S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux...

84
Suisse – Mozambique 30 ANS DE COOPÉRATION BILATÉRALE DE 1979 À 2009

Transcript of S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux...

Page 1: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Suisse – Mozambique30 ANS DE COOPÉRATION BILATÉRALE DE 1979 À 2009

Page 2: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Couverture: Sur la plage de Maputo. Laif

Page 3: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

C’est déjà un début

1

AVANT-PROPOS

Les racines de la coopération suisse avec le Mozambique remontent aux années 1880, au moment où desmissionnaires romands fondèrent la Missão Suiça. Et c’est exactement cent ans plus tard, en 1979, que com-mença l’histoire de la coopération au développement entre les deux États, avec le lancement des premiersprojets dans le domaine de l’approvisionnement en eau et des soins de santé.

Aujourd’hui, 30 années plus tard, nous avons derrière nous l’histoire d’un partenariat entre l’un desÉtats les plus riches du monde et l’un des pays les plus pauvres du monde. Un pays qui ne devint indépen-dant qu’en 1975 et qui, en l’espace de deux décennies, fut le témoin de deux guerres civiles et de deux chan-gements de système radicaux: du colonialisme à l’économie planifiée et de l’économie planifiée à l’écono-mie de marché.

Malgré ces circonstances historiques particulières, la coopération avec le Mozambique est aussi un épiso-de exemplaire de l’histoire de la coopération internationale au développement. Durant les années 1970, desidéalistes partirent aux quatre coins du monde pour faire quelque chose de bien dans des régions déshéri-tées. Mettant en place de nombreux projets, ces personnes accomplirent un travail de pionniers. Peu à peu,la coopération et ses instruments se professionnalisèrent pour former un secteur dans lequel agissent denombreuses agences publiques, des institutions internationales, des prestataires privés et des organisationsnon gouvernementales. La brochure que vous lisez retrace cette évolution tout en expliquant à quel point lacoopération d’aujourd’hui est différente de ce qu’elle fut à l’époque.

30 ans de coopération – et un volume budgétaire total de près de 700 millions de francs –, cela nousamène aussi à nous demander ce que tout cela a finalement apporté. Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’ilest impossible de réduire à un dénominateur commun 30 ans d’évolutions diverses et parfois contradictoi-res ayant eu lieu dans un pays immense. Bien entendu, le Mozambique a fait des progrès importants grâceà l’aide internationale, par exemple en matière de paix, de démocratie, d’amélioration des soins de santé,d’approvisionnement en eau et de réduction de la pauvreté. De même, il est évident que des défis énormespersistent. L’évolution sociale et économique que les pays européens ont mis 200 ans à réaliser ne peut pasêtre expédiée au pas de course. C’est pourquoi cette brochure apporte des réponses nuancées à la questionde l’utilité de la coopération et donne aussi la parole à des gens du Sud.

«L’herbe ne pousse pas plus vite quand on tire dessus», dit un proverbe africain. Mais nous savons aussi: sion la soigne et qu’on lui donne de l’engrais, alors si: l’herbe poussera plus vite. Or c’est exactement ce quefait la Suisse avec sa coopération axée sur le long terme. Elle apporte un soutien adapté aux besoins des pluspauvres, un soutien flexible et innovant et à bien des occasions déjà, ce petit pays qu’est la Suisse a su chan-ger la donne. Reste que pour le Mozambique, le chemin à parcourir pour parvenir aux objectifs de dévelop-pement du millénaire décrétés par l’ONU, qui consistent principalement à réduire de moitié la pauvretémondiale d’ici 2015, est encore fort long. Mais on a déjà fait des pas importants dans la bonne direction.

Martin Dahinden Jean-Daniel GerberAmbassadeur, Directeur de la DDC Secrétaire d’État, Directeur du SECO

Page 4: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Trois décennies mouvementées

2

Le Mozambi-que devient in-dépendant duPortugal

Début de lacoopération bilatérale

Lancement duprogrammed’ajustementstructurel

NouvelleConstitution

Accord de paixde Rome

1975 1976 1979 1985 1987 1989 1990 1991 1992

Début de laguerre civile

La DDC ouvreun bureau decoordination àMaputo

Début del’aide de pro-gramme de laSuisse

Sécheresse dusiècle en Afri-que australe

APERÇU GLOBAL

Le Mozambique:faits et chiffresPage 4

1880–1975Asservi et dominéLeur engagement social aide la Suisseà acquérir une forte crédibilité sur la-quelle s’appuya par la suite la coopé-ration au développement moderne.Page 6

CONTEXTE

Un coup de pouce de départpour les jeunes démocratiesPage 12

CHIFFRES

La coopération en chiffres,à la virgule prèsPage 14

LUISA DIOGO

«L’esprit novateurde la Suisse fait beaucoupavancer les choses»Page 16

1976–1986Un nouveau départgrâce à l’aide de la SuisseÀ la fin des années 1970, la DDCdébute sa coopération au développe-ment officielle entre la Suisse et leMozambique.Page 18

EAU

Une source de viepour MuamulaPage 26

SANTÉ

Rendre les partenaires capablesde s’aider eux-mêmesPage 28

1987 – 1991Cap sur l’économiede marchéLe Mozambique devient un paysprioritaire de la coopération suisse audéveloppement.Page 30

MINES

Le lourd tributde la guerre civilePage 36

MIA COUTO

Notre avenir était-il meilleurpar le passé?Page 38

1992–1995Une transition réussievers la paixLa Suisse joue un rôle décisif dans leprocessus de paix au niveau des tra-vaux préparatoires à la démobilisation.Page 42

GOUVERNANCE

Un bon travail gouvernementalne s’improvise pasPage 48

ACTEURS

Qui fait quoi au sein de laConfédération – et comment?Page 52

Page 5: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

3

CONTENU

1996–2000L’essor a ses zones d’ombreGrâce à ses longues années d’expé-rience, la Suisse joue un rôle importantdans la coordination de l’aide interna-tionale.Page 54

AIDE BUDGETAIRE

L’aide budgétaire n’est pas unchèque en blancPage 60

CORRUPTION

L’évolution vers un État de droit:un chemin semé d’embûchesPage 64

2001–2009Un combat renforcécontre la pauvretéL’aide de notre pays se concentre surle développement économique, la gou-vernance et la santé.Page 66

SIDA

Quand un virus détruit toutPage 74

PERSPECTIVES

«Le Mozambique aura encorebesoin d’aide dans 30 ans»Page 76

ANNEXE

GlossairePage 78

ANNEXE

Adresses, impressumPage 80

Démo-bilisa-tion

Premièresélectionsmunicipales

Plan d’action pourla lutte contrela pauvreté (PARPA)

Deuxièmesélectionsmunicipales

1993 1994 1998 2000 2001 2004 2008

Premièresélections libres

Gravesinondations

ArmandoGuebuza de-vient président

Page 6: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Le Mozambique: faits et chiffres

4

GéographieLe Mozambique estsitué à la pointe sud-est du continent afri-cain, sur le littoral del’Océan Indien. Avecune surface de prèsde 800000 kilomètrecarrés, le Mozambi-que a une superficiede 20 fois supérieu-re à celle de la Suis-se. Alors que le payss’étend sur une lon-gueur de 2500 kilo-mètres, il fait à pei-ne 200 kilomètres delarge en son point leplus étroit. La végéta-tion dominante est lasavane sèche, avecde la prairie et quel-ques forêts sèches.Il y règne un climatchaud tropical à sub-tropical.

PopulationÀ l’heure actuelle,20,5 millions de per-sonnes vivent au Mo-zambique, avec unecroissance démogra-phique annuelle de2%. Presque la moi-tié de la population amoins de 15 ans. LeMozambique comptequelque 80 ethnies etplus de 40 langues.La langue administra-tive est le portugais,qui n’est cependantparlé que par 3% dela population commelangue maternelle etpar 20% comme lan-gue étrangère. À peuprès la moitié de lapopulation appartientà une religion animiste.35% sont chrétiens.Le reste de la popula-tion est musulman.

ÉducationDe nombreuses éco-les ont été détruitespendant la guerre ci-vile, mais aussi durantles inondations ca-tastrophiques qui ontmarqué le début decette décennie. Ceciexplique que, notam-ment dans les zonesrurales, il n’y ait pasencore suffisammentde bâtiments scolai-res. Mais on manqueaussi d’institutriceset d’instituteurs qua-lifiés. Les efforts misen œuvre au cours deces dernières annéesont cependant dé-bouché sur une aug-mentation du nombredes enfants scolarisésen primaire, qui estpassé de 2 millionsà 4,15 millions entre2000 et 2007.

SantéL’espérance de vie estactuellement d’un peuplus de quarante ans.La faiblesse de cechiffre s’explique parle manque d’hygiènedes conditions de vie,le manque de soinsde santé et l’épidémiede sida qui sévit auMozambique. Près de16% des Mozambi-cains ont été infectéspar le VIH, qui est res-ponsable de 100000décès chaque année.La malaria continue àfaire de nombreusesvictimes. En revan-che, ces dernières dé-cennies ont vu le tauxde mortalité infantileet maternelle baisserconsidérablement.

Maputo

Berne

MozambiqueMondeSuisse

Revenu brut annuel

par habitant

en dollars US

320 79

58

5988

0

Pourcentage de la

population en état

de sous-nutrition

<2,5

17

44

Taux d’alphabétisation

en %

48

82 99

Accès à l’eau potable

propre en %

43

83

100

Berne

–Maputo

8500

km

Page 7: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

5

Type de gouver-nementDepuis l’entrée en vi-gueur de la nouvelleConstitution de 1990,le Mozambique est dupoint de vue formel unedémocratie pluralistedotée de pouvoirs exé-cutif, législatif et judiciai-re. Toutefois, étant don-né que l’État est de factodominé par le parti de laliberté, le Frelimo, la sé-paration des pouvoirs nefonctionne pas de façonoptimale. Si l’État tra-vaille de mieux en mieux,l’application des loislaisse encore à désirer,et la corruption est unvaste problème. Le Mo-zambique est un mem-bre actif de nombreusesorganisations internatio-nales, entre autres de laSouthern African Deve-lopment Community(SADC), du Common-wealth of Nations et del’ONU.

ÉconomieL’économie du Mozam-bique, qui repose depuistoujours sur une agricul-ture en général peu pro-ductive, ne possède quepeu de ressources mi-nières et d’industrie. Lamauvaise gestion com-muniste et une sanglanteguerre civile de 15 ansont encore aggravé lasituation. Depuis le dé-but des années 1990,l’économie mozambi-caine enregistre un es-sor qui se manifeste parune croissance annuellemoyenne d’environ 8%.Cependant, la majoritéde la population ne pro-fite pas encore suffisam-ment de ces taux decroissance élevés: plusde la moitié des habi-tants demeure au-des-sous du seuil de pauvre-té. Le taux de chômageest estimé à 50%. Ladevise du Mozambiqueest le metical.

APERÇU GLOBAL

Carte des provinces du Mozambique. Le dégradé

correspond au niveau de développement de la région

concernée (indice de développement humain de l’ONU)

et met en évidence les profondes disparités qui existent

au sein du pays.

Espérance de vie

en années

41

66 81

Mortalité infantile

pour 1000 naissances

4

42

108

Malades du sida

pour 100 habitants

0,4

0,8

16,3

Cabo DelgadoNiassa

Tete

Zambézie

Nampula

Sofala

Manica

Inhambane

Gaza

Maputo

Avec un revenu moyen par habitant d’envi-ron un dollar US par jour, le Mozambique estl’un des pays les plus pauvres du monde. Lepays n’est devenu indépendant du Portugalqu’en 1975 et depuis, il a subi une expé-rience communiste qui s’est soldée par unéchec, une guerre civile sanglante, des catas-trophes naturelles récurrentes et une graveépidémie de sida. Depuis des décennies, cepays à faible densité de population est forte-ment tributaire de la coopération internatio-nale. Aujourd’hui, 50% du budget de l’Étatprovient de sources étrangères.

Page 8: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

6

Confrontation avec le passé au XXI siècle:

peinture murale à Maputo. Corbis

e

Page 9: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Jusqu’à l’indépendance, l’histoire du Mozambique fut marquée par le joug de l’exploi-tation. Ce furent l’or, l’ivoire et les esclaves qui attirèrent dans le pays d’abord les Ara-bes, puis les Portugais, qui se servaient des colonies comme d’un magasin libre-ser-vice dont ils opprimaient brutalement la population. L’action des missionnaires suissess’inscrit à l’opposé de cette démarche. Outre leur travail de mission, les missionnairesconstruisirent des écoles et soignèrent les malades. Leur engagement social aida laSuisse à acquérir une forte crédibilité sur laquelle s’appuya par la suite la coopérationau développement.

Asservi et dominé

En 1498, Vasco da Gama fut le premier Européenà accoster au Mozambique. Il fut bientôt suivipar des compatriotes portugais, qui repous-sèrent toujours plus les Arabes, qui détenaient

depuis le IXe siècle des comptoirs commerciaux sur la côtenord. Mais l’histoire du Mozambique remonte à des épo-ques encore plus lointaines: vers 300 après Jésus-Christ,des peuples bantous originaires d’Afrique centrale s’installè-rent dans la région que l’on nomme aujourd’hui le Mozambi-que. Ils savaient déjà travailler le fer et pratiquaient l’agricul-ture et l’élevage. Les Bantous repoussèrent ou assimilèrentles Bochimans, peuplades semi-nomades qui parcouraientle pays en petites tribus et dont la présence remonte à bienavant la naissance du Christ.

Les Portugais croyaient trouver au Mozambique le fabu-leux Eldorado, à la recherche duquel ils s’étaient enfoncésdans l’intérieur du pays en remontant le cours du Zambèze.Toutefois, la plupart des Portugais s’établirent sur le litto-ral, où ils pratiquèrent le commerce, d’abord de l’or puis,à partir de la fin du XVIIe siècle, notamment de l’ivoire. Ilspurent obtenir l’accès à ces marchandises grâce à l’aide dechefs de tribus, que les Portugais appelaient «regulos» etqui occupaient le sommet du système féodal mozambicain.Ce sont aussi les regulos qui, à partir de la deuxième moitiédu XVIIIe siècle, permirent aux Portugais d’avoir accès auxesclaves. Les marchands d’esclaves déportèrent par la suiteplus d’un million de personnes dans les colonies françaises,au Brésil, à Cuba ou aux États-Unis. Ce commerce atroce

7

1880–1975HISTOIRE DU PAYS

Page 10: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Au Mozambique, le médecinsuisse René Gagnaux a une popularitéconfinant au mythe. Mia Couto, écrivain

mozambicain

ne prit fin qu’au cours du XIXe siècle, quand l’esclavage futaboli dans le monde entier. Entre-temps, l’exploitation colo-niale avait néanmoins vidé le Mozambique d’une bonne par-tie de sa population et de ses ressources naturelles et misen fuite des milliers de personnes tentant d’échapper auxchasseurs d’esclaves en se réfugiant dans les contrées lesplus inaccessibles du pays.

La traite des esclaves finit par se tarir, mais les Portugaisdemeurèrent sur place. Jusqu’au XIXe siècle, toutefois, leurdomination se limita au littoral et à quelques régions bordantle cours du Zambèze. L’arrière-pays intéressait peu les Por-tugais. Ceci changea vers la fin du XIXe siècle avec le renfor-cement des rivalités liées à la conquête de colonies africai-nes. Les Portugais essayèrent eux aussi de consolider leurdomination sur le Mozambique. La concurrence s’intensifiadu fait des Britanniques, des Allemands et des Boers. En1875, au terme d’un long bras de fer politique, le Portugalet la Grande-Bretagne finirent par se mettre d’accord sur lesfrontières actuelles du pays.

Si cela réglait le rapport de force entre les pays euro-péens, la résistance de la population africaine n’en étaitpas pour autant vaincue. Or si les Portugais parvinrent pro-gressivement à venir à bout de cette résistance grâce àla supériorité technique de leur armement, ils échouèrentà implanter un pouvoir fort sur l’ensemble du pays. Pour

finir, le gouvernement portugais laissa le champ libre auxcompagnies commerciales privées, auxquelles il accordaune concession pour l’exploitation de certaines parties duMozambique. Cette manière de faire était à l’époque unepratique tout à fait courante parmi les grandes puissanceseuropéennes.

Les sociétés commerciales, pour la plupart anglaises,généraient leurs profits en percevant les taxes et en rédui-sant sous la menace les indigènes au servage. Du reste,ceux-ci ne se distinguaient des esclaves qu’en ceci qu’ils

Le Frelimo

Le Frelimo (Frente de Libertação de Moçambique) – le Front de libération du Mozambique – fut créé en 1962. Son premierprésident est Eduardo Mondlane. En 1964, cette organisation anticolonialiste de libération prend les armes contre le pou-voir colonial et contrôle quatre ans plus tard environ un cinquième du pays, notamment les régions du nord. Le Frelimodevient un mouvement révolutionnaire d’obédience communiste, pour lequel la guerre de libération est aussi une expres-sion de la lutte des classes. Dans les régions libérées, il construit des écoles, alphabétise la population et organise lessoins de santé. Militairement, le Frelimo est soutenu par la Chine, l’Union soviétique et puis aussi, plus tard, par Cuba. Àl’indépendance, le Frelimo prend les rênes du pouvoir au Mozambique. Samora Machel, le successeur de Mondlane, as-sassiné en 1969 par un attentat à la bombe, devient premier président de la République.

Dans le contexte de la guerre froide, le Frelimo devient de plus en plus clairement un parti élitiste marxiste-léniniste. Ilétouffe l’opposition politique et nationalise l’industrie et l’agriculture. Avec les réformes radicales que le Frelimo imposeenvers et contre tout et avec le soutien des mouvements de libération des pays voisins, le Frelimo se fait des ennemisaussi bien dans le pays qu’au-delà de ses frontières. À partir de 1976, le Mozambique sombre dans la guerre civile insti-guée par le mouvement de guérilla de la Renamo, soutenu par des pays voisins (cf. encadré de la page 21). Réagissant àla faillite économique entraînée par la guerre et la mauvaise gestion, le Frelimo rectifia son cap au cours des années 1980et entreprit des réformes introduisant l’économie de marché, se transformant lui-même en un parti démocratique. Aprèsl’accord de paix de Rome, il remporte les premières élections libres en 1994. Le Frelimo domine jusqu’à aujourd’hui la viepolitique du Mozambique, et les présidents de la République sont toujours issus de ses rangs.

8

Page 11: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

n’avaient pas été déportés vers d’autres continents. Encoreune fois, ce furent les regulos qui permirent cette pratique,pour laquelle ils touchèrent une commission. Les Mozambi-cains furent soumis au travail forcé jusque dans les années1960, travaillant dans les plantations, posant des voies dechemin de fer ou construisant des routes. Bien évidemment,les sociétés commerciales n’offrirent aucune contrepartie,par exemple la construction d’écoles ou d’hôpitaux.

Ils laissèrent cette tâche aux missions, arrivées auMozambique dès 1721 en provenance d’Afrique du Sud.Le travail de mission proprement dit ne commença qu’avecles missionnaires suisses, qui débutèrent leurs activités auMozambique en 1887 et y ouvrirent leurs premières éco-les. L’offre scolaire des missionnaires se limita cependantgéographiquement aux quelques rares stations de mission,de sorte que seule une infime partie des enfants purent enprofiter: en 1960, seuls 1% des enfants étaient scolarisés.Néanmoins, ces écoles et les autres services sociaux desmissionnaires furent les prémisses d’un partenariat fructueuxentre le Mozambique et la Suisse.

En 1926, la République portugaise fut renversée et rem-placée par une dictature militaire fasciste avec à sa têteAntonio Salazar. Au Mozambique, Salazar attendit l’expira-tion des concessions accordées aux compagnies colonia-les pour prendre lui-même le contrôle du pays. Le régimeSalazar établit alors une variante mozambicaine de l’apar-theid: une petite minorité de métis sachant lire et écrire etinféodés à la culture portugaise étaient considérés commedes citoyens «assimilés». Les autres, la majeure partie dela population, furent opprimés dans la violence. Des cen-

taines de milliers de Mozambicains fuirent le travail forcéet les exactions policières et allèrent se réfugier dans lespays voisins. Pendant ce temps, afin de soulager la pressiondémographique que connaissait le Portugal, le régime fit lapromotion de l’expatriation au Mozambique. C’est ainsi quejusque dans les années 1970, plus de 200 000 Portugaisémigrèrent au Mozambique. Beaucoup d’entre eux étaientpauvres et analphabètes. Ceci n’empêcha cependant pasles colons d’occuper toutes les positions supérieures dansl’artisanat, le commerce et les services. Pour prévenir l’ap-parition de toute concurrence indésirable, les Portugais pri-vèrent les Mozambicains d’instruction et les tinrent à l’écartdes fonctions d’encadrement, empêchant ainsi la formationd’une classe moyenne autochtone.

Lorsque, après la Seconde Guerre mondiale, de nom-breuses colonies africaines accédèrent à l’indépendance,au Mozambique aussi, la résistance à la puissance colo-niale prit de l’ampleur. Un évènement décisif fut le massacrede Mueda, en 1960, lors duquel près de 600 manifestantspacifiques furent abattus par l’armée portugaise. En 1964, le«Front de libération du Mozambique» (Frente de Libertaçãode Moçambique (Frelimo) – cf. encadré ci-dessus) entre-prit de combattre le régime despotique. Bientôt, le Frelimo,qui opérait depuis la Tanzanie, prit le contrôle de quelquesprovinces du nord du pays, notamment du Cabo Delgado.Mais ce n’est qu’en 1974 que le Frelimo parvint à la victoire,lorsqu’au Portugal, des éléments de l’armée se rebellèrentet que la dictature militaire fut renversée lors de ce que l’onappela par la suite la Révolution des Œillets. Les nouveauxdétenteurs du pouvoir mirent sans délai fin aux guerres colo-niales d’Angola et du Mozambique. Le 25 juin 1975, dans la

L’enseignement scolaire des missionnaires suisses à Ricatla

en 1908, où travailla entre autres Henri Alexandre Junod.

DM – échange et mission

9

1880–1975

Page 12: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

capitale, Maputo, le chef du Frelimo, Samora Machel, décla-ra le Mozambique indépendant.

La Suisse reconnut le Mozambique le jour même deson indépendance. En avril 1976, les deux pays établirentofficiellement des relations diplomatiques. Un an plus tard,la Suisse ouvrait une ambassade dans la capitale, Maputo.Cependant, la Suisse avait été active au Mozambique avantl’indépendance. En 1922 déjà, l’évolution favorable desrelations commerciales avait amené la Suisse à ouvrir unconsulat au Mozambique. Parmi les entreprises particuliè-rement performantes, on trouvait Boror, fondé en 1899, quigérait dans les années 1960 la plus grande plantation decocotiers, et une société créée en 1922 qui plantait du sisal,variété d’agave dont elle transformait les fibres en cordage,ficelle et fil.

Les premiers Suisses à venir au Mozambique ne furentpourtant pas des gens d’affaires mais les missionnai-res de la Mission romande (ou Mission suisse), connue auMozambique sous le nom portugais de «Missão Suiça»*.Elle ouvrit une station de mission à Lourenço Marques, l’ac-tuelle Maputo, en 1887. Les missionnaires suisses étaient

connus pour leur engagement social dans différents domai-nes. Comme cela a déjà été mentionné plus haut, entreautres activités, ils construisirent des écoles et des hôpitaux.De nombreuses années plus tard, les missionnaires eurentpour élèves des Mozambicains influents comme EduardoMondlane, cofondateur et président du Frelimo (cf. enca-

Des missionnaires suisses ont aidé dejeunes Mozambicains à retrouver leursracines mozambicaines et leur identité.Ils leur instillèrent ainsi une confianceen eux-mêmes. Malangatana Ngwenya,

célèbre peintre mozambicain et élève des mis-

sionnaires suisses

* On trouvera un récapitulatif de la présence suisse au Mo-zambique dans le livre d’Adolphe Linder. Die Schweizer inMosambik 1721–1990 (Les Suisses au Mozambique de 1721 à1990), éditions Rondebosch, Basler Bibliographien 1998.

Samora Machel, héros de la guerre d’indépendance et

premier président du Mozambique. L’armée et le peuple fêtent

l’indépendance. © Abbas/Magnum (photo de gauche), © Jean Gaumy/

Magnum (photo de droite), Corbis (photo du milieu)

10

Page 13: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

dré, page 8), Malangatana Ngwenya – peintre aujourd’hui denotoriété mondiale – ainsi que l’actuel président.

Mondlane fut entre autres l’élève d’Henri-AlexandreJunod (1863–1934), notamment connu pour des étudesethnologiques. Junod travailla pour la Mission suisse auMozambique de 1889 à 1920 avec quelques interruptions.Il aida Mondlane et d’autres Mozambicains à retrouver leursracines mozambicaines. Les Portugais, qui reprochaient (àraison) à Junod et aux autres missionnaires d’enseigner leslangues indigènes et de saper l’autorité du pouvoir colonial,voyaient Junod d’un très mauvais œil. Dans ses ouvrageslittéraires et ses lettres, Junod critiquait surtout les effets del’impérialisme et du capitalisme sur la population. C’est laraison pour laquelle en 1895, Junod fut expulsé du Mozam-bique pour quelque temps.

Ce théologien romand fut l’un des premiers mission-naires à prendre en compte dans ses activités le patrimoineculturel des tribus autochtones. Il étudia la tribu bantouelocale des Tongas et traduisit la Bible dans leur langue. Lesconnaissances linguistiques qu’il acquit permirent à Junodde découvrir la vie des Tongas, leur histoire, leurs coutumeset rites. L’ouvrage principal de Junod, «The Life of a SouthAfrican Tribe» (La vie d’une tribu d’Afrique australe), qui parutau début du XXe siècle, est aujourd’hui considéré commeun classique de l’ethnologie. Henri-Alexandre Junod mou-rut en 1934 à Genève. Selon son souhait, il fut enterré auMozambique.

Un autre Suisse eut plus tard une importance quasi-mythique au Mozambique, pour reprendre l’expression del’écrivain mozambicain Mia Couto. Il s’agit du médecin René

Gagnaux (1929–1990), qui mit sa vie au service des pau-vres et des malades. Après avoir fait ses études en Suis-se, Gagnaux vint en 1964 à Maputo en qualité d’assistantmédical de la Mission suisse. Dans la capitale et la provinceenvironnante, il travailla dans différents hôpitaux. Pendant laguerre civile, Gagnaux et son équipe opéraient jusqu’à 15blessés par jour, sans faire la différence entre les soldats etles rebelles. Les blessés étaient souvent pris en charge dansdes conditions précaires, car on manquait de médicamentset d’instruments médicaux. En 1990, peu avant la fin de laguerre, René Gagnaux fut assassiné sur le chemin de l’hôpi-tal de Xinavane, au nord de Maputo, dans des circonstancesnon élucidées. Certains accusent les rebelles de la Rena-mo (cf. encadré de la page 21) d’être les auteurs du crime,d’autres, parmi lesquels le fils du médecin, Pierre, penchentpour l’hypothèse d’une embuscade de bandits de grandchemin. Un an après sa mort, René Gagnaux reçut à titreposthume la médaille Bagamoyo, la plus haute distinction dupays, et fut déclaré citoyen d’honneur du Mozambique.

Gagnaux, Junod et les autres missionnaires suisses ontfondé la tradition de l’engagement de la Suisse au Mozam-bique. Leur longue présence sur place et leur engagementsocial sincère en faveur du système scolaire et médical,qui tranchaient favorablement sur la façon dont les colonsjouaient des muscles, créèrent un climat de confiance entreeux et leurs partenaires mozambicains. Ces hommes ontdonné à leur pays natal une crédibilité sur laquelle s’est parla suite appuyée la coopération suisse au développement.

25 juin 1975:

Samora Machel proclame l’indépendance

du Mozambique. Corbis

11

1880–1975

Page 14: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Un coup de pouce de départpour les jeunes démocraties

L’Afrique australe est une région dont les pays, en dépit de leurs grandes dif-férences culturelles, économiques et politiques, doivent relever des défis com-muns, des défis immenses: une grande pauvreté et de profonds déséquilibres,des démocraties fragiles et une épidémie de sida sans précédent. La Suisse netravaille pas seulement au Mozambique depuis 30 ans, elle est également activedans d’autres pays de la région.

La notion de «coopération audéveloppement» remonte au débutdes années 1960, au moment dela fondation de l’Organisation decoopération et de développementéconomiques (OCDE). La mission decette nouvelle institution, dont lesiège se trouvait à Paris, consistaità coordonner ce que l’on appelaitautrefois «l’aide au développement».Son rôle était jusqu’alors principa-lement d’accorder des crédits auxcolonies, dont beaucoup accédèrentà l’indépendance à cette époque.Censée n’être qu’un engagementhumanitaire – souvent compriscomme une espèce de réparationpour l’époque coloniale – la coopé-ration au développement n’était etn’est toujours pas sans refléter les

intérêts personnels des bailleursde fonds. Jusqu’à la fin des années1980, par exemple, la guerre froidea profondément marqué la coopé-ration. À l’époque, de nombreuxpays occidentaux industrialiséstenaient par-dessus tout à empêcherles pays en voie de développementde tomber dans la zone d’influencecommuniste. Outre ce conflit Est-Ouest, des intérêts économiquesbien concrets jouent aujourd’huiencore un rôle dans la coopération– notamment l’accès aux matièrespremières et l’ouverture de débou-chés commerciaux. Depuis le nou-veau millénaire, enfin, d’autreséléments viennent influer surl’orientation de la coopération audéveloppement: la peur de l’immi-

gration illégale ainsi que la luttecontre le terrorisme.

C’est dans cette zone d’inter-section entre ces intérêts parfoiscontradictoires que se forme l’his-toire de la coopération en Afriqueaustrale. L’apartheid – la politiquede la séparation des races introduiteaprès la Seconde Guerre mondialepar le gouvernement d’Afrique duSud – a lui aussi joué un rôle décisif.Après la chute des régimes minori-taires blancs d’Angola et du Mozam-bique et le changement de pouvoirau Zimbabwe dans les années 1970,la politique du développement sépa-ré fut de plus en plus marginaliséepar la communauté internationale.Plus de 500 personnes moururentlors de la révolte de Soweto, dans labanlieue de Johannesburg (1976).Après ce massacre, les ONG et lesagences gouvernementales de déve-loppement prirent un peu plusconscience de leurs responsabilitéset se mirent à réclamer l’abolitionde l’apartheid en Afrique du Sud,avec certes quelques réticences audépart, certains gouvernementsoccidentaux craignant en effet quel’ANC (African National Congress)– qui était soutenu par le bloc del’Est – ne prenne le pouvoir.

