enregistrement d'un pacte conclu n'étant précisé, de la période intermédiaire pendant laquelle l'enregistrement n'est pas

effectué ? On peut penser que la norme contractuelle existe bel et bien, mais que les effets de droit prévus sont suspendus, entre les parties, jusqu'à cet enregistrement (selon la distinction de la norme contractuelle et de la force obligatoire posée par P. Ancel, RTD civ. 1999.771). Celui-ci serait la marque de l'introduction du pacte dans le champ social, condition de ses effets. D'un autre côté, l'inscription du pacte dans la durée teinte ce contrat d'un caractère relationnel, alimentant également sa composante institutionnelle. Deux indices permettent de le comprendre ainsi. En premier lieu, cette inscription accrue du pacte dans la durée devient le marqueur de l'engagement qu'il porte et conditionne

le renforcement des droits et des devoirs des partenaires, que ce soit l'un vis-à-vis de l'autre comme dans les rapports avec les tiers. A la différence du concubinage qui, « éphémère et sans engagement, n'existe qu'autant que l'union dure et dont il ne résulte aucun devoirs entre les concubins ou à l'égard des tiers », le pacte se marque par un engagement et un caractère, « non pas éphémère, mais précaire » (au sens juridique du terme, c'est-à-dire susceptible de s'interrompre à tout moment), qui autorise la naissance de tels droits et devoirs (cf. A. Bénabent, audition préc. rapp. préc. t. II, p. 70 et s. spéc. p. 73). Le

renforcement de ces derniers démontrerait ainsi l'accroissement de l'acceptation et de la reconnaissance sociales attachées à l'engagement qui le sous-tend. En second lieu, au titre des devoirs impliqués, il faudrait faire apparaître celui qui n'est pas explicite dans le texte, à savoir le devoir de loyauté, découvert et mis en oeuvre par la jurisprudence (par ex. TGI Lille, 5 juin 2002, D. 2003.515, note X. Labbée; RJPF 2003-3/38, obs. Valory ; Dr. fam. 2003, n° 57, note Beignier ; RTD civ. 2003.270, obs. Hauser, énonçant qu'« il découle de l'article 515-1 une obligation de vie commune entre partenaires d'un PACS, qui doit être

exécutée loyalement et que le manquement à cette obligation justifie une procédure en résiliation du PACS aux torts du partenaire fautif »). Il est à même d'orienter, également, le pacs dans un sens relationnel et de l'éloigner du contrat traditionnel.

D'une part, l'appel à la notion de devoir plutôt qu'à celle d'obligation, au sens d'obligation précise et économique, marque de l'échange traditionnel, témoigne de la préférence pour l'instauration de normes de comportement et d'une appréciation de la

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qualité de la relation même des parties. D'autre part, l'exigence de loyauté en appelle au respect de valeurs extra-patrimoniales, notamment au respect que chacun des partenaires porte à l'autre. Aussi, alors que le pacs semblait rejeter la majorité des devoirs extra-patrimoniaux du mariage, l'introduction de ce devoir de loyauté et du contrôle comportemental auquel il ouvre, porte la potentialité de leur réintroduction par une voie détournée (cf. TGI Lille, préc. admettant, alors même que le devoir de fidélité n'existe pas, qu'un huissier constate un manquement à la loyauté, justifiant une résiliation du pacs aux torts du partenaire fautif). Par ailleurs, alors que sa rupture était conçue comme totalement libre, elle pourrait évoluer vers un contrôle strict de l'abus et, à l'instar de celui qui se développe pour la résiliation des contrats de longue durée, inviter à un encadrement beaucoup plus serré que prévu. D'où l'on voit que la concurrence des institutions, pacs, mariage et contrat, et le croisement de leur dynamique en un point

convergent pose effectivement le problème de la pertinence, d'un point de vue de politique juridique, du maintien de deux voies

parallèles... mais là était bien l'un des objectifs de la création du pacs que de soulever une telle question.

La formation du pacte civil de solidarité

Doc. 3. Art. 515-3 C. civ. Ancienne et nouvelle version

Art. 515-3 C. civ. – Version en vigueur du 30 mars 2011 au 1er novembre 2017

Modifié par LOI n°2011-331 du 28 mars 2011 - art. 12

Les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence commune ou, en cas d'empêchement grave à la fixation de celle-ci, dans le ressort duquel se trouve la résidence de l'une des parties.

