SACERDOCE - 1 PARTIE : L'APPEL...Volume XXXVI, numéro 2 • Janvier-février 2021 - 1re partie...

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Volume XXXVI, numéro 2 • Janvier-février 2021 - 1 re partie L’Envoi « Sois le berger de mes brebis » Revue de l'Église de Saint-Hyacinthe SACERDOCE - 1 re PARTIE : L'APPEL (Jean, 21)

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Volume XXXVI, numéro 2 • Janvier-février 2021 - 1re partie

L’Envoi

« Sois le berger de mes brebis »

Revue de l'Église de Saint-Hyacinthe

SACERDOCE - 1re PARTIE : L'APPEL

(Jean, 21)

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PRIÈRE POUR LES VOCATIONS

Seigneur ressuscité, toi le pèlerin inattendusur la route vers Emmaüs,donne-nous de rejoindre les jeunes sur leur chemin... et l'audace discrète de faire des pas en leur compagnie. Donne-nous la confiance qu'en racontant en vérité nos manières personnelles de douter,de croire et d'espérer,en les accueillant avec leurs aspirations,leurs déceptions, leurs attentes,nous apprenions ensemble à parler Dieu dans la fragilité de nos motset à faire l'expérience partagéed'une proximité en Luiqui suscite le désirde la faire goûter sur de nouveaux chemins. (Charlotte Plante et Mgr Louis Corriveau)

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10 La formation au Grand Séminaire

par l'abbé Martin Laflamme

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Le discernement dans la tradition ignatienne par le Père Jean-Marc Biron

12 Entrevue avec Sr Catherine Aubin

par l'abbé Guy Pelletier

15 Mais qui donc appelle?

par l'abbé Jacques Lamoureux

16 La vie d'un prêtre, la connaissez-vous?

par l'abbé Bertrand Jodoin

17 Prêtre, pourquoi as-tu renoncé à l'amour?

par l'abbé Serge Pelletier

5 Ainsi soient-ils!

par Mgr Christian Rodembourg

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Quelle histoire! par l'abbé Guy Pelletier

8 « Sacerdoce », dites-vous...

par Luc Benoit

9 Les chemins du Grand Séminaire

par l'abbé Luc Paquet

« Le sacerdoce, c'est l'amour du Coeur de Jésus. »

(Saint curé d'Ars)

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Coordination et rédaction : Luc Benoit

Comité de rédaction : Marc Benoît, Stéphanie Bernier, Sr Françoise Boulais, Diane Daneau, Hélène Lussier et Michel Pelletier.

Équipe technique : Sylvie Beaupré et Nicole Bossinotte

Adresse : Secrétariat diocésain1900, rue Girouard Ouest, C.P. 190, Saint-Hyacinthe (Québec) J2S 7B4Téléphone : 450 773-8581 - Télécopieur : 450 [email protected]

Abonnement : 20 $/5 revues (avec annuaire : 35 $) Chèque à l’ordre de CECR Saint-HyacintheDépôt légal : Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada.

L’Envoi est édité par le diocèse de Saint-Hyacinthe et est publié 5 fois par année, de septembre à juin. Il est membre de l’Association des médias catholiques et oecuméniques (AMéCO).

Tout texte publié dans L’Envoi demeure l’entière responsa- bilité de son auteur et n’engage que celui-ci.

MOT DE LA RÉDACTIONLuc Benoit, responsable des communications

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« Pierre, m'aimes-tu? » : c’est la question que le Christ a posé à Pierre, trois fois plutôt qu’une, avant de lui confier la garde de son précieux troupeau. « Et toi, m'aimes-tu? » : c’est la question que le Christ pose encore aujourd’hui, chaque jour, à celles et ceux qu’il appelle à le suivre. « Et toi, m'aimes-tu? » : c’est la question que vous trouverez en filigrane à chacune des pages de ce numéro double de L’Envoi portant sur la vocation presbytérale.

Fait inusité dans les annales de L’Envoi, le numéro de janvier-février 2021 est double : le premier porte sur l’appel; le second, sur la réponse.

Le perspicace et infatigable abbé Guy Pelletier, responsable diocésain des vocations sacerdotales, et moi-même avons planifié et préparé ces deux numéros que nous avons voulus actuels, vivants, profonds et interpellants. Nous avons la secrète espérance qu’ils auront l’effet d’un « wake-up call » dans nos milieux. La vie sacerdotale nous apparait comme un véritable coffre au trésor que nous nous empressons de vous partager. Au fil des pages, redécouvrez l’originalité, la beauté et la grandeur du sacerdoce ministériel.

Grand merci aux 30 personnes qui ont collaboré à ce projet : des gens de terrain, de sympathiques sommités, de fins observateurs et observatrices de la scène ecclésiale. Vous verrez, tout passe dans la moulinette du Bon Dieu : l’appel, la vocation, le discernement, la formation, le ministère aujourd’hui, le quotidien d’un prêtre, le saint curé d’Ars… La cerise sur le sundae : des témoignages de prêtres d’ici et d’ailleurs dont le cœur est pris et épris par un grand amour ainsi que des témoignages de personnes laïques sur les prêtres dans leur vie. À l'origine de toute vocation, une seule question : « M’aimes-tu? ».

Luc Benoit

[email protected]

« Et toi, m'aimes-tu? »

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L’Envoi de Saint-Hyacinthe

BILLET DE L'ÉVÊQUEPar Mgr Christian Rodembourg, m.s.a.

JANVIER-FÉVRIER 2021

Ainsi soient-ils!Plus qu’un choix de notre part, la vie presbytérale est une réponse joyeuse à un appel du Seigneur.

Aucun doute, c’est bien Lui qui nous a choisis! (Jn 15, 16) De fait, s’il n’y avait été explicitement appelé, qui oserait opter pour

un style de vie qui semble marginal et radical, à l’opposé de la culture ambiante?

Librement, nous répondons chaque jour à l’appel de Dieu. Nous offrons notre vie pour marcher à sa suite. Loin de se troubler ou de s’aigrir, notre cœur demeure fidèle à notre engagement et n’a de cesse que de s’épa-nouir dans l’amour de Dieu et de son peuple. Dans sa fidélité, Dieu lui-même nous accorde son entière confiance.

L’Esprit nous donne son souffle pour renouveler notre vie et notre mission. La prière nous permet d’expéri-menter, au quotidien, nos bienheureuses pauvretés et nos fragilités qui nous font percevoir combien nous avons besoin les uns des autres pour accomplir notre service ecclésial. Jésus nous transforme et nous pousse à la mission.

Nous éprouvons ce sentiment d’être des « brebis » devant notre Bon Pasteur. Loin de nous isoler, notre profond attachement au Christ fait croître et alimente notre lien avec la portion du Peuple de Dieu qui nous est confiée. Notre identité sacerdotale tient à deux liens constitutifs aussi solides qu’indissociables : Jésus et son Église.

Au cœur de nos communautés, nous cherchons à combler le désir ardent et vivant de Dieu. Tout comme le Samaritain de la parabole en Lc 10, 25-37, nous accueillons les personnes tombées, soignons leurs bles-sures et donnons un peu de chaleur à leurs cœurs. L’urgence de notre ministère est là : se faire proches de la sœur et du frère souffrants. Le pape François voit même dans notre réaction à la souffrance de l’autre « un bon test pour discerner notre cœur de pasteur » (Pape François, 4 août 2019).

En ces temps difficiles, nous avons besoin de réconfort et d’encouragement, celui de nos sœurs et frères et celui de Dieu. L’Esprit ranime notre courage sacerdotal. L’humble reconnaissance de nos limites permet à la grâce de mieux agir en nous. C’est là le secret de tous les saints et les saintes. Fuir nous détournerait de nos propres blessures, de celles des autres et par consé-quent, des plaies de Jésus. Ne laissons pas l’acédie, le repli, l’individualisme, le rigorisme ou le laxisme nous paralyser.