La DDC (appelée à l’époque laDAD) arrive vers la fin des années1970 à la conclusion que la coopéra-tion au développement en Afriqueaustrale doit être renforcée. Le déve-

12

Le Programme régional pour l’Afrique australe

Pour soutenir l’initiative de la SADC, la DDC a lancé en 2005 le «Programmerégional pour l’Afrique australe». Ce programme vient s’ajouter à la coopéra-tion bilatérale avec chacun des pays et est coordonné par le Bureau de la coor-dination suisse de Pretoria. Le programme régional poursuit trois objectifsprioritaires:

• Soutenir la bonne gouvernance et la stabilisation des jeunes démocratiesde la région. Concrètement, cela signifie par exemple une assistance dansla tenue des élections et dans le domaine de l’éducation civique.

• Lutter contre le sida, notamment par le financement de concepts régio-naux d’accompagnement et de projets de prévention.

• Encourager l’utilisation internationale et équitable des ressources natu-relles. Ainsi, la Suisse soutient un projet de la SADEC très réussi qui déve-loppe dans le cadre de la coopération régionale une semence de maïs ré-sistant à la sécheresse et le distribue par-delà les frontières.

Page 15: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

loppement de nombreux pays decette région est à la traîne par rap-port aux autres régions. Les raisonsen sont les conditions climatiquesdéfavorables, les rapports politiquesmarqués par de nombreux conflitsainsi qu’un régime d’apartheid dontle bras armé se déploie dans les paysvoisins. Active dès les années 1960en Tanzanie, la DDC démarre en1978 un programme de développe-ment au Lesotho. Un an plus tard,elle lance la coopération avec leMozambique. Dans le même temps,les voisins de l’Afrique du Sud com-mencent à s’organiser contre l’apar-

theid et convoquent une conférenceannuelle de développement, laConférence de coordination dudéveloppement d’Afrique australe(CCDAA). La conférence entend êtreun forum anti-apartheid. Les mem-bres de la CCDAA sont l’Angola, leBotswana, le Lesotho, le Malawi, leSwaziland, la Tanzanie, la Zambie,les Seychelles, Maurice, le Zimbab-we et le Mozambique. Commed’autres agences de développementoccidentales, la DDC soutient leprocessus de la CCDAA, dont ellefait bénéficier les membres d’uneaide bilatérale renforcée. Un motifimportant des bailleurs de fonds estqu’ils souhaitent dédommager lespays pour les pertes économiquesque ceux-ci essuient du fait de leurlutte contre l’apartheid.

En 1994, enfin, la tenue des pre-mières élections démocratiques enRépublique d’Afrique du Sud mar-que la fin définitive de l’apartheid.Ceci eut pour conséquence une réor-ganisation de la CCDAA: les mem-bres existants s’unirent à l’Angolaet à la République d’Afrique du Sudpour former la SADC. La Commu-

nauté de développement d’Afri-que australe (Southern AfricanDevelopment Community enanglais) est une organisationqui vise à régler en commun

les problèmes de la région et àpromouvoir la coopération entre

les pays. On y tente également demettre en place une zone de libre-échange commune. Par ailleurs, ils’agit de régler de manière équitablel’usage des biens publics mondiauxtels que l’eau et l’air et d’empêcherque ceux-ci ne deviennent source deconflits.

La région de la SADC compteactuellement au total quelque 200millions d’habitants. Les démocra-ties sont certes jeunes et fragiles.Mais (à l’exception du Zimbab-we) après plusieurs décennies deconflits politiques et armés, larégion semble avoir retrouvé lecalme. Le problème principal estet demeure la pauvreté: d’après lesestimations, 70% de la populationdoivent se contenter de l’équivalentde moins de 2 dollars US par jour,40% vivant même dans un état depauvreté extrême. Mais ces chiffresrecouvrent des contrastes énormesdans la distribution des richesses.S’y ajoutent des disettes récurrentesdues aux sécheresses et aux inon-dations. Le défi principal pour larégion est entre-temps le VIH: l’épi-démie de sida sévit en Afrique aus-trale comme nulle part ailleurs etmine le développement économiqueet social.

13

CONTEXTE

Mozambique

Zimbabwe

Namibie

Madagascar

Républiqued’Afrique du Sud

Botswana

Zambie

Angola

Tanzanie

Congo

Mal

awi

Leso

tho

Swaz

ilan

d

Page 16: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

0

10

20

30

40

0706050403020100999897969594939291908988878685848382818079

La coopération en chiffres, à la virgule près

Avec une enveloppe budgétaire de quelque 30 millions de francs suisses par an, le Mozam-bique fait partie des principaux pays sur lesquels se concentre le travail de coopération audéveloppement suisse. Au départ, la Suisse apportait principalement une aide liée à desprojets. Dans les années 1990, le programme s’est en permanence adapté au changementdes conditions générales et a été étendu. Depuis 1986, la Suisse apporte aussi une aidebudgétaire. À la suite des inondations catastrophiques de l’an 2000, la Suisse a commencéà participer à l’aide d’urgence et à l’aide de reconstruction.

Dépenses totales de la Confédération pour la coopération avec le Mozambique en millions de francs

14

Année 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991

Total aide publique 1581 3049 2250 7953 5556 10232 5221 5759 34897 9423 12075 36258 42015

Total Confédération 1581 3049 2250 7953 5556 10232 5221 5759 34897 9423 12075 36258 42015

DDC 1581 3049 2250 7953 5556 10232 5221 5759 24797 9423 12075 36214 26380

Coopération au développement 564 3049 2076 7296 5178 7960 3819 3859 3619 7165 5797 19769 7628

Contributions de programme aux ONG 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Aide financière 0 0 0 0 0 0 0 0 16900 0 2000 10708 13180

Aide alimentaire 459 0 147 657 328 2017 1402 1784 2139 445 1456 1176 1039

Aide humanitaire 558 0 27 0 50 255 0 116 2139 1813 2822 4561 4533

SECO 0 0 0 0 0 0 0 0 10100 0 0 0 15605

Aide budgétaire et financementde la balance des paiements

0 0 0 0 0 0 0 0 10100 0 0 0 15605

DP IV du DFAE 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Promotion civile de la paix 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Secrétariat d’État à l’éducationet à la recherche

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 44 30

Autres offices fédéraux 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Cantons et communes 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Aide privée (fondations d’aide) 1517 341 368 154 339 775 1687 1227 2114 1627 1094 772 3653

Tous les montants sont indiqués en milliers de francs. Les sommes sont arrondies.

Page 17: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Origine des contributions suisses* (total 1979 à 2007)

55Origine de l’aide totale au Mozambique en millions de $ US

(de 2000 à 2007) Total: 11 milliards de $ US

UE et pays de l’UE

(Suède, Hollande,Irlande, Allema-gne, Danemark,Espagne, Italie,Belgique, France,Autriche, Portugal,Grande-Bretagne)

6110

CH190

Canada248Autres 289

USA 960

Répartition des contributions suisses

par secteur (2007)

Gouvernancelocale 21 %

Aide budgétaire28 %

Développementéconomique11 %

Divers21 %

Santé 19 %

DDC

ONG

SECO

DP IV Cantons

* Les bailleurs de fonds de moins de 100 000 Fr. ne sont pas pris en compte.

Organisations affiliéesà l’ONU 294 Japon 327

Norvège 437Banque Africaine

de Développement 581

Banquemondiale,FMI 1609

15

CHIFFRES

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Total

26682 28195 41117 31949 33488 26290 32677 28082 42351 39393 33686 28130 34377 30661 28236 29072 690656

26682 28195 41117 31949 33488 26290 32542 27959 41750 38991 33273 27687 34007 29924 28078 28662 686863

24677 28195 38117 29949 24729 17417 23088 26459 28121 30186 20781 16853 19268 16619 16344 19196 530490

8474 6516 13960 11650 13450 14126 21678 24076 20276 28050 19305 14828 16990 14550 13957 16353 336020

0 0 0 0 0 0 932 1175 1461 1446 903 1791 1835 1746 1898 1864 15053

2815 14742 17624 13895 9357 2849 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 104070

4149 790 686 3722 1902 331 0 0 1444 0 25 0 8 0 0 500 26607

9239 6147 5847 682 20 111 478 1208 4939 691 548 234 435 323 488 478 48741

2000 0 3000 2000 8759 8873 8000 1500 13428 8585 10450 8878 13236 12457 11632 9466 147969

2000 0 3000 2000 8759 8873 8000 1500 13428 8585 10450 8878 13236 12457 11632 9466 147969

0 0 0 0 0 0 1454 0 201 219 2023 1956 1503 848 102 0 8306

0 0 0 0 0 0 1454 0 201 219 2023 1956 1503 848 102 0 8306

5 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 79

0 0 0 0 0 0 0 0 0 19 0 0 0 0 0 19

0 0 0 0 0 0 135 123 601 403 4139 444 369 738 158 410 3793

2688 3370 4984 2742 3490 1969 3169 3590 8980 11005 5970 7062 5292 6725 6517 10271 103492

Page 18: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

«L’esprit novateur de la Suissefait beaucoup avancer les choses»

Dans une interview, Luisa Diogo s’exprime sur la situation du pays et sur la coo-pération avec la Suisse. La femme politique du Frelimo a intégré en 1994 le gou-vernement alors dirigé par le président Chissano et devint par la suite ministredes Finances. En février 2004, elle fut la première femme à être nommée au postede premier ministre du Mozambique. Le magazine américain US Time Magazinea fait figurer Luisa Diogo dans sa liste des 100 personnes les plus influentes aumonde. Cette femme de 51 ans est originaire de la province de Tete et a 3 enfants.

Le Mozambique est indépendantdepuis 1975. Êtes-vous satisfaitedes résultats obtenus jusqu’ici?

Nous sommes très satisfaits.L’un des principaux facteurs écono-miques du succès du Mozambiqueest le leadership. Deuxièmement,la population du Mozambique tra-vaille avec beaucoup de détermi-nation. Et la troisième raison, c’estla solidarité internationale. Nousavons de très bons amis dans lemonde entier, dont en Suisse. Uneamitié qui dure depuis déjà long-temps et remonte même à l’époqued’avant l’indépendance. Depuis1979, notre coopération est plussystématique, et la Suisse est très àl’écoute des besoins de notre pays.

La Suisse connaît-elle bien lesbesoins actuels du Mozambique?

Oui, et c’est justement ce quiexplique l’immense succès de lacoopération avec la Suisse: ce n’estpas le volume de l’aide qui fait ladifférence. C’est l’esprit novateur,l’imagination, l’initiative et uneforte solidarité. Les Suisses saventidentifier ce dont les Mozambicainsont besoin.

En 1991, par exemple, alors quenous étions sur le point de signerl’Accord général de paix, nous avonsconduit avec différents partenairesdes entretiens sur la démobilisation,la réintégration des combattants etla reconstruction. La Suisse eut alors

le courage d’effectuer avec nous lespréparatifs de façon précoce. Immé-diatement après l’accord de paix, leschoses se sont mises à bouger, et desdécisions très rapides ont dû êtreprises! Heureusement, à ce moment-là, il existait déjà des plans détaillés,et tout était prêt pour la démobili-sation et la réintégration. La Suissen’arriva pas avec une aide d’ungrand montant, mais avec un espritnovateur et ouvert doublé d’uneconnaissance des réalités de notrepays, ce qui a beaucoup apporté.

Vous avez mentionné un certainrôle de leader que jouerait la Suis-se en matière de coopération. Pou-vez-vous nous donner un exemple?

En 1995, nous nous sommesrendu compte en analysant notrebalance des paiements que le finan-cement des devises destinées auxmarchandises d’importation necouvrait que les grandes et moyen-nes entreprises. Les entreprises quiachetaient en Afrique australe etétaient actives dans ce qu’on appellele secteur informel ne pouvaientpas avoir accès aux devises, parceque le crédit minimum était trop

élevé. Nous en avons parlé avec nospartenaires, l’Union européenne, laBanque mondiale et tous nos par-tenaires multilatéraux. La Suisse aété le seul pays à proposer de met-tre à disposition une somme de 3millions de dollars US sans fixer deminimum. L’argent a été utilisé enl’espace de 9 jours! La Suisse a alorsmis 9 autres millions à disposition.Cette tranche est partie en 2 semai-nes! Tous les partenaires interna-tionaux ont suivi avec intérêt cetteapproche novatrice, qui du point devue de la Suisse représentait beau-coup d’audace, mais s’est soldéepar un franc succès. L’ensemble dusecteur informel a pu alors se pro-curer des devises et effectuer desimportations. Par la suite, le coursdu change s’est stabilisé au Mozam-bique, la demande et l’offre de devi-ses s’étant équilibrées. Pour la Ban-que du Mozambique, un nouveauconcept est apparu à ce moment-là:le «Swiss Model». C’était un engage-ment remarquable, un engagementqui nous a permis d’avancer.

Je pourrais citer encore d’autresexemples et parler de solidaritédans les moments les plus difficiles,

Ce n’est pas le volume de l’aide qui fait la différen-ce. C’est l’esprit novateur, l’imagination, l’initia-tive et une forte solidarité.

16

Page 19: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

par exemple en l’an 2000, quandnous avons eu besoin de moyenspour financer la reconstructionaprès les inondations. Encore unefois, la Suisse était au premier rang,et nous avons réussi à créer unmodèle de soutien du budget del’État. Quand, pour finir, la Banquemondiale a elle aussi accordé desfonds pour le soutien du budget del’État, il est clairement apparu quela coopération avec un pays commele Mozambique pouvait être uneréussite sans partage à conditiond’être innovante, audacieuse etmotivée par une grande solidarité.

Dans quels domaines y aurait-ilaujourd’hui besoin d’innovation?

Une possibilité que je voisserait que la Suisse s’engage enfaveur d’investissements directs auMozambique, puisque nous avonsfait ensemble de grands progrèsdans la stabilisation de notre pays.

Nous avons aussi de plus en plusbesoin d’investissements privésétrangers au Mozambique. Nouspensons qu’une coopération avecla Suisse, par exemple dans le tou-risme, apporterait des atouts depoids aux deux parties. La Suisse adans ce domaine une grande expé-rience, elle sait identifier les poten-tiels et les utiliser, et nous sommesconvaincus que les investissementsseront amortis très rapidement.

Par ailleurs, nous souhaiterionsque la Suisse s’engage encore plusdans l’infrastructure – pas seule-ment dans le domaine de l’eau et dela construction de routes, mais aussipour le regroupement des secteurspublic et privé, dans le domaine despartenariats public-privé.

D’autre part, nous espérons quela Suisse continuera à nous apporterson soutien en matière de santé, bienqu’elle ait ces derniers temps un peuréduit sa contribution dans ce sec-

teur. La Suisse possède une grandeexpérience quant aux composantesde base de notre stratégie de dévelop-pement – santé, éducation et déve-loppement rural – de sorte que dansce domaine, elle peut encore fairebouger beaucoup de choses.

Enfin, pour nous, il est natu-rellement décisif que la Suissesoutienne notre budget d’État avecson aide budgétaire générale. Nousavons besoin de la flexibilité decette aide non liée pour surmonterles exigences de l’avenir à l’aide denotre budget d’État. Nous le faisonsbien évidemment en tenant comptede nos objectifs de développementet des aspects sociaux et économi-ques, mais aussi dans le cadre d’unleadership d’État responsable. LaSuisse est extrêmement sensible àces besoins, et elle possède un pré-cieux trésor d’expérience qu’ellepartage avec nous. Ceci concernenotamment la poursuite de ladécentralisation du Mozambique,une réforme sur laquelle la Suisseet notre gouvernement coopèrentdepuis longtemps et qui permettraaux communautés locales de parti-ciper au développement du pays.

Interview de la première ministre du Mozambique

Luisa Diogo fin mars 2009 à Maputo.

Naita Ussene

Interview: Paola Rolletta

17

LUISA DIOGO

Nous avons besoin de la flexibilité de l’aide non liéepour surmonter les exigences de l’avenir à l’aide denotre budget d’État.

Page 20: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Manifestation anti-apartheid à Maputo,

novembre 1986. Corbis

18

Page 21: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

En 1975, au moment de l’indépendance, plus de200000 Portugais quittèrent le pays. Si la plu-part partirent de leur plein gré, certains y furentforcés. Mais il y eut aussi des Portugais qui sou-

tenaient le nouveau gouvernement et restèrent, comme parexemple l’écrivain Mia Couto. En partant, les colons empor-tèrent avec eux tout ce qui était transportable et détruisirentune grande partie de l’infrastructure qu’ils étaient contraintsd’abandonner sur place, laissant derrière eux un pays sansclasse moyenne, sans intellectuels, sans médecins ni archi-tectes, sans cadres d’entreprises et sans personnel admi-nistratif compétent. 98% de la population ne savaient ni lireni écrire. Le nouveau Mozambique partait de zéro.

Pourtant, dans un premier temps, les grands espoirsde voir l’avènement d’une nouvelle société ne furent pasdéçus. En concentrant les maigres ressources disponibles,le Frelimo, mouvement indépendantiste devenu d’un jour àl’autre parti de gouvernement, réussit à mettre en place unsystème de santé – et ce dans un pays qui n’avait encorejamais connu les bienfaits de la médecine moderne. Lamortalité infantile baissa de 20 % et en 1979, 90 % de lapopulation étaient vaccinés contre le tétanos et la rougeo-

le. De leur côté, les nouvelles écoles commencèrent ellesaussi à se remplir, et l’analphabétisme recula.

Le Frelimo tenta de réaliser ses objectifs ambitieux enmettant en place une politique communiste: il expropriales biens portugais, nationalisa les entreprises industriel-les, entreprit une collectivisation partielle de l’agriculture etcentralisa le gouvernement. Il nationalisa entre autres desbiens suisses d’une valeur estimée à 80 millions de francsainsi que les hôpitaux et les écoles de la Mission suisse.Avec le recul, il semble compréhensible que le Frelimo aitopté pour une orientation communiste et se soit rallié aubloc de l’Est. Contrairement à l’Occident, la Chine, l’Unionsoviétique et d’autres États communistes avaient soutenumilitairement le Frelimo dans sa lutte pour l’indépendanceet noué avec lui pendant la guerre de libération des lienspolitiques et idéologiques étroits. Le nouveau Mozambiquene pouvait donc espérer aucune aide de la part de l’Occi-dent, qui en ces temps de guerre froide imposait des sanc-tions aux pays communistes.

Les structures économiques, qui n’étaient que faible-ment développées, furent à nouveau complètement détruites

19

1976–1986

Un nouveau départgrâce à l’aide de la Suisse

En 1975, après des siècles d’oppression, les Mozambicains réussirent enfin à pren-dre eux-mêmes en main l’histoire de leur pays. Plein d’élan, le nouveau gouverne-ment de Maputo lança une politique communiste visant à améliorer les conditionsde vie. Les premiers Suisses ne tardèrent pas à arriver au Mozambique pour aider lepays à réussir ce nouveau départ. À la fin des années 1970, la DDC avait débuté sacoopération au développement officielle avec le Mozambique. Celle-ci commença parse concentrer sur quelques projets dans les domaines de la santé et de l’eau.

DÉCOLONISATION ET SOCIALISME

Page 22: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

lors de la guerre civile, qui dura plus de 15 ans. La guérillade la Renamo (cf. encadré) perpétra ses premières atta-ques en 1976. La Renamo était une émanation des servicessecrets rhodésiens. Cette colonie britannique aujourd’huiappelée Zimbabwe se sentait menacée par le Mozambique,qui soutenait le mouvement indépendantiste rhodésien etavait fermé ses frontières avec la Rhodésie conformémentaux sanctions légitimées par l’ONU. Lorsque le Zimbabwedevint indépendant en 1980, la Renamo sembla être anéan-tie. Mais le rêve de voir revenir la paix dut vite être abandon-né car l’Afrique du Sud monta au créneau et se mit alors àsoutenir les rebelles financièrement, militairement et logisti-quement. Le régime d’apartheid essaya de cette manièred’affaiblir le gouvernement communiste de son voisin, quisympathisait avec l’ANC (African National Congress) et lesoutint logistiquement jusqu’aux accords de Nkomati, parexemple en créant des bases d’opération.

C’est ainsi que la Renamo put continuer à faire sauterdes routes, des voies de chemin de fer et des usines. Maisla Renamo attaquait aussi les écoles et les hôpitaux, carces établissements symbolisaient la politique communistedu Frelimo. Il en était de même pour les médecins et lesenseignants, que la Renamo tuait s’ils tombaient entre sesmains. De manière générale, la Renamo agissait avec unecruauté extrême. Mais il arriva aussi que le Frelimo n’y aillepas de main morte: lorsque les troupes gouvernementalessubodoraient une collaboration avec les rebelles, elles s’enprenaient elles aussi à la population civile.

À l’époque de la guerre froide, la Renamo était consi-dérée par les Occidentaux qui la soutenaient comme un

mouvement de libération anticommuniste. En réalité, ellen’avait que peu de substance idéologique. Elle jouissaitcependant d’un certain soutien au sein de la population,notamment dans le centre du Mozambique. Compte tenude la radicalité avec laquelle le Frelimo avait rompu avecle mode de vie villageois traditionnel, ceci n’est pas poursurprendre. Les autorités rurales, les regulos et les curan-deiros (guérisseurs), qui régnaient depuis des siècles surleur village, avaient été dépossédées de leur pouvoir par leFrelimo, parfois de façon humiliante.

Le bilan de la guerre civile est terrible: d’après les esti-mations de l’ONU, près d’un million de personnes ont perdula vie. Presque deux millions de personnes fuirent dans lespays voisins tandis que quatre millions devenaient des réfu-giés dans leur propre pays. D’après les calculs du ministè-re des Finances, le coût des infrastructures détruites et duretard de développement représente un total de 15 milliardsde dollars US. Partout dans le pays, on trouvait des écoleset des hôpitaux réduits en cendres et désertés, la plupartdes installations industrielles et des voies de communicationétaient détruites.

Projet de développement suisse de Mueda.

Christian Poffet

La Suisse s’engagea tôt dans la coopéra-tion au développement avec le Mozam-bique et fut ainsi en mesure de créer unclimat de confiance et de mettre en pla-ce un partenariat qui continue jusqu’àaujourd’hui. Herbert Schmid, coordinateur

de la DDC au Mozambique entre 1985 et 1989

20

Page 23: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

C’est dans ce contexte que la Suisse et le Mozambiqueconclurent en 1979 un accord de commerce et de coopé-ration économique. La même année, la Direction du déve-loppement et de l’aide humanitaire (la DAD – aujourd’huiDDC) commença à s’engager au Mozambique. Le gouver-nement mozambicain avait demandé son soutien à la Suis-se et proposé divers projets. Des collaborateurs et collabo-ratrices de la DDC se rendirent à Maputo pour sélectionnerles projets. Il leur sembla préférable de se concentrer surMaputo et ses environs ainsi que sur la province du nord

du pays, le Cabo Delgado. En effet, la Renamo n’avait pasencore pris pied dans ces régions.

Cependant, la DDC avait été précédée au Mozambiquepar des ONG (organisations non gouvernementales) suis-ses et des bénévoles suisses travaillant pour le Mozambi-que. Parmi les coopérants suisses, nombreux étaient ceuxqui avaient de la sympathie pour l’expérience communis-te du Frelimo et pour sa vision d’une société non racistequi promettait d’améliorer la vie des gens après des siè-cles d’oppression. Alors que certaines entreprises suisses

La Renamo

Renamo signifie Resistência Nacional Moçambicana – Résistance nationale du Mozambique. Cependant, son nom esttrompeur, dans la mesure où cette guérilla est une création de la Rhodésie voisine (aujourd’hui Zimbabwe). La constitu-tion de cette troupe de résistance équipée d’armes rudimentaires comme des arcs et des flèches et des machettes futune réaction à la fermeture des frontières avec la Rhodésie par le gouvernement de Maputo conformément aux sanctionsdécidées par l’ONU. L’intention de la Rhodésie était de déstabiliser le Mozambique, et c’est dans le même esprit que plustard la Renamo fut soutenue par l’Afrique du Sud. Mouvement prétendument anticommuniste, la Renamo est dans unecertaine mesure cautionnée par les gouvernements conservateurs occidentaux. Au Mozambique, elle s’appuie sur les per-dants des réformes communistes du Frelimo. Au plus fort de la vague, la Renamo a compté jusqu’à quelque 20000 com-battants armés, dont beaucoup d’enfants soldats. Elle recrutait souvent ses combattants par la force.

Au milieu des années 1980, la Renamo voit diminuer inexorablement le soutien qu’elle reçoit de l’étranger et se trouvecontrainte de faire de plus en plus face seule. Elle vit de pillages, du commerce illégal de l’ivoire et d’extorsion. Après l’ac-cord de paix de 1992 et la démobilisation qui s’ensuit, la Renamo se transforme en un parti d’opposition démocratique.Son leader, Afonso Dhlakama, est trois fois candidat aux élections présidentielles, qu’il perd à chaque fois contre le can-didat du Frelimo. Excepté au centre du Mozambique, la Renamo est profondément marginalisée sur le plan politique. Lorsdes élections municipales de 2008, la Renamo n’a remporté aucun mandat.

Luis de Miguel, premier directeur du projet de Mueda,

s’adresse aux collaboratrices et collaborateurs.

Christian Poffet

21

1976–1986

Page 24: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Le projet de développement intégré de Mueda

À proximité de la ville de Mueda, dans la province septentrionale du Cabo Delgado, la DDC a lancé en 1979 un projet dedéveloppement rural en coopération avec le ministère mozambicain de l’Agriculture et la Direction de la forêt. Diversesmesures sont censées améliorer les conditions de vie de la population locale.

A priori, les conditions naturelles étaient en soi très bonnes sur le Planalto de Mueda. Sur ce haut-plateau situé à près de800 m d’altitude, il fait plus frais que dans d’autres régions du pays, il n’y a pas de moustiques et donc pas de malaria.Mais la surexploitation des terres et une déforestation très avancée entraînaient une érosion des sols, débouchant à sontour sur une détérioration des conditions agricoles.

La DDC et ses partenaires mozambicains ont donc commencé à reboiser la forêt. Les spécialistes suisses ont ainsi es-sayé de rééquilibrer le régime hydraulique et de restaurer la fertilité des sols. Ils se proposaient d’améliorer les récoltes enapportant de l’humus au sol et en utilisant des semences particulières et de meilleurs outils. Par ailleurs, on a montré à lapopulation comment fabriquer du charbon de bois, afin de préserver la forêt.

Malheureusement, en 1984 la DDC a dû abandonner prématurément le projet, qui avait déjà généré de bons résultats:d’une part, l’agence suisse avait sous-estimé la détérioration croissante des conditions générales due à la centralisationde l’agriculture; mais surtout, le travail était devenu trop dangereux du fait de la guerre civile.

entretenaient des relations commerciales avec l’Afrique duSud de l’apartheid, en Suisse, les cercles critiquant cet-te démarche soutenaient le gouvernement noir-africain duMozambique.

Des volontaires de différents pays européens répon-dirent à l’appel à l’aide lancé par le gouvernement mozam-bicain. Non seulement ils furent sur place, au Mozambique,

avant les agences de développement officielles comme laDDC, mais ils établirent la liaison entre ces agences et lepays d’Afrique australe. C’est ainsi que la DDC s’engageatout d’abord dans des projets dirigés par des coopérantsvolontaires pour le compte du gouvernement mozambicain.Parmi l’une de ses premières mesures, la DDC compléta lessalaires des volontaires suisses, qui avaient perdu beaucoupde leur valeur à cause de l’inflation qui sévissait au Mozam-

Construire ensemble quelque chose, voilà quelle était

la devise après l’indépendance. Christian Poffet

22

Page 25: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

bique. Fait révélateur sur les liens entre l’engagement volon-taire et la coopération au développement officielle: le coo-pérant Herbert Schmid devint par la suite coordinateur de laDDC à Maputo.

En dépit de tout l’idéalisme que l’on peut avoir, il nefaut pas oublier que la Suisse, en soutenant le Frelimo,prêtait assistance à un partenaire qui était capable de se

montrer brutal lorsqu’il s’agissait de restructurer la sociétéselon ses idées. Le Frelimo mit par exemple en œuvre desdéplacements de personnes par la force, afin de regrouperla population dans ce que l’on appelait des villages collec-tifs, où il y avait un approvisionnement en eau potable etun accès aux soins de santé, des rues et une école. Cetteentreprise en soi louable n’avait néanmoins que peu desens si elle arrachait ces personnes à leurs champs. Parailleurs, les déplacements détruisirent les structures tradi-tionnelles et entraînèrent des dommages sociaux parfoisencore sensibles aujourd’hui. La Suisse renonça à protes-ter contre ce genre de pratiques ou à exercer une pressionpolitique. À l’époque, il semblait en effet plus important desoutenir le grand changement qui avait lieu dans le payset était susceptible d’apporter beaucoup de choses posi-tives mais semblait sans cesse menacé que de dénoncerles abus.

En lançant la collaboration précocement, avant mêmela fin de la guerre civile et en ayant un gouvernement socia-

Pendant la guerre civile, la coopéra-tion au développement ne fut possiblequ’à Maputo et dans la province sep-tentrionale du Cabo Delgado. Ces deuxendroits étaient séparés par 2000 kmqui ne pouvaient être franchis que paravion. Armon Hartmann, chargé de program-

me de la DDC pour le Mozambique, le Kenya

et le Lesotho de 1982 à 1990

Les reboisements étaient au cœur du projet de

développement de Mueda. Christian Poffet

23

1976–1986

Page 26: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

liste comme partenaire, la Suisse prenait un certain risque,qui s’avéra cependant fructueux par la suite parce qu’ilavait permis d’installer un climat de confiance décisif pourle rôle d’intermédiaire que devait jouer la Suisse dans leprocessus de paix (cf. encadré, page 25). La coopérationau développement avec le Mozambique fut d’abord coor-donnée à partir de Berne, puis de Dar es Salaam (Tanza-nie). Mais en 1982, la DDC ouvrit dans la capitale, Maputo,un bureau chargé de soutenir administrativement le travailde projet. Trois ans plus tard, ce bureau administratif futtransformé en un bureau de coordination. Le coordinateurde la DDC à Maputo se vit ainsi confier la responsabilitédes projets suisses au Mozambique. En même temps, leMozambique devint un pays prioritaire de la coopérationsuisse au développement en Afrique.

Dans un premier temps, la coopération se concentrasur le travail de projet et l’aide humanitaire. Le pays était enproie à la guerre et à des famines. L’approvisionnement endenrées alimentaires de la population, qui vivait disperséesur des surfaces immenses, était donc la priorité absolue,et la Suisse livra de grandes quantités de poudre de lait etde maïs. Financièrement, dans les années 1980, le montantde la contribution suisse à l’aide humanitaire au Mozambi-que s’élevait à près de 2 millions de francs par an. Peu àpeu, la Suisse étendit sa coopération au développementavec le Mozambique. Contrairement à ce qui arriva par lasuite, la Suisse n’avait alors pas de programme cohérent.Ce n’est que plus tard que celui-ci fut mis au point à partirdes projets, le point fort des premières années étant consti-tué par les domaines de l’eau, de l’approvisionnement ennourriture (Food Security), de la santé et de l’infrastructure.