En cas d'empêchement grave, le greffier du tribunal d'instance se transporte au domicile ou à la résidence de l'une des

parties pour enregistrer le pacte civil de solidarité.

A peine d'irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent au greffier la convention passée entre elles.

Le greffier enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité.

Lorsque la convention de pacte civil de solidarité est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire recueille la déclara-tion conjointe, procède à l'enregistrement du pacte et fait procéder aux formalités de publicité prévues à l'alinéa précédent.

La convention par laquelle les partenaires modifient le pacte civil de solidarité est remise ou adressée au greffe du tribunal ou au notaire qui a reçu l'acte initial afin d'y être enregistrée.

A l'étranger, l'enregistrement de la déclaration conjointe d'un pacte liant deux partenaires dont l'un au moins est de natio-

nalité française et les formalités prévues aux troisième et cinquième alinéas sont assurés par les agents diplomatiques et consulaires français ainsi que celles requises en cas de modification du pacte.

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Art. 515-3 – Version à venir, en vigueur à compter du 1er novembre 2017. Article inséré dans le Code civil par le biais de la loi du 18 novembre 2016 relative à la modernisation de la justice du XXIe siècle.

Modifié par LOI n°2016-1547 du 18 novembre 2016 - art. 48 (V)

Les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l'officier de l'état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d'empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant l'officier de l'état civil de la commune où se trouve la résidence de l'une des parties.

En cas d'empêchement grave, l'officier de l'état civil se transporte au domicile ou à la résidence de l'une des parties pour enregistrer le pacte civil de solidarité.

A peine d'irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent la convention passée entre elles à l'officier de l'état civil, qui la vise avant de la leur restituer.

L'officier de l'état civil enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité.

Lorsque la convention de pacte civil de solidarité est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire recueille la déclara-

tion conjointe, procède à l'enregistrement du pacte et fait procéder aux formalités de publicité prévues à l'alinéa précédent.

La convention par laquelle les partenaires modifient le pacte civil de solidarité est remise ou adressée à l'officier de l'état civil ou au notaire qui a reçu l'acte initial afin d'y être enregistrée.

A l'étranger, l'enregistrement de la déclaration conjointe d'un pacte liant deux partenaires dont l'un au moins est de natio-nalité française et les formalités prévues aux troisième et cinquième alinéas sont assurés par les agents diplomatiques et

consulaires français ainsi que celles requises en cas de modification du pacte.

NOTA :

Conformément au IV de l'article 48 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ces dispositions entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la publication de ladite loi. Elles sont applicables aux pactes civils de solidarité conclus à compter de cette date.

Les effets personnels du pacte civil de solidarité

Doc. 4. Ordonnance, TGI Lille, 5 juin 2002.

Attendu que le PACS est aux termes de l'article 515-1 du code civil « un contrat conclu par deux personnes, de

sexe différent ou de même sexe pour organiser leur vie commune ». Que le Conseil constitutionnel a précisé que la « vie commune suppose outre la cohabitation, une vie de couple » (9 novembre 1999 n° 99-419) qui ne se limite pas à « une communauté d'intérêts ». Qu'il existe entre partenaires « pacsés » sinon une obligation de fidélité, au moins une obligation de loyauté dérivant du droit commun des obligations contractuelles. Que les

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contrats doivent être exécutés de bonne foi, comme le rappelle l'article 1134 du code civil. Il apparaît : que Monsieur L... entretient actuellement des relations adultères à M..., 13 Rue A..., avec Monsieur Laurent X... Que le requérant rencontre des difficultés à obtenir des attestations dans le voisinage visant à établir que son partenaire l'a quitté et le trompe avec un autre homme. C'est la raison pour laquelle le requérant vous prie qu'il vous plaise, Monsieur le Président, de bien vouloir commettre tel huissier qu'il plaira aux fins de constater les relations contraires à la fidélité promise par contrat entre les partenaires, relations entretenues par Monsieur L... à l'adresse indiquée.

LE PRESIDENT : - Vu l'article 145 du NCPC, Vu l'article 515-1 du code civil, Vu l'article 1134 du code civil : - Attendu qu'il découle de l'article 515-1 du code civil une obligation de vie commune entre partenaires d'un Pacte

civil de solidarité, qui doit être exécutée loyalement. Que l'obligation de devoir exécuter loyalement le devoir de communauté de vie commande de sanctionner toute forme d'infidélité entre partenaires. Que le manquement à l'obligation de vie commune justifie une procédure en résiliation de PACS aux torts du partenaire fautif.