Dans le Cœur du Christ, nous puisons toute la force révolutionnaire de l’Évangile. Notre vocation jaillit direc-tement de ce Cœur. Puissions-nous ne jamais nous éloi-gner de la source d’amour qu’est ce Cœur transpercé sur la croix.

Avec vous, je confie nos prêtres au Cœur immaculé de Marie, à notre bienheureux Louis-Zéphirin Moreau ainsi qu’au saint curé d’Ars, modèle et protecteur de tous les prêtres. Dans ma prière, je leur dis : « Ainsi soient-ils! »

« L'Esprit nous donne son souffle pour renouveler notre vie et notre mission. »

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Décidément, on peut le dire, nos vies sont entravées par des évène-ments difficiles voire douloureux. Je trouve qu’on se fait souvent tabasser le dedans par les décep-tions. Mais il y en a encore (et une chance), qui persistent à voir dans ces écorchures-là une occa-sion nouvelle pour aller plus loin

sur des chemins inconnus. Je dois dire que j’aime beau-coup entendre ces discours optimistes. Ils me rappellent ce moment dans mon histoire où je me suis trouvé dépouillé de tout ce qui meublait le sens de ma vie : plus rien dans l’« appart » comme on dit. Juste une petite chandelle oubliée sur le bord de la fenêtre sans rideaux. Triste ? Douloureux ? Oui, mais surtout révéla-teur puisqu’à la lumière de cette chandelle allumée ont émergées en moi les véritables fondations de ma vie.

Ce petit bout de ma vie est en quelque sorte une méta-phore qui pourrait bien parler de nos vies. Il faut dire qu’aucune n’échappe aux vallées de larmes auxquelles succèdent les sommets des montagnes quand notre courage peut devenir un levier pour élever notre regard.

Dépouillement Ce numéro de l’Envoi, nous l’avons pensé pour qu’il puisse agir comme un album photo afin de découvrir et apprécier les beautés de la vocation presbytérale. Comprenez-moi bien, les vallées de larmes existent dans cette vocation comme dans toutes les autres et je dirais même qu’elles ne sont pas rares même si ce numéro n’en fait pas état. Si bien qu’on pourrait se demander après un regard lucide, ce qui peut bien motiver des hommes à poursuivre une formation et un discernement qui demande entre 7 et 10 ans pour aboutir à un engagement à vie dans une Église appau-vrie à plusieurs égards. Dépouillée de son prestige, du

grand nombre de fidèles… et de ses prêtres. Dépouillée aussi de son aisance financière, de sa réputation et de ses nombreuses et magnifiques vocations à la vie consacrée. S’il y a encore des vocations dans l’Église, comment ça s’explique ? C’est à cause du petit bout de chandelle sur le bord du vitrail de l’Église-corps-du-Christ. Avez-vous déjà remarqué comment une petite flamme qui résiste aux ténèbres a la capacité de nous révéler la beauté des visages ? Dans ce moment intime de la lueur, on leur redécouvre des profondeurs qu’on ignorait, et voilà que c’est une toute petite flamme qui nous réconforte et non plus ce qui meublait les pièces trop grandes de nos vies. C’est l’expérience d’un François d’Assise qui retrouve la joie au sommet de son dépouillement. TémoignagePour ceux qui ne me connaissent pas, je suis le « bébé prêtre » du diocèse comme quelques confrères s’amusent à m’appeler. J’ai été ordonné en novembre 2018. Pendant les années de mon discernement au Grand Séminaire de Québec, on a vu passer plusieurs scandales dans l’Église dont quelques-uns ont fait des dégâts dans mon patelin. À travers le regard des sémi-naristes, je suppose, nos accompagnateurs ont senti le besoin de nous proposer un échange fraternel pour laisser de l’espace à notre douleur et même à notre colère. Les questions se sont alors bousculées dans ma tête à une vitesse folle : dans quelle galère étais-je en train de m’embarquer ? J’avais l’impression que tous les disjoncteurs de l’édifice venaient de sauter en même temps ; plus de lumière dans la cabane. C’est là que j’ai pris le vaillant petit bout de chandelle, la seule source de lumière restante, et je suis descendu au sous-sol puisque c’est là que se trouvent habituellement les entrées électriques.

Quelle histoire!Par l'abbé Guy Pelletier, Pastorale des vocations

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L’Envoi de Saint-Hyacinthe

« Sacerdoce », dites-vous...Par Luc Benoit, Communications

Dans le langage courant, on associe naturellement le mot sacerdoce au mot prêtre. Cela peut se comprendre : tous les dictionnaires usuels en font autant! Dans le jargon ecclésial toutefois, c’est différent.

Trois réalités se conjuguentQuand on parle de « sacerdoce »1, trois réalités à la fois distinctes et complémentaires se conjuguent : l’unique sacerdoce du Christ, le sacerdoce ministériel (presbyté-rat, épiscopat) et le sacerdoce commun. Les sacerdoces ministériel et commun sont deux manières de participer à l’unique sacerdoce du Christ, seul vrai prêtre.

Une communauté sacerdotaleToute la communauté des croyants est, comme telle, sacerdotale. Les fidèles exercent leur sacerdoce baptis-mal à travers leur participation, chacun selon sa voca-tion propre, à la mission du Christ, Prêtre, Prophète et Roi. Dieu consacre les fidèles par les sacrements du baptême et de la confirmation.

Le Christ construit et conduit son ÉgliseAlors que le sacerdoce commun des fidèles se réalise dans le déploiement de la grâce baptismale, vie de foi, d’espérance et de charité, vie selon l’Esprit, le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce commun, il est relatif au déploiement de la grâce baptismale de tous les chrétiens. Il est un des moyens par lesquels le Christ ne cesse de construire et de conduire son Église. C’est pour cela qu’il est transmis par un sacrement propre, le sacrement de l’Ordre.

Le sacerdoce ministériel rend présent l’unique sacer-doce du Christ : « Aussi, le Christ est-il le seul vrai prêtre, les autres n’étant que ses ministres. » (Saint Thomas d’Aquin, He 7, 4)

_________1. Ce texte s’inspire des numéros 1539 à 1553 du Catéchisme de l’Église catholique traitant du sacrement de l’Ordre dans l’économie du salut.

Alors oui, je suis descendu au sous-sol de notre grande Église catholique et j’y ai vu les fondations, celles qu’ont plantées le Christ et les Apôtres et toutes les saintes et les saints comme autant de pierres, taillées de main de maitre, encastrées et grimpées solidement sur les précé-dentes. On appelle ça « notre histoire sainte » et quelle histoire ! Édifiante ! Émouvante ! Étonnante ! La lumi-nosité de cette histoire a la capacité de faire renaitre l’espérance malgré les ombres qui la traversent. Oui, la lumière peut faire disparaitre les ténèbres, pas l’inverse.

Histoire et beautéOn peut se désoler des blessures que notre Église a infligées, on peut s’attrister de se voir dépouillé à ce point, et il est juste de verser des larmes quand cela blesse le sens de notre vocation; j’en ai vu dans les yeux de mes confrères ordonnés comme chez mes sœurs et frères laïques, mais n’oublions pas notre histoire sainte !

Elle est remplie de gestes d’une incroyable beauté que seule l’action de l’Esprit de Dieu dans nos vies peut accomplir : elle est capable de littéralement allumer notre espérance. Et quoi ? Se serait-il épuisé ou est-il disparu l’Esprit Saint? Demandons-lui cette petite dose du courage de l’amour, seule force capable de vraiment soulever nos cœurs et nos regards.