Le choix de ces domaines pour l’engagement de coo-pération était une réponse aux besoins du Mozambique. Denombreuses personnes n’avaient par exemple pas d’eaupotable propre. C’est pourquoi la DDC organisa un projetd’approvisionnement en eau pour la province septentrionaledu Cabo Delgado, qui fut mis en œuvre par l’ONG suisseHelvetas à partir de 1979 et se poursuit jusqu’à aujourd’huisous différentes formes. Des hydrologues suisses construisi-rent des puits, des canalisations d’eau et d’autres infrastruc-tures importantes. Grâce à ce vaste projet, une grande par-tie de la population du Cabo Delgado pu être approvisionnéeen eau potable. Cependant, le projet Helvetas révéla aussiles faiblesses caractéristiques des projets techniques isolés:en raison de déficits de formation, les partenaires autoch-tones eurent du mal à prendre en charge la responsabilitédu projet et de l’infrastructure qui avait été construite. Demême, l’amélioration de l’approvisionnement en eau potableétait également l’objectif d’un autre projet, réalisé celui-ci parla DDC en coopération avec l’organisation onusienne Unicef.Il s’agissait d’acheminer à l’aide de cinq pompes sur le hautplateau sec du Planalto de Mueda (province du Cabo Del-gado) de l’eau prise dans la plaine, de la stocker dans desréservoirs et de l’amener jusqu’aux villages.

La DDC réagit au manque cruel de personnel spécia-lisé en offrant une assistance à la Direction mozambicainede l’eau dans ses cours de formation pour techniciens eneau potable et eaux usées. Une fois titulaires de cette for-mation, ces techniciens avaient la capacité de planifier etde construire des installations d’approvisionnement en eauet d’élimination des eaux usées. La DDC offrit en outre desconseils et des moyens financiers pour soutenir un cours

Un routier ramasse des grains de maïs sur la route.

© Jean Gaumy/Magnum

24

Page 27: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Les premières années de la collaboration bilatérale entre laSuisse et le Mozambique couvraient entre autres les pro-jets suivants:

Infrastructure:

Cofinancement de deux projets de la FAO (Organisa-tion des Nations Unies pour l’alimentation et l’agricul-ture). Pour stocker du maïs afin d’améliorer la sécuritéalimentaire, un silo à céréales a été construit dans laville portuaire de Beira. En outre, des spécialistes ontété formés à la gestion des silos. Début: 1979.

Amélioration de la situation alimentaire des mères etdes enfants par l’auto-production de produits alimen-taires; création d’une crèche. Projet de Terre desHommes cofinancé par la DDC. Début: 1979.

Projet de développement rural intégré de Mueda,reposant entre autres sur des reboisements. Début1979. Abandon du projet en 1984 en raison des mau-vaises conditions générales et de la guerre civile (cf.encadré, p. 22).

Reconstruction d’une ligne de courant fort et remise enétat d’une turbine à gaz destinée à l’alimentation élec-trique de Maputo. Début: 1985.

Bourses pour la formation de personnel de direction etd’exploitation pour un moulin à céréales à Beira. Dé-but: 1985.

Remise en état du moulin à céréales de Beira. Com-mande de la DDC à des entreprises privées. Début:1987.

Eau:

Amélioration de l’approvisionnement en eau de la pro-vince du Cabo Delgado. Projet planifié par la DDC etréalisé par l’ONG suisse Helvetas. Début: 1979. Sou-tien apporté par la DDC à partir de 1982.

Projet de l’Unicef destiné à améliorer l’approvisionne-ment en eau et l’irrigation sur le haut-plateau de Mue-da (Cabo Delgado). La DDC cofinance le projet. Début:1979.

Soutien à la Direction nationale de l’eau pour la forma-tion de techniciens en eau potable et eaux usées. Dé-but: 1985/86.

Restructuration de la Direction nationale de l’eau. LaDDC participe en apportant des conseils et du finance-ment. Début: 1989.

Santé:

Soutien de la DDC au développement et à l’exploita-tion de deux laboratoires pharmaceutiques du ministè-re mozambicain de la Santé. Contrôle de la qualité del’eau potable, des aliments étendu par la suite aux mé-dicaments. Début: 1980.

Création d’un centre de transfusion sanguine par laCroix-Rouge suisse avec la participation de la DDC.Début: 1983.

Cours de formation professionnelle et continue à l’in-tention du personnel de l’imprimerie du ministère mo-zambicain de la Santé. Projet placé sous la régie del’Œuvre suisse d’entraide ouvrière. La DDC soutient leprojet financièrement. Début: 1984.

Les premiers projets suisses au Mozambique

de plus haut niveau pour techniciens hydrauliques propo-sé par l’Institut industriel de la ville de Maputo. Ces courscontribuèrent dans une mesure considérable à couvrir lesbesoins du pays en spécialistes de l’eau.

La Suisse fut également active très tôt dans le domainede la santé, un engagement qui s’imposait compte tenu dela guerre civile et du manque de soins de santé. À partirde 1983, des médecins suisses de la Croix-Rouge suissemirent en place un service de transfusion sanguine en coo-pération avec le ministère mozambicain de la Santé. Uncentre de transfusion sanguine fut ouvert dans chaque pro-vince du pays. Ceci permit à la population, notamment auxnombreux blessés de guerre, de bénéficier d’une meilleureprise en charge. Par ailleurs, la Suisse soutint la création etle fonctionnement de deux laboratoires pharmaceutiquesdu ministère mozambicain de la Santé: l’un était destinéau contrôle de la qualité des médicaments et l’autre aucontrôle de l’eau et des produits alimentaires.

25

1976–1986À ses débuts, la coopération était égale-ment caractérisée par une certainenaïveté. Nous avons commencé un pro-jet pour ensuite devoir nous rendreà l’évidence: les conditions généralesimposées par le gouvernement deMaputo n’avaient bien souvent aucunsens. Jörg Frieden, coordinateur de la DCC au

Mozambique de 1989 à 1993

Page 28: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Une source de vie pour Muamula

Muamula est un village du dis-trict de Chiure, dans la province duCabo Delgado, à l’extrême nord duMozambique. Le village est constituéde huttes en terre couvertes de toitsde paille et situé au beau milieud’anacardiers (ou noyers de cajou),manguiers, papayers et bananiers.1400 personnes y vivent de ce queleur offre le sol aride: maïs, manioc,mil et haricots. Pas d’électricité, pasde voitures, pas de magasins. Et pasd’eau courante non plus: parmi lequart de million d’habitants du dis-trict, moins de la moitié ont accès àde l’eau potable propre. En tout, ily a à peine plus de 200 puits, dontquelques-uns datent de la périodecoloniale. Les femmes et les enfants,à qui incombe la charge d’allerchercher l’eau, doivent souvent par-courir des chemins bien longs pourapprovisionner leur famille. L’eauqu’ils portent ainsi provient de pui-sards non protégés. Les conséquen-ces de la consommation de mauvai-se eau et du manque d’hygiène sontdes maladies qui touchent principa-lement les enfants. Au Mozambique,450 enfants de moins de dix ansmeurent chaque jour.

C’est dans cette région reculéequ’en 1979, l’organisation de déve-loppement suisse Helvetas a com-mencé à mettre en place des projetsd’eau potable. L’ONG a été soutenuedans ces actions par la DDC, avecrégularité et sur le long terme. Kas-par Grossenbacher, directeur de pro-

jet d’Helvetas pour les projets d’eau,se souvient: «Au début, juste aprèsl’indépendance, il y avait un man-que cruel d’instruction, parce quetous les Portugais avaient quitté lepays.» À l’époque, il n’était pas nonplus possible de se procurer les ins-truments de travail nécessaires surplace. Il était donc important de fai-re venir des spécialistes de Suisse etd’importer un peu de matériel pourle projet. Jusqu’ici, Helvetas a autotal construit ou remis à neuf 2000puits neufs avec pompe manuelleou petits systèmes d’approvisionne-ment en eau. Ces systèmes hydrauli-ques ont contribué à l’améliorationde la situation de la province duCabo Delgado sur le plan de l’eauces dernières années. Selon les esti-mations de l’ONU, entre 1990 et2004, la proportion de la popula-tion bénéficiant d’un approvision-nement en eau amélioré est passéede 36 à 43% au niveau national.

Durant les trente années decoopération, un certain nombrede choses ont changé. D’une part,le savoir-faire technique et l’expé-rience en matière de planificationet de construction de systèmesd’eau potable se sont améliorés.Mais ce n’est pas tout: alors qu’audébut, les brigades mises à disposi-tion par l’État sous la direction despécialistes étrangers construisaientun puits pour le confier ensuiteà la population, celle-ci participe

aujourd’hui dès le départ aux pro-jets. C’est elle qui fait la demandede construction ou de remise à neufd’une installation d’eau potable etparticipe aux décisions à tous lesstades du projet. Le village fait despropositions, sur la base desquellesles spécialistes locaux formés parle projet élaborent des solutions.Il est ainsi possible de garantirque les installations d’eau potablecorrespondent aux besoins et auxpossibilités de la population. Pourrenforcer le sens des responsabilités,la population apporte en outre sousforme de travail et d’argent unecontribution à la construction del’installation.

«L’initiative individuelle etl’auto-organisation sont les basesde la réussite du déroulement etde la durabilité des effets d’unprojet», explique Grossenbacher.Muamula a lui aussi dû apportersa contribution à la constructiondu puits. On a exigé un apport del’équivalent d’un franc cinquantepar famille – une somme à premièrevue modeste, mais que tous n’ontpas été en mesure de verser. Au boutde plusieurs années de préparatifs,fin 2005, le projet a été achevé: uneentreprise de construction privéede la région, chargée par Helvetas etles autorités de la province d’exécu-ter ce contrat, s’est mise au travail.Elle a pratiqué un forage jusqu’àla nappe phréatique et y a enfoncé

La gestion de l’eau est un facteur décisif pour le développement d’un pays. Lors-que la population n’a pas accès à de l’eau potable propre et vit dans des condi-tions non hygiéniques, de nombreux enfants meurent, des adultes tombent fré-quemment malades, et la société ne progresse pas. À Muamula, un village reculédu nord du Mozambique, la population a construit un puits avec l’aide de laSuisse et ainsi amélioré sa qualité de vie.

26

Page 29: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

un tube en matière synthétique.Ensuite, les ouvriers ont monté lapompe manuelle et construit unecouverture en ciment. Le villageavait alors enfin de l’eau propre.Depuis, les diarrhées ont reculé defaçon saisissante, non seulementparce que les habitants boiventdorénavant de l’eau propre, maisaussi parce qu’une augmentation dela disponibilité de l’eau a amélioréleur hygiène.

Après l’achèvement du puits,le village se voit confier la chargede le surveiller. Muamula a créé uncomité de développement de villageet désigné des personnes respon-sables de l’entretien du puits. Lecomité est élu par les villageois ets’assure que les décisions sont prisesà la base et qu’elles sont aussi soute-nues par celle-ci. Lors des réunionsqui ont lieu à intervalles réguliers,on explique les problèmes, on fixeles priorités et on discute des solu-tions possibles.

Entre-temps, l’objectif de lacoopération ne consiste donc plusseulement à fournir aux habitantsdes puits, mais aussi, parallèle-

ment, à rendre les gens capables des’aider eux-mêmes, à renforcer lesstructures locales et à soutenir lesprocessus démocratiques. Après l’in-dépendance, l’État, à l’époque com-muniste, a dans les premiers tempspris ses décisions sans consulterles personnes concernées. Au coursdes années 1990, le gouvernementa accordé de plus en plus de placeaux installations décentralisées età l’initiative privée. Aujourd’hui, legouvernement central de Maputo, lacapitale, délègue de plus en plus decompétences budgétaires aux auto-rités locales du district. La popula-tion locale se voit ainsi accorder deplus en plus de possibilités de parti-ciper à la prise de décision relativeà l’utilisation des moyens financierset à la planification du village. Cetteévolution s’est faite entre autressous l’influence de la Suisse, quien tant qu’État fédéral, promeut ladécentralisation.

Au fil de toutes ces années, larépartition des rôles des différentesorganisations suisses a changé: alorsqu’auparavant, la DDC réalisaitses projets elle-même, elle confie

aujourd’hui ce travail à des ONGspécialisées comme Helvetas. LaDDC se concentre pour sa part surle dialogue avec le gouvernement,avec les autres bailleurs de fonds etavec les organisations d’aide et four-nit par ailleurs un soutien directà l’État central ou aux ministèresspécialisés. Cette répartition destâches a fait ses preuves: les ONGtravaillent à la base, en premierlieu au niveau de la commune dansles régions rurales. L’attention dugouvernement central se porte enrevanche sur l’établissement destructures publiques, la prestationde services fondamentaux ainsi quesur les conditions générales. Avecles expériences pratiques faites surle terrain, la Suisse s’efforce d’in-fluencer par le dialogue la politiquenationale de façon positive. Mais ona aussi besoin de citoyennes et decitoyens qui profitent des possibili-tés de codécision et prennent eux-mêmes en main la planification deleur environnement. Tout commel’ont fait les habitants de Muamula.

L’accès à l’eau potable propre est décisif pour le

développement d’un pays. DDC

27

EAU

Page 30: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Rendre les partenaires capablesde s’aider eux-mêmes

Les chiffres sont consternants:plus de 100000 personnes meurentchaque année du sida. Un quart dela population tombe malade unefois par an de la malaria. Chaqueannée, 50000 enfants de moins de5 ans meurent de cette maladie.Conjugués à la sous-nutrition, ladiarrhée, la tuberculose et les mala-dies des voies respiratoires, le sidaet la malaria sont les principaux res-ponsables de la faible espérance devie et des conditions de vie difficile-ment supportables. Les experts esti-ment qu’actuellement, l’espérancede vie moyenne du pays ne dépassepas 45 ans. Ce chiffre recouvre néan-moins des disparités énormes: à lacampagne – où la pauvreté est plusimportante et l’accès aux soins desanté laisse encore plus à désirerque dans les zones urbaines – l’espé-rance de vie n’atteint parfois mêmepas 35 ans. Pourtant, être en bonnesanté, cela recouvre plus qu’unelongue vie et une bonne qualité devie pour la personne concernée. Lasanté est aussi une condition sinequa non du développement d’unpays. «Seules les personnes en bonnesanté sont à même de travailler defaçon productive et de s’occuperde leur famille», explique JochenEhmer, médecin et directeur de pro-jet chez Solidarmed, une ONG suis-se qui met en œuvre des projets desanté au Mozambique, entre autrespour le compte de la DDC.

Après la fin de la guerre civile,le Mozambique était anéanti. Il n’yavait pratiquement pas de spécialis-tes, pas d’argent, et l’infrastructuredes services publics était détruite.Grâce aux efforts gigantesques dela communauté internationale,l’infrastructure s’est entre-tempsconsidérablement améliorée, lespostes sanitaires ont été recons-truits. La pauvreté absolue a reculé,entraînant une amélioration de lasituation alimentaire. «En outre, lesvastes campagnes de vaccinationont été efficaces», précise GiorgioDhima, chargé des questions desanté au sein du Bureau de Coopéra-tion Suisse de Maputo. Un nombreimpressionnant d’organisationsd’aide s’engagent aujourd’hui surplace dans la lutte contre les mala-dies. Le résultat de ces efforts est parexemple un recul de la mortalitéinfantile et maternelle. La dispo-nibilité des médicaments s’est elleaussi nettement améliorée. Et l’ona aussi enregistré des succès dansle domaine de la prévention (saufpour le sida): dans les pays en voiede développement, de nombreusesmaladies peuvent être évitées pardes mesures simples.

La Suisse s’engage depuis ledébut des années 1990 dans lesecteur de la santé mozambicain.Au début, il s’agissait en majoritéde projets isolés s’attaquant auxproblèmes les plus urgents. Même

si une aide de ce type améliore lasituation ponctuellement, elle necontribue que de façon limitée audéveloppement des responsabilitéset des capacités locales. Au fur età mesure que le pays se stabilisaitpolitiquement, la Suisse a donc réo-rienté son aide vers une approcheplus large: avec le ministère de laSanté et d’autres bailleurs de fonds,la DDC a participé de façon détermi-nante à la mise en place de ce quel’on appelle une approche sectoriel-le ou Sector Wide Approach, SWAPen anglais. À cet égard, la DDC aaccompli un travail de pionnier: lesefforts de toutes les institutions acti-ves sur place ont été coordonnés etintégrés à un concept global. Entre-temps, la coopération est devenueencore plus étroite, et les bailleursde fonds mettent aussi en communleurs moyens financiers. «Nous noussommes détournés des interven-tions et souhaitons plutôt être descatalyseurs pour les processus quiont lieu sur place», déclare GiorgioDhima pour résumer cette évolu-tion. «Notre objectif, c’est que nospartenaires soient en mesure d’êtreeux-mêmes actifs et de mettre enplace des institutions efficaces.»

Des études montrent que l’ap-proche sectorielle et l’aide budgé-taire sont des instruments efficaces.Mais ce ne sont pas des panacées.Vouloir s’embarquer dans un pro-jet en emmenant à bord toutes les

Le Mozambique n’est pas seulement l’un des pays les plus pauvres au monde, c’estaussi l’un de ceux qui sont le plus touchés par les problèmes de santé: la malaria,le sida, les complications post-natales ou les épidémies comme le choléra fontdes victimes chaque jour. Avec d’autres bailleurs de fonds, la DDC contribue dansune large mesure à ce que le système de santé se renforce progressivement et nes’écroule pas sous le poids des immenses défis auxquels il est confronté.

28

Page 31: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

parties prenantes prend du temps etrend la collaboration compliquée.Il n’est donc pas étonnant que leniveau d’accès aux soins de santédemeure très bas: dans le districtde Chiure, un ou une médecin et47 personnels soignants doiventassurer à eux seuls la couverture ensoins de santé d’une population de250000 personnes. «Bien que nousvoyions des succès évidents», expli-que Jochen Ehmer, «le Mozambiquereste un pays ayant des indicateursde santé très mauvais». Par ailleurs,ce secteur dépend chroniquementde l’étranger, ce qui représente unproblème de taille: même si lesdépenses de santé, qui s’élèvent à 23dollars par habitant, sont extrême-ment faibles par rapport aux autrespays, deux tiers des fonds provien-nent de l’étranger.

Au cours des 5 dernières années,la Suisse a investi un montantannuel de près de 6 millions defrancs dans le système de santémozambicain, dont la majeure par-tie a été absorbée sous forme d’aidebudgétaire sectorielle par la mise enplace d’institutions. «L’aide arrivejusqu’en bas», constate Giorgio Dhi-

ma. C’est ce dont s’assurent régu-lièrement les trois collaborateurs etcollaboratrices chargés du secteurde la santé au Bureau de Coopéra-tion en allant visiter des institutionssanitaires jusque dans des régionsreculées. «Là-bas, on voit très vitesi les fonds arrivent, car si tel n’estpas le cas, les gens manquent detout», précise Giogio Dhima. Paral-lèlement au dialogue politique età la mise en place des institutions,la DDC continue aussi à soutenircertains projets d’organisations par-tenaires comme Solidarmed, qui tra-vaille directement avec des groupesde population défavorisés. «L’uneet l’autre des deux approches sontnécessaires, et elles se complètent»,commente Giorgio Dhima.

Compte tenu des moyens finan-ciers limités dont elle dispose, lacoopération suisse se concentretout spécialement sur des appro-ches innovantes susceptibles d’êtreadoptées par le gouvernement duMozambique et multipliées. LaSuisse, un pays petit et néanmoinscapable de pragmatisme et de flexi-bilité, parvient ainsi à donner des

impulsions importantes à un paysnettement plus grand. Maya Tissafi,directrice du département Afri-que de l’Est et australe de la DDC,souligne en outre l’importance etla valeur de l’engagement dans ledomaine de la santé: «La santé etest restera à l’avenir l’un des prin-cipaux terrains d’engagement de laDDC.» Les investissements réalisésdans le système de santé sont dura-bles, car ils stimulent la croissanceéconomique. «Seule une améliora-tion de la situation sanitaire per-mettra aux femmes et hommes pau-vres du Mozambique de trouver unchemin pour sortir de la pauvreté.»

Distribution de médicaments

dans un hôpital à Mecuburi. Richard Gerster

29

SANTÉ

Page 32: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Sur le chemin du marché, entre Nampula

et Namina. Joseph Hanlon

30

Page 33: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Cap sur l’économie de marché

La guerre, la sécheresse et l’échec de sa politique économique avaient ruiné leMozambique. C’est ainsi qu’au milieu des années 1980, le gouvernement se vitcontraint de renoncer au communisme comme doctrine d’État. Sous la direction de laBanque mondiale, le pays entreprit des réformes d’économie de marché et bénéficiaen contrepartie d’une augmentation de l’aide étrangère. Le Mozambique devint unpays prioritaire de la coopération suisse au développement. Le cours des réformesinitiées par le gouvernement et la paix qui commençait à se dessiner créèrent lesconditions d’un vaste programme de coopération.

En dépit des difficultés immenses rencontrées lorsdu nouveau départ qui avait suivi l’indépendan-ce, le Frelimo avait réussi à mettre en place unecouverture scolaire et sanitaire de base assurée

par l’État. Mais les premiers succès ne tardèrent pas à selézarder: ainsi, le gouvernement échoua à diriger lui-mêmeles entreprises publiques. Il manquait de ressources finan-cières et techniques et, faute de personnel d’encadrement,il manquait également du savoir-faire nécessaire. Le Frelimocommit de graves erreurs dans le domaine de l’agricultureen négligeant les petits paysans, qui représentaient prèsde 80% de la population. Au lieu d’augmenter la produc-tion de denrées alimentaires par des incitations, le Frelimo

tenta, dans la plus pure tradition communiste, d’organiserla population locale en grandes coopératives agricoles eten villages collectifs. Ceux-ci étaient mal gérés et insuffi-samment équipés et d’une manière générale inadaptés auxconditions mozambicaines. Autrefois dominée par les Por-tugais et les entreprises étrangères, l’agriculture commer-ciale, qui s’était effondrée au moment de l’indépendance,ne put pas être remplacée par les fermes d’État. En consé-quence, la production de produits alimentaires recula, et il yeut plusieurs famines.

La politique gouvernementale, qui concentrait les res-sources existantes dans les entreprises d’État et fixaittous les prix, ne créa pas non plus d’incitations aux acti-

31

1987–1991LE TOURNANT IDÉOLOGIQUE

Page 34: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Face à l’évolution négative, nous noussommes rendu compte que le modèlede développement communiste nefonctionnait pas. Abdul Magid Osman,

ministre des Finances et ministre des Res-

sources minières du Mozambique durant les

années 1980

vités privées dans les domaines extérieurs à l’agriculture.Pendant ce temps, les entreprises d’État, qui n’avaientaucune concurrence, gaspillaient les copieux crédits dontelles bénéficiaient. La faillite fut accélérée par les sanc-tions économiques imposées non seulement par l’Occi-dent mais aussi par l’Afrique du Sud – les principaux par-tenaires commerciaux du Mozambique. Chaque année, laproduction diminuait d’environ 5 %. Le pays manquait deplus en plus d’argent et de matières premières indispen-sables, l’inflation augmentait, le commerce s’effondrait,les magasins étaient vides et le marché noir florissant.

Le Frelimo aurait peut-être eu plus de succès si la guer-re n’était pas venue contrecarrer ses plans. Mais le conflitdémantela les structures économiques encore peu dévelop-pées qui avaient été mises en place au prix de grands efforts.Les rebelles de la Renamo détruisirent tout type d’infrastruc-ture: routes, ponts, barrages, usines, écoles et hôpitaux. Letransport routier de marchandises fut paralysé par les mineset les attentats. Les paysans durent quitter leurs champs,une grande partie du bétail fut abattu durant les famines. Dufait de la guerre et de l’échec de la politique économique, au

milieu des années 1980, la production industrielle et agricoleétait retombée à un niveau bien inférieur à celui d’avant l’in-dépendance. Les anciens projets pilotes des secteurs de lasanté et de l’éducation durent être abandonnés. 90% de lapopulation vivaient en état de pauvreté absolue, et une largeproportion dépendait de l’aide alimentaire étrangère.

L’aide budgétaire sectorielle dans le secteur de la santé

Au début des années 1990, un projet pilote de la DDC dans le secteur de la santé montra comment l’aide budgétaire sec-torielle peut fonctionner. À la fin des années 1980, le secteur mozambicain de la santé était plongé dans une crise pro-fonde. La guerre et le déclin économique firent chuter le montant disponible par personne pour les soins de santé jus-qu’à cinq cents par an! Dans ces conditions, le ministère de la santé n’était plus en mesure d’agir. Les médicaments nepouvaient plus être réfrigérés et se perdaient; dans les hôpitaux, on manquait de draps et de cuvettes; faute d’essence,les médecins, sages-femmes et infirmières n’arrivaient plus à entrer en contact avec leurs patients. Dans cette situationd’urgence, la DDC couvrit une partie des frais courants des soins de santé de base. La Suisse mit les moyens financiersnécessaires à la disposition du ministère de la Santé à Maputo et aux directions de la santé des provinces. C’est ainsiqu’avant même la fin de la guerre civile, le système de santé put être remis sur pied.

La Suisse fut à cet égard le premier pays donateur à soutenir le gouvernement en apportant une aide budgétaire secto-rielle. La réussite de sa démarche vint démentir le préjugé selon lequel l’argent versé aux gouvernements africains est del’argent perdu. Un audit financier réalisé par la DDC en 1999 en collaboration avec le ministère mozambicain des Financesmontra du reste que seuls 0,25% des moyens financiers furent détournés. Sur un volume total de 24 millions, ceci corres-pond à un total de 60000 dollars. Les irrégularités découvertes furent signalées aux autorités responsables, qui lancèrentles poursuites judiciaires qui s’imposaient.

L’aide budgétaire en faveur du secteur de la santé avait le gros atout de renforcer le système de santé public au lieu de leremplacer par les structures du pays donateur. Le succès de cette procédure incita peu à peu d’autres pays donateurs àse joindre à cette expérience, de sorte que l’impact des moyens financiers investis dans le système de santé du Mozambi-que dépassa largement les limites de ce que la Suisse avait donné. C’est ainsi que se mit en place un système s’appuyantsur des soutiens multilatéraux et qu’on eut un système de santé à même de fonctionner.

32

Page 35: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

C’est sous ces auspices bien sombres qu’en 1984, leMozambique se vit contraint d’adhérer au Fonds moné-taire international et à la Banque mondiale. Sous la direc-tion de ces organisations multilatérales, le pays se lançaen 1987 dans un vaste programme économique d’ajus-tement structurel. En contrepartie, il bénéficia d’une aideaccrue au développement – y compris de la part de laSuisse – et d’un crédit de la Banque mondiale de plusde cent millions de dollars. Les ajustements structurelsvisaient à rétablir la croissance de cette économie plon-gée dans une récession extrême, à rééquilibrer les finan-ces publiques et à ouvrir le marché mozambicain auxinvestisseurs étrangers. À partir de là, le Mozambique setransforma progressivement pour devenir un pays d’éco-nomie de marché.

Après l’indépendance et le communisme, les ajus-tements structurels étaient déjà le deuxième changementde cap en l’espace de 12 ans. Or celui-ci ne fut pas moinsradical que les précédents: les prix fixes, qui étaient jus-qu’alors la règle pour les produits d’usage courant, furentsupprimés. Le cours du change de la devise nationale,le metical, jusqu’ici surestimé par l’État, fut libéré et per-dit beaucoup de valeur par rapport aux devises occiden-tales. Sur les 1200 entreprises d’État, 900 passèrent auxmains du secteur privé. Les petites entreprises furentgénéralement rachetées par des Mozambicains, lesgrandes sociétés par des investisseurs étrangers. Dansles secteurs de l’éducation et de la santé, le monopoled’État fut aboli. L’administration fut allégée, les salaires desautorités furent diminués et un contrôle strict de l’endet-

tement public fut introduit afin de réduire les dépenses del’État.

Les premiers résultats des réformes furent encoura-geants: le processus de décomposition de l’économieréussit à être endigué grâce à l’importante aide étrangèrequi arrivait à présent dans le pays, mais aussi grâce àune augmentation de l’activité privée dans l’industrie etl’agriculture. Les exportations passèrent de 80 à 100 mil-lions de dollars en l’espace d’un an. À la fin des années1980, l’économie enregistrait globalement une croissanceannuelle moyenne de 6,7 %. Les ajustements structurelssystématiques renforcèrent la confiance des pays dona-teurs, de sorte que le Mozambique put bénéficier de lapart du Club de Paris – une émanation des principauxÉtats créanciers – de rééchelonnements et d’annulationsde ses dettes. Les annulations de dettes et l’aide étran-gère se montaient entre 1989 et 1991 au total à quelque1,35 milliards de dollars.

Pourtant, le Mozambique continua à être aux prisesavec de grandes difficultés: la guerre civile et les gravessécheresses réduisirent instantanément à néant de mul-tiples efforts. Le secteur privé ne prit pied que lentementet ne réussit tout d’abord pas à faire progresser le déve-loppement économique de manière décisive. La demandeintérieure en produits restait faible, les débouchés com-merciaux limités. Il y avait trop peu de concurrence, etles entreprises privées souffraient comme par le passédu manque de personnel d’encadrement. Les routes, enmauvais état et dangereuses, rendaient la vie des gensdifficile et empêchaient les paysans de se rendre sur lesmarchés. À ces problèmes s’ajoutait un contexte politique

Un investissement dans l’avenir: centre de formation de Magunto,

projet de développement de Mueda et construction d’un puits neuf

à Mocimba do Praia. DDC, Christian Poffet

33

1987–1991

Page 36: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

qui tout en autorisant l’économie privée, ne la favorisaitpas véritablement pour autant. Le contrôle étatique n’étaitplus omniprésent: cependant, une bureaucratie nombreu-se et complexe continuait à rendre les transactions com-merciales difficiles. Dans des statistiques qui notent tousles pays du monde en fonction de leur attractivité com-merciale, le Mozambique n’arrive aujourd’hui encore queloin derrière certains autres pays africains.

Ces circonstances eurent pour conséquence que leMozambique resta très largement dépendant de l’aide étran-gère, dont le montant équivalait en 1992 à 87% du budgetde l’État! De plus, l’essor économique n’atteignait pas toutle monde, loin s’en faut. À la campagne, si certains paysansprofitaient de la libération des prix – par exemple ceux quiproduisaient les noix de cajou pour l’exportation –, la plupartdes autres pratiquaient une agriculture dont le produit nesuffisait même pas à couvrir les besoins quotidiens. Les troisquarts de la population rurale continuaient à vivre dans unétat de pauvreté extrême. Une étude réalisée en 1988 par leministère de l’Économie en collaboration avec l’Unicef mon-tra qu’au moins un tiers des enfants mozambicains souf-fraient de malnutrition. Un tiers des nouveau-nés – environ200000 chaque année – mourraient avant l’âge de cinq ans.Et la hausse des prix des produits alimentaires plongea descouches entières de la population dans les difficultés.

