Sagalassos Guide du Visiteur

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Ce guide est publié dans le cadre d’un projet financé par le Programme de Financement 2011 de la West Mediterranean Development Agency avec la référence TR61/11/TURİZM/KAMU/01-35, intitulé “Valorisation et promotion des ressources culturelles et naturelles d’Ağlasun dans la perspective du tourisme durable” Sagalassos Guide du Visiteur

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Ce guide est publié dans le cadre d’un projet financé par le Programme deFinancement 2011 de la West Mediterranean Development Agency avec la référence

TR61/11/TURİZM/KAMU/01-35, intitulé “Valorisation et promotion des ressourcesculturelles et naturelles d’Ağlasun dans la perspective du tourisme durable”

Sagalassos Guide du Visiteur

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Au sud-ouest de la Turquie, à environ cent kilomètres au nord de la station balnéaire d’Antalya, se trouve Sagalassos. La région fait aujourd’hui partie de la province de Burdur. Les vestiges de la cité antique sont nichés au cœur du Taurus, la chaîne montagneuse qui sépare la côte méditerranéenne, au sud, du haut plateau anatolien, au nord.

Pendant des siècles, Sagalassos fut la cité la plus importante de l’antique région de Pisidie. Ses vestiges s’étendent sur un versant montagneux orienté au sud, à une altitude variant entre 1450 et 1600 mètres. Plus loin vers l’est s’élève le majestueux Akdağ, dont le sommet atteint les 2271 mètres.

Au cours de son histoire, Sagalassos a peu a peu pris le contrôle de plusieurs vallées environnantes. La première et plus importante d’entre elles — à partir du 2ème siècle avant notre ère au moins — est la vallée de Burdur. En contrôlant les vallées alentours, la cité entra en possession de terres agricoles fertiles. Elle était de ce fait reliée aux importantes voies de communications qui sillonnaient l’Anatolie à la période romaine. A l’époque d’Auguste, les vallées de Bağsaray et Çeltikçi, plus au sud, furent à leur tour contrôlées.

Ce guide vous sera triplement utile. Il est d’abord destiné à enrichir votre visite à Sagalassos. Une fois rentrés à la maison, il vous rappellera bien des souvenirs. Enfin, il constituera une excellente introduction sous forme de texte et d’images pour ceux qui n’ont pas (encore) eu la chance de se rendre sur ce site magnifique.

Vous y trouverez :

• une courte histoire de la ville et de sa région de 10.000 avant J.-C. jusqu’au 13ème siècle de notre ère.

• une version adaptée des textes et des images qui figurent sur les panneaux d’information disséminés sur le site, qui vous donneront un aperçu complet de l’histoire de la ville et de ses monuments.

• enfin, un témoignage du professeur Marc Waelkens, le découvreur du site.

Bonne lecture !

Pourquoi est-on venu s’établir sur les flancs d’une montagne abrupte ?

Malgré la rudesse du paysage, les anciens avaient de bonnes raisons de s’installer à cet endroit. Choisir un emplacement sûr était une priorité, de même que l’abondance des sources naturelles. Grâce à une géologie particulière — une couche de calcaire perméable sur de l’argile — des dizaines de sources affleurent autour de Sagalassos. Le sous-sol regorge en outre de matières premières, telles que de l’argile pour façonner de la poterie, de la bonne pierre de taille ou du minerai pour la production de métal. Les vallées alentours étaient alors plus fertiles qu’aujourd’hui. Quand la ville atteint son apogée durant la période romaine, sa position favorable par rapport aux voies de communication qui reliaient le plateau anatolien aux régions côtières de la Mer Égée à l’ouest et de la Pamphylie au sud, en faisait un site de choix. Sagalassos avait un grand pouvoir d’attraction lié à son prestige et à son ouverture sur l’extérieur. La production de céréales, d’olives, de bois de pin et d’une céramique à engobe rouge de qualité formaient la base de l’économie et étaient exportés.

Sagalassos : Un bref aperçu historique

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Les plus anciennes traces d’une présence humaine dans la région remontent à 10.000 avant J.-C. Les premiers établissements sédentaires sont apparus vers 6500 avant notre ère. On fabriquait déjà à cette époque de la céramique. Vers 4000, les premiers établissement agricoles sont attestés dans la vallée d’Ağlasun. Ils se développent rapidement : mille ans plus tard, la région est parsemée d’établissements qui contrôlent chacun un territoire. Cette évolution s’arrête brutalement vers 2300/2200, lorsque les Louvites et les Hittites, peuplades Indo-Européennes, migrent vers l’Anatolie. Vers le 14ème siècle avant notre ère, Sagalassos se retrouve dans la sphère d’influence louvite. Des importations mycéniennes attestent de contacts extérieurs. Peu après 1200 vont se succéder les grandes puissances de l’Age du Fer : Phrygiens, Lydiens, suivis des Perses, dominent l’Anatolie. Les anciens États Louvites éclatent en plusieurs entités. Parmi ces groupes, les Pisidiens peuplent la région de Sagalassos.

Auguste, premier empereur de Rome (27 avant J.-C. - 14 après J.-C.), est sans doute le personnage le plus influent de toute l’histoire de Sagalassos. Il n’est toutefois pas question d’intervention directe : sous son règne, la paix, propice aux investissements, une réforme de la fiscalité et une route reliant Sagalassos à la mer furent autant d’éléments qui ont favorisé la croissance de la ville. Le climat était également plus clément : on pouvait cultiver des olives 500 mètres plus haut que de nos jours. Les membres de l’élite locale saisirent immédiatement ces nouvelles opportunités, principalement en matière économique. Forte de ces atouts, Sagalassos s’imposa peu à peu sur l’échiquier - au contraire du reste de la Pisidie - sans toutefois perdre son identité. Avec le 1er siècle s’amorça une période de grande prospérité pour Sagalassos.

Entre 124 et 132 après J.-C., l’empereur Hadrien a visité l’Asie Mineure trois fois. C’est sans doute à l’occasion d’une de ces visites qu’il prit une décision qui allait changer le cours de l’histoire de Sagalassos : la ville fut détachée de la province de Galatie pour être incorporée à celle de Lycie-Pamphylie. Il accorda alors à la ville le privilège recherché de devenir le siège du culte impérial pour toute la Pisidie. Elle reçut également le titre honorifique de “première ville de Pisidie”. Ce fut le couronnement des ambitions poursuivies par Sagalassos depuis l’époque d’Auguste, mais aussi la reconnaissance d’un état de fait. S’initia alors une période de prospérité sans précédent, marquée par une intense activité économique et architecturale, qui perdura jusqu’au 3ème siècle.

Sagalassos avant SagalassosLa pré- et la protohistoire (de 10.000 à 546 avant J.-C.)

La métamorphose d’une ville L’empereur Auguste et le 1er siècle après J.-C.

“La première ville de Pisidie” Hadrien et les 2ème et 3ème siècles

Sagalassos, cité grecqueLes périodes perse et hellénistique (du 6ème au 1er siècle avant J.-C.)

Déjà au temps des Perses, on retrouve des influences grecques en Anatolie. C’était sans doute aussi le cas à Sagalassos. Cette présence de la culture hellénique s’accéléra à la suite de la conquête d’Alexandre le Grand, et prolongea jusque pendant la période romaine. Sagalassos devient rapidement une ville indépendante, une polis à la grecque dotée d’institutions autonomes. Cette dimension plus ‘progressiste’ explique sans doute en partie l’ascendant que prit la cité sur ses voisines, notamment sur le site proche de Düzen Tepe, qui finit par être abandonné.

Ces plats en céramique datés de 6000 à 5800 avant J.-C. proviennent de l’un des plus anciens établissements permanents d’Anatolie occidentale : Hacilar, situé à 25 kilomètres à l’ouest de Burdur. Le site était déjà habité vers 6500 avant notre ère. © Musée de Burdur

Urne cinéraire en forme de maison datée du 2ème siècle avant J.-C. Elle recueillait les cendres et les ossements brulés du défunt. Sur une des faces latérales, on aperçoit un bouclier à tête de lion avec, croisées à l’arrière, une épée et une lance. Cette iconographie renvoie à la réputation belliqueuse des habitants de Sagalassos. L’urne provient de la nécropole sud. © Marc Waelkens

La Via Sebastè, construite par Auguste en 6 après J.-C., reliait le territoire de Sagalassos aux ports de la côte pamphylienne, au sud. Carte d’après R. Rens et J. Theelen, 2012

Sur cette inscription, Sagalassos vante fièrement son nouveau titre. Il est écrit en grec : “La cité des Sagalassiens, première ville de Pisidie, amie et alliée des Romains”. Ce texte figurait sur la base d’une statue de l’empereur Caracalla, qui accorda en l’an 212 de notre ère la citoyenneté romaine à tous les hommes libres. Ce piédestal se trouvait sur l’Agora Supérieure

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Après les influences grecques et l’intensité de la période romaine, Sagalassos subit à partir du 4ème

siècle de notre ère un troisième changement profond : la christianisation. Elle s’accompagna d’importants changements politiques, ainsi que d’une reprise de l’activité architecturale qui était en recul depuis environ 235 après J.-C. A partir du 5ème siècle, la christianisation devient particulièrement visible, avec notamment l’apparition d’églises.

Après l’abandon définitif de la ville au 13ème siècle, il fallut attendre jusqu’en 1706 pour voir Sagalassos émerger du passé. L’honneur échut à Paul Lucas, un diplomate français au service de Louis XIV. Jusqu’à la fin du 19ème, Sagalassos resta un sujet d’étude anecdotique comparé aux grandes fouilles de la côte égéenne. Le comte polonais Karol Lanckoroński fut un des rares à y accorder réel un intérêt scientifique. Au 20ème siècle, des archéologues s’intéressèrent à quelques aspects des vestiges antiques. Mais c’est à partir de 1983 que Marc Waelkens y dirigea quatre campagnes de fouilles sous la direction de Stephen Mitchell. En 1990, il obtint la permission de fouiller la cité et prospecter son territoire en son nom.

Une culture nouvelle : la christianisation de Sagalassos Les 4ème et 5ème siècles

Surprise et enthousiasmeLa redécouverte de Sagalassos (1706-1982)

Une fin en plusieurs étapes Le 6ème siècle et au-delà

A la fin du 6ème et au début du 7ème

siècle après J.-C., trois événements ont provoqué le déclin progressif de Sagalassos : deux tremblements de terres - un au début de chaque siècle - et une épidémie de peste qui survint vers 541-542. Ces événements ne signifièrent pas la fin brutale de l’occupation de la ville : jusqu’au 13ème siècle, des habitants ont en effet continué y vivre de l’agriculture. C’est alors qu’Ağlasun, dans la vallée, prit le relais.