Attendu qu'il apparaîtrait aux dires du requérant que Monsieur L... entretient des relations sexuelles avec Monsieur Laurent X... Qu'une faute évoquant l'adultère dans le mariage serait ainsi caractérisée. Qu'il est de l'intérêt du requérant de faire constater les relations adultères entretenues par Monsieur L... avec Laurent X... à M..., 13 Rue A... Bat D ou en tout autre lieu.

Commettons à cette fin Maître Dhonte ou Me Bera ou Me Lemaître huissier de justice aux fins de constater

l'adultère perpétré par Monsieur L.... Disons que l'huissier désigné pourra se faire assister d'un serrurier, et du commissaire de police. Autorisons l'huissier désigné à pénétrer dans l'immeuble abritant l'appartement de Monsieur L....

Disons qu'il nous en sera référé en cas de difficulté.

Doc. 5. Cons. Const., DC 9 nov. 1999, n°99-419 (Extraits)

« - SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE PAR LE LÉGISLATEUR DE L'ÉTENDUE DE SA COMPÉTENCE :

22. Considérant que les députés auteurs de la première saisine et les sénateurs auteurs de la seconde saisine

soutiennent qu'à plusieurs titres le législateur n'aurait pas exercé la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution en renvoyant à l'autorité réglementaire ou à l'autorité judiciaire " le soin de combler les lacunes et imprécisions " de la loi ; qu'ils font ainsi valoir que l'article 515-1 nouveau du code civil, introduit par l'article 1er de la loi déférée, ne précise pas le contenu de la notion de vie commune que le pacte civil de solidarité a vocation à organiser ; que n'est pas davantage précisé le statut civil des signataires d'un tel pacte ; que ne sont pas non plus déterminées " les règles applicables en matière de parentalité et notamment de paternité en cas d'enfants ", ni celles régissant la procréation médicalement assistée (…)

23. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution :" La loi fixe les règles concernant : ... la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ; ... La loi

détermine les principes fondamentaux : ...du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales" ;

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24. Considérant que l'article 1er de la loi déférée insère dans le livre Ier du code civil, relatif aux personnes, un titre XII intitulé : " Du pacte civil de solidarité et du concubinage " ; que ce titre comprend deux chapitres dont le chapitre Ier relatif au pacte civil de solidarité, composé des articles 515-1 à 515-7 ;

25. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 515-1 nouveau du code civil : " Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune " ; que l'article 515-2 nouveau du code civil interdit, à peine de nullité, la conclusion de ce contrat entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus, entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du mariage et entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité ; qu'en

application du premier alinéa de l'article 515-3 nouveau du code civil, les personnes qui concluent un tel pacte en font la déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence commune ; qu'en application du deuxième alinéa du même article, elles doivent joindre, à peine d'irrecevabilité, les pièces d'état civil permettant d'établir la validité de l'acte au regard de l'article 515-2 ; qu'en outre, les

partenaires, en application de l'article 515-4 nouveau du code civil, s'apportent une aide mutuelle et matérielle et sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun ; qu'enfin, la loi déférée comporte des dispositions favorisant le rapprochement géographique de deux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ;

26. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires à l'issue desquels elles

ont été adoptées, que la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d'intérêts et ne se limite pas à l'exigence d'une simple cohabitation entre deux personnes ; que la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple, qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l'inceste, soit évitent une violation de l'obligation de fidélité découlant du mariage ; qu'en conséquence, sans définir

expressément le contenu de la notion de vie commune, le législateur en a déterminé les composantes essentielles;

27. Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à la nature des empêchements édictés par l'article 515-2 du code civil, justifiés notamment par les mêmes motifs que ceux qui font obstacle au mariage, la nullité prévue par cette disposition ne peut être qu'absolue ;

28. Considérant, en troisième lieu, que l'objet des articles 515-1 à 515-7 du code civil est la création d'un contrat spécifique conclu par deux personnes physiques majeures en vue d'organiser leur vie commune ; que le législateur s'est attaché à définir ce contrat, son objet, les conditions de sa conclusion et de sa rupture, ainsi que les obligations en résultant ; que, si les dispositions de l'article 515-5 du code civil instituant des présomptions d'indivision pour les biens acquis par les partenaires du pacte civil de solidarité pourront, aux termes mêmes de la loi, être écartées par la volonté des partenaires, les autres dispositions introduites par l'article 1er de la loi déférée revêtent un caractère obligatoire, les parties ne pouvant y déroger ; que tel est le cas de la condition relative à la vie commune, de l'aide mutuelle et matérielle que les partenaires doivent s'apporter, ainsi que des

conditions de cessation du pacte ; que les dispositions générales du code civil relatives aux contrats et aux obligations conventionnelles auront par ailleurs vocation à s'appliquer, sous le contrôle du juge, sauf en ce qu'elles ont de nécessairement contraire à la présente loi ; qu'en particulier, les articles 1109 et suivants du code civil, relatifs au consentement, sont applicables au pacte civil de solidarité ;