La Banque mondiale s’efforça d’atténuer les répercus-sions sociales des programmes d’ajustement structurel.Comme ailleurs en Afrique, on avait prévu à cet effet le pro-gramme «Social Dimension of Adjustment (SDA)», dont undépartement spécial de la Banque mondiale avait la char-

ge. Au Mozambique, le SDA introduisit d’une part un ren-forcement institutionnel du ministère des Affaires sociales.D’autre part, le programme comportait des projets concretsdestinés à combattre la pauvreté. La Suisse apporta unecontribution de près de 5 millions de francs au SDA pour leMozambique. Le programme n’eut qu’un succès limité, prin-cipalement parce que le département du SDA au sein de laBanque mondiale était très isolé.

Pour la coopération suisse au développement, aumilieu des années 1980, le Mozambique était devenu unpays prioritaire. Or si la Suisse s’était jusqu’alors surtoutengagée dans des projets isolés, grâce au programmed’ajustement structurel et à la paix qui commençait à se

Au début des années 1990, la coopération au développe-ment entre la Suisse et le Mozambique se concentrait prio-ritairement sur les secteurs de l’eau, de la santé, de l’ali-mentation ainsi que sur la macro-économie. Le programmecomportait entre autres les mesures suivantes:

Amélioration de l’approvisionnement en eau des ré-gions rurales: poursuite des projets au Cabo Delgado,financement de cours de formation pour techniciens enhydraulique à Maputo.

Soins médicaux de base: aide budgétaire à l’intentiondu ministère mozambicain de la Santé destinée à cou-vrir les frais courants.

Amélioration de la situation alimentaire: soutien logis-tique au programme de développement des NationsUnies. Soutien financier des ONG actives dans ce sec-teur.

Aide à la balance des paiements pour les produitsd’importation essentiels.

Participation financière au programme «Social Dimen-sion of Adjustment (SDA)» destiné à atténuer les réper-cussions sociales du programme de restructuration.

Le programme de la coopération suisse au développement au début des années 1990

34

L’aide budgétaire fut un véritable succèspour le système de santé mozambicain:grâce au financement suisse, celui-ciput être préservé même au plus fort dela guerre civile. Cette forme de coopéra-tion était tout à fait nouvelle au débutdes années 1990. Jörg Frieden, coordinateur

de la DCC au Mozambique de 1989 à 1993

Page 37: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

dessiner, les conditions d’un programme global étaientréunies. La Suisse mit ce programme en œuvre à partir de1989. Celui-ci prévoyait d’une part des aides macro-éco-nomiques, mais il comportait encore et toujours le soutiende divers projets. La planification cohérente garantissaitque la Suisse ne dispersait pas ses moyens financiersmais se concentrait sur les secteurs de l’eau, de l’alimen-tation et de la santé.

Une partie de l’aide macro-économique pour leMozambique fut dirigée par l’Office fédéral des affaireséconomiques extérieures (OFAEE – aujourd’hui SECO)sous forme d’aide bilatérale à la balance des paiements(ABP). Le SECO finançait les marchandises d’importa-tion particulièrement urgentes comme par exemple lesturbines pour centrales électriques ou les composantsde moulins à céréales. S’appuyant sur des produits et lesavoir-faire suisses, l’ABP du SECO permit entre autresau gouvernement mozambicain de rénover une centraleélectrique à Maputo et Nacala et de remettre en état lemoulin à céréales de Beira, qui produisait de la farine pourles provinces septentrionales.

À l’époque, la DDC eut elle aussi recours à des instru-ments macro-économiques en ceci qu’elle participa au cré-dit de la Banque mondiale pour le programme d’ajustementstructurel. Tenant compte des réformes durables et de lagestion sérieuse des dettes, la Suisse contribua en outre audébut des années 1990 à hauteur de 4,3 millions de dollarsUS au rachat de dettes commerciales dans le cadre d’uneaction concertée destinée à désendetter le Mozambique.

Les dettes du pays envers des banques commerciales inter-nationales s’élevaient en 1989 à près de 320 millions dedollars US. Par rapport à la dette publique totale, ce n’étaitcertes pas énorme. Les dettes du pays envers des créan-ciers commerciaux avaient cependant un poids particulière-ment lourd en raison de la charge élevée des intérêts. L’ac-tion de désendettement, à laquelle participèrent aux côtésde la Suisse la Banque mondiale, la Suède et les Pays-Bas,soulageait donc de manière décisive le budget de l’État duMozambique et améliorait ainsi les conditions économiquesgénérales.

Outre la coopération au niveau macro-économique etle travail sur les projets, l’aide humanitaire demeura unélément prioritaire de la coopération suisse au dévelop-pement. La guerre civile, qui ne prit fin qu’en 1992, et lasécheresse catastrophique du début des années 1990(cf. encadré page 45) débouchèrent sur une situation dedétresse qui exigeait que l’on réagisse avec détermina-tion. La faim menaçait une grande partie de la population.La Suisse participa donc au programme d’urgence desNations Unies qui approvisionna la population en produitsalimentaires. Réalisées à temps, les importations de den-rées alimentaires empêchèrent une famine comparable àcelle du début des années 1980, lors de laquelle des mil-liers et des milliers de personnes étaient mortes de faim.

Des jeunes achètent du coca-cola

au kiosque du village. Richard Gerster

35

1987–1991

Page 38: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Le lourd tributde la guerre civile

Les parties en conflit ont poséentre un et deux millions de mines,non seulement durant la guerre delibération du Mozambique mais aus-si plus tard, durant la guerre civile.Le Mozambique est ainsi devenu undes pays les plus minés au mondeavec une charge explosive pour dixhabitants. Les mines ont continué àfaire des victimes même des annéesaprès les guerres. En 1995, des rap-ports officiels faisaient état de 50 à80 morts et blessés par mois. Certes,grâce au déminage et aux campa-gnes de sensibilisation, le nombrede victimes a fortement baissédepuis, mais il subsiste des millierset des milliers de mines non décou-vertes qui continuent de nuire audéveloppement du pays.

En effet, les mines représen-tent une menace pratiquementpartout: elles mettent en danger

les paysans dans leurs champs,les femmes qui vont chercher del’eau à la rivière; elles bordent lespoteaux électriques; elles bloquentl’accès aux ponts. Les enfants, dontle sens du danger n’est pas aussiaffûté que celui des adultes, sontles plus sévèrement menacés. Dureste, connaître l’emplacement desmines n’est plus d’un grand secourslorsqu’elles sont emportées par despluies torrentielles. Se débarrasserde chacune de ces mines est devenuun impératif.

«À genoux, avec les mains, len-tement et scrupuleusement», voilàcomment un démineur de «HaloTrust» décrit son travail. Cette orga-nisation britannique de déminagea travaillé il y a quelques annéesdans la province du Cabo Delgado,dans le nord du pays, pour la Divi-sion politique IV du Département

Fédéral des Affaires Etrangères. Samission: neutraliser la totalité desmines de la province. Pour menerà bien ce travail dangereux, long etméticuleux, «Halo Trust» a essen-tiellement employé des démineursautochtones, qui ont suivi une for-mation approfondie afin d’être pré-parés à cette tâche délicate. Le DFAEa également financé un deuxièmeprojet, dans le sud du pays, près deMaputo.

Les démineurs procèdent dedifférentes manières en fonction desconditions locales: minutieusementet laborieusement comme «HaloTrust» au Cabo Delgado ou avec desmachines, pour peu que le terrainsoit assez plat, comme dans le suddu pays. On emploie parfois deschiens démineurs et depuis peu, desrats. Plus exactement des rats géants

Le Mozambique est truffé de milliers de mines à l’affût de leurs victimes. Lesmines tuent, mutilent et entravent le développement du pays. La Suisse soutientles autorités nationales chargées du déminage dans leur combat contre cet héri-tage de la guerre.

Formation de démineurs à Matalane.

Richard Gerster

36

Page 39: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

de Gambie. A l’instar des chiens, cesanimaux peuvent flairer de manièrefiable l’explosif que renfermentles mines. Mais contrairement auxchiens, les rats ne sont exposés àaucun danger puisqu’ils sont troplégers pour faire exploser une mine.

La Suisse est engagée depuislongtemps déjà dans la bataillecontre les mines, et pas seulementau Mozambique. La Suisse a en effetjoué un rôle déterminant dans lespréparatifs de la Convention surl’interdiction des mines antiperson-nel (Convention d’Ottawa), adoptéeen 1997. Depuis, la Convention aété ratifiée par un grand nombrede pays de par le monde, y comprispar le Mozambique. Le Centre Inter-national de Déminage Humanitairede Genève, fondé par la Suisse en1998, qui surveille et fait avancerla mise en œuvre de la Convention,bénéficie toujours de subventionsconsidérables.

Au Mozambique, la Suisse a étéle premier pays donateur à accordersa confiance aux autorités localeschargées du déminage, et à tra-vailler en collaboration directe avec

l’Institut National de Déminage(IND), la formation des spécialistesmozambicains étant l’objectif prio-ritaire de la démarche. Aujourd’hui,l’IND dispose des connaissancesnécessaires pour effectuer la planifi-cation des opérations de déminage.L’institut suit ainsi le programmenational pour la détection desmines et la mise en garde contre lesmines, qui a bénéficié du soutienfinancier de la Suisse. Il coordonnele travail des différentes organisa-tions de déminage au sein du pays.Celui-ci devrait être débarrassé deses mines en 2014. Malgré cela, ilsubsiste encore environ 450 champsde mines non désamorcés.

L’objectif du déminage est depermettre de s’attaquer au plusvite aux réparations nécessaires desroutes, ponts et autres infrastruc-tures et de faciliter le retour deshabitants sur leurs terres. Afin d’en-diguer l’insécurité des populations,le déminage s’accompagne d’unesensibilisation au danger des mines.Des formations dispensées dans lesvillages ont permis à la DDC d’at-tirer l’attention sur ces dangers,

particulièrement élevés après lesinondations. «Sensibiliser les gensau danger des mines fait partieintégrante de notre travail», déclareThomas Greminger, ancien direc-teur du Bureau de coordination dela DDC à Maputo.

Une personne blessée par unemine a besoin d’un aide médicalerapide. Celle-ci demeure pourtantsouvent insuffisante au Mozambi-que, tout particulièrement à la cam-pagne. Avec le soutien de l’ONU, duCICR et des ONG locales, la Suissea pris en charge le traitement et laréintégration des victimes. Dans lecadre de cet engagement, la DDCsoutient «Handicap International»,une ONG qui possède des centresorthopédiques dans tout le pays. Cescentres procurent aux blessés traite-ments et prothèses en cas de perted’un membre et leur apprennent àmieux vivre avec leurs blessures.

Malgré de sérieuses blessures, on garde le sourire:

deux hommes dans un hôpital à Maputo. Corbis

37

MINES

Page 40: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Notre avenir était-ilmeilleur par le passé?

Mia Couto est né en 1955 de parents portugais dans la ville portuaire mozambi-caine de Beira. Jusqu’en 1985, il occupa un poste de direction dans le domainedu journalisme avant de suivre des études de biologie. Il est aujourd’hui profes-seur à l’Université de Maputo et dirige une entreprise qu’il a créée. Bien qu’il aitpublié des romans et des nouvelles à succès, il se considère avant tout commebiologiste et non comme écrivain*.

Je suis né et j’ai passé mon enfan-ce dans une petite ville coloniale,dans un monde qui n’existe plusdepuis bien longtemps. J’ai apprisrelativement tôt que je devraismener une vie à contre-courant demon époque. La réalité colonialeétait omniprésente. Elle divisaitles gens en fonction de leur raceet repoussait les Africains hors desvilles, au-delà des banlieues. Dufait de ma couleur de peau, j’étaismoi-même privilégié et considérécomme un «Blanc de deuxièmegénération». Je vivais au quotidienl’humiliation des Noirs, qui dans lebus n’étaient autorisés à s’asseoirque dans les rangées arrière – audernier rang de la vie.

Le jour de l’indépendance duMozambique, j’avais 19 ans. Pleind’espérance, j’attendais avec impa-tience le moment où, pour monpays, un drapeau serait hissé enhaut d’un mât. Je croyais alorsqu’un simple drapeau suffisait àmatérialiser le rêve d’un peuple.J’étais journaliste, j’avais le mondepour église, les gens pour religion.Et tout était encore possible.

La nuit du 24 juin, comme desmilliers de Mozambicains, je mesuis rendu au stade de Machavepour assister à la proclamationd’indépendance que Samora Moi-sés Machel devait annoncer de savoix rocailleuse. L’annonce devaitavoir lieu à minuit précis. Au leverdu jour, c’est un nouveau pays qui

se réveillerait. Mais vingt minutesaprès minuit, Samora Machel n’étaitpas encore apparu sur l’estrade. Sou-dain, son uniforme de guérillero sedessina parmi les invités présents.Au mépris de l’heure, le Présidentproclama : «À zéro heure de ce jourdu 25 juin …» Comme d’un coupde baguette magique, nous avionsremonté le temps. Commença alorsl’heure véritable, notre heure.

Je n’oublierai jamais les visa-ges radieux, les cris d’allégresse,les coups de feu des guérilleros quiannonçaient la fin de toutes lesguerres. Ce fut une grande fête. Lesol sous nos pieds et le ciel de laliberté au-dessus de nos têtes, nousfêtions notre humanité. Plus encorequ’un pays, c’est notre nouveau des-tin que nous célébrions. Ceux quiavaient attendu cet instant pendantdes siècles n’accordaient aucuneimportance à ces vingt minutes.

Aujourd’hui, une bonne tren-taine d’années plus tard, pourrions-

nous encore une fois remonter letemps? La même foi anime-t-elletoujours le peuple mozambicain?Non, elle ne l’anime plus. Elle nepouvait aucunement perdurer. En1975, nous éprouvions la convic-tion légitime mais naïve que nousserions capables, en l’espace d’unegénération, de changer le mondeet de redistribuer les cartes du bon-heur. Nous ne savions pas que lemonde était un filet constitué deliens complexes; un filet collant oùcertains sont les captifs et d’autresles chasseurs.

Dans l’histoire d’un pays, trenteans ne représentent presque rien.L’injustice coloniale est déjà bienloin. Nous sommes déjà bien loinde pouvoir comprendre le rêve quinous avait plongés dans une telleexultation ce 25 juin. Une partiede ces attentes reste encore à réali-ser. Si une nouvelle annonce devaitavoir lieu aujourd’hui, nous nenous précipiterions plus avec lamême foi. Cela ne signifie pourtantpas que nous sommes aujourd’hui

Je n’oublierai jamais les visages radieux, les crisd’allégresse, les coups de feu des guérilleros, quiannonçaient la fin de toutes les guerres.

38

Page 41: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

moins prêts à croire. Nous le som-mes encore. Mais nous sommesconscients qu’il faut laisser toutechose trouver sa voie et prendre sontemps.

Nous pourrions chercher desexplications, porter des accusations.Mais tout cela ne serait pas trèsproductif. Nous ne pouvons simple-ment pas nous attendre à ce qu’unpays qui sort de l’état de sous-déve-loppement du fait de la dominationcoloniale puisse atteindre la mêmechose que des États anciens etindépendants en phase de dévelop-pement. Le Mozambique apprenddésormais à être souverain dans unmonde qui peine tant à accepter lasouveraineté des autres.

À travers un processus difficile etconflictuel, le Mozambique a su secréer une réputation d’exception enAfrique. Cette réputation, je la trou-ve méritée. Nous avons été capables

d’établir la paix après plus de 12 ansde guerre. Nous avons réussi à créerune démocratie formelle, à attein-dre la stabilité et à garantir deslibertés fondamentales telles que laliberté d’expression et de pensée.Je suis fier de ce processus. Maisj’ai aussi mes craintes. Non seule-ment la voie que nous avons suivien’a pas réellement été choisie parnous, mais les résultats ne sont pasnon plus mesurés selon nos proprescritères. Notre progrès ne peut pasêtre uniquement mesuré en fonc-tion de la réussite de l’applicationde recettes politiques et financières.Au contraire, nous devons être jugéssur la créativité avec laquelle nouspensons notre place dans le monde.

Pendant les splendides annéesde notre combat pour la libération,nous criions: «Independência ouMorte, Venceremos». Aujourd’hui,nous le savons. L’indépendancen’est rien de plus qu’une possibilité

de choisir nous-mêmes nos dépen-dances. Dans les années 1970, lemonde offrait encore la possibilitéde choisir entre différentes optionset alliances stratégiques. De nosjours, les économies nationales s’ali-gnent sur un modèle économiquesans aucune alternative. Nous choi-sissons ce que les autres ont choisipour nous. Cependant, la diminu-tion de la souveraineté n’est pas unprocessus qui touche uniquementle Mozambique. Il est même large-ment répandu. Aujourd’hui, toutesles nations sont moins nationales.

Bien des Mozambicains nevoyaient pas la Suisse comme unpays, mais bien plus comme le nomd’une mission religieuse. La MissãoSuiça, la mission suisse, avait prispied dans le sud du Mozambique.Elle y fut l’objet de lourdes suspi-cions de la part du pouvoir colonialportugais. En 1895, le Genevois Hen-ri Junod fut expulsé du Mozambi-que colonial car il enseignait ce quel’on appelle les «langues indigènes».Le missionnaire aida des Mozam-bicains à retrouver leurs racinesmozambicaines, parmi eux le pre-

Aujourd’hui, nous le savons:L’indépendance n’est rien deplus qu’une possibilité de choisirnous-mêmes nos dépendances.

Die kriegerischen Konflikte nach dem Auseinander-

brechen Jugoslawiens haben den Systemwandel in den

betroffenen Ländern um mindestens

*En 2005, Couto s’exprima lors d’une commémo-ration organisée par la DDC à l’occasion du 30e

anniversaire de l’indépendance de son pays surla collaboration du Mozambique avec l’Occident.Ce texte est une version très abrégée de son dis-cours, qui porte un regard critique à la fois surles donateurs et sur les destinataires.

Mia Couto. Laif

39

MIA COUTO

Page 42: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

mier président Eduardo Mondlane;au fur et à mesure de ce processus,il s’africanisa jusqu’à finalementsouhaiter être enterré sur le solmozambicain.

Nous avons aujourd’hui uneconception plus moderne de laSuisse. Nous la désignons par unnom plutôt singulier: celui de«pays donateur». Le monde estaujourd’hui divisé en donateurset destinataires. Comme si cet étatétait supposé naturel ou généti-que, ou censé durer pour l’éternité.Nous, les receveurs de ce que l’onqualifie d’«aide», avons déjà portéd’autres noms: Tiers-Monde, pays envoie de développement, pays sous-développés, nations périphériques.

La farandole des noms est infi-nie. Désormais, le politiquementcorrect nous donne pour la premiè-re fois le droit de partager le mêmenom: nous tous, les pauvres commeles riches, nous appelons des «par-tenaires». Ce nouveau nom est plussympathique. Mais il pose un pro-blème de fond: il n’est pas possiblede résoudre par des mots ce quin’est pas résolu dans sa substance.

Je lutte farouchement contrela tendance des Africains à s’érigeren victimes. Tant que nous conti-nuerons à rejeter sur les Européensla responsabilité de nos propreserreurs, nous serons dans l’incapaci-té de nous envisager comme moteurprimordial du changement. Per-cevoir notre rôle en tant que sujethistorique: tel était l’enjeu le plus

important et le plus passionnant denotre indépendance nationale.

Si certains Africains pensentque la faute revient aux Européens,il existe à l’inverse également desEuropéens qui pensent que la fauterevient aux Africains. Une relationplus saine entre les deux partiesnécessiterait des bouleversementsfondamentaux, et un nouveaudépart serait inéluctable. Mais dansl’histoire, ce retour à zéro n’existepas. C’est à nous de nous posercertaines questions et de remettreen cause les conditions de nos rela-tions mutuelles.

L’opinion publique européen-ne et américaine reste persuadéeque l’Afrique pourrait avoir raisonde ses crises si elle gérait correcte-ment ses subsides. C’est faute d’êtrebien employée que l’aide ne seraitpas suffisante. C’est vrai: des partiesde cette aide ont été détournées parune élite minoritaire. Une partiede cette fortune volée gît au cœurde l’Europe, sur des comptes ban-caires. Mais il est également vraique même en en faisant bon usage,l’aide actuelle ne suffirait pas pourrésoudre les problèmes que viventles nations appauvries.

En réalité, pratiquement aucunedes nations développées ne s’esttenue aux objectifs fixés il y atrente ans par les Nations Unies,à savoir consacrer 0,7% de sonpropre budget à l’aide extérieure.En moyenne, ce soutien s’élèveaujourd’hui à quelque 0,25%. Cela

montre tout simplement que lespays pauvres ne sont pas les seulsà ne pas s’acquitter des obligationsdécidées à un niveau international.

Mais le plus grave est que ce quinous est donné d’une main nousest aussitôt repris de l’autre. Leprotectionnisme et les subventionsretirent aux pays pauvres 2050 mil-lions d’euros. Cette somme dépassede loin le volume de l’aide appor-tée. En outre, les subventions agri-coles de l’Europe et des États-Unisvont à l’encontre de la logique quinous est imposée concernant lesmécanismes de régulation écono-mique. En un mot: les prophètes dumarché libre ne font pas chez euxce qu’ils prêchent en public.

Pire encore: il a été prouvé que40% de ce qui est versé aux payspauvres passe dans le salaire desconsultants internationaux. Dansles faits, il y a aujourd’hui plusd’étrangers en Afrique qu’à l’épo-que coloniale. Cela signifie qu’unepartie de l’aide réintègre donc lecircuit des pays riches. Retironsencore cette somme des 0,25%, etil ne reste finalement que quelque0,1%. Il est donc donné beaucoupmoins que ne le pensent les citoyen-nes et citoyens des pays riches.

Les pays africains déboursentsouvent plus d’argent pour le servi-ce de la dette que pour investir dansla santé et l’éducation. La dette adéjà été qualifiée de «continuationde la guerre par d’autres moyens».Cette agression silencieuse ne passepas à la télévision, bien qu’elle soitresponsable chaque année de lamort d’un demi-million d’enfants.Les miséreux du continent, à quiserait en fait destinée l’aide inter-nationale, paient chaque annéeplus qu’ils ne reçoivent. Aucun paysafricain ne pourra exercer son indé-

Mais le plus grave est que ce qui nousest donné d’une main nous est aussitôtrepris de l’autre.

40

Page 43: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

pendance tant que ce poids n’aurapas été supprimé. Avec un tel passé,aucun avenir n’est possible.

Les pays pauvres ont besoin d’es-paces libres où mener leurs propresdébats et expérimenter des solu-tions à leur propre rythme. Noussouhaiterions par exemple avoir laliberté de décider nous-mêmes dumoment opportun pour la priva-tisation des services publics. Cetteliberté a finalement été déléguéeaux Européens.

Par ailleurs, parmi ce qui estexigé de notre part, il est des chosesqui sont tout simplement irréali-sables d’un point de vue temporel.Les pays les plus pauvres doiventlibéraliser leur économie dans undélai bien plus court que celui qui aété imposé aux pays développés eux-mêmes. Il est fréquent que l’octroide moyens financiers soit condition-né par la mise en place de mesuresqui ne sont pas réalistes. On attendde nous qu’en cinq ans, nous par-venions à ce que d’autres pays ontmis des siècles à réaliser. Certainesnations européennes attendent denous des mesures de décentralisa-tion, alors qu’elles-mêmes ne sontpas encore arrivées bien loin dansleur propre décentralisation.

La réponse à tous ces problèmesest évidente: elle doit venir des payspauvres eux-mêmes. Nous devonsavoir notre propre agenda et notrepropre stratégie. Il ne s’agit pas iciuniquement de la collaborationdu Mozambique avec l’Europe et le

reste du monde. Voilà la premièrequestion qui devrait se poser: com-ment le Mozambique collabore-t-ilavec lui-même? Comment soutenirle développement à partir de l’inté-rieur? Ce débat doit être mené ausein même de l’Afrique. La jeunegénération possède déjà de premiè-res ébauches de réponses. Lorsqu’ils’agit d’analyser la situation ducontinent, celle-ci ne se contenteplus de lancer des incriminationsde façon unilatérale.

Réclamer de l’aide pendanttrente ans nous a conduits à unedépendance mentale qui annihilel’esprit du 25 juin 1975. Chez touteune génération de cadres, les pen-sées tournent autour d’une chose: àqui demander quoi. Nous créons despersonnes dont les rêves eux-mêmessont marqués par la dépendanceet la soumission. Le pire est qu’auMozambique, ces créatures se repro-duisent, de manière endogène etindigène.

Il est vrai que c’est aux Africainsqu’il appartient de redevenir despartenaires crédibles. Mais dans lecontexte de l’ordre mondial actuel,les Africains ne sont pas en mesurede le faire. L’aide réelle ne consiste

pas à augmenter l’aide, mais, dansun effort réalisé conjointementpar les Européens et les Africains,à transformer l’enchevêtrementdes relations actuelles. Nous avonsbesoin d’une aide qui nous permet-te d’avoir moins besoin d’être aidés.Nous devons créer une dépendancequi nous rendra de moins en moinsdépendants.

Les pays pauvres ont besoin d’espaces libres oùmener leurs propres débats et expérimenter dessolutions à leur propre rythme.

L’aide réelle ne consiste pas à augmenter l’aide,mais à transformer l’enchevêtrement des rela-tions actuelles dans un effort réalisé conjointe-ment par les Européens et les Africains.

41

MIA COUTO

Page 44: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Un garçon dans un centre de réinsertion

pour combattants de la Renamo. Laif

42

Page 45: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Une transition réussievers la paix

La profonde lassitude éprouvée envers la guerre et un changement de la situationpolitique mondiale préparèrent le terrain pour les négociations et les accords de paixde 1992. Et le Mozambique réussit avec brio une transition difficile vers la paix. Laréconciliation nationale, qui s’amorça alors, après plus de 15 ans de guerre civile,représenta un véritable exploit. La Suisse joua un rôle important dans le processus depaix au niveau des travaux préparatoires à la démobilisation.

A près plus de 15 ans de guerre civile, au débutdes années 1990, les soldats se retrouvaientsans bottes dans le maquis en se demandantpourquoi ils continuaient à combattre. Beau-

coup d’entre eux avaient été enrôlés de force dans l’arméedu Frelimo ou de la Renamo, pour s’y battre dans le cadred’une guerre qui avait en partie été imposée de l’extérieur aupays et dont la plupart des Mozambicains ne voulaient pas.La fin de la guerre froide et la chute de l’Union soviétique,à la fin des années 1980, avaient tari la principale sourcede financement et d’approvisionnement en armes du partiau pouvoir, le Frelimo, et ce à une époque où l’armée et laguerre engloutissaient plus de la moitié du budget de l’État

de ce pays notoirement sous-développé. La Renamo étaitquant à elle de plus en plus isolée, car le régime d’apar-theid sud-africain vivait ses derniers moments. Au début desannées 1990, une sécheresse extrême aggrava la situationdéjà précaire du pays, de sorte qu’il ne resta pratiquementplus rien qui vaille la peine de se battre. Les temps étaientmûrs pour la paix.

Soutenues par la Suisse, les belligérants entamèrentdes négociations en 1990. Du côté du Frelimo, elles furentconduites par Joaquim Chissano, devenu président duMozambique en 1986, qui avait en face de lui Afonso Dhla-kama, le leader de la Renamo. Parmi les médiateurs, ontrouvait entre autres l’ONU et l’Italie, auxquelles la Commu-

43

1992–1995LA FIN DE LA GUERRE CIVILE

Page 46: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

nauté de Sant’Egidio apportait son concours. Le 4 octobre1992, Chissano et Dhlakama signèrent à Rome un accordde paix prévoyant comme point principal la dissolution com-plète des deux armées et la constitution d’une nouvellearmée unifiée. La démobilisation devait être suivie par desélections.

Les anciens adversaires demandèrent aux NationsUnies de les aider pour mettre en œuvre les accords de paix.L’ONU mit alors en place la mission ONUMOZ (Opérationdes Nations Unies au Mozambique), dans le cadre de laquel-le elle surveilla le déroulement de la démobilisation et desélections. L’ONU en profita pour appliquer les leçons qu’ellevenait de tirer de l’échec encore tout récent de sa missionen Angola, où elle n’était pas parvenue à désarmer les bel-ligérants, entre autres parce qu’elle y avait envoyé trop peude troupes internationales. Contrairement à ce qu’elle avaitfait pour l’Angola, l’ONU n’envoya donc pas 800 mais prèsde 7000 soldats au Mozambique ainsi que des spécialistescivils. L’ONU collecta les armes, se lança dans le déminage,fournit des denrées alimentaires, aida au retour des réfugiéset permit la réintégration des soldats démobilisés. La mis-sion du Mozambique fut l’une des plus réussies de l’histoirede l’ONU. Ceci n’était pas sans lien avec les travaux prépa-ratoires à la démobilisation, auxquels la Suisse s’était atteléetrès tôt, avant même la signature des accords de paix (cf.encadré, page 46).

Fin 1993, les combattants commencèrent à se regrou-per dans des camps de démobilisation, où ils rendirent leursarmes. C’est à ce moment que l’on put se rendre compteà quel point les Mozambicains aspiraient au retour de la

paix: les rebelles du Renamo et les soldats gouvernementauxjouaient ensemble au football, échangeaient des cigaretteset se racontaient des histoires de guerre. Ajello et d’autresobservateurs internationaux ont toujours insisté sur le fait quela réussite du processus de paix fut en grande partie due à lavolonté de paix des Mozambicains, plus forte que tout. Lessoldats hier ennemis firent un geste fort dans ce sens.

En août 1994, les deux armées étaient dissoutes. Environ90000 soldats – parmi lesquels quelque 25000 rebelles duRenamo – furent renvoyés. Les soldats reçurent quelquesmois de salaire à titre de compensation pécuniaire ainsi quedes outils et des semences pour pouvoir prendre un nou-veau départ. La majorité retournèrent chez eux. La plupartdes soldats étaient si las de la guerre que seuls quelque10000 d’entre eux allèrent rejoindre les rangs de la nou-velle armée, les Forças Armadas de Defesa de Moçambique(FADM), en fait prévue pour comporter 30000 hommes.

Cependant, des difficultés attendaient les soldats ren-voyés chez eux. La plupart d’entre eux étaient des analpha-bètes sans aucune formation professionnelle. Que devaientfaire ces ex-soldats dans un pays où il n’y avait presque pasd’emplois? Certains trouvèrent du travail dans la construc-tion de routes ou dans le cadre d’autres travaux publics dereconstruction. Pour beaucoup, pourtant, les perspectivesd’avenir étaient sombres. Certains ex-soldats se mirent àpiller des dépôts de produits d’aide humanitaire ou à atta-quer les transports par camions. Lorsque la situation futsur le point de dégénérer, l’ONU augmenta le montant deses compensations pécuniaires afin de calmer le jeu et degagner du temps pour les élections.