P. Lucas et son compagnon de voyage en frontispice de l’ouvrage relatant leurs explorations. Lucas fut le premier voyageur occidental à redécouvrir les ruines de Sagalassos, le 20 novembre 1706

Vers 120-125 après J.-C., le bienfaiteur Titus Flavius Severianus Neon construisit la Bibliothèque de Neon, qui commémore son nom. Il fut le plus grand mécène de l’histoire de la cité. Sous le règne de l’empereur Julien l’Apostat (361-363 après J.-C.), la bibliothèque fut restaurée en tant que symbole de la culture païenne. Elle reçut un sol en mosaïque, dont le panneau central illustrait le héros grec Achille faisant ses adieux à sa mère la déesse Thétis. A la fin du 4ème siècle, la bibliothèque fut incendiée et la mosaïque détruite, sans doute en raison de son association avec la culture païenne

Vue sur la Colline d’Alexandre depuis la ville. Cette colline conique occupe une place à part dans l’histoire de Sagalassos. “Les Sagalassiens attendaient l’arrivée des troupes macédoniennes sur une colline à l’avant de leur cité. Cette position était aussi facile à défendre que l’étaient les murailles de la ville”, nous raconte l’écrivain Arrien au sujet de la confrontation entre Alexandre le Grand et les Sagalassiens en 333 avant J.-C., qui se solda par la défaite de ces derniers. Aux 12ème et 13ème siècles de notre ère, la colline était occupée par une garnison qui fut sans doute détruite par les Turcs Seldjoukides

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1 Colline d’Alexandre

2 Temple d’Hadrien et Antonin le Pieux

3 Fortifications byzantines

4 Rue à Colonnades

5 Porte tibérienne

6 Agora Inférieure

7 Nymphée sévérien

8 Nymphée d’Hadrien

9 Temple d’Apollon Klarios et sa basilique chrétienne

10 Odéon

11 Thermes impériaux

12 Villa Urbaine

13 Macellum

14 Agora Supérieure

15 Nymphée antonin

16 Bouleuterion

17 Basilique de St Michel

18 Temple Dorique

19 Heroön nord-ouest

20 Martyrium du stade

21 Fontaine hellénistique

22 Bibliothèque de Neon

23 Théâtre

24 Quartier des Potiers

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entrée

Une promenade à Sagalassos

Itinéraire A : une heure / 1,5 km

Itinéraire C : trois heures / 4 km

Itinéraire B : deux heures / 2,5 km

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Le parcours que nous vous proposons vous offrira un aperçu des principaux lieux et monuments de la cité antique. Il débute au sud, le long de la Rue à Colonnades, à partir de laquelle vous pouvez rejoindre l’Agora Inférieure. Vous poursuivrez ensuite votre chemin vers l’Agora Supérieure, avec un détour par le Stade. De retour sur l’Agora Supérieure, le parcours vous emmènera vers le Théâtre et la banlieue est. Cet itinéraire C est le plus long. Deux alternatives, les itinéraires A et B, vous permettront, si vous le souhaitez, d’écourter votre promenade.

A chaque itinéraire, vous pouvez également emprunter à partir de l’Odéon l’ancienne route caravanière. Elle vous mènera à l’Agora Supérieure via le Stade, la Nécropole Ouest, l’Heroön et le Temple Dorique.

Débutons notre parcours pied de la Colline d’Alexandre, à l’endroit où les visiteurs venant du sud entraient en ville.

Itinéraire A : une heure / 1,5 km• Parcourez la Rue à Colonnades jusqu’à l’Agora Inférieure et l’Odéon• Prenez le chemin central qui vous mène à l’Agora Supérieure, via le Macellum et le

point de vue sur la Villa Urbaine• Sur l’Agora Supérieure, ne manquez pas le Nymphée antonin• Visitez également le Bouleuterion, l’Heroön et le Temple Dorique • Empruntez le chemin vers la Fontaine Hellénistique et la Bibliothèque • Redescendez vers la Villa Urbaine via le chemin central• Visitez les thermes avant de sortir

Itinéraire B : deux heures / 2,5 km• Parcourez la Rue à Colonnades jusqu’à l’Agora Inférieure • Visitez le Nymphée d’Hadrien, le Temple d’Apollon Klarios et l’Odéon• Prenez le chemin central qui vous mène à l’Agora Supérieure, via le Macellum et le

point de vue sur la Villa Urbaine• Sur l’Agora Supérieure, ne manquez pas le Nymphée antonin• Visitez également le Bouleuterion, l’Heroön et le Temple Dorique• Empruntez le chemin vers la Fontaine Hellénistique et la Bibliothèque • Montez jusqu’au théâtre et la banlieue est• Redescendez vers la Villa Urbaine via le chemin central• Visitez les thermes avant de sortir

Itinéraire C : trois heures / 4 km • Parcourez la Rue à Colonnades jusqu’à l’Agora Inférieure et l’Odéon• Visitez le Nymphée d’Hadrien, le Temple d’Apollon Klarios et l’Odéon• Prenez le chemin central qui vous mène à l’Agora Supérieure, via le Macellum et le

point de vue sur la Villa Urbaine• Sur l’Agora Supérieure, ne manquez pas le Nymphée antonin• Visitez également le Bouleuterion, l’Heroön et le Temple Dorique• Descendez vers la Nécropole Ouest et le Stade• Remontez à l’Heroön et empruntez le chemin vers la Fontaine Hellénistique et la

Bibliothèque• Montez jusqu’au théâtre et la banlieue est• Redescendez vers la Villa Urbaine via le chemin central• Visitez les thermes avant de sortir

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Lorsqu’Alexandre le Grand s’approcha de Sagalassos avec son armée en 333 avant J.-C., les Sagalassiens défendirent leur cité depuis la “Colline d’Alexandre”. A cette époque, Sagalassos était déjà un des établissements les plus importants de Pisidie. La colline, de forme conique, se distingue par son sommet plat et ses trois pentes escarpées. Point stratégique de par sa position et sa hauteur, elle permettait de contrôler l’entrée sud de Sagalassos. Alexandre, victorieux, s’empara de la ville, qui fit alors son entrée dans le monde hellénistique.

La colline n’a probablement jamais été habitée. Durant la période romaine, une des quatre nécropoles de la ville

s’étendait sur ses flancs. Cette nécropole sud, avec sa superficie de 15,7 hectares, était la plus ancienne et la plus étendue de la cité. A son sommet s’élevait sans doute un temple païen, remplacé au 5ème ou au 6ème siècle de notre ère par une église. Des fouilles on démontré qu’elle fut rénovée aux alentours de l’an 1000.

Les restes les plus récents datent des environs de l’an 1200 après J.-C., lorsqu’une garnison y fut établie. En 1204, ce fort fut conquis, brûlé et abandonné.

La Colline d’AlexandreUn lieu chargé d’histoire

Linteau de porte en calcaire découvert lors des fouilles au sommet de la Colline d’Alexandre. Daté vers 900-1000 de notre ère, il provient d’une église autrefois érigée au sommet

Le temple du culte impérial pour toute la Pisidie, dédicacé à Hadrien divinisé et Antonin le Pieux, vers 125-145 après J.-C.(d’après G. Niemann, 1884)

Un sarcophage de la nécropole sud, qui s’étendait autour de la Colline d’Alexandre

Fragments d’entablement montrant une partie de la dédicace du Temple d’Hadrien et Antonin le Pieux. Le fragment droit, resté à la surface du sol, est passé inaperçu pour l’équipe du comte K. Lanckoroński en 1884-1885. Le morceau attenant a été découvert lors d’un sondage récent. Le texte grec de la première phrase [ΘΕ] Ω ΑΔΡІΑΝΩ signifie “à Hadrien divinisé” et indique que l’empereur était à ce moment-là décédé. En-dessous, un fragment du titre honorifique “Sagalassos, première cité de Pisidie”

L’empereur Hadrien (117-138 après J.-C.) accorda à Sagalassos le titre de siège officiel du culte impérial pour la province de Pisidie. Cet événement marqua le début de l’Age d’Or de la cité, qui s’est notamment manifesté par une vague sans précédent de nouvelles constructions. Hadrien accorda également à la ville le titre honorifique de “première cité de Pisidie, amie et alliée des Romains”.

Le prestigieux temple impérial fut construit sur une terrasse naturelle au sud de la ville, ce qui le rendait visible de loin. L’édification commença sous Hadrien et fut achevée sous le règne de son successeur Antonin le Pieux (138-161 après J.-C.). Une fois terminé, le temple était un des édifices les plus élaborés de toute la ville, avec une avant-cour de plus de 70 mètres de long et un mur d’enceinte entourant l’ensemble du complexe. Une inscription monumentale sur la façade proclamait fièrement le titre honorifique obtenu par la ville.

Chaque année, des délégations provenant de toutes les villes de Pisidie se réunissaient pour honorer l’empereur lors de sacrifices, festivals et autres processions le long de la Rue à Colonnades. Le temple est resté le siège du culte impérial jusqu’à la fin du 4ème siècle. Son avant-cour était remplie de statues et de monuments honorifiques dédiés aux empereurs, aux prêtres et aux champions victorieux des jeux et festivals. A partir de la fin du 4ème siècle, des habitations privées ont commencé à envahir l’espace du temple. La colline, idéalement fortifiée, resta l’un des secteurs les plus longuement habités de Sagalassos. Au 13ème siècle, les habitants s’établirent dans la vallée, à l’emplacement actuel d’Ağlasun.

Le Temple d’Hadrien et Antonin le Pieux Un nouveau temple pour le culte impérial

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L’entrée sud de Sagalassos date de l’époque préromaine. Elle était constituée d’une porte flanquée de deux tours, qui furent démantelées jusqu’aux fondations à une période plus tardive. Au milieu du 7ème siècle de notre ère, elles furent entièrement reconstruites et reliées entre elles par un mur massif qui bloque toujours aujourd’hui la rue pavée. Vous noterez dans celui-ci la présence de nombreux blocs recyclés à partir d’autres monuments. Seule une des deux tours a été fouillée.

Les tours faisaient face au nord, côté centre-ville. Leur configuration créait un goulot d’étranglement destiné à bloquer les envahisseurs (probablement des Arabes) qui attaquaient en direction du sud, depuis la montagne. Ce système défensif protégeait la colline sur laquelle s’élevait le Temple d’Hadrien et Antonin le Pieux. Après son abandon à la fin du 4ème siècle, une communauté d’habitants s’établit sur le petit plateau durant la seconde moitié du 5ème siècle.