Voilà dans cette revue quelques perspectives, non pas pour oublier ou occulter les douleurs et les embuches de la vocation presbytérale, mais pour raviver l’espérance de tous et donner le gout de consacrer sa vie au Christ, à nos sœurs et nos frères, peuple de Dieu.

P.S. La flamme de la petite chandelle, c’est le Christ. C’est lui qui éclaire toute vocation.

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« Y a-t-il encore des hommes qui songent à devenir prêtres? » Aborder ce sujet oblige à nous demander de quel point de vue nous nous plaçons : avec le regard des années 60 – 70, ou celui du début du 3e millénaire? En

effet, les dernières décennies ont modifié gran-dement la question de la vocation et même de la quête du sens à sa propre vie.

Un monde en changementAu Québec, en choisissant 1995 comme point de repère (un jeune adulte se retrouve à 25 ans en 2020), nous découvrons plusieurs institutions traversées par de profondes mutations engendrant de l’instabilité au cœur des familles et de notre société. Les mariages, appelés à la fidélité, sont en forte baisse (45 000 en 1980, 25 000 en 1995). Le taux de divorces subit une hausse impor-tante (8,8 % en 1969, 31,7 % en 1980, 54 % en 1995). Le marché du travail n’est plus marqué par la loyauté d’un employé à son entreprise mais par la recherche d’avancement essayant de trouver l’employeur qui offrira les meilleurs avantages. Au niveau religieux, la fréquentation des rassemblements dominicaux diminue et l’absence d’une jeune population dans les églises est de plus en plus remarquée. Plusieurs parents reportent à plus tard le baptême de leur enfant. Dans les écoles, suite à une série de décisions du gouvernement de 1984 à 2008, la catéchèse cède la place au cours d’ensei-gnement moral et religieux catholique qui est aban-donné du programme académique au profit du cours Éthique et culture religieuse plaçant toutes les religions au même niveau.

Plus que jamais, il faut saisir que chaque personne a un parcours singulier même si cela a été vrai à

toutes les époques. Vivant au cœur d’une société transportant toutes sortes d’influences conduisant à des changements, chaque individu cherche à se défi-nir et trouver son identité. Il est évident qu’il n’y a pas de recette unique pour trouver un sens à sa vie.

Un appel discretMais Dieu ne reste pas silencieux dans ces change-ments. Il continue de s’adresser au cœur des personnes qui cherchent le bonheur, qui veulent donner l’amour qu’ils ont reçu. L’être humain ne trouve-t-il pas son épanouissement dans sa fécondité?

Tous les chambardements sociaux et les bouleverse-ments familiaux n’empêchent pas de jeunes adultes désirant entrer au Grand Séminaire de raconter un événement de leur enfance ou de leur jeunesse qui les a laissés sur une ou des questions demeurées sans réponse. Par exemple, « quand j’étais enfant, un jour à la messe, j’ai senti que ce qui se passait était très grand et je me suis demandé si je pouvais faire quelque chose de plus »; « en voyant prier ma grand-mère, j’ai ressenti le besoin de chercher ce qui l’amenait à se recueillir. » Des événements simples mais remplis de mystère.

Les premiers pas vers le Grand SéminaireChargés de ce bagage de questions sur leur vie, des jeunes adultes viennent frapper à la porte du Grand Séminaire. Ils n’arrivent pas en parlant d’un projet déjà défini mais d’une conversion qui a changé leur vie et qui les amène à prendre une route qu’ils n’avaient pas vue clairement. Ils ne font pas référence à ce qu’ils ont appris dans des livres mais bien à des expériences qui leur ont appris à se connaître. Un certain nombre de candidats connaissent très peu de prêtres et ignorent souvent ce qui constitue leur vie et le quotidien de leur ministère. Pourtant, ils se sentent appelés à suivre le Christ et à donner leur vie.

Les chemins qui conduisent au Grand SéminaireSÉMINAIRE

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8 JANVIER-FÉVRIER 2021

Par l'abbé Luc Paquet, Recteur, Grand séminaire de Québec

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Le plus souvent, ces jeunes qui se présentent au Grand Séminaire n’ont plus 18 ans mais bien 22, 25 et même 30 ans et plus. Par qui sont-ils reçus et comment se déroule la première rencontre? Habituellement, le recteur du Grand Séminaire accueille chacun, sur rendez-vous. L’essentiel des sujets abordés vise à connaître la personne qui se présente, sa motivation à entreprendre cette démarche, sa connaissance du Christ et ses expé-riences en Église particulièrement dans sa communauté locale ou dans un groupe de prière ou d’engagement chrétien.

Un choix éclairéPar la suite, le recteur prend soin de présenter le Grand Séminaire au candidat pour s’assurer qu’il fait un choix éclairé. Il met en évidence ce qui fait partie de la forma-tion pour devenir prêtre telles les dimensions humaine, spirituelle et pastorale, ainsi que les études pour obte-nir un certificat en philosophie et un baccalauréat en théologie dispensés par l’Université Laval. Le recteur présente aussi la valeur pédagogique de la vie commu-nautaire ainsi que ses exigences, comme l’engagement plein et entier de chaque séminariste qui rend impos-sible l’occupation d’un travail extérieur à temps partiel. Au plan spirituel, l’aspirant est informé qu’il ne sera pas dirigé mais accompagné par un prêtre qu’il choi-sira parmi ceux proposés. Ce sera dans la plus grande

confidentialité qu’ensemble ils tiendront un dialogue régulier qui conduira le candidat à préciser son désir de suivre le Christ et de s’engager dans l’Église. En somme, le séminariste aura pendant sept ans à identifier l’appel qu’il prétend avoir reçu.

Au terme de cette première rencontre, le candidat demeure libre de donner suite à cette entrevue. S’il désire poursuivre, le recteur lui présentera la liste de documents qu’il aura à présenter, à commencer par le certificat de baptême et de confirmation. Le candidat devra aussi fournir des noms de personnes qui seront consultées. Un examen médical et une évaluation psychologique seront aussi exigés. Tous ces éléments seront rassemblés dans un dossier qui est à l’usage exclusif de l’équipe de formation du Grand Séminaire.

Comment savoir si quelqu’un est prêt à entreprendre une telle démarche? Trois avenues sont fréquemment empruntées. Tout près, dans leur communauté chré-tienne, un prêtre ou une personne engagée en pasto-rale peut apporter son aide pour répondre à certaines questions ou référer à une ressource spécialisée. Au niveau de chaque diocèse, l’évêque désigne une ou des personnes pour offrir un service de pastorale des vocations. Finalement, une recherche simple et facile sur Internet peut aussi conduire directement vers le Grand Séminaire.

9JANVIER-FÉVRIER 2021

L’Envoi de Saint-Hyacinthe

SÉMINAIRE

« Chaque individu cherche à se définir et trouver

son identité. »

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Devenir prêtre : Dans quel esprit l’Église envisage-t-elle la forma-tion d’un futur prêtre? Sur quoi met-elle l’accent?