Un camp de démobilisation: des rebelles et des soldats

gouvernementaux rendent leurs armes. © Jean Gaumy/Magnum

44

Page 47: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Celles-ci eurent lieu en octobre 1994. Après cette lon-gue guerre civile, les conditions des élections démocrati-ques n’étaient certes pas optimales, mais elles n’étaientpas mauvaises non plus. En effet, avant même la fin de laguerre, le Mozambique avait déjà commencé à s’engagerdans la voie d’une démocratie parlementaire. En 1990, leFrelimo avait introduit une nouvelle constitution et un sys-tème multipartite. L’État, le parti et l’armée avaient officielle-ment été séparés. Les élections furent préparées et misesen œuvre par la Commisão Nacional de Eleições (CNE),la Commission électorale nationale composée de mem-bres de tous les partis. La CNE inscrivit quatre cinquièmesdes électeurs potentiels sur des listes, mit en place 8500bureaux de vote et engagea 50000 assesseurs pour le jourdes élections.

Alors que le Frelimo pouvait s’appuyer sur ses longuesannées d’expérience à la tête du gouvernement, la Renamodevait d’abord cesser d’être une troupe de guérilleros etse transformer en parti démocratique. L’ONU aida les deuxpartis à mettre en œuvre ce processus et créa un fondsdestiné à l’édification de structures de parti et doté d’uneenveloppe de 17 millions de dollars, auquel la Suisse appor-ta une contribution substantielle. Si quelques leaders de laRenamo utilisèrent cet argent pour améliorer leur niveau devie, le fonds s’avéra néanmoins être un investissement judi-cieux, car il empêchait que la Renamo ne bloque le proces-sus de paix.

D’après les conclusions des 3000 observateurs inter-nationaux chargés de surveiller les élections – parmi les-quels on comptait onze Suisses – les élections furent libreset équitables. Avec 53% des voix, le président sortant, Joa-quim Chissano, battit largement le leader de la Renamo,Afonso Dhlakama. Lors des élections législatives, la Rena-mo obtint un score un peu meilleur et remporta les électionsdans cinq provinces du centre du Mozambique. Mais en-dehors de son ancienne zone de retrait, la Renamo n’obtintpratiquement pas de voix.

Les élections marquèrent la fin du mandat de l’ONU,au cours duquel on estime que 1,7 million de réfugiés ren-trés de l’étranger et 4 millions de réfugiés intérieurs étaientretournés chez eux. Des centaines de milliers de personnesfirent le trajet par leurs propres moyens et pour la plupart, àpied. D’autres profitèrent du programme de rapatriement del’ONU, qui avait investi plus de 200 millions de dollars pourorganiser des moyens de transport et mettre en place despostes de ravitaillement pour approvisionner les rapatriésen produits alimentaires, eau, médicaments et semences.Cette aide de départ était indispensable, car la plupart des

La sécheresse est l’alliée de la paix

Au début des années 1990, l’Afrique australe est frappée par la pire sécheresse depuis le début du siècle. En 1992, auMozambique, presque la totalité de la récolte se dessèche sur pied. Dans certaines provinces, il n’y a plus d’eau. Le bétailmeurt, les gens fuient. Dans les régions du centre du Mozambique contrôlées par la Renamo, la population abandonneses villages. Ceci affaiblit les rebelles, qui dépendent de la population locale pour leur ravitaillement. D’une manière géné-rale, la sécheresse renforce la lassitude des combattants envers la guerre, et ce des deux côtés. Des centaines de milliersde personnes se rassemblent dans des camps, où leurs besoins vitaux sont couverts par la communauté internationale.En important à temps des produits alimentaires, on réussit à éviter une catastrophe comme celle de 1984/85, qui coûtaprobablement la vie à plusieurs centaines de milliers de personnes. Dans le même temps, la Suisse renforce son aide hu-manitaire et soutient diverses ONG telles que Médecins Sans Frontières et le World Food Programme (WFP) pour assurerla prise en charge de base des réfugiés de la sécheresse. Le Corps suisse d’aide humanitaire (CSA) lance ses activités, enconstruisant des galeries de captage et creusant des puits.

45

1992–1995En tant que pays dénué de tout intérêtcolonial, nous avons réussi à gagner laconfiance du gouvernement et de lapopulation. Ceci nous a permis d’êtredes médiateurs au cours du processusde paix et de faire progresser la démobi-lisation des soldats. Gregor Binkert, coor-

dinateur de la DCC au Mozambique de 1993 à

1998

Page 48: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

réfugiés rentraient au pays sans aucune possession. Certai-nes personnes n’avaient même plus de vêtements et étaientobligées d’utiliser des écorces d’arbres pour se couvrir. Lesrapatriés étaient aussi confrontés à un autre problème detaille: les mines terrestres, dont l’ONU estimait le nombre àenviron deux millions au Mozambique à la fin de la guerre.

Avec la paix s’annoncèrent des temps meilleurs: les pay-sans retournèrent sur leurs terres et heureusement pour eux,à l’automne 1992, la pluie tant espérée finit par arriver, met-tant ainsi fin à la grande sécheresse. Dans ces conditions,la production agricole fit un bond de plus de 20% durant lapremière année de paix. D’autres bonnes années suivirent,et en 1996, le pays réalisa la meilleure récolte depuis 20ans. En conséquence, le nombre de familles dépendantesd’aides alimentaires chuta par rapport à 1994, passant d’unmillion à 95000. Mais l’agriculture ne fut pas le seul secteurà progresser: l’économie enregistra une croissance annuelletotale de plus de 8%, et l’inflation réussit à être freinée.

Durant les premières années qui suivirent la guerre, onparvint à reconstruire une partie de l’infrastructure, et lessoldats de l’ONU restaurèrent la sécurité intérieure. À l’inté-rieur et à l’extérieur du parlement, on assista à l’émergen-ce progressive d’une culture politique; plus d’une douzaine

de partis participèrent aux élections. La liberté de la pressedevint une réalité. La société civile se développa elle aussi ets’enrichit de nouvelles facettes: on vit apparaître des ONG,des groupes d’Église, des organisations commerciales et

Les plans de démobilisation suisses

Lorsque la fin de la guerre civile commença à se dessiner, Magid Osman, alors ministre des Finances du Mozambique,demanda à la Suisse d’aider à la démobilisation de l’armée gouvernementale, à laquelle il était obligé de consacrer une(trop) grande partie de son budget. C’est ainsi que la Suisse se lança dans la planification d’une transition ordonnée versla paix. Celle-ci prévoyait en premier lieu la démobilisation et la réintégration des soldats. Pour les travaux préparatoiresréalisés par la DDC, le Conseil d’État accorda un crédit spécial de 10 millions de francs. Cet argent permit entre autres deréaliser un sondage auprès de 20000 soldats du Frelimo, qui furent interrogés sur leurs besoins et sur leur éventuelle dé-mobilisation. Il en ressortit que les soldats souhaitaient avant tout une chose: rentrer chez eux. Or si la mise en œuvre dela démobilisation par l’ONU fut un tel succès, c’est bien parce qu’elle s’appuyait sur la connaissance de cet ardent désirde paix, de famille et de retour au pays qu’avait identifié le sondage.

La communauté internationale devait veiller à ce que le retour des soldats chez eux se passe sans anicroches. Ceci pas-sait aussi par la prise en compte du contexte culturel. Les spécialistes de la DDC avaient appris par une ethnologue queles soldats ne pouvaient pas retourner dans leurs villages les mains vides sans perdre la face. Au moment du retour, l’ONUremit donc à chaque soldat démobilisé un paquet contenant des produits alimentaires, des vêtements, des chaussures,des outils et des cadeaux pour les femmes. Par ailleurs, l’ONU mit à disposition des sommes d’argent pour soutenir lesex-soldats financièrement. Les soldats reçurent une partie de cet argent en liquide, et le reste leur fut remis lors de leur re-tour dans leur district d’origine. C’est ainsi que l’on put garantir avec une certitude assez forte que les soldats rentrèrenteffectivement chez eux.

Grâce à sa planification soigneuse, qui tenait compte de ce genre de détails, à sa connaissance de l’état psychique de l’ar-mée et à sa volonté de prendre un certain risque, la Suisse joua un rôle clé dans le processus de paix au Mozambique.

46

Le seul chemin sûr menant à la démo-cratie et au développement, c’étaientles négociations. Sans négociations,nous n’aurions pas atteint nos objectifs,même si nous avions gagné. Notreadversaire se serait alors retiré dans lesforêts, et la guerre aurait continué.Raul Domingos, représentant de la Renamo

lors des négociations de paix

Page 49: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

des groupes d’artistes. Timidement, une scène culturellecommença à fleurir, principalement à Maputo. Sur le plan dela sécurité, la situation évolua en revanche moins favorable-ment: après le retrait des troupes de l’ONU, on assista à unerecrudescence du nombre d’attaques de bandits de grandchemin. Les déplacements par voie terrestre devinrent extrê-mement dangereux, ce qui entrava le transport de marchan-dises et la reconstruction.

La division politique IV du DFAE (cf. vue d’ensemble desacteurs page 52) soutint le processus de réconciliation et deconstruction au Mozambique entre 1990 et 1993 par uneaide moyenne annuelle de 32 millions de francs. Le rôle jouépar la Suisse dans la démobilisation des armées et la réin-tégration des ex-soldats lui a valu une reconnaissance inter-nationale. Ainsi, la Suisse a soutenu des mesures destinéesà transformer la guérilla qu’était la Renamo en un parti politi-que – en dispensant par exemple des cours de comptabilitéaux anciens guérilleros et en réinsérant du personnel origi-naire des régions de la Renamo dans le système de santénational. La Suisse a ainsi apporté une contribution impor-tante à une paix durable (cf. encadré). La Suisse était parailleurs représentée au sein de la commission de réintégra-tion de l’ONU et a participé au programme de rapatriement.

Outre son travail en faveur de la paix, la Suisse pour-suivit son programme, qui se concentrait traditionnellementsur les secteurs de la macro-économie (participation à desprogrammes de la Banque mondiale et aides bilatérales à labalance des paiements), santé, approvisionnement en eau,remise en état de l’infrastructure et développement rural.

Vinrent désormais s’y ajouter des initiatives dans le domainede la gouvernance, qui comportent différents aspects dela gestion de gouvernement. Ainsi, par exemple, la Suissesoutint la réforme administrative, qui visait en premier lieu àdécentraliser les structures communistes centralistes.

Diverses ONG suisses cofinancées par la DDC s’enga-gèrent dans le processus de paix et de développement. Laplupart d’entre elles étaient déjà présentes depuis longtempsau Mozambique. Helvetas s’occupa de l’approvisionnementen eau dans les camps de rapatriés et œuvra dans le domai-ne du développement agricole (infrastructure, écoles, eau).Caritas finança divers projets en faveur de la conscientisationet de la réconciliation. Terre des Hommes Suisse construisitdes écoles, l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière aida à prépa-rer les élections. Enfin, la section suisse de Médecins SansFrontières soutint des programmes destinés à mieux iden-tifier les dangers liés aux mines, un domaine dans lequeltravaillait également la Croix-Rouge (CICR). L’Entraide Pro-testante Suisse (EPER) s’engagea dans l’aide d’urgence àdestination des réfugiés et des personnes déplacées, alorsque le Département Missionnaire (lui aussi rattaché à l’Égli-se évangélique), s’employa pour sa part à améliorer le suivisanitaire à la campagne.

Slogans électoraux sur un bâtiment en ruines.

Richard Gerster

47

1992–1995

Page 50: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Un bon travail gouvernementalne s’improvise pas

Marc de Tollenaere s’exprime dans cette interview sur des questions de gestionde gouvernement. Ce natif de Belgique est historien et travaille depuis qua-tre ans pour le Bureau de Coopération Suisse de Maputo en tant qu’expert engouvernance. Ce que l’on appelle la gouvernance - un terme apparu à la fin desannées 1980 – n’est pas défini avec exactitude. Une bonne gestion gouvernemen-tale est un idéal d’organisation de l’État qui englobe des institutions en ordre demarche, le respect des droits humains, un État de droit, la raison économique, laparticipation de toutes les couches de la société, l’équité sociale et la paix.

Monsieur De Tollenaere, quelle estaujourd’hui globalement la situa-tion du Mozambique en matière debonne gestion gouvernementale?Dans quels domaines le pays a-t-ilenregistré des réussites ces derniè-res années?

Dans les années 1990, après lasanglante guerre civile et l’expé-rience socialiste, le pays a dû serelever et reconstruire des institu-tions dont tout pays a besoin pourpouvoir tout simplement fonction-ner. Entre-temps, le gouvernementmozambicain y est parvenu, mêmesi la construction n’est pas encoretout à fait achevée. En outre, leMozambique a également déve-loppé son système juridique et créédes centaines de lois et de décrets,qui constituent en quelque sorte lacolonne vertébrale de l’État. Troisiè-mement, l’État – non sans l’aide dela Suisse et d’autres pays donateurs– a mis au point de nombreusesstratégies et politiques fixant lesobjectifs et la suite à donner concer-nant les points importants pour lepays. Depuis, il n’existe plus guèrede secteurs ne disposant d’aucunestratégie. Dans certains domaines, ily a désormais presque trop de straté-gies, qui parfois ne s’accordent pastout à fait. Le gouvernement a doncporté pendant les dernières annéesbeaucoup d’attention à la construc-

tion de l’État et a, là aussi, remportédes succès reconnus.

Où se situent alors désormais lesenjeux?

Ces derniers temps, le Mozambi-que a pris conscience qu’il n’a pasuniquement besoin d’un appareild’État qui fonctionne et de dispo-ser de ressources suffisantes, maisaussi d’un système de contrôlemutuel, sans quoi l’État risque dedevenir surpuissant. Il faut descontrôles internes et externes poursurveiller les activités de l’État etle cas échéant réagir. Ces dernièresannées, l’État mozambicain et lespays donateurs ont accordé plusde valeur aux audits et inspectionsinternes. Ils ont également renforcédes organisations externes n’appar-tenant pas à l’exécutif, comme lestribunaux administratifs. Cela aconduit à une amélioration sensiblede l’activité administrative. La Suis-se, en particulier, s’est en outre miseà soutenir la société civile, qui faitcontrepoids au gouvernement, et àmieux équilibrer le rapport entre

l’État et la société. Ce qui pose ungros problème est que la populationa toujours peu d’attentes vis-à-vis dugouvernement: un sondage réaliséau Mozambique et dans des paysfrontaliers a montré qu’à l’inversede leurs voisins, les Mozambicainsn’exigent pour ainsi dire pas queleur gouvernement leur rende descomptes. Nous devons encouragerune culture dans laquelle les gensexigent naturellement d’en savoirplus sur leur gouvernement, cequ’il fait, ne fait pas, et pourquoi. Etexercer ainsi une pression constantepour que le gouvernement s’amélio-re. À cet égard, le pays n’en est qu’àses débuts.

Qu’en est-il alors du judiciaire? Nedevrait-il pas constituer, en tantque troisième pouvoir de l’État,le contrepoids de l’exécutif et dulégislatif?

Par le passé, au Mozambique, lajurisprudence avait peu d’importan-ce. Le premier gouvernement aprèsl’indépendance, né directement dumouvement pour la liberté, sans

Il faut des contrôles internes et externes poursurveiller les activités de l’État et le cas échéantréagir.

48

Page 51: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

élections, ne jugeait pas la jurispru-dence prioritaire. Et jusqu’à la nou-velle constitution de 1990, il n’exis-tait pas de séparation formelle despouvoirs au sein de l’État. Dansles années 1990, le Mozambiquea lentement commencé à étendreles compétences juridictionnelles.Aujourd’hui encore, la jurispru-dence doit largement être amé-liorée – pas uniquement dans ledomaine des droits humains, maiségalement en ce qui concerne lesaspects économiques. Par exemple,en cas de litige, il est toujours extrê-mement difficile de faire valoirdes dispositions contractuelles. Detelles conditions ne favorisent pré-cisément pas les pratiques commer-ciales exemplaires et rebutent lesinvestisseurs.

Comment la coopération publiqueau développement a-t-elle adaptéses instruments pour favoriser unebonne gestion gouvernementale?

Les instruments de coopérationse sont fortement modifiés lors desvingt dernières années – toutefoispas seulement pour influencer lagestion gouvernementale, mais aus-si pour améliorer l’efficacité de lacoopération au développement dansson ensemble. Ce qui s’est énormé-ment modifié est que la coopéra-tion publique ne met aujourd’huien œuvre aucun projet elle-même,mais soutient ses partenaires surplace au niveau de la réalisation– qu’il s’agisse de services gouver-nementaux ou d’ONG. Par le passé,la DDC employait des directeursde projets, qui embauchaient eux-

mêmes du personnel, fournissaientle matériel, etc. Aujourd’hui, unprojet est élaboré en coopérationavec le partenaire mais réalisé par lepartenaire lui-même. La DDC assistecelui-ci par son savoir-faire et l’aidepour le financement. Cette démar-che donne de meilleurs résultats,car les personnes sur place recon-naissent le projet comme le leur etprennent davantage de responsabi-lités. D’un autre côté, cela permetd’éviter de construire des structuresparallèles, ce qui contribue à unemeilleure efficacité et une gestionplus durable.

La «gouvernance» s’est-elle doncaussi améliorée du côté des paysdonateurs?

Oui, sans aucun doute. Aupara-vant, c’est souvent de leur proprechef que les organisations de déve-loppement étrangères décidaientquoi faire dans le pays partenaire,quand et comment. Il faut savoirque la Suisse, heureusement, n’estpas le seul État à s’engager auMozambique. Mais ce qui posaitproblème est que les différents paysdonateurs ne se concertaient pas.

Un sondage réalisé au Mozambique et dans despays frontaliers a montré qu’à l’inverse de leursvoisins, les Mozambicains n’exigent pour ainsidire pas que leur gouvernement leur rende descomptes.

Grâce à l’aide de la Suisse, le Mozambique a introduit la TVA. Pour ce faire,

l’administration a dû développer un système informatique. Richard Gerster

49

GOUVERNANCE

Page 52: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Aujourd’hui, l’aide est bien mieuxcoordonnée. Au lieu d’une fouled’initiatives isolées, on a désormaisdes programmes. Nous nous réunis-sons avec nos partenaires du gou-vernement et de la société civile – etavec d’autres donateurs également –et décidons ensemble de ce qui doitêtre fait. Entre-temps, rares sont les

programmes encore financés uni-quement par la Suisse. Cela mèneà une plus grande cohérence del’aide, et en outre à la réduction descoûts dits de transaction, à savoirles frais déboursés pour planifier,gérer et contrôler les projets. Pournous, les spécialistes étrangers, il nes’agit plus de nous contenter, dans

notre travail quotidien, de faire dela gestion de projet, mais très sou-vent également de dialoguer.

Les donateurs conviennent-ils doncensemble d’une position entre euxavant de la communiquer en com-mun au gouvernement mozambi-cain?

Afin d’harmoniser les activi-tés, en particulier dans le cadre del’importante aide budgétaire, et des’exprimer d’une seule voix auprèsdu gouvernement, en 2004, 15 paysdonateurs du Mozambique se sontunis en un forum permanent appeléG15. Ce forum comporte trois grou-pes de travail sur le thème de la gou-

En réponse à la situation précaire en matière de sécurité, dans les années

1990, la Suisse a investi dans la formation d’agents de police. Photos de

l’Académie de police ACIPOL. Richard Gerster

Grâce à sa propre expérience, la Suisse peut ser-vir d’exemple pour la poursuite de la décentrali-sation du pays.

50

Page 53: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

vernance: un sur la décentralisation,un autre sur les compétences juri-dictionnelles et un troisième sur laréforme du secteur public. La Suisseest très active dans le groupe sur ladécentralisation, auquel participentplusieurs de ses collaborateurs duBureau de coordination. Les troisgroupes de travail sont représentésauprès du gouvernement par unepersonne. Jusqu’à présent, la Suissea pu chaque année, à une exceptionprès, en avoir la présidence qui, aunom de tous les donateurs, dialogueavec le gouvernement au sujet de lagouvernance. Cette position privi-légiée donne un certain poids à laSuisse pour influencer les prioritésdu gouvernement mozambicain.Notre pays peut être fier, malgrédes possibilités financières modes-tes – comparé à des pays donateurscomme l’Allemagne et la Grande-Bretagne – de mettre son savoir-faireen première ligne et d’apporter sesidées sur une bonne coopération.

Quelles qualités particulières laSuisse peut-elle apporter dans lacoopération?

Je pense que, grâce à sa propreexpérience, la Suisse peut représen-ter un exemple pour une meilleuredécentralisation. Au Mozambique,un État centraliste à tous les égards,un grand nombre d’hommes politi-ques de la capitale redoutent que lepays ne se désintègre s’il est organi-sé de manière décentralisée. La Suis-se prouve que cette peur est infon-dée. Au contraire: elle montre que lastructure fédérale peut fonctionnercorrectement et avoir ses avantages.Par ailleurs, la Suisse est dans tousles domaines un partenaire très fia-ble. Contrairement à d’autres dona-teurs, elle s’engage dans chaquedomaine dans une coopération surle long terme, et ses partenaires lesavent. En outre, la coopération suis-

se est très souvent ouverte à l’inno-vation. La Suisse est prête à prendreun risque calculé afin de tester laréussite d’approches de coopérationprometteuses, souvent avec succès.La Suisse fait ainsi progresser lacoopération internationale au déve-loppement. Le pays fait par exemplepartie des premiers donateurs bila-téraux à avoir travaillé directementavec des organisations de la sociétécivile. Bien d’autres ont suivi cetexemple.

Certains, cependant, doutent parprincipe du fait que nos concep-tions de l’organisation de l’Étatsoient réellement appropriéespour un pays africain. Que pensez-vous de cette critique?

Il faut certes prendre en consi-dération l’histoire et la dynamiqued’un pays partenaire, mais cepen-dant, certaines des valeurs, tellesque les droits de l’homme, doiventêtre appliquées dans le mondeentier. De plus, bon nombre denos idéaux concernant la gestionde gouvernement – comme la res-ponsabilité et le leadership – ontégalement une grande importancedans les sociétés traditionnelles del’Afrique. Nous ne nous permettonspas, nous, les pays partenaires, d’im-poser tout simplement nos conceptsoccidentaux. J’ai observé les élec-tions municipales en novembre der-nier, et cela m’a beaucoup touchéde voir que, même dans les régionsreculées, les gens qui ne possèdentaucune éducation se penchent

sérieusement sur la question de leurÉtat et prennent part aux processusdémocratiques. Je suis convaincuque nous sommes sur la bonne voie.Mettre en place les principes d’unebonne gestion de gouvernementn’est pas une fin en soi. En défini-tive, l’important est que la popula-tion aille mieux. Certes, établir unebonne gestion gouvernementaleest un long processus. Mais nous nepouvons pas attendre que les choseschangent du jour au lendemain.Nous devons poursuivre le dialoguesur une bonne gestion gouverne-mentale – avec énergie, mais dans lerespect mutuel. Les confrontationsn’apportent rien.

51

GOUVERNANCE

Malgré ses possibilités financières modestes,la Suisse peut mettre son savoir-faire en pre-mière ligne et apporter ses idées sur une bonnecoopération.

Page 54: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Qui fait quoi au sein de la Confédération –

et comment?

Le principal responsable de la coopération bilatérale entre la Suisse et le Mozambique est leDépartement fédéral des affaires étrangères (DFAE). Les activités du DFAE se fondent sur lescinq objectifs de politique étrangère définis dans la Constitution fédérale: favoriser la coexis-tence pacifique des peuples, promouvoir le respect des droits humains et de la démocratie,sauvegarder les intérêts de l’économie suisse à l’étranger, soulager les populations dans lebesoin et lutter contre la pauvreté, préserver les ressources naturelles.

La Direction du déve-loppement et de lacoopération est l’or-gane du DFAE en

charge de la coopé-ration internationale. Lui

incombent la coordination d’ensemblede la coopération au développement etde la coopération avec l’Europe de l’Estavec d’autres offices fédéraux ainsi quel’aide humanitaire de la Confédération.

La DDC s’acquitte de sa tâche avecle concours de quelque 600 collabo-rateurs et collaboratrices travaillant enSuisse et à l’étranger ainsi que d’unmillier d’employées locaux, et elledispose pour ce faire d’un budget an-nuel de 1,4 milliards de francs (2008).Elle conduit des projets directs, apporteson soutien à des programmes mis enœuvre par des organisations multilaté-rales et cofinance des projets menéspar des œuvres d’entraide – suisseset internationales – dans les domai-nes suivants: coopération régionale etglobale, aide humanitaire, coopérationavec l’Europe de l’Est. La DDC concen-tre son travail sur 12 pays dits prioritai-res, parmi lesquels le Mozambique.

La coopération au développement apour objectif de faire reculer la pau-vreté en aidant à l’autonomisation despopulations dans les pays partenai-res. Elle promeut notamment l’acces-sion à l’autonomie économique et po-litique des États, contribue à améliorerles conditions de production et aide àgérer les problèmes écologiques ainsiqu’à améliorer l’accès des groupes depopulation les plus défavorisés à la for-mation et aux soins médicaux de base.

DDCLa Division politiqueIV Sécurité humainedu DFAE est chargéede la mise en œuvre

des mesures de pro-motion civile de la paix

et de renforcement des droits humains.Le concept de sécurité humaine met aupremier plan la sécurité individuelle et laprotection des personnes contre la vio-lence politique, la guerre et l’arbitraire.Il tient compte des liens étroits qui exis-tent entre la politique de la paix, la poli-tique des droits humains et la politiquehumanitaire.

La politique de la Suisse au service dela paix, des droits humains et de l’hu-manitaire lui a apporté une plus-valueinternationale de prestige et d’influenceces dernières années. Malgré des res-sources limitées, elle a développé desinstruments efficaces et obtenu desrésultats manifestes, comme la créa-tion du Conseil des droits de l’hommede l’ONU, l’Initiative de Genève pour leProche-Orient et ses contributions auxprocessus de paix en Colombie, au SriLanka, au Népal, au Sud-Soudan et enOuganda.

Pour accomplir ses tâches, la DP IVdispose d’un crédit-cadre qui doit êtreapprouvé par le Parlement tous lesquatre ans. En 2008, elle a disposéd’environ 70 millions de francs pour lapromotion de la paix et des droits hu-mains et pour soutenir les centres ge-nevois (Centre de politique de sécuritéGCSP, Centre international de démina-ge humanitaire CIDHG, Centre pour lecontrôle démocratique des forces ar-mées DCAF).

DP IVLa Division politique IIAfrique/Moyen-Orientdu DFAE est en char-ge des relations bi-

latérales de la Suisseavec les 66 États que

comptent ces deux ensembles géogra-phiques. Elle a pour tâche principale dedéfendre les intérêts suisses au sein decet espace et d’y coordonner les acti-vités de politique étrangère des diversorganes de la Confédération.

La Division est en contact permanentavec les ambassades, consulats géné-raux, consulats, agences consulaireset bureaux de liaison de Suisse établissur les territoires relevant de sa compé-tence. Elle participe activement à la dé-finition et à la mise en œuvre de la po-litique étrangère de la Suisse. Elle esten prise directe avec l’actualité et l’évo-lution de la situation politique, écono-mique et humanitaire en Afrique et auProche-Orient, qu’elle suit et analyse enpermanence.

Les principales tâches de la Divisionsont par exemple d’élaborer des posi-tions politiques pour la politique étran-gère suisse à l’échelon bilatéral, demaintenir un dialogue régulier avec lesreprésentations des États étrangersdans notre pays ainsi que de préparerles voyages à l’étranger de la cheffe duDFAE ainsi que du président ou de laprésidente de la Confédération.

DP II

52

Page 55: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Le Secrétariat d’Étatà l’économie fait par-tie du Départementfédéral de l’écono-

mie et il est le centrede compétences de la

Confédération pour toutes les ques-tions clés de politique économique.Son but est d’assurer une croissanceéconomique durable. À cet effet, il meten place le cadre général nécessaire àl’activité économique.

Le secteur «Coopération et dévelop-pement économiques» du SECO estchargé de concevoir et de mettre enœuvre des mesures de politique éco-nomique et commerciale avec les paysen développement, les pays d’Europede l’Est et d’Asie centrale ainsi qu’avecles nouveaux États membres de l’UE.De plus, le SECO est responsable de lacoordination des relations de la Suisseavec le Groupe de la Banque mondiale,les banques régionales de développe-ment et les organisations économiquesdes Nations Unies.

Les principaux objectifs du SECO sontd’impliquer les pays partenaires dansle système économique mondial etde promouvoir une croissance éco-nomique durable dans ces pays. LeSECO contribue ainsi à la lutte contrela pauvreté. Il intervient en prioritépour promouvoir la stabilité des condi-tions-cadres économiques, renforcerla compétitivité, diversifier les échan-ges commerciaux, mobiliser des inves-tissements nationaux et étrangers etaméliorer l’infrastructure de base. Lesquestions touchant à l’énergie, à l’en-vironnement et au climat revêtent uneimportance particulière.

Le SECO investit quelque 220 millionsde francs par an dans la coopérationavec les pays en développement et entransition (sans compter les mesuresde désendettement et la contributionà l’élargissement de l’UE), soit plus de10% de l’aide publique au développe-ment consentie par la Suisse.

SECO

53

ACTEURS

Améliorer l’efficience de la coopération internationale audéveloppement

Les ambitieux Objectifs du Millénaire pour le développement (cf. encadré page71) exigent que la coopération au développement évolue encore plus en s’écar-tant des projets individuels pour aller vers des programmes d’ensemble. Pourque cette forme complexe de coopération soit efficace, il est indispensable dese concerter à l’échelon international. C’est pourquoi plus de 90 pays donateurset pays en développement ainsi que des organisations multilatérales se sont misd’accord en 2005 sur un document définissant les principes d’une coopérationefficace: la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide. Les pays donateurs s’ysont engagés à mieux concerter leurs activités, à simplifier et à uniformiser lesprocessus (harmonisation). Ils ont aussi annoncé qu’ils allaient mieux s’alignersur les besoins des pays bénéficiaires (alignement). Le principe essentiel estappelé «appropriation», c’est-à-dire que les pays donateurs reconnaissent quel’aide ne peut être efficace que si les pays bénéficiaires décident eux-mêmes deleurs stratégies de développement.

Trois ans plus tard, dans le cadre du Forum d’Accra (Ghana), des représentantsdes gouvernements des pays donateurs et bénéficiaires ont dressé un premierbilan intermédiaire et constaté que les pays en développement avaient réussià accroître leur influence sur les structures de la coopération internationale. Deplus, la société civile a été impliquée dans le processus de préparation. Le Pro-gramme d’action adopté par les ministres réunis à Accra va cependant plus loin:il prévoit d’une part que les pays industrialisés fournissent à l’avenir jusqu’à lamoitié de leur aide au développement sous forme de contributions au budgetdes États. D’autre part, il affirme la volonté d’impliquer plus fortement la sociétécivile dans la coopération au développement.