La porte sudDeux tours et un goulot d’étranglement

Vue aérienne (vers le sud) de la Rue à Colonnades flanquée des deux tours du 7ème siècle. Entre celles-ci, le mur de fortification bloquant le passage. La tour orientale, à gauche, a été fouillée

La Rue à Colonnades après les fouilles, vue vers le nord

Statuettes représentant les divinités Apollon et Hygie. Elles étaient toutes les deux exposées sur des consoles intégrées aux piliers de la colonnade à l’occasion d’une restauration effectuée au 6ème siècle après J.-C

Cette colonne corinthienne à section “en forme de cœur” faisait partie d’un édifice démoli au moment où la rue fut construite. Elle fut alors simplement incorporée dans le portique latéral de la rue. Un des tambours manquants a été recyclé dans le mur de fortification qui bloque la rue, au sud. La colonne telle qu’elle se présente à vous est un assemblage temporaire

La Rue à Colonnades était une élégante avenue pavée et entourée de portiques. Construite durant le second quart du 1er siècle après J.-C., elle est l’une des plus anciennes du genre en Asie Mineure. Sa construction fut une entreprise de grande ampleur : pour disposer d’un terrain plat, il a fallu combler une dépression entre deux collines avec des milliers de mètres cubes de rocher et de terre.

La Rue à Colonnades mesurait environ 300 mètres de long, pour une largeur de 10 mètres. La chaussée pavée était flanquée de deux galeries couvertes (les portiques) larges de 3,5 mètres et pourvues d’une rangée de colonnes côté rue. Juste à l’arrière se trouvaient des boutiques, des restaurants et des ateliers. Pendant le règne de Tibère, des portes monumentales furent construites aux deux extrémités de l’avenue.

Les visiteurs se rendant à Sagalassos par le sud devaient d’abord s’engager sur la route qui commençait au pied de la Colline d’Alexandre. Ils entraient dans la ville par la porte située au sud de la Rue à Colonnades. L’avenue a conservé son apparence plaisante jusqu’au 6ème siècle après J.-C.

La Rue à Colonnades Une avenue de prestige

Restes du mur de fortifications qui bloque la Rue à Colonnades. Construit au 7ème siècle après J.-C., il avait pour fonction de défendre l’établissement tardif établi sur le plateau, juste au sud

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Lorsqu’on construisit la Rue à Colonnades sous le règne de l’empereur Tibère (14-37 après J.-C.), on dota ses deux extrémités de portes monumentales. Elle avaient une fonction purement décorative. La porte nord, d’ordre corinthien, était l’un des monuments les plus raffinés jamais construits à Sagalassos. Au dessus des colonnes, une frise richement décorée de guirlandes de fruits faisait allusion à l’Age d’Or ayant débuté sous l’empereur Auguste.

L’Agora Inférieure de Sagalassos remonte au règne de l’empereur Auguste (27 avant J.-C. - 14 après J.-C.) Malgré son caractère commercial plus marqué que l’Agora Supérieure, elle était aussi décorée de nombreux monuments et statues honorifiques. Des bases de statues inscrites nous révèlent l’importance de certains citoyens de l’époque. Elles sont visibles sur le côté est de la place, qui comportait aussi une galerie de colonnes donnant accès à des magasins situés à l’arrière.

Une colonnade identique s’élevait du côté ouest, mais sans boutiques. Ces colonnades couvertes (ou portiques) protégeaient les piétons du soleil, de la pluie et de la neige. Lorsque l’agora fut rénovée au deuxième quart du 6ème siècle après J.-C., le portique ouest fut subdivisé pour former des établissements divers, tels que des petits restaurants et des tavernes. Dans le portique est, les archéologues ont trouvé les traces d’un grand restaurant composé d’un bar, d’une cuisine, d’une chambre à coucher et d’un espace de stockage.

Du côté nord-ouest, les ruines d’un nymphée, ou fontaine monumentale,

Un escalier monumental permettait d’accéder à la porte. Son équivalent, au sud de la rue à Colonnade, possédait le même plan. Les escaliers ne permettaient pas au trafic sur roues de parcourir l’élégante avenue, qui était uniquement accessible aux piétons et animaux de charge. A cause des escaliers omniprésents dans la ville, le transport était principalement assuré par des animaux de charges, tels que des ânes ou des bœufs. La Rue à Colonnades servait également de cadre aux processions religieuses.

La porte tibérienne fut fortement endommagée par le tremblement de terre de 500 après J.-C. Après le cataclysme, on répara l’escalier en recyclant certains blocs de la porte. A l’angle nord-ouest se dressait également une statue de l’empereur Julien l’Apostat.

La Porte tibérienneUne porte impériale

L’Agora InférieureUne place publique

Reconstitution de la porte tibérienne (14-37 après J.-C.) d’après C. Licoppe

(1) Agora Inférieure (2) Portique est (3) Portique ouest (4) Nymphée sévérien (5) Nymphée d’Hadrien

Une des statues de la déesse Victoire qui ornait le nymphée. Début du 3ème siècle après J.-C. Exposée au Musée de Burdur 1

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sont bien visibles. Le bassin de puisage, toujours en place, se remplissait via une cascade jaillissant du mur arrière. Il offrait aux passants un rafraichissement bienvenu. Les 8 niches visibles dans le mur de brique contenaient à l’origine des statues, entourées de colonnes sur piédestaux.

Vers 120-125 de notre ère, au temps des empereurs Trajan et Hadrien, la partie nord-est de l’agora fut profondément remodelée. Un mur courbe, visible à l’est du nymphée, fut construit pour marquer l’accès à la place. On a du pour cela démolir la neuvième niche de la fontaine. Une petite fontaine en forme de niche est visible au milieu du mur, qui était également orné des bustes des six divinités les plus importantes de Sagalassos. Deux d’entre eux représentant Hercule et Arès sont encore en place; les autres sont exposés au musée de Burdur.

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Cet emplacement remarquable, situé au bout de la Rue à Colonnades et dominant l’Agora Inférieure, était idéal pour construire le temple d’Apollon Klarios , érigé sous le règne de l’empereur Auguste (27 avant J.-C. - 14 après J.-C.). Le premier temple était un petit édifice d’ordre ionique pourvu de demi-colonnes en façade, de même, sans doute, qu’à l’arrière.

Avant même la construction du temple, Apollon était déjà une des divinités principales de Sagalassos. Auguste, le considérant comme son dieu protecteur, lui donna une importance particulière. Dédier un temple à Apollon devint dès lors une façon d’honorer l’empereur lui-même. A partir du règne de Vespasien (69-79 après J.-C.), le temple devint le siège officiel du culte impérial. Il fut rénové en 103-104 de notre ère, en partie au moyen de fonds privés. L’intérieur fut alors revêtu de marbre et des colonnes érigées le long des quatre côtés extérieurs de l’édifice. C’est alors que le culte impérial devint véritablement visible dans la topographie de Sagalassos.

Après la construction du Temple de Hadrien et Antonin le Pieux, le Temple d’Apollon Klarios n’eut plus qu’une importance secondaire pour le culte impérial, et perdit son usage vers l’an 400. Cinquante ans plus tard, il fut transformé en basilique chrétienne. On réutilisa à cette occasion les éléments constructifs du temple. Les fouilles ont montré qu’après son abandon, l’église a servi de dépotoir. Entre le 10ème et le 13ème siècles, le lieu abrita un cimetière chrétien.

Dès le règne de l’empereur Auguste, Sagalassos possédait un complexe de thermes (10-30 après J.-C.) Ce sont les plus anciens bains de ce type connus jusqu’ici en Anatolie. Lorsque les thermes impériaux ont été édifiés au début du 2ème siècle après J.-C., les Vieux Bains ont été intégrés aux nouvelles structures. C’est en fouillant celles-ci qu’on a retrouvé la trace de la phase ancienne.

Les Vieux Bains étaient équipés de piscines froides et chaudes, mais sans doute aussi d’un bain de vapeur. Des bains de types similaires sont notamment connus à Pompéi, en Italie. La présence à Sagalassos de bains à l’Italienne s’explique-t-elle par l’arrivée dans la région de vétérans provenant du sud de l’Italie ?

Le Temple d’Apollon KlariosUn temple pour Apollon... et Auguste

Les Vieux BainsUn établissement de bains à l’italienne

Le Temple d’Apollo Klarios après la rénovation du 2ème siècle (d’après G. Niemann, 1884)

Détail d’un des chapiteaux ioniques réutilisés dans l’élévation de l’église construite vers 450 après J.-C. La colonne et le chapiteau ont été relevés lors des fouilles, en 2005

Plan des Thermes Impériaux. Les murs en forme d’abside des Vieux Bains sont visibles en rouge

L’extrémité sud des Vieux Bains, construits vers 10-30 après J.-C. Les vestiges des trois absides, en appareil polygonal, sont bien visibles

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L’empereur Hadrien (118-137 après J.-C.) accorda à Sagalassos l’honneur très recherché de devenir le siège du culte impérial pour toute la Pisidie. A cette occasion, on construisit un nouveau complexe de thermes destiné à accueillir le public qui assistait chaque année aux festivals du culte impérial. L’édification du complexe prit plus de quarante ans, entre 120 et 165 de notre ère. Les nouveaux thermes remplacèrent les Vieux Bains présents à cette endroit bien exposé sur une pente naturelle. Afin de combler la différence de niveau, on construisit de larges salles voûtées souterraines.

D’une superficie d’au moins 1500 m2, ce qui était le plus grand édifice de Sagalassos possédait une structure en béton à parement de briques. Les murs externes en maçonnerie de pierre, plus massifs, avaient à certains endroits une épaisseur de 4 mètres. Le complexe se développait sur deux niveaux et était de taille comparable aux thermes d’Éphèse. L’intérieur était somptueusement décoré, avec diverses sortes de marbres coûteux

et des statues. Hadrien lui-même a sans doute offert certains marbres de provenance exclusive.

Les thermes étaient organisés en deux séquences de bains froids, tièdes et chauds pour hommes et femmes. On y trouvait également des vestiaires, des salles de sudation et des espaces de service. Une grande piscine et des toilettes complétaient l’ensemble, réel centre de délassement avant la lettre.

Vers l’an 400 après J.-C., de nombreux espaces changèrent de fonction à l’occasion d’un grand programme de rénovations. Le frigidarium (ou salle froide) devint par exemple un grand hall public où on organisait vraisemblablement des banquets. Les statues colossales des empereurs et impératrices furent alors déplacées et exposées dans les niches de l’aile sud, qui était jusqu’alors utilisée comme vestiaire (apodytérium). Elles devaient former un décor impressionnant pour les banquets.

Les Thermes ImpériauxDes bains luxueux

Plan des Bains ImpériauxT : tépidarium C : caldarium F : frigidarium P : praefurnium S : puits de service A : apodytérium IH : ‘salle impériale’ BH : salle de banquet SG : galerie des statues

Détail du pavement du Frigidarium 2. Composé de plaques carrées et octogonales de marbre et autres pierres colorées (opus sectile), il est attribué à la phase de rénovation de 400 après J.-C.