La dimension humaine« La première chose que nous voyons en regardant un prêtre, c’est un homme. » Cette évidence a l’avan-

tage de mettre en valeur le fondement de la formation d’un futur prêtre : la dimension humaine. Le ministère du prêtre est essentiellement relationnel ce qui signifie que les relations interpersonnelles sont au cœur de sa vie. Tout comme Jésus s’est approché des gens pour leur manifester l’amour du Père par son écoute, sa sollicitude, sa patience et sa bonté, ainsi le prêtre doit développer des attitudes humaines qui témoignent de l’amour gratuit de Dieu envers tous. Pour ce faire, le séminariste doit apprendre à se connaître, à écouter, à s’émerveiller devant l’autre, à lui parler de manière respectueuse, à le traiter avec bien-veillance. De plus, le prêtre doit être un homme capable de vivre avec les tensions inhérentes au ministère. Pour améliorer ces attitudes, le séminariste vit des sessions de formation humaine qui favorisent une meilleure connais-sance de lui-même, des évaluations qui lui présentent ses forces et des pistes de croissance, ce qui lui est transmis lors de rencontres régulières avec le recteur, un accom-pagnement psychothérapeutique au besoin. En somme, le souci pastoral demandé aux ministres ordonnés exige une formation et une maturité humaine intérieure solides.

La formation spirituellePour annoncer le Christ mort et ressuscité, le prêtre doit être un amoureux du Christ, de sa Parole et des sacre-ments. C’est pourquoi la dimension spirituelle constitue le cœur de la formation. Le séminariste doit développer une intimité avec le Christ par la lecture et la méditation régulière de la Parole de Dieu, par la prière personnelle et communautaire, la récitation du chapelet, l’oraison,

l’adoration, les retraites et par la célébration fréquente de l’eucharistie et du sacrement du pardon. Cette proximité amoureuse avec le Christ forme le cœur du séminariste en le rendant de plus en plus semblable à celui du Christ qui a fait la volonté du Père sous l’impulsion de l’Esprit Saint. Ce n’est qu’en développant de plus en plus cette attitude profonde que le séminariste pourra un jour devenir témoin de la Parole et célébrer avec cœur les sacrements pour le peuple de Dieu. Le séminariste rencontre aussi régu-lièrement un accompagnateur spirituel. Ce prêtre aide le séminariste à discerner son appel à devenir prêtre ainsi que son charisme du célibat. Ces rencontres confiden-tielles doivent se vivre en toute transparence pour que le séminariste fasse un choix libre et éclairé.

La formation intellectuelleLe séminariste reçoit aussi une importante formation intellectuelle en philosophie et en théologie. Les cours de philosophie donnent au séminariste des outils pour réfléchir aux questions contemporaines complexes et pour le préparer à entrer dans les études théologiques. Ces dernières lui font découvrir la richesse et la beauté de la foi chrétienne par l’étude, entre autres, de la Bible, du Crédo, des questions éthiques, de l’histoire de l’Église et de son mystère, du droit canonique et des sacrements. Le séminariste se donne donc les connaissances nécessaires pour remplir, avec compétence, sa mission du prêtre c’est-à-dire annoncer la Parole de Dieu, célébrer les sacrements et rassembler le peuple de Dieu. Une solide formation intellectuelle permet au séminariste de rendre crédible l’Évangile dans un monde marqué par l’indifférence reli-gieuse et par les interrogations nouvelles, suscitées par les découvertes scientifiques et technologiques. De plus, dans une société pluraliste, le séminariste doit développer une conscience réfléchie, une aptitude particulière au discer-nement critique et une capacité de dialoguer fructueu-sement avec le monde actuel. On peut ainsi considérer la formation intellectuelle comme une nécessité dans le parcours de formation d’un Grand Séminaire.

FORMATION

10 JANVIER-FÉVRIER 2021

La formation au Grand Séminaire Par l'abbé Martin Laflamme, pour l'équipe de formation du Grand Séminaire de Québec

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La formation au Grand Séminaire

11JANVIER-FÉVRIER 2021

L’Envoi de Saint-Hyacinthe

FORMATION

La formation pastoraleLa formation pastorale constitue la finalité de la forma-tion. Tout converge à former des pasteurs pour l’Église d’aujourd’hui : c’est la principale mission d’un Grand Séminaire. C’est ainsi que le séminariste est envoyé dans divers milieux pour développer des attitudes et des apti-tudes semblables à celles de Jésus, le seul Pasteur, telles que la sollicitude pastorale envers toute personne spécia-lement les plus vulnérables, l’art du discernement pastoral, le travail en équipe, le leadership, le zèle pour le Royaume de Dieu, la formation liturgique et musicale.

Comme le prêtre a la mission de favoriser la communion et de former des disciples du Christ et des missionnaires de l’Évangile, le séminariste doit apprendre à le faire à l’exemple de son Seigneur : développer les mêmes senti-ments qui habitent le Christ qui s’est abaissé en devenant le serviteur de toute personne et cela jusqu’au lavement des pieds et à la mort sur la Croix. Vivre de cet amour demande du temps, des relectures, de la prière et de la pratique. Les années du Grand Séminaire veulent fournir ces conditions au séminariste.

Cette citation tirée du cadre de formation pour tous les séminaires décrit aussi très bien la nécessité d’une forma-tion pastorale solide : « Comme les destinataires de la charge pastorale sont aussi les non pratiquants, les non croyants et ceux qui professent une autre religion, les séminaristes sont appelés à apprendre à dialoguer et à annoncer l’Évangile du Christ à tous, en s’efforçant de comprendre les attentes les plus profondes, dans le respect de la liberté de chacun. C’est pourquoi les forma-teurs enseigneront aux futurs pasteurs comment créer de

nouveaux « parvis » et de nouvelles opportunités pasto-rales pour aller à la rencontre de ceux qui ne partagent pas pleinement la foi catholique, mais qui cherchent avec bonne volonté une réponse éclairante et authentique à leurs interrogations les plus profondes. »

Une vie communautaireTout cela se vit au sein d’une vie communautaire. La vie avec d’autres frères offre l’opportunité quotidienne de pratiquer l’évangile à travers l’accueil réel des différences, le pardon, la patience, la remise en question, l’entraide fraternelle, les échanges, la prière. Dans ce contexte, le séminariste est mis devant ses forces et ses fragilités dans un milieu soutenant qui se veut au service de sa croissance humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale. De fait, tous les éléments de la formation sont unifiés et interagissent les uns avec les autres.

La formation permanenteLa formation ne s’arrête pas avec l’ordination. La forma-tion permanente doit faire partie de la vie du prêtre. Le séminariste doit donc développer le goût d’apprendre, la soif de connaitre et de poursuivre l’approfondissement de ce qu’il a commencé à explorer. Le ministère lui apportera des défis et des situations auxquels il devra répondre de manière adaptée dans un monde en changement conti-nuel. Pour ce faire, le Grand Séminaire doit favoriser une autonomie chez le séminariste afin qu’il saisisse, de l’inté-rieur, qu’il est le premier responsable c’est-à-dire, selon les mots du cadre de formation, « le protagoniste nécessaire et irremplaçable de sa formation. »

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Le discernement dans la tradition ignatienneDISCERNEMENT

Qui sommes-nous? D'où venons-nous? Où allons-nous?Cette perspective animait Ignace de Loyola. Ce qu’il découvrait pour lui de sa relation avec Dieu, avec les autres et avec le monde, il a voulu aussi le partager plus largement. Au début des Exercices spirituels, Ignace de Loyola nous invite à considérer, dans cette

perspective, le sens profond de toute vie humaine. Regardant qui nous sommes, d’où nous venons et quelle est la finalité de notre vie, nous prenons alors mieux conscience, comme croyants et croyantes, que nous sommes nés de l’Amour de Dieu et que nous sommes appelés à répondre à son Amour. Cela engage toutes les dimensions de notre personne et nous invite, dans la liberté, à faire des choix importants et à les mettre en œuvre.

Comment orienter notre vie quand nous prenons conscience que nous sommes nés de l’Amour de Dieu et que nous retournons à Lui? Quelles décisions prendre pour atteindre la fin pour laquelle nous sommes créés?

