Samedi 15 mai – 20h

John McLaughlin and the 4th Dimension

John McLaughlin, guitareGary Husband, claviers et batterieÉtienne Mbappé, basseMark Mondésir, batterie

Fin du concert vers 21h30.

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John mcLaughlin and the 4th dimension

Cela fait quarante ans ou presque que John McLaughlin remet obstinément à l’ouvrage la notion de groupe. Il y eut d’abord Mahavishnu, de 1971 à 1975, avec une courte résurgence entre 1984 et 1986. Puis ce fut Shakti (1976-1977), avant le « power trio » de guitaristes avec Paco de Lucía et Al Di Meola. Dans la dernière décennie, il nous gratifia d’un Remember Shakti (1999-2001), versant électrique de son association avec le percussionniste Zakir Hussain.

À chaque fois, le guitariste britannique biberonné au rock et au rhythm and blues affronte une très fine dialectique entre l’improvisation et l’écriture. L’improvisation où il excelle – Miles Davis comme Jimi Hendrix l’ont admiré pour cela – et l’écriture qui lui permet d’asseoir une dramaturgie et structurer des albums délibérément conçus comme des œuvres formelles. Entre les notes, en filigrane, depuis toujours, le natif du Yorkshire laisse percer une préoccupation de spiritualité. Pour lui, il s’agit d’un mysticisme très personnel, loin des codes d’une religion particulière, qu’il choisit d’ancrer du côté de l’Inde.

Le tout nouveau groupe The 4th Dimension s’inscrit tout naturellement dans cette continuité. La conception totalement fusionnelle (organique, comme l’on dit aujourd’hui) du quartette affiche un son sacrément électrisant. Le groupe fait fonction de porte-avions mouvant. Les solos peuvent décoller à tour de rôle, le retour au bercail s’effectuera un peu plus loin, là où les trois autres tendront les oreilles. Une autre manifestation de cette continuité est l’approfondissement de la dimension spirituelle. C’est en s’immergeant à nouveau dans A Love Supreme, le chef-d’œuvre de John Coltrane qui l’avait envoûté dès 1965, que John McLaughlin a conçu le répertoire de The 4th Dimension pour un album et la tournée actuelle. La musique en a été écrite durant l’été 2009 et enregistrée en décembre dans des conditions proches du concert, avec très peu d’ajouts a posteriori. Le leader a nommé son album on ne peut plus explicitement : To the One. Les titres des six mouvements sont tout aussi limpides : « Discovery » ; « Special Beings » ; « The Fine Line » ; « Lost and Found » ; « Recovery » ; « To the One ». Pour autant, on est aux antipodes des clichés de la méditation planante. Il est ici davantage question de fièvre et de transe, d’urgence et de nécessité, de détermination et d’avancée.

Les partis pris rythmiques n’y sont pas pour rien : il y a là comme un équivalent très actuel de la profusion rythmique qu’assurait Elvin Jones auprès de Coltrane. Au vu du casting du quartette, on voit bien que John McLaughlin a depuis longtemps assimilé la grande leçon de Miles Davis sur l’alchimie d’un groupe et l’art de savoir s’entourer. Le leader peut zigzaguer, papillonner, filer ventre à terre ou rêvasser

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sur une ballade, ses acolytes se débrouillent pour que la Terre continue de tourner. Résultat, avec ce groupe le guitariste largue les amarres en s’abandonnant à ce fameux « lâcher prise » sans lequel le jazz ne peut aborder des rives inexplorées.

Interrogé sur le choix de ses partenaires, McLaughlin livre les clés : « Gary Husband est un vrai multi-instrumentiste. Dans The 4th Dimension, il joue des claviers, mais il peut passer à la batterie avec une facilité déconcertante. Il a joué avec de nombreux musiciens, notamment Allan Holdsworth, Jack Bruce, Jeff Beck, Mike Stern, Christian McBride, Billy Cobham, Mike et Ian Carr, Yaron Herman, Bob Berg, Gary Moore, Level 42 et Robin Trower. Il a également, en tant que leader, tourné et enregistré avec ses propres groupes, dont ont fait partie des musiciens comme Randy Brecker, Jerry Goodman, Matthew Garrison ou Jim Beard, et joue avec moi depuis quatre ans en concert et en studio. » La complicité de John McLaughlin avec son batteur est similaire : « La réputation de Mark Mondésir, formidable batteur, est établie depuis bien longtemps maintenant. Il a été très actif sur la scène londonienne avec des musiciens tels que Courtney Pine ou Julian Joseph, et sur la scène internationale avec Mc Coy Tyner, Ravi Coltrane, Gary Thomas, Wynton et Brandford Marsalis, John Scofield, Jeff Beck, Joe Zawinul, et bien d’autres encore. Mark est présent sur certains de mes enregistrements depuis 1995, et très régulièrement ces quatre dernières années. » Par contre, la présence à la basse du camerounais Étienne Mbappé, qui a longtemps hanté les nuits des clubs parisiens, est plus inattendue. « Étienne M’Bappé est un des plus grands bassistes d’aujourd’hui, affirme son patron. Il a joué avec des artistes tels que Ray Charles, Salif Keita, Manu Dibango, Steps Ahead, ainsi que le groupe de fusion parisien Ultramarine, avant de créer son propre groupe, Su La Take. Étienne vient juste de rejoindre The 4th Dimension, et Gary, Mark et moi-même sommes très heureux de sa présence. » C’est lorsqu’il l’a entendu en concert avec Joe Zawinul que McLaughlin avait été emballé par Mbappé. Il n’est qu’à voir les yeux du bassiste lorsqu’il est pris en sandwich sur scène entre les deux batteries – quand Gary Husband quitte ses claviers – pour constater que l’osmose s’est opérée.

Cette cohésion recherchée est une trace supplémentaire de l’inspiration que John McLaughlin est allé puiser dans A Love Supreme. Car au-delà de la quête spirituelle ô combien personnelle de John Coltrane, l’imbrication parfaite des trois autres membres de son quartette (le pianiste McCoy Tyner, le bassiste Jimmy Garrison et le batteur Elvin Jones) dans la « suite » reste une magistrale leçon de musique et de jeu collectif. « Je me sens toujours comme un étudiant, face à Coltrane, confiait récemment John McLaughlin au journaliste John Kelman. Trane a un impact sur moi qui m’affectera jusqu’à mon dernier souffle, mais il n’est pas le seul. Miles Davis est de ceux-là, bien sûr, mais aussi des pianistes tels que Herbie Hancock, Chick Corea,

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Gonzalo Rubalcaba et Bill Evans. N’oubliez jamais que j’ai commencé la musique par le piano ! Il faudrait aussi rajouter quelques musiciens indiens sans qui je ne serais pas ce que je suis, notamment T. R. Mahalingam, Balachander ou Harishankar, la liste est longue… » Et si on inversait les rôles pour commencer à faire le compte de tous ceux qui sont aujourd’hui marqués par les musiques de John McLaughlin ?

Alex Dutilh

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