Ce chapiteau de pilastre Corinthien en marbre témoigne de la richesse du décor intérieur des thermes

Découverte à leur emplacement original des jambes de la statue colossale de l’empereur Marc Aurèle dans l’aile sud (Apodyterium/Galerie des Statues) du grand hall froid (Frigidarium 1). Ce grand espace cruciforme a été transformé en salle de banquet à une époque plus tardive

Le frigidarium (F1), le hall des bains froids où les statues impériales furent mises au jour

Le Frigidarium 2, sa grande piscine d’eau froide et son riche sol pavé de motifs en marbre (opus sectile)

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P1IH / C2 F1 / BH

A / SG

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Cette salle de 25 x 18,5 mètres formait le cœur des Thermes Impériaux de Sagalassos. Appelée ‘Salle des Marbres’ ou ‘Salle Impériale’, elle avait à l’origine un rôle prestigieux : c’est là que se tenaient les distributions des prix lors des jeux, un cérémonie indirectement placée sous le signe du culte impérial. On retrouve des espaces similaires dans la plupart des grands thermes d’Asie Mineure.

Dans les grandes niches aménagées dans les murs étaient exposées six - voire peut-être huit - statues colossales d’empereurs et impératrices du 2ème siècle. Y figuraient Hadrien, Antonin le Pieux, Marc Aurèle et peut-être Lucius Verus, accompagnés de leurs épouses. Après l’abolition du paganisme et du culte impérial, les bains furent rénovés de fond en comble. A cette occasion, on transforma la salle en bain chaud : des baignoires furent alors aménagées dans les niches qui contenaient jadis les statues. Celles-ci furent déménagées dans l’aile sud du grand hall des thermes, avant de disparaître quelques décennies plus tard dans des fours à chaux. Les fragments impressionnants de cinq d’entre elles ont été mis au jour par les archéologues entre 2007 et 2009.

Vers 220-235 de notre ère, une porte monumentale fut édifiée au carrefour très fréquenté entre la rue principale nord-sud - qui montait vers Agora Supérieure - et les bains. Elle comportait trois ouvertures. Devant vous, vous apercevez les restes effondrés des piles latérales et des chambranles monumentaux qui encadraient jadis les passages de la porte.

La victoire de l’empereur Alexandre Sévère sur les Parthes a sans doute servi de motif pour construire cette porte : c’était une manière d’honorer les empereurs de la dynasties des Sévères, qui ont massivement recruté des Pisidiens comme soldats lors de leurs campagnes contre les Parthes. La Porte Sévérienne est l’un des derniers grands témoins de l’activité architecturale intense à Sagalassos, qui diminua drastiquement à cette période.

La Salle des Marbres ou Salle Impériale

Une porte honorifique pour l’empereurLa porte sévérienne

Fragments de statues colossales trouvées dans le Frigidarium 1. A l’origine, elles appartenaient sans doute au décor de la Salle des Marbres. Portraits en marbre des empereurs Hadrien (120-125 après J.-C.) et Marc-Aurèle (170-180 après J.-C.), portrait en marbre de l’impératrice Faustine l’Ancienne (138-161 après J.-C.), femme de Marc-Aurèle. La partie avant de pieds féminins appartenaient à une statue de l’impératrice Sabine, épouse d’Hadrien (120-125 après J.-C.) La Salle des Marbres des thermes

Éléments effondrés de la Porte Sévérienne visibles le long du chemin montant vers l’Agora Supérieure

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La construction de l’Odéon commença sous Auguste (27 avant J.-C. - 14 après J.-C.). Nous le savons grâce au style d’un chapiteau de colonne complètement préservé mis au jour lors des fouilles. Il fallut toutefois 200 ans pour achever l’édifice, qui était probablement financé par des fonds publics.

L’Odéon était un petit théâtre couvert, composé d’un auditorium (cavea) et d’un bâtiment de scène (skènè) d’environ 50 mètres de long. Il pouvait accueillir de 1500 à 2000 spectateurs, qui venaient y assister à divers spectacles de musique, de théâtre, de poésie ou d’art oratoire. C’est ici que de célèbres orateurs itinérants venaient se faire écouter.

La riche façade du bâtiment de scène ne fut achevée que vers 200 après J.-C. L’entrée orientale est particulièrement bien préservée : on peut y admirer l’escalier, intact, qui menait à la scène et à la loggia qui y faisait face, réservée aux spectateurs de haut rang.

Une fois l’Odéon terminé, il servit probablement pour les réunions du conseil municipal. La configuration des lieux garantissait une acoustique bien meilleure qu’au Bouleuterion. L’Odéon tel que vous le voyez maintenant est le résultat de profondes rénovations engagées au 6ème siècle. A cette époque plus tardive, on y organisait des combats de gladiateurs et d’animaux. De l’auditorium (cavea) ne subsistent que les fondations : les sièges en pierre ont été démontés durant l’Antiquité tardive.

Ce nymphée - ou fontaine monumentale - fut édifié entre 129 et 132 après J.-C. sur la terrasse qui borde le nord de l’Agora Inférieure. Huit marches vous mènent au bassin de puisage. Autour de celui-ci, vous apercevez les restes du mur arrière de l’édifice, qui atteignait jadis une hauteur de 17 mètres. Ce nymphée est la seule fontaine de Sagalassos pourvue de deux étages. Fonctionnel et prestigieux à la fois, le monument était dans l’alignement exact de la Rue à Colonnades : dès leur entrée dans la cité, les visiteurs pouvaient admirer de loin l’étage supérieur de la façade.

Le nymphée fut financé par le premier chevalier Romain de Sagalassos, Tiberius Claudius Pison, par testament. Il était dédicacé à l’empereur Hadrien, selon l’habitude commune à l’époque de construire les monuments publics en l’honneur de l’empereur. Ceci permettait aux aristocrates locaux de mettre en avant leurs liens avec Rome.

Le nymphée de l’époque d’Hadrien est un excellent exemple de ce qu’on appelle “architecture de tabernacles”. Le mur

du fond était animé par des niches où étaient exposées des statues. Autour de celles-ci, des colonnes groupées deux par deux formaient des tabernacles, sortes d’édicules en avancée qui leur servaient de cadre décoratif et monumental. Au milieu de la façade, une statue d’Apollon haute de 3 mètres était l’élément central du programme décoratif : ceci s’explique par la proximité immédiate du Temple d’Apollon Klarios. Juste au-dessus, à l’étage supérieur, une statue de l’empereur Hadrien en bronze doré était flanquée de deux statues en bronze de Pison. D’autres statues représentaient les héritiers de celui-ci ainsi que diverses divinités en rapport avec l’eau.

Les pilastres qui scandent le podium inférieur sont décorés de reliefs raffinés représentant six des neuf Muses. Ils sont attribués à trois ateliers différents, tous de très haute qualité. La fontaine s’effondra lors du tremblement de terre de l’an 500, et ne fut sans doute jamais reconstruite.

L’OdéonUn centre culturel

Le nymphée d’HadrienUne architecture de façade

Vue aérienne de l’Odéon. La route caravanière moderne coupe le bâtiment de scène en deux

Entrée orientale de l’Odéon. Malheureusement, le reste de l’édifice ne bénéficie pas des mêmes conditions de préservation. Les sièges de l’auditorium ont par exemple été recyclés et l’entrée ouest est couverte par la route caravanière

Tête d’une statue en marbre représentant la déesse Déméter, datée de 117-138 après J.-C. La statue, dont la hauteur est estimée à environ 3 mètres, décorait probablement le mur de scène

Reconstitution de la façade du Nymphée d’Hadrien, construit vers 129-132 après J.-C.© Julian Richard et Eliane Mahy

Cette statue colossale d’Apollon, pesant 4,5 tonnes, décorait la niche centrale du Nymphée d’Hadrien. Trouvée en plusieurs fragments, elle a fait l’objet d’une restauration avant d’être exposée au Musée de Burdur

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D’ici, vous bénéficiez d’une vue parfaite sur la ville basse et les vallées alentours. Juste devant vous, l’Agora Inférieure se prolonge par la Rue à Colonnades, qui rejoint un peu plus loin vers le sud le Temple d’Hadrien et Antonin le Pieux. En arrière-plan sur la droite, à l’ouest du temple, se dresse la Colline d’Alexandre et son profil conique caractéristique.

A environ deux kilomètres de Sagalassos, vers le sud-ouest, vous apercevez le plateau de Düzen Tepe. Il fut le lieu du plus grand établissement de la région jusqu’au 2ème siècle avant J.-C. L’acropole de la ville était située un peu plus haut que le plateau urbain, sur le pic pointu du Zincirli Tepe (1800m) visible à droite.

Nous ne savons pas pourquoi le site de Düzen Tepe fut abandonné. Peut-être était-ce par manque d’eau ? (les sources sont en effet nombreuses à Sagalassos) ou à cause de la supériorité militaire des Sagalassiens ? Quoi qu’il en soit, une grande partie de la population de Düzen Tepe a sans doute déménagé vers Sagalassos...

Une terrasse avec vue

A l’arrière-plan, le plateau de Düzen Tepe (4) et sa surface plate caractéristique. A droite, le sommet du Zincirli (5). La “colline conique au sommet plat” juste devant est la Colline d’Alexandre (3)

Depuis le règne de l’empereur Auguste, les aristocrates locaux avaient l’habitude d’investir dans l’embellissement de la ville et de son infrastructure. Ils bénéficiaient en retour d’un plus grand prestige social. Les plus méritants recevaient même la citoyenneté romaine. A partir du 4ème siècle, les élites se concentrèrent davantage sur leur prestige personnel, en édifiant par exemple des villas luxueuses telles que celle que vous avez devant vous.

Ce véritable palais fut achevé aux environs de l’an 400. Mais son histoire est plus longue : dès le règne d’Auguste, on trouvait ici une maison, alors située hors des murs de la ville. Elle fut remplacée au cours du 1er siècle de notre ère par une villa centrée sur une cour carrée entourée de colonnades formant un péristyle. Cette cour allait devenir le cœur de la partie privative de la grande résidence tardive, qui s’étendait sur pas moins de huit niveaux. Jusqu’à ce jour, plus de 80 pièces ont été fouillées.

A la fin du 4ème et au début du 5ème siècle, les quartiers privatifs de la villa disposaient de bains, de trois cours intérieures, d’une multitude de pièces à usage privé et d’espaces de services, le tout sur deux étages. La cour intérieure est l’une des plus grandes d’Asie Mineure en contexte privé.

La Villa Urbaine (secteur sud) Une luxueuse résidence

Fragments de peintures murales provenant d’une des cours privées de la villa

Vue aérienne de la Villa Urbaine (situation à la fin des fouilles de 2012)

Vue générale des colonnes effondrées du portique ouest de la cour à péristyle

1. Agora Inférieure2. Ruines du temple d’Hadrien et Antonin le Pieux3. Colline d’Alexandre4. Düzen Tepe5. Zincirli Tepe

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Cette résidence aux allures de palais située dans la zone résidentielle orientale n’était pas seulement un lieu d’habitation. Elle avait aussi une partie plus officielle, destinée aux réceptions. Il ne fait aucun doute qu’un membre important de l’élite locale y vivait.