Dans la tradition issue de la spiritualité d’Ignace de Loyola, le discernement spirituel permet d’exercer sa liberté dans l’acte le plus grand qu’il soit donné de vivre à la personne humaine : la décision.

Écouter ce qu'il y a de plus profond en nousLe discernement favorise l’écoute de ce qu’il y a de plus profond en nous afin que les décisions que nous prenons soient vraiment enracinées en vérité et ne soient pas le fruit d’influences venant de l’extérieur de nous. Dans un monde où les repères ne sont pas toujours évidents, les gens sont parfois à l’affût de signes. Souvent, des événe-ments deviennent pour eux des signes qui les poussent à décider dans un sens ou dans l’autre. Ce genre de rapport aux signes extérieurs, à l’opinion des autres, ce n’est pas du discernement, c’est même le contraire. Les événements extérieurs n’ont pas à décider pour nous, sinon, c’est notre liberté qui n’est pas prise en compte.

Dans la manière de prendre une décision importante Ignace identifie trois formes ou trois voies possibles :

1. Une décision claireIl peut arriver que la décision à prendre nous apparaisse si clairement qu’on ne peut en douter. Ses fruits sont une paix profonde, une lucidité qui nous fait voir les obstacles à traverser et le dynamisme spirituel pour aller au bout. Pensons, par exemple, à Thérèse-de-l’Enfant-Jésus qui, déjà toute jeune, se savait appelée à donner sa vie à Dieu en devenant Carmélite. Rien n’a pu la détourner de ce projet. Plus tard, tout en recherchant sa vocation spécifique, elle pourra dire : « Dans le Cœur de l’Église ma mère, je serai l’Amour ».

2. Une décision pas si évidenteSouvent, la décision à prendre n’est peut-être pas si évidente; on se sent attiré à la fois dans un sens, puis, dans un autre. Mais, c’est en étant attentif aux mouvements intérieurs qu’on peut alors sentir où notre désir profond nous attire davantage. Ainsi, Ignace de Loyola était attiré vers une vie de luxe, de gloire et de vanité mais il désirait aussi suivre Jésus. Quand il pensait aux plaisirs mondains, il en ressentait la joie, mais cela ne durait pas et le laissait dans un état de déprime; quand il pensait à des manières de donner sa vie pour le Christ, il sentait alors une joie profonde et durable. C’est à observer ces mouvements intérieurs en lui que la décision de donner radicalement sa vie pour Jésus lui appa-rut en toute vérité.

3. Difficulté à faire un choixEnfin, devant une décision à prendre, on peut avoir de la difficulté à faire un choix car le cœur n’incline pas plus d’un côté, que de l’autre. Alors, Ignace nous propose une manière qui fait appel à la raison éclairée en identifiant les points positifs et négatifs, les « pour » et les « contre », de telle ou de telle décision. Bien sûr, cet apport de la raison doit aussi composer avec les mouvements intérieurs : si je prends une décision parce qu’elle m’apparaît évidente et logique mais que je ne suis pas en paix intérieurement, j’ai peut-être à revoir ma décision car le cœur et l’esprit doivent être unifiés dans le même sens.

Par Jean-Marc Biron, jésuite, Centre de spiritualité Manrèse, Québec

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DISCERNEMENT

Le discernement dans la tradition ignatienne

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L’Envoi de Saint-Hyacinthe

Une telle démarche de discernement a plus de chance d’être authentique quand le discernement est vécu à l’intérieur d’un accompagnement. Le fait de prendre parole, d’exprimer devant quelqu’un ce qui nous habite profondément peut nous permettre de découvrir ce qui est vrai et si l’appel que nous ressentons s’incarne vrai-ment dans l’être que nous sommes. Le dialogue avec une personne accompagnatrice, nous permet d’entre-prendre les étapes d’un discernement.

Mais quelles sont les étapes de ce discernement?

1. D’abord il faut préciser l’objet du choix ou de la décision : par exemple, on m’offre un poste dans une autre région que celle où j’habite. Je me sens enthou-siasmé car il me semble que cela me permettra de donner le meilleur de moi-même avec de nouveaux défis. Cependant, je dois quitter tout un réseau de rela-tions. Qu’est-ce qui est le mieux pour moi… Qu’est-ce que le Seigneur attend de moi ? Autre exemple : Je désire que ma vie soit féconde, rayonnante d’amour, alors, suis-je appelé à me marier, à fonder une famille ou à consacrer ma vie pour Dieu en servant mes sœurs et frères humains? Un OUI à un état nécessite un NON à un autre. Il est donc important de bien identifier les deux pôles d’une décision à prendre.

2. L’étape suivante est essentielle. C’est de vérifier ma liberté intérieure. Suis-je vraiment libre pour choisir l’une ou l’autre alternative? Dans ma prière, je demande la grâce de la liberté intérieure, la grâce de choisir ce qui

me fera accomplir davantage la volonté de Dieu : si je ne suis pas ouvert à laisser Dieu me parler dans un sens ou dans l’autre mais que ma décision est déjà, en quelque sorte, orientée, je ne suis pas dans la liberté. Alors, je vais prier le Seigneur de me donner les lumières pour faire un choix éclairé et libre.

3. Si je crois me sentir assez libre pour ne pas pencher davantage d’un côté que de l’autre, je peux commencer à considérer les avantages et les inconvénients des deux possibilités en prenant le temps de réfléchir, de m’infor-mer, de noter tout ce qui vient à mon esprit.

4. Il me faudra ensuite examiner l’ensemble, peser le pour et le contre et, dans la prière, regarder l’une des alternatives, puis l’autre et ainsi accueillir ce qui se présente à moi comme le meilleur chemin. Cette étape peut se passer paisiblement mais elle peut aussi être le lieu d’un combat spirituel. Si j’arrive à une décision qui me donne de la paix, une énergie spirituelle, une joie profonde, l’un ou l’autre des fruits de l’Esprit, je peux accueillir cette décision comme un chemin vers Dieu.

5. J’aurai ensuite à offrir, dans la prière, cette décision pour que je puisse en recevoir confirmation par la paix, la joie, le dynamisme intérieur qui sont des fruits de l’Esprit.

Il est important que la personne qui m’accompagne dans un discernement ne cherche pas à m’influencer et respecte ma liberté. L’accompagnement d’un discer-nement est une mission délicate qui demande tact, discrétion et confiance en la personne accompagnée et en l’Esprit qui « souffle où il veut ».

Si je ne connais personne qui puisse m’accompagner, y-a-t-il des ressources auxquelles avoir accès? Il existe des Centres spirituels qui offrent la ressource de l’accom-pagnement spirituel. Sans être exhaustif, voici quelques centres où on offre ce service : le Centre de spiritualité Manrèse, la Villa Saint-Martin, le Centre Le Pèlerin, le Centre Leunis et la Maison de spiritualité des Trinitaires.

« Nous sommes nésde l’Amour de Dieu

et nous sommes appelés à répondre à son Amour. »

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14 JANVIER-FÉVRIER 2021

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ENTREVUE

Avec amabilité, Sœur Catherine Aubin a répondu à notre demande de réfléchir avec nous sur le thème de ce numéro de L’Envoi : la vocation et plus spécifiquement la vocation presbytérale. Dans son parcours de femme consacrée à Dieu et aussi en raison de ses formations, Sr Aubin a rencontré et accompagné plusieurs personnes en quête de leur vocation.

Par l'abbé Guy Pelletier, Pastorale des vocations

Entrevue avec Sr Catherine Aubin, dominicaine

L'Envoi : Que diriez-vous à une personne en quête de sa vocation qui se demande comment savoir si Dieu l'appelle?