La Suisse participe activement aux processus d’harmonisation et d’alignementlancés à Paris et à Accra, et elle veut mettre en œuvre la Déclaration de Pariset le Programme d’action d’Accra. «Nous contribuons ainsi à améliorer le fonc-tionnement du système d’aide et l’efficacité de la coopération», explique EditaVokral, vice-directrice de la DDC. «Ce faisant, nous ne perdons de vue ni nospropres principes, ni nos objectifs clés, à savoir réduire la pauvreté et améliorerdurablement les conditions de vie dans les pays partenaires», précise Mme Vo-kral, qui est aussi cheffe du domaine «Coopération régionale» de la DDC.

Il y a longtemps que la Suisse se préoccupe de l’efficacité de la coopération audéveloppement et d’autres questions soulevées dans la Déclaration de Paris.Au Mozambique en particulier, la Suisse a accompli un travail de pionnier. Dèsavant l’an 2000, elle jouait un rôle crucial dans le renforcement de la coordina-tion entre les bailleurs de fonds et dans la mise en place de l’aide budgétaire etsous forme de programmes. Aujourd’hui, la Suisse s’engage par exemple pourassurer une prise en charge médicale de base et implique à cet effet les popu-lations locales. De même, la Suisse encourage la décentralisation, et donc laparticipation de la société civile, mais elle renforce aussi l’économie privée pourque celle-ci puisse épanouir pleinement son potentiel de productivité.

Page 56: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Signe de l’essor économique:

bâtiment fraîchement rénové à Maputo. DDC

54

Page 57: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

L’essor a ses zones d’ombre

Stabilité, réformes et aide de l’étranger sont les facteurs qui ont permis au Mozambi-que de connaître une forte croissance économique dans les années 1990. Au niveaupolitique, le Mozambique a maintenu son cap démocratique. Cependant, la corruptionet la criminalité ont entravé le développement, et les graves inondations survenues audébut des années 2000 l’on même fait reculer. Grâce à sa longue expérience sur pla-ce, la Suisse a joué un rôle important dans la coordination de l’aide internationale.

A u cours des années 1990, le Mozambique aaccompli une triple transition: de la guerre à lapaix, du communisme à l’économie de marchéet d’un régime de parti unique à la démocra-

tie. De plus, quatre à six millions de réfugiés, soit près d’untiers de la population, ont été réintégrés. On ne saurait tropsouligner la valeur de ces performances, qui ont permis unessor durable et des taux de croissance à deux chiffres. Lerevenu par habitant a augmenté, atteignant en 2000 quelque240 dollars US par an. En même temps, les importations ontaugmenté très rapidement. L’inflation a diminué, passant de70% en 1994 à 4% en 1998, et elle est restée faible en dépitdes inondations et de la hausse du prix du pétrole.

Grâce à la détermination avec laquelle le gouvernementa mis en route les réformes économiques, le Mozambiquea été l’un des premiers pays à se qualifier pour une initiativede créanciers visant à désendetter les pays en développe-

ment. En 1995, la dette du Mozambique se montait à 5,3milliards de dollars US, les intérêts engloutissaient 16% desdépenses de l’État. À la fin des années 1990, les créanciersdu Mozambique ont annulé 4,3 milliards de la dette du pays,soit une réduction de 70% de la dette de l’État.

Cependant, le Mozambique est demeuré l’un des paysles plus dépendants au monde. L’une des raisons de cettedépendance était le fort déficit de la balance des paiements(plus d’importations que d’exportations). D’autre part, vivanten autosuffisance ou travaillant dans le secteur informel,97% des Mozambicains ne touchaient pas de salaire officielet ne payaient donc pas d’impôts. De ce fait, le gouverne-ment n’était pas en mesure de financer sans aide étrangèreles services de base tels que la prise en charge sanitaire oula construction de routes. Par conséquent, le gouvernementa lancé avec le soutien de la Suisse une réforme fiscale dontle pays avait besoin de toute urgence (cf. encadré).

55

1996–2000CONSTRUCTION DE L’ÉCONOMIE ET DES INSTITUTIONS

Page 58: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Par son approche pragmatique, laSuisse a, avec ses partenaires, forte-ment contribué à la relance de l’éco-nomie et au rétablissement des servi-ces de base. Gregor Binkert, coordinateur

de la DDC au Mozambique de 1993 à 1998La Suisse a contribué à relancer l’économie en trouvantun moyen de fournir des crédits au secteur privé de manièreplus efficace qu’auparavant. Le processus jusqu’alors usuelétait compliqué et lent: les investisseurs en quête d’argentdemandaient à la Banque d’État un crédit, qui était la plu-part du temps financé par des fonds de la Banque mondiale.Par conséquent, les investisseurs devaient se soumettre auxrèglements contraignants de la Banque mondiale, qui impo-saient par exemple des appels d’offres à l’échelle mondialepour les produits d’importation. De ce fait, des années pou-vaient s’écouler entre la demande de crédit et son accord.La Suisse a accéléré ce processus en fournissant à la Ban-que centrale des devises que celle-ci a revendues aux ban-ques commerciales mozambicaines. Les banques commer-ciales pouvaient décider sous leur propre responsabilité àqui et à quelles conditions elles prêtaient cet argent. C’estainsi que les fonds suisses furent mis en circulation en l’es-pace de quelques jours seulement.

Une nouvelle loi sur la propriété foncière, mise en vigueurpar le gouvernement en 1997, a été d’une importance capi-

tale pour la plupart des habitants. Elle permettait en effet auxpetits agriculteurs de faire valoir leurs droits sur leurs terres,même en l’absence de certificat de propriété, dans la mesu-re où ils pouvaient prouver qu’ils les exploitaient depuis untemps déterminé. Ce règlement était d’autant plus importantqu’après la guerre, de nombreuses personnes s’étaient éta-blies sur des terrains appartenant auparavant à l’État, cesterrains se trouvant ainsi privatisés. La nouvelle loi a empê-ché la question de la propriété foncière de se transformer enpomme de discorde, comme cela a été le cas dans certainspays d’Afrique ou d’Amérique latine.

Une réforme fiscale pour augmenter les recettes de l’État

La Suisse considère depuis longtemps déjà la question des impôts au Mozambique comme l’une des priorités essentiel-les. C’est pourquoi depuis 1996, elle soutient à hauteur de plusieurs millions de francs les réformes fiscales menées par legouvernement. Ces réformes visent à augmenter les recettes extrêmement faibles de l’État. La Suisse en a fait une condi-tion de son aide budgétaire. En effet, le Mozambique ne peut pas dépendre éternellement de pays donateurs.

Mais pourquoi les impôts sont-ils si importants? En Suisse, la plupart des citoyens les considèrent comme une chargedésagréable. Presque personne ne pense au fait qu’un système fiscal qui fonctionne est la condition de tous les servicespublics et de tout progrès social. Que ce soit l’éducation, l’infrastructure, la santé ou la sécurité sociale – sans recettesfiscales, aucun État au monde ne peut fournir quoi que ce soit.

Aujourd’hui, les experts financiers disent que le Mozambique dispose d’un système fiscal correspondant aux normes in-ternationales. Dans le cadre de ses réformes, le gouvernement a révisé l’imposition des entreprises et l’imposition indivi-duelle et a introduit une TVA. Cela a permis d’augmenter les recettes: en 1996, les impôts et les droits de douanes ne re-présentaient que 10,8% du produit intérieur brut, en 2008, ils en représentaient déjà 16,4%. Cette augmentation relativene reflète qu’en partie la hausse car, dans le même temps, les contributions internationales et donc le budget de l’État ontnettement augmenté. Un autre chiffre l’exprime bien: l’augmentation des recettes fiscales a permis de diminuer la part del’aide étrangère et de la faire passer de 87% autrefois à environ 50% aujourd’hui.

Le Mozambique est donc sur la bonne voie et a l’intention de continuer à augmenter ses recettes fiscales de 0,5% paran jusqu’en 2015. Les experts considèrent ce chiffre comme réaliste, le Mozambique n’épuisant actuellement qu’environdeux tiers de son potentiel fiscal. Une autre étape importante sera la mise en place de l’assujettissement général à l’impôt.Ceci devrait contribuer à ce que les habitants prennent conscience de leurs droits et devoirs et se sentent encore plus ci-toyens de leur pays. Mais, pour que ce soit donnant-donnant, il est décisif que l’État mozambicain remplisse lui aussi sesdevoirs et étende ses services.

56

Page 59: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Au niveau politique, le Mozambique a pu maintenir le capdémocratique qu’il avait choisi. Cependant, le parti Frelimoest resté dominant: il a toujours obtenu la majorité des siè-ges au Parlement, et le président est toujours issu de sesrangs. Cette concentration du pouvoir est problématiquepour la démocratie au Mozambique. Dans son travail decoopération, la Suisse a donc attaché beaucoup d’impor-tance au renforcement de la société civile et à la décentrali-sation des structures politiques.

À cet égard, le Mozambique a réalisé une étape impor-tante en introduisant des élections municipales, qui ont eulieu pour la première fois en 1998. Depuis quelques temps,le gouvernement central avait commencé à élever les villesd’une certaine taille et d’un certain poids économique aurang de municipalités dotées de compétences propres et àleur accorder par exemple l’autonomie en matière d’urbanis-me et d’infrastructure. Lors des élections municipales, cesvilles ont pu se doter d’un maire et d’une assemblée muni-cipale. Par la suite, d’autres villes se sont qualifiées pour cesurcroît d’autonomie, et elles sont aujourd’hui au nombre de43. L’autonomie municipale au Mozambique n’est cepen-dant pas comparable à celle pratiquée en Suisse, les villesayant trop peu de revenus propres pour être financièrementindépendantes de Maputo.

La corruption est un obstacle au développement dupays. Le scandale de l’ancienne Banque d’État, durantlequel des millions ont été détournés, l’a révélé de façonparticulièrement saisissante. Ces détournements de fonds,dans lesquels de hauts représentants du gouvernementétaient impliqués, auraient ruiné la banque si l’État n’était

pas intervenu. Les pays donateurs craignaient que les fondsd’aide budgétaire ne soient indirectement absorbés parl’assainissement de la banque. Certains menacèrent dansce cas de cesser leur coopération avec le Mozambique.La médiation de la Suisse permit de trouver une solution:l’État nationalisa provisoirement la banque pour l’assainir.En contrepartie, le Mozambique a renforcé à long terme lecontrôle des banques. La Suisse a ensuite conditionné unepartie de son aide budgétaire à la mise en œuvre de cesmesures. Peu après, le Président Joaquim Chissano démitde leurs fonctions certains gouverneurs soupçonnés d’avoirtrempé dans cette affaire, renforçant symboliquement l’Étatde droit. Cependant, la corruption reste l’un des principauxobstacles au développement du Mozambique.

Le scandale bancaire avait été révélé entre autres parle journaliste Carlos Cardoso, assassiné par balles en l’an2000. Cet assassinat représente une atteinte extrême à laliberté de la presse, qui semblait jusqu’alors assurée. Aucours des années 1990, la presse avait réussi à se créer unstatut indépendant et était devenue un contre-poids impor-tant au pouvoir de l’État. Certes, l’analphabétisme étantlargement répandu, l’influence des médias et de la pres-se écrite en particulier restait limitée. Mais ils contribuaientnéanmoins à créer une opinion publique critique, comme leprouva la retransmission télévisée en direct du procès pourl’assassinat de Cardoso, qui sensibilisa la population à lathématique de la corruption et des délits commis par l’État.

L’assassinat de Cardoso eut lieu à un moment où lacriminalité lourde, qui avait terrorisé le pays au milieu desannées 1990, semblait vaincue. À cette époque, la sécurité

Die kriegerischen Konflikte nach dem Auseinanderbrechen

Jugoslawiens haben den Systemwandel in den betroffenen Län-

dern um mindestens zehn Jahre zurückgeworfen Die einge-

leiteten Reformen zeigen zwar vereinzelt Wirkung, doch blei-

ben Armut und Arbeitslosigkeit ein Problem.L’essor économique est arrivé, mais le clivage entre

riches et pauvres s’est aggravé. Richard Gerster

57

1996–2000

Page 60: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

était si menacée que la coopération au développement étaitquasiment impossible. En 1996, Nicole Bezençon, collabo-ratrice suisse de la DDC, fut victime d’un crime crapuleux àMaputo. Cette expérience incita la Suisse à participer à laréforme de la police, lancée par le gouvernement sous l’égi-de de l’ONU en réponse à l’augmentation de la criminalité.La réforme de la police améliora la formation des policiers,la Suisse y contribuant par ses connaissances en la matière.On abrégea la formation, ce qui permit d’augmenter rapi-dement les effectifs de la police. De plus, une Académie depolice fut mise en place, qui assura la première formationd’officiers depuis l’indépendance. Ces efforts contribuèrentà une amélioration sensible de la sécurité vers la fin desannées 1990.

Le Mozambique a connu un recul général de sondéveloppement en raison des graves inondations qu’il asubies en 2000 et 2001. En 2000, la pluie tomba sur le payspendant cinq semaines sans interruption: fleuves en crue,digues en mauvais état emportées, plaines inondées sur unelargeur de 20 kilomètres – les dégâts furent immenses. 700personnes perdirent la vie, un demi-million de personnes leurtoit. Des écoles, des rues et des hôpitaux furent détruits. Lesmasses d’eau emportèrent les récoltes et 20000 têtes debétail se noyèrent. Des centaines de milliers de personnesdevinrent dépendantes de l’aide alimentaire. Pendant plu-sieurs mois, Maputo resta coupé du reste du pays. La situa-

tion fut encore aggravée par une mauvaise gestion des eauxdu Limpopo, de l’Incomati et du cours supérieur du fleuveZambèze. On y trouve divers barrages, dont le Cahora Bas-sa, l’un des plus grands barrages au monde. Le déborde-ment de ces barrages fut ouvert sans coordination ni aver-tissement des populations, d’où un déversement qui prit lespersonnes vivant en aval entièrement au dépourvu.

Forte de son expérience dans le pays, la Suisse aida àcanaliser l’aide internationale mise en branle par les ima-ges dramatiques de la catastrophe. L’attention des médiasmobilisa une aide internationale d’un montant de quelque450 millions de dollars. La Suisse fixa les priorités et établitles contacts avec les décideurs locaux. Des experts suis-ses participèrent aussi directement à la prévention des épi-démies et à l’installation de dispositifs de traitement deseaux. De plus, la Suisse contribua à la recherche des minesemportées par les eaux et appuya une campagne de sen-sibilisation visant à attirer l’attention de la population sur cedanger.

Après les inondations, ce fut le tour de l’aide à la recons-truction. Dans les régions touchées, 70% de l’infrastructuresanitaire et le réseau de distribution d’eau comprenant descentaines de puits avaient été détruits. Il y avait suffisammentde fonds disponibles, et la Suisse se concentra donc sur lerenforcement des capacités de gestion dans les institutionsclés que sont la Direction des eaux et le Ministère de la san-

Formation de techniciens des eaux, hôpital à Mecuburi,

aide budgétaire: la coopération au développement se joue

à tous les niveaux. Richard Gerster

58

Page 61: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

té. La DDC participa au déplacement de plusieurs centainesde familles pour les protéger d’inondations futures. Des villa-ges entiers, y compris les écoles, furent reconstruits en lieusûr. La Suisse aida par ailleurs l’Institut national des catas-trophes naturelles à mettre en place un système d’alarme.Grâce à la mise en place rapide de systèmes d’alarme et de

plans d’évacuation, les inondations de 2001 firent nettementmoins de victimes que celles de l’année précédente. Dansles années suivantes, malgré des crues parfois aussi fortesqu’en 2000, on ne déplora plus que quelques victimes.

Mis à part cette situation exceptionnelle, la coopérationsuisse avec le Mozambique se base depuis le début desannées 1990 sur un programme conçu sur le long terme.Celui-ci englobe toutes les activités suisses au Mozambi-que. Entre 1998 et 2002, le programme était subordonné àdes objectifs comprenant la lutte contre la pauvreté, la pro-motion de la justice sociale, la stabilisation de la paix et ladémocratisation. Pour atteindre ces objectifs, la Suisse s’estconcentrée sur le renforcement des institutions mozambicai-nes dans les secteurs de la santé, de l’eau et de la gouver-nance. Depuis le milieu des années 1990, l’aide budgétairedirecte, dans laquelle les fonds d’aide vont directement aubudget de l’État bénéficiaire, a gagné en importance en tantqu’instrument de la coopération (cf. interview page 60). Celaa permis de renforcer les institutions et de promouvoir lescompétences du personnel administratif.

59

1996–2000

À la fin des années 1990, le programme de la Suisse seconcentre sur les domaines de la gouvernance, de la san-té, de l’eau et de la société civile.

Gouvernance

Promotion de la démocratie et renforcement des capa-cités des administrations à plusieurs niveaux (CapacityBuilding)

Promotion de la décentralisation par un soutien profes-sionnel des municipalités autonomes

Soutien de la réforme fiscale mozambicaine visant àaugmenter les recettes de l’État

Soutien de la réforme de la police en réaction au ni-veau critique d’insécurité

Aide budgétaire orientée de manière générale vers lesperformances, liée à un dialogue intersectoriel sur lapolitique de développement entre le gouvernement etles bailleurs de fonds

Santé

Soutien de programmes de santé dans les régions ru-rales, en coopération avec les ONG

Soutien du système de santé national par une aidebudgétaire sectorielle

Eau et eaux usées

Engagement pour un meilleur approvisionnement eneau dans les zones rurales

Formation de techniciens des eaux en coopérationavec l’Institut industriel de Maputo et d’autres institu-tions

Soutien des administrations des eaux à différents ni-veaux

Société civile

Aide à l’autonomisation pour les populations ruralesdéfavorisées

Renforcement stratégique de la société civile en tantque contrepoids au gouvernement central

Soutien des organisations de droits humains en liaisonavec la réforme de la police

Cours de formation pour les ONG

Déplacement de 400 familles suite aux inondations de2000

Le programme de la coopération au développement au Mozambique à l’aube de l’an 2000

La Suisse a souvent joué le rôle «d’ho-nest broker» – de négociatrice honnête– entre le gouvernement et les bailleursde fonds. Bien des questions délicatesont pu être réglées lors de rencontresinformelles à la Résidence suisse.Thomas Greminger, coordinateur de la DDC

et chargé d’affaires au Mozambique de 1999

à 2001

Page 62: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

L’aide budgétaire n’est pasun chèque en blanc

Interview de Lukas Schneller, Secrétariat d’État à l’économie (SECO). L’écono-miste Lukas Schneller a 32 ans, son travail porte sur les instruments macro-éco-nomiques, ces outils de la coopération visant à stabiliser à long terme l’écono-mie des pays partenaires et à générer une croissance durable. Les instrumentsmacro-économiques sont apparus dans les années 1990, et le Mozambique estconsidéré comme un pays modèle en la matière.

Monsieur Schneller, qu’est-ce qu’uninstrument macro-économique?

En gros, la coopération au déve-loppement connaît aujourd’huideux types d’aide financière: d’unepart, les mesures de désendettementlimitées dans le temps, d’autre partl’aide budgétaire générale, qui exis-te depuis 1996. Dans ce cas, le payspartenaire reçoit chaque année desfonds qui alimentent directement lebudget de l’État. L’utilisation cibléede ces fonds n’incombe pas au paysdonateur mais au gouvernementbénéficiaire. L’aspect financier del’aide budgétaire n’est cependantqu’une partie d’un paquet global.Un dialogue politique durable avecle gouvernement concerné, parexemple sur l’utilisation du budgetde l’État, est tout aussi important.De plus, le pays partenaire béné-ficie d’un soutien technique, parexemple de consultations pour laréalisation d’une réforme fiscale.Contrairement à son prédécesseur,l’aide à la balance des paiements,l’aide budgétaire vise à soutenir lepays partenaire à long terme dansla mise en œuvre d’une stratégie delutte contre la pauvreté.

Pourquoi l’aide budgétaire est-elleapparue ces dernières années?

À la fin des années 1980, il estapparu de plus en plus clairementque le travail traditionnel sousforme de projets affaiblit parfois lescapacités locales, n’est pas toujours

durable et empêche les autorités deprendre leurs responsabilités. Deplus, considérés individuellement,les projets des 50 dernières annéesont certes connu des succès, maisà l’échelle macro – par exemple auniveau des systèmes de santé natio-naux –, il n’y a qu’un nombre limitéd’améliorations sensibles. L’adop-tion des Objectifs du Millénairepour le développement (cf. encadrépage 71) a considérablement faitaugmenter la pression sur les résul-tats. L’aide budgétaire peut com-penser ces déficits en renforçant lesstructures du pays partenaire et enobligeant le gouvernement à fournirdes résultats et à rendre des comp-tes. C’est ce qu’exprime très bien leterme de «responsabilisation». Cetinstrument renforce durablementl’efficience des services publics debase tels qu’éducation, santé et sécu-rité. De plus, l’aide budgétaire créeles conditions cadres nécessaires àune croissance à long terme. Enfin,l’aide budgétaire apporte un com-plément idéal à l’aide par projets.Les projets fournissent de nouvellesébauches de solutions, que l’État

peut mettre en œuvre à l’échellenationale par son budget.

Quelle est aujourd’hui la place desinstruments macro-économiquesdans la coopération suisse?

La Suisse pratique l’aide bud-gétaire dans quelques pays sélec-tionnés. Outre le Mozambique, ils’agit du Bénin, du Burkina Faso, duGhana et de la Tanzanie. L’aide bud-gétaire transfère la responsabilitéde l’aboutissement des objectifs dedéveloppement du pays donateur augouvernement du pays partenaire,ce qui représente donc un certainrisque pour le donateur. Ce qui estdécisif pour nous, c’est la crédibilitéd’un gouvernement dans la pour-suite de ses réformes – dans les acteset non dans les paroles. À cet effet,il faut une confiance mutuelle pourpouvoir maîtriser les enjeux diffici-les. Avec un montant total d’environ40 millions de francs par an, la partde l’aide budgétaire ne représenteque 2% de la coopération suissetotale de par le monde. La majeurepartie des fonds va donc toujours àdes projets. Dans les pays où l’aide

60

L’aide budgétaire renforce les structures du payspartenaire et oblige le gouvernement à fournirdes résultats et à rendre des comptes.

Page 63: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

budgétaire est pratiquée, elle rem-plit une fonction importante dansle programme global de la Suisse.Comme je l’ai déjà mentionné,l’aide budgétaire ne se limite pas auversement d’argent mais comprendaussi un dialogue intensif avec legouvernement. Ces entretiens struc-turés à différents niveaux et coor-donnés avec d’autres bailleurs defonds ont une influence non négli-geable sur les priorités d’un pays.

Il est donc important pour un petitpays comme la Suisse de participerà ce dialogue.

À quelles obligations un pays doit-il se soumettre pour obtenir uneaide budgétaire?

Les réformes ne sont efficacesque si elles sont voulues par le gou-vernement et la population. L’ex-périence montre que les mesuresimposées de l’extérieur – comme

cela s’est produit par exemple dansle cadre des programmes d’ajuste-ment structurel – n’ont pas l’effetescompté. Cependant, l’aide budgé-taire n’est pas un chèque en blanc:les conditions sont déterminéesconjointement avec le gouverne-ment. Les mesures politiques etles indicateurs de succès sont défi-nis en commun dans ce que l’onappelle un cadre d’évaluation desperformances («Performance Assess-

0 50 100 150 200 250 300 350 400

USA

Portugal

Österreich

Frankreich

Kanada

Belgien

Italien

Spanien

Schweiz

Finnland

Dänemark

Deutschland

Irland

Norwegen

Niederlande

ADB*

Schweden

EU

Weltbank

Grossbritanien

0

10

20

30

40

50

200720062005200420032002200120001999199819971996

Évolution de l’aide budgétaire et de l’aide totale

de la Suisse au Mozambique en millions de francs

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

20092008200720062005

Évolution du budget de l’État et de l’aide

budgétaire au Mozambique en millions de $ US

Aide budgétaire par pays donateur, somme totale de 2005 à 2009, en millions de $ US

* Banque de développement africaine

Grande-Bretagne

Banquemondiale

UE

Suède

ADB*

Pays-Bas

Norvège

Irlande

Allemagne

Danemark

Finlande

Suisse

Espagne

Italie

Belgique

Canada

France

Autriche

Portugal

États-Unis

61

AIDE BUDGÉTAIRE

Aide totaleAide budgétaire

Budget de l’ÉtatAide budgétaire

Page 64: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

ment Framework», PAF), c’est-à-direun document indiquant en détailcomment évaluer les performan-ces du gouvernement. Ce faisant, lebailleur de fonds a naturellementune influence sur les objectifsdu pays bénéficiaire. C’est ainsiqu’après la guerre civile, de 1996à 2001, la Suisse a directementconditionné son aide budgétaire auMozambique à une réduction desdépenses militaires.

Et que se passe-t-il si le gouverne-ment n’atteint pas les objectifsfixés?

Si le pays contrevient aux prin-cipes fondamentaux de bonnegouvernance définis par écrit, la

Suisse interrompt ses versements.C’est par exemple ce qui arriveraiten cas de graves atteintes aux droitshumains. À part cela, les verse-ments se font en fonction des per-formances. Ces dernières années, laSuisse prévoyait une aide budgétai-re de quelque 9 millions de francspour le Mozambique. Une tranchefixe de 60% de la somme totalepromise est versée si les réformesfont des progrès satisfaisants parrapport au PAF. Les 40% restantssont liés à des objectifs précis quidoivent être atteints. Dans le cas duMozambique, il s’agit d’objectifsquantifiables tels que par exemplele rapport entre les recettes fisca-les et le produit national brut ou

d’améliorations concrètes telles quel’élaboration d’une nouvelle loi surle commerce.

Est-il déjà arrivé que la Suisse neverse pas au Mozambique les som-mes prévues parce que les objec-tifs n’étaient pas atteints?

Oui, nous ne plaisantons pas:en 2004, le gouvernement n’a pasréussi à augmenter ses recettesfiscales comme convenu, et nousavons donc retenu les versementspartiels correspondants. De même,en 2009, la Suisse n’a pas versél’ensemble de l’aide budgétaire pré-vue car, dans le cadre du contrôleannuel, elle est arrivée à la conclu-sion que le Mozambique aurait dûen faire plus en matière d’objectifsde bonne gouvernance. Il s’agissaitd’une somme d’un demi-million defrancs environ, d’une portée plutôtsymbolique par rapport à l’ensem-ble du budget de l’État. Cependant,cette mesure a fait du bruit dansla presse et dans les cercles diri-geants. D’une manière générale, il

Action de désendettement réussie

En 2001, le Mozambique a été l’un des premiers pays à bénéficier de l’allègement de la dette décidé dans le cadre del’initiative PPTE. L’initiative PPTE, lancée par la Banque mondiale et le FMI, vise à désendetter les pays pauvres très en-dettés, PPTE signifiant «Pays Pauvres Très Endettés». Au total, 2,3 milliards de dollars US de la dette du Mozambiqueont été annulés. Ceci a permis de diminuer nettement la part de revenu de l’État affectée au service de la dette. En2002, seuls 3,8% des revenus d’exportation allaient encore au service de la dette. La Suisse a elle aussi annulé entière-ment la dette bilatérale du Mozambique, d’un montant de 3,9 millions de francs. Les sommes requises pour le servicede la dette ayant diminué, les dépenses sociales ont pu augmenter nettement au cours de ces dernières années.

Enfin, en janvier 2006, dans le cadre de l’Initiative pour l’annulation de la dette multilatérale, le Fonds monétaire in-ternational a accordé au Mozambique une annulation complète de sa dette, qui se montait à 119 millions de dollarsUS. L’Initiative pour l’annulation de la dette multilatérale a été décidée en juin 2005 par les ministres des financesdu G8. Elle prolonge le mécanisme de l’initiative PPTE et accorde aux pays ayant atteint le point d’achèvement duPPTE une annulation complète de leur dette auprès du Fonds monétaire international, de l’institution IDA (Associa-tion internationale de développement), une émanation de la Banque mondiale, et du Fonds africain de développe-ment (FAD).

62

Il serait présomptueux de prétendre que lessuccès du pays sont uniquement dus à l’aidebudgétaire. Mais au bout du compte, elle a cer-tainement joué un rôle important.

Page 65: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

faut savoir que nous supervisons enpermanence l’aide budgétaire, demanière à pouvoir agir préventive-ment pour éviter les problèmes quirisqueraient d’entraîner des sanc-tions sévères.

Quelles ont été les expériences réa-lisées avec l’aide budgétaire? Cetinstrument ou son utilisation ont-ils changé avec le temps?

Aujourd’hui, on considère l’aidebudgétaire et les activités de l’Étatplus qu’autrefois dans le contextesocial global du pays partenaire.C’est ainsi que nous tenons actuelle-ment mieux compte de la manièredont le gouvernement rend descomptes au Parlement et à la sociétécivile. Si la population du pays sur-veille la manière dont les ministèresdépensent l’argent du contribuable,c’est plus efficace que les interven-tions de l’extérieur.

Avec le recul, quels résultatsconcrets de l’aide budgétaire voyez-vous au Mozambique?

Depuis la guerre civile, leMozambique a fait beaucoup dechemin. Le pays est dans un état deréforme permanente depuis plus de20 ans. Prenez par exemple le systè-me fiscal, qui a été soutenu par l’as-sistance technique du SECO et par ledialogue politique de l’aide budgé-taire. Depuis 1996, le système fiscala connu un renouvellement com-plet: révision de l’imposition desentreprises et de l’imposition indi-viduelle, introduction de la TVA,libéralisation du commerce, réduc-

tion des droits de douane et miseen place d’une base institutionnelleentièrement nouvelle pour l’admi-nistration fiscale. Grâce à cela, lepays a continuellement augmentéses recettes fiscales. Même dans unpays développé, il serait très difficilede tenir un tel rythme de renouvel-lement. Mais il serait présomptueuxde prétendre que les succès du payssont uniquement dus à l’aide bud-gétaire. D’une manière générale,l’aide budgétaire n’est pas une pana-cée – cela n’existe d’ailleurs pas enmatière de coopération au dévelop-pement. Au bout du compte, l’aidebudgétaire a certainement joué unrôle important au Mozambique,mais il reste bien sûr fort à faire. Lesréformes du gouvernement ont parexemple été prises de vitesse par lestransformations économiques. Ilfaut poursuivre les réformes dans lesecteur public. On pourrait allongerla liste à loisir. De ce point de vue,et vu la pauvreté qui règne dans lepays, le verre n’est qu’à moitié plein.