Cette partie officielle de la résidence s’organisait autour d’une cour intérieure (atrium) ornée d’une fontaine et d’un bassin pour collecter l’eau de pluie (impluvium) aussi relié à l’eau courante. La villa disposait en effet d’une connexion au réseau d’adduction d’eau. Autour de l’atrium étaient disposées différentes salles au sol de mosaïque. De là, on pouvait se rendre dans trois salles d’audience disposées sur deux niveaux ou, via un escalier, rejoindre la salle de banquet. Au même étage, on trouvait d’autres salles d’attente avec un sol en mosaïque. On devait également y trouver des chambres pour les invités.

Après l’an 450 après J.-C. et plus tard suite à la peste de 541-542 et du grand tremblement de terre de 602-610, le gigantesque complexe fut subdivisé en unités plus petites. Une partie de la résidence fut transformée en auberge, alors que les grandes salles de la partie officielle accueillirent des activités plus communes, telles que le stockage, des étables ou l’accumulation de rebuts. C’est ainsi que la fière cité de Sagalassos devint peu à peu un village rural.

A la période romaine, un macellum était un marché dédié à la vente des produits alimentaires de luxe. Celui de Sagalassos fut construit à la fin du 2ème siècle de notre ère sur une petite terrasse naturelle à l’angle sud-est de l’Agora Supérieure. Les fouilles ont révélé que, durant sa dernière période d’activité, le macellum était bien plus qu’un marché alimentaire : on y découvrit des objets luxueux tels que de la bijouterie, des instruments de musique, des objets décoratifs ou utilitaires en os et bois de cervidés, en métal ou en verre. Les maîtres de maison y envoyaient leurs serviteurs acheter tout les produits dont ils avaient besoin.

Le marché s’organisait autour d’une grande cour de 21 mètres de large.

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La Villa Urbaine (secteur nord)Une luxueuse résidence

Le MacellumUn marché pour les produits de luxe

Un des blocs d’architrave avec frise provenant d’un des portiques du macellum. Le nom de l’empereur Commode, intentionnellement effacé, est visible sur la droite. Il nous permet de dater la construction de l’édifice vers 180-191 de notre ère

Vue de l’aile officielle de la villa depuis le nord-ouest. On aperçoit l’espace central (A), la pièce d’accueil (B) et l’escalier (C) menant aux salles d’attentes (D et E) avant de rejoindre la salle de banquet (F) et les chambres destinées aux hôtes (G et H)

Sols en mosaïques préservés in situ dans la partie publique de la villa, dans le corridor longeant l’atrium (à gauche) et les deux salles d’attente vers la salle de banquet (à droite)

L’escalier menant aux vestibules et à la salle à manger était pavé de dalles de schiste

Vue aérienne du Macellum, avec ses rangées de boutiques entourant la cour centrale sur trois côtés, et la tholos au milieu de celle-ci

Reconstitution hypothétique de la cour du Macellum, avec au centre la tholos

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Objets sculptés en os d’animaux datés du 6ème siècle après J.-C. Ces objets luxueux étaient sans doute produits et vendus au Macellum. Les traces d’un atelier où l’on travaillait l’os et le bois de cervidé ont été trouvées dans plusieurs des boutiques du marché

Reconstitution hypothétique de l’Agora Supérieure et de ses alentours au 2ème siècle après J.-C.1. Agora Supérieure 2. Colonnes honorifiques (5-14 après J.-C.) 3. Nymphée Antonin (160-180 après J.-C.)4. Tychaion (25-0 avant J.-C.) 5. Arc de Claude (37-41 après J.-C.) 6. Bouleuterion (vers 100 avant J.-C.)7. Temple Dorique (50-25 avant J.-C.) 8. Heroön nord-ouest (vers 1 après J.-C.) 9. Macellum (180-191 après J.-C.)

Dès la période hellénistique, l’Agora Supérieure était le cœur politique de la cité. C’est l’endroit où s’assemblaient les citoyens mâles, alors que le conseil municipal prenait place dans le Bouleuterion, dont les ruines dominent encore la place du côté ouest.

Pendant le règne de l’empereur Auguste la place fut réorganisée en profondeur et pavée. Cette entreprise fut financée par quatre riches citoyens, dont l’œuvre fut commémorée par des statues de bronze exposées sur quatre grandes colonnes situées aux angles de la place. Deux d’entres elles ont été récemment restaurées.

Pendant la période romaine, il était d’usage que les citoyens importants financent l’infrastructure et les monuments de leur ville. En retour, les autorités leur accordaient la citoyenneté romaine. Les plus méritants d’entre eux devenaient chevaliers ou même

L’Agora SupérieureCentre politique, lieu de représentation et marché

Broche en alliage de cuivre en forme de chèvre, 4ème ou 5ème siècle après J.-C.

Flûte en os (6ème siècle après J.-C.) trouvée au Macellum. Elle fait partie des collections du Musée de Burdur et fonctionne encore parfaitement

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Sur trois côtés, des galeries couvertes supportées par de couteuses colonnes en marbre donnaient accès à des boutiques. Du côté sud, une simple colonnade ménageait une vue à couper le souffle sur la ville basse et les vallées environnantes.

Publius Aelius Akulas est le bienfaiteur à qui l’on doit le financement du macellum. Il est également connu comme prêtre du culte impérial. Il finança les portiques (galeries à colonnades), la ville se chargeant de payer pour le pavement et l’édifice rond (la tholos) au centre de la cour. Cette dernière, d’un diamètre de 6 mètres, contenait un bassin ou une fontaine. Akulas dédicaça son marché à l’empereur Commode, en l’honneur de sa victoire contre les Parthes. Le nom de l’empereur, tombé en disgrâce, fut ensuite effacé des inscriptions.

Les boutiques ont été entièrement reconstruites entre 450 et 520 après J.-C. Les portiques, la cour et la tholos furent maintenu dans leur état originel. Le macellum est resté en usage jusqu’au début du 7ème siècle.

sénateurs. Les familles riches pouvaient de cette façon asseoir leur autorité sur la cité, souvent sur plusieurs générations.

A partir du 1er siècle de notre ère, l’agora se remplit peu à peu de monuments honorifiques dédiés aux empereurs, gouverneurs et membres de l’élite locale. Lorsqu’un tremblement de terre frappa la ville vers l’an 500, de nombreux monuments s’effondrèrent. Par la suite, l’agora fut peu à peu réinvestie par les activités quotidiennes : de nombreuses statues finirent dans des fours à chaux ou furent refondues; leurs bases inscrites ont été réutilisées en divers endroits de la ville. L’agora prit de plus en plus le caractère d’un marché : sur le pavement, vous apercevrez ici et là des trous de poteaux destinés à fixer les échoppes. Des inscriptions nous révèlent leur appartenance à tel ou tel commerçant. On rassembla également le long de la place quelques statues d’empereurs et de citoyens importants.

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Les vestiges écroulés d’un édifice situé à l’angle sud-ouest de l’Agora Supérieure ont été étudiés pour la première fois en 1987. On les identifia rapidement comme les restes d’un arc de triomphe dédié à l’empereur Caligula entre 37 et 41 après J.-C.

Les fouilles, entamées en 2010, ont mis au jour la grande majorité des blocs ayant appartenu à l’édifice, ainsi que les deux piliers supportant l’arcade centrale. Des inscriptions nous indiquent que l’arc a été financé par un certain “Kalliklès, fils de Darius”. ll était le petit-fils d’Eilagoas, qui fut honoré par une statue de bronze qui surmontait la colonne nord-ouest de l’agora. La famille a par la suite acquis la citoyenneté romaine en remerciement pour la construction de l’arc.

A l’origine, l’arc de triomphe était dédié à l’empereur Caligula. Après sa mort, son nom fut effacé de toutes les inscriptions lui ayant été dédiées dans l’Empire. L’arc de Sagalassos n’y fit pas exception. En l’an 43, il fut re-dédicacé en l’honneur de son successeur l’empereur Claude, ainsi qu’au frère de celui-ci, Germanicus, le père de Caligula. L’inscription originale, qui se trouvait au milieu de l’arcade, a été effacée et remplacée par deux autres à chaque extrémité de la frise située du

Le Nymphée antonin, édifié dans les années 160-180 après J.-C., occupe le flanc nord de l’Agora Supérieure. Il remplace une fontaine sans doute plus simple d’époque augustéenne qui était adossée au même un mur de soutènement. La richesse du nymphée résulte en grande partie des nombreuses variétés de marbre et autres pierres nobles qui ont été utilisées pour sa décoration.

S’élevant sur un seul étage, la fontaine mesure 28 mètres de long, pour une hauteur de près de 9 mètres. Aux extrémités de la façade, on distingue deux édicules, sortes de petites loggias supportées par quatre colonnes. Entre ceux-ci, quatre tabernacles abritaient également des statues. A l’avant, le basin de puisage, d’une capacité de 81 m3, était accessible au moyen de deux marches. Le nymphée tel qu’il vous apparaît aujourd’hui est le résultat d’une longue campagne de restauration menée entre 1998 et 2010. Elle lui a rendu son lustre et sa fonction d’antan. En 2011, des répliques des statues découvertes par les archéologues ont complété la restauration.

Le Nymphée antonin est probablement l’œuvre du plus grand bienfaiteur connu à Sagalassos, qui a financé l’édifice avec sa femme. Titus Flavius Severianus Neon - c’est son nom - appartenait à une des plus importantes familles de la ville. Il reçut de nombreux honneurs de la part de ses concitoyens : on retrouve son nom sur plus d’une douzaine de bases de statues, certaines d’entre elles datant même d’après sa mort. Lorsque la fontaine fut réparée après l’an 500 de notre ère, on y collecta quelques bases de statues inscrites en partie récupérées d’autres endroits de la ville. Elles renvoient toutes à sa famille. La fontaine devint alors une sorte de mémorial.

côté de l’agora. Sur le côté opposé, la frise est ornée d’armes représentées en relief. Ce thème populaire dans l’art de Sagalassos apparut ici pour la dernière fois sur un monument public. Des statues de Claude et Germanicus ont du compléter l’ensemble. On n’en a retrouvé aucune trace.

L’arc de triomphe a fait l’objet d’un programme de restauration entre 2011 et 2013. L’ensemble des blocs originaux a été réutilisé. Un arc de triomphe identique, dédié à Claude en 46 après J.-C., se trouvait à l’opposé de la place. Vous pouvez en apercevoir les vestiges.

