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LA LIBERTÉ SAMEDI 8 AOÛT 2015 33 SÉRIE D’ÉTÉ LA LIBERTÉ SAMEDI 8 AOÛT 2015 32 SÉRIE D’ÉTÉ Infographie: V. Regidor / Source: Mozartweg GENÈVE ZURICH 1 LAUSANNE LYON SALZBOURG Relais de chevaux E 2 Z 3 Itinéraire suisse d’un prodige Série d’été (5/6). En 1766, au retour d’une tournée européenne de trois ans, le petit Mozart a traversé la Suisse accompagné de sa famille. Parmi les rares traces qu’il y a laissées: une composition pour piano. THIERRY RABOUD Trois ans et demi de voyage sur les routes cahoteuses d’Europe. Un long périple pour un enfant, mais une tournée à la mesure des ambitions de son père, bien décidé à présenter au monde musical son petit miracle: Wolfgang Amadeus Mozart. Depuis leur départ de Salzbourg à l’été 1763, Wolfgang, sa sœur Nannerl et leurs deux parents n’auront eu de cesse d’honorer les cours royales, de solli- citer l’attention des princes, de qué- mander celle des nobles maisons, dans chaque ville susceptible de re- connaître le sceau du génie. Et après Munich, Bruxelles, Amsterdam, Londres puis Paris, c’est par la Suisse que la calèche de la famille Mozart retrouve le chemin de Salzbourg. A l’orée de l’automne 1766, les Mozart posent le pied sur le pavé ge- nevois, là où débute notre parcours sur leurs discrètes traces helvé- tiques. Alors que la Vieille-Ville s’éveille à peine, on y rencontre Isa- belle Brunier, de l’Office du patri- moine et des sites, non loin de la promenade de la Treille. «Oui, la mémoire des lieux a été un peu ou- bliée», explique-t-elle devant l’Hôtel de Ville, dont les murs ont résonné par deux fois des notes du prodige alors âgé de 10 ans. «Mozart est très probablement venu jouer dans cet endroit, qui était une des premières salles publiques de musique en Suisse», explique-t-elle en nous ou- vrant les portes de la bien nommée salle Mozart. Un espace aujourd’hui dévolu au bureau de la présidence de l’exécutif cantonal. François Longchamp, maître des lieux, passe en coup de vent: «Il ne se passe pas un jour sans que j’évoque Mozart à mes visiteurs. Ces murs sont impré- gnés de sa présence, c’est très spé- cial», confie-t-il, avant de courir à une prochaine séance. Plus loin, c’est Eugenio Cannarsa qui nous attend place de Longe- malle, devant l’hôtel du même nom. «On pense que les Mozart auraient dormi là. L’hôtel, l’un des plus an- ciens de la ville, s’appelait alors Ba- lance», note le président fondateur de l’Association Mozart Genève. «La présence du compositeur à Genève est importante, c’est ici qu’il a fait le plus long séjour, dans l’espoir de rencontrer Voltaire qui vivait non loin, à Ferney», explique-t-il. Mais le philosophe de 72 ans, alité, ne rece- vra pas ce «jeune joueur de clave- cin». Il glissera ces mots à sa confi- dente: «J’étais très malade quand ce phénomène a brillé sur le noir hori- zon de Genève. Enfin il est parti à mon très grand regret sans que je l’aie vu.» Au matin du 11 septembre, Mozart tournera donc le dos à cette ville qui paraît aujourd’hui l’avoir oublié. «Nous allons prendre contact avec les autorités pour faire poser une plaque à l’Hôtel de Ville», tem- père Eugenio Cannarsa. Ce mélomane n’est pas le seul à vouloir raviver les mémoires. En lon- geant le lac, on tombe sur une stèle de l’«Itinéraire suisse de Mozart» à Prangins. Une patiente initiative de la claveciniste Christina Kunz, qui entend re- constituer tout le tracé des Mozart à travers la Suisse. Quinze stèles sont déjà disposées, d’Avenches à Mou- don en passant par Baden. Darda- gny, Coppet et Morges devraient sui- vre cet automne. «Nous sommes en train de créer deux cartes, explique- t-elle. L’une avec le chemin original emprunté par Mozart, et l’autre avec les sentiers d’aujourd’hui