Sr Catherine : Nous sommes regardés et cherchés par Dieu. Quand quelqu’un pose la question « comment Dieu m’appelle-t-il? », sa question est déjà une réponse. S'il se pose la question, c’est qu’il est appelé par Dieu, déjà habité par lui de l’intérieur. Sachant cela, peut-être faut-il poser la question, « Mais qui est ce Dieu qui m’appelle? » Joie, amour, lumière et liberté de libération.

Quand une personne sent un appel, c’est toujours pour un plus, une surabondance. Ce n’est pas de l’ordre du devoir, du caprice, c’est de l’ordre d’un choix, d’une élec-tion comme diraient les jésuites.

Je pense qu’il faut toujours se mettre dans le chemin des appels de Dieu dans la Bible soit Moïse, Saul, Zachée, Mathieu et se mettre dans ces traces en se demandant « Comment Dieu a-t-il appelé ses prophètes? Comment Jésus a-t-il regardé Mathieu et Zachée? » C’est là qu’on doit creuser pour garder une grande vigilance et intimité avec ces appels de Dieu dans la Bible.

On y découvrira que l’appel du Seigneur est, à la fois, toujours différent et toujours le même. C’est-à-dire qu’il est différent en fonction de la personne unique à qui il s’adresse, mais il est toujours le même dans le sens que son appel est toujours dilatation, amplitude, abondance voire surabondance. Toujours un appel à plus de joie, un appel à la multiplication.

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L'Envoi : Vous dites que l’appel de Dieu trouve parfois son chemin à travers une question qui vient frapper à notre cœur. Il arrive toutefois que pour un grand nombre de personnes, la question ne soit pas aussi évidente ou « sonore ». N’y a-t-il pas un appel pour tous?

Sr Catherine : Toutes et tous, nous avons un appel unique, un chemin unique; tous les prophètes ont eu un appel unique. On ne pourrait réduire l’appel de Dieu à une vocation sacerdotale, religieuse, célibataire ou mariée. Non, il y a quelque chose de plus profond, ce que Simone Pacot appelle le « ministère intérieur », ou la « vocation personnelle » selon le jésuite Herbert Alphonso. Il m’appartient de vérifier, de discerner, de

trier ce qui en moi vibre, résonne et correspond à un désir profond. Dans votre service de prêtre, il y a des choses qui vous font vibrer où vous vous sentez plein du désir pour avancer et ce ne sera pas les mêmes que pour moi. Moi-même, à l’intérieur de ma vocation de dominicaine, j’ai découvert des fils rouges si on veut, qui sont la couleur de ma vocation particulière.

Découvrir sa couleur se fait en étant extrêmement attentif et éveillé. Quand on découvre notre couleur vocationnelle, il n’y a pas de peur, mais une grande joie nous habite et on ne fait plus les choses par effort, par devoir, mais parce qu’on se sent appelé à le faire, main dans la main avec le Seigneur.

ENTREVUE

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L’Envoi de Saint-Hyacinthe

JANVIER-FÉVRIER 2021

L'Envoi : Sommes-nous donc prédéterminés par Dieu? Si oui, où donc alors est notre liberté? Est-ce qu’on s’enferme dans une vocation? Y perdons-nous un peu de notre liberté?

Sr Catherine : Les mots importants pour répondre à cette question sont : liberté, libération et délivrance. Notre Dieu est un Dieu de délivrance, c’est-à-dire qu’il vient nous délivrer de nous-même. Nous devenons des chrétiens ou d’autres « Christ » ou les yeux et les mains du Christ, nous devenons présence vivante du Christ et ce n’est absolument pas un amoindrissement de notre liberté, au contraire! Plus on obéit au désir de Dieu en soi, plus on devient libre. Pourquoi? Parce qu’on n’est plus sous le regard des humains. Je nuance; on essaie de ne plus être sous le regard des humains.

Quand on se met au cœur de cette vocation, ce qui importe c’est de répondre à cet appel que l’on entend selon la modalité que le Seigneur emploiera avec nous. Chacun de nous a ce capteur à l’intérieur qui nous permet de savoir qu’on est à la bonne place et au bon moment. Et quand on est là, on est dans un processus de libération et de délivrance. Il n’y a rien de plus beau que de rencontrer

des êtres libérés. Alors la vocation à laquelle Dieu nous appelle, par laquelle il nous désire, c’est toujours quelque chose qui nous délivre, nous rend plus libres de nous-même, d’une certaine façon comme le dit Maitre Eckart, on prend congé de soi, de son égo. Même si toutes les formes d’engagement pour la foi ont nécessairement leur lot de contraintes, aucune ne peut entraver la liberté dont il est ici question.

Quand Dieu demande à Adam « Où es-tu ?», il sait, bien évidemment, à quel endroit physique il se trouve. Ce qu’Il lui demande c’est « Où es-tu au-dedans de toi? » et sa première réponse est « J’ai eu peur et je me suis caché » et la peur de perdre sa liberté dans une réponse à sa vocation comme la peur d’Adam, dénote bien que le rapport engagé ici avec Dieu est un rapport de méfiance, voire de rivalité.

Si j’aime, ma liberté ne va pas être contrainte. Au contraire. Si mon appel est un appel à une réponse d’amour, ma liberté va être décuplée. Voyez, beaucoup de choses se résolvent dans notre vie avec Dieu. J’insiste, il importe de savoir qui est-Il pour moi? Est-ce un « Dieu » qui me terrorise ou est-ce qu’au contraire nous allons comme l’enfant prodigue nous laisser embrasser par Lui, Père, pour devenir de plus en plus qui nous sommes?

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ENTREVUE

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L'Envoi : Quels sont les principaux obstacles à notre réponse à l’appel de Dieu quand il s’agit de le servir dans un engagement?

Sr Catherine : C’est la peur et c’est l’image fausse de Dieu qu’on se fait. Le plus grand obstacle ce sont mes

résistances à l’appel de Dieu aujourd’hui; ce sont mes peurs et plus particulièrement ce sentiment de ne pas en valoir la peine, voilà le combat spirituel. La grande résistance à l’amour de Dieu, ne pas croire que Dieu s’occupe de moi.

L'Envoi : Où peut-on trouver le ressort pour entrer dans le dynamisme de la réponse à l’appel de Dieu?

Sr Catherine : Ce qui me fait entrer, entre autres, dans l’appel de Dieu c’est la vie des saints. Parce qu’eux, ils nous indiquent comment ils répondent. Je pense à Marie de l’Incarnation qui à l’âge de sept ans répond « oui » à Dieu dans un rêve où Il lui tend la main. Les appels de Dieu se déclinent quand on est très jeune; cinq, six ou

sept ans, et après on les oublie. En fait, il faut retrouver cet appel de Dieu qu’on a eu quand on était jeunes pour voir qu’il y a quelque chose de spécifique auquel on doit obéir. Voyez, un autre obstacle à l’appel de Dieu est de ne pas faire mémoire, d’oublier qu’on a eu des moments de lumière. Pensons à Ignace de Loyola dont la conversion prend origine dans la lecture des vies de saints.

L'Envoi : En pensant aux Apôtres qui se deman-daient entre eux « Qui est le plus grand », il me vient l’idée de vous poser une question qui pour-rait bien ressembler à une question-piège : parmi les appels du Seigneur, où se situe la vocation presbytérale?

Sr Catherine : En entendant votre question, la première réponse qui me vient est : nous sommes des serviteurs inutiles, uniques et aimés. C’est-à-dire, la vocation pres-bytérale se situe dans le service, elle n’est pas un « plus ou moins ». Une vocation parmi tant d’autres.