L’Arc de ClaudeUne porte monumentale pour l’agora

Le Nymphée antonin (1)Une opulente fontaine

Détail du fronton de l’un des tabernacles centraux, orné d’une tête de Méduse. Les frontons des édicules latéraux sont ornés de volutes symétriquesReconstitution de l’arc sur base des éléments originaux (d’apres E. Torun et G. Üner, 2010)

Les restes de l’arc avant les fouilles

Depuis 2010, l’eau tombe à nouveau en cascade dans le bassin du Nymphée antonin. La façade, ornée de matériaux colorés et de statues, s’y reflète

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Vues des différentes phases de restauration

Dionysos ivre soutenu par un satyre, une des deux groupes statuaires presqu’identiques qui ornaient les édicules latéraux. Sculptés en marbre d’Aphrodisias, ils sont datés de 160-180 après J.-C. La statue illustrée ici apparaissait aussi sur les monnaies de Sagalassos, sur certains plats en céramique et sous forme de figurines. Les statues originales sont exposées au Musée de Burdur

Statue de la déesse Némésis. Provenant sans doute de la scène du théâtre, elle fut réutilisée dans la façade du nymphée aux 4ème ou 5ème siècles après J.-C. Marbre de Dokimeion, début des années 180 après J.-C. Original exposé au Musée de Burdur

Comme beaucoup d’autres édifices à Sagalassos, la décoration de la fontaine monumentale est une splendeur. L’habitude d’orner richement les monuments remonte au règne d’Auguste (27 avant J.-C. - 14 après J.-C.). On voulait par là faire allusion au nouvel Age d’Or initié par son arrivée au pouvoir.

Le décor faisait directement allusion au dieu Dionysos et à l’univers de l’eau : masques de théâtre, raisin, végétation... Dans les édicules latéraux, deux statues plus grandes que nature sculptées dans le coûteux marbre d’Aphrodisias représentaient Dionysos ivre soutenu par un satyre. Ce sont les deux seules statues datant de la première phase de construction de la fontaine.

Les autres statues mises au jour dans le bassin par les archéologues on été placées dans la fontaine aux 4ème et 5ème siècles de notre ère. Elles représentent Némésis, Apollon, Asclépios et Koronis. Une base inscrite avec des fragments de pieds s’ajoute à l’ensemble. A part la statue de Némésis, endommagée lors du tremblement de terre du début du 7ème siècle, les autres statues ont été fracassées dans le bassin par les Chrétiens. Celles que vous contemplez sont des copies : les originaux sont exposés au Musée de Burdur.

Le Nymphée antonin (2)De l’eau et des statues

Reconstitution du Nymphée antonin. Les fragments ajoutés lors de la restauration figurent en bleu (d’après Semih Ercan, 2005)

Le mur de soutènement et le podium du nymphée, dégagés en 1993-1994, avant la restauration

Le côté nord de l’Agora Supérieure, avant les fouilles (1993)

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Le nymphée s’effondra lors du tremblement de terre de 610 après J.-C. Les ruines, peu à peu recouvertes par l’érosion des montagnes, ont été dégagées entre 1993 et 1995. L’excellent état de conservation de la partie inférieure de la façade ainsi que la présence dans les vestiges de la plupart des blocs originaux ont permis la ré-érection complète du monument. L’anastylose - ou restauration utilisant les parties originales - commença en 1998 sous la direction de Semih Ercan, expert en conservation. Le projet, mené pendant 13 ans durant les mois d’été, est arrivé à son terme en août 2010.

Il s’est déroulé en quatre phases :

1. Joindre les fragments et identifier leur position originale (1998-2000)

Plus de 3500 fragments d’éléments d’architecture en pierre ont été réassemblés. Fixés au moyen de résine époxy, ils ont fini par constituer plus de 400 blocs. Une recherche approfondie (restitution) a permis de localiser leur emplacement original.

2. Sculpture des pièces fragmentaires ou manquantes (2001-2007)

A l’aide d’un pantographe - une sorte de compas qui permet de sculpter des fragments pour compléter de manière précise la pièce originale - des centaines de fragments manquants ont été sculptés. Cette technique ne s’est appliquée qu’aux parties manquantes strictement nécessaires à la structure de l’édifice. Par la suite, tous les éléments d’architecture ont été réassemblés sans être fixés de manière définitive, afin de vérifier l’exactitude de l’hypothèse de restitution.

Édifice abritant les réunions du conseil municipal, le Bouleuterion fut construit vers le début du 1er siècle avant J.-C. sur une terrasse naturelle bordant l’agora du côté ouest. Il nous indique que Sagalassos disposait à cette époque d’un conseil municipal composé d’élus, la boulè. L’institution était ancienne : dès le 4ème siècle avant J.-C., Sagalassos était une polis (cité) sur le modèle grec, avec des magistrats élus et des lois écrites. Ce système institutionnel subsista à la période romaine, avec toutefois une concentration plus marquée du pouvoir aux mains de quelques familles de l’élite.

Le Bouleuterion avait une importance symbolique forte pour les Sagalassiens : il fut construit au milieu des édifices publics les plus importants de la ville haute. Précédé d’une cour à ciel ouvert, l’édifice en lui-même était d’un style plutôt sobre. Ses sièges pouvaient accueillir les 220 membres élus du conseil.

A l’extérieur, une frise représentant des armes et les dieux de la guerre Arès et Athéna était une allusion directe aux prouesses militaires de Sagalassos. A l’intérieur, des demi-chapiteaux corinthiens reflétaient la dernière mode des styles architecturaux diffusés à cette époque en Pisidie. Vers 200 après J.-C., le Bouleuterion fut abandonné. Les réunions du conseil municipal se tenaient sans doute alors dans l’Odéon.

3. L’anastylose (2008-2010)

L’édifice fut ensuite de nouveau démantelé. Commença alors la reconstruction proprement dite, impliquant la fixation définitive des différents éléments. Comme dans l’Antiquité, les blocs furent reliés entre eux à la fois horizontalement et verticalement. De la fibre de verre a été utilisée pour la jonction des blocs. A la fois suffisamment résistantes pour maintenir la cohésion de l’ensemble mais légèrement plus fragiles que la pierre d’origine, ces jointures seront les premières à se briser en cas de force excessive, évitant ainsi fissures et fractures dans les différents blocs. Afin de diminuer le risque sismique, un coussin de néoprène a été ajouté à la partie supérieure de la façade, sous l’architrave. Il permettra à la partie supérieure de la façade, plus lourde, de bouger indépendamment de la partie inférieure plus rigide et d’ainsi absorber une partie de l’énergie sismique.

4. La remise en eau

Pour redonner à la fontaine son apparence d’antan, le basin est maintenant réapprovisionné en eau à partir de la Fontaine Dorique, 230 mètres à l’est.

Le Nymphée antonin (3)La restauration (1998-2010)

Le BouleuterionUn lieu de réunion pour les élus

Vue aérienne du Bouleuterion et de sa cour (angle supérieur droit). Cette dernière fut transformée en basilique au 5ème siècle de notre ère

Ce relief représentant un casque militaire était exposé sur la façade du Bouleuterion. 1er siècle avant J.-C.

Une des deux demi-colonnes de la façade s’ouvrant sur l’agora. Le bas-relief représente Athéna soumettant un prisonnier de guerre

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Vers l’an 400 de notre ère, la salle du conseil municipal (Bouleuterion) de Sagalassos fut abandonnée. On récupéra une grande partie de ses éléments d’architecture pour construire la nouvelle muraille protégeant la ville. La salle du conseil proprement dite devint alors une cour à ciel ouvert.

L’espace en plein air situé devant l’ancienne salle du conseil fut par contre transformé en basilique chrétienne. Cette première église de Sagalassos était vraisemblablement consacrée à l’archange Michel largement vénéré en Pisidie à cette époque. On entrait alors dans l’église par le sud. Au 6ème siècle, un escalier monumental connectait directement la basilique à l’Agora Supérieure.

La nouvelle basilique ne fut pas utilisée pendant très longtemps : elle fut en effet endommagée peu après l’an 500, probablement à la suite d’un tremblement de terre. Après une restauration, elle s’effondra de nouveau lors du tremblement de terre qui toucha la ville peu après l’an 600. A cette époque, Sagalassos possédait déjà d’autres églises.

L’Heroön nord-ouest date du début de notre ère, sous le règne de l’empereur Auguste. Il a récemment fait l’objet d’une reconstruction sur base des blocs originaux. Les architectes ont pu déterminer la position de ces blocs en étudiant la façon dont ils étaient connectés entre eux. Visible de loin, le monument s’élevait sur un podium de 8 m de côté, pour une hauteur de 15 m.

Un heroön est un petit monument construit en l’honneur d’un bienfaiteur ou d’un héros local. Parfois, il abrite sa tombe. Les membres de l’aristocratie de Sagalassos construisaient de tels monuments pour être commémorés après leur mort. Cette mode persista à Sagalassos jusqu’au début de notre ère.

L’Heroön nord-ouest était dédié à un jeune aristocrate qui nous reste inconnu en l’absence d’inscription de dédicace. Les archéologues ont toutefois découvert des fragments d’une statue colossale de 2,5 m de haut le représentant. La tête, en particulier, a été sculptée avec finesse. La statue était sans doute dressée devant les portes du monument. Vers l’an 400 de notre ère, l’Heroön nord-ouest fut incorporé dans le circuit de la nouvelle muraille : il devint une tour de garde.

La Basilique de l’archange MichelUne église à la courte existence

Le monument d’un bienfaiteur anonyme

Le sol en mosaïque et opus sectile de la basilique, aujourd’hui recouvert par mesure de protection

Reconstitution de la façade sud de l’Heroön nord-ouest (d’apres E. Torun, 2000)

Tête colossale en marbre de la statue jadis placée devant la porte de l’Heroön nord-ouest. Elle représente sous les traits idéalisés d’un jeune héros un aristocrate local vénéré après sa mort au travers de cet édifice. Elle est exposée au Musée de Burdur

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La base de l’Heroön est ornée d’une magnifique frise. On y aperçoit une jeune fille jouant de la cithare accompagné de treize danseuses, toutes représentées quasiment grandeur-nature et en relief. Elles dansent en rond, un thème décoratif lié au culte du dieu Dionysos. Le bienfaiteur honoré à travers ce monument avait-il introduit ce culte à Sagalassos ? Les reliefs originaux de cette frise sont exposés au musée de Burdur.

Plus en hauteur, vous remarquerez une luxuriante frise de vigne. Ce thème décoratif est originaire d’Italie, où les architectes d’Auguste l’utilisaient comme symbole de prospérité et de l’Age d’Or initié par l’empereur. A Sagalassos, cette imagerie - et la propagande qu’elle illustre - s’est diffusée très vite.

L’Heroön symbolise le travail des artisans les plus expérimentés de Sagalassos, que l’on voit également à l’œuvre sur plusieurs générations dans l’art funéraire. Les archéologues ont pu tracer leurs activités dans différents endroits de la ville sur une période de presque quatre siècles.