qui s’en approchent le plus.» Elle ne nous en voudra pas d’emprunter une voie plus rapide pour rejoindre Lau- sanne, où la calèche des Mozart a fait halte cinq jours. C’est aux abords du Café Mozart que René Spalinger, président de l’As- sociation Mozart Lausanne 1766 et auteur d’un ouvrage sur le sujet*, nous expose les raisons de l’étape vaudoise: «Le jeune musicien a été reçu par le prince de Wurtemberg, grand animateur de la vie culturelle de l’époque et lui-même flûtiste, qui l’a probablement invité à donner des concerts dans sa demeure du Grand- Montriond, entre Lausanne et Ouchy, aujourd’hui disparue», note-t-il. Mo- zart lui écrira même des solos pour flûte traversière, malheureusement perdus. Crayon hâtif et génial Mieux documentées sont les deux prestations des 15 et 18 sep- tembre à l’Hôtel de Ville. Christian Zutter, chef du protocole, nous en ouvre les portes pour les refermer sur une place de la Palud bondée de monde en pleine pause de midi. En haut d’un bel escalier, une plaque commémorative est apposée devant la salle devenue celle du législatif de la ville. «Quand je fais visiter les lieux à des hôtes, je les arrête toujours là pour leur expliquer la présence de Mo- zart. C’est un nom universel!», sourit Christian Zutter. A l’inté- rieur de la salle, seuls quelques éléments ont survécu aux rénova- tions successives, dont la belle horloge du XVII e siècle. Elle qui a vu jouer Mozart n’en dira rien, se contentant d’indiquer qu’il est grand temps de rejoindre Zurich. Après Payerne, Avenches, Morat, puis Berne où ils font halte une se- maine, les Mozart y entrent le 28 sep- tembre, attirés par l’aura du poète Sa- lomon Gessner. L’auteur des fa- meuses Idylles invite le jeune prodige à venir jouer chez lui, non loin du Münster. Aujourd’hui, sa maison est toujours là, tout comme la «Haus Zum Schwert» où la famille Mozart, ajoutant ce nom à une longue liste d’hôtes célèbres, a séjourné. Mais c’est sur l’autre rive de la Limmat, dans les combles de la Bi- bliothèque centrale, qu’un docu- ment précieux fait la fierté de la ville: un manuscrit original, le seul conservé à avoir été composé en Suisse, où le jeune musicien a es- quissé une marche, peut-être pour piano, lors de son séjour zuri- chois. Afin que la discrète Suisse ne le soit pas au point d’oublier le passage de cet enfant, devenu l’un des plus grands compositeurs de l’histoire. Et l’on admire ce coup de crayon hâtif et génial, laissant la calèche des Mozart continuer sa longue route vers Winterthour, Schaffhouse, Munich. Puis, enfin, Salzbourg: cette ville natale que le musicien, devenu célèbre dans toute l’Europe, ne cessera plus de quitter. I > www.mozartweg.ch * René Spalinger, Quand Mozart passait à Lausanne, Ed. Slatkine, 2006. MANUSCRIT En octobre 1766, Mozart se serait produit deux fois à Zurich, comme l’atteste un feuillet d’annonce de concert, au verso duquel le jeune Mozart a griffonné au crayon une petite composition, vraisemblablement pour piano. «C’est le seul manuscrit authentifié qui soit composé et conservé en Suisse. Une pièce très importante pour la littérature juvénile de Mozart, qui ne contient pas beaucoup de numéros pour piano», explique Urs Fischer, du dépar- tement de musicologie de la Bibliothèque centrale de la ville, en dévoilant ce grand feuillet habituellement soustrait à la vue du public. «C’est une petite marche. Cela paraît simple, mais c’est en fait assez difficile à jouer bien!» KLAVIERSTÜCK IN F (KV 33B, EXTRAIT)/ZENTRALBIBLIOTHEK ZÜRICH, HANDSCHRIFTENABTEILUNG LAUSANNE Au premier étage de l’Hôtel de Ville, dans la salle des Deux Cents devenue celle du Conseil communal, Mozart a donné deux concerts, les 15 et 18 septembre 1766, comme le signale une plaque commémorative à