Si l’on pose la question c’est que déjà on évoque une hiérarchie, or, dans l’appel de Dieu il n’y a pas de hiérarchie, aucune. Nous côtoyons bon nombre de femmes et d’hommes qui ne sont engagés dans aucune forme de vie consacrée et qui prient dix fois plus que nous qui sommes consacrés. Et qui ont une ouverture du cœur, une générosité et un détachement du cœur admirable et puis qui vous disent des vérités sur Dieu, eux, ils ont tout compris. Effectivement on est à leur

école. Et donc la vocation presbytérale comme la voca-tion religieuse c’est une vocation de service, c’est tout. Quel service, alors ça dépend de là où on est. C’est sûr que moi je ne suis pas Jésuite, je suis Dominicaine, alors c’est le service de la Parole, mais là encore, de façon particulière. Comme Dominicaine je me mets dans la ligne de saint Dominique, un grand priant, tout comme vous, qui êtes prêtre, il y a des figures de prêtres qui certainement vous habitent. Vous mettez votre chemi-nement dans ces figures au service de l’amour là où on vous assigne.

Je pense que le Seigneur nous demande d’être très attentifs aux désirs que nous portons. Nous sommes des êtres de désirs. Nous portons des désirs de bonté, de vérité et ils sont les désirs de Dieu en nous. Il met en nous son désir. Nous devons écouter pour obéir à ces désirs; si un homme a le désir de devenir prêtre dans le service de ses frères humains, il y a dans ce désir un appel de Dieu. Alors voilà, qu’est-ce que le Seigneur demande aujourd’hui, qu’est-ce qu’il me demande, qui est-il pour moi?

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L’Envoi de Saint-Hyacinthe

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Mais qui donc appelle?Par l'abbé Jacques Lamoureux, Recteur du Grand séminaire

SÉMINAIRE

Chaque fois que nous parlons d’une vocation particulière, dans ce cas-ci la prêtrise, nous faisons face à une dimension mystérieuse. Mais qui donc appelle? Une première réponse serait de dire que Celui qui appelle à une vocation particulière est le même que Celui qui a appelé à la vie. On pourrait même compléter en

disant qu’il est le même que Celui qui a appelé à la vie chrétienne. On voit donc qu’il s’agit moins d’un appel que d’une série d’appels.

Dieu a un planPour tout chrétien qui veut connaître le sens de sa vie, cela commence avec Dieu. Pour Dieu, chaque élément de la création a un sens, chaque être humain a un sens. Quand on veut savoir le sens d’une invention, on va voir celui qui l’a inventé. Croire au Dieu de Jésus Christ, c’est croire que Dieu a prévu un sens pour notre vie, un plan pour notre vie. « Dieu nous a choisis par avance, selon son plan; et Dieu fait toutes choses conformément à ce qu’il a décidé et voulu lui-même. » (Éphésiens 1, 11) Et le but de notre cheminement spirituel est de découvrir le plan de Dieu sur nous. Un plan qui est adapté à notre personnalité unique.

Dieu appelle plus d’une foiset de plus d’une manièreNous avons beau croire que Dieu a un plan sur notre vie, cela demeure tout un défi de discerner quel est son plan. Dieu sait que nous sommes des êtres en cheminement. Connaissant notre nature, il nous appelle plus qu’une fois. C’est même un signe qu’il s’agit d’un appel qui vient de Dieu. Cet appel revient de temps en temps et se vérifie sur la durée. De plus, le Dieu de Jésus Christ est un bon pédagogue, il appelle de différentes manières. Son appel pourra être ressenti après un moment de cœur à cœur avec lui. D’autres fois, son appel pourra être perçu suite à une expérience signifiante. Son appel pourra aussi réson-ner par la voix d’une autre personne qui entrevoit en nous ce que nous n’avons pas encore perçu nous-mêmes.

Les appels de Dieu nous dépassentUn autre signe nous montre qu’il s’agit d’un appel de Dieu. Les plans de Dieu pour notre vie sont beaucoup plus grands que nos propres plans. C’est tellement vrai que nous expérimentons que nous sommes incapables de réaliser les plans de Dieu sur notre vie par nos seules forces. Cela nous oblige à nous tourner vers lui afin qu’il nous donne les forces nécessaires pour réaliser ses plans. Cela nous oblige à sauter dans la foi et à faire confiance en « Celui qui peut réaliser, par la puissance qu’il met à l’œuvre en nous, infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même concevoir. » (Éphésiens 3, 20).

Dieu nous dévoile ses plans petit à petitLes plans de Dieu sont tellement grands qu’il nous les dévoile petit à petit pour ne pas nous apeurer. On peut dire que les plans de Dieu se présentent à nous comme un grand rouleau qui se déroule au fur et à mesure. On fait la première partie, on déroule le rouleau et on fait l’autre partie. Si on voyait les plans de Dieu au complet, on ris-querait d’avoir trop peur.

Dieu veut passer par nous pour relayer ses appelsTout cela nous montre bien que le Dieu de Jésus Christ est un fin pédagogue quand il lance ses appels. On pourrait ajouter que Dieu veut aussi passer par nous pour relayer ses appels. Rares sont les vocations particulières qui n’ont pas été transmises par une voix humaine. Et si Dieu voulait passer par nous pour ouvrir un chemin dans le cœur d’un jeune…

« Et si Dieu voulait passer par nous pour ouvrir un chemin dans le coeur d'un jeune... »

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18 JANVIER-FÉVRIER 2021

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heVIE DE PRÊTRE

On m’a demandé de décrire une journée de ma vie de prêtre… Vous connaissez la chanson folklorique : « La vie d’un prêtre la connaissez-vous (bis) La vie d’un prêtre c’est dans son presbytère…» la vie d’un garçon....» Vous pouvez toujours la chan-ter mais ce n’est peut-être pas la réalité... en tout cas, pas la mienne. Le presbytère est devenu un lieu de passage, un lieu de travail pour bien du monde. Ce n’est

plus un cocon presbytéral, un lieu tranquille 24 heures sur 24. Et puis j’aime dire que je suis nommé dans une paroisse et pas dans un presbytère.

Ma journée commence comme celle de tout le monde. Après avoir fait disparaître les plis de mon visage par les ablutions matinales, je me retrouve avec le vicaire des paroisses pour prier les LAUDES (le bréviaire)… Il est 7 h. Après le petit déjeuner, partagé avec l’aumônier de la prison qui demeure avec nous, je fais un coucou à des confrères sur FACE TIME. La fraternité entre prêtres est importante pour moi : se soutenir, s’encourager, se préoccuper de l’autre. Pour moi le presbytérium n’est pas seule-ment un beau et grand mot, c’est une « famille » à faire vivre. Après, comme un bon prêtre, je me dirige vers une des églises pour la messe du matin que j’aurai préparée la veille ou en me levant… Il y a des jours où la messe est célébrée dans des résidences de personnes âgées, en CHSLD... L’heure varie : mati-née, après-midi. Parfois c’est le soir que des paroissiens nous attendent pour la messe.

Après la messe du matin, je passerai voir le personnel administratif : « Il y a quelque chose de spécial aujourd’hui? » Je veux porter avec ces personnes cette réalité sans me faire prendre tout mon temps. Puis, je monte voir les agentes de pastorale... Nous parta-geons une même mission, un ministère dans notre milieu, alors je me préoccupe de leurs engagements et leur livre mes propres préoccupations. On partage aussi nos joies, nos réalisations et parfois nos flops. On reprendra ces échanges lors de réunions d’équipe pastorale.