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29. Considérant, en quatrième lieu, que, limitée à l'objet ainsi voulu et défini par le législateur, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est sans incidence sur les autres titres du livre Ier du code civil, notamment ceux relatifs aux actes d'état civil, à la filiation, à la filiation adoptive et à l'autorité parentale, ensemble de dispositions dont les conditions d'application ne sont pas modifiées par la loi déférée ; qu'en particulier, la conclusion d'un pacte civil de solidarité ne donne lieu à l'établissement d'aucun acte d'état civil, l'état civil des personnes qui le concluent ne subissant aucune modification ; que la loi n'a pas davantage d'effet sur la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à l'assistance médicale à la procréation, lesquelles demeurent en vigueur et ne sont applicables qu'aux couples formés d'un homme et d'une femme ; qu'enfin, en instaurant un contrat nouveau ayant pour finalité l'organisation de la vie commune des contractants, le législateur n'était pas tenu de modifier la législation régissant ces différentes matières ; (…) ».

Doc. 6. Textes de lois rapprochant pacs et mariage

Art. 515-9 Code civil : « Lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection.

Art. 449, al. 1 Code civil : « À défaut de désignation faite en application de l’article 448, le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu’une autre cause empêche de lui confier la mesure ».

Article L213-3 du Code de l’organisation judiciaire (Modifié par LOI n°2010-769 du 9 juillet 2010 - art. 17).

« Dans chaque tribunal de grande instance, un ou plusieurs magistrats du siège sont délégués dans les fonctions de juge aux affaires familiales.

Le juge aux affaires familiales connaît :

1° De l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ou entre concubins, de la séparation de biens judiciaire, sous réserve des compétences du président du tribunal de grande instance et du juge des tutelles des majeurs ;

2° Du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d'absence ;

a) A la fixation de l’obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ;

b) A l'exercice de l'autorité parentale ;

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c) A la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement ; d) Au changement de prénom ; e) A la protection à l'encontre du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin violent ou d'un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin violent ; f) A la protection de la personne majeure menacée de mariage forcé ».

Art. 6 Code général des impôts

1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus

personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. Les revenus perçus par les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents sont, sauf preuve contraire, réputés également partagés entre les parents.

Sauf application des dispositions du 4 et du second alinéa du 5, les personnes mariées sont soumises à une

imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame ".

Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil font l'objet, pour les revenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune. L'imposition est établie à leurs deux noms, séparés par le mot : " ou ".

Art. 132-80 Code pénal

Dans les cas respectivement prévus par la loi ou le règlement, les peines encourues pour un crime, un délit ou une contravention sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.

La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Les

dispositions du présent alinéa sont applicables dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime.

Doc. 7. Cons. Const., 29 juillet 2011.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 mai 2011 par le Conseil d'État (décision n° 347734 du 27 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Laurence L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

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Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu le code civil ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; (…)

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Le droit à

pension de réversion est subordonné à la condition : « a) Si le fonctionnaire a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (1°), que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité du fonctionnaire, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation ; b) Si le fonctionnaire a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (2°), que le mariage soit antérieur à l'événement qui a amené la mise à la retraite ou la mort du fonctionnaire.

« Toutefois, au cas de mise à la retraite d'office par suite de l'abaissement des limites d'âge, il suffit que le mariage soit antérieur à la mise à la retraite et ait été contracté deux ans au moins avant soit la limite d'âge en vigueur au moment où il a été contracté, soit le décès du fonctionnaire si ce décès survient antérieurement à

ladite limite d'âge. « Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de réversion est reconnu :« 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ; « 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années »;

2. Considérant que, selon la requérante, en réservant aux conjoints le bénéfice de la pension de réversion, à l'exclusion des personnes vivant au sein d'un couple non marié, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose

ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

4. Considérant que la pension de réversion a pour objet de compenser la perte de revenus que le conjoint survivant subit du fait du décès de son époux fonctionnaire civil ; qu'à cette fin, l'article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que le conjoint d'un fonctionnaire civil a droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir le jour de son décès ; que l'article L. 39 du même code précise que l'attribution d'une pension de réversion au conjoint survivant est subordonnée à une condition d'antériorité et de durée du mariage ;

5. Considérant, en premier lieu, que le concubinage est défini par le seul article 515-8 du code civil comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple » ; qu'à la différence des époux, les concubins ne sont légalement tenus à aucune solidarité financière à l'égard des tiers ni à aucune obligation réciproque ;

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6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 515-4 du code civil, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité « s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques » ; que « si les partenaires n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives » ; qu'en outre, ils sont « tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante » ; qu'ainsi, contrairement aux personnes vivant en concubinage, les partenaires sont assujettis à des obligations financières réciproques et à l'égard des tiers ; que, toutefois, les dispositions du code civil ne confèrent aucune compensation pour perte de revenus en cas de cessation du pacte civil de solidarité au profit de l'un des partenaires, ni aucune vocation successorale au survivant en cas de décès d'un partenaire ;

7. Considérant, en troisième lieu, que le régime du mariage a pour objet non seulement d'organiser les obligations personnelles, matérielles et patrimoniales des époux pendant la durée de leur union, mais également d'assurer la protection de la famille ; que ce régime assure aussi une protection en cas de dissolution du mariage ;

8. Considérant, par suite, que le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui reconnaît l'article 34 de la Constitution, défini trois régimes de vie de couple qui soumettent les personnes à des droits et obligations différents ; que la différence de traitement quant au bénéfice de la pension de réversion entre les couples mariés et ceux qui vivent en concubinage ou sont unis par un pacte civil de solidarité ne méconnaît pas le principe d'égalité ;

9. Considérant que l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE : Article 1er.- L'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Doc. 8. Cons. Const., QPC 29 nov. 2013

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 octobre 2013 par le Conseil d'État (décision n° 369971 du 4 octobre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Azdine A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

; Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

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Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations en intervention produites pour l'association « SOS Soutien ô sans papiers » par Me Henri Braun, avocat au barreau de Paris et Me Nawel Gafsia, avocat au barreau du Val-de-Marne et pour l'association « la Cimade » par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 octobre 2013 ; (…) Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" » ;

2. Considérant que, selon le requérant, en réservant le bénéfice de ces dispositions au renouvellement de la carte de séjour de l'étranger marié avec un ressortissant français sans les étendre au renouvellement de la carte de séjour de l'étranger lié par un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français ou vivant en concubinage avec lui, le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile porte atteinte au principe d'égalité devant la loi ;

3. Considérant que les dispositions contestées portent sur le renouvellement de la carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les dispositions de ce 4° prévoient la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire

portant la mention « vie privée et familiale », sous réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français » ; que le renouvellement de cette carte est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé ; que, toutefois, le préfet peut accorder le renouvellement du titre de séjour lorsque la cessation de la communauté de vie est due aux violences conjugales subies de la part du conjoint ;

4. Considérant que, par ailleurs, aux termes de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 susvisée, « la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens

du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45 2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour » ; que cet article 12 bis a été codifié dans

l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en vertu du 7° de ce dernier article, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la

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mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; qu'en vertu de l'article L. 313-1 du même code, l'étranger doit quitter la France à l'expiration de la durée de validité de sa carte à moins qu'il n'en obtienne le renouvellement ou qu'il ne lui soit délivré une carte de résident ; qu'il ressort de ces dispositions que les

conditions de renouvellement de la carte de séjour d'un étranger lié par un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français ou vivant en concubinage avec lui sont fixées par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant que la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 susvisée n'a pas été renvoyée au Conseil constitutionnel par le Conseil d'État ; que n'ont pas davantage été renvoyées celle des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni celle des dispositions de l'article L. 313-1 du même code ; que le grief fondé sur la situation particulière des personnes liées par un pacte civil de solidarité, ou vivant en concubinage, dirigé contre le deuxième alinéa de l'article L. 313 12 du même code est, par suite, inopérant ;

6. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, en particulier, permettent au préfet d'accorder à un étranger marié avec un ressortissant français le renouvellement d'une carte de séjour mention « vie privée et familiale », nonobstant la cessation de la communauté de vie, lorsque cette cessation est due aux violences conjugales subies de la part du conjoint, ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,

D É C I D E : Article 1er.- Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont conformes à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.