l’entrée. La salle a été rénovée en 2007: le plafond en bois, le beau poêle en faïence et la pendule de 1670 sont les seuls éléments encore d’époque. A noter que les concerts de Mozart auront un remarquable écho à Lausanne, donnant lieu au seul article en français analysant l’art du jeune virtuose, dans «Aristide ou le Citoyen». On y lit, sous la plume du Docteur Auguste Tissot, cette conjecture à son sujet: «L’on peut prédire, avec confiance, qu’il sera un jour un des plus grands maîtres dans son art.» TR La Liberté vous emmène sur les traces d’artistes qui, du XVIII e au XX e siècle, sont passés plus ou moins longtemps par la Suisse, ou s’y sont installés. A venir, samedi 22 août: Bela Bartok. LES LIEUX QUI COMPTENT t LES LIEUX QUI COMPTENT LE GRAND TOUR 1763 En juillet, Leopold Mozart, son épouse Anna Maria et leurs deux en- fants quittent Salzbourg pour une tour- née à travers l’Europe. Wolfgang a 7 ans, et sa sœur Nannerl va avoir 12 ans. 1764 Après Francfort (où Mozart joue devant le jeune Goethe de 7 ans son aîné), Bruxelles puis Paris où elle res- tera cinq mois, la famille Mozart arrive à Londres pour une année. 1765 En juillet, les Mozart quittent Lon- dres pour rejoindre les Provinces-Unies, Anvers, La Haye et Amsterdam. 1766 De retour à Paris en mai, la famille Mozart reprend la route de Salzbourg deux mois plus tard, en passant par Lyon. Plutôt que l’Italie, Leopold choisit de traverser la Suisse, dans l’espoir de rencontrer Voltaire à Genève. TR GENÈVE L’emplacement des concerts genevois de Mozart est longtemps resté un mystère. En 2005, une rénovation de cette salle de l’Hôtel de Ville, aujourd’hui devenue la salle Mozart, un open space administratif aux élégants plafonds à voussures, lève le voile. «L’ancien conseil- ler d’Etat Robert Cramer avait imaginé un énorme secrétariat ici. Lorsque les travaux pour le réaliser ont commencé, on a découvert ces anciennes peintures murales, et on s’est aperçu en retrouvant d’anciens plans qu’un groupe de mélomanes y avait installé, dès 1718, une des pre- mières salles publiques de musique à Genève. Un petit événement, car écouter de la musique pour le plaisir ne faisait pas vraiment partie de l’idéologie calviniste…», explique Isabelle Bru- nier de l’Office du patrimoine et des sites de la ville. TR ZURICH Lors de sa venue sur les bords de la Limmat, Mozart aurait logé dans l’Hotel Zum Schwert (Hôtel de l’Epée), établissement de prestige où les têtes couronnées aimaient à séjourner, aussi bien que les artistes (Goethe, Casanova) et les musiciens (Brahms, Wagner ou Liszt). Une petite plaque commémorative, apposée à l’entrée, le rappelle aux passants. Aujourd’hui, le rez-de-chaussée est occupé par des boutiques de luxe alors que les étages ont été transformés en appartements privés. TR CHEZ GESSNER Le 28 septembre 1766, les Mozart arrivent à Zurich, où ils rendent visite à Salomon Gessner quelques jours plus tard. «Il faut dire que Léopold n’allait jamais voir des gens de second ordre. Il faisait tout pour rencontrer des gens cultivés, à même de comprendre qui était cet enfant extraordinaire», note René Spalinger, président de l’Association Mozart Lausanne 1766. Le poète accueillera la famille, et offrira au jeune musicien quatre volumes dédicacés de ses œuvres, dont deux sont aujourd’hui conservés à Salzbourg. On peut y lire ces mots de la main de Gessner à l’attention des géniteurs: «Dès leur plus tendre jeunesse, vos enfants sont l’honneur de la nation et font l’admiration du monde. Heureux parents! Heu- reux enfants!» ZENTRALBIBLIOTHEK ZÜRICH, GRAPHISCHE SAMMLUNG UND FOTOARCHIV 1763 – 1766 Salzbourg Paris Lyon Amsterdam Londres Genève Bruxelles «Enfin il est parti à mon très grand regret sans que je l’aie vu» VOLTAIRE 1 2 2 3 3 3