Certains émettent des critiques,avançant que l’aide budgétairenon liée favorise le népotisme etla corruption. Que dites-vous de cereproche?

L’OCDE a certainement mandatél’évaluation la plus approfondiede l’efficacité de la coopérationpar aide budgétaire. Cette évalua-tion a conclu que l’aide budgétairen’est pas plus sujette aux abus qued’autres formes de coopération.Au contraire: l’aide budgétaire estle seul instrument permettant de

mener un dialogue sur la luttecontre la corruption et de concluredes accords avec le gouvernementpour qu’il prenne des mesures ence sens. Les systèmes publics decontrôle et de gestion des financessont systématiquement renforcés etinformatisés, ce qui diminue la mar-ge de manœuvre de la corruption.Il ne s’agit pas seulement que lesprocessus budgétaires se déroulentconformément à la loi, mais que latransparence soit respectée et quel’on rende des comptes à la popu-lation. Aucun autre instrumentn’aboutit à de telles améliorationssystémiques.

Tout de même, que fait le SECOconcrètement pour assurer uneutilisation correcte des fonds?

Nous utilisons divers instru-ments de surveillance: première-ment, un diagnostic préalable,deuxièmement, un contrôle perma-nent et troisièmement, un contrôlede la comptabilité et une évaluationa posteriori. Du point de vue duSECO, le diagnostic préalable estparticulièrement important. Nousn’envisageons un engagement sousforme d’aide budgétaire que si lerisque reste acceptable. De plus,le soutien demandé doit vraimentrenforcer sensiblement le budgetdu pays bénéficiaire. Enfin, nousn’accordons d’aide budgétaire quesi des institutions multilatéralestelles que la Banque mondiale sontde la partie. Le diagnostic préalableest en général effectué par des ins-titutions externes et indépendantessur mandat des bailleurs de fonds.Là encore, il est décisif que le parte-naire soit disposé à mettre en œuvredes réformes de fond pour que lerapport entre l’avancée escomptéeet le risque encouru soit équilibré.

L’aide budgétaire ne se limite pas au versementd’argent mais comprend aussi un dialogueintensif avec le gouvernement.

63

AIDE BUDGÉTAIRE

Page 66: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

L’évolution vers un État de droit:un chemin semé d’embûches

Jusqu’à la fin des années 1970, leMozambique était considéré commel’exemple de l’intégrité par excel-lence: l’administration était pra-tiquement incorruptible. En 1980encore, un haut fonctionnaire s’estsuicidé parce qu’il ne supportaitpas le déshonneur de s’être fait sur-prendre en train de s’enrichir auxfrais de l’État. Mais ceci est du passé:un sondage réalisé en 2001 auprèsde plus de 1000 Mozambicaines etMozambicains a mis en évidenceque 45% des personnes interrogéesavaient eu affaire à de la corrup-tion au cours des six derniers mois.Souvent, il n’y avait en jeu que depetites sommes. Toutefois, 22% dessondés ont déclaré avoir versé entre60 et 600 dollars US de pots-de-vin– une somme considérable, si l’on larapporte au revenu moyen annuel,qui est de moins de 400 dollars. Sil’on en croit ce sondage, les verse-ments de pots-de-vin ont principale-ment eu lieu dans des hôpitaux etdes écoles ainsi que dans la police.

Une des raisons du développe-ment de la corruption au cours deces années-là étaient les baisses desalaire prévues par le program-me d’ajustement structurel, pourlimiter les dépenses de l’État. Lesfonctionnaires essayèrent d’y répon-dre en améliorant leur salaire pard’autres moyens. Selon des chif-

fres récents fournis en 2008 parl’organisation non gouvernemen-tale Transparency International,le Mozambique se classe 126e sur180 pays évalués dans l’indice dela corruption et se situe donc dansla moyenne basse. Sur une échellede 0 (forte corruption) à 10 (peu decorruption), le Mozambique obtientla note de 2,6. Sur la liste des paysdu monde, le pays se trouve entre laLibye et l’Ouganda.

On entend par corruption l’abusd’une fonction au sein de l’adminis-tration, de la justice, de l’économie,de la politique ou d’organisationsnon économiques dans le butd’obtenir un avantage matériel ouimmatériel: la police fait disparaî-tre des preuves à charge, les politi-ciens exigent des pots-de-vin pourl’attribution de contrats publicset les accusés versent des dessousde table aux juges. Il y a quelquesannées, dans un discours devant leParlement, le Procureur général Joa-quin Madeira mentionna «le recourscroissant à l’usage de moyens illé-gaux, la domination prenant deplus en plus le pas sur le droit etla malhonnêteté sur l’honnêteté.»Source de sa critique: lors d’uneenquête sur des accusations de cor-ruption, Madeira avait demandé àquatre ministres de lui fournir des

informations. Un seul avait obtempé-ré. Un autre l’avait rappelé par télé-phone pour lui signifier qu’il n’avaitnullement l’intention de répondre,et deux n’avaient pas du tout réagi.

Le mépris des lois, phénomènetrès répandu, est facilité par le faitque les coupables n’ont pour ainsidire pas à craindre de devoir rendredes comptes. Cela commence par lemanque de personnel de la police,qui ces derniers temps perd chaqueannée plusieurs centaines de fonc-tionnaires à cause du sida, ce quin’arrange pas les choses. Selon desinformations d’Amnesty Internatio-nal, les organes juridictionnels dupays manquent cruellement de per-sonnel. D’après cette ONG, la justicedispose de plus de 1000 collabora-teurs, dont 184 juges. Mais chacundes 128 districts n’a pas son proprejuge. Résultat: plus de la moitié dela population du Mozambique n’ani accès aux tribunaux et aux juris-tes, ni aux informations sur les loisdu pays. Et bien qu’il existe un insti-tut d’aide juridictionnelle à disposi-tion des personnes sans ressources,la connaissance des lois et donc desdroits et des devoirs des citoyens estpeu répandue.

L’appareil judiciaire a étéréellement mis à l’épreuve par ce

Entre-temps, il y a au Mozambique de nombreuses lois, et de bonnes lois. C’est auniveau de leur application qu’il y a cependant parfois quelque chose qui cloche.La justice manque de moyens et est souvent dépassée par le poids de sa mission.Ceux qui violent les dispositions légales se voient rarement demander de rendredes comptes, surtout s’ils ont un porte-monnaie bien rempli ou des relations. Lacorruption est très répandue et fait partie du quotidien. Bien que, sous la pres-sion internationale, le gouvernement ait renforcé son action ces dernières annéesafin d’améliorer la situation, de nombreux revers continuent à assombrir le bilan.

64

Page 67: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

que l’on a appelé l’affaire «Cardoso»,qui a agité l’opinion publique pen-dant plus d’une décennie: en 1996,lors de la privatisation de la BancoComercial de Moçambique, la plusgrande banque du pays: des millionsde dollars US ont disparu – mani-festement dans les poches de hautsfonctionnaires du gouvernement.Carlos Cardoso, le journaliste leplus célèbre du pays, qui était entrain d’enquêter sur ce scandale, aété assassiné en pleine rue en 2000.Après des préparatifs qui traînèrenten longueur, le procès de l’assassinde Cardoso fut tout de même menéà bien par la justice mozambicaine,ce qui lui valu un succès. Mais ceprocès resta un cas isolé. Le tueurà gages, qui avait été condamné àtrente ans d’emprisonnement, réus-sit plusieurs fois à s’enfuir de saprison de haute sécurité, la dernièrefois en date en décembre 2008.

Face à ces défaillances évidenteset aux revers essuyés dans la luttecontre la criminalité, de nombreuxbailleurs de fonds jugent que leprincipal piège de la coopérationest la faiblesse de l’État de droit duMozambique. L’instrument qu’est

l’aide budgétaire offre néanmoinsune possibilité de combattre cesabus et d’en appeler à la responsa-bilité du gouvernement. Celui-ci aen effet élaboré conjointement avecles bailleurs de fonds un catalo-gue dans lequel il fixe les objectifsconcrets qu’il se propose d’attein-dre. Cinq des 40 indicateurs quecompte au total ce catalogue deprestations concernent le droit etl’ordre public, par exemple le nom-bre de condamnations judiciaires etle nombre d’affaires de corruptionqui ont abouti. Dans le cadre del’aide budgétaire, les bailleurs defonds vérifient régulièrement queles objectifs traduits en indicateursont été remplis et abordent ce sujetavec le gouvernement.

Notamment sous la pres-sion croissante de la communautéinternationale, le gouvernement acommencé il y a quelques années àcombattre avec plus de sévérité lesagissements illégaux dans le servicepublic: ainsi, en 2005, le départe-ment anticorruption a été revaloriséet doté de ressources plus impor-tantes. En 2006, le gouvernement

a arrêté une stratégie anticorrup-tion afin de garantir une bonnegouvernance, la transparence desprocessus décisionnels des niveauxsupérieurs des hiérarchies admi-nistratives et la sécurité publique.L’efficacité de ces mesures demeurecontestée par les observateurs, etla plupart d’entre eux la trouventtoujours insuffisante. En 2007, leMozambique n’avait en effet atteintque deux des cinq objectifs dans ledomaine juridique, ce qui amena laSuisse (tout comme du reste la Suè-de) à diminuer son aide budgétaire.Quoi qu’il en soit, ces derniers mois,le gouvernement semble agir avecune plus grande détermination: ain-si, la police a arrêté tout récemmentune série de personnalités de hautrang. Par ailleurs, le gouvernementa arrêté un vaste plan stratégiquesur plusieurs années (2009 à 2014)pour l’ensemble du secteur de la jus-tice. Et d’ici fin 2009, les derniersdistricts devront eux aussi s’être vuattribuer leur propre juge. Tous cessignes font espérer qu’une nouvelleère vient de s’ouvrir en matièred’application des lois.

Un garçon contemple les affiches d’un monument à la mémoire

de Carlos Cardoso à Maputo. Le procès de l’assassin de Cardoso a été

une grande étape pour la justice mozambicaine. Laif

65

CORRUPTION

Page 68: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Fontaine d’eau potable au centre de santé

de Nachere. Richard Gerster

66

Page 69: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Malgré une croissance économique continue, dans les années du changement demillénaire, une grande partie de la population mozambicaine vivait encore dans lamisère, que le gouvernement choisit de combattre en adoptant en 2001 un vasteplan d’action. La communauté internationale des pays donateurs a soutenu cesefforts par le biais d’une aide budgétaire massive. Afin de rendre plus efficace la col-laboration entre les acteurs, la coordination entre pays donateurs et pays partenairesa été renforcée. La Suisse y a endossé un rôle important. L’aide de notre pays seconcentre aujourd’hui sur le développement économique, la gouvernance et la santé.L’évolution politique récente donne lieu à une certaine inquiétude car le Frelimo, leparti du gouvernement, s’octroie de plus en plus de pouvoir.

Malgré les vingt dernières années faites deréformes d’économie de marché et d’unecroissance économique annuelle moyennede 8%, 70% de la population du Mozam-

bique vivent encore au début de cette décennie dans uneprofonde misère. Lors d’un sondage de 2003, 38% despersonnes interrogées indiquaient aller moins bien qu’avant.Le bien-être croissant n’avait pas atteint les couches défa-vorisées. La création de richesses avait principalement lieu àMaputo et dans les districts voisins, où sont faits la plupartdes investissements nationaux et étrangers, car il s’y trouveun réseau de communication, une infrastructure en ordrede marche et des personnes relativement bien formées.En outre, le gouvernement a implanté dans les environs deMaputo de grands projets prestigieux tels que la fonderied’aluminium MOZAL. Certes, ces entreprises génèrent desbénéfices, mais l’industrie locale et la population n’en profi-tent pratiquement pas. Le «trickle-down effect» (ou effet de

diffusion) escompté par les bailleurs de fonds multilatéraux,selon lequel les grandes entreprises enrichissent et entraî-nent l’économie régionale, se fait attendre.

En conséquence de cette concentration de l’économieautour de la capitale, le revenu par personne y a augmenté,tandis qu’il a dans certains cas diminué dans les régionsrurales. Par exemple, dans la province de Zambézie, dansle centre du Mozambique, les gens gagnent aujourd’hui enmoyenne quatorze fois moins qu’à Maputo. C’est avant toutune élite urbaine, qui grâce à ses relations et sa formation,est parvenue à occuper une position économique clé et ain-si à profiter de la libéralisation de l’économie. À cela vients’ajouter que la productivité de l’agriculture, dont 80% desMozambicains tirent leurs revenus, est particulièrement fai-ble et n’augmente guère. Il y a également des raisons natu-relles à cela: pendant la plus grande partie de l’année, lavie est régie par la sécheresse. Et pourtant, lorsque la pluiearrive, elle est violente. La sécheresse et les inondations ont

Un combat renforcécontre la pauvreté

67

2001–2009UNE COLLABORATION MODERNE

Page 70: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

conduit à plusieurs reprises le Mozambique à recourir à desaides alimentaires, en dernier lieu après les inondations dedébut 2008.

À l’occasion du changement de millénaire, la com-munauté internationale a une nouvelle fois tenté de s’atta-quer aux tenaces problèmes mondiaux de développement:au Sommet du Millénaire de New York, l’ONU a adopté cequ’elle a appelé les Objectifs du Millénaire pour le Dévelop-pement (OMD, voir encadré page 71), qui depuis, contribueà déterminer l’orientation des agences de développementpubliques telles que la DDC. Le principal objectif des OMDconsiste à réduire de moitié le nombre de personnes vivantdans l’extrême pauvreté d’ici 2015. L’instrument principaldéveloppé par de nombreux pays du Sud et de l’Est poury parvenir sont les Documents de stratégie de réduction dela pauvreté (DSRP). Entre-temps, chaque état soutenu pardes donateurs multilatéraux comme la Banque mondiale aétabli un plan d’action complet de la sorte, qui décrit endétails les mesures destinées à la réduction de la pauvre-té dans le pays. De nombreux instruments de la coopéra-tion, notamment l’aide budgétaire, s’appuient sur le DSRPet sont censés aider le pays à atteindre les objectifs men-tionnés dedans.

Au Mozambique, le DSRP est appelé «Plano de acçãopara a redução da pobreza» (PARPA). L’objectif du PARPAadopté en 2001 et remanié depuis est de diminuer de moitiéle taux de pauvreté, conformément aux Objectifs du Millé-

naire pour le Développement. D’ici 2010, dans une premièreétape, celui-ci devra être diminué pour passer de plus de70 à 50%. Atteindre ce but est extrêmement exigeant, carpour ce faire, il faudra s’attaquer contre une large palette deproblèmes profondément enracinés, par exemple le manqued’éducation, le manque d’emplois, la mauvaise infrastructureou l’approvisionnement insuffisant en médicaments, en eaupotable et en électricité. Orienté sur le long terme, le PARPAreprésente cependant une approche prometteuse. Pour quecela ne s’arrête pas à la formulation d’objectifs généraux, lePARPA renferme des objectifs définis concrets, tels qu’unecertaine proportion élèves/professeur dans le domaine de

L’engagement culturel au service de la compréhension mutuelle

En 2000 est sorti «Karimbo», le premier album du groupe mozambicain «Mabulu». Ce premier CD de musique intégrale-ment produit au Mozambique a été enregistré par le Berlinois Roland Hohberg, qui possède un studio d’enregistrementcofinancé par la DDC à Maputo. Hohberg et la DDC poursuivent des objectifs similaires: ils souhaitent promouvoir la to-lérance, le respect et la compréhension entre les cultures. C’est dans ce sens que la DDC a pris en charge avec Helvetasles deux tiers des coûts de la tournée suisse de Mabulu, qui a conduit le groupe à l’automne 2000 à travers diverses villessuisses. Mabulu – le nom signifie à la fois recherche du dialogue et quête du consensus – s’est entre autres produit à laconférence annuelle de la DDC à Bienne. Les musiciens mozambicains ont en outre cultivé le dialogue interculturel par lebiais de divers ateliers réalisés avec des groupes d’élèves suisses.

Mabulu mérite l’intérêt qu’il a suscité en Suisse car il contribue de manière essentielle à la préservation du patrimoineculturel du Mozambique. Lisboa Matavel, 62 ans, le leader du groupe, est considéré avec Dilon Djindji comme le grand etvieil homme de la Marrabenta. La Marrabenta est le son mozambicain classique, en fait une musique traditionnelle à dan-ser, que Mabulu associe à des éléments tirés du Hip-Hop. Dans ses textes, Mabulu aborde des problèmes auxquels sontconfrontés les gens au Mozambique: le fossé entre pauvres et riches, la violence ou le sida. Mabulu est ainsi, dans le do-maine culturel, un symbole fort pour la société civile mozambicaine, dont la promotion représente l’un des principaux ob-jectifs de la coopération au développement suisse.

68

La situation politique actuelle est sta-ble. Il serait cependant naïf de penserque nous vivons dans une paix infailli-ble. En effet, il y a des facteurs qui met-tent inévitablement la paix en danger:l’exclusion politique et sociale, l’into-lérance, le manque de dialogue, la pau-vreté, la criminalité et le chômage. RaulDomingos, représentant de la Renamo aux

négociations de paix

Page 71: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

l’éducation ou un certain nombre de routes stabilisées dansle domaine de l’infrastructure. Des contrôles des résultatsmontreront si ces valeurs cibles sont atteintes.

L’action coordonnée du gouvernement dans le cadre duPARPA a depuis enregistré de premières réussites, avanttout dans le domaine de la formation. Nous pouvons parexemple nous réjouir de l’évolution du taux de scolarisationchez les six ans: il a augmenté, passant de 30% en 2000 à70% en 2007. Les efforts de ces dernières années ont per-mis de porter entre 2000 et 2007 le nombre d’enfants sco-larisés en primaire de 2 à 4,15 millions.

En dépit de ces progrès, le Mozambique restera durantles prochaines années dépendant de l’aide étrangère. LaBanque mondiale et les pays donateurs comme la Suissesoutiennent encore le Mozambique à l’aide de remises dedettes et d’aides budgétaires d’un volume exceptionnel (voirpage 60). En 2000, le budget national était constitué à 30%de recettes propres et à 70% de contributions internationa-les. L’objectif du gouvernement mozambicain est d’inverserce rapport d’ici à 2015. Il est d’ailleurs sur la bonne voie,car les fonds internationaux ne représentent plus désormaisqu’un peu plus de 50% du budget de l’État.

Afin de coordonner la coopération avec le gouverne-ment, les donateurs d’aides budgétaires se sont regroupésen ce que l’on appelle le G-19, un regroupement de 16 pays– dont la Suisse fait partie – et de trois organisations mul-tilatérales: l’UE, la Banque mondiale et la Banque africainede développement. Le G-19 travaille en dialogue constantavec le gouvernement sur les objectifs de développementfixés dans le PARPA et dans le plan quinquennal du gou-

vernement. Les représentants du G-19 et le gouvernementse rencontrent deux fois par an pour faire le bilan, discuterdes objectifs et établir la répartition du budget. L’un des suc-cès particuliers de la coordination des bailleurs de fonds duMozambique est l’intégration de la Banque mondiale, quipar le passé opérait souvent de son propre chef. C’est pour-quoi la coordination des bailleurs de fonds du Mozambiqueest considérée comme exemplaire au niveau international.

Le G-19 met en pratique la Déclaration de Paris sur l’effi-cacité de l’aide (Paris Declaration on Aid Effectiveness), aveclaquelle, en 2005, de nombreux pays donateurs et partenai-res ainsi que diverses organisations multilatérales se sontfixé pour objectif de mettre en place une coopération audéveloppement plus efficace (voir encadré page 53). Ainsi,les bailleurs de fonds doivent coordonner leurs activités eten faciliter le déroulement plus que par le passé. La Décla-ration demande également que tous les efforts s’alignentplus sur les besoins des pays en voie de développement.Les pays donateurs doivent donc s’orienter vers les prioritésque les pays partenaires se sont eux-mêmes fixées dans lecadre de leur stratégie de lutte contre la pauvreté. Dans unesprit de responsabilité mutuelle, pays donateurs et payspartenaires s’informent étroitement du bilan de leurs actionset procèdent à des évaluations mutuelles.

Bien qu’étant un poids léger dans la politique internatio-nale et au niveau de ses possibilités financières, la Suisse,du fait de sa longue expérience au Mozambique, a endos-sé un rôle important dans le G-19. L’estime dont jouit laSuisse en tant que partenaire au Mozambique se manifestenotamment dans le fait que de 2004 à 2006, elle fit partiedu comité directeur du G-19, qui est composé de trois pays

Présentation d’un projet à Namitil.

Richard Gerster

69

2001–2009

Page 72: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

auxquels s’ajoutent l’UE et la Banque mondiale (troïka) etqu’en 2005, elle présida la communauté internationale desbailleurs de fonds. Grâce à la coopération des bailleurs defonds, la Suisse peut aujourd’hui mettre en œuvre sa stra-tégie de coopération au Mozambique avec plus d’effica-cité que par le passé. Le programme actuel de la Suisse,qui investit chaque année quelque 30 millions de francs auMozambique, met principalement l’accent sur trois thèmes:le développement économique, la gouvernance (en particu-lier le renforcement des gouvernements locaux) et la santé.Dans chacun de ces domaines, la Suisse travaille avec legouvernement central, tout en coopérant également avecles autorités sur le plan des provinces, des districts et descommunes, ainsi qu’avec la société civile et les ONG. Entravaillant sur différents plans, la Suisse contribue beaucoupà la décentralisation du pays.

Il est crucial pour lutter contre la pauvreté au Mozambi-que que plus de ressources de la capitale parviennent auxprovinces. Il n’y a qu’ainsi que le déséquilibre entre Maputoet le reste du pays pourra se réduire. Les deux tiers deshabitants vivent en-dehors des villes. Ils cultivent la terre àl’aide de moyens extrêmement rudimentaires. C’est pour-quoi le programme suisse encourage en premier lieu, dans ledomaine de la gouvernance, la décentralisation de l’adminis-

tration. Ainsi, par exemple, il soutient des projets du domai-ne de la gouvernance, les processus participatifs d’utilisationde l’eau dans les villages, et renforce les structures décen-tralisées dans les districts. Pour la réforme fiscale également,pour laquelle la Suisse continue à s’engager, il s’agissait toutrécemment de mettre la décentralisation au premier plan,avec pour objectif de procurer plus de revenus aux autoritésdes districts et communes. D’autres projets ont pour objec-tif le renforcement de la société civile, afin que la populationpuisse mieux se faire entendre par le gouvernement.

Augmentation des taux de scolarisation, formation de personnel médical

et construction de structures de base dans les régions rurales: voici quelques-uns

des principaux projets actuels. DDC, Richard Gerster (à droite)

La Suisse s’engage pour une meilleurecoordination des bailleurs de fonds etun dialogue politique fructueux avecle gouvernement. Cela vient compléterefficacement les programmes bilaté-raux pour la mise en œuvre des Objec-tifs du Millénaire pour le Développe-ment. Adrian Hadorn, ancien ambassadeur

et directeur du Bureau de Coopération au

Mozambique de 2002 à 2006

70

Page 73: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Dans le cadre de l’aide budgétaire, la Suisse souscritactuellement à un contrat auprès du budget national duMozambique d’environ 8 millions de francs par an. Mais lesdifférents projets mis en œuvre par les ONG locales et suis-ses demeurent eux aussi un instrument primordial de la coo-pération. À l’échelon local, la Suisse soutient par exempleles services de santé qui assurent également les soins médi-caux dans des villages éloignés, ou des projets de microcré-dits, qui aident les gens à créer leur propre entreprise. Unbon exemple de la coopération entre aide budgétaire, pro-gramme sectoriel et projets locaux se trouve dans le domai-ne de la santé: la collaboration avec le ministère de la santémozambicain est une tradition et évolue sur la base d’unecoopération ancienne caractérisée par une grande confian-ce mutuelle. Dans le contexte de la crise financière, il sub-siste le risque que la couverture de la population en soins desanté dans les pays pauvres, comme le Mozambique, soitlimitée et que la mortalité infantile remonte.

La Suisse s’est beaucoup engagée dans le domaine dela culture, sachant qu’elle a dans ce domaine une longuetradition qui commença au XIXe siècle avec l’activité desmissionnaires suisses. La DDC a par exemple rendu possi-ble l’exposition d’artistes makondes originaires de la provin-ce du Cabo Delgado. Cette riche tradition de sculpture surbois n’était jusque-là connue à Maputo, à 3000 kilomètresde là, où s’est tenue l’exposition, que comme un artisanatd’art destiné au marché touristique. Soucieuse de promou-voir les échanges culturels au sein du pays, la DDC a égale-ment financé la publication de diverses études scientifiquesconcernant la culture et l’histoire du Mozambique. La publi-cation de ces travaux dans la série «Colecção Identidades»contribue à l’expression de l’identité culturelle du Mozambi-que. À titre d’échange culturel, la DDC a également financél’exposition de jeunes photographes mozambicains montréedans différentes villes suisses ainsi que la tournée suisse dugroupe musical «Mabulu» (voir encadré page 68).

Les Objectifs du Millénaire pour le Développement mettent la pression

En septembre 2000, les chefs d’États et de gouvernements de 189 pays se sont réunis à New York pour la plus granderencontre au sommet ayant jamais été organisée par les Nations Unies. A l’issue de cette rencontre, ils ont adopté la Dé-claration du Millénaire, dans laquelle la communauté des États expose comment elle souhaite remédier au sous-déve-loppement et à la pauvreté au début du nouveau millénaire. Cette déclaration a permis de déduire huit objectifs générauxde développement, que l’on appelle les «Objectifs du Millénaire pour le Développement» (OMD) et que la communautéinternationale se propose d’atteindre, en unissant ses forces, d’ici 2015. Afin de pouvoir évaluer si les OMD sont effecti-vement atteints, ceux-ci ont été complétés par plus de 40 indicateurs de développement et des directives claires quantaux objectifs.

Les MDG prévoient:

de diminuer de moitié la part de la population mondiale qui souffre de l’extrême pauvreté et de la faim;

de permettre à tous les enfants d’accéder à l’instruction primaire;

de promouvoir l’égalité des genres et de renforcer les droits de la femme;

de diminuer la mortalité infantile;

d’améliorer la santé des mères;

de lutter contre le VIH/sida, la malaria et d’autres maladies transmissibles;

d’améliorer la protection de l’environnement;

de mettre en place un partenariat de développement à l’échelle mondiale.

Les sept premiers Objectifs du Millénaire comprennent des buts devant être réalisés par les pays en voie de développe-ment avec le soutien des bailleurs de fonds. Le huitième Objectif du Millénaire s’adresse aux pays industriels et les enga-ge à créer des conditions générales qui permettent aux pays en voie de développement de faire face à leurs obligations.Parmi ces conditions générales figurent: une augmentation des budgets de la coopération publique au développement,plus d’actions de désendettement, et la coordination internationale de l’aide publique au développement. La communautéinternationale et le gouvernement mozambicain sont bien partis pour atteindre ces objectifs, avec des succès variablesselon la taille de l’objectif.

71

2001–2009

Page 74: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Ces dernières années, suite à l’engagement considé-rable des bailleurs de fonds étrangers et de la volonté deréforme du gouvernement mozambicain, l’État est certesdevenu plus efficace et les choses ont évolué, lentementmais sûrement; sur un plan politique, en revanche, l’évolu-tion a stagné. Joaquim Chissano, garant de la réconciliationnationale et président depuis 1986, ne s’est pas représentéaux dernières élections présidentielles de 2004. Son suc-cesseur, président et chef du parti, Armando Guebuza, asimplifié l’organisation du parti et renvoyé beaucoup de poli-ticiens modérés du Frelimo. Le cabinet n’est désormais pra-tiquement plus composé que de membres du parti fidèles àsa ligne, qui considèrent plus la Renamo comme l’ennemid’hier que comme adversaire politique. Lors des électionslégislatives de la même année, le Frelimo a également réussià renforcer sa suprématie au Parlement. Seuls 43 % despersonnes ayant le droit de vote ont pris part à cette élec-tion, du reste contestée par des observateurs, ce que l’onpeut interpréter comme une lassitude politique.

Cette évolution suscite de l’inquiétude chez de nom-breux observateurs. Du fait de la répartition du pouvoir entrele gouvernement et le parlement, le Mozambique est certes,dans la forme, une démocratie, mais dans les faits, il estsur la voie du monopartisme, avec lequel l’État et le parti augouvernement ne sont plus guère distincts. Cela est égale-ment dû au fait que les électeurs ne peuvent opter que pourun parti et non pas pour différents candidats. La loyauté desparlementaires s’applique donc à leur parti, et non aux élec-teurs. C’est pourquoi il n’est pas étonnant que les dirigeantsaient une interprétation très libérale de leurs compétences:sous Chissano, le gouvernement avait déjà refusé à la Rena-

mo – seule opposition du pays – le droit d’affecter des gou-verneurs aux provinces dans lesquelles elle avait gagné lesélections. Les villes dirigées par un maire de la Renamo nedevaient s’attendre à aucun soutien de la part de Maputo.Les partisans de la Renamo se sont vus refuser l’accès àl’administration publique. Cette discrimination de la Renamoa débouché à plusieurs reprises sur des tensions politiques,des manifestations et des actions policières excessives. Sui-te aux élections controversées de 1999 ayant généré destroubles dans différentes régions du pays, plus de 80 oppo-sants sont morts étouffés dans une cellule de prison surpeu-plée. La Division Politique IV a réagi à ces évènements enmettant en place un programme de prévention des conflitsen vue des élections de 2004. À l’aide de ce programme, unlarge réseau d’organisations locales a non seulement sur-veillé les élections, mais aussi réalisé un décompte parallèledes résultats. Ces efforts ont permis de mettre en évidenceles défauts de l’organisation des élections.

Il n’appartient évidemment pas aux pays donateurs d’in-tervenir dans la politique d’un pays partenaire ou de renfor-cer l’opposition. Cependant, la communauté des bailleursde fonds, en grande partie du fait des évènements politiquesrécents, a employé les grands moyens pour garantir plus decontrôles mutuels et d’équilibre au sein de l’État. Des inves-tissements on ainsi été réalisés dans la séparation des pou-voirs, la justice, l’amélioration de la reddition de comptes, etles mécanismes de contrôle internes et externes. L’objectifétait en outre de créer un contrepoids au pouvoir croissantde l’État en renforçant la société civile. Dans le cadre del’aide budgétaire, la Suisse a réclamé la prise en compte dela société civile dans le dialogue politique et a soutenu plu-

À Maputo, dans le cadre d’un projet artistique national, cet artiste réalise des sculptures en soudant des armes collectées

après la guerre civile. Jusqu’à ici, plus d’un demi-million d’armes ont été détruites ou transformées en objets d’art. Laif

72

Page 75: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

sieurs ONG locales qui encouragent la société civile à fairevaloir ses droits et à avoir l’œil sur le gouvernement.