La construction de ce temple situé au point le plus haut du centre urbain commença entre 50 et 25 avant J.-C. Vous en apercevez les restes imposants. Le Temple Dorique était probablement dédié à Zeus, qui fut pendant une longue période le dieu suprême à Sagalassos et dans toute la Pisidie.

De style dorique, le temple était érigé sur un podium de style romain. Ces deux éléments témoignent du caractère hybride de l’édifice, mélange de styles architecturaux grecs et romains. Peu après sa construction, sous le règne d’Auguste, une élégante porte monumentale de style corinthien ainsi qu’un nouveau mur extérieur furent ajoutés à l’édifice existant.

Vers l’an 400 après J.-C., le temple fut abandonné. Peu après, il fut incorporé dans le nouveau circuit de fortifications, où il servait - logiquement - de tour de garde. La porte de cette nouvelle muraille, située juste derrière l’ancien temple, fut décorée de bustes d’Arès et Athéna qui ornaient jadis le Bouleuterion.

L’Heroön nord-ouest (2)Les artisans à l’œuvre

Le Temple DoriqueDe temple à tour de garde

The premier panneau de la frise de danseuses de l’Heroön nord-ouest. Sur la gauche, une jeune femme joue de la cithare. La danseuse à sa droite tient délicatement un pan de sa robe virevoltante. Elles portent toutes les deux de hautes chaussures. La frise a été sculptée dans du calcaire de Burdur

Reconstitution de la façade est de l’Heroön nord-ouest (d’apres E. Torun, 2000)

Restitution de la façade sud du Temple Dorique (d’apres M. Waelkens, 1987)

Les restes de la porte monumentale aujourd’hui. Vers 400 après J.-C., la porte fut coupée en deux par le nouveau rempart. Le temple était alors à l’abandon

Reconstitution de la porte monumentale du temple ajoutée au début du 1er siècle après J.-C. (d’apres M. Waelkens, 1987)

Détail de la frise de danseuses : visage de la quatrième danseuse du groupe (depuis l’angle sud-ouest). La frise est exposée au Musée de Burdur

Vue détaillée de la frise végétale de l’Heroön nord-ouest

Les murs de la cella du Temple Dorique et fortification du 5ème siècle de notre ère visible à gauche

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0 100 200 300 400 500 MètresN

La nécropole ouest, qui s’étendait au pied des montagnes entourant Sagalassos, était la plus étendue de la cité. Elle se développa progressivement autour d’un massif calcaire sur lequel on édifia une basilique au 5ème ou au 6ème siècle de notre ère. Elle couvrait une superficie de 5 hectares. On y trouve essentiellement des sarcophages.

Vers le nord, vous pouvez apercevoir une paroi rocheuse percées de petite niches surmontées d’un arc, ou arcosolia. Avant d’être incorporée à la nécropole nord, cette paroi était sans doute à l’origine une carrière. Ces arcosolia datent de la période impériale, principalement du 1er et du 2ème siècles après J.-C. La chambre creusée à l’intérieur recevait les cendres, qui pouvaient aussi être rassemblées dans une urne simplement déposée dans la niche.

Les traces d’une carrière

La façade rocheuse devant laquelle vous vous trouvez a d’abord fait office de carrière avant de devenir une nécropole. Le calcaire local, de couleur beige, était prisé pour la construction à Sagalassos de la période Julio-claudienne à l’époque des Sévères (1er - 3ème siècles après J.-C.). On le trouvait sur les pentes du massif montagneux qui borde la cité du côté nord. D’autres matériaux de construction étaient importés, soit de la région, soit de beaucoup plus loin. Les marbres blanc, gris-bleu ou blanc veiné de violet de Dokimeion (Afyon), le marbre blanc d’Aphrodisias ou le cipollino vert d’Eubée (Grèce) étaient populaires.

De nouvelles fortifications

Les nécropole ouest et nordCités pour les morts

Le mur de fortification construit vers 400 après J.-C. intégrait l’Heroön nord-ouest (droite), la nouvelle porte ouest (centre) et le Temple Dorique (gauche) Vue détaillé d’un des arcosolia de la nécropole nord

Exemple de rainure profonde pour l’extraction de la pierre dans les carrières orientales de Sagalassos

Trois techniques basiques de l’extraction de la pierre : en faisant levier (A), en faisant éclater le matériau (B) ou en creusant des rainures profondes (C). La méthode du levier exploite les failles naturelles, que l’on élargit en introduisant un outil ou des pierres qui font levier. On peut aussi créer des fissures à l’aide de coins sur lesquels on frappe, parfois dans des cavités creusées à l’avance (B). Des profondes rainures (C) creusées autour des blocs peuvent aussi aider l’insertion de leviers.

Tracé du nouveau mur de fortifications, vers 400 après J.-C.

Vers 400 après J.-C., une nouvelle muraille fut construite pour protéger le centre-ville de Sagalassos. Cette enceinte n’entourait pas l’ensemble du centre ville : seul un tiers de la zone habitée était protégée. Elle reprenait en partie le tracé d’une muraille d’époque hellénistique.

Pourquoi avait-on besoin d’une nouvelle enceinte ? Malgré les attaques de brigands fréquentes à cette époque, cette muraille n’a pas été construite à la hâte. Il faut plutôt chercher les raisons de sa construction dans le climat politique de l’époque, durant laquelle on concentrait les efforts sur la reprise de la vie urbaine et de l’économie. Construire une nouvelle enceinte était aussi, pour les habitants, synonyme d’une fierté retrouvée.

On intégra à la nouvelle muraille divers monuments déjà existants, tels que le Temple Dorique auparavant dédié à Zeus, transformé en tour de garde. Des fragments de sarcophages et d’autres monuments funéraires ont été recyclés comme matériaux de construction.

A B C

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Mètres0 1 2

La première fontaine monumentale - ou nymphée - de Sagalassos était dédicacée l’empereur Trajan (98-117 après J.-C.). Située juste devant le stade, elle fut construite par la fratrie de Claudia Severa, une riche citoyenne issue de la famille la plus importante de la ville. A partir du 1er siècle, les aristocrates locaux prirent l’habitude de dédicacer les monuments honorifiques à l’empereur. A partir du 2ème siècle, leur choix se porta plus volontiers vers des édifices utilitaires tels que fontaines et marchés.

La fontaine, dont vous apercevez les restes effondrés, mesurait 6,5 sur 7,5 m. Sa façade en demi-cercle allongé était constituée d’un podium servant de support à un mur plein agrémenté d’une élégante colonnade de style ionique. Exactement au milieu du mur de fond, une rainure verticale suggère la présence d’un tuyau pour l’adduction d’eau. Il devait sans doute approvisionner une statue-cascade.

Le Stade et la Basilique E1 Le Nymphée de TrajanUne fontaine pour le stade

Reconstitution du nymphée (d’apres G. Üner et J. Richard, 2010)

Vue générale du stade. Pratiquement plus rien ne trahit la présence du monument, à part quelques sièges en pierre et la forme générale du terrain

NMètres10 2

Vestiges de la basilique construite dans le stade. Les blocs ont été remployés et proviennent d’un temple de Dionysos dont la localisation reste un mystère

Plan des vestiges in situ et des blocs effondrés du Nymphée de Trajan (d’apres G. Üner et J. Richard, 2010)

Degré de fidélité

1er degré - in situ

2nd degré - relativement sûr

3ème degré - position possible

3ème degré - relativement sûr (architrave)

3ème degré - position possible (architrave)

4ème degré - élément structurel

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Les jeux avaient un rôle important dans la propagande impériale. A Sagalassos, les Klareia - ou jeux en l’honneur d’Apollon Klarios - permettaient aux adultes et aux plus jeunes de se mesurer dans des compétitions de course, de lutte et de boxe.

La plus grande partie des jeux se déroulaient au stade. Les organisateurs des jeux, des citoyens riches, prenaient en charge le paiement des primes de victoire et l’érection des statues des vainqueurs, sur le socle desquelles était décrites les performances des athlètes. Des spectateurs de toute la région venaient assister aux jeux. Les spectacles, teintés de propagande impériale, donnaient à la population rassemblée le sentiment d’appartenir au même Empire.

La date de construction du stade reste incertaine. Juste en face, une fontaine monumentale construite en 117 après J.-C. et manifestement orientée vers le stade, suggère que celui-ci existait à ce moment-là. Au 5ème ou au 6ème siècle de notre ère, une église-martyrium fut construite au milieu du stade. Sans doute commémorait-elle la mémoire

des martyrs chrétiens victime des terribles persécutions ayant eu lieu sous Dioclétien (303-313 après J.-C.) Il était courant de construire de telles églises à l’endroit même d’un martyre. Le stade de Sagalassos n’a sans doute pas fait exception.

On édifia la basilique en réutilisant les blocs dûment numérotés d’un ancien temple païen dédié à Dionysos. Ceci illustre particulièrement bien la transition qui s’est opérée aux 4ème et 5ème siècles de notre ère entre paganisme et religion chrétienne. Il est toutefois intéressant de noter qu’à cette même période, des statues païennes étaient prisées pour décorer divers endroits de la ville.

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0 100 200N Mètres

Cette jolie fontaine fut construite entre 50 et 25 avant J.-C., juste avant le règne de l’empereur Auguste. Objet d’un projet de restauration achevé en 1997, la fontaine est de nouveau approvisionnée par la même source que dans le passé. Un portique dorique supporté par une balustrade abrite le bassin à l’ombre de ses colonnes, protégeant ainsi l’eau de la chaleur et de la saleté.

La fontaine fut construite lorsque le centre-ville commença à s’étendre hors de la vieille muraille hellénistique. Elle était nichée au cœur d’un nouveau quartier qui se développa vers l’est.

Sur l’espace un siècle, entre 50 avant et 50 après J.-C., la population de Sagalassos a triplé. C’est de cette période que date la plus grande partie du réseau d’adduction d’eau souterrain. Cette datation est relativement précoce pour ce type d’infrastructure. Après des siècles de réparations et de maintenance, le réseau d’eau fut graduellement abandonné au cours du 7ème siècle.

Cette bibliothèque, construite vers 120-125 après J.-C., est un des nombreux monuments financés par l’aristocratie locale. Au travers de ces réalisations, les citoyens importants exhibaient leur richesse et espéraient laisser une trace.

C’est à Titus Flavius Severianus Neon, membre d’une des plus illustres familles de Sagalassos, qu’on doit la bibliothèque. Il est connu comme le plus grand bienfaiteur de la cité, et a notamment été en charge des jeux. L’édifice était dédié à son père décédé. La bibliothèque de Sagalassos rappelle à bien des égards la Bibliothèque de Celsus à Éphèse (114 après J.-C.), également construite par un fils pour son père. Les deux bâtiments présentent en outre des similitudes architecturales, et montrent que les architectes Sagalassiens étaient au fait des tendances du moment.