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LA LIBERTÉSAMEDI 8 AOÛT 2015

33SÉRIE D’ÉTÉLA LIBERTÉSAMEDI 8 AOÛT 2015

32 SÉRIE D’ÉTÉ

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GENÈVE

ZURICH

1

LAUSANNE

LYON

SALZBOURG

Relais de chevaux

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Itinéraire suisse d’un prodigeSérie d’été (5/6). En 1766, au retour d’une tournée européenne de trois ans, le petit Mozart a traversé la Suisse accompagné de sa famille. Parmi les rares traces qu’il y a laissées: une composition pour piano.

THIERRY RABOUD

Trois ans et demi de voyage sur lesroutes cahoteuses d’Europe. Un longpériple pour un enfant, mais unetournée à la mesure des ambitionsde son père, bien décidé à présenterau monde musical son petit miracle:Wolfgang Amadeus Mozart. Depuisleur départ de Salzbourg à l’été 1763,Wolfgang, sa sœur Nannerl et leursdeux parents n’auront eu de cessed’honorer les cours royales, de solli-citer l’attention des princes, de qué-mander celle des nobles maisons,dans chaque ville susceptible de re-connaître le sceau du génie. Et aprèsMunich, Bruxelles, Amsterdam,Londres puis Paris, c’est par la Suisseque la calèche de la famille Mozartretrouve le chemin de Salzbourg.

A l’orée de l’automne 1766, lesMozart posent le pied sur le pavé ge-nevois, là où débute notre parcourssur leurs discrètes traces helvé-tiques. Alors que la Vieille-Villes’éveille à peine, on y rencontre Isa-belle Brunier, de l’Office du patri-moine et des sites, non loin de lapromenade de la Treille. «Oui, lamémoire des lieux a été un peu ou-bliée», explique-t-elle devant l’Hôtelde Ville, dont les murs ont résonnépar deux fois des notes du prodige

alors âgé de 10 ans. «Mozart est trèsprobablement venu jouer dans cetendroit, qui était une des premièressalles publiques de musique enSuisse», explique-t-elle en nous ou-vrant les portes de la bien nomméesalle Mozart. Un espace aujourd’huidévolu au bureau de la présidencede l’exécutif cantonal. FrançoisLongchamp, maître des lieux, passeen coup de vent: «Il ne se passe pasun jour sans que j’évoque Mozart àmes visiteurs. Ces murs sont impré-gnés de sa présence, c’est très spé-cial», confie-t-il, avant de courir àune prochaine séance.

Plus loin, c’est Eugenio Cannarsaqui nous attend place de Longe-malle, devant l’hôtel du même nom.«On pense que les Mozart auraientdormi là. L’hôtel, l’un des plus an-ciens de la ville, s’appelait alors Ba-lance», note le président fondateurde l’Association Mozart Genève. «Laprésence du compositeur à Genèveest importante, c’est ici qu’il a fait leplus long séjour, dans l’espoir derencontrer Voltaire qui vivait nonloin, à Ferney», explique-t-il. Mais lephilosophe de 72 ans, alité, ne rece-

vra pas ce «jeune joueur de clave-cin». Il glissera ces mots à sa confi-dente: «J’étais très malade quand cephénomène a brillé sur le noir hori-zon de Genève. Enfin il est parti àmon très grand regret sans que jel’aie vu.» Au matin du 11 septembre,Mozart tournera donc le dos à cetteville qui paraît aujourd’hui l’avoiroublié. «Nous allons prendre contactavec les autorités pour faire poserune plaque à l’Hôtel de Ville», tem-père Eugenio Cannarsa.

Ce mélomane n’est pas le seul àvouloir raviver les mémoires. En lon-geant le lac, on tombe sur une stèle

de l’«Itinérairesuisse de Mozart»à Prangins. Unepatiente initiativede la clavecinisteChristina Kunz,qui entend re-constituer tout letracé des Mozart

à travers la Suisse. Quinze stèles sontdéjà disposées, d’Avenches à Mou-don en passant par Baden. Darda-gny, Coppet et Morges devraient sui-vre cet automne. «Nous sommes entrain de créer deux cartes, explique-t-elle. L’une avec le chemin originalemprunté par Mozart, et l’autre avecles sentiers d’aujourd’hui qui s’enapprochent le plus.» Elle ne nous envoudra pas d’emprunter une voieplus rapide pour rejoindre Lau-sanne, où la calèche des Mozart a faithalte cinq jours.