Comme nous sommes perpétuellement « branchés » avec l’exté-rieur, je répondrai aux téléphones et aux courriels… J’accueillerai des gens pour une rencontre personnelle. Je dois avouer que je préfère aller voir les gens à leur domicile quand c’est possible. Parfois, assez souvent d’ailleurs, je vais présider en fin d’avant-midi des funérailles que j’aurai préparées avec la famille quelques jours avant. Nos samedis sont très occupés par les funérailles, il en faudrait 2 par semaine…

Pause repas conviviale, avec les gens de la maison. Puis, sieste. Oui, oui un p’tit roupillon ça remonte son homme. Après le repos, je murmure un psaume, bréviaire oblige!

En après-midi? Le menu est grand : visite d’un malade, prépa-ration d’une réunion, rencontre individuelle, rencontre d’équipe, téléphones ou courriels. Parfois une p’tite marche dans la ville, espérant rencontrer une ou deux personnes connues ou non. J’aime « faire le trottoir » pour aller vers les gens, les connaître gratuitement sans plus!

Fin d’après-midi, participation à la prière de l’Église… c’est commode maintenant on a les Offices sur le téléphone… peu importe où on est c’est possible de pousser quelques psaumes…Le soir? OUF! Différentes rencontres au presbytère ou ailleurs : marguillers, catéchèses, groupes spirituels, etc. Ce que la vie nous apporte quoi! Présentement je cherche à connaître les groupes communautaires de mon nouveau milieu.

Comme prêtre diocésain, j’ai été invité par mon évêque à parti-ciper à certains comités : comité des nominations, conseil pres-bytéral. Je suis aussi animateur spirituel du mouvement des CURSILLOS. Parfois le soir, parfois dans la journée, j’aurai à participer à des rencontres, animer des fins de semaine. J’avoue chercher à me coucher pas trop tard. Puis-je respecter mon rythme, mes besoins de repos? Oui je le fais!

Monsieur le curé, avez-vous des passe-temps? Oui, l’hiver je rêve à mon jardin… Mes confrères rient de moi car en janvier j’ai déjà acheté mes enveloppes de semences… Printemps, été, automne, il y aura des minutes chaque jour consacrées à ce passe-temps. La TV? Si peu : RDI pour l’information… Parfois CASA pour la détente et une série ou l’autre en fin de journée. Le dimanche si c’est possible COLOMBO en après-midi… ou trotte à l’extérieur chez des amis.

Oui je suis occupé… mais j’aime mon travail, mon engagement de vie avec les baptisés de notre Église. Je vais vous surprendre… j’en rêve. Il y a des nuits, en rêvant, je prépare des choses, je préside des réunions, des célébrations. Je suis occupé jour et nuit… C’est peut-être un peu trop! Chose certaine, je m’efforce de rendre le Christ présent à travers ma personne dans tout ce que je vis... Un Christ joyeux!

« La journée, la vie d’un prêtre la connaissez-vous? » Voilà la vie d’un prêtre, la mienne. Si vous parlez avec un autre de mes confrères, il y aura des variantes. Ce que je sais et j’en suis fier, c’est que beaucoup de prêtres s’investissent totalement, et ça porte mon espérance! Bravo les gars!

« La vie d'un prêtre, la connaissez-vous? »Par l'abbé Bertrand Jodoin, curé à Sorel-Tracy

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19JANVIER-FÉVRIER 2021

L’Envoi de Saint-Hyacinthe

VIE DE PRÊTRE

Ah…! Que je l’entends souvent cette question. Elle m’est posée de plusieurs manières; parfois avec une dose de critique, ou un scepticisme à peine voilé, et la plupart du temps avec beaucoup d’incompréhension. Au fond, ce qu’on me demande, c’est : « Comment fais-tu pour

renoncer à l’amour conjugal? Aux rapports sexuels? » Comme s’il n’y avait que cette forme d’engagement qui soit vraiment « humain » et raisonnable!

Précisons tout de suite : 1. Il n’existe qu’un seul amour véritable. Et 2. Cet amour se décline de différentes couleurs.

1. L’amour véritable a pour qualités d’être gratuit, désintéressé, libre et tourné vers le bonheur de l’autre. C’est l’amour que Jésus lui-même a vécu. Et Jean nous le rappelle : « Dieu est amour ». (I Jn 4,8) Le Seigneur demande à tous ses disciples d’aimer. C’est LE grand commandement : aimer COMME lui.

On ne parle pas ici de coup de foudre, de papillons dans le ventre, ni de la passion, ni de l’attirance ou de préférences. On parle ici de l’amour comme d’un choix à reprendre chaque jour, librement.

2. Ceci étant dit, cet amour prendra plusieurs formes. Le Seigneur lui-même se fait connaître à travers diffé-rentes images : il est le bon berger, la lumière du monde, la porte des brebis, le chemin, la vérité et la vie, etc. Comme on ne peut enfermer Dieu dans une seule représentation, l’Amour unique se vivra sous différentes formes. Et ensemble, toutes ces formes témoigneront de la richesse et de la profondeur de l’amour de notre Dieu.

Des exemples? L’amour conjugal, bien sûr. Mais aussi l’amour des parents pour les enfants, des frères et sœurs d’une même famille; l’amour entre deux amis, ou entre

frères ou sœurs d’une communauté religieuse. L’amour entre les membres d’une même paroisse ou d’un même groupe d’engagement communautaire, etc. Jusqu’à l’amour des ennemis que le Seigneur nous demande de vivre comme baptisés! Dans tous les cas, ces gens seront invités à vivre un amour tel que décrit au numéro 1.

Et c’est ici qu’entre en scène le prêtre et sa couleur à lui de vivre l’unique amour de Dieu. Est-ce que l’amour dont il témoigne est supérieur ou meilleur ou plus « saint » que celui des autres baptisés? Bien sûr que non, puisqu’il n’y a qu’un seul amour. De quelle couleur est l’amour vécu par les prêtres?

Comme prêtre, je choisis d’abord de nourrir ma relation d’intimité avec le Christ, comme tout bon baptisé. Il est la source de tout amour et le fondement de notre vie.Ensuite, et pareillement, je choisis de vivre cet amour envers les membres des communautés paroissiales qui me sont confiées, en portant une attention particulière envers les gens les plus démunis. Il y a aussi l’amour que je porte envers mes confrères prêtres, et même envers mon évêque!

Et le célibat dans tout ça? Le prêtre est malheureu-sement perçu comme un homme seul et isolé, coupé de toute forme d’amour. C’est tellement loin de mon expérience! J’ai devant moi, et avec moi, un très grand nombre de vis-à-vis dont je reçois de très grandes marques d’amour et d’affection, et auxquels je peux offrir toute ma tendresse! Dans la vie du prêtre, il y a toute la place pour la réciprocité et l’amitié, pour l’entraide et la fraternité, pour l’accompagnement et la prière partagée.

En résumé, la vie du prêtre, loin d’être cousue de pénibles renoncements, est au contraire un plongeon quotidien dans l’amour! C’est la grâce que je souhaite à chacun et chacune de vous!

Prêtre, pourquoi as-tu renoncé à l'amour?Par l'abbé Serge Pelletier, curé à Saint-Hyacinthe... et prêtre heureux!

Page 20: SACERDOCE - 1 PARTIE : L'APPEL...Volume XXXVI, numéro 2 • Janvier-février 2021 - 1re partie L’Envoi « Sois le berger de mes brebis » Revue de l'Église de Saint-Hyacinthe SACERDOCE

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L'APPEL POUR DEVENIR PRÊTRE

« Mais cette voix du Seigneur qui appelle, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle arrive aux oreilles du futur prêtre d’une manière extraordinaire. Il s’agit bien plutôt de la découvrir, de la discerner à travers les signes qui, chaque jour, font connaître la volonté de Dieu aux chré-tiens qui savent écouter : c’est à ces signes que les prêtres doivent donner toute leur attention. »(Concile Vatican II, Presbyterorum ordinis, no 89)