L’édifice a été rénové de nombreuses fois. Seule la base en pierre du mur arrière remonte à la première phase de construction. Les niches contenaient des statues. Elles sont surmontées d’inscriptions qui nous indiquent que Neon et certains membres de sa famille furent honorés par le conseil municipal (boulè) et l’assemblée (dèmos)

Vers l’an 200 de notre ère, l’édifice connut sans doute des problèmes structurels, et la portée du toit dut être réduite. Le sol en mosaïque noire et blanche date d’une seconde phase de rénovation, sans doute sous l’empereur Julien l’Apostat (362-363 après J.-C.). Le panneau central

La fontaine hellénistiqueDe l’eau pour le nouveau quartier

La Bibliothèque de NeonUne bibliothèque à l’architecture novatrice

La première inscription figurant sur le mur arrière nous révèle que la boulè (conseil municipal) et le dèmos (l’assemblée populaire) honorèrent Titus Flavius Severianus Neon, “fils de la cité, patriote, ktistès (fondateur de la bibliothèque et, par extension, de la cité), homme de grande vertu, agonothetès pour l’éternité (président des jeux, sans doute aussi financés post-mortem) avec son propre argent, en respect pour lui et en remerciement de ses bienfaits”

Carte illustrant les diverses extensions du centre-ville de Sagalassos

Le bassin en forme de ‘u’ de la fontaine, bien à l’abri derrière les colonnes

Extension de la zone urbaine à la période hellénistique

Extension de la zone urbaine de la période impériale au 6ème siècle après J.-C.

Muraille hellénistique

Muraille byzantine

Nécropoles

Reconstitution de l’intérieur de la bibliothèque dans sa première phase (d’apres M. Waelkens et G. Üner, 2013)

Reconstitution de l’intérieur de la bibliothèque après la première rénovation (d’apres M. Waelkens et G. Üner, 2013)

A la suite du tremblement de terre de l’an 500, la Fontaine Dorique fut en grande partie remblayée et devint une sorte de château d’eau à partir duquel l’eau était distribuée en divers points de la ville au moyen de canalisations en terre cuite.

de la mosaïque représentait une scène de la Guerre de Troie, montrant l’adieu d’Achille à sa mère Thétis avant de partir à la guerre. Le nom de l’artiste, Dioskoros, figure sur le panneau.

Vers la fin du 4ème siècle, le monument et sa mosaïque ont été détruits par les Chrétiens, avides de s’attaquer aux symboles de la culture païenne. Les fissures visibles dans le sol sont le résultat du grand tremblement de terre daté de peu après l’an 600.

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“Plus haut sur le flanc de la colline se trouve l’un des théâtres les plus beaux et plus parfaits que j’aie jamais vus” nous raconte en 1839 Charles Fellows, l’un des premiers explorateurs de Sagalassos, dans son ouvrage A Journal Written During an Excursion in Asia Minor. Il ne sera pas le premier à être impressionné par les ruines imposantes de l’édifice, qui nous offrent une vue à couper le souffle sur la Colline d’Alexandre et les vallées alentours.

On pense que la construction du théâtre a commencé vers l’année 120 de notre ère, lorsque l’empereur Hadrien accorda à Sagalassos un rôle central dans le culte impérial de la province. Cette promotion marqua le déclanchement d’une activité architecturale intense : la venue de spectateurs de toute la Pisidie lors des festivals nécessita la construction de structures pour pouvoir les accueillir. Ceci explique que le théâtre pouvait contenir 9000 spectateurs, alors que Sagalassos ne comptait à cette époque que 5000 habitants environ. La construction du théâtre s’est arrêtée vers 180-190 après J.-C., sans doute par manque de fonds : depuis plusieurs années déjà, Sagalassos vivait au-dessus de ses moyens. C’est sans doute la raison pour laquelle le deuxième étage de la scène ainsi que les sièges au-dessus de l’entrée sud-ouest n’ont jamais été construits.

Les ruines sont exceptionnellement bien préservées. C’est le cas du vomitorium, un couloir voûté qui servait d’accès aux gradins. On a également retrouvé dans le théâtre des reliefs représentant des gladiateurs. Ils nous indiquent qu’à côté de performances scéniques, le théâtre servait aussi aux combats de gladiateurs. Ce type de spectacle était financé par les puissants, qui cherchaient ainsi à divertir le public et améliorer leur image auprès de la population.

Le théâtreUne scène avec vue

Le Quartier des PotiersEntre tradition et innovation

Le théâtre partiellement couvert de neige, tel que l’a photographié G. Bell le 28 avril 1907. La montagne pointue à l’arrière-plan est le Zincirli, l’acropole de Düzen Tepe © M.P.C. Jackson, Gertrude Bell Photograpic Archive

Exemples de céramique de table à engobe rouge de facture locale. A gauche, deux coupes à boire; à droite, un bol. En bas, une coupe (mastos) copiant des prototypes hellénistiques en verre ou en métal, datée de 25 av.-15 ap. J.-C. La coupe en haut et le bol proviennent des fouilles de Sagalassos; les deux autres, de la province de Burdur. Collections du Musée de Burdur

Anse décorée d’un bol en céramique daté des deux premiers siècles de notre ère, à partir d’un prototype en métal. Collections du Musée de Burdur

Flacon moulé avec une représentation d’Amazone, 5ème siècle après J.-C. Il provient des fouilles de l’ancienne cour du Bouleuterion, transformée en église

Les ruines du théâtre aujourd’hui sont parmi les plus romantiques d’Anatolie. Les spectateurs pouvaient voir en arrière plan la Colline d’Alexandre (au centre) directement dans l’axe du mur de scène

Devant vous s’étendait jadis le Quartier des Potiers. Cette vaste zone de 6 hectares n’était pas seulement vouée à la production de céramique : on y trouvait aussi des forgerons et des artisans qui travaillaient l’os, ainsi que peut-être des artisans du verre et des teinturiers. Plus en dehors de la ville, l’activité artisanale partage l’espace avec les nécropoles.

C’est à partir d’Auguste que la renommée de la céramique sigillée sagalassienne (une céramique à engobe rouge) s’établit. L’augmentation de la population et les relations nouvelles de la ville avec le reste de l’Empire expliquent cette prospérité. Les aristocrates locaux commencèrent alors à investir dans production de céramique, qui acquit alors un caractère industriel. Le Quartier des Potiers vit l’apparition de véritables manufactures à grande échelle. Cette céramique était exportée en-dehors de la ville. On a retrouvé des bouteilles de vins produites à Sagalassos en Asie Mineure, en Égypte et à Carthage.

Pendant six siècles, Sagalassos conserva intacte sa réputation de centre de production de céramique. Le secret de ce succès ? Le compromis entre une production à grande échelle et une fidélité aux répertoires de formes populaires dans la région. En d’autres termes : innovation et tradition.

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“J’ai passé à Sagalassos des moments inoubliables. Je me souviens exactement du moment où je suis arrivé sur le site pour la première fois, en compagnie de mon ami et collègue Stephen Mitchell. C’était le 23 août 1983. Lorsque nous sommes arrivés - c’était l’aube, vers 7h30 - le site était totalement vide. Seul Mehmet, le gardien, était dans les parages. Immédiatement, il prépara du thé. Nous pûmes profiter ensemble de la lumière : c’est l’heure où elle est la plus belle à Sagalassos. Partout autour de nous, des monuments. Entre les murs encore debout, d’innombrables colonnes et bases de statues renversées. Au loin, le théâtre, dont les ruines sont parmi les plus romantiques de Turquie. Je peux l’affirmer : j’ai visité presque tous les théâtres de Turquie. Toute la matinée, nous allions de découvertes en découvertes, dans la crainte de briser des tessons de poterie et de verre sous nos pieds. Partout, le sol en était jonché. Au-dessus de nous, un oiseau de proie tournait ailes déployées, plongeant brusquement parfois et ajoutant à la magie du moment. Tels furent mes premiers moments passés à Sagalassos. C’est ainsi que tout a commencé. Ainsi s’accomplit le rêve d’un petit garçon de 6 ans qui, après avoir lu une bande dessinée de Spirou de quatre pages sur la découverte de Troie, annonça fièrement à son père que lui aussi, un jour, il irait fouiller en Turquie. Quarante deux ans plus tard, lors de ma premier voyage en Turquie, ce fut littéralement le coup de foudre”.

“Ma première visite à Sagalassos fut le début d’un longue histoire faite de hauts et de bas, qui a compté bien des moments ‘heureux’ et ‘tragiques’. Ces derniers furent compensés par d’innombrables moments magiques, comme lorsque un aigle, à peine deux mètres devant notre minibus, nous guida jusqu’à l’entrée d’ Ağlasun. C’est comme si nous étions sous la protection de Zeus. Une autre fois, à la tombée de la nuit, nous trouvâmes intacte la tête du ‘petit’ Dionysos du Nymphée Antonin. Je n’oublierai jamais le moment où, une fois retourné, le dieu me sourit, comme heureux d’avoir retrouvé la lumière du jour après quatorze siècles”.

“Je pense aux premières années avec beaucoup de nostalgie. Nous nous sentions liés à ces explorateurs occidentaux qui redécouvrirent le site au 19ème siècle. Avec leur suite nombreuse, ils étaient bien mieux logés que nous l’étions nous-mêmes. L’accueil chaleureux des habitants du lieu rendaient les choses tellement faciles. C’est alors que se sont créés de véritables liens d’amitié avec les ouvriers et les autres habitants du village. Ce lien contribuera sans aucun doute à la pérennité de notre entreprise”.

Marc Waelkens :“Le rêve d’une vie”

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Ce guide est publié dans le cadre d’un projet financé par le Programme de Financement 2011 de la West Mediterranean Development Agency avec la référence TR61/11/TURİZM/KAMU/01-35, intitulé “Valorisation et promotion des ressources culturelles et naturelles d’Ağlasun dans la perspective du tourisme durable”. Il a également été financé par un Projet de Recherche Concertée de la KU Leuven (GOA) intitulé “Relations entre nature et société dans le développement régional. Un dialogue interdisciplinaire entre passé et présent dans la région de Sagalassos”. Le contenu de cette publication ne reflète en rien l’opinion officielle de la West Mediterranean Development Agency et/ou du Ministère de la Coopération au Développement de la République Turque. La responsabilité des informations et points de vues exprimés dans ce guide incombe en totalité au Sagalassos Archaeological Research Project.

www.tursaga.com • www.aglasun.bel.trwww.sagalassos.be

tursaga.mobi/rehber04

T.C.KÜLTÜR VE TURİZMBAKANLIĞI

Texte adapté par : Patrick De Rynck et Ebru Torun

Illustrations : Sagalassos Archaeological Research Project, sauf mention contraire

Écrit par : Marc Waelkens et l’équipe de Sagalassos