C’est aux abords du Café Mozartque René Spalinger, président de l’As-sociation Mozart Lausanne 1766 etauteur d’un ouvrage sur le sujet*,nous expose les raisons de l’étapevaudoise: «Le jeune musicien a étéreçu par le prince de Wurtemberg,grand animateur de la vie culturellede l’époque et lui-même flûtiste, quil’a probablement invité à donner desconcerts dans sa demeure du Grand-Montriond, entre Lausanne et Ouchy,aujourd’hui disparue», note-t-il. Mo-zart lui écrira même des solos pourflûte traversière, malheureusementperdus.

Crayon hâtif et génialMieux documentées sont les

deux prestations des 15 et 18 sep-tembre à l’Hôtel de Ville. ChristianZutter, chef du protocole, nous enouvre les portes pour les refermersur une place de la Palud bondéede monde en pleine pause demidi. En haut d’un bel escalier,une plaque commémorative estapposée devant la salle devenuecelle du législatif de la ville.«Quand je fais visiter les lieux à deshôtes, je les arrête toujours là pourleur expliquer la présence de Mo-zart. C’est un nom universel!»,sourit Christian Zutter. A l’inté-rieur de la salle, seuls quelqueséléments ont survécu aux rénova-tions successives, dont la bellehorloge du XVIIe siècle. Elle qui avu jouer Mozart n’en dira rien, se

contentant d’indiquer qu’il estgrand temps de rejoindre Zurich.

Après Payerne, Avenches, Morat,puis Berne où ils font halte une se-maine, les Mozart y entrent le 28 sep-tembre, attirés par l’aura du poète Sa-lomon Gessner. L’auteur des fa-meuses Idylles invite le jeune prodigeà venir jouer chez lui, non loin duMünster. Aujourd’hui, sa maison esttoujours là, tout comme la«Haus  Zum Schwert» où la familleMozart, ajoutant ce nom à une longueliste d’hôtes célèbres, a séjourné.

Mais c’est sur l’autre rive de laLimmat, dans les combles de la Bi-bliothèque centrale, qu’un docu-ment précieux fait la fierté de laville: un manuscrit original, le seulconservé à avoir été composé enSuisse, où le jeune musicien a es-quissé une marche, peut-être pourpiano, lors de son séjour zuri-chois. Afin que la discrète Suissene le soit pas au point d’oublier lepassage de cet enfant, devenu l’undes plus grands compositeurs del’histoire. Et l’on admire ce coupde crayon hâtif et génial, laissantla calèche des Mozart continuer salongue route vers Winterthour,Schaffhouse, Munich. Puis, enfin,Salzbourg: cette ville natale que lemusicien, devenu célèbre danstoute l’Europe, ne cessera plus dequitter. I> www.mozartweg.ch* René Spalinger, Quand Mozart passait àLausanne, Ed. Slatkine, 2006.

MANUSCRIT En octobre 1766, Mozart se serait produit deux fois à Zurich, comme l’attesteun feuillet d’annonce de concert, au verso duquel le jeune Mozart a griffonné au crayon unepetite composition, vraisemblablement pour piano. «C’est le seul manuscrit authentifié quisoit composé et conservé en Suisse. Une pièce très importante pour la littérature juvénile deMozart, qui ne contient pas beaucoup de numéros pour piano», explique Urs Fischer, du dépar-tement de musicologie de la Bibliothèque centrale de la ville, en dévoilant ce grand feuillethabituellement soustrait à la vue du public. «C’est une petite marche. Cela paraît simple, maisc’est en fait assez difficile à jouer bien!»