Après les expériences de 2004, la crainte était grandeque des irrégularités se reproduisent lors des élections com-munales de 2008. Il a été d’autant plus réjouissant que lepays réussisse ce test démocratique: les observateurs élec-toraux, aussi bien internationaux que nationaux, ont qualifiéles élections de libres et correctes. Le gouvernement avaitdonc suivi les recommandations internationales. Autre évo-lution positive: le taux de participation a à nouveau légère-

ment augmenté, ce qui laisse espérer qu’à l’avenir, les gensexerceront à nouveau davantage leurs droits démocratiques.Pour la Renamo, cependant, le résultat des élections fut undésastre. Elle y perdit les cinq mairies qu’elle avait jusque-là, tandis que le Frelimo remportait la majorité absolue dans42 villes sur 43. Il reste à voir comment le Frelimo gèrera cenouveau renforcement de son pouvoir et quelles conclusionsla Renamo en tirera.

Un nouveau parti, le «Mouvement démocratique duMozambique» (Movimento Democrático de Moçambique– MDM) fondé en mars 2009, est susceptible d’apporterun meilleur équilibre. Il est probable que ce parti rassem-blé autour de Deviz Simango, le maire populaire de Beira,réussira à entrer au parlement lors des élections d’octobre2009. Seul l’avenir nous dira si le MDM pourra s’établir surle long terme.

La Suisse prend une part active aux pro-cessus d’harmonisation et d’alignementinternationaux afin d’améliorer l’effica-cité de la coopération. Edita Vokral, vice-

directrice de la DDC

73

2001–2009

Le programme actuel de la coopération suisse au déve-loppement avec le Mozambique (2007–2011) se concentresur les secteurs de la gouvernance, de la santé et du déve-loppement économique.

Gouvernance

Promotion des compétences des communes urbaines(municipalités) en vue d’améliorer le ravitaillement debase et de renforcer leur autonomie

Renforcement de la société civile et de son rôle d’«or-gane de surveillance» des autorités locales

Promotion des autorités de district et des groupesde population locaux pour améliorer l’approvisionne-ment en eau et l’hygiène des habitations (entre autresconjointement avec l’ONG suisse Helvetas)

Soutien d’un programme national de décentralisationde la planification et des finances

Soutien des autorités responsables de l’eau dans lecadre du fonds pour l’approvisionnement en eau deszones rurales et l’hygiène des habitations

Santé

Soutien du système de santé mozambicain par uneaide budgétaire sectorielle. Approche globale coordon-née (SWAP) avec les 25 pays donateurs et le ministèrede la Santé mozambicain

Promotion d’une prise de conscience de la santé auniveau des villages et de l’amélioration des soins de

santé locaux (conjointement avec l’ONG suisseSolidarmed)

Participation à la conception d’un projet à grandeéchelle d’amélioration de l’approvisionnement de baseau niveau local avec implication de la population locale(Banque mondiale et ministère de la Santé)

Développement économique

Aide budgétaire générale axée sur les résultats asso-ciée à un dialogue transversal sur la politique de déve-loppement entre le gouvernement et la communautédes bailleurs de fonds

Soutien technique et financier de la réforme fiscale vi-sant un meilleur recouvrement des impôts et la réduc-tion de la dépendance au soutien international

Formation et soutien technique du bureau du gouver-nement en charge de la politique économique

Renforcement d’un institut indépendant de rechercheet d’analyse destiné à promouvoir les débats publics etcritiques sur le développement socio-économique.

Mise en place d’un réseau de caisses d’épargne et deprêt rurales destiné à stimuler l’activité économique lo-cale

Consolidation des capacités nationales d’analyse de laqualité des aliments

Soutien d’initiatives pour la certification et l’améliora-tion des normes de qualité de certains produits expor-tables

Programme actuel de coopération au développement avec le Mozambique

Page 76: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

74

Quand un virus détruit tout

En Afrique australe, le sida fait des ravages sans précédent. Au Mozambique, rares sont les familles épargnées par la maladie. Plus de 16% des Mozambicains sont séropositifs. Environ 400 000 enfants ont perdu leur mère ou leurs deux parents à cause du sida. L’épidémie est partie pour réduire à néant les progrès timides que le pays avait réalisés. Afin d’endiguer la maladie et d’en atténuer les conséquences, la Suisse investit dans le système de santé du Mozambique.

SIDA

Prudencia, une jeune fille de 13 ans originaire de Manica, dans l’ouest du Mozambique, a été infec-tée par le VIH à l’âge de neuf ans, à la suite d’un viol, avant de perdre ses parents du sida. Le sort de Pru-dencia, aussi extrême qu’il puisse paraître, n’est pas un cas isolé. En Afrique australe, l’épidémie de sida sévit comme nulle part ailleurs dans le monde. D’après les données de l’ONUSIDA, 1,5 million de person-nes vivent avec le sida au Mozam-bique. Beaucoup d’enfants sont également touchés. Plus de 160 000 enfants portent en eux le virus, la plupart ayant été contaminés dès leur naissance ou pendant la gros-sesse par une mère séropositive. Mal pris en charge et affaiblis par la malnutrition, ils n’ont guère de chance de survivre: plus de la moitié d’entre eux décèdent avant leur pre-mier anniversaire, et ils dépassent rarement l’âge de cinq ans.

Du fait du grand nombre de personnes malades et de décès, dans bon nombre de villages, la traditionnelle cohésion s’écroule. Et à nouveau, les enfants sont les premiers à en souffrir. D’après les estimations, il y a au Mozambique plus de 400 000 orphelins du sida de moins de 20 ans. «Bien souvent, les proches ne sont plus en situation d’accueillir les orphelins, car ils ont du mal à subvenir à leurs propres besoins», déclare l’experte du sida

de la DDC, Nathalie Vesco Ghélew. «De plus, les enfants doivent endos-ser tôt le rôle de parents.» Outre les dizaines de milliers de souffrances humaines que le sida a infligées à la société mozambicaine, la mala-die immunitaire menace aussi très concrètement le développement économique et social du pays et annihile les progrès réalisés jusque-là. Par exemple, le pays manque d’ores et déjà de personnel ensei-gnant. Et du fait de l’épidémie, la situation ne va faire qu’empirer, car de nombreux professeurs meurent prématurément.

Alors que dans les pays industria-lisés, les nouvelles thérapies et les campagnes de prévention ont eu rai-son des peurs associées à la maladie, en Afrique australe, le sida continue son avancée: les deux tiers des mala-des du sida du monde entier vivent dans la région subsaharienne, qui est en proie à la pauvreté. Au vu de cette terrible menace, la commu-nauté internationale a réagi. L’en-semble des grandes organisations et grands réseaux internationaux tels que l’ONUSIDA et leurs partenaires comme le UNHCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD ou la Fédération Internatio-nale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge s’emploient à la prévention, au traitement et au soutien des malades et de leurs pro-ches. De par le monde, les sommes déployées pour lutter contre le sida

sont passées entre 2000 et 2007 de 1,5 à 10 milliards de dollars US par an.

À Manica, la banlieue où habite Prudencia, à la frontière avec le Zim-babwe, l’organisation non gouver-nementale locale ANDA (Associação Nacional para o Desenvolvimento Auto-Sustentado) a mis en place un centre pour les orphelins du sida. La principale voie de liaison entre le Zimbabwe et la ville por-tuaire de Beira amène beaucoup de camionneurs dans cette région, et avec eux, le VIH. Entre-temps, un habitant de cette région sur cinq est porteur du virus. Celui-ci a privé de nombreux enfants pour toujours de leurs parents. L’ANDA prend les orphelins en charge, et parmi eux Prudencia, qui habite chez sa grand-mère. Au total, le centre s’occupe de plus de 400 enfants. Après l’école, les enfants se voient offrir un repas et de l’aide pour leurs devoirs. Dans la menuiserie, ils apprennent à manier les outils ou dans la boulan-gerie, la pâte. Dans l’atelier de cou-ture, ils confectionnent entre autres des uniformes d’écoliers. Ils s’occu-pent de l’élevage de volailles au pou-lailler, ou bien ils donnent un coup de main à la cuisine. Autant d’ex-périences pratiques qui les aident à prendre leur vie en main.

La Suisse s’engage elle aussi dans le domaine du sida, dans le cadre

Page 77: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

d’une vaste stratégie. «Nous nousefforçons de renforcer les capaci-tés du pays plutôt que de mettreen place des systèmes parallèles»,affirme Nathalie Vesco. Notre objec-tif principal est d’œuvrer pour per-mettre aux services sociaux et desanté locaux d’assurer eux-mêmes laprévention, le traitement, les soinset le soutien mais également d’at-ténuer les conséquences sociales del’épidémie. C’est pourquoi la Suissene met en œuvre au Mozambiqueaucun projet propre sur le sida maissoutient d’une part le ministèrede la Santé, qui a lancé en 2000 unprogramme national de lutte contrele sida; d’autre part, la Suisse par-ticipe aux activités d’organisationsinternationales travaillant aussi en-dehors du secteur de la santé.

Malgré le large soutien inter-national dont bénéficie le pays, legouvernement mozambicain restedépassé par le problème du sida.Le pays manque moins de moyensfinanciers que de personnel spécia-lisé, de capacités en management et

de coordination. Depuis qu’il existedes médicaments génériques, lesthérapies contre le sida sont égale-ment accessibles aux pays pauvres.Par conséquent, les institutionsde santé mozambicaines peuventdistribuer gratuitement ces médica-ments qui sauvent des vies. Cepen-dant, donner des comprimés auxmalades ne suffit pas, car le sidan’est pas uniquement un problèmede santé. On a besoin d’un encadre-ment complet de l’entourage despersonnes concernées qui s’appuiesur des mesures sociales et sociéta-les allant jusqu’à aborder la ques-tion de l’égalité des sexes.

Pourtant, tandis qu’on notequelques progrès dans le traitementdu sida, un aspect décisif de lalutte contre le VIH n’avance pas: laprévention. «Le sida reste un sujettabou dont on évite de parler», affir-me Nathalie Vesco. Les problèmesne sont pas abordés ouvertement.Les nombreuses relations sexuellesmenées de front facilitent elles aussila propagation de la maladie. Les

efforts de communication réalisésdans le pays sont jusqu’à présentrestés isolés. Il faudrait mettre enplace une campagne nationale effi-cace à grande échelle. Beaucoup nesavent toujours pas comment fairepour se protéger. Et les jeunes fem-mes, trois fois plus touchées par lacontamination que les hommes dumême âge, ne parviennent pas àimposer l’utilisation du préservatif.Voilà pourquoi on dénombre auMozambique 500 nouvelles infec-tions par jour. En d’autres termes:pour deux personnes qui reçoiventune thérapie, cinq autres sontcontaminées.

15,1 – 28,0 %5,1 – 15,0 %1,1 – 5,0 %0,6 – 1,0 %0,1 – 0,5 %<0,1 %Keine AngabenPas de données

75

SIDA

Carte de la fréquence du sida dans le

monde (prévalence). Source: ONUSIDA

EuropeAsie

Afrique australe

Évolution de l’espérance de vie

entre 1950 et 2005 (en années)

1950 1960 1970 1980 1990 2000

30

40

50

60

70

80

90

Page 78: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

«Le Mozambique aura encore besoind’aide dans 30 ans»

Thomas Litscher, ambassadeur et chef du Bureau de la coopération suisse deMaputo depuis 2006, dresse un bilan et risque un regard vers l’avenir proche dela coopération avec le Mozambique. M. Thomas Litscher est âgé de 55 ans, il estingénieur agronome EPF et travaille depuis plus de 20 ans dans le corps diplo-matique de notre pays.

En 30 ans de coopération avec leMozambique, des succès certainsont été accomplis: paix, démocra-tie, essor économique. Mais degraves problèmes persistent. Quelest votre bilan personnel de la coo-pération?

Lorsque j’ai rendu ma visite d’in-tronisation à la Première ministreLuisa Diogo, à ma grande surprise,elle m’a exposé pendant vingt bon-nes minutes l’histoire à succès dela coopération entre la Suisse et leMozambique. Elle a insisté sur notrerôle de pionnier que nous avonsjoué dans la démobilisation des par-ties de la guerre civile et sur l’im-portance de ce rôle pour la périodede transition et la stabilisation de lapaix au début des années 1990. Ellea souligné comment la Suisse, aumilieu des années 1990, a à nouveauapporté une contribution décisiveau règlement d’un conflit entre leMozambique et les institutions deBretton Woods dans le domaine dela politique macro-économique etfiscale. Enfin, elle a estimé commeessentiel le rôle de la Suisse dans lerenforcement de la coordination desdonateurs et dans la mise en placedes modalités de l’aide budgétaireet des programmes d’aide. À l’évi-dence, la coopération suisse est par-venue à laisser des traces durables.

Le Mozambique est générale-ment considéré comme un exemplede réussite, et je pense que nombred’éléments vont en ce sens. Après 15ans de guerre et de régime commu-niste de parti unique, il ne va pas de

soi de réussir à passer à un systèmedémocratique d’économie de mar-ché relativement stable. La stabilitémacro-économique et la stabilitéde la politique fiscale ainsi que lacroissance économique des derniè-res années sont remarquables. Demême, les chiffres de réductionde la pauvreté et d’extension desservices sociaux de base poussentà dresser un bilan positif, même sides conditions incompatibles avecla dignité humaine sont encore trèsrépandues et nous font souhaiterdes progrès plus rapides. Ce que jetrouve important de souligner dansle bilan, c’est que par le biais del’aide budgétaire, je pense qu’on estparvenu à mettre en place un parte-nariat coordonné entre les bailleursde fonds mais aussi avec le gouver-nement, partenariat qui offre unespace d’interactions et de dialoguepermettant d’aborder ouvertementles grands enjeux, c’est-à-dire lesgraves problèmes qui persistent.

Quels sont à votre avis les plusgrands succès de la coopérationsuisse au Mozambique?

Je pense que les points men-tionnés par la Première ministresont certainement ceux pour les-quels la Suisse a eu l’impact le plusimportant et le plus durable. D’une

manière générale, l’importance qu’aencore aujourd’hui la coopérationau développement suisse au Mozam-bique me semble remarquable. Bienque notre contribution financièred’environ 1,5% de l’ensemble duvolume d’aide soit relativementmodeste, nous sommes considé-rés comme l’un des bailleurs defonds les plus influents qui, par sesapproches novatrices, une certainetémérité, une grande fiabilité etune forte présence personnelle, a unimpact durable et positif sur le déve-loppement. Nous devons maintenircette orientation.

La coopération au développe-ment avec le Mozambique, qui aété commencée en 1979, est un bonexemple de l’engagement de longuedurée qui caractérise les program-mes bilatéraux suisses.

La Suisse soutiendra-t-elle encorele Mozambique en 2039?

Ce qui ne fait à mon avis pasl’ombre d’un doute, c’est que dans30 ans, le Mozambique aura encorebesoin d’aide sous forme de coopé-ration. Le pays a certes un potentielénorme, et les progrès des 15 der-nières années sont considérables.Mais le niveau de développementdu Mozambique est encore extrê-mement bas. L’«indice de développe-

76

La coopération suisse est parvenue à laisserdes traces durables.

Page 79: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

ment humain» de l’ONU répertorie179 pays, dont seulement quatreplacés derrière le Mozambique. Ils’agit d’un pays où plus de la moitiéde la population vit encore dans lapauvreté la plus totale, sans accèsau système de santé public ni à l’eaupotable. Il y a moins de 1000 méde-cins pour 20 millions d’habitants.Pour 14 millions d’habitants devantessentiellement vivre de l’agricul-ture, pratiquée avec des moyenstraditionnels rudimentaires, lepays compte tout juste quelque 600conseillers agricoles. Le revenu parhabitant se monte à moins de 400dollars US par an. Même si on tablesur un maintien de la croissanceéconomique impressionnante de ces10 dernières années, le revenu parhabitant atteindra dans 30 ans unniveau que beaucoup de partenairesde la coopération au développe-ment, dont la Suisse, ont déjà dépas-sé aujourd’hui. Il en va de même dela couverture en services sociauxde base. Sans parler des énormesdéfis posés par la répartition de lacroissance, par l’épidémie de sidaou par la vulnérabilité particulièredu Mozambique vis-à-vis du change-ment climatique.

La Suisse sera-t-elle encore parte-naire? La profondeur historique etla qualité particulière des relationsbilatérales ainsi que la contributiontout à fait positive apportée jusqu’àprésent par la Suisse au développe-ment du Mozambique vont dans cesens. Mais 30 ans sont une perspec-tive trop longue, et l’avenir est tropincertain pour que je puisse me lan-cer dans un pronostic.

Quel pourra être le rôle de laSuisse au Mozambique au coursdes prochaines années?

Notre stratégie actuelle de coo-pération me semble tout à fait per-tinente, y compris à moyen terme.

Nous nous engageons de manièreciblée dans le domaine de la santé,en impliquant les communautéslocales, pour donner à la prise encharge sanitaire de base la placequ’elle mérite dans la politiquenationale. Dans le domaine de lagouvernance, nous encourageonsen particulier la décentralisationpar des approches novatrices, etenfin, nous soutenons également leMozambique pour qu’il parvienne,par l’économie privée, à mieuxexploiter son considérable potentielde production. Nous disposons parconséquent d’un programme équili-bré, aux points forts bien définis etcomportant une composante socia-le, une composante de gouvernanceet une composante de production.Dans le cadre du dialogue politiqueentre donateurs et avec le gouverne-ment, la contribution générale aubudget de l’État ou aide budgétairenous permet de jouer un rôle actifet de faire valoir dans la politiquenationale l’expérience que nousavons accumulée dans le travail surdes projets.

Quels seront à votre avis leseffets de la crise financière mon-diale sur le développement duMozambique?

Le Mozambique est comparative-ment bien préparé. Grâce à la poli-tique de stabilité qu’il mène depuisdes années, le pays dispose d’unecertaine marge de manœuvre per-mettant d’atténuer les chocs exté-rieurs. De plus, le secteur financiermozambicain est si peu développé

et si peu internationalisé que lesinstitutions financières locales sontpeu affectées par les événementsinternationaux. Des effets négatifsse feront probablement sentir dufait du recul ou du retard des inves-tissements prévus dans les grandsprojets miniers et dans le secteurde l’énergie. De même, il existe uneréelle incertitude pour ce qui est del’évolution future des fonds d’aide.Le budget du Mozambique est finan-cé pratiquement par moitié par lesfonds de développement. Une baissesubstantielle de ces fonds aurait deseffets dramatiques dans la mesureoù quelque 65% du budget sontemployés directement dans des sec-teurs en rapport avec la pauvreté.Plus que jamais, le mot d’ordre doitdonc être d’améliorer encore l’effi-cience de l’utilisation des fonds etdonc l’efficacité de l’aide.

77

PERSPECTIVES

Nous disposons d’un programme équilibré, clai-rement focalisé et comportant une composantesociale, une composante de gouvernance et unecomposante de production.

Page 80: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Glossaire

Aide liée/non liéeDans le cadre de la coopération au dé-veloppement, on parle d’aide liée lors-que la fourniture de biens et de ser-vices financés par l’aide publique audéveloppement est assurée exclusive-ment par des entreprises du pays do-nateur. L’aide n’est pas liée lorsquele pays bénéficiaire peut acquérir cesbiens et ces services sur le marché in-ternational. En 2001, le > CAD a adop-té une recommandation visant à dé-lier l’aide destinée aux pays les moinsavancés. Le déliement de l’aide – uneexigence à laquelle la politique suis-se de coopération satisfaisait déjà – aconstitué un pas concret dans la réali-sation d’un développement basé sur unpartenariat réel entre pays donateurs etpays bénéficiaires.

Aide multilatéraleContributions générales, non affectéesà des projets définis, versées au pro-gramme central d’institutions interna-tionales d’aide humanitaire et au dé-veloppement dont les membres sontcomposés exclusivement d’États. Ils’agit notamment des contributionsstatutaires des membres, des partici-pations au capital de banques de déve-loppement et de contributions annuel-les – sans affectation – aux fonds etprogrammes de l’ONU.

Banques de développementLes principales banques de dévelop-pement multilatérales sont le Groupede la Banque mondiale et les quatrebanques régionales de développe-ment – africaine (www.afdb.org), asiati-que (www.adb.org), européenne (www.ebrd.org) et intra-américaine (www.iadb.org). Les banques de développe-ment dites sous-régionales (Amériquecentrale, Afrique de l’Ouest, Afrique del’Est et autres) jouent un rôle moins im-portant.

Biens publics mondiauxLes biens publics mondiaux (en an-glais: Global Public Goods) sont desbiens publics qui ne se limitent pas auxfrontières nationales mais sont valables

dans le monde entier. Un bien publicest généralement considéré commemondial dès lors qu’il touche plusieursgroupes de population. C’est ce qui ledistingue d’un bien public national. Parconséquent, les biens publics mon-diaux ont tant des bénéfices que deseffets extérieurs mondiaux et ne se li-mitent pas à un État. Exemples: envi-ronnement propre et intact, stabilité duclimat, stabilité des marchés financiers,paix, sécurité, justice, santé, contrôledes maladies transmissibles, héritageculturel.

Bonne gouvernanceLe terme anglais de governance (ges-tion des affaires publiques) a fait sonentrée dans la politique de développe-ment au début des années 1990, enlien avec les événements qui ont mar-qué la fin de la guerre froide et la chutedu Mur de Berlin. On a alors réalisé quela coopération au développement nepeut être efficace que si les gouverne-ments fonctionnent de manière fiable ettransparente. La Banque mondiale futla première à utiliser la notion de «GoodGovernance» dans le but d’améliorerl’efficacité de l’allocation de fonds pu-blics. L’expression anglaise ne se ré-fère pas seulement à la gestion gou-vernementale. Elle inclut également lagestion des institutions non étatiques.C’est pourquoi la DDC préfère le termede «gouvernance», dérivé de l’anglais,à celui de «bonne gestion des affairespubliques». Une bonne gouvernanceest assurée lorsque l’interaction ainsique la répartition des rôles entre l’État,la société civile et l’économie privée re-posent sur quelques principes essen-tiels: participation, transparence, non-discrimination, efficacité et fiabilité dansles affaires publiques.

Bureaux de coopérationReprésentations la plupart du temps(exceptions: aide humanitaire) implan-tées par la DDC dans les pays prio-ritaires du «Sud» et représentationsinstallées dans des pays de «l’Est» im-portants où sont développés ses pro-grammes. La direction générale des

programmes y est assurée par un res-ponsable sur place.

CADComité d’assistance au développement(Development Assistance Committee,DAC). Sous-organe de l’OCDE (Orga-nisation de coopération et de dévelop-pement économiques), le CAD (www.oecd.org/dac) supervise les efforts dedéveloppement fournis par les pays in-dustrialisés, intervient en faveur de lacoordination et de l’unification des pro-cédures et s’efforce de capitaliser et dediffuser le fruit de ses expériences.

Coopération bilatéraleCoopération directe entre deux États.

Coopération financièreLa coopération financière comprendles aides financières, les garantiesde crédit, les aides à la balance despaiements, les mesures de désen-dettement, ainsi que les mesures depromotion du commerce et des inves-tissements.

Coordination des donateursLa coordination des donateurs(bailleurs de fonds) est une question quipréoccupe depuis longtemps la coo-pération au développement. Lorsquecela paraît opportun, on s’efforce decoordonner l’action des donateurs bila-téraux et multilatéraux. Les principauxacteurs de la coopération se réunis-sent alors pour aboutir à des ententesrationnelles. Cela s’organise générale-ment à l’échelle du pays bénéficiaire,par exemple sous l’égide de la Ban-que mondiale ou du Programme desNations Unies pour le développement(PNUD). Mais la coordination ne suf-fit pas. Pour renforcer l’efficacité de lacoopération, il convient également desimplifier et d’adapter les approches dudéveloppement, les processus de réa-lisation et les contraintes administrati-ves. La coordination des donateurs estdonc désormais inséparable de notionstelles que l’harmonisation des dona-teurs, l’alignement ou la simplification.

78

Page 81: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

DécentralisationLa décentralisation se définit commeune délégation de compétences et deresponsabilités en matière d’accomplis-sement des tâches publiques de l’Étatcentral à des autorités décentralisées(subordonnées ou autonomes) ou ausecteur privé.

État de droitL’État de droit (rule of law) est en étroiterelation avec le concept de l’État mo-derne, qui assure des conditions gé-nérales stables et favorables à l’épa-nouissement et au développement detous les habitants de son territoire. Leconcept d’État de droit garantit lesfonctions gouvernementales et évite lesabus du monopole étatique du pouvoir,notamment dans l’intérêt des élites. Iln’existe pas de définition unifiée de ceconcept au sein de la communauté in-ternationale. On s’accorde cependantsur certains éléments communs telsque le rôle essentiel d’une justice indé-pendante, l’égalité de tous les citoyensdans les processus d’élaboration etd’application du droit, la priorité accor-dée à la Constitution, la séparation despouvoirs et le respect des droits hu-mains aux plans civil et politique.

Institutions de Bretton WoodsEn font partie le Fonds monétaire in-ternational et le Groupe de la Banquemondiale.

Institutions multilatérales(de développement)Toutes les formes de coopération insti-tutionnalisées rassemblant les acteursétatiques et exceptionnellement nonétatiques de plusieurs pays (davantageque les seuls pays donateur et bénéfi-ciaire). En font partie toutes les organi-sations internationales qui traitent d’ac-tivités de développement. Les ONG, lesinitiatives et les réseaux entretiennentsouvent des relations réglementéesavec des institutions multilatérales. L’undes domaines d’action des institutionsmultilatérales (de développement) est laparticipation à de grandes conférences

– le plus souvent organisées par l’ONU– et le suivi des activités ultérieures.

NEPADLe Nouveau partenariat pour le déve-loppement de l’Afrique (NEPAD) est unprogramme de développement écono-mique lancé en 2001 par l’Organisationde l’unité africaine (OUA). Il vise à éla-borer des valeurs et à superviser leurmise en œuvre dans le cadre de l’OUA.La Suisse partage et appuie les ob-jectifs du NEPAD. La plupart des pro-grammes suisses de développementet de coopération vont dans le mêmesens. Le secrétariat du NEPAD est ba-sé en Afrique du Sud.

ONGIl existe des organisations non gouver-nementales (ONG) dans tous les pays.Elles ne poursuivent aucun but lucratifet assument des tâches de lutte contrela pauvreté. Elles sont financées parleur propre collecte de fonds ou pardes ressources publiques (provenant leplus souvent de pays donateurs). Dansle contexte multilatéral, elles agissentsouvent au niveau mondial dans le ca-dre de campagnes de sensibilisationà certains problèmes sociaux, écono-miques, environnementaux ou liés auxdroits humains ou défendent parfoisleurs intérêts directement.

PauvretéLa pauvreté est un phénomène auxmultiples facettes qui peut affecter tousles domaines de l’existence, y compriscelui des biens immatériels. Elle para-lyse l’être humain et porte atteinte à sadignité. Être pauvre ne signifie pas seu-lement que l’on manque d’argent (unrevenu d’un dollar US par jour étantuniversellement admis comme le seuilde la pauvreté); la pauvreté impliqued’une manière générale des privationset une absence de bien-être. Lorsquela pauvreté n’est pas due uniquementà une production insuffisante de biens,elle se trouve toujours en relation avecson contraire, la richesse. Toutes deuxrésultent d’un même processus: unerépartition inéquitable basée sur le pou-

voir et la force. Sans aide extérieure, iln’y a guère moyen d’échapper au cer-cle vicieux de la pauvreté.

Politique de développementL’ensemble des moyens et des planspolitiques, économiques, sociaux etécologiques visant à organiser le dé-veloppement de manière à améliorerdurablement les conditions de vie et laprospérité en général dans les pays endéveloppement et en transition.

Sector-Wide Approach (SWAP)Forme de coopération au développe-ment dans laquelle les principaux dona-teurs actifs dans un secteur s’oriententen fonction de la stratégie sectorielledu bénéficiaire. En principe, l’approcheSWAP ou approche sectorielle inclutdes formes d’aide budgétaire.

Société civileIl n’existe pas de définition précise dela société civile. Celle-ci englobe d’unemanière générale toutes les organisa-tions non étatiques et les citoyens. Lacoopération au développement distin-gue trois grandes catégories d’acteurs,qui présentent des recoupements: lesinstitutions publiques, le secteur éco-nomique (secteur privé) et la société ci-vile. Celle-ci comprend les > ONG etd’autres associations à but non lucratiftelles qu’associations de consomma-teurs, syndicats, groupes de défensedes droits humains, mouvements debase, médias indépendants et orga-nisations écologistes. On considèreque le renforcement de la société civileconstitue un bon moyen de promouvoirla démocratie dans les pays dirigés defaçon autoritaire ou oligarchique.

79

ANNEXE

Page 82: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Adresses, impressum

Direction du développement et de lacoopération DDCFreiburgstrasse 130CH-3003 Bernewww.ddc.admin.ch

Secrétariat d’État à l’économie SECOEffingerstrasse 31CH-3003 Bernewww.seco-cooperation.ch

Division Politique II,Afrique/Moyen-OrientPalais fédéral ouestCH-3003 Bernewww.eda.admin.ch

Division Politique IV,Sécurité humaineBundesgasse 32CH-3003 Bernewww.eda.admin.ch

Swiss Cooperation Office in MaputoAv. Ahmed Sekou Touré, 637 - R/CP.O. Box 135Maputo, Mozambiquewww.swisscooperation.org.mz

www.odamoz.org.mz (banque de don-nées de l’aide publique au développe-ment au Mozambique)

www.poptel.org.uk/mozambique-news(agence de presse du Mozambique)

www.mozambique.mz (site web officieldu pays)

Éditeur:Direction du développement et de lacoopération DDC; Secrétariat d’État àl’économie SECO.

Texte et rédaction,mise en page et production:Locher, Schmill, Van Wezemael &Partner AG, Bâle, www.comm-care.ch

Coordination: DDC, DivisionAfrique orientale et australe

Versions linguistiques: cette brochureest également disponible en allemandet en portugais.

Commandes: http://www.deza.admin.ch/fr/Accueil/Documentation/Publica-tions_Nouveautes_et_archives

[email protected]

Berne, mai 2009

80

Page 83: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys
Page 84: S u isse Ð M o za m b iq u e - Federal Council...dant q u Õen 19 75 et q u i,en lÕespace de deux d cennies, fut le t moin de deux guer res civiles et de deux ch an-gements de sys

Depuis 1979, la Suisse coopère avec le Mozambique, l’un des pays les plus pauvres dumonde. Cette brochure récapitule l’histoire de cette coopération et montre à la lumièred’une multitude d’exemples, de voix et de chiffres tous les acquis réalisés en l’espacede ces 30 années, mais aussi les défis qu’il reste à relever aujourd’hui. Pour ce faire, onne s’est pas contenté de montrer les différentes facettes du partenariat particulier qui liela Suisse à cet État de l’Est de l’Afrique australe, mais on a aussi dressé un tableau del’évolution de la politique suisse de développement au fil du temps.