KLAVIERSTÜCK IN F (KV 33B, EXTRAIT)/ZENTRALBIBLIOTHEK ZÜRICH, HANDSCHRIFTENABTEILUNG

LAUSANNE Au premier étage de l’Hôtel de Ville, dans la salle des Deux Cents devenue celledu Conseil communal, Mozart a donné deux concerts, les 15 et 18 septembre 1766, comme lesignale une plaque commémorative à l’entrée. La salle a été rénovée en 2007: le plafond enbois, le beau poêle en faïence et la pendule de 1670 sont les seuls éléments encore d’époque.A noter que les concerts de Mozart auront un remarquable écho à Lausanne, donnant lieu auseul article en français analysant l’art du jeune virtuose, dans «Aristide ou le Citoyen». On y lit,sous la plume du Docteur Auguste Tissot, cette conjecture à son sujet: «L’on peut prédire,avec confiance, qu’il sera un jour un des plus grands maîtres dans son art.» TR

La Liberté vous emmène sur les tracesd’artistes qui, du XVIIIe au XXe siècle,sont passés plus ou moins longtempspar la Suisse, ou s’y sont installés. A venir, samedi 22 août: Bela Bartok.

LES LIEUX QUI COMPTENT

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LES LIEUX QUI COMPTENT

LE GRAND TOUR

1763 En juillet, Leopold Mozart, sonépouse Anna Maria et leurs deux en-fants quittent Salzbourg pour une tour-née à travers l’Europe. Wolfgang a 7 ans,et sa sœur Nannerl va avoir 12 ans.

1764Après Francfort (où Mozart jouedevant le jeune Goethe de 7 ans sonaîné), Bruxelles puis Paris où elle res-tera cinq mois, la famille Mozart arriveà Londres pour une année.

1765 En juillet, les Mozart quittent Lon-dres pour rejoindre les Provinces-Unies,Anvers, La Haye et Amsterdam.

1766 De retour à Paris en mai, la familleMozart reprend la route de Salzbourgdeux mois plus tard, en passant parLyon. Plutôt que l’Italie, Leopold choisitde traverser la Suisse, dans l’espoir derencontrer Voltaire à Genève. TR

GENÈVE L’emplacement des concerts genevois de Mozart est longtemps resté un mystère.En 2005, une rénovation de cette salle de l’Hôtel de Ville, aujourd’hui devenue la salle Mozart,un open space administratif aux élégants plafonds à voussures, lève le voile. «L’ancien conseil-ler d’Etat Robert Cramer avait imaginé un énorme secrétariat ici. Lorsque les travaux pour leréaliser ont commencé, on a découvert ces anciennes peintures murales, et on s’est aperçu enretrouvant d’anciens plans qu’un groupe de mélomanes y avait installé, dès 1718, une des pre-mières salles publiques de musique à Genève. Un petit événement, car écouter de la musiquepour le plaisir ne faisait pas vraiment partie de l’idéologie calviniste…», explique Isabelle Bru-nier de l’Office du patrimoine et des sites de la ville. TR

ZURICH Lors de sa venue sur les bords de la Limmat, Mozart aurait logé dans l’Hotel ZumSchwert (Hôtel de l’Epée), établissement de prestige où les têtes couronnées aimaient àséjourner, aussi bien que les artistes (Goethe, Casanova) et les musiciens (Brahms, Wagner ouLiszt). Une petite plaque commémorative, apposée à l’entrée, le rappelle aux passants.Aujourd’hui, le rez-de-chaussée est occupé par des boutiques de luxe alors que les étages ontété transformés en appartements privés. TR

CHEZ GESSNER Le 28 septembre 1766, les Mozart arrivent à Zurich, où ils rendent visite àSalomon Gessner quelques jours plus tard. «Il faut dire que Léopold n’allait jamais voir desgens de second ordre. Il faisait tout pour rencontrer des gens cultivés, à même de comprendrequi était cet enfant extraordinaire», note René Spalinger, président de l’Association MozartLausanne 1766. Le poète accueillera la famille, et offrira au jeune musicien quatre volumesdédicacés de ses œuvres, dont deux sont aujourd’hui conservés à Salzbourg. On peut y lireces mots de la main de Gessner à l’attention des géniteurs: «Dès leur plus tendre jeunesse,vos enfants sont l’honneur de la nation et font l’admiration du monde. Heureux parents! Heu-reux enfants!» ZENTRALBIBLIOTHEK ZÜRICH, GRAPHISCHE SAMMLUNG UND FOTOARCHIV

1763